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Les temoignages et les styles de réception

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Michał Głowiński

Les temoignages et les styles de

réception

Literary Studies in Poland 9, 45-63

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M ichał G łow iński

Les T ém oignages et les styles de la réception

1

C ette question reste to u jo u rs sans réponse: com m ent analyser le fo nctionnem ent de la littérature, com m ent analyser les concrétisa­ tions*, ou, généralem ent, le phénom ène de la réception ? La question est élém entaire, ca r elle perm et de dire quels m atériau x faudrait-il prendre en considératio n p o u r rendre co m pte des m éthodes de la réception pro p res à une époque et ensuite dévoiler ses styles caracté­ ristiques. Le problèm e est su rto u t d ’o rd re p ratiqu e, vu q u ’il concerne le choix du m atériau à analyser.

La question se pose devant l’historien de la littératu re sous une form e attén uée lorsqu'il se donn e p o u r bu t de décrire des textes littéraires sans ten ir com pte des m odes de la récep tio n; to u t au plus elle concerne les frontières de la littératu re h les com pétences du chercheur, ce q u ’il d o it analyser en em ploy ant les outils de sa prop re discipline. A u jo u rd ’hui la chose ne suscite ni discussions ni ém otions spéciales, les frontières de la littératu re ayan t été délim itées d ’une m anière to u t à fait précise, diiférem ent d ’ailleurs p o u r diverses épo­ ques littéraires.

* La n o tio n d e la c o n crétisa tio n a été in trod u ite d an s la théorie de la littérature par R o m a n In g a rd en qui la co n c e v a it en tan t q u ’une d es c a tég o ries fo n d a m e n ta ­ les de so n sy stèm e esth étiq u e. La co n c r é tisa tio n — se lo n Ingarden — c ’est l’asp ect de l’oeu v re littéraire que celle-ci revêt au co u rs de l ’a u d ien ce. Le récepteur (bien qu'il so it d ép en d a n t d es caractères de l’o eu v re) d ev ien t d a n s une certaine m esure — grâce à la co n c r é tisa tio n — so n co-créateu r.

1 V o ir H . M a r k i e w i c z , G łów n e p ro b le m y w ie d z y o lite ra tu rze (L es P rin cipau x

p ro b lè m e s de la scien ce de la litté ra tu re ), ch. II : W y zn a czn ik i literatury (Le littéraire),

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L o rsq u ’on aborde l ’analyse de la réception, la situation se com ­ plique. O n ne peut se b o rn e r à l’analyse des textes, ils ne sont q u ’un seul — quoique principal — élém ent de l’acte de la co m m un i­ ca tio n littéraire. La concrétisation de l’oeuvre n ’est pas u n texte d an s le sens propre du m ot, elle n ’est pas un texte dans le m ême sens que l’est une oeuvre littéraire. Il fau t d ’ab o rd déterm iner quels m atériaux p erm ettent d ’analyser la réception, donc ceux que nous devons analyser. C ette affaire est d ’une h au te utilité p ratique lorsque ce qu i touche à la réception n ’est pas traité com m e objet de reflexión théo riq u e et que nous nous concen trons sur les situations détaillées de la com m unication littéraire. C et essai est une tentative de tra ite r la question de m anière pratique, tentative — l’au teu r en est pleinem ent conscient — encore provisoire et incom plète.

Le fait de la réception — répéto ns le — n’est pas, dans la m ajo rité des cas, directem ent do nné au chercheur com m e l’est l’oeuvre littéraire. Il faut d ’ab o rd le reconstruire à la base de textes d ’un certain genre; ceux qui perm ettent de se faire in terp réter en ta n t que tém oignages. C ette sphère de phénom ènes est loin d ’être hom ogène, car elle se com pose de m essages divers et différenciés. O n peut les diviser en cinq groupes élém entaires.

1. Les énoncés (littéraires, para-littéraires, critiques) d ont le proces­ sus de lecture devient le thèm e.

2. Différents types d ’énoncés m éta-littéraires à caractère d iscu rsif (critiques, historico-littéraires, théoriques) où l’action de la lecture n ’est pas devenue thèm e; ces énoncés tém oignent indirectem ent des m éthodes de la réception, révèlent les regards sur la littératu re, m o n tren t les catégories générales avec lesquelles on la définit.

3. T ous les types de textes qui renvoient à d ’autres textes p a r leu rstru ctu re (pastiches, parodies, stylisations etc.).

4. D ifférents genres de tran sfo rm atio n s opérées sur les oeuvres littéraires (traductions, paraphrases, transcriptions).

5. Les recherches sociologiques à caractère em prique tra ita n t de la circulation des oeuvres littéraires dans différents groupes sociaux et de leurs m odes de lecture.

Les m atériaux réunis dans le prem ier groupe se prêtent le plus facilem ent à la reconstruction, ils so n t presque directem ent donnés. O n peut en dégager tro is types d ’énoncés: les énoncés sur l’oeuvre

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47 dans l’o e u v re 2, co n cern an t les m odes de réception (« litté ra tu re cri­ tique », « m éthodologie littéraire de la littératu re »), tou s les types de notes de lecture dans les correspondances, les jo u rn au x intim es et autres docum ents personnels (c’est le dom aine des textes p ara-litté rai­ res qui est ici le plus intéressant) et ce type de critique littéraire que je suis tenté d ’appeler « im pressioniste ».

L ’exem ple type d ’une oeuvre d o n t la lecture est le sujet direct est YEpos-nasza (N otre epopée) de N orw id. C ’est une relation p o éti­ que de la réception. Ce poèm e est bien-entendu quelque chose de plus q u ’un récit de lecture ou une anecdote d ’enfance, m ais il ne cesse d ’être une tran scrip tio n poétique de la concrétisation de Don Quichotte. D éjà le titre en tém oigne. Q u an d on co n n aît les réflexions de N orw id sur le genre rom anesque \ on ne peut s’éto n n er q u ’un poèm e consacré à l’oeuvre de C ervantes généralem ent considérée com m e ro m an rejoigne dans le titre une ancienne form e littéraire. C ’est le prem ier indice im p o rtan t de la concrétisation effectuée p ar N orw id ; l’oeuvre de C er­ vantes m érite d ’être lue parce q u ’on lui attrib u e des valeurs qui pour le poète, parm i les genres narratifs, caractérisaient un iquem ent l’épopée. Ce genre de lecture perm ettait de traiter D on Q u ich o tte com m e héros épique traditionnel, com m e personnage à la fois m ythi­ que et sym bolique; une lecture rom anesque de l’oeuvre de C ervantes excluait ce genre de lecture ou, en tout cas la rendait très difficile. M ais les choses ne s’arrêten t pas là; dans sa co ncrétisatio n de D on Q u ichotte N orw id a réussi à rendre actuelles d ’autres valeurs caractéristiques p o u r son ép o q u e; le héros de C ervantes n ’est p as seu­ lement un personnage épique m ais aussi, dans une certaine m esure, un équivalent du poète rom antiqu e. N orw id ne s’intéresse pas à ce qui intéresse les chercheurs de notre siècle, c ’est-à-dire à la divergen­ ce entre les illusions et la réalité; la fausse conscience d o n t le héros est victime ne l’attire point. Les illusions deviennent form e d ’activité

- V o ir D . D a n e k , O p o le m ic e lite ra c k ie j u p o w ie śc i (D e la p o lém iq u e litté ra ir e

dan s le rom an ), W arszaw a 1972.

3 V oir m o n essai « W o k ó ł p o w ieści N o r w id a » (A u to u r d es rom an s de N o r w id ), [dans:] G ry p o w ie śc io w e (Jeux rom anesques), W arszaw a 1973. D a n s une lettre à J a d w i­ g a Ł u szczew sk a d ’octo b re 1871 le p o è te écrivait: «le prem ier livre que j ’ai lu de ma vie c'était le héros de C e r v a n te s» (C. K. N o r w i d , P ism a w s zy s tk ie — E c rits, v ol. 9. W arszaw a 1971, p. 497).

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poétique, création. Il semble que le type de lecture que l’o n peut recon­ struire à p a rtir du poèm e de N orw id est un exem ple d ’u ne réception rom antiqu e de l’oeuvre de C ervantes.

Le vaste dom aine suivant d ans lequel le phénom ène de la réception est devenu thèm e contient les divers genres de notes de lecture, p ar exemple les jo u rn au x intim es ou la correspondance. C o m m e d o ­ cum ents tém oignant de ses propriétés ils o n t certainem en t plus d ’im ­ p ortan ce que les oeuvres strictem ent littéraires où ces problèm es ne dépassent pas la sphère de la littéralité, ne se p rê te n t p as à la sym bolisation. N ’étant pas en général consacrés à la p u b licatio n ils dévoilent avec clarté le style de réception p ro p re à une époque. Le m eilleur exemple, ce sont les nom breuses n otes de lecture p arsem an t les Journaux de Zerom ski.

P arm i les messages dans lesquels les problèm es de lecture et de réception sont devenus thèm es je com pterais aussi un c e rtain type d ’énoncés critiques, que l’on p o u rra it app eler « im pressionistes ». Il ne s’agit pas là de la tendance critique co n nu e sous ce n om dans l’histoire de la critique mais de ces énoncés critiques d o n t l’élém ent le plus im p o rtan t est la transm ission des im pressions subies p en d an t la lecture de l’oeuvre. U ne critique de ce type est certain em ent plus proche des notes intim es que d ’un discours critiqu e à caractère analytique.

N o us pouvons passer m aintenant au second groupe, au x énoncés m éta-littéraires à structure discursive où les m odes de lecture ne sont pas devenus thèmes. Il faut les reconstruire en rech erch an t com m ent et grâce à quelles catégories une époque (un écrivain) ap p réh en d aien t la littérature. Il s’agit donc de tous les types d ’énoncés qui s’occupent du problèm e: critiques (horm is la critique « im pressioniste »), th é o ­ riques, historico-littéraires, philologiques etc. C h acu n d ’eux, même le traité philologique le plus objectif analysant les m odifications du texte tém oigne d ’un certain type de lecture, d ’une m anière m êm e in­ consciente de traiter l’oeuvre littéraire. Ce type de lecture est d ’ailleurs souvent inconscient, car dans la m ajorité des cas le b u t de l’énoncé, q u ’il soit historique ou théorique, est de rendre co m pte des faits, de d o nn er une description objective de l’oeuvre littéraire, son an aly ­ se restant libre de to u t « lyrisme ». Le langage utilisé d a n s ce type d ’énoncé, les catégories descriptives d o n t on s’est servi tém oignent déjà du type de lecture. Les catégories a p p a rtien n en t habitu ellem en t

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à une certaine cultu re littéraire. Les m éthodes de concrétisation se m anifestent le plus clairem ent dans les énoncés critiques, plus libres p ar la n atu re des choses et plus proches du côté em pirique de la vie littéraire que les travaux ap p a rten an t au dom aine strict de la recherche; elles se m anifestent aussi d an s les in terprétatio ns — donc, les études d ’oeuvres individuelles; ces m éthodes perm ettent de se faire reconstruire aussi lorsque les objets décrits sont des grandes entités littéraires.

Les m essages m éta-littéraires à caractère discursif d o n t nous venons de p arler dévoilent une nouvelle ap titu d e: ils perm ettent au chercheur tra ita n t l’histoire de la littérature non seulem ent com m e histoire de la création m ais aussi com m e histoire des différentes m éthodes de la com m unication littéraire de recréer les m odes de la réception propres à une ép oque; ces messages deviennent p ar conséquent intéressants non en tan t q u ’ensem ble de jugem ents vrais ou faux m ais com m e tém oignage des m odes de lecture de l’époque, et ceci m algré que le processus de la lecture n ’en soit pas devenu le thème 4. Le troisièm e groupe est con stitué p ar les énoncés m éta-littéraires non discursifs et non thém atisés, donc ceux qui, par leur structure même, se réfèrent à un au tre texte ou ensemble de textes, et par là tém oignent de sa (leur) concrétisation. Les parodies, les pastiches, les stylisations ap partien nent aux plus im po rtants. Ils m o ntrent de quelle m anière est reçue l’oeuvre qui sert de référence. C ette m anière se réalise déjà d ’une façon qui lui est propre dans le pastiche; n ’étan t pas, d ’habitude, sim ple copie, elle est l’in terprétation d ’un m odèle selon des règles de lecture de rigueur dans une culture littéraire donnée. Cela concerne bien plus la stylisation et la parodie que le pastiche, car dans les prem ières, les facteurs du style co n tem p o­ rain ne son t pas voilés et form ent le contexte nécessaire à sa co m pré­ hension. Les styles de lecture p ropres à une culture littéraire sont un facteur définissant les possibilités de stylisation et de parodie de l’époque. L ’Elu de T hom as M ann en est la m eilleure preuve — parodie de l’oeuvre de H a rtm a n n Gregorius a u f dem Steine — et en

4 J 'a n a ly se ce p rob lèm e à partir de l’o eu vre de K leiner sur S ło w a ck i d ans l'essai « E t u d e de lecture: S łow ack i lu par K le in e r » . Il faut ad m ettre l'o p in io n q u e « la critiq u e est une m étap h ore de l ’acte de lecture et l ’a cte de lecture est in é p u is a b le » (P. de M a n , Blindness a n d Insight. E ssa y s in the R h eto ric o f Con-

te m p o ra ry C r itic ism , N e w Y ork 1971, p. 107).

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m êm e tem ps stylisation d ’une légende hagiographique du moyen â g e 5. Ce récit est l’exemple d ’une réception d ’une légende d u moyen âge ayant lieu dans une situation culturelle où l’oeuvre lue est considérée com m e m onum ent, ca r elle ne co rresp o n d plus à la vision contem poraine du m o nde; ne corresp on d plus au p o in t q u ’il ne suffit plus de prendre p o u r le tem ps de la lecture no s opinions en tre parenthèses; la conscience de l ’ancienneté du texte reçu devient com p o san te de la concrétisation. U ne lecture d o n t tém oigne le récit de M ann serait im pensable même à l’époque ro m an tiq u e où des rappro chem ents avec le m oyen âge p erm ettaien t de fo rm uler et d ’exprim er to u t problèm e littéraire.

N ou s pouvons passer m ain ten an t au q uatrièm e groupe, groupe peu hom ogène — celui de la tra n sfo rm a tio n 6. T ro is dom aines élé­ m entaires ap partien nent à ce groupe: a) les trad u ctio n s, b) les p araphrases, c) les transcriptions. Cet ensem ble est d ’a u ta n t plus im p o rtan t p o u r l’analyse de la réception q u ’on p eu t in terp réter toutes les m odifications de l’oeuvre littéraire com m e m an ifestatio ns de sa lecture: elles s’effectuent sous l ’influence — consciente o u inconscien­ te — de directives de concrétisation propres à une culture littéraire donnée.

C om m e nous le savons tous, chaque trad uctio n, m êm e la plus fidèle, est une interp rétatio n de l’oeuvre trad uite. A p p a rte n a n t au dom aine des choix, elle n ’est jam ais u n calque. Ces choix nous inform ent non seulem ent des décisions conscientes du tra d u c te u r mais révèlent aussi les m oyens de lecture propres à l’époque d an s la­ quelle se fait la traduction . Il suffit de rap p eler deux tradu ction s du Bateau ivre de R im baud — celles de M iriam et de W ażyk. L ’exem ple est intéressant, car en principe les deux trad u cteu rs restent fidèles à l’original, bien que les deux trad u c tio n s polonaises diffè­ rent. O n p o u rrait dire que la version de M iriam est le type d ’une concrétisation d 'u n poèm e sym boliste d an s le style « Jeune P o­ logne », tandis que la version de W ażyk une concrétisation style

5 V oir les rem arq u es de M an n à ce sujet d an s ÿes lettres d atan t de l’ép o q u e o ù il écrivait le rom an (T. M a n n , L e ttr e s 1 9 4 8 — 1955 p u b l. par E. M an n , trad. p ol. de T. Z a b łu d o w sk i, W arszaw a 1973).

6 E. B a l c e r z a n a fait une a n alyse in téressan te du p h én o m èn e de la tra n sfo rm a ­ tion d a n s P r z e : zn a k i (A tra v e rs les sig n es), P ozn ań 1972, pp. 5 9 — 61.

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a v a n t-g a rd e 7. Les deux trad ucteurs renvoient à des conceptions diffé­ rentes de la langue poétique, ils actualisent des trad itio n s différentes. P arfois les discussions au to u r d ’une trad u ctio n révèlent des conceptions de réception différentes: dans la littératu re polonaise l’exemple le plus frap p an t est la polém ique de Tuw im et de W ażyk co ncern ant la tra ­ duction de Eugène Onegine de Pouchkine.

L o rsq u ’on analyse une trad u ctio n com m e tém oignage de réception, il fau t ten ir com pte d ’un m om ent im p o rtan t. L ’analyse est d éterm i­ née p a r le facteur suivant: certaines propriétés de la trad u c tio n ne dépendent pas des décisions du trad u cteu r et de la cu ltu re littéraire à laquelle il ap p a rtien t m ais des caractéristiques de la langue dans laquelle on trad u it. Les résultats ne peuvent être traitées com m e tém oignages de lecture — ils dépendent des nécessités linguistiques. La sim plification des relations tem porelles dans la trad u c tio n de P roust en est un bon exem ple; sim plification résultant du fait que dans le dom aine des tem ps la langue polonaise a des possibilités m oindres que le français. M algré cette restriction les trad u ctio n s dem eurent des tém oignages im portants de réception.

De ce point de vue to utes les parap hrases des oeuvres littéraires sem blent encore plus intéressantes, q u ’elles soient effectuées dans la m ême langue que l’original ou q u ’elles ap p artien n en t à des langues différentes. D ans le second cas on ne peut identifier la p arap h rase avec les trad uction s, car ce n ’est pas la fidélité envers l’original qui im p o rte ici, m ais l’établissem ent d ’une nouvelle version. Version d 'u n e oeuvre généralem ent bien connue et assimilée dans la culture littéraire donnée (il suffit de penser aux p araphrases nom breuses de Robinson Crusoe de Defoe). P o u r la reconstruction des règles de ré­ ception l ’analyse des Odes d ’H orace serait extrêm em ent intéressante; elles on t été p araphrasées dans la m ajorité des langues européennes à p a rtir de* la R enaissance. Les p araph rases rom antiques m on trent certainem ent des m éthodes de lecture to ut à fait différentes de celles que p ra tiq u a ie n t les poètes de la R en aissan ce8. L ’au teu r de la p a ra p h ra ­ se n ’est pas soum is aux rigueurs auxquelles est soum is le trad u cteu r, et son activité est, p o u r ce qui nous intéresse, d ’a u ta n t plus signifi­

7 H . W e i n r i c h parle de l ’im p o r ta n ce d es tem p s propres à la la n g u e p ou r la structure d ’un récit d an s L e T em ps, le ré cit e t le co m m en ta ire, P aris 1973.

8 Sur la réception ro m a n tiq u e d ’H orace voir J. M a r m i e r , L a S u rvie d ’H o ra c e

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cative. La tran sp lan tatio n d ’une oeuvre représentative p o u r un certain niveau de culture littéraire à l’intérieur d ’u n genre a p p a rte n a n t à un au tre niveau est un cas différent. Le m ouvem ent caractéristiqu e qui accom pagne habituellem ent ce genre de p arap h ra se m ène de h au t en b as; la tragédie devient un spectacle de m usic-hall (Juliette et R om eo devenus West Side Story) et se conform e à des règles de réception q u ’elle ne possédait pas intérieurem ent. Ce type de m o d i­ fication a été l’objet d ’une analyse de H a n n ah A re n d t9 com m e p h é­ nom ène caractérisant la culture de masse.

Le phénom ène que nous avons défini com m e tran sc rip tio n est très vaste et différencié. P a r la tran scrip tio n j ’entend s to u te tran sp o si­ tion d ’une oeuvre d ’un système de signes dans un au tre, donc, dans notre cas du système linguistique dans un systèm e de signes d ’un autre art. Bien entendu, tou tes les transp ositio ns n ’a u ro n t pas la même signification du point de vue de la question traitée. C ertaine­ m ent le fait de traiter une oeuvre poétique com m e texte d ’u n chant (p. ex. les poèm es de G oeth e ou de H eine dan s les in n om b rab les Lieder des com positeurs rom an tiq u es allem ands ou des poèm es « Jeune Pologne » dans les Chants de Szym anow ski) est un tém oignage de réception; dans ce cas l ’analyse nécessite une p ré p a ra tio n m usico- logique d ’un h au t niveau, inaccessible h abituellem ent à un historien de la littérature. P o u r d o n n er un exemple plus clair: les illustrations rom antiques de Don Quichotte tém oignent d ’une lecture to u t à fait différente de ce rom an que les illustrations contem poraines.

En ce qui nous concerne, ce sont les tran scrip tio n s théâtrales et ciném atographiques des oeuvres norm atives et aussi poétiques (bien que naturellem ent plus rares) qui nous intéressent le plus. N o u s devons toutefois faire ici la m êm e rem arque que p o u r les trad u c tio n s: tous les élém ents de ces transcrip tio ns ne peuvent être interprétés com m e tém oignages de réception; certains résultent de la nécessité d ’av o ir adopté le langage du film ou du ciném a — ils ne dép en ­ d ent donc pas directem ent de l’au te u r de la tran sc rip tio n et tém oi­ gnent to u t au plus des exigences et des p ro p riétés d u la n g a g e 10.

g H . A r e n d t , L a C rise de la culture. H u it essa is d e p e n sé e p o litiq u e , Paris 1972, p. 266.

10 E. B e n v e n i s t e parle de l'irreversibilité de certain s sy stèm es sé m io tiq u e s d an s son étu d e « S é m io lo g ie de la lan gu e », [dans:] P ro b lè m e s de lin g u istiq u e g én éra le, vol. 2, Paris 1974.

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Bien que limitées de cette m anière, les transcriptions restent tou jo u rs des tém oignages de concrétisation. P ar exemple les ad a p ta tio n s ciné­ m atograph iques 11 des oeuvres de D ostoïevski tém oignent des m éth o ­ des différenciées de la réception, ses rom ans étan t traitées soit com m e im age réaliste des m oeurs, soit com m e dram e psychologique, soit enfin com m e traité philosophique. D ans ce cas aussi, elles ne tém o i­ gnent pas seulem ent des interp rétatio n s individuelles du lecteur de D o ­ stoïevski m ais prouvent certaines tendances de la culture littéraire.

Le cinquièm e groupe de tém oignages diffère fortem ent des précé­ dents. Il est com posé de résultats des recherches em piriques des sociologues s’occupp ant de la circulation des oeuvres littéraires dans différents groupes sociaux. Ils diffèrent au m oins p ar deux élém ents: d ’abord, ces tém oignages sont organisés de m anière consciente, ils sont inventés a priori com m e messages parlan t de types de réception socialem ent différenciés; ensuite, ils peuvent concerner des lectures propres à tous les groupes sociaux, tandis que les tém oignages précédents ne dépassent pas le cercle des c o n n a isse u rs12. Là réside l’im portance de ce type de recherches, bien q u ’elles ne se b o rn en t uniquem ent q u ’au tem ps co ntem p orain (les m atériaux analysés plus h au t ne connaissent pas cette restriction). Ces recherches peuvent nous servir lo rsq u ’elles ne s ’arrêten t pas à une inform ation q u a n ti­ tative con cern an t les livres lus. Elles nous servent qu an d elles co n­ cernent les m odes réels de lecture propres à certains groupes sociaux. Q ue le livre précieux de Bogusław Sułkow ski nous serve d ’exem ­

11 V o ir M . H o p f i n g e r , A d a p ta c je film o w e u tw o ró w litera ck ich . P ro b le m y teo rii

i in te rp r e ta c ji (L es A d a p ta tio n s cin ém a to g ra p h iq u es d es oeu vres litté ra ire s. P ro b lèm es de la th éo rie e t de l'in te rp ré ta tio n ), W ro cła w 1974. P our les a d a p ta tio n s théâtrales

co n su lte r M . B l u e s t o n e , From S to r y to S ta g e . The D ra m a tic A d a p ta tio n o f P rose

F iction in th e P e rio d o f S h a k e sp e a re a n d H is C o n te m p o ra rie s, T he H a g u e 1974.

12 V o ir J. S ł a w i ń s k i , «O dzisiejszych norm ach czytan ia zn a w có w » (L es N o r m e s a ctu elles de la lectu re — d es co n n a isseu rs). T e k s ty , 1974, n o 3, pp. 1 8 — 19 (v. cet v o lu m e ). Se d essin e ici la p o ssib ilité d ’une co lla b o r a tio n d es s o c io lo g u e s et d es ch erch eu rs littéraires, p u isq u e les so c io lo g u e s so n t in téressés par ce que fo n t d a n s ce d o m a in e les h isto rien s de la littérature. C ’est A . K ł o s k o w s k a qui sig n a le cette p o ssib ilité d a n s la partie initiale de son étu d e « P o to c z n y o d b ió r literatury n a p rzy­ k ład zie u tw o r ó w Ż e r o m sk ie g o », P a m ię tn ik L ite r a c k i, 1976, fasc. 1, in titu lé d e façon ca ra ctéristiq u e « S o c io lo g ie et th éo rie de la littérature ».

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ple*-\ Les recherches sociologiques de ce type nécessitent d ’h a b itu ­ de des interp rétations historique et littéraire. Le chercheur littéraire doit poser des problèm es qui p o u rraien t sem bler futiles au socio­ logue: à savoir quelle est la relation entre les m odes de lectu­ re pratiqués p ar des lecteurs ap p a rten an t à de différents grou pes sociaux d ’une part et de l’au tre les directives de co ncrétisatio n inscrites dans l’oeuvre et les directives analogiques fo n ctio n n an t à l’intérieur d ’une culture littéraire donnée.

2

Soulignons-le: l’analyse de la réception à la base de tels ou tels tém oignages n ’a pas p o u r b u t de révéler les traits individuels de la lecture; son but est de rendre com pte du caractère de la réception en ta n t que phénom ène social, des form es pro p res à une culture littéraire donnée. O n peut parler ici des styles de la réception com m e on parle de styles littéraires. L o rsq u ’on ab o rde des problèm es de com m unication littéraire leurs relations deviennent de la plus haute im portance.

Les recherches sur la lecture d o iv en t être traitées p arallèlem en t au x recherches de l ’h isto ire de la littérature étu d ié e du p oin t de vue de l’a ctiv ité créatrice. Ici aussi l’on peut rechercher des m o d è le s d ia ch ro n iq u e s, d ém ontran t la fo r m a tio n d ’un e n se m ­ ble de n orm es d o n n ées, son é v o lu tio n , les stad es de sta b ilisa tio n et de d éca d en ce; on peut aussi rechercher des m o d è les sy n ch ro n iq u es té m o ig n a n t de la c o e x iste n c e d a n s un tem ps d o n n é de d ifférents sy stèm es de lecture v o isin s, voire co n cu rren tiels. D a n s ce d eu xièm e cas, il s ’agit surtout de recon n aître la stra tifica tio n so c ia le des norm es de lecture — leur d isp o s itio n vis à vis d es n iveau x de cu ltu r e littéraire qui se d istin g u e n t d an s le cadre du p u b lic 14.

L o rsq u ’on accepte ces propositio ns il faut chercher les styles de la réception à p a rtir des tém oignages analysés dans la prem ière partie de cet essai. Ces sty le s15 ne doivent pas o bligatoirem ent être p arallè­

l? B. S u ł k o w s k i , P o w ie ść i c zy te ln ic y . S p o łe c zn e u w aru n kow an ia zja w isk o d ­

bioru (L e Rom an e t les lecteu rs. L e s co n d itio n n em en ts so c ia u x d es p h én o m èn es de la ré cep tio n ), W arszaw a 1972.

14 S ł a w i ń s k i , op. c it., p. 17. '

15 J ’en ten d s le style d ’une m anière large, c o m m e le fo n t so u v e n t les h isto rien s de l ’art, p. ex. M . S c h a p i r o , « S t y l e » , [dans:] A e sth e tic s T o d a y, ed. M . P h ilip so n , C le v e la n d — N e w Y ork 1961. Les a n th r o p o lo g u e s de la cu ltu r e e m p lo ie n t la m êm e c a té g o r ie de style.

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les aux styles de la création prévalant dans les époques oü les oeuvres données sont reçues; le dom aine de la lecture est plus vaste que celui de la création littéraire de l’époque donnée car il englobe toutes les oeuvres lues alors. Il faut aussi tenir com pte du fait que toutes les oeuvres écrites et publiées à une époque donnée ne deviennent pas objets de lecture. Les directives de concrétisation q u ’elles p o rten t en elles peuvent entrer en conflit avec les norm es de la lecture réglant à cette époque les processus de la réception; su rto u t parce q u ’elles dépassent la p ratique m oyenne de lecture de l’époque.

Il sem ble donc q u ’on peut provisoirem ent distinguer sept styles de réception élém entaires. La liste établie est loin d ’avoir un caractè­ re définitif, son bu t étan t de m o n trer un certain répertoire de possibi­ lités — donc, d ’étab lir une o rien tatio n prélim inaire. C ette liste subira certainem ent des changem ents à m esure que les problèm es de la réception deviendront sujets d ’analyses historiques concrètes. N ous voyons d o n c ia possibilité de distinguer les styles suivants:

A. L e s t y l e m y t h i q u e . Il se m anifeste sous sa form e la plus pure lorsque l’oeuvre littéraire est reçue com m e message religieux clam ant les vérités de la foi. D ans un certain sens, l’oeuvre n ’a pas d ’existence auton om e, car elle dépend directem ent d ’u n e co n ­ ception d u m onde. Il sem ble que ce style de réception était de règle dans les sociétés archaïques qui ne connaissaient pas la littérature com m e phénom ène spécifique et in dépen dant; le style m ythique était alors un style unique, la culture archaïque n ’au to risan t pas la créa­ tion d ’au tre s styles. Plus tard, dans des conditions sociales plus com ­ pliquées il a perdu son privilège d ’exclusivité et pouvait accom pagner d ’autres styles. Son dom aine, c ’était av an t to u t la réception des oeuvres liées au sacré. M ais pas seulem ent. Il déterm ine la réception de tous ces m essages que l’on considère com m e actualisation des conceptions du m onde connues et approuvées; des messages qui non seulem ent app ro u v en t ces conceptions m ais encore les renforcent.

B. L e s t y l e a l l é g o r i q u e . T andis que le style m ythique introduit surtou t les oeuvres reçues à l’intérieur d ’une conception du m onde plus vaste to u t en n ’étan t pas soum is aux principes de leur structure (on peut, à vrai dire, recevoir chaque oeuvre de façon m ythique), le style allégorique de la réception s’organise essentiellem ent a u to u r de la thèse concernant la structure de l’oeuvre. Ce style p a rt de la

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conviction que l’oeuvre littéraire a deux dim ensions. La prem ière im porte à m esure q u ’elle sert à dévoiler la seconde, celle qui c o n ­ tient des m atières im portantes, stabilisées et figées p ar la n atu re des choses. Le lecteur a p o u r b u t de les retro uv er et de les co m p ren ­ dre. Le style allégorique de la réception, basé sur la recherche d ’un « deuxièm e fond », ne se form e pas uniquem ent lorsque nous avons affaire à des oeuvres à structu re allégorique réelle. Il dispose de tou tes les données p o u r être un style universel, donc, de se soum ettre to u t type d ’énoncé. D ans le cas d ’une lecture allégorique d ’une oeuvre non-allégorique nous avons affaire à ce qui a été appelé « allégorie im posée » 16. Le style allégorique n ’est pas un iquem ent une su pp osi­ tion concernant la stru ctu re de l’oeuvre, il l’in tro d u it après-coup dans un système conceptuel. Il en est ainsi, parce q u ’il se fonde sur la stabilité des relations entre les deux dim ensions de l’oeuvre littéraire, la seconde (« deuxièm e fond ») rép o n d an t au systèm e global de convictions. Ce n ’est pas un h asa rd que le style allégorique de la réception soit prop re av a n t-to u t aux époques ay an t des conceptions stabilisées du m onde. Il existe une variante du style allégorique, c’est le style qui p art du principe que les oeuvres sont écrites dans la langue d ’E sope; q u ’en conséquence elles cachent des m atières qui p o u r telles ou telles raisons ne peuvent com m u niqu er dans la société donnée. Ce qui ap p a rtien t donc à la prem ière dim ension sert de m asque p our leurrer le despote (dans cette conception C rom w ell, p o u r C hateaubrian d, revenait B onaparte).

C. Le s t y l e s y m b o l i q u e . De m ême que le style allégorique, il se fonde sur la double structure dim ensionelle de l’oeuvre littéraire. C ette fois-ci elle est com prise de m anière différente. La conviction fondam entale du style allégorique est rejetée, car on ne cro it plus que les relations entre les deux dim ensions sont fixées et délim itées une fois p o u r toutes, et, p ar là, renvoient à des conceptions stables. A u contraire, le style sym bolique de la co n crétisatio n adm et que ces relations soient floues et indéterm inées. La prem ière dim ension n ’est donc pas lim pide et n ’ouvre pas de voies sur le d om ain e des sens clairs et figés. Elle peut, to u t au plus, suggérer des signifi­ cations ancrées dans la seconde dim ension. Ce style im pose un rôle

16 Voir R. T u v e , A lle g o ric a l Im agery, S o m e M e d ia e v a l B o o k s a n d Their P o s te r ity , P rinceton 1966, ch. « I m p o s e d A lle g o r y » .

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51 plus ac tif au lecteur, laisse un cham p libre à son initiative. Le style sym bolique peut aussi avoir un caractère universel, ses règles pou van t régir des oeuvres n ’ayant pas une structure essentiellem ent sym boli­ que. C ertaines oeuvres peuvent être lues de deux façons, de m anière allégorique ou sym bolique. D ans le prem ier cas le lecteur essaie de déchiffrer ce que signifie l’histoire de Joseph K . du Procès de K afka (p. ex. la situation de l’hom m e vis-à-vis de D ieu); dans le se­ cond cas il est conscient du fait que cette histoire a été pourvue d ’un ensem ble de significations fluides et obscures et q u ’en aucun cas elle ne deviendra m onosém ique. Le style sym bolique de la réception est dans une certaine m esure un style ouvert, respectan t la possibilité de plusieurs significations.

D. L e s ty le i n s t r u m e n t a l . A l’intérieur de ce style de réception, l’oeuvre littéraire perd en quelque sorte son autonom ie, autrem ent toutefois que d an s le style m ythique et — parallèlem ent — allégori­ que. Ce qui im porte ici, ce n ’est pas une inclusion directe des oeuvres reçues dans un ensem ble conceptuel. Il faut les traiter com m e m oyens d ’activité résultant d ’une idéologie choisie. N o u s avons affaire à une lecture utilitaire, renvoyant à une conception du m onde c o u ra n ­ te ; cette lecture n ’est pas m orale, m ais m oralisatrice. En conséquence, l’oeuvre — souvent, ind épendam m ent de son caractère réel — devient au cours de la réception quelque chose com m e un exem ple édifiant, élém ent d ’une didactique sui generis. D ans la sphère d ’activité de ce style se m anifeste une tendance aux divisions d ychotom iques — même lo rsq u ’elles n ’o nt pas de fondem ent dans l’oeuvre concrétisée (un m onde n oir et blanc oü l’on trace une ligne de dém arcation entre ce qui est positif et

négatif)-E. L e s t y l e m i m é t i q u e . Il est fondé sur la conviction q u ’entre les objets et les situations représentés dans l’oeuvre littéraire et les objets et situations a p p a rte n a n t au m onde réel, il existe une relation de ressem blance, de reflet et d ’im itation. Ce style situe donc l’oeuvre par ra p p o rt à l’univers n on-littéraire au trem en t que les styles précé­ dents: il ne renvoie p as à un ensem ble conceptuel, m ais à la « réali­ té». Plus précisém ent, à ce que l’on prend p o u r la réalité dans une culture donnée, puis q u ’elle est to u jo u rs filtrée à travers tel ou autre ensem ble de convictions et de croyances; « la réalité » est ici to u jo u rs une réalité interprétée. Le style m im étique fait que dans le cadre de la lecture la vérité devient un élém ent im p o rta n t; vérité

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traitée en apparence selon sa définition classique. L ’histoire des c o n ­ ceptions m im étiques prouve que leurs ra p p o rts avec cette définition sont to u t à fait illusoires. Il suffit de rappeler, p o u r en être convaincu, que la réalité était quelque chose d ’au tre p o u r les théoriciens a n ti­ ques de la mimesis et leurs co n tin u ateu rs classiques et quelque chose d ’au tre p o u r les théoriciens du réalism e. U ne seule chose ne change p as; to u t style m im étique accepte la réalité com m e point de référence élém entaire, sans se rendre com pte du fait que l’idée de la réalité est plus ou m oins le résultat d ’hypothèses acceptées d ’em ­ blée, le résultat d ’une in terp ré tatio n effectuée selon certaines règles. Ce style peut s ’actualiser non seulem ent d an s la réception des oeuvres qui o n t p o u r fondem ent une esthéthique m im étique, bien q u ’il lui soit plus difficile q u ’aux styles précédents de se soum ettre aux oeuvres qui en étaient éloignées. Il est s u rto u t bâti sur la raison, p rêt à re­ jeter ce qui semble en trer avec elle en conflit.

F. L e s t y l e e x p r e s s i f . Le tra it le plus im p o rtan t de ce style est la place de l’oeuvre lue p a r ra p p o rt à l’ém etteur. L ’au te u r est ici q u elq u ’un d ’au tre que cet instigateur lointain d o n t on p eut re ­ tran ch er l’énoncé en estim ant q u ’il a acquis une existence auto n o - m ique. Il est traité com m e un élém ent du texte sui generis, puisque to u te la lecture tend a révéler ses p articularités et le contenu de l’oeuvre est interprété com m e syndrom e, parfois m ême com m e m es­ sage direct ém anant de sa personnalité. Le style expressif de la récep­ tio n se fonde sur une présence incessante de l’auteur, il peu t in terp ré­ ter chaque élém ent de l’oeuvre com m e m an ifestation (consciente ou inconsciente) de son univers intim e, de ce q u ’il ressent, de sa si­ tu atio n intérieure exceptionnelle et naturellem ent irréitérable. La p a r­ ticularité élém entaire de ce style c ’est sa tendance à l ’individualisa­ tion.

G . L e s t y l e e s t h é t i s a n t . Il p a rt de la réception de l’oeuvre littéraire su rto u t en ta n t q u ’oeuvre litté ra ire 17, on p eut donc p arler ici de lecture autotélique. Cela ne signifie pas que la conviction q ue l’énoncé littéraire est un type de texte spécifique ne puisse

17 C ’est K arlh ein z Stierle qui m ’a su ggéré la p o ssib ilité de d istin g u er ce style d a n s la d iscu ssio n qui a suivi ma co n féren ce sur les p ro b lèm es d e la réception à R u h r-U n iv e rsitä t B o c h u m 1974. La variété lu d iq u e de ce style m ’a été sign alé lors d ’une d iscu ssio n p en d a n t la C o n féren ce T h éo r ic o -L ittéra ire à SIem ien en 1975.

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accom pagner les styles de réception déjà cités (elle peut accom pagner chacun d ’eux), m ais ici elle revêt une form e particulière. D ans cer­ tains cas l ’idée de l’art p o u r l’a rt devient une directive de concréti­ satio n ; la beauté et la form e com prises de telle ou telle m anière — des catégories élém entaires. La lecture se concentre su r l’oeuvre même et exclue to u te com préhension instrum entale. Le m ode ludi­ que de lecture peut être une des form es du style esthétisant de réception; on reçoit l’oeuvre su rto u t dans des catégories de jeu, com m e source de jo ie et de divertissem ent. U n certain type de littératu re peut être consacré un iquem ent à ce genre de lecture; toutefois, cette lecture peut avo ir une étendue plus vaste et com p rend re tou s les types d ’énoncés. A l ’intérieur du style esthétisant se m anifestent in­ tensém ent les différences fonctionnelles et sociales: sa version ludique ap p a rtien t habituellem ent à la culture populaire.

Le reperto ire de styles que nous avons établi nécessite quelques com m entaires. T o u t d ’ab o rd , d ans leur existence historique réelle, ces styles ne se m anifestent généralem ent pas sous leur form e p u re ; il faut les tra ite r non en ensem ble de règles rigoureux, m ais en faisceau de tendances qui régissent le processus de la lecture. Les styles détaillés se com plètent d an s les situations historiques concrètes en créant différents types de systèmes, souvent hiérarchiques.

Le problèm e élém entaire est la possibilité de relier les styles de réception ou leurs élém ents. Deux questions se po sen t: 1) Quels styles de réception en général peuvent s’associer et com m ent fonction­ nent leurs relations m utuelles dans le cadre de ces associations? 2) D ans quelles situations historico-littéraires certains styles peuvent s’associer et dans lesquelles ils s’excluent décidém ent?

La seconde question précise la prem ière, car elle fait du problèm e un problèm e em pirique d ’histoire littéraire. Un seul co up d ’oeil nous perm et d ’aperçevoir que certains styles s’excluent m utuellem ent. Les relations entre le style instrum ental et le style esthétisant en sont le m eilleur tém oignage. Saisis hors d ’un contexte historique concret, ils n ’ont aucune attirance p o u r co llaborer entre eux, ou fonctionner de m anière que les élém ents de l’u n soient soum is aux élém ents de l’autre. En effet, il est difficile de trouver dans la littérature un exemple de liaison entre une lecture instrum entale et une lecture esthétisante du genre qui se rap p ro ch e du slogan l ’a rt p o u r l’art, com pris com m e directive de concrétisation. M ais la chose se présente déjà d 'u n e autre

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m anière lorsque nous avons affaire à la variété ludique de la lecture esthétisante. L ’oeuvre littéraire peut être program m ée de telle m anière q u ’en apparence elle renvoie à cette variété et q u ’en réalité, elle devient un véhicule servant à diffuser certaines attitu d e s sociales ou pro g ram m er des bu ts im m édiats; en fin de com pte elle tend à so u­ m ettre la lecture ludique à la lecture instrum en tale (ce phénom ène est typique p o u r la cultu re de m asse m oderne).

N ous arrivons à la conclusion q u ’on ne peut ré p o n d re à ces deux questions que lo rsq u ’on traite les styles de la récep tio n com m e élé­ m ents des situations historiques et littéraires, p lu tô t q u ’en ensem ble de directives de lecture à existence au ton om e. En soulevant ce problèm e, l’histoire de la littératu re p eut tenir com pte du « p o in t de vue du le c te u r » 18 que réclam ent les chercheurs.

Le cercle des possibilités que chaque style ap p o rte p eu t se m a ­ nifester aussi dans une analyse h istorico-littéraire concrète, soit, p o u r préciser — le type de réception q u ’il ouvre à la p ra tiq u e réceptive. R ejoignant p a r là les travaux du sociologue anglais Basil Bernstein 19 qui a divisé les codes linguistiques en deux types élém entaires: les codes restreints (restricted codes) et les codes élab orés (elabora­ ted codes) nous po uv ons parler de styles restreints et de styles élaborés. Ni la « re stric tio n » , ni l’« é la b o ra tio n » ne se réduisent au nom bre d ’élém ents qui se m anifestent d ans chacun de ces styles; elles sont l’affaire des associations que form ent en tre eux ces élé­ ments. La théorie de B ernstein sur les deux codes est assez riche et com pliquée; nous tenons ici à a ttire r l’atten tio n su r un aspect: com m ent se form ent les relations entre ces élém ents à l’intérieur des styles que distingue le savant.

Le signe caractéristiq ue des styles restreints est la sim plification, dans une grande m esure, des relations en tre les élém ents — le fait aussi, q u ’avant to u t ils sont schém atisés et prévisibles. O n peut être sûr que dans le cadre d ’u n style d o nn é le B suivra le A et que leurs relations sero nt fixées d ’avance. Ce h a u t degré de p ré­

18 V oir H. W e i n r i c h , « O h isto rię literatury z p ersp e k ty w y c z y te ln ik a » (Pour une h istoire de la littératu re d a n s la p ersp ective du lecteur), trad. p o i. R. H a n d k e ,

T e k s ty , 1972, n o 4.

|y B. B e r n s t e i n , « A S o c io -L in g u is tic A p p ro a ch to S o cia l L e a r n in g » , [dans:]

M an, Language a n d S o c ie ty . C o n trib u tio n s to the S o c io lo g y o f L an gu age, ed. S. K. G h o sh ,

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visibilité, résultant de la stabilisation sociale d ’un style, relève, dans le cas du style restreint, de la plus h au te im portance. Les styles élaborés sont nettem ent m oins prévisibles, laissent la place à to u t type d ’innovation, sont m oins sucrés et m oins figés socialem ent. B ernstein estime q u ’un type de style do nné n ’est pas une fois p o u r toutes attrib u é à un groupe social m ais q u ’il se lie p lu tô t à des rôles sociaux changeants.

Est-ce que l’on peut définir d ’avance certains styles com m e re­ streints et d ’au tres com m e élaborés? T o u te division a priori om ettrait leurs propriétés im portantes, et surto u t o bscu rcirait leur rôle dans le processus du développem ent de la littérature. Ce qui décide de l ’introduction d ’u n style de réception à l ’intérieur des styles restreints ou élaborés, ce ne sont pas leurs propriétés analysées en dehors des faits historiques concrets: chacun d ’eux peu t ap p a rten ir à l’un et à l ’au tre ; ce qui décide de l’ap p arten an ce réelle, c ’est la façon d o n t il règle les processus de lecture. U n style de réception donné, s’il mène le déroulem ent de la concrétisation de m anière à faire distinguer dans le texte uniquem ent les associations et les conséquen­ ces prévisibles, est certainem ent un style restrein t (ses distinctions sont souvent indépendentes du caractère véritable de l’oeuvre). S ’il ne g aran tit pas cette prévisibilité, s’il dem eure ouvert aux nouvelles valeurs esthétiques et cognitives, donc s’il perm et de recevoir les divers phénom ènes littéraires, il ap p a rtien t sans aucu n dou te au style élaboré. U ne histoire de la littérature, qui tiend rait com pte de la réception devrait placer au prem ier plan la qu estion suivante: dans quelles situations historiques et littéraires, un style de réception d o n ­ né rem plit les conditions nécessaires du style restreint et d an s les­ quelles celles du style élaboré. (De façon plus précise: quels élé­ m ents d ’u n style donné se lient à un type de réception, et lesquels à l’autre?) Ce n ’est q u ’une analyse historico-littéraire concrète qui peut fournir une réponse à cette question.

C ’est p o u r cette raison aussi que le ra p p o rt des styles de réception avec les instrum ents classiques de réception em ployés p a r l’histoire de la littératu re devient très im p o rtan t. A u prem ier plan — le ra p p o rt avec les styles suggérés p a r les co u ran ts et les époques de l’histoire de la littérature. Le problèm e est im p o rtan t q u an d on a adm is l’hypothèse que les phénom ènes de la réception et de la littérature doivent être analysés com m e parallèles au développem ent mêm e de la

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litté ra tu re 20. Les styles de réception n ’on t pas du to u t p o u r b ut de rem placer des notions, telles que p.ex. le style baroq ue ou ro m a n ti­ que de la lecture. Les ra p p o rts de ces catégories sont différents. Les styles de la réception ne se b o rn en t jam ais à une époque, ils peuvent se m anifester d ans des ra p p o rts synchroniques divers — et dans chacun d ’eux ils revêtent une form e spécifique, grâce su rto u t au fait q u ’ils peuvent s’associer à d ’au tres styles. Le style de lecture p ro p re à une époque (baroque, rom an tiq ue) est donc une ac tu a li­ sation des élém ents choisis du répertoire des styles de concrétisation. C ette conception perm et de m o n trer les particularités des m éthodes de lecture caractéristiques à une époque et aussi de p résenter leurs m odifications dans u ne perspective diachronique.

Il fau t encore tenir com pte d ’un facteur: du genre littéraire. Le genre aussi est une certaine proposition vis-à-vis du lecte u r21, il incite à une certaine lecture de l’oeuvre que l’on traite com m e son rep ré­ sentant. Les genres sont donc en relation avec les styles de récep tio n ; certain s styles s’ap p ro ch en t des uns, d ’au tres sont plus proches des autres. La poésie lyrique est liée à un style de réception plus expressif ; le ro m an — au style m im étique. Ces relations doivent être traitées co m ­ me résu ltat de tendances, et non com m e asujetissem ent rigoureux. E tudiés à cause de leur relation avec le genre, les styles de réception peuvent avoir un caractère universel, p.ex. le rom an peut être récep­ tionné selon les règles de la lecture expressive (les travau x des rep ré­ sentants de la critique thém atique française sur les oeuvres n a rra ti­ ves; d ans cette conception la n arratio n est d ’ab o rd l’expression des po ints de vue de l ’au teu r et ensuite une relation). M algré les te n d a n ­ ces générales du genre, m algré q u ’il soit un défi spécifiquem ent stru ctu ­ ré lancé au lecteur, ses liens avec tel ou tel style de la réception dépendent en grande partie (parfois totalem ent) des p articu larités de la culture littéraire donnée. U n genre aussi vaste et différencié que le rom an peut être reçu selon les directives des sept styles de concrétisation.

20 Je parle aussi de ces p ro b lèm es d a n s la dernière partie de l ’essai « K o m u ­ nikacja literack a ja k o sfera n a p ięć » (La C o m m u n ica tio n littéraire c o m m e sphère de ten sio n s).

21 Je parle de la q u estio n d an s P o w ie ść m ło d o p o lsk a (L e R om an de Jeune

P o lo g n e), W rocław 1969, ch. I: Le genre littéraire et les p ro b lèm es de p o étiq u e

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En s ’associant aux directives de concrétisation p rop res aux co uran ts et aux genres littéraires, les styles de la réception peuvent être universels lorsque l’on étudie leur fonctionnem ent d ans le cadre d ’une synchronie — et su rtout, dans le cadre d ’un groupe social do nné traité de m anière synchronique. C ette universalité n ’est p as une p rop riété acquise, elle ap p a rtien t p lu tô t à la sphère des possibilités. O n p o u rrait encore signaler que dans certaines situations, les styles de la ré­ ce p tio n peuvent devenir critères de choix. Ils peuvent, p a r exemple, favoriser le rejet de ce qui entre en conflit avec le style donné, su rto u t lorsque la soum ission des messages résistants dem ande un effort d ’in terp ré tatio n tro p poussé. Ils m anifestent alo rs leur caractère axiologique.

Je ne fais que m entionn er un problèm e de la plus h aute im portance, celui du changem ent des styles de la réception. C ette question nécessite une vaste analyse diachronique. Peut-être que le processus des c h a n ­ gem ents répon d aux changem ents des styles de la m ême m anière q u ’à l’intérieu r du langage (les sociolinguistes22 s’intéressent dernière­ m ent à ce problèm e); en to u t cas, il répond certainem ent aux évolutions des styles de création. O n peu t supposer que ce p ro ­ cessus, étudié non seulem ent d an s le cadre de petits fragm ents synchroniques m ais aussi dans une perspective de « longue durée » 23, parv ie n d ra au rang d ’un des sujets élém entaires de l’analyse histo- rico-littéraire. En to u t cas, si l’histoire de la littératu re n ’en trep ren d pas des recherches de ce genre, elle n ’au ra aucune chance de de­ venir une histoire com plète des processus et des évolutions littéraires.

Trad. par K r z y s z t q f B lo n sk i

22 Je m e réfère ici su rtou t à d eux essa is p u b lié s d ans l ’a n th o lo g ie de P r i d e et H o l m e s , Sociolin gu istics. S e le c te d R e a d in g s, H a rm o n d sw o rth 1972 — W . L a b o v , « T h e S tu d y o f L an gu age in Its S o cia l C o n t e x t» ; W . B r ig h t , A . K. R a m a n u j a n , « S o c io lin g u istic s V ariable and L an gu age C h an ge ».

22 Je p en se ici à la catégorie co n n u e in trod u ite par F. B r a u d e l , H isto ria

i trw a n ie (H isto ire et con tin u ation ), trad. p o l. B. G ierem ek , W arszaw a 1971 (ch oix

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