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La mémoire d'Hévélius à l'Observatoire de Paris

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Academic year: 2021

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O R G A N O N 24 : 1988 A U T E U R S ET P R O B L È M E S

Anne-M arie M otáis de Narbonne (France)

LA M É M O IR E D ’H É V É L IU S À L’O B SE R V A T O IR E D E PA R IS

L’O bservatoire de Paris fut créé en 1667, soit quelques 30 ans après la visite d ’Hévélius à Paris. Depuis plus de 3 siècles cet établissem ent conserve et enrichit ses fonds historiques ta n t imprim és m anuscrits. Ceux-ci ont en outre échappé aux détériorations et aux destructions qui sont le lot habituel des dém énagem ents puisqu’ils o nt toujours été conservés dans le bâtim ent historique. Ces conditions exceptionnelles font que la bibliothèque de l’O bservatoire de Paris est une source très com plète p o u r l’histoire de l’astronom ie.

Les docum ents conservés p a r la bibliothèque sont d ’a b o rd les docum ents de travail classiques des astronom es : cahiers d ’observation, correspondance, traités, tables, tous les docum ents utiles à leurs travaux scientifiques.

Ce sont égalem ent des docum ents nécessaires aux recherches historiques qui de to u t tem ps o n t intéressé les astronom es. La copie des observations de Tycho Brahé rapportée du D anem ark p a r l’A bbé Picard en est un exemple type.

D ’autres docum ents p roviennent d ’acquisitions, de dons ou de legs et parm i ceux-ci le fonds plus im p ortan t est le fonds Delisle qui com prend les m anuscrits d ’Hévélius.

A stronom e et géographe. Delisle fut l’élève de son père, lui-même célèbre géographe et historien, puis de Jacques Cassini, de M araldi, p o u r l’astronom ie. Bien plus tard, après un séjour de plus de 20 ans en Russie, il form era lui-même des savants parm i lesquels les plus célèbres sont Messier et Lalande.

U n p o in t com m un entre Delisle et Hévélius est la correspondance très suivie q u ’ils en tretinrent chacun avec tous les savants de leur époque. Delisle en outre était un collectionneur passionné de to u t docum ent relatif à l’astronom ie et à la géographie. P a r achat, m ais aussi p a r de très patientes copies de sa m ain, il constitua une collection exceptionnelle. C ’est dans ce contexte q u ’il acheta à un gendre d ’Hévélius, p o u r 1200 ducats, un ensemble im port an t de m anuscrits qui com prend essentiellement la correspondance et les observations d ’Hévélius. Il fit cet achat sur le cham in de la Russie lors de son pasage à G dań sk aux alentours de

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148 A nne-M arie M o tá is de Narbonne

1725. Il est probable que les papiers de K epler que détenait Hévélius, avaient déjà été vendus car on imagine mal Delisle ne pas m ettre to u t en oeuvre pou r les axquérir si cela avait été possible.

Les docum ents rassemblés p ar Delisle devaient servir à la réalisation d ’un grand traité d o n t le titre est très explicite : Traité complet d ’astronomie exposée historiquement et démontrée par les observations. Delisle n ’acheva jam aiis cette oeuvre, m ais ses finances furent si malmenées p ar ses acquisitions que vers 1750 il vendi sa collection à la France contre une pension à vie de 3000 livres. La conservation de cette collection fut confiée à la bibliothèque de l’O bservatoire de Paris p o u r la partie astronom ique et à la Bibliothèque nationale p o u r le reste, essentiellement géographique.

Cette histoire est exemplaire du rôle des collectionneurs et du rôle de l’argent dans la conservation des docum ents anciens. Si les papiers d ’Hévélius n ’avaient présenté aucune valeur m archande, ils auraient probablem ent été détruits, de même plus tard la collection Delisle qui les com prenait. Dispersion après décès, destruction accidentelle ou volontaire sont les dangers répétés po ur des docum ents sans au tre valeur que sentimentale. Les conditions actuelles du m arché des m anuscrits donn ent bien des regrets aux conservateurs qui n ’ont jam ais les moyens financiers suffisants p o u r les acquérir au tan t q u ’il serait

nécessaire, mais ces regrets peuvent être tempérés p a r la leçon d ’histoire. D ans les archives à l’O bservatoire de Paris, c’est-à-dire les docum ents relatifs au fonctionnem ent propre de cet établissem ent et des travaux de ses membres, figurent d ’autres souvenirs d ’Hévélius et to u t particulièrem ent les somptueux ouvrages que sont le Selenographia, les M achinae Coelestis dédicacés par Hévélius à l’A bbé Picard, ainsi que tous les autres ouvrages d ’Hévélius le plus souvent en 2 exemplaires.

Les travaux historiques d ’Hévélius vous sont bien connus et il n ’est pas utile d ’insister sur l’intérêt q u ’ils présentent en raison même des relations q u ’Hévélius entretient avec les héritiers directs de Galilée que sont Boulliau, Gassendi, mais aussi avec les fondateurs de l’astronom ie m oderne G assendi, Picard, N ew ton, Halley...

Ces travaux am ènent souvent les chercheurs à prendre contact avec l’O bservatoire de Paris. Ils peuvent venir consulter les’docum ents sur place mais des microfilms sont égalem ent fournis à la dem ande. Les dem andes proviennent de nationalités variées : Pologne, il y a déjà quelques années, France, Etats-U nis, R épublique Fédérale d ’Allemagne, A ustralie, A ngleterre p a r exemple. La fourniture de ces copies est d ’ailleurs po u r nous une quasi obligation en regard de la réglem entation française relative aux archives historiques, réglem entation qui favorise la plus large com m unication.

La bibliothèque de l’O bservatorie de Paris facilite donc ces travaux historiques p a r la mise à disposition des sources q u ’elle conserve. M ais en outre la bibliothèque et le M usée de l’Observatoire de Paris o nt développé des activités destinées à faire conna ître l’histoire de l’astronom ie à un large public ta n t adulte que scolaire. Ceci se tra d u it p ar des expositions occasionnelles ou perm anentes

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L a m ém oire d ’Hévélius 149

dans le bâtim ent Perrault, des éditions de brochures, de cartes postales mais aussi par des associations culturelles locales. E t il est tout à fait rem arquable de noter qu ’Hévélius est présent chaque fois et en bonne place.

Ceci s’explique p a r l’intérêt pédagogique de son oeuvre :

- le grand catalogue de position d ’étoiles fait a p artir d ’observations a l’oeil nu mais au m oyen d ’instrum ents de mesure sophistiqués, est une bonne introduction pour exposer les inventions d u m icrom ètre, des secteurs à lunette, les progrès de l’horlogerie et des catalogues qui en furent issus ;

- la proposition de Cassini à Hévélius, lettre du 20 ao û t 1671, de participer aux observations conjointes des éclipses des satellites de Jupiter, Cassini à Paris, Picard à U raniborg, Hévélius à G dańsk, est un excellent exemple du to u t début de la coopération scientifique internationale ;

- les immenses m achineries d ’Hévélius destinées à p o rter les premiers objectifs facilitent l’évocation des progrès de l’optique et en situent l’époque.

U ne autre raison de la présence d ’Hévélius dans ces m anifestations est la beauté des planches des exemplaires imprimés conservés p a r la bibliothèque. A la précision du détail des instrum ents s’ajoute le plus souvent la présence de personnages, l’ensemble retenant l’attention aussi bien celle de l’am ateur d ’astronom ie anciienne que celle du visiteur plus soucieux d ’esthétique.

C ’est ainsi que tous visiteurs de l’O bservatoire de Paris (35 p ar semaine en moyenne), tous les visiteurs des expositions tem poraires (de 3000 à 6000 pou r chaque exposition) et plus encore dans la France entière tous ceux qui visitent ces expositions locales, auxquelles l’O bservatoire de Paris participe, ont l’occasion de faire connaissance avec Johannes Hévélius, astronom e polonais du X V IIe siècle qui com pte parm i les plus grands.

Pour conclure, on peut rappeler quelques filiations. K epler conserva les observations de Tycho Brahé et les fit mieux connaître en les publiant dans les célèbres Tables Rudolphines, Hévélius conserva les papiers de Kepler, Delisle assura la conservation des papiers d ’Hévélius, l’O bservatoire de Paris m aintient cette chaine.

Il y a dix ans, lorsque je suis arrivée à l’O bservatoire sans aucune expérience préalable en astronom ie, une de mes prem ières et nécessaires recontres fut avec Hévélius d o n t on parlait si souvent.

Je term inerai en indiquant que parm i les utilisations des docum ents d ’Hévélius, la plus chargée de symboles peut-être est celle très récente qui s’inspira des planches des M achine Coelestis p o u r la réalisation d ’un décor d ’une pièce de théâtre où il est question de « Lunette à faire peur aux gens ». La comédie de M olière où figure cette expression imagée, dont le titre est Les fem m es savantes, fut précisément créée du vivant d ’Hévélius.

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