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Les Problèmes de structure temporelle dans les oeuvres épiques

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Academic year: 2021

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Aleksander Labuda

Les Problèmes de structure

temporelle dans les oeuvres épiques

Literary Studies in Poland 17, 83-113

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A leksander L ab u d a

Les P roblèm es de structure tem porelle

dans les oeuvres épiques*

Le problèm e qui nous intéresse ici, celui du tem ps d an s l’oeuvre littéraire, a fait l ’objet de travaux si nom breux à ce jo u r q u ’en l’ab o rd an t une fois de plus, nous nous trou v o n s devant un dilem me. En effet, il est difficile, dans le cadre d ’un co u rt essai, de tenter une caractérisation exhaustive de la connaissance th éoriq ue du p ro b lè­ me. C ependant, avec la m êm e évidence s ’im pose la nécessité d ’une définition théo riq u e face à cet héritage critique si riche, mais hétérogène su r le p lan m éthodologique et term inologique. O n en arrive donc à une solution de com p ro m is: nous essayerons de situer ces considératio ns p a r ra p p o rt aux deux positions m éthodologi­ ques fondam entales (que nous signalerons de façon fort simplifiée) q u ’on peut tro u v er d ans les études qui tra ite n t du tem ps dans la litté ra tu re 1.

La prem ière de ces positions, nous l ’appellerons interprétative. Son plus ém inent représen tan t à ce jo u r est G eorges Poulet, au teu r des Etudes sur le Temps humain. C hez lui, com m e chez d ’autres p artisans de cette m éthode, l’oeuvre littéraire est traitée com m e porteuse de certaines thèses à p ro p o s du tem ps, thèses qui sont

* Par « l'ép iq u e » , le p o lo n a is en ten d « le genre littéraire d o n t les traits fo n d a m e n ­ taux so n t c o n stitu é s par la n arration et le rapport o b je c tif (à d ista n ce) de l ’auteur à l ’égard d es é v é n e m e n ts relatés» (S ło w n ik j ę z y k a p o lsk ie g o — D ic tio n n a ire de la

langue p o lo n a ise, W arszaw a 1982 [n o te du traducteur],

1 C es q u e stio n s so n t c o m m e n té e s p lu s a m p le m en t par K . B a r t o s z y ń s k i , «Z p ro b lem a ty k i cza su w u tw o ra ch ep ick ich » (L a P ro b lé m a tiq u e du tem p s d ans les oeu v res ép iq u es), [dans:] W k rę g u za g a d n ień te o r ii p o w ie śc i, W ro cła w 1967.

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84 A le k sa n d e r L abuda

contenues dans l ’im m anence de l’oeuvre ou qui so n t représentées de façon discursive p a r l’oeuvre. La tâche du critiq u e est de distinguer ces thèses et de les classer. Il tente de dégager de l ’oeuvre (ou du groupe d ’oeuvres) la fiction littéraire tem porelle qui y est contenue. En utilisant le term e «fiction», je lui confère une signification proche de celle dans laquelle l’enten dait M allarm é2 : il s ’agit d ’une fiction cognitive et d o n c d ’une fiction dotée d ’une certaine co n stru c­ tion intellectuelle exprim ée dans la langue, d ’une co nstru ctio n qui sert à classer, décrire et enfin à recon naître la réalité qui nous environne. L ’adjectif «littéraire» indique q u ’on distingue ici, des fictions scientifiques, les fictions cognitives co nstruites p ar la littéra­ ture.

C ette courte explication term inologique perm et égalem ent de saisir avec plus de précision la p osition m éth odologique présente dans les travaux du type in terprétatif. D ans ces travaux — et Bartoszyński attire l ’atten tio n sur ce fait — on procède, sous couleur d ’analyse de la stru ctu re tem porelle de l’oeuvre «à des exam ens de niveaux, d ’élém ents très divers de l’o euvre»3. Le terrain le plus fréquent de ces exam ens, c ’est le niveau des «grandes figures sém an tiqu es» 4. C ar la tem poralité n ’est pas considérée non plus ici, com m e une des catégories qui o rd o n n e n t la stru ctu re de l’oeuvre ou la stru ctu re du m onde qui y est représenté. La fiction tem porelle reconstruite est mise en relation directe avec la réalité extralittéraire et avec les fictions cognitives (qui se ra p p o rte n t à cette réalité extralittéraire) que p ropo sent la philosophie, la psychologie ou les sciences naturelles. En p o ussant la chose ju s q u ’au paradoxe, on p o u rrait dire qu' une telle critique s ’occupe du problèm e de la «transposabilité» récipro­ que des cenceptions du tem ps représentées p ar le biais de la littéra­ ture d an s le langage des fictions tem porelles scientifiques et philosop hi­ ques, des fictions cognitives au sens large. Je n ’essayerai pas ici de m ettre en question le bien-fondé m éthod olog iqu e et m oins encore

- S. M a l l a r m é , O eu vres c o m p lè te s, Paris 1945, p. 851: « T o u te m éth o d e est fiction , et b o n n e p ou r la d é m o n str a tio n . [ ...] Le lan gage lui est apparu l ’instrum ent de la fiction |. . . ] Enfin la fictio n lui se m b le être le p ro céd é m êm e d e l ’esprit hu m ain ».

* B a r t o s z y ń s k i , op. c it., p. 41.

4 Le m o t set de J. S ł a w i ń s k i — cf. « S em a n ty k a w y p o w ied zi narracyjnej» (La S ém a n tiq u e d e l ’é n o n c é n a rratif), |d a n s:] W k rę g u zagadnień te o r ii p o w ie śc i.

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L es P ro b lèm es d e stru c tu re tem p o re lle 85 de nier la valeur réelle de travaux de ce type. Ils co m p o rte n t une série d ’observations et d ’intuitions précieuses, q u o iq u ’elles sem blent souvent faites en dépit de la m éthode. Il suffit d ’établir que de telles considération s seront exclues du cham p actuel de nos sujets d ’intérêt.

L a deuxièm e des po sitio ns m éthodologiques distinguées sera ap p e­ lée l’ap p ro ch e descriptive. Ici, en effet, l ’analyse des relatio ns tem po rel­ les propres aux oeuvres littéraires ne transgresse pas, en principe, les frontières linguistiques de ces oeuvres, et la questio n capitale p o rte ra sur la stru ctu re tem porelle de l’oeuvre elle-m êm e ou seule­ m ent de certaines de ses parties con stitu an tes que disting ue la théorie littéraire. C ette question fondam entale m arque aussi le cham p de nos analyses. A côté de cette op tio n m éthodologique form ulée de façon très générale, il convient de désigner deux points de référen­ ce assez proches p ar ra p p o rt auxquels seron t situées nos réflexions ultérieures.

Le prem ier d ’entre eux — et il est de prem ière im p o rtan ce — est co n stitu é p ar deux études de K. W y ka: «Le Tem ps rom anesque» et «Les P roblèm es de tem p o ralité dans L es Paysans de R e y m o n t» 5, ainsi que p a r l ’article déjà cité de K. B artoszynski. Ces travaux revêtent une im p ortance capitale p o u r toutes les réflexions qui suivirent à p ro p o s du tem ps littéraire. Les conclusions, les p ro p o sitio n s term inologiques qui s ’y tro u v en t so n t devenues la pro p riété générale de la théorie littéraire contem poraine. M ais so u rto u t — et ce, en dép it des suggestions contenues dans ces titres — ces trav aux sont, p arm i tous les ouvrages qui m ’on t été accesibles, ceux qui do n n en t le tableau le plus com plet de la pro b lém atiq u e qui nous intéresse. Et je traite cet essai com m e la «suite», en son genre, des études de W yka et de B artoszynski. Cet essai est en accord avec les lignes générales des conceptions émises dans ces travaux. Et si nous avons entrepris cet essai, c ’est dans l’espoir que certaines précisions peuvent encore être apportées.

Le deuxièm e p o in t de référence est co nstitué p ar un ensem ble de directives m éthod ologiqu es form ulées p a r des théoriciens français de la littérature, théoriciens groupés a u to u r de la revue

Communica-5 K . W y k a , « C za s p o w ie śc io w y » et « P ro b le m y c z a s o w o śc i w C h ło p a ch R ey­ m o n ta » , [dans:] O p o tr z e b ie h isto r ii lite r a tu r y , W arszaw a 1969.

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86 A le k sa n d e r L a bu da

lions. J ’ai ici à l’esprit les études de R. B arthes, d e G. G enette

et su rto u t celles de T. T o d o ro v 6. Ces travaux se réfèren t directem ent à la linguistique structuraliste contem p o rain e.

C om m ençons p ar m ettre de l ’ordre, p a r étab lir quelques con cep ­ tions essentielles sans lesquelles il serait difficile d ’a b o rd e r l’analyse des ra p p o rts tem porels dans les oeuvres épiques. N ou s nous baserons, p o u r ce faire, sur les trois grandes op p o sitio n s binaires qui sont souvent appliquées dans les études littéraires con tem p o rain es q u o iq u ’elles n ’aient pas to ujo u rs été clairem ent form ulées.

La prem ière d ’entre elles, c ’est l’o p p o sitio n — em p ru ntée aux linguistes — des faits linguistiques aux faits non linguistiques. La conséquence im m édiate de cette o p p o sitio n , c ’est la différenciation d ’un texte et d ’une réalité extratextuelle; une a u tre conséquence sera l’ém ergence, hors d ’un espace indifférencié, d e cette réalité extratextuelle des élém ents non linguistiques de la situ atio n d ’ém is­

sio n —réception (en d ’autres term es: du processus de co m m u nicatio n linguistique), des élém ents non linguistiques que son t l’ém etteur, le récepteur, le co n tac t, à la différence des élém ents linguistiques que sont le texte e t le code linguistique. Pris ensem ble, ces élém ents co n trib u en t au système com plet d ’ém issio n-réception ; c ’est ce q u ’illustre le schém a de com m unication linguistique p ro p o sé p ar Jak o b so n . Sur le terrain de la théorie de la littératu re, on peut, de façon adéquate, appliqu er à ces co nceptio ns les con struction s analytiques suivantes: 1) le texte littéraire, livre ou oeuvre com plète; 2) la réalité ex tralittéraire; 3) l’a u te u r; 4) le lecteur. T ou s les élém ents cités ici, jo in ts au code linguistique et au code littéraire (à la trad itio n littéraire) co m posent le schém a co m plet du processus réel de la com unication littéraire.

La deuxièm e de ces opposition s traverse l'in térieu r du texte. Ce sont les logiciens su rto u t, plus que les linguistes, qui l’app liq uen t. Frege, l’un des prem iers, a in tro d u it une distinction en tre Sinn et Bedcutung (avant lui déjà, m ais de façon quelque peu différente, J. S. Mill avait opposé la c o n n o tatio n à la d én o tatio n ). La distinction de Frege a été reprise p ar Russel qui a in tro d u it le couple de

6 II s'agit su rto u t d es essa is parus d a n s C o m m u n ica tio n s, 1966, n os 4, 8 et 11. Cf. a u ssi: R . B a r t h e s . L e D eg ré zé ro d e l'é c r itu re , P aris 1964: T . T o d o r o v , « L a P o étiq u e stru ctu ra le» , [dans:] Q u 'e st-c e que le s tr u c tu ra lis m e ?, Paris 1968.

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L es P ro b lè m e s d e stru ctu re tem p o re lle 87

term es: m eaning et denotation; Black use des désignations sense et reference. J. Pelc trad u it Sinn et Bedeutung p ar les équivalents

sens et nom inal q u o iq u ’il eû t été plus logique, d an s la trad itio n

polonaise, d 'u tiliser znaczenie (‘signification’) et oznaczenie (‘désigna­ tio n ’, ‘d é n o ta tio n ’) 7.

P ren a n t en considération les deux expressions «étoile du m atin» et «étoile du soir», Frege indique que to u t en ayant des signifi­ cations différentes, ces to u rn u res désignent une m êm e étoile. En conclusion des considérations qui suivent et q u ’il est im possible de re p ro d u ire ici, il en arrive à la définition suivante: «Le nom (m ot signe, ensem ble de signes, expression) exprim e son sens, m ais désigne, c ’est-à-dire dén ote son nom inal» x. G râce au sens, le m ot peut être saisi, justem ent, com m e un signe, c ’est-à-dire com m e un agglom érat «non tran sp aren t» s i g n i f i a n t / s i g n i f i é . G râce à sa fonction dénotative, il acquiert la capacité de référer au-delà de lui-m êm e.

Sur la base des distinctions m entionnées ici, nous parlero ns de deux aspects dans l ’énoncé (dans le texte) qui sont opposés réciproquem ent —de l’aspect référentiel (selon le term e de Black) et de l’aspect substantiel. Le prem ier désigne ju stem en t la capacité du texte de renoyer au-delà de lui-m êm e, de renvoyer à une réalité extra-linguistique c ’est-à-dire à un réfèrent. Il faut ajo u ter que d ’un p oint de vue linguistique, il est indifférent que l’énoncé renvoie à une réalité physique ou psychique, à ce q u ’on appelle les objets réels ou à leurs rep résentations ou à d ’autres processus m entaux.

J ’em p ru n te le term e «substantiel» à H jelm slev9. P a r l’ap pellation «substance linguistique», ce linguiste enten d aussi bien la form e ph on ique (ou graphique) que le sens du signe. M ais la fonction qui consiste à se désigner soi-m êm e, la fonction poétique — telle

7 C f. la tra d u c tio n de J. P e l c : L o g ik a i ję z y k . S tu d ia z s e m io ty k i lo g ic zn e j

(L a L o g iq u e de la langue. E tu d es de sé m io tiq u e lo g iq u e). W arszaw a 1967: A . S c h a f f , W stę p d o s e m io ty k i (In trodu ction à la sé m io tiq u e), W arszaw a 1960.

8 G . F r e g e (Sinn u n d B edeu tu n g) trad. par P elc, L o g ik a i j ę z y k , p. 231. 4 L. H j e l m s l e v . P ro lég o m èn es à une th éo rie du lan gage, Paris 1968. N o u s le s o u lig n o n s: n o u s n ’a v o n s em p ru n té que le term e à H jelm slev. C e lin gu iste rejette, en efTet. la c o n c e p tio n binaire du sign e. Il co n sid è r e q u ’au c o u p le o p p o sé sig n ifia n t — sign ifié rép on d le c o u p le ’e x p r e ssio n ’ et ‘c o n te n u ’ et ces term es se d é c o m ­

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que la veut Jak o b so n — peut aussi être rem plie p a r le signe à l’aide de certaines com binaisons p ho niques (par exem ple p a r l’allitéra­ tion), ainsi que p a r des configurations sém antiques (les figures rhétoriques). En tran sp o sa n t dans le dom ain e épique cette op position, qui a été intro d u ite ici, entre l ’aspect substantiel et l ’aspect référentiel du texte, n o us o b tenons une d istinction th éoriq ue en tre le niveau de l’énoncé et le niveau de la réalité représentée à laquelle renvoie l’énoncé épique. C ette définition, d o n t nous usons ici, de «réalité représentée» est une to u rn u re m étap h o riq u e. En effet, l ’énoncé ne «représente» rien, il fo u rn it p lu tô t une série d ’in form atio ns «sur» ou «au sujet d ’»une certain e réalité, info rm ation s qui p erm ettent la co n stitu tio n , d an s le psychism e du lecteur, de représentations, de figurations effectives. Ce term e est un héritage des conceptions du psychologism e en m atière d ’oeuvre littéraire. En l’utilisant, nous garderons en m ém oire son caractère m étap ho riq ue.

U ne troisièm e et dernière o p p o sitio n sépare en deux sphères le niveau de la réalité représentée. D ans la théorie de la littératu re, cette o p position est co nn ue com m e celle du p lan de la n arratio n au plan du m onde représenté. C ette distinction , évidente en a p p a ren ­ ce, nécessite cep endant quelques éclaircissem ents. C ’est que l’on considère trad itionnellem ent que la réalité épique est faite des états de choses représentés et des personnes qui agissent. Ce n ’est ju ste que partiellem ent. En effet, cette réalité épique est, e t ce dans une large m esure, le dom aine des personnes qui s’exprim ent. D ans sa com position interviennent donc aussi les processus de com m unication qui y sont représentés: les discours des héros et, au prem ier chef, la n arratio n . La to talité de la réalité représentée se désintègre en deux p artie s: le processus de la n a rra tio n tel q u ’il est représenté et le «reste» auquel nous d o n nero ns le n om de «m onde représenté». Ce dernier term e fonctionne d onc en o pp osition , et ce, ta n t à l’égard du term e de «réalité représentée» q u ’à l’égard du term e de «plan de la n arratio n». A près avoir expliqué le ra p p o rt récipro ­ que entrp ces trois définitions, il faut à présent définir le concept m êm e de n arratio n .

p o se n t à leur to u r en ‘su b sta n ce de l ’e x p r e s sio n ’ et ‘fo rm e d e l ’e x p r e ssio n ’, ‘su b sta n ­ c e du c o n te n u ’ et ‘fo rm e du c o n te n u ’. N o u s n o u s p r é o c c u p o n s su rtou t d e so u lig n er q u e d an s la c o m p o sitio n de l ’asp ect su b sta n tiel du sign e in tervien nent a u ta n t la fo rm e p h o n iq u e de celu i-ci q u e sa sig n ifica tio n .

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L e s P ro b lèm es d e stru ctu re tem p o re lle 89

P a r n a rra tio n , nous en ten dron s ici le processus de la com m u nica­ tion entre le n a rra te u r et le lecteur virtuel. Le plan de la n a rra ­ tion, c ’est ce flot d ’inform atio ns que p o rte le texte et qui réfèrent directem ent aux élém ents de ce processus. Si l’on pose le problèm e de cette m anière, il p araît non fondé de parler de plusieurs n a r­ ra te u rs ou de dire que le n a rra te u r confie les fonctions narratives aux héros. D ans l’oeuvre épique, le n a rra te u r est to u jo u rs un et les discours plus ou m oins longs des héros se fonden t d an s son discours à lui selon le principe des citations. M ais ces citation s sont des discours qui, prim itivem ent, ne sont pas adressés au lecteur virtuel (comme l’est la n arratio n ), m ais à d ’autres personnes qui se situent sur le plan du m onde représenté. Le n a rra te u r est d onc le sujet (q u ’im porte s ’il a p p a ra ît grâce à des m oyens lexicaux ou p a r des m oyens gram m aticaux) qui énonce la to talité du texte épique. La n arratio n épique est une so rte de re p ro d u ctio n verbale du processus réel de la com m u nication littéraire — p o u r être com plet, son schém a se com pose d ’inform atio ns sur le n arrateu r, sur le lecteur virtuel, sur la situation am b iante il se com pose enfin du texte lui-m êm e, le to u t ré p o n d a n t d e façon sym étrique, dans le processus réel, à l ’au teu r, au lecteur, à la réalité extra-littéraire et au texte de l’oeuvre.

C ette o p p o sitio n assez pédante que n ous venons d ’effectuer n ’est pas d épou rv u e de ra iso n : elle révèle clairem ent, en effet, le statu t parad o x al du texte littéraire qui fonctionne, sim ultaném ent, com m e un élém ent de deux systèmes é m e tte u r -ré c e p te u r . Le prem ier de ces systèmes, c ’est le systèm e réel: le systèm e auteur —lecteur; le second systèm e, c ’est le processus de co m m unication qui est représenté en tre le n a rra te u r et le lecteur virtuel. D an s la perspective a u t e u r - lecteur, le texte littéraire constitue un fondem ent vital p o u r la réalité à laquelle il renvoie et donc aussi p o u r le narrateu r. M ais dans la perspective du n arrateu r, le texte est présenté com m e le p ro d u it des activités énonciatrices de celui-ci. D e cette façon donc, le texte est plongé, en quelque sorte, d an s deux dom aines distincts de la réalité: dans le m onde réel extra-littéraire et dans le m onde de la fiction littéraire; c ’est grâce à cela q u ’il devient un p o nt reliant ces deux m ondes.

A u fil du raisonnem ent que nous venons de m ener, nous avons établi un réseau de term es qui perm etten t de distinguer, de façon

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relativem ent précise, les élém ents particuliers du processus de la com m un ication littéraire et aussi ceux de l’oeuvre elle-m êm e. Si l’on peut attrib u er le caractère de tem poralité à chacun de ces élém ents, on ne peut le faire en vertu d ’un seul et m êm e principe.

La réflexion philosophiq ue sur le tem ps in tro d u it une ligne de p artag e entre le tem ps réel et la fiction tem porelle (en fait, cette ligne passe en tre le vécu direct du tem ps et to u te tentative de sa description, de l’ab stractio n linguistique o rd in aire ju s q u ’aux hautes abstractions telles que les form ule la physique co ntem p orain e). Des divisions encore plus détaillées décom posent ce tem ps réel en tem ps physique sidéral, en tem ps in tersu bjectif et enfin en tem ps subjectif. C ette division s’appu ie sur la différenciation de trois m anières essentielles de m esure de l’écoulem ent du tem ps: soit co n form ém ent aux exigences de la précision scientifique, soit c o n fo r­ m ém ent aux besoins de la p ra xis sociale, soit, enfin, sur la base du sentim ent subjectif de l’individu.

D ans la tra d itio n critique qui a eu cours ju s q u ’à ce jo u r, le tem ps d ’une oeuvre s’exclut, en général, du do m aine du tem ps réel. T o d o ro v lui assigne un caractère p u rem ent fic tif10. R. Ingarden et, après lui, Bartoszyriski situent l’oeuvre «hors du tem ps». B arto- szyriski écrit n o tam m en t que « l’énoncé lui-m êm e, c ’est-à-dire le texte, qui con stitue le “su p p o rt vital” de l’oeuvre littéraire ne possède pas, en principe, de stru ctu re tem p o re lle» 11. Ce n ’est pas ju ste, à ce q u ’il semble. En effet, isolés de la situ atio n é m e tte u r - r é c e p ­ teur, le flot de sons ou la configuration de signes graph iqu es cessent de rem plir une fonction d ’inform atio n et c ’est seulem ent en égard à cette fonction que l’appellatio n de textes leur revient. O n ne peut parler de textes que d an s le cad re de telles situ atio n s com m unicatives qu i possèdent, elles, les traits d ’un processus qui se développe dans le temps. Il n ’est donc pas nécessaire d ’o pp o ser une oeuvre extra-tem porelle à ses concrétisatio ns particulières qui possèdent, elles, le caractère tem porel. Et ceci est co nform e au principe m édiéval de non m ultiplication des êtres. C ep end ant, où que l ’on situe le tem ps de l ’oeuvre, il sem ble que la sim ple o p p o sitio n : tem ps de l’oeuvre/tem ps réel vj tem ps fictif ne soit pas suffisante.

10 T o d o r o v , op. c it., p. 127 et sq. 11 B a r t o s z y ń s k i , op. c it., p. 42.

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L e s P ro b lèm es d e stru c tu re tem p o re lle 91 M ais avant d ’en trep ren d re l’exam en de cette question, il nous faut indiquer ces élém ents du processus de la com m u nication d o n t le caractère tem porel ne sera pas pris en con sid ération ici. Il s’agit du tem ps de l’au teu r ou, mieux, du tem ps réel de la fab rica­ tion, du tem ps lié au processus créateu r; il s ’agit aussi du tem ps du lecteur d ans lequel s’accom plit le processus de réception de l ’oeuvre — ce tem ps est dép en d an t de la perception réelle de l ’oeuvre. Ces tem ps se situent dans le dom aine du tem ps réel et ils peuvent être l ’objet d ’études psychologiques ou sociologiques de l’oeuvre d ’un écrivain ou d ’une réception. Ces deux disciplines qui son t ju s q u ’à présent exercées selon des m éthodes q u ’on p o u rra it qualifier d ’artisanales en tre ro n t peut-être un jo u r d an s une théorie littéraire aux o rien tatio n s m axim ales.

Essayons ce pen dan t de nous occuper de cette catégorie que W yka a définie à l’aide d ’un term e très ju ste : «le tem ps du m ilieu», qui co rresp o n d au tem ps de la réalité représentée dans l’oeuvre qui se décom pose en deux p lan s: le plan tem porel de la n arratio n et le plan tem porel du m onde représenté (ce dernier plan, nous le désignerons égalem ent du term e de tem ps diégétique); occupons- -nous aussi du tem ps de l ’énoncé d ans son aspect substantiel auquel nous conférerons ici l’app ellation «tem ps im m anent de l’énoncé».

Ce dernier, on s ’en souvient, participe de la situ atio n parado xale de l’énoncé qui constitue à la fois un élém ent du processus réel de la co m m unication littéraire et un élém ent du p lan de la n arratio n qui est représenté dans l’oeuvre. C onsidéré d an s la perspective de la n a rra tio n , le tem ps im m anent de l ’énoncé en tre d ans la com position du tem ps de la réalité représentée, m ais dans la perspective a u t e u r - lecteur, il se situe dans le dom aine du tem ps réel. W yka n ’a pas différencié ces deux perspectives, il en résulte une c o n tra d ic tio n , dans ses argu m entation s. En effet, une fois, il déclare — et ce à ju ste titre — que «p ar tem ps de la n a rra tio n , il convient d ’enten dre ce plan du tem ps conventionnel à l’intérieur de l’oeuvre sur lequel l’écrivain situe sa relation» (nous dirons, n o u s: pas l’écrivain, m ais p lu tô t le narrateu r). M ais un instant plus ta rd , il déclare que l’énoncé c ’est-à-dire «une chaîne de phrases, se situe sur le plan du tem ps de la n arratio n et se dénoue réellem ent ju s q u ’à sa conclusion et seule, cette chaîne de phrases et rien d ’au tre — p o u r en revenir aux paroles de T ho m as M an n — “o b stru e ”, elle-même, le tem ps

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92 A le k sa n d e r L a bu da

ré e l» 12. C ette chaîne de phrases peut, bien sûr, «obstruer» d ’elle-m ê­ m e le tem ps réel, à co nd ition toutefois q u ’elle se situe sur l ’axe de la co m m unication a u te u r—lecteur. C ’est alors q u ’elle ap p a raît com m e un flot de sons organisé dans un ry thm e et une m élodie, flot de sons qui désigne d ans une certaine m esure, à l’instar de l ’oeuvre m usicale, un vécu subjectif du tem ps chez le lecteur. Il ne faut certes pas penser que cette fonction soit rem plie exclusivem ent p ar la couche sonore de l’énoncé. Elle est aussi rem plie p ar la couche sém antique. N o u s pouvo ns en tro u v er un bon exem ple dans un fragm ent poétique d ’une épître de N orw id à W łodzim ierz Ł u ­ bieński :

C icero m ó w ił — m ó w ił n ie d o rzym skiej rzeszy, Jak chytry stro n g la d ia to r — lecz ja k d u c h , c o sp ieszy W argam i, by rytm ow ej w y d ą ży ły la w ie —

W ięc jak n a tc h n io n y — G rek iem ro d zą cy się p raw ie; A m ó w ił w cią ż h elleń sk im sło w e m i p rzy d ech em . B o b yła rzecz o du ch u — rzecz o sta tn im śm iech em P o w y ch y len iu m ętnej o k ry ta trucizny.

Jak g ła zem — na nim te d w a sło w a : m yśl — o j c z y z n y 13.

[C icéron parlait — il ne p arlait pas à la fo u le ro m a in e / C o m m e un glad iateu r rusé — m ais c o m m e un esprit pressé, / D e s lèvres, de cap ter la la v e ryth m i­ q u e — / D o n c c o m m e inspiré — il éta it presqu e né G rec; Et il p a rla it tou jou rs a v ec le verbe, le souffle h ellèn e, / C ar il é ta it q u estio n de l ’esprit — sa parole, d ’un rire u ltim e, / O n la recou vrit, q u an d fut versé le p o iso n tr o u b le , / C o m ­ m e d ’u n e pierre — sur lui c e s m o ts: la p en sée d e la patrie.]

Il fa u d rait p lu tô t citer cette strophe centrale du p oèm e dans le contexte des strophes qui précèdent et qui suivent. En effet, cette stro p h e co n tra ste de façon évidente avec le ry th m e coulant, calm e, facile — au rait-o n envie de dire — de ces a u tre s strophes. C ette stro p h e ro m p t le rythm e — elle vous force, en q u elq u e sorte, à retenir votre souffle aussi longtem ps q u ’elle ne s ’est p a s dénouée, q u ’elle n ’a pas mis de l’o rd re d ans ces sens qui se m ouvaient en elle. En effet, c ’est ici la couche des significations et n o n le flot des sons qui p o rte n t ces significations qui fixe le rythm e de la lecture. Ces problèm es d o n t il est ici question ne so n t certes pas une nou v eau té: la versification et les rh étoriqu es classiques

12 W y k a , « C z a s p o w ie śc io w y » , pp. 1 3 — 14.

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L e s P ro b lè m e s de stru c tu re tem p o re lle 93 s’en occupent. M ais, on a postulé plus rarem en t ce type d ’études q u an d il s ’agissait de prose narrativ e. C ’est que les analyses de prose sont orientées stylistiquem ent : ainsi, les analyses de Ż e­ rom ski chez nous, de C h atea u b rian d en F rance ne so rten t pas du to u t des frontières de la phrase — unité rythm ique. P o u rta n t, il sem ble q u ’au niveau de l’énoncé (il s’agit to u jo u rs de prose), il soit possible de distinguer de plus grandes unités syntagm atiques qui p ro jetten t en quelque sorte le tem ps de la réception. A utre sera la ca ractéristiq u e de celui-ci dans le cas d ’un ro m an écrit d ’une seule venue ou dans le cas d ’un ro m an divisé en chapitres. L ’au teu r d ’un ro m a n à suspense, destiné à p a ra ître en épisodes, jo u e ra to u t différem ent encore avec le tem ps de la lecture. A u rom an e n b l o c on p eu t opposer, p ar exem ple, l’ensem ble des m axim es ou des proverbes qui organise la lecture selon le principe de passages tem porels en alternance, ta n tô t «pleins», ta n tô t «vides» (N. B. on peut observer cela d ans les ém issions rad iop ho niqu es qui ap p liq u en t ce schém a: texte, pause m usicale, texte, pause etc., c ’est-à-dire qui p ra tiq u e n t une poétique différente des réalisations rom anesques rad io p h o n iq u es). Ainsi donc, to u t énoncé, m êm e plus ou m oins long, possède sa p ro p re caractéristiqu e tem porelle im m anen­ te qui est un p ro jet spécifique du tem ps de la réception (ca­ ractéristiq u e qui est différente du tem ps réel de la lecture).

Passons m ain ten an t à la prob lém atiq u e liée au tem ps de la réalité représentée. C ’est à ju ste titre, sem ble-t-il, que W yka postule l’inclusion, d ans le dom aine de cette p roblém atique, de la dim ension tem porelle q u ’il définit des term es «tem ps du m ilieu» — q u o iq u ’il transgresse, lui, «les frontières de la co n stru ctio n tem porelle qui so nt contenues de façon im m anente dan s le rom an». Ce tem ps, au sens où W yka l ’entend «est une m anifestation sociologique d ’un c o nt i nuum tem porel général dans lequel nous som m es plongés; il ne se m esure pas selon des m esures physiques, m ais selon des m esures de tem ps psy ch o so ciales» ,4. En caractérisan t le rôle de ce tem ps dans le processus de la création littéraire, le critique indique en m êm e tem ps la nécessité de pren d re ce tem ps en considération lorsque nous désirons accom plir des classifications d ’espèces et de genres sur la base de critères tem porels. Essayons d ’ajou ter quel­

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94 A le k sa n d e r L a b u d a

ques rem arq ues à ce q u ’a dit W yka à p ro p o s du «tem ps du milieu».

T o u t d ’ab ord, il ne faut sans d o u te pas traiter ce «tem ps du m ilieu» com m e une «m anifestation d ’un co n tin u u m tem porel général». Il s ’agit ici p lu tô t d 'u n e certaine v arian te de ce qui a été défini plus h a u t com m e la fiction cognitive, c ’est-à-dire de la f i c t i o n c o u r a n t e d u t e m p s . Ainsi do nc, il s ’agit d ’un ensem ble de sentim ents déterm iné socialem ent et individuellem ent, d ’un ensem ble de rep résentatio ns et de convictions qui ne sont pas to u jo u rs claires, que possède l ’individu à p ro p o s des relation s tem porelles qui se passent dans le m onde. D an s cette fiction c o u ran te du tem ps intervient une échelle de tem ps qu i est datée conventionnellem ent, c ’est-à-dire un systèm e de calendrier qui a cours d ans la société donnée. H albw achs écrit d ans M ém oire et société:

T o u te so c ié té d ivise et fa ço n n e l ’esp a c e à sa m an ière p ropre, m a is elle le fait une fo is p o u r to u tes o u se lo n to u jo u rs les m êm e s lign es, si b ien q u e des cad res fixes ap p araissen t d a n s lesq u els c e tte so c ié té en ferm e et retro u v e ses s o u v e n ir s 15.

M utatis m u tandis, on p o u rrait aussi dire cela du tem ps. T o u t

com m e il existe un horizo n tem porel qui est désigné p a r ce que H albw achs appelle les cadres sociaux de la m ém oire, horizon à l’in­ térieur d uquel se situe, à cô té des p oin ts de référence qui a p p a rtie n ­ nent strictem ent au calendrier, le sens social du passé p roche et loin tain (éventuellem ent du futur), de m êm e il existe un horizo n tem porel défini p a r l ’au to b io g ra p h ie individuelle. C et h orizon-là désigne une sphère tem porelle façonnée p a r une échelle individuelle du tem ps. C ette échelle aussi intervient dans la co m p osition de la fiction co u ran te du tem ps. C om m e exem ple de reco nstru ction — d ’ailleurs fo rt fragm entaire — de la sphère sociale de la fiction co u ran te du tem ps, nous pouvons considérer les tables ch ro n o lo g i­ ques que l ’éditeur a placées à la fin du ro m an de P arnicki R o ­

botnicy wezwani o jedenastej {Les Ouvriers appelés à onze heures).

L ’analyse détaillée de la fiction tem porelle n ’est pas la tâche d ’un théoricien de la littératu re. C ette tâche revient au sociologue. D ans les études littéraires, ce concept fonctionne selon les lois

15 M . H a l b w a c h s , S p o łe c zn e r a m y p a m ię c i (L e s C a d re s so c ia u x d e la m ém o ire), in trod. de M . K ról. W arszaw a 1969, p. X V II.

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L es P ro b lè m e s d e stru c tu re tem p o re lle 95 d ’une co n stru c tio n hypothétique. A ce q u ’il ap p a raît, la chronologie présentée dans une oeuvre littéraire y renvoie ju stem en t directem ent.

D ans la trad itio n critique qui a eu cours ju s q u ’à ce jo u r, le problèm e du tem ps tel q u ’il est représenté dans l’oeuvre littéraire est tra ité de façon descriptive. L a chose, en général, se ram ène à une caractérisatio n plus ou m oins détaillée du plan tem porel de la n arratio n , du plan du m onde représenté et des relations tem porelles qui o n t lieu en tre ces plans. M ais il est plus rare q u ’on se dem ande de quelle façon ou grâce à quoi le texte littéraire do n n e des inform ations sur ces sujets.

P a r un réflexe naturel, on cherche une réponse aux questions ainsi posées chez les linguistes, su rto u t sous la rub riq u e du verbe. M ais su r le terrain de la linguistique aussi prévalait, ju s q u ’il y a peu, l’ap p roche descriptive. D ans la gram m aire polonaise la plus récente, qui est due à la plum e de D oroszew ski, le problèm e qui nous

intéresse a été tranché en quelques phrases:

Les fo rm e s de tem p s exp rim en t le rap p ort du m o m en t d e la p a ro le au m o m e n t où l'a ctio n a lieu. C ’est so it un rap p ort de sim u lta n éité (tem ps présent) ou d ’a n té rio rité d e l ’a ctio n par rapport au m o m en t d e la p a ro le (form es de tem ps du p a ssé) o u de p o stério rité de cette a ctio n par rap p ort au d it m o m en t (form es de tem p s futur). Il e x iste, d a n s la p ra tiq u e, de n o m b re u ses e x c e p tio n s à ce schém a d e p r in c ip e 16.

Suivent des exemples de ces exceptions.

Les langues françaises et anglaises se tro u v en t, depuis peu, d an s une situatio n p lu tô t meilleure. L ’anglais en est d ’ailleurs redevable aux analyses que le logicien allem and H ans R eichenbach a présentées dans ses Elem ents o f Sym bolic Logic p arus en 1948. O n peut tro u v er une série d ’observations intéressantes sur le verbe français d an s les essais linguistiques d ’E. Benveniste et récem m ent, L. Z a­ w a d o w sk i17 a analysé de façon plus com plète le système g ram m ati­ cal des tem ps français. E tant donné, cependan t, les differences notoires

16 W. D o r o s z e w s k i , P o d s ta w y g r a m a ty k i p o ls k ie j (L e s B ases d e la g ra m m a ire

p o lo n a ise ). W arszaw a 1963, p. 238.

17 C f. E. B e n v e n i s t e , P ro b lè m e s de la lin gu istiqu e g é n é r a le , Paris 1966; L. Z a ­ w a d o w s k i ; « L e T e m p s lin g u istiq u e et les lo c a lisa tio n s tem p o re lles en français».

K w a rta ln ik N e o filo lo g ic zn y, 1967, s. 4; «P rélim in aires à l ’étu de du systèm e verbal

fra n ça is» . R o m á n tica W ra tisla vien sia , 1968, vol. I: J. T o k a r s k i , C z a so w n ik i p o ls k ie

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96 A le k sa n d e r L a bu da

qui existent entre les systèmes gram m aticaux des langues g erm ani­ ques et rom anes d ’un côté, des langues slaves de l’autre, les co n ­ clusions qui on t été avancées d ans ces trav au x ne co ncernent que partiellem ent les form es verbales p o lonaises; c ’est le cas notam m en t, là où il s’agit d ’une sim ple différenciation passé — présent — futur. M ais ces conclusions n ’englobent pas cette catégorie achevé — non achevé si caractéristique des langues slaves. C om m e nous ne possé­ dons pas les com pétences suffisantes p o u r déb rou iller ce problèm e, nous laisserons ces catégories de côté.

P o ur la suite de ces considérations, nous au ro n s un besoin absolu d ’une distinction que Zaw adow ski a déjà établie dans des travaux entérieurs. Il s’agit des concepts de co m m un ication (inform a­ tion) et d ’expression. Voilà que d ans la con cep tio n de Z aw adow ski, le texte com m unique (rem plit une fonction de com m un ication ) grâce à des traits linguistiques essentiels, c ’est-à-dire ap p a rten an t au systè­ me linguistique. La com m unication peut con cerner n ’im p orte quel fragm ent de la réalité extratextuelle — ce peuvent être l’ém etteur ou le récepteur. M ais le texte exprim e un ém etteur (il rem plit une fonction expressive à l ’égard de l’ém etteur) par le biais de traits individuels n ’a p p a rte n a n t pas à la l a n g u e 18. P ar conséquent, le flot d ’inform ations que p o rte le texte se divise ainsi en deux canaux d ’inform ation. Le prem ier de ces canaux, c ’est celui de la co m m u n icatio n : les inform ations q u ’il ch arrie sont décodées p ar le récepteur qui com pare ces signes au systèm e linguistique. L ’au tre canal, c ’est celui de l’expression; les in fo rm ation s q u ’il co ntien t sont interprétées p a r le récepteur qui ra p p ro ch e ces signes d ’actes de p a r o l e concrets q u ’il co n n aît déjà. Z aw adow ski dit égalem ent que le texte peut rem plir une fonction expressive aussi bien à travers l ’expression de la substance q u e p a r l ’expression du co ntenu .

D ans les travaux que nous venons de citer, R eichenbach, Benveniste et Zaw adow ski s’occupent de la com m u nicatio n linguisti­ que du tem ps. M ais ils ne sont pas intéressés p ar le problèm e de son expression. En outre, Zaw adow ski lim ite ses analyses à la co m m un ication de ra p p o rts tem porels que réalisent ces phénom ènes gram m aticaux de langue que sont les m onèm es aux fonctions g ra m m a­

lx L. Z a w a d o w s k i , « L es F o n c tio n s du texte et d es ca té g o r ie s d e p r o p o sitio n s» ,

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L es P ro b lè m e s d e stru c tu re tem p o re lle 97

ticales et les règles gram m aticales. Les réflexions de R eichenbach et de Benveniste s’attac h en t aux problèm es de la co m m unication lexicale d u tem ps. D an s leurs conceptions, la principale catégorie qui serve à l ’analyse de la co m m u n icatio n gram m aticale du tem ps, c ’est le p o in t zéro sp atiotem porel. Z aw adow ski l’appelle (tout com m e B ühler) le zéro déictique, R eichenbach le nom m e p o in t du d isc o u rs19, B enveniste parle d ’instance de discours. Le point zéro, c ’est le lieu e t le m o m en t où le texte est vraim ent énoncé. Ce lieu et ce temps créent les co o rd o n n ées spatiotem porelles réelles du texte.

Le verbe utilisé d an s l’énoncé concret, et su rto u t sa finale caractéristiq u e d ’un paradigm e tem porel d onné — c ’est-à-dire un m o- nèm e à la fonction gram m aticale — localise un certain fait extratextuel dans le tem ps. Il fait cela p a r le biais d ’une référence au p o in t zéro de l ’énoncé. C ’est p o u r cela justem ent que R eichenbach range le verbe d an s la catégorie des sym boles qui se re to u rn en t sur eux-m ê­ mes — et ce d an s la trad itio n linguistique des to u rn u res déictiques, des déictiques.

O n y com pte diverses classes d ’élém ents et de co nstructio ns lin­ guistiques qui se réfèrent directem ent à la situation é m e tte u r -ré c e p te u r d an s laquelle ils o n t été utilisés: les pro n o m s personnels j e et tu, les p ro n o m s d ém onstratifs et les paradigm es tem porels. D e cette catégorie fo nt aussi partie certains adverbes, entre autres ceux qui c o m m u n iq u en t des ra p p o rts tem porels: m aintenant, aujourd’hui, de­

main, hier etc. D e m êm e que les paradigm es de tem ps, ces adverbes

co m m u n iq u en t des ra p p o rts tem porels qui se passent dans la réalité extratextuelle en se référant au p o in t zéro. L a localisation tem porelle s’accom plit ici ce p endant grâce au recours à des m oyens lexicaux.

C ette localisation tem porelle ob tenue à l’aide des form es simples du verbe et des adverbes déictiques est un cas de com m unication relative du tem ps. M ais c ’est aussi un cas de com m unication directe. U ne telle localisation p eu t avoir un caractère interm édiaire: qu and les faits extratextuels ne renvoient pas directem ent au p o in t zéro, m ais à des faits qui o n t été localisés antérieurem ent à ce point. Un exem ple de cela peut être co nstitu é p a r les tem ps com posés du français et de l ’anglais, m ais aussi par certaines formes polonaises

19 H . R e i c h e n b a c h , « E lem en ty lo g ik i form aln ej» (E lém en ts d e lo g iq u e fo rm elle), [dans :] L o g ik a i j ę z y k .

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98 A le k sa n d e r L a b u d a

des tem ps futurs et p ar le phtsquam perfectum rém anent. M ais le p o in t de référence ultim e reste to u jo u rs le p o int zéro.

Le p o int zéro — souvenons-nous-en — c ’est le m om ent et le lieu où un texte ou un exem plaire d o n n é de signe a été énoncé. Ce po in t zéro n ’a donc pas été do n n é sur l’échelle d ’un tem ps daté conventionnellem ent une fois p o u r to u tes, de façon absolue en quelque sorte. Au contraire, il est ch aq u e fois différent, dép en d an t de la coordonn ée de la situ atio n tem porelle concrète é m e tte u r - r é c e p ­ teur. C ette com m unication relative du tem ps, qui est au ta n t lexicale que gram m aticale, ne fonctionne que dan s la sphère du processus de la com m u nication dite qui se caractérise p ar une coexistence m axim ale de t o u s les élém ents de ce processus, et s u rto u t p ar la coexistence de l’ém etteur et du récepteur. Ainsi donc, les pro p o sitio n s des linguistes concernent en général — m êm e s ’ils ne form u len t pas to u jo u rs clairem ent ce fait — la co m m un ication dite.

D ans le cas de l ’oeuvre littéraire, no us avons affaire, d ’habitude, à un texte écrit, qui fonctionne en d eh ors de la situation p rim iti­ ve de l ’au teu r —ém etteur. L a co m m un ication du tem ps ne p eut donc s’accom plir ici sur la base du p oint zéro de l’auteur. B artoszyhski dit que

Le véritab le fo n d em en t d e la c o n stitu tio n du tem p s représenté en littératu re est le tem p s réel du d év e lo p p e m e n t d e la co n c r é tisa tio n d e l'o eu v re littéraire, c ’est-à-d ire, en d ’autres term es, le tem p s d e lectu re de l'én o n cé littéra ire20.

Sans dou te cette pro po sitio n ne peut-elle entrer en ligne de com pte. En effet, le po in t zéro du lecteur est une donnée tem p o ­ relle variable, différente p o u r chaq ue acte de lecture particulier.

T entons d ’exam iner ce problèm e d ’après l’exem ple de la lettre qui constitu e l’étape interm édiaire en tre la co m m un ication dite co u ran te et le processus littéraire de la com m unication écrite. La chose sera particulièrem ent évidente dans le cas de la co rresp on dan ce officielle où l’on exige que la lettre contienn e des données telles que la d ate et le lieu de l’envoi ainsi que la d éno m in atio n précise de l’ém etteur et du récepteur (adresse). B ühler parle d ’un ch am p d ’énoncé subjectif qui organise le texte d it à l’aide des déictiques:

je, tu, ici, maintenant, à l ’aide des paradigm es tem porels etc.

L ’exem ple de la lettre m o ntre que le texte écrit socialise en q u el­

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L e s P ro b lè m e s d e stru c tu re tem p o re lle 99

que sorte ce cham p — c ’est que le prénom to u t de m êm e et, plus encore, le nom de famille ren voient au côté «socialem ent contrôlé» de n o tre individualité. D ans la correspo nd ance, nous som m es aussi tenus à une lexicalisation du p o in t zéro de l’énoncé ou, plus largem ent encore, à une lexicalisation de tous les élém ents non linguistiques de la situatio n é m e tte u r -ré c e p te u r , ce que nous ne devons pas faire d ans le cas d ’une com m un ication dite (nous laissons de côté, ici, le problèm e de la co m m unicatio n rad io p h o n i- que ou téléphonique qui est dite, elle aussi). Ce n 'est q u 'a u m o­ m ent où les coordonnées spatiotem porelles ont été verbalisées par le texte, c ’est-à-dire, en d ’autres term es, q u ’elles o n t été projetées sur l ’échelle de tem ps datée conventionnellem ent de la fiction c o u ra n ­ te du tem ps (du tem ps du m ilieu) que devient possible une com m uni­ catio n relative des ra p p o rts tem porels de la réalité extratextuelle. Rien d ’é to n n an t d o n c si les linguistes, qui s’occupent su rto u t de textes oraux, o n t été intéressés essentiellem ent p ar la co m m u nicatio n relative du tem ps. D an s les études sur les textes écrits, le cen tre de gravité des analyses se p o rte sur la com m unicatio n lexicale et absolue des ra p p o rts tem porels. Bien sûr, cette co m m u nicatio n est absolue dans le cadre d ’un système de calendrier qui lie l’ém etteur et le récepteur. Ce systèm e est lui-m êm e, il va sans dire, conventionnel.

A ce point des réflexions, il n ’est plus possible de parler de façon générale d ’oeuvre littéraire. N os rem arques ultérieures con cerne­ ro n t les oeuvres épiques et plus particulièrem ent les rom ans. C ’est sur le terrain du genre rom anesque en effet que la p ro b lém a ti­ q ue du tem ps littéraire s’exprim e le plus pleinem ent.

U n po in t de d é p a rt com m ode nous sera fourni par le cadre conceptuel esquissé p a r K . B artoszynski. D ’après B artoszynski, le tem ps de la réalité représentée dans l’oeuvre épique p eut être exam iné:

a) sur le plan des é v én em en ts rep résentés;

b) en lia iso n avec la r ela tio n : év én e m e n ts rep résen tés — plan de la n a rra tio n ; c ) d a n s le cad re du p la n de la n arration ;

d ) en liaison av ec la r ela tio n : narration — plan de la r é c e p tio n 21.

Sur la base des précisions effectuées plus h au t sur la façon

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A le k sa n d e r L a bu da

de com prend re le term e «plan de la n arratio n » , n o us pouvo ns effectuer des réductions des po ints (b) et (c). En effet, a u ta n t la situ atio n de l’ém etteu r qui est représentée dan s le ro m an (pour au ta n t q u ’elle y soit représentée) que la situ atio n de récepteur co n trib u e n t au plan de la n arratio n . Il est facile de m ener une analogie avec ce qui a été m o n tré d an s l ’exem ple d e la lettre. T o u t com m e la lettre, l ’oeuvre épique verbalise d ’u ne m an ière spéci­ fique (pourquoi spécifique? nous le verrons plus tard ) les élém ents non linguistiques du processus de la co m m unication. C epen dan t, elle ne les verbalise pas to ujo u rs tous. Ici interviennent, en principe, trois possibilités fondam entales.

L a plus simple de ces possibilités, c ’est la n arratio n strictem ent objective, celle q u ’on appelle traditionn ellem ent — q u oiqu e le term e soit tro m p eu r — la n arratio n à la troisièm e personne. Il au rait m ieux valu parler de n arratio n s u r la troisièm e person ne si on s’accorde avec Benveniste sur le fait que le p ro n o m non-personnel IL va désigner to u t ce qui, p o u r l ’heure, ne se trouve p as sur l’axe de co m m u n icatio n 22. Si l’on m ène ainsi la n arratio n , le seul élém ent du processus de co m m u nicatio n qui soit représenté (et en m êm e tem ps, p aradoxalem ent, rep résen tan t) est l’énoncé lui-m êm e qui im plique un certain je qui le dit et un certain tu à qui l ’énoncé est adressé. Le n a rra te u r ap p a raît ici, p o u r ainsi dire, com m e une pure fonction liguistique et n ’inform e pas de sa présence ni gram m aticalem ent ni lexicalem ent. Il se co m p o rte d onc com m e s’il avait adm is q u ’il était vu ou du m oins enten du p ar le récepteur.

M utatis m utandis on p eut dire la m êm e chose de la catégo rie

du lecteur virtuel. Les seules inform ations sur leur silhouette p erson nel­ le, à l ’un et à l’autre, sont portées par ce que Zaw adow ski appelle l’expression du texte et su rto u t p a r l’expression de la co n stru ctio n du con ten u à l’aide des énoncés co m m un iq ués; on peut observer cela facilem ent dans l’exem ple de la littératu re dite enfantine. Il faut cep en d an t faire des réserves: on ne peut ici parler d ’expression que du seul p o in t de vue de ce je qui énonce le texte. D u p o in t de vue de l ’auteu r, nous avons affaire au cas que B arthes appelle l’expression co n v en tio nn alisée23 puisque le n a rra te u r est to u t de même, en dernière instance, une constru ctio n de l ’auteur.

- - E. B e n v e n i s t e , « L a N a tu re d e s p r o n o m s» , [dans:] P r o b lè m e s ... - ł B a r t h e s , op. c it.. p. 60.

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L e s P ro b lè m e s d e stru ctu re tem p o re lle

101

La seconde des possibilités réalise un m odèle interm édiaire. Le n a rra te u r ne signale sa présence (ou la présence d ’un récepteur virtuel) q ue gram m aticalem ent tandis que son énoncé est concentré sur le plan des événem ents et conserve de fa c to son caractère objectif.

Il existe, enfin, une troisièm e possibilité où le n a rra te u r a p p a ra ît dans le cham p sém antique de l’énoncé, où il com m un iq ue sa présence ta n t gram m aticalem ent que lexicalem ent. C ’est alors que l’affaire se com plique. Le j e qui ap p a ra ît d ans le texte se m ultiplie en quelque so rte: il désigne a u ta n t le sujet p a rla n t que le j e qui est objet de l ’énoncé, celui qui dit et celui d o n t on parle. C ette situation est très bien rendu e p ar la form ule de L acan : «Est-ce que le sujet d o n t je p arle qu an d je parle est celui-là m êm e qui p a rle ? » 24 Au niveau de la n arratio n , il convient de ne situer que ce prem ier je , celui qui parle actuellem ent. L ’au tre je se situe sur le plan des événem ents représentés quoique du côté «passeport personnel» il form e un to u t avec le n arrateu r. O n p o u rra it p arler ici de n arratio n retou rnée ou subjective — elle est réalisée p a r la co nvention de l’au to bio g rap h ie.

D a n s le dom aine de la n arratio n subjective, il est encore possible d ’op érer une division qui dépend du type des activités narratives accom plies p ar le n a rra te u r. Ce peut être un n arrateu r-au teu r, c ’est-à-dire un n a rra te u r qui invente l’histoire q u ’il tran sm et, soit q u ’il la raconte, en n arrateu r-co n teu r, soit q u ’il l’écrive, en n arrateu r- -écrivain. Ce peut être u n n a rrateu r-réd a cteu r qui relate soit un texte trouvé, soit une histoire en ten d u e; alors, l ’h i s t o i r e elle- -m êm e est véritable, m ais sa version verbale est plus ou m oins m odifiée. Ce peut être, enfin, un n a rra te u r-ra c o n te u r ou un n arrateu r- -écrivain (dans le cas du jo u rn a l, des m ém oires, des lettres) qui tran sm et et l’histoire et la version authen tique.

P eu t-o n p arler de tem p s d u plan de la n a rra tio n dans le cas où le ro m an réalise u n m odèle de n a rra tio n strictem ent objective c ’est-à-dire dan s le cas où l ’image de la com m u nicatio n en tre n a rra te u r et lecteur virtuel n ’est pas reconstruite verbalem ent? Il sem ble que ce soit possible. D eux possibilités se dessinent. La prem ière, c ’est l ’expression du tem ps; cette possibilité sera discutée

24 Je cite d ’après R. B a r t h e s , « In tr o d u c tio n à l ’a n a ly se stru ctu rale du récit»,

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102 A lek sa n d er L a b u d a

dans un instant. L ’a u tre possibilité, c ’est l’o rd o n n a n c e tem porelle qui ap p araît dans l’énoncé lui-même.

De cette o rd o n n an ce décide le p o stu lat p urem ent technique de l ’o rd o n n an ce linéaire du texte. P o u r p arle r plus sim plem ent, disons q u ’elle résulte du fait q u ’on ne peu t p ro n o n c er deux phrases à la fois. C ’est donc un type d ’o rd o n n a n ce qui est en m êm e tem ps absolue et m inim ale — elle d o it être p o u r le m oins perceptible. U ne rem arque encore: elle est p ro p re à tous les textes et pas seulem ent à la n arratio n épique.

L ’ordre tem porel de la n a rra tio n strictem ent objective est donc défini p a r deux traits fond am entaux qui résultent du postulat de linéarité: la consécutivité et l’unité de perspective.

L ’ordre consécutif de l’énoncé n a rra tif co rresp o n d à la définition que Leibniz do n n e du tem ps — ord re des choses qui se succèdent25. C ette o rd o n n an ce ne peut être définie d ans les catégories de l’étendue tem porelle. Elle concerne l ’aspect substantiel de l ’énoncé, elle concerne donc la division de l ’énoncé en segm ents particuliers et la succession de ces segm ents. En fin de com pte, il s’agit d o n c de l’ordre (de la succession) d ans lequel le texte fo u rn it des inform ations sur le m onde représenté.

En ce sens, on p eut dire que l’énoncé est le processus, agissant dans le tem ps, de fou rn itu re de l’in fo rm ation , q u ’il est la fable au contenu de laquelle co n tribue une suite d ’événem ents verbaux qui se succèdent. M ais à l’inverse du tem p s aux m ultiples perspecti­ ves du m onde représenté (du tem ps de la fable stricto sensu) le tem ps de la n a rra tio n n ’a q u ’une perspective. Leurs ra p p o rts récipro­ ques, à ces deux tem ps, p o u rraien t être m ontrés p a r l’exemple d ’une m asse, d ’un cube — le cube illustre le tem ps à tro is dim ensions de la fable et sur sa face supérieure, une feuille de p ap ier plate placée p erpendiculairem ent représente le tem psr à deux dim ensions de la n arratio n . Sur cette feuille, le m ouvem ent n ’est possible que dans deux d irectio ns: en suivan t le b o rd supérieur, «en avant» et «en arrière» si l’on se place d ans l’axe n a rra te u r —lecteur virtuel, et verticalem ent, «vers le haut» et «vers le bas» si l’on se place dans l’axe n a r ra tio n —m onde représenté.

25 C f. H . D r e y f u s le F o y e r , P h ilo so p h ie g é n é ra le, P aris 1965. C ’est M m e K . F a lick a q u i a eu l ’o b lig ea n ce d ’attirer n o tr e a tte n tio n sur c e tte d éfin ition .

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L es P ro b lèm es d e stru ctu re tem p o re lle 103 Aussi bien la consécutivité que l ’unité de perspective co ntribu en t à la caractérisatio n tem porelle de la n arratio n subjective sans l’épuiser toutefois. D ans une n arratio n de ce type, le cham p sém antique voit ap p a ra ître des inform ations sur les élém ents non linguistiques du processus de com m unication (sur le n arrateu r, sur le lecteur virtuel, sur la situation) et aussi, souvent, sur les ra p p o rts tem porels qui on t cours en tre ceux-ci.

Ces info rm atio n s peuvent concerner la question de l’étendue tem porelle du processus de n arratio n . C ette étendue est signalée p a r des to u rn u re s du genre: «com m e nous l ’avons déjà dit» ou bien «nous en parlero n s dans un instant» etc. Ces to u rn u res indi­ quent qu elque chose d ’autre, elles ind iqu ent ce phénom ène q u ’on peut appeler le déplacem ent du point zéro long de la ligne de l ’énoncé: en effet, certaines parties du texte sont déjà situées clairem ent dans le passé et d ’autres le sont dans le futur. P arfois, le processus de n a rra tio n est conçu dans un cadre tem porel com m u niq ué avec précision (« d e p u is... ju sq u ’à . .. » ou bien «pendant q u e ...» ).

Il convient de situer aussi sur le plan de la n arratio n le problèm e — signalé p ar B artoszynski — du ra p p o rt tem porel qui existe entre la situ ation de l’ém etteur et celle du récepteur. C ’est le plus souvent, de l’avis du critique, une relatio n disjointe: «l’époque de la réception est caractérisée com m e survenan t en un tem ps où la n arratio n (en ta n t que fonction de créatio n-com po sition , no n en ta n t que fonction de reprod uctio n) est déjà arrivée à son term e»26. Il faut préciser cette affirm ation. La relation n a rra te u r —récepteur est conjointe q u an d le n a rra te u r est stylisé en d i s e u r (conteur, raconteur). La relation disjointe a lieu, p ar contre, lorsque le n a r­ rateu r est co n stru it sur la convention de celui qui écrit (rédacteur, m ém orialiste, au teu r de jo u rn al, écrivain), en exceptant toutefois certaines variétés de rom ans épistolaires.

J u s q u ’à présent, nous avons exam iné le plan de la n arratio n considérée com m e un certain processus en soi. N ous passerons m ain ten an t à la discussion de la relation tem ps de la n arratio n — tem ps du milieu d ’une p a rt et de la relation tem ps de la n a rra tio n — tem ps du m onde représenté de l’autre.

Il est relativem ent ra re que le n a rra te u r pro jette le tem ps de

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104 A lek sa n d er L abuda

son énoncé sur une échelle de tem ps datée conventionnellem ent. N o us avons affaire à u n e co m m u nicatio n absolue et lexicale du tem ps de la n arratio n le plus souvent lorsque le n arrateu r est stylisé en au teu r de jo u rn a l ou en c o rre sp o n d a n t; en effet, dans ce cas, la verbalisation d u p o in t zéro de l ’énoncé est en quelque sorte prévue p ar les règles de la convention. D e cette m anière, le n arrateu r-rac o n teu r n ’a p p a ra ît q u ’exceptionnellem ent puisque la logi­ que m otivationnelle de la situ atio n n arrative «dite» prévoit un con tact direct avec l ’au d iteu r; la v erbalisation du p o in t zéro est donc superflue.

E tan t d on né le m an q u e s’inform ation s directes (c’est-à-dire com ­ m uniquées lexicalem ent) sur le tem ps de la n arratio n , la localisa­ tion de celle-ci dans le tem ps du milieu est possible sur la base de l’expression du tem ps contenue dans l’énoncé. Il s ’agit ici to u t a u tan t de l ’expression de la substance du texte que de l ’expression des co ntenu s com m uniqués. Ces problèm es d o n t il est question ne co n stitu en t pas le m oins du m o nd e une nouveauté. La localisa­ tion du texte à l’aide de son expression ap p a rtien t aux m éthodes philologiques traditionnelles. L ’expression de la substance, ce n ’est rien d ’au tre que ce q u ’on appelle les études de la langue d ’une oeuvre et sa d atatio n su r la base des traits de langue; l ’expression du contenu , c ’est l’exam en de ce q u ’on appelle les realia. La d a ta tio n d ’un texte suit un schém a sim ple: a) de cette façon, on a d it (on a écrit) alors et alors, p ar c o n sé q u e n t... b) les objets qui apparaissent dan s la sphère du m onde représenté tém oignent du lien qui u nit l’oeuvre à telle époque et pas à une autre. Les études de ce type ne sont d onc rien d ’au tre que l’établissem ent, sur la base de l’expression du texte, de l’horizon de la fiction tem porelle d o n t dispose, p a r exemple, le n a rra te u r de la Chanson

de Roland. Soulignons-le une fois encore: il s ’agit du n a rra te u r

et non de l’au teu r réel du texte. C ar ni Bédier, ni P auphilet n ’o n t pris en considération l’éventualité où l ’horizon tem porel du sujet qui énonce la C h a n so n ... au rait — peut-être — été co n stru it artificiellem ent p a r l ’auteur. En localisant ainsi le texte, l ’érudit ne le situe pas, d ’une certaine façon, directem ent dans la «réalité historique», m ais il le projette d an s la sphère d ’une certaine fiction cognitive d o n t il dispose à p ro p o s de cette réalité.

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L e s P ro b lè m e s d e stru c tu re tem p o re lle 105 Sans a b a n d o n n er le problèm e de la localisation tem porelle à l’aide de l ’expression de l’énoncé, nous le tran sp o sero n s dans le dom aine de la p ro b lém atiq u e liée au ra p p o rt tem ps de la n ar­ ra tio n — tem ps du m onde représenté. Il s ’agit ici du prob lèm e de la distance épique qui, d ans ce cas concret, sera analysé de la façon la plus com m ode dans l’exem ple du ro m an h isto riqu e. Voilà que l’expression des énoncés étrangers au n a rra te u r localise la situation du n a rra te u r d an s le tem ps du milieu. O n a localisé de m êm e les énoncés des h éros qui se situent sur le plan du m onde représenté. La langue «contem poraine» du n a rra te u r et la langue archaïsée des répliques q u ’il cite suggérera (exprim era) une grande distance tem porelle entre le plan de la n a rra tio n et celui du m onde représenté. M ais le cas inverse est plus intéressant: c ’est celui de la réduction de la distance épiq ue à travers l ’expression du tem ps que p o rten t les répliques et les énoncés du n arrateu r. D eux possibi­ lités se présentent ici. O u bien le tem ps de la n a rra tio n se rapp ro ch e du tem ps des événem ents représentés, et ce, p a r l’arch aïsatio n des énoncés du n a rra te u r (p. ex. dans les ro m an s de G olubiew ). O u bien le tem ps des événem ents se ra p p ro ch e du tem ps de la n a rra tio n à travers une expression «contem poraine» des répliques (cf. Iwaszkiewicz, Czerwone tarcze — Les Boucliers rouges).

E videm m ent, ce so n t les ra p p o rts tem porels co m m u niqu és par le texte qui co n stitu en t, aussi bien dans le ro m an h isto riq u e que dans to u te oeuvre épique, le fondem ent de la co n stitu tio n de cette distance en tre le plan de la n a rra tio n e t le plan des événem ents. D ans le cas où le tem ps de ces deux plan s n ’est pas défini par une com m unication absolue et lexicale, la distance épique est com ­ m uniquée exclusivem ent gram m aticalem ent, p a r l ’interm éd iaire des form es verbales au passé. Le français, com m e l’a indiqué Benveni- ste 27 — et vraisem blablem ent aussi l’anglais — dispose m êm e de for­ mes passées spéciales qu i o n t cours dans la n a rra tio n épique et qui ne fonctionnen t pas d an s la langue couran te.

Ce so n t des form es de tem ps auxquelles fait appel r é n o n c i a ­ t i o n h i s t o r i q u e qui est, au sens où l’en ten d Beveniste, quel­

27 E. B e n v e n i s t e , « L e s R e la tio n s de tem p s d a n s le verbe fra n ça is» , [dan s.]

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