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Le Projet de l'acteur dans l'oeuvre littéraire et les problèmes génériques

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Jerzy Ziomek

Le Projet de l’acteur dans l’oeuvre

littéraire et les problèmes génériques

Literary Studies in Poland 9, 19-44

(2)

Jerzy Z iom ek

Le Projet de l ’acteur dans l ’oeuvre littéraire

et les problèm es génériques

i

Il sera ici question de l ’ac teu r d ans l ’oeuvre littéraire et pas seulem ent dans le dram e. Je le souligne dès le d ébu t afin de dévoiler les intentions polém iques de m on article et, à la fois, régler la dette que j ’ai contractée chez l’au teu r d o n t je vais con tester les opinions.

D ans l’article intitulé «Le Problèm e du dram e», publié d ’abo rd p a r Przegląd Filozoficzny (Revue P h ilo so p h iq u e)1 et ensuite re p ro d u it d an s le recueil Studia i szkice literackie (Etudes et esquisses littéraires), Stefania Skw arczyńska écrivait:

N o u s e n te n d o n s form u ler ici n ettem en t une thèse co n cern a n t le dram e et indiquer to u te s ses co n sé q u en ce s théoriq ues. C ette th èse est que le d ram e n ’entre pas dans le cad re de l ’art littéraire, q u ’il n ’est pas un genre littéraire et que, par c o n sé ­ q u e n t, il n ’y a pas de place p our lui d an s la sy stém a tiq u e d es genres littéraires; q u ’il est un art d istin ct, sp écifiq u e et que sa p lace est d o n c d an s la systém atiq u e d es arts, à cô té de l’art littéraire, de la p ein tu re, de la sculp tu re, de la m usique, de l ’architecture, e tc .; q u ’il devrait être co n sid ér é par la théorie de la littérature u n iq u em en t c o m m e un p h én o m èn e lim itr o p h e 2.

M adam e Skw arczyńska précise q u ’il ne s ’agit pas d ’une thèse absolum ent nouvelle, p u isq u ’elle a été avancée p ar des chercheurs allem ands et russes, m ais q u ’il convient de l’étayer au m oyen de nouveaux argum ents. Elle a réuni et m ultiplié ces argum ents d ’une m anière très conséquente dan s les années suivantes, de sorte que

1 X L V , 1949, N os 1 - 2 .

2 S tu d ia i sz k ic e lite ra c k ie (E tu d es e t esq u isses litté ra ire s), W arszaw a 1953, p. 95.

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l’on peut, à vrai dire, parler d 'u n e école théâtro log iq ue spécifique que nous étions en d ro it de baptiser école de Skw arczynska.

Skw arczynska a des zélateurs et des adversaires. D u ra n t vingt et quelques années sa théorie a suscité des controverses p o u r fina­ lem ent fo urn ir le sujet d ’un livre sérieux \ Je ne vais donc pas relater cette discussion et je m ’en tiendrais à déclarer que je suis d ’accord avec A rtu r H utnikiew icz p o u r lequel «le dram e est une oeuvre lit­ téraire adaptée et m êm e, dans la p lu p a r t,d e s cas, prédisposée à une réalisation scéniq ue»4, ce d o n t il ne résulte ce p end ant pas que cette « ad ap tation» réduise de quelque m anière que ce soit le caractère littéraire du dram e. Je pense aussi, com m e Ja n in a A bra- m ow ska, que

[ ...] la q u estio n «le dram e et le théâtre» ne co n stitu e q u 'u n e partie d ’un p rob lèm e p lu s général qui se laisse définir par la form u le: la littérature et le théâtre, ou m êm e la littérature et le sp ectacle. La situ a tio n du d ram e diffère u n iq u em en t par le fait q u ’il co n tien t un certain n om b re de directives d ’in terp réta tio n et que, p arfois, il co n stitu e aussi un projet (généralem ent in co m p let) de s c é n a r io 5.

Hutnikiew icz répliquait en 1954, A bram ow ska en 1970. Je ne veux pas dire p ar là que rien n ’a changé d ans la co nception théâtrale du dram e. R evenant à plus d ’une reprise à son sujet préféré, Stefania Skw arczynska précisait les détails de sa théorie, m ais sans p orter en principe atteinte à ses fondem ents m êm es, du m om ent que l’article publié en 1961 6 a pu être repris en 1970, sans changem ents essentiels et sous le même titre, dans un recueil d ’études et a rtic le s7.

5 S. D ą b r o w s k i , T eoria g en o lo g iczn a S te fa n ii S k w a rc zy ń s k ie j. P ró b a a n a lizy

i k r y ty k i (La Théorie g én o lo g iq u e de S tefa n ia S k w a rc zy n sk a . E ssa i d ’a n a ly se e t de critiqu e), G d a ń sk 1974.

4 A . H u t n i k i e w i c z , « C zy dram at jest d ziełem lite r a c k im ? » (Le D r a m e est-il ■ une oeu vre littéraire?), D z is i J u tro , 1954, N ° 42. Cf. ég a lem en t M. J a s i ń s k a , S. S a w i c k i , « Przegląd p o lsk ich prac teo rety czn o litera c k ic h z zak resu g e n o lo g ii. 1 9 4 4 — 1957 » (R ev u e d es travaux p o lo n a is de th é o rie littéraire du d o m a in e de la g é n o lo g ie . 19 4 4 — 1957), Z agadn ien ia R o d za jó w L ite ra c k ic h , 1958, v o l. I, p. 153.

5 J. A b r a m o w s k a , «L iteratura — dram at — teatr» (L ittérature — d ram e — th é â ­ tre), D ialog, 1970, N ° 12, p. 144.

6 « N iek tó re p rak tyczn e k on sek w en cje teatralnej teorii dram atu » (C ertaines c o n sé q u en ce s p ratiqu es de la th é o rie théâtrale du d ram e), D ia lo g 1961, N ° 10.

7 W o k ó ł tea tru i lite ra tu ry (A u to u r du th éâ tre e t d e la litté ra tu re ), W arszaw a 1970, p. 2 7 - 3 3 .

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Le P ro jet de l ’a cteu r 21

Je me perm ets de résum er en quelques thèses les idées de Stefania Skw arczynska:

a. R en o u an t avec A ristote (d’ailleurs pas to u jo u rs bien com pris), la science traditionnelle de la littératu re range le dram e, à côté de la poésie lyrique et épique, parm i les genres littéraires.

b. La classification des arts d oit être fondée sur la particularité de la m atière d an s laquelle a été ciselée la form e d é f i n i t i v e de l’oeuvre.

c. Il y a des arts qui ne fo n t appel q u ’à une seule m atière (par ex. la m usique) et d ’autres qui usent de plusieurs (par ex. le ciném a). Ce dernier cas est aussi celui de l’a rt dram atico-th éâtral.

d. De la co n statatio n q u ’il existe un art dram atico -th éâtral résulte q u ’il y a u n genre dram atico -th éâtral. C e genre doit être appelé dram e th éâtral ou dram e p ro p rem en t dit. Son texte écrit n ’est pas l’enregi­ strem ent de sa form e com plète et définitive. D u d ram e théâtral, il fau t distinguer le dram e littéraire (ce term e corresp on d à peu près à l ’allem and Buchdrama ou Lesedrama). Ce d ram e est un genre littéraire car sa form e définitive est une form e linguistique. Il est d onc une oeuvre destinée à la réception p a r l’écoute ou la lecture. P a r sa form e dialogique, «il rappelle dans une certaine m esure le dram e th é â tra l» 8.

Je vais essayer de prendre m ain ten an t position p ar ra p p o rt à ces thèses, en esquissant chaque fois un prem ier brouillon des miennes.

A d a. Il est vrai que certaines écoles traditionnelles, co m p ren an t m al A ristote et son in terp rétatio n R enaissance (ou classique), reco u ­ ren t à la classification en trois genres. M ais c ’est là p lu tô t une h ab itu d e et un défaut des travaux d ’histoire littéraire q u 'u n e théorie consciente.

A d b. L a règle de p articu larité de la m atière en tan t que fo ndem ent de la classification des arts, si m êm e elle est juste, est difficile à app liq uer précisém ent au cas des arts usant de plusieurs m atières. La difficulté d ’ap plicatio n ne sau rait cependant affaiblir la justesse du postulat. C ’est donc au tre chose qui suscite le doute, n o tam m en t la n otio n de form e d é f i n i t i v e de l’oeuvre. Si celle-ci est com prise dans son acception philologique (en tan t que texte écrit conform e à la volonté de l’auteu r, texte ne varietur ou proche de cet idéal), il faut re m a rq u er que le term e n ’a pas d ’utilité p o u r

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nos considérations. P ar contre, si «définitif» doit signifier ici a u ta n t que «final», il ne reste plus q u ’à conduire la discussion séparém ent po u r chacune des parties, chacune des m atières de l’oeuvre. L ’oeuvre m usicale peut être une oeuvre artistiqu e entièrem ent achevée av an t de trouver place dans un spectacle th éâtral ou un film — en tan t que p ro d u it final. Elle peut être écrite spécialem ent p o u r le th éâtre ou le ciném a et p o u rta n t s’affirm er com m e une oeuvre souveraine avant même d ’avoir trouvé em ploi dans l’un de ces arts à m atières m ultiples, voire après avoir été em ployée ou m êm e sans jam ais l’être. Je doute d ’ailleurs que la n o tio n de «form e définitive» soit en général utile en génologie.

A d c. Il est vrai que l ’oeuvre th éâtrale est faite de plusieurs m atières, m ais il n ’en résulte pas q ue les m atières qui la co m p osen t ne soient pas, p ar ailleurs, souveraines. L ’au teu r pèche p a r m anque de conséquence: elle considère la m usique com m e un a rt à m atière unique (ce en quoi nous som m es d ’accord) et, en principe, ne lui refuse pas la souveraineté, bien que certains genres m usicaux ne se réalisent que dans l’opéra, donc d ans l’a rt théâtral. Pis encore, M adam e Skw arczynska dit que la p artitio n est «l’enregistrem ent de la form e définitive de l’oeuvre m usicale»9. S ’il en était asinsi, les oeuvres m usicales n ’existeraient que p o u r les rares spécialistes capables de lire les notes à voix basse.

Ad d. D istinguer le dram e littéraire ou livresque dan s l’o rd re d ’une classification est une chose très risquée. Le problèm e dem ande une appréhension historique pro céd an t p ar deux voies parallèles: l’histoire de la littérature en tan t que «production» et l’histoire de la littératu re en tan t que réception 10. Q u ’est donc, ou p lu tô t q u ’était donc das Buchdram al C ’était généralem ent une oeuvre im possible à réaliser du tem ps de l ’auteur, dans les conditions d ’une culture théâtrale qui n ’évoluait que lentem ent et difficilement. La littératu re et le théâtre ont connu des périodes de concorde qui ignoraient

9 L. c.

10 D a n s sa reten tissan te L itera tu rg esch ich te a ls P ro v o k a tio n (Frankfurt am M a in , 1970), H. R. J a u s s a n alyse d eu x ty p es d ’h istoire de la littérature: h istoire d e la p ro d u ctio n littéraire et h istoire de la réception (aud ien ce) de la littératu re. P er so n n e lle ­ m en t, il penche plu tôt en faveur d e la p ratiqu e d e l ’h isto ire d e la littérature du p oin t de vue du lecteu r, m ais in siste sur la co m p lém en ta rité nécessaire des d eux procédés.

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L e P ro je t de l'acteu r 23 le dram e livresque. Le conflit entre la littérature et le théâtre qui, en Pologne, s’est fait jo u r à l’époque ro m antiqu e, n ’a nullem ent c o r­ respondu à une période de faiblesse de la littératu re d ram atique ou d ’un retard de celle-ci p ar ra p p o rt au théâtre et à ses possibilités de mise en scène. A u contraire. Le caractère non scénique du dram e ro m an tiq u e ne signifie que sa non théâtralité au m om ent d o n n é ou d ans des conditions géographiques concrètes. J ’ose affirm er que la form e novatrice du théâtre fut plus souvent engendrée p a r une littératu re am o rp h e que p ar des doctrines théâtrales form ulées, postu - latives. M ais c’est déjà là un au tre problèm e qui exigerait une p rocédure de recherche distincte. Ce qui im porte ici, c ’est uniquem ent de constater que ce que Skw arczyńska appelle dram e littéraire est souvent plus th éâtral no n pas m a l g r é m ais g r â c e à son caractère littéraire.

Le problèm e du «dram e théâtral» s’est fait jo u r du tem ps et d ans l’esprit de la G ra n d e Réform e. Ce fut, peut-être, une revanche des gens du théâtre après des années passées au service de la littérature. O n pou rrait l’affirm er si ce n ’était que les idées sur le rôle créateur des «artistes de la scène» (Bühnenkünstler — et en ce sens non seule­ m ent les acteurs, m ais aussi, et peut-être su rto u t, les m etteurs en scène) ont été égalem ent form ulées p ar des au teu rs dram atiques. C ’est ju stem en t H o fm annsthal, le m êm e qui, avec une telle fièvre, se cherchait lui-m êm e dans diverses époques et tradition s littéraires, qui a parlé du caractère incom plet du dram e en tan t q u ’oeuvre d ’a rt n . Il y voyait u n phénom ène spécifique et affirm ait que le dram e est d ’a u ta n t plus incom plet que le d ram atu rge (ou plus exactem ent:

der dramatischer Dichter) est m eilleur. H ofm an n sth al n ’a tta q u a it pas

ici le m etteur en scène. Bien au contraire, com m e le dém ontre son analyse de l ’oeuvre de M ax R ein h ard t et de l’art de la mise en scène en g é n é ra l12.

N o u s n ’allons pas tran c h er si H ofm ann sthal avait raison ou non puisque le poète l’avait ou non un iqu em ent en ce qui concernait R ein h ard t, la G ra n d e R éform e, l'é ta t de la dram aturgie allem ande

11 A ce sujet cf. H . K i n d e r m a n n , D ie F unktionen d e s P u b lik u m s im T h ea ter, W ien 1971, p. 14.

12 H . v o n H o f m a n n s t h a l , A ufzeichnungen, ed . par H . Steiner, F rankfurt am M a in 1959, p. 327 sq.

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à l’époque, etc. Si j ’ai fait appel à son au to rité c ’est d ans le seul but d ’a ttirer encore une fois l’atten tio n sur le fait que le théâtralism e n ’est pas un attrib u t générique du dram e en op position à son caractère littéraire.

M a polém ique m anquerait de loyauté si j ’om ettais de citer encore un b re f passage de l’article de SkW arczyńska:

En c e qui c o n cern e par co n tr e la relation entre le dram e littéraire et l ’art d ra m a tico -th éâ tra l il faut c o n sta ter que le prem ier peut être u tile au se co n d , m ais u n iq u em en t en tant q u e m atériau pour une a d a p ta tio n d ram atu rgiq u e, genre de d ram e théâtral d o n t la sp écificité est s o u s -e s tim é e 13.

E t voilà. Ce qui est le p .o b lè m e le plus essentiel n ’est m entionné q u ’en passant. M ais à com prendre le term e « ad ap tation » dans son sens exact d ’«appropriation», on constate que to u te oeuvre écrite de­ m ande ad a p ta tio n p o u r devenir une oeuvre th é â tr a le 14. M ieux enco­ re, l ’archidram e exigera souvent un effort d ’ad a p ta tio n bien plus g rand q u ’une «pièce bien faite». O r q u ’est ce qui m érite mieux le nom de dram e: L es A ïeux, L a Basilissa Théophanou, L a Délivrance,

Rose, ou Ces hommes, ces hommes, Zabusia, M am an à prendre? M a

question n ’est en rien dém agogique. D u p oint de vue de l ’aptitu de théâtrale, c ’est-à-dire de l’inutilité d ’une ad a p ta tio n , ce sont ju stem ent Zalewski, Z apolska et G rzym ała-Siedlecki qui représentent le dram e théâtral, et non pas M ickiewicz, M iciński, W yspiański et Żerom ski. O n me dira que j ’ai choisi des exem ples com m odes en m ettan t d ’un côté des grands écrivains et de l’au tre des sim ples artisans. M ais ce n ’est pas l’effet du hasard si le dram e que Skw arczyńska dit th éâtral est beaucoup plus artisan al, ce qui ne signifie p as nécessaire­ m ent m auvais. P a r ailleurs, nous pouvons choisir d ’au tres exemples et co m p arer Rose à La Caille s'est enfuie. Lequel de ces deux dram es de Żerom ski est théâtral, et lequel littéraire? Je ne dem ande plus lequel est m eilleur. M ais peut-être faudrait-il d em an der lequel est plus th é a tra l? Le théâtralism e peut-il avoir des degrés de com p araiso n ? O ui, mais à co ndition que nous ne considérions pas le théâtralism e com m e une qualité invariable. Q uelque chose est plus ou m oins th éâtral en ce sens q u ’il est plus ou m oins proch e d ’u n m odèle de th éâtre bien défini: antique, m édiéval, classique, ro m antique.

13 S k w a r c z y ń s k a , W o k ó ł te a tru i lite ra tu r y , p. 28. 14 C f. A b r a m o w s k a , op. c it., p. 149.

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Le P ro je t de l ’a cteu r 25

G igantesque, B iom écanique, C ruel, donc aussi bien d ' u n m odèle historique que norm atif.

N o u s n ’éviterons les m alentendus q u ’en co nsid érant les rap p o rts en tre la littérature et le théâtre com m e une rétro-action, donc uni­ q u em ent en scru tan t les dispositions théâtrales dans la littératu re et les dispositions littéraires dans le théâtre. La littérature peut d ’une certaine m anière pencher vers le théâtre, et le th éâtre vers la littérature.

Q u an d Staiger écrit que le dram e n ’est pas l’effet de la scène, m ais q u ’inversem ent c ’est la nature m êm e du dram atiq u e qui exige le geste, le podium et le m a s q u e 15, il a d an s une grande m esure raison, bien que la no tio n même de dram atiq u e (das Dramutische) puisse susciter des doutes.

En revanche, S. W. D aw son em brouille et com plique le problèm e en voyant la n atu re du dram e dans ce q u ’il doit con stam m ent et inconditionnellem ent capter l’atten tio n du récepteur (spectateur). La dif­ férence entre le dram e et le poèm e ou le rom an consisterait donc dans ce que la lecture d ’un ro m an peut, et m êm e d o it souvent être in terrom p ue et reprise, tan dis que la réception du dram e est in interrom pue et im perturbable 16.

N o u s nous référons à D aw son p o u r deux raisons. Prem ièrem ent, son ouvrage, paru dans la collection, p ar ailleurs excellente, The Cri-

tical Idiom, revêt un caractère de vulgarisation encyclopédique, ce

qui im plique la m odératio n et le rend re p résen tatif des idées que professe un milieu de chercheurs suffisam m ent large. D euxièm em ent, c ’est un ouvrage significatif par ses erreurs, exactem ent celles p ar lesquelles pèche égalem ent la théâtrologie polonaise. P o u r définir les traits spécifiques du genre, D aw son prend com m e base la réception, et seulem ent elle. A yant adm is que la destinée du dram e est sa réalisatio n théâtrale, il identifie l’oeuvre théâtrale à l’oeuvre littéraire. Ensuite, il ne se soucie plus des différences entre le poèm e (la poésie) et le rom an, étan t donné que prévaut co n tre elles tou tes un seul tra it spécifique com m un : la possibilité d ’interrom p re et de reprendre la lecture. D ans ses idées, D aw son m anifeste plus d ’esprit de suite

15 E. S t a i g e r , G rundbegriffe d er P o e tik , Z ürich 1951, p. 186 sq. C f. M . R. M a y e ­ n e r n a, P o e ty k a te o re ty c zn a (P o é tiq u e th éo riq u e), W rocław 1974, p. 37.

16 S. W . D a w s o n , « D r a m a and the D r a m a tic » , The C r itic a l Id io m , L o n d o n 1970, N ° 11, p. 12.

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que Skw arczyńska, ce qui signifie q u ’il est aussi plus intransigeant. A dire vrai, le chercheur anglais ne laisse aucune place au d ra ­ me dit littéraire.

2

N o u s allons donc com m encer la discussion en p a rta n t de ce point de vue, p o u rta n t peu com m ode p o u r un tenant du parti littéraire. A d m etto n s que le dram e ne p rend sa form e ap p rop riée et ne reçoit to u t son équipem ent artistique q u ’avec sa réalisation. Ceci adm is, une qu estion se pose im m édiatem ent: quelle réalisatio n? D onnerons- nous ce nom à la mise en scène, com prise dans son sens presque étym ologique d ’«introduction» sur la scène? O u s’agit-il de l ’associa­ tion du dram e avec les autres arts (la peinture, la sculpture, l’architecture, donc to u t ce qui com pose la scénographie, avec la m usique com m e com plém ent)? — c’est-à-dire du th éâtre com pris com ­ me u n art fait de plusieurs m atières (ce qui ne veut pas dire q u ’il en soit la simple somm e). A v an t de repousser le dram e vers l’extrêm e limite des genres littéraires, d em and on s ce que l ’art du th éâtre et l’oeuvre th é â tr a le 17 .ont de spécifique. La littérature, q u a n t è elle, existe égalem ent en 'dehors du th éâtre d ’une m anière au to n o m e et souveraine. Il en va de m êm e de la m usique, de la pein tu re, de la sculpture et de l ’architecture.

L ’a ttrib u t spécifique de l ’art du th éâtre est l ’acteur, spécifique parce q u ’il n ’existe pas dans les autres arts et que sans lui il n ’y a u ra it pas de théâtre.

R estons-en à cette déclaration, car nos co nsidératio ns ultérieures ne p o rte ro n t ni sur le com édien, ni sur ses fonctions professionnel­ les et artistiques, m ais sur le système co m m u n icatif de l’oeuvre et su r le projet d ’exécution que l’on découvre d ans ce système.

Les term es « exécution » ou « exécutant » ne sont ni aussi évi­ dents, ni aussi clairs q u ’on p o u rra it le croire. C h erch an t l’équiva­ lent d u m ot polonais wykonawca (exécutant) dans les au tres langues, nous co n staterons p o u r la n-ième fois que les term es de spécialité subissent la pression de la structu re superficielle de chaque langue n ationale.

17 J 'a p p elle « oeu vre théâtrale» la structure in variab le du sp ec ta cle, c o m p o sé e de to u te s les ex écu tio n s et, p artant, n u llem en t id en tiq u e à la prem ière rep résen tation .

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Li> P ro je t de l ’a cteu r 27 Le term e polonais wykonawca, dans le sens oü nous l’utiliserons plus loin, équivaut en principe à l’anglais perform er et au russe

ispolnitiel. Il est déjà plus difficile de trouv er un équivalent en alle­

m and, car il faut ici décider de quel exécutant et de quelle exécu­ tion (dans quel a rt) il s ’agit. Der Vortragende, con cern an t l ’artiste en général, est un term e tro p large; l’exécutant-m usicien sera p o u r un A llem and der Interpret, m ais dans un sens p roche du co ntexte: vous allez entendre cette oeuvre dans l’in terp rétatio n de M o nsieu r X. E t c ’est précisém ent parce que to u t art d ’exécution est une in te r­ p rétatio n , que cette trad u c tio n du term e ne nous convient pas. Le plus proche de n o tre p ropos sera der Darsteller, étan t do nné q u e ce m ot se ra p p o rte exclusivem ent à l’exécutant-acteur et, en to u t cas, à q u elq u ’un qui, p o u r l’exécution, em ploie son corps et d o nc ég a­ lem ent sa voix. L ’allem and dar stellen signifie « représenter » (cf. le concept d ’In gard en: die dargestellte Gegenständlichkeit — l’objet re p ré­ senté), m ais aussi « présenter », « im ager », « créer » et même « décri­ re » (darstellende Geometrie = géom étrie descriptive), m ais se distingue de vorstellen qui veut dire « présenter », « représenter », « m o n ter une rep résentation », « présenter q u elq u ’un à q u elq u ’un d ’a u tre », « s ’im aginer » (sich vorstellen), « signifier ».

En français, nous choisirions cependant de dire l ’acteur p o u r réserver — à la suite de J. D u v ig n a u d 18— le term e de comédien à la désignation du m étier, de la profession de l’acteur.

T o u t acteu r est donc un exécutant, m ais tou t exécutant n ’est pas nécessairem ent un acteur. C ’est que la littérature, elle aussi, est ouverte et atten d son « exécution » de diverses façons, pas seu­ lem ent p ar le théâtre.

La conception que nous développons ici n ’a que peu de choses en com m un avec la théorie de l’oeuvre ouverte d ’U m b erto Eco, et su rto u t avec l’identification de l’exécutant — virtuose ou ac te u r — au le c te u r19 qui, lui-aussi et sans justification approfon die, est ég a­ lem ent appelé exécutant. D ire que le lecteur « exécute » une oeuvre littéraire ne peut être q u ’une image servant à ra p p ro ch e r de nous ce phénom ène com plexe que nous connaissons sous le nom plus juste et plus précis de « concrétisation » ou d ’« actualisation ». Le

18 J. D u v i g n a u d , L ’A cteu r. E squisse d ’une so c io lo g ie d ’un com édien, P aris 1965. 19 U . E c o , L a stru ttu ra a ssen te, M ila n o 1968.

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p ou vo ir q u ’a l’oeuvre littéraire d ’éveiller chez le lecteur des im ages et des ém otions définies est quelque chose de to u t à fait différent de cette p ropriété de l’oeuvre (ou m ieux: du genre) que je voudrais définir com m e l’atten te ou l’exigence d ’une entrem ise, c ’est-à-dire d ’une exécution. L ’exécution de l’oeuvre ne limite en rien ni les droits du récepteur, ni ses facultés d ’im agination, d ’ém o tion ou d ’in ­ terprétation.

Q u an d nous disons q u ’une oeuvre atten d ou exige d ’être exécu­ tée, nous ne pensons pas à u n exécutant (acteur) concret, individuel, m ais au projet de l ’acteur auquel revient le statu t du rôle. Ê tre un rôle signifie être inscrit dans « les relatio ns personnelles de la co m m u ­ nication litté r a ir e » 20. La relation entre l’acteur pro jeté et l’acteu r réel est la m ême q u ’entre le récepteur virtuel et le lecteur concret.

Le concept de p rojet de l’acteur ou, plus largem ent, de p ro jet d ’exécution inclus dans l’oeuvre, tend à rem ettre en question la théorie th éâtrale du dram e et ce d ’une m anière un peu perfide, car no n pas en lim itant, m ais en élargissant son applicabilité. Il suffit d ’adm ettre l ’idée que to u te oeuvre littéraire est inachevée, com m e inachevé est le dram e, p o u r q u ’ap paraissent im m édiatem ent les fail­ les de la théorie théâtrale d u dram e.

Ce n ’est pas une pensée tellem ent nouvelle. Les folkloristes savent fo rt bien distinguer entre le héros, le sujet et l’exécutant (a c te u r)21. L ’acteu r n ’est pas identique au sujet, m ais il sim ule ce sujet, se livre au jeu des possibilités d ’incarnatio n et d ’éloignem ent.

20 C f. A . O k o p i e ń - S ł a w i ń s k a , « R elacje o so b o w e w literackiej k o m u n ik a cji » (Les R e la tio n s p erso n n elles d a n s la c o m m u n ic a tio n littéraire), [dans:] P ro b le m y so c jo ­

lo g ii lite ra tu ry (P ro b lèm es de so c io lo g ie de la litté ra tu re ), ss la dir. de J. S ła w iń sk i,

W ro cła w 1971, p. 1 0 9 - 1 2 5 .

21 M a y e n o w a , op. c it., p. 160, écrit q u e « c h a q u e texte littéraire sim u le u n e situ a tio n de c o m m u n ic a tio n oü so n in térieu rem ent inscrits l’ém etteu r et le récepteu r », d esq u els n o u s d istin g u o n s le récepteur et l’ém etteu r réels q u i se tro u v en t en d e h o r s du texte. P lus loin l ’au teur a jo u te: « C ette situ a tio n ch a n g e d an s le fo lk lo r e o ü , d a n s un certain sens, l ’exécu ta n t (acteur) d evien t l ’ém etteu r réel ». A m o n avis, l ’acteu r fo lk lo r iq u e ne se m ue p a s en ém etteu r réel, m a is j o u e c o n tin u e lle m e n t son rôle. Il faut seu lem en t p réciser q u e, d a n s le fo lk lo r e a n o n y m e, ce rôle c o n siste à se fo n d re d an s la c o m m u n a u té, de sorte q u e la fron tière séparant l ’a u teu r de l ’acteu r est p lu s fo rte m en t effacée q u e d an s la cu ltu r e sa v a n te. U n e q u estio n à part est c e lle du d roit de l’acteur fo lk lo r iq u e à d even ir au teur en a joutan t au texte prim aire des stro p h es de son cru.

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L e P ro je t de l ’a cteu r 29

C ’est un m ode sim ilaire d ’étude de la littératu re que suggérait K. Wôycicki lo rsq u ’il écrivait que « chaque oeuvre con tient en soi égalem ent une certaine façon de l’e x p r im e r» 22. Les folkloristes et les versologues ne se ren d aien t peut-être m êm e pas com pte du poids et de l’am p leu r du problèm e q u ’ils soulevaient. D ans ce d o ­ maine, l’ouvrage de V inogradov p aru en 1930, O hudozhestvennoy

proze, était et reste un travail de pionnier. Il serait difficile de

dire que c ’est un livre ignoré ou sous-estim é, m ais je m e perm ets de supposer que les théâtrolog ues ne l’ont pas lu avec tro p d ’a tte n ­ tion.

P our peu que l’exécution d ’une oeuvre n ’ait pas le caractère d ’une simple co m m unication de l’expression poétique, elle définit un autre m ode d ’existence de l’oeuvre d ’a rt littéraire. D e ce p o int de vue, la science de la langue artistique de l’oeuvre littéraire et la science de la parole artistique articulée sont deux disciplines fo n d a ­ m entales, auton om es et distinctes, usan t chacune de m éthodes spé­ cifiques. Le lien entre elles existe cependant. M ieux encore, n om b re d ’oeuvres littéraires sous-entendent la possibilité d ’une transp osition sur le plan du discours, de l’expression orale, et — p a r là m êm e — contiennent déjà en soi certains germ es de leur réalisation.

R em arquo ns que V inogradov parle ici de « nom breuses » oeuvres littéraires et non pas du dram e. U n peu plus loin, il est vrai, il scrute expressis verbis les ra p p o rts entre les form es « théâtrales » et strictem ent « littéraires », m ais cette distinction ne tend pas à rejeter quelque genre q ue ce soit en dehors du dom aine de la littérature. D ’ailleurs, V inogradov ne ra p p o rte q u ’indirectem ent les n otion s de littéraire et de th éâtral à la catégorie des genres:

Les relation s récip roq u es entre les fo rm es « th éâtrales » et strictem en t « lit­ téraires » d an s les co n str u c tio n s de la p o ésie et de la p rose p eu ven t être étu d ié es du p oin t de vue n o n seu lem en t th é o riq u e m ais éga lem en t « é v o lu tif ». La su p ­ p o sitio n s ’im p o se ici, par ex em p le, q u e les genres littéraires qui fuient les fo rm es d e la lan gu e c o u ra n te m o d è len t leu rs fo rm e s c o n stru ctiv es sur les fo r m e s et les principes de la d écla m a tio n (cf. par e x e m p le l ’a n cien n e littérature russe en tièrem en t d éta ch ée d es fo rm e s de la lan gu e « vu lgaire » cou ran te).

-- K. W ô y c i c k i , F orm a d źw ię k o w a p r o z y p o ls k ie j i w iersza p o ls k ie g o ( Im Form e sonore de la p ro s e p o lo n a ise e t du vers p o lo n a is), W arszaw a 1912, p. 17. C f. J. M a y e n , O s ty lis ty c e u tw o ró w m ów ion ych (D e la s ty lis tiq u e d e s oeu vres o rales), W rocław 1972,

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Le théâtrale et le littéraire servent ici à faire la distinction entre la parole articulée et le verbe écrit. A insi interprétée — dit Vi­ nogradov — le théâtralism e ne peut être étudié d ans le dram e en tan t q u ’oeuvre littéraire que sur un plan ab strait idéal. E n ce sens, le théâtralism e est un a ttrib u t possible ou m êm e souhaitable du dram e, m ais il convient égalem ent aux au tres m oyens d ’expression. Il s’ensuit que le dram e p eu t être to talem ent ou partiellem ent d é­ pourvu du théâtralism e ainsi conçu. A cet end ro it, l’idée de Vi­ nogradov com m ence toutefois à se com pliquer et à s’em brouiller. Le term e' « d ram atiq u e » prend une valeur polysém ique :

É galem ent ici, d ans le d o m a in e du dram e, il co n v ien t d ’étu d ier les m o y en s em p lo y és pour lier les co n stru ctio n s d ia lo g iq u e s aux diverses fo rm es de la p arole: orale, ou se u le m en t c o n ç u e p ou r q u ’o n se l ’im agin e c o m m e « articu lée » sur tel ou tel plan d ’« in to n a tio n », et enfin p arole to ta lem en t libérée de la sém an tiqu e d es g estes, de la m im iq u e et des in to n a tio n s vivan tes. C et en ch a în em en t de c o llisio n s entre les artifices de la c o n stru ctio n d ram atiq u e littéraire et les fo rm es de la lan gu e d o n t la p u issance dram atiq u e «théâtrale» se m b le d écroître, exige d ’être scruté et exp liq u é d ’une m anière a p p ro fo n d ie (L esedram en ).

Il n ’est pas difficile de constater que, d an s ce b re f passage, le term e « d ram atique » a été em ployé dans au m oins deux sens: une fois en tan t q u ’a ttrib u t de la langue qui exige d ’être com plété p a r d ’autres systèmes sém iotiques naturels, tels que le geste et la m im ique, et une deuxièm e fois en ta n t que term e du dom aine de la poétique signifiant le déroulem ent d ’événem ents présen tan t une structure de ten ­ sions particulière. De là vient l ’in terp rétatio n p ro bab lem en t fausse du Lesedrama en ta n t q u ’enchaînem ent de collisions entre la co n ­ struction et la langue; entre la constru ction prétendum ent nantie d ’artifices dram atiq ues et la langue prétendum ent dépourvue de p ro ­ priétés théâtrales. E n fait, le Lesedrama use très souvent, sinon généralem ent, d ’une langue poético-théâtrale, tand is que, dans sa co n ­ struction, il s’éloigne des règles éprouvées de la culm ination d ra m a ­ tique. C om m e j ’y ai déjà fait allusion, la controverse sur le L ese­

drama n ’est pas une querelle concernant la langue, m ais une discus­

sion sur le ra p p o rt entre la littératu re et le th éâtre ou*, de façon plus précise et plus large, entre la littératu re et les arts d ’exécution

(cinéma, radio, télévision).

Je tends vers une thèse affirm ant que chaque énonciation litté­ raire (ou p aralittéraire) contient en soi un exécutant (acteur)

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pro-L e P ro je t de l ’a cteu r 31 jeté qui, n ’étan t p as un personnage réel m ais uniquem ent un rôle,

a des propriétés co m p o rta n t des degrés de com paraison et, p arta n t, existe plus ou m oins. C ette façon d ’ap p réh en d er le problèm e p er­ m ettra d ’ap p o rte r une au tre solution à une série de controverses classiques de la théorie de la littératu re, controverses concernan t n o tam m en t le caractère secondaire ou la souveraineté de la lit­ téra tu re en ta n t q u ’enregistrem ent; l’app arten an ce à la littératu re d ’au tres m atières accom pagnant la parole et l ’écriture, appelées co- m atières ou m atières disponibles 2?; ou encore le développem ent de la cu ltu re littéraire à l’époqu e des nouveaux mass media.

V oulant percevoir les dispositions exécutives inscrites dan s les genres littéraires au tres que le dram e, il suffit de peu de choses: d ’un brin d ’an ticipation ou d ’un peu de conservatism e étayé p ar une lecture attentive. Il suffit à vrai dire d ’ad m ettre l’idée que nos m oeurs et coutum es ne sont ni définitives, ni rationnelles. N o u s vivons à l’ép oque de la G alaxie G u te n b e rg 24 qui, q u ’elle en soit à son

2? D 'a p rès S ch legel, à la littérature n ’ap p artient que ce qui n ’a pas b eso in d ’un autre m atériau ch arn el. C ette idée a d ésa streu sem en t p esé sur la théorie de la littéra ­ ture au X I X e siècle. Le c o n cep t de co -m a tières ou de m atières d isp o n ib les forgé par S. S k w a r c z y ń s k a est un essai de récon cilier la littérature avec la n on- littérature suivant le p rin cip e suum cuique (cf. W stęp do n a u k i o lite ra tu rze — In trodu ction à la scien ce de la litté ra tu re , v ol. 2, W arszaw a 1954, p. 33). En ce

qui c o n c e r n e l ’h istoire de ce prob lèm e, voir S. D ą b r o w s k i , « Z a k w e s tio n o w a n ie tezy o w y łą czn o ści tw orzyw a ję z y k o w e g o w dziele literackim (M ise en d o u te de la th èse sur l’ex clu siv ité du m atériau lin g u istiq u e d a n s l ’oeu vre littéraire), [dans:] K on ­

te k s ty n a u k i o litera tu rę (C o n te x te s de la science d e la litté ra tu re ), ss la dir. de M . C zer­

m ińsk a, W ro cła w 1973, p. 146 sq. P our ce qui est de la p ro so d ie du texte en registré et p ro n o n cé ora lem en t, voir M a y e n o w a , op. c it., p. 382 sq.

24 M . M c L u h a n , The G u ten berg G a la x y , L o n d o n 1967 (trad u ction française:

La G a la x ie G u ten berg, M on tréal 1967). Il me se m b le que M cL u h an su restim e le

rôle d es tech n iq u es électro n iq u es et de la rév o lu tio n d an s les m o y en s de c o m m u ­ n ication liée à leur e m p lo i, et aussi que sa d istin ctio n entre les m o y en s froid s (p. ex. la té lé v isio n ) et ch a u d s (p. ex. la rad io) est fausse, et enfin q u ’il m anq u e de pru d en ce en affirm ant q u e le m o y en de c o m m u n ic a tio n d ev ien t lu i-m êm e c o m ­ m un iq u é. C eci dit, il a raison de d istin g u e r d a n s l ’h isto ire de la cu lture l ’é p o q u e q u ’il b a p tise G a la x ie G u ten b erg , ép o q u e d o n t l ’im p o r ta n ce d ép asse le cadre des tech n iq u es de d iffu sio n . L ’adversaire de M cL u h a n , J. M i l l e r d o u te que la lecture « silen cieu se » ne so it en trée en usage q u ’après l ’in v e n tio n de l ’im prim erie p ou r se su b stitu er à la lecture à v o ix h au te du m anu scrit, lectu re qui ja d is « revêtait le texte de la ch a u d e to n a lité de la p arole» (S p ó r z M cL u h an em — C o n tro verse a vec

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term e ou ne fasse q u ’évoluer, n ’est certainem ent p as la form e finale de notre culture.

Jadis H om ère était chanté, alors q u 'a u jo u rd ’hui on le lit. Est-ce uniquem ent parce que l’im prim erie a dém ocratisé H om ère et l’a rendu accessible p a r la lecture à tous ceux qui en ont le désir? Les m oyens de com m unication influent certainem en t sur les changem ents de la culture: l’im prim erie a en quelque sorte rendu l’aède inutile en tan t q u ’interm édiaire; en revanche, la rad io et la télévision o n t appris à chan ter des poésies autrefois destinées à être lues.

M ais que veut dire « destinées » à être lues, chantées, déclam ées? Précisons to u t d ’ab o rd que la d estin atio n à u n m ode quelconque de réception n ’équivaut pas ici à la volonté de l ’au teu r. Les term es tels que « destination » ou « p rojet » o n t un sens génologique : être destiné à l’exécution signifie avoir des dispositions exécutives d éter­ minées.

En ce sens, nous d iro n s que l’épopée a des dispositions exécu­ tives déterm inées, au trem en t dit que l’épopée im plique son aède, com m e le dram e im plique ses acteurs. Il peut arriv er q u ’au b o u t d ’un certain tem ps ces dispositions cessent d ’être com prises et suivies, ce qui cependant ne signifie nullem ent q u ’elles aient cessées d ’exister génériquem ent. M êm e lu à voix basse, H om ère ne cesse pas d ’être un chan teur, aède ou rhapsode, étan t donné que les dispositions exécutives épiques dem eurent à l’état latent dans l’oeuvre, to u t com m e le théâtralism e de Térence est resté latent pen d an t plusieurs siècles du m oyen âge, alors q u ’on im itait cet a u te u r sans com pren dre quel am énagem ent est ce theatrum.

Il est difficile de dire com bien de tem ps ces dispositions resteron t de préciser la d ate de l ’in v en tio n de la lecture « silen cieu se ». La trad ition veut que S. A m b r o ise (v. 3 3 9 — 397) ait su lire ain si, év eilla n t l'a d m ira tio n de ses co n tem p o ra in s, tou t c o m m e su scite l ’éto n n e m e n t d es p ro fa n es d ’a u jo u r d ’hui la lecture silen cieu se des p a rtitio n s m u sicales. Par ailleu rs, il y avait (et il y a p eut-être en co re) au X X e siècle d es gen s q u i ne savent lire, m êm e les im prim és, q u ’à v o ix h au te o u tout au m o in s à v o ix basse. 11 n ’e m p èch e q u e le p ro b lèm e de la G a la x ie G u tenb erg ex iste et q u ’il a été ju d icieu sem en t p o sé, bien que pas to u jo u rs ju d ic ie u s e ­ m ent résolu , par le sa v a n t ca n a d ien : c ’est le p ro b lèm e du d éclin de la culture d ’e x é c u ­ tio n so u s l'in flu en ce de l ’im prim erie et celui de sa ren a issa n ce c o m m e par un acte de réb ellion co n tre l ’im prim erie. En ce qui co n cern e l ’aèd e et le rh ap sod e h o m é r i­ ques, voir T. S i n k o , Z a r y s h isto rii lite ra tu ry g r e c k ie j (P ré c is d 'h isto ire de la litté r a ­

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Le P ro je t de l'acteu r 33

latentes. P eut-être le rh apso de ressuscitera-t-il dan s « le théâtre d ’un seul acteur », peut-être a-t-il d isparu à jam ais. Il n ous est perm is d ’errer dans nos prévisions, m ais il nous est interdit d ’absolutiser d ’une m anière ah isto rique les expériences de cinq siècles de l’im pri­ merie. U sant des in stru m ents de la poétique historique, nous dirons que les dram es de Térence n ’ont pas cessé d ’être des dram es th éâ­ traux même q u an d on ne faisait que les lire, étan t d onné que le théâtralism e re sta it gravé dans leur stru cture com m e dans une m ém oire.

U n problèm e vraim ent difficile est ici la relatio n entre les d isp o­ sitions exécutives structurelles et le cadre m odal hors texte, ap p a rte ­ n an t à la culture largem ent com prise. Il est relativem ent facile de saisir cette relation dans le cas où le cad re m odal culturel «ne com p ren d pas » le texte et « étouffe » ses dispositions exécutives, com ­ me on l’a fait avec le dram e an tique à une certaine période du moyen âge, ou com m e nous le faisons a u jo u rd ’hui avec l’épopée antique. Il est déjà beaucoup plus ard u de décrire ce qui se passe q u an d le cadre m odal culturel m et en oeuvre une situ atio n exécu­ tive qui ne p o u v ait exister à la naissance de l’oeuvre. Je pense ici, p a r exemple, à la « filmogénie » d ’un ro m an an térieu r à l’invention du ciném a, ou à la « radiogénie » de rom ans, dram es, dialogues ou articles d a ta n t d ’avan t l’invention de la télégraphie sans fil. Il ne s ’agit ici nullem ent d ’un problèm e fictif m éritan t to u t au plus un haussem ent d ’épaules. En effet, p arler de la « filmogénie », disons, du Torn Jones de Fielding, est soit un non-sens, soit, dan s le m eilleur cas, un raccourci substitué à la d ém o n stratio n développée du style im agé de l’intrigue, du soutenu de l’actio n, de l’objectivité de la n arratio n , etc., c ’est-à-dire de tous les traits caractéristiques q u ’on t en com m un, p ar un hasard plus ou m oins grand, certains types de rom ans et certains genres filmiques. M ais, q uan d W itold H u- lewicz p ro g ram m ait à la radiodiffusion de W ilno les Dialogues de P laton et d ém o n trait que c’est un écrivain très rad iop ho niqu e, ce raccourci, bien q u ’un peu badin, signifiait et signifie to u t au tre chose et m érite la plus grande atten tio n . P lato n à la rad io est un cas particulier, m ais rare, d ’un phénom ène qui consiste d ans ce que la culture d ’exécution s’est servie de nouveaux m oyens techni­ ques p o u r réellem ent ran im er les dispositions incluses dans l’oeuvre. Ainsi, p ar exemple, c ’est avec l’invention de la ra d io que s’est

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développée ou renouvellée la culture de la dispute, de la discussion en public, devant tém oins.

D ans les recherches sur le dram e et le théâtre, le théâtralism e est très souvent considéré com m e un a ttrib u t invariable; ce faisant, on oublie une chose aussi évidente que l’évolution du th éâtre en ta n t q u ’am énagem ent. O r chaque dram e ancien exige a u jo u rd ’hui une ad a p ta tio n . D ans ce sens, Eschyle, le plus th éâtral de tous, est su r la scène d ’au jo u rd ’hui un anachronism e au m êm e titre que P lato n à la radio.

3

En ta n t que l’un des élém ents de la définition du genre, la situ atio n exécutive avait déjà préoccupé A ristote. O n sait q u ’il énum érait six p arties com posantes de la tragédie. C om m e la trad u ctio n des term es aristotélien s suscite pas mal de difficultés et de m alentendus, citons- les d an s l’original : m ÿîhos, éthos. léksis, diânoia, ôpsis, mélos (me-

lopoiia) (Arist., Péri poietikês, VI, 6 )2-\ léksis désigne to u te l’articula

tion de l'affabulation et des personnages au m oyen du langage. Le latin trad u isait diânoia p ar sententia. Il s’agit là non seulem ent des «pensées exprim ées par le n a rra te u r ou les personnages », m ais de 1’« idée » et, parfois, de la « m orale ». Q u ant à ôpsis et mélos, c ’est to u te ac tio n faisant appel à la vue et à l’ouïe. C ’est précisém ent le projet d ’exécution.

A ristote expliquait les fonctions de ôpsis et mélos sur l’exem ple de la tragédie en tan t que genre le plus noble, m ais les ra p p o rta it à la littérature en général. Q u an t à l’épopée, il écrivait q u ’elle devrait avoir les m êmes genres que la tragédie (XXIV, 1), m ais s’en distinguer par la longueur et le m ètre (XXIV, 3). Q ue la présen­ ce et le degré de présence des différents élém ents constitutifs d o i­ vent participer à la définition du genre, on en trouve la preuve d an s la co n statatio n que sans action il ne p o u rrait y avoir de tragédie, tan d is que sans caractères elle est possible (VI, 8). Possible veut

25 T rzy p o e t y k i k la sy c zn e . A r y sto te le s . H o ra c y. P seudolonginos ( T rois p o é tiq u e s

cla ssiq u es. A risto te . H orace. P seu do-L on gin ), trad., introd. et c o m m . de T. S in k o ,

W r o c ła w 1951, p. 14. J ’u tilise ici l’é d itio n sy n o p tiq u e: A risto telo u s, P éri p o ie tik ê s. A r is to ­

te le s, P o e tik . übers, von W. S ch ön h err, D urchs, u. A nm erk. von . E. G. S ch m id t,

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Le P ro jet de l ’a cteu r 35

dire q u ’entre les diverses sortes de tragédies, certaines se passent de caractères, tan d is que d ’au tres s’ap pu ient ju stem en t sur eux. Ces dernières sont p o u r A ristote des tragédies « éthiques » (X V III, 2) [de éthos = caractère].

R evenant à A ristote, nous to u rn o n s au to u r d ’un problèm e ex trê­ m em ent difficile, à savoir la définition du genre littéraire. Il me sem ble que l’aristotélism e offre une piste particulièrem ent attra y an te p o u r les considérations génologiques. C ’est la piste q u ’a suivie N. Frye dans son A natom y o f Criticism, ouvrage parfois tro m p eu r, m ais to ujo u rs digne d ’atten tion.

V oyant com bien divers et hétérogènes sont les facteurs qui c o m ­ posent la n otion de « genre », Frye a proposé d ’établir une distinction entre les genres et les m odes. Les genres seraient déterm inés p a r les relations entre l’auteur, le personnage et l’auditoire, ainsi que p ar les rythm es. La n o tio n de m ode est com posée de la signification et de l’im portance soit du personnage, soit de l’au teu r et d u récepteur. Le m ode oü prédom ine le personnage est dit fictionnel, tandis que celui oü dom ine l’au teu r tourné vers le récepteur est le m ode thém a­

tique.

L ’épique est un genre parlé, oü sont présents l’au teu r et l’a u d i­ toire, tand is que les personnages sont absents. Le dram e est un genre « jo u é », avec la présence de personnages et d ’un auditoire. Le genre lyrique est chanté, l’au teu r étan t présent, tandis que les personnages et l’audito ire sont absents. Enfin, le q uatrièm e genre que Frye, à la m anière anglo-saxonne, appelle the fiction, est «écrit» , m ais dépourvu d ’au teu r et de personnages.

Il serait difficile d ’accepter une pareille classification s’il fallait com prendre à la lettre et d ’une m anière dichotom ique la présence ou l’absence de personnages, d ’au teu r et d ’auditoire. En revanche, si tous les élém ents du système de com m unication, les rythm es et les m odes, devaient être com pris com m e des extrêm es vers lesquels tend le genre, l’idée de Frye — en ta n t q u ’a d a p ta tio n spécifique d ’A ristote — serait utile. En to u t cas, elle p erm ettrait de m éditer sur le degré d ’absence de personnages dans le genre épique ou d ’au d ito ire dans le lyrique. O n p o u rrait dire que le projet de l ’au ditoire d an s le genre lyrique est plus faible que dans le dram e.

En dehors du système de com m unication, le genre est déterm iné p ar le rythm e: de récurrence p o u r l’épique, d ’association p o u r le

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lyrique, de continuité p o u r la prose {the fiction ) et de decorum p o u r le dram e.

C ’est le problèm e du decorum qui nous intéresse ici le plus. Frye em ploie le term e d ans une acception un p eu différente de celle adm ise dans la trad itio n et la critique aristotéliciennes, oü decorum signifie l’a p p ro p riatio n du style à l’objet. P o u r Frye, le decorum est m oins l’ap p ro p riatio n que l’a d a p ta tio n de la voix du poète à celle du personnage : « the p o e t’s ethical voice » 26. La chose est assez difficile à traduire, m ais nous co m p ren d ro n s de quoi il s’agit en nous souvenant que éthos est em ployé dans son sens aristotélien: ca rac tè­ re, personnage. L ’absence de l’a u te u r et la présence des personnages signifie d o nc ici la tran sfo rm atio n de la voix p rop re du créateu r en voix étrangère.

La notion de « voix étrangère » me p a ra ît extrêm em ent utile, à condition toutefois q u ’elle ne soit pas com prise exclusivem ent com m e une p ropriété du rythm e de decorum et, p a rta n t, du dram e. La m ue en voix étrangère peut et doit signifier le projet- d ’em ployer un interm édiaire, c ’est-à-dire des propriétés stylistiques et génériques qui prévoient le recours à un interm édiaire.

Cet interm édiaire — je le répète encore une fois — ne doit pas nécessairem ent être un acteur. U n exem ple très com m ode, car expressif, de genre prévoyant un interm édiaire-exécutant, est le com m uniqué — appel lu en chaire et dénom m é lettre pasto rale. L ’exemple est com m ode, c a r à la fois nullem ent simple. A dm etto ns sans discuter que la lettre pastorale, sans égard à sa valeur artistiqu e et la relation entre celle-ci et la valeur utilitaire, est un genre littéraire. Je pense q u ’on peut l’adm ettre sans difficulté et poser la question p a r quoi la lettre pastorale diffère de la lettre privée, d onc d ’un co m m u n i­ qué écrit p ar un expéditeur individuel à un d estinataire égalem ent individuel. U ne telle lettre ne prévoit aucu n tiers, et m êm e l’exclut. Elle l’exclut, du p oint de vue de la poétique, m êm e en prév oy ant une éventuelle indiscrétion. En revanche, la lettre p astorale prévoit son destinataire sous form e d ’un g rand au d ito ire (ou p lu tô t de très nom breux grands auditoires) et, p ar là m êm e, pro jette et le thèm e

-6 A n a to m y o f C ritic ism , P rin c eto n 1957, p. 33 — 70, 243 — 326. Cf. H . M a r ­ k i e w i c z , G łów ne p ro b le m y w ie d z y o lite ra tu r ze (L es P rin cip a u x p ro b lè m e s d e la sc ie n ­

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(idiànoia), et l’élocution ou énoncé (léksis), et le com p ortem ent de l ’interm édiaire-exécutant (ôpsis et mélos spécifiques). Elle se distingue d ^ n c con sidérablem ent de la lettre privée; en diffère-t-elle cepen­ d a n t assez p o u r la considérer com m e un genre distinct et non com ­ m e une v ariante générique de la lettre en général? La réponse dépend d 'u n e décision m éthodologiquem ent im p o rtan te consisitant à reco n­ n aître la situation exécutive com m e un critère de classification essen­ tiel, aussi essentiel que la personne gram m aticale de l’énoncé, le vécu du tem ps, la catégorie esthétique, le m ode de n arratio n , le type de vers, le choix de l ’affabulation (intrigue), etc. J ’affirme que la situ atio n exécutive doit être reconnue com m e un critère de classi­ fication des genres littéraires, étant donné q u ’elle est un des élém ents de la « com pétence » textogène (le term e « com pétence » est em ployé ici à la suite de C hom sky et de H e m p fe r27 au lieu du term e « code »).

C et exem ple nous a entraîné sur les eaux très profondes et d a n ­ gereuses des problèm es fondam entaux de la génologie. L orsque nous dem an d o n s ce que sont l’espèce et le genre, il nous faut soit ad o p ter la classique division hiérarchique, soit som brer dans l'im m ensité des term es polysém iques et superposés. N o us ne parvenons tou jo u rs pas à to m b er d ’accord sur la façon d o n t existent les objets génologiques. L isant la m agistrale étude de H em pfer, nous contem plons le vaste p a n o ra m a de la controverse génologique m oderne com m e une querelle des universaux allant de l’extrêm e réalism e à l’extrêm e nom inalism e.

Il est difficile de procéder « en passant » à une discussion géno­ logique fondam entale, discussion d ont l’étendue ou p lutôt l’incom ­ m ensurabilité nous sont révélées p ar le troisièm e volum e de Y Introduc­

tion à la science de la littérature de S tefania Skw arczynska ou par

27 K . W . H e m p f e r , G a ttu n g sth eo rie, M ü n ch en 1973, utilise la n o tio n de « c o m ­ p é te n c e c o m m u n ic a tiv e ». Il se réfère ainsi à C h o m sk y , m ais m odifie la n o tio n fo n ­ d a m e n ta le m êm e de « co m p é te n c e » en éta b lissa n t une d istin ctio n entre la co m p éte n c e c o m m u n ic a tiv e et p o étiq u e, d ’une part, et la co m p é te n c e lin gu istiq u e, de l ’autre (p. 2 2 2 ). H em p fer p ro p o se d ’a p p liq u er le c o n cep t de structure avan cé par Piaget d e te lle m anière q u ’il so it p o ssib le de con sid érer les prob lèm es d es genres littéraires so u s deux a sp ec ts: celui des in varian ts générateurs e t celui d es textes h istoriq u em ent v a ria b les (p. 224). Les in varian ts g én érateu rs so n t d es caractéristiq u es telles q u e le ca ra ctère « sa tiriq u e » ou « n arratif » qu i, à travers d es m u ta tio n s définies, se c o n ­ crétise n t d a n s d es genres h isto riq u es tels q u e la satire ou l’ép o p ée.

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l’ouvrage cité de H em pfer. N o u s n ’éviterons cependant ni certaines questions, ni certaines réponses.

A b an donnon s p o u r un instant le dram e et dem andons si le sonnet est ou n ’est pas un genre littéraire. P o u r bien des gens ce n ’est q u ’une form e de vers ou un «m ode d ’écriture» (Schreibart), com m e le saphique, l’octosyllabe ou l’alexandrin. En fait, on ne peut répondre à la question que d ’une m anière historique, ce qui oblige à vérifier si le sonnet m anifestait (m anifeste) une tendance régulière à coexister avec d ’autres particularités essentielles. P o u r faciliter les choses, j ’appelle sonnet un système de strophes com posé de deux q u atrain s et de deux tercets, système généralem ent associé à une d istribu tion th é­ m atique (diânoia) en deux parties, d o n t la prem ière est descriptive et narrative, et la seconde réflexive. Si j ’ai dit que p o u r faciliter les choses, j ’appelle sonnet un système de strophes, c ’est que je ne suis pas certain si le sonnet est constitué p ar la seule structure des strophes ou p ar la com binaison du système de rim es avec le système thém atique.

Je tends à une thèse affirm ant que le genre est une com binaison (institution) relativem ent durable d ’au m oins deux caractéristiques im portan tes que j ’appelle caractéristiques génératrices de genre (ou génogènes), ce qui les distingue des caractéristiques esthétiquem ent m êm e im portantes, m ais génologiquem ent facultatives. Ces caractéris­ tiques coexistent suivant des règles que je propose d ’appeler règles d'association génogène.

Les genres n ’existent pas en tan t que « form es simples » (ein-

fa c h e Form en28). Le genre est toujo u rs une com binaison à o rg an i­

sation h iéra rch iq u e29. J ’ajoute q u ’il est une com binaison de caracté­ ristiques linguistiques, représentatives, idéelles (concepts du te m p s30, de la m ém oire, de l’existence). Et peut-être faudrait-il p arler séparé­ m ent de genres versifiés (sonnet, triolet, stance, etc.), fabulateurs.

28 A . J o l i e s , E infache Form en. L egen de. S age. M y th e . R ä tse l, Spruch. Kasus.

M e m o ra b ile. M ärch en . W itz, T ü b in g en 1965.

29 Je p en se ici a p p ro x im a tiv em en t à ce que J. S ł a w i ń s k i , D zie ło — J ę z y k —

T ra d ycja (O euvre — L angue — T radition ), W arszaw a 1974, p. 31 — ap p elle « n o r m e s

ran gées h iérarch iq u em en t».

La « n o t io n fo n d a m e n ta le » que S t a i g e r p ro p o se d a n s ses G rundbegriffe der

P o e tik (op. c it.) rentrerait d o n c p ou r m oi d an s le cadre d e s caractéristiq u es non

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Le P ro jet de l'acteu r 39

discursifs, etc.? Peut-être, m ais l’on ne ferait que m ultiplier les êtres et les nom s, p o u r ne plus p arler du fait que seuls de rares cas perm ettent de tran ch er nettem ent laquelle des caractéristiques est p ri­ m ordiale. Ainsi, le limerick est l'association égalitaire d 'u n e strophe à rim es aabba avec une boutade relevant du p u r non-sens.

L ’association des genres est un phénom ène perçu et respecté p ar la term inologie tan t traditionnelle que coutum ière. N ou s disons « dram e épique » en sem blant pécher con tre l’ord re génologique. O r, s ’il y a péché, c ’est uniquem ent co ntre l’ordre classique. En fait, le term e « dram e épique » reflète la pertinente observation de la coexistence de deux caractéristiques: « dram e » signifie ici la co n stru c­ tio n dialogique et la disposition scénique, tandis que « épique » se ra p p o rte au m ode de conduite de l’action et de la n arratio n . Il n'y a là aucune contradictio in adiecto, pas plus que d an s les term es «d ram e p o étiq ue» ou « ro m a n d ra m a tiq u e » 31. M ieux encore, co n ­ duisant plus loin ce raisonnem ent, nous ne co m m ettrion s pas de tautologie en disant « dram e dram atique ».

4

D iscuter sur la prim auté dans le tem ps de la littératu re d ra m a ­ tique ou du théâtre n ’a aucun sens. O n peut uniquem ent scruter ce qui est prim aire ou secondaire dans un intervalle b re f et assez strictem ent défini. Quelle im portance peut-on a ttrib u e r au fait que M olière et Shakespeare étaient des acteurs? T ous deux ne faisaient pas que transcrire des m otifs littéraires, m ais codifiaient la pratiq ue théâtrale de l’époque — codifiaient et créaient sim ultaném ent des oeuvres géniales. Aux origines du théâtre grec que nous connaissons y a-t-il eu d ’em blée des chefs-d’œ u v re ? N ous ignorons les chem ins de la m atu ra tio n du théâtre grec avant Eschyle, m ais l'o n trouve chez ce dernier une sorte d ’épitom és, d ’extraits d ’œ u v re s de ses prédécesseurs, d ’extraits ou peut-être p lu tô t d ’enregistrem ents de ce qui était gravé dans la m ém oire extrêm em ent fidèle des hom m es de son temps.

•" Le caractère dram atiq u e du rom an fait l’objet d es c o n sid é r a tio n s d e R. K o s - m i k i e s . Théorie des R om an s, H elsin k i 1935. M. W e h r l i , A llgem ein e L itera tu rw is-

sensch aft, Bern 1951, p. 82, c o n sta te : « Es ist leich ter d as U n e p isc h e d es R o m a n s

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Je pense q u ’entre la littératu re et le th éâtre il y a un ra p p o rt non pas de concurrence, m ais de co llab o ratio n , non pas de su b o rd i­ nation, m ais de croisem ent.

L ’oeuvre littéraire con tien t en soi le p rojet d ’exécution, m ais elle peut en m êm e tem ps con stituer le procès-verbal de l’exécution. L ’enre­ gistrem ent d ’un spectacle n ’a la p lu p art du tem ps q u ’une significa­ tion docum entaire, m ais peut cependant devenir une oeuvre d ’art auton om e. Ce peut être un scénario qui servira à une nouvelle exécution ou une oeuvre ne trahissant aucune envie de revenir au théâtre.

Ceci concerne non seulem ent l’exécution théâtrale. Les genres littéraires offrant de nettes dispositions exécutives sont nom breux. P renons l’exemple du serm on p o u r établir to u tes les variantes possi­ bles de la relation entre le projet et l’exécution: a) le serm on a été écrit et pron on cé p ar l’auteur, b) écrit p a r l’auteur, il a été p ro n o n ­ cé p ar un au tre exécutant, c) il a été p ro no ncé im p ro m p tu, mais non enregistré, d) il a été prononcé im p ro m p tu et enregistré de sorte q u ’il a pu ensuite être repris p ar le m êm e exécutant (ou q u e lq u ’un d ’autre), e) il a été écrit p o u r être pron oncé, m ais ne l’a jam ais été, 0 il a été écrit conform ém ent aux règles de la poétique d u ser­

m on, d onc com m e s’il devait être p rononcé, mais — p o u r telles ou autres raisons — n ’était pas destiné à l’être.

Il n ’est pas difficile de touv er un exem ple concret de chacune de ces variantes, dont la dernière est la plus intéressante. Selon toute vraisem blance, les Serm ons à la Diète de P io tr Skarga n ’ont jam ais été prononcés, m ais le projet de l ’exécutant (acteur) y est inscrit d ’une façon tellem ent suggestive q u ’ils ont to ujo u rs donné l’im pression d ’être l’enregistrem ent d ’une exécution réelle.

La conclusion suivante s’im pose: la littératu re crée une certaine cu ltu re d ’exécution qui, à son tour, fait naître des genres littéraires dans lesquels nous p ouvon s retrou ver les traces de cette cu ltu re d ’exécution. La littérature ne se contente pas de fo u rn ir des m atériaux au ciném a, m ais con trib u e à la fo rm atio n d ’un nouveau genre litté­ raire relativem ent au to n o m e: synopsis ou scénario. U ne d ram atiq ue ra d iop ho niqu e peut naître d ’une oeuvre littéraire qui ne prévoyait pas la radio. Elle peut aussi être le fruit d ’une oeuvre qui connaissait déjà ce m oyen de com m un ication (La M ontre de Szaniaw ski et d ’au tres exemples innom brables). Elle peut être une d ram atiq ue

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