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Commémoration du bicentenaire de la naissance de Lavoisier : sous le haut Patronage de Monsieur le Ministre de l’Éducation Nationale : allocutions prononcées le 11 Juin 1943 à la Séance commune de la Société Chimique de France, de la Société Française de

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(1)

COMMÉMORATION

D U

BIC ENTEN A IR E DE L A N A ISSA N C E

DE

LAVOISIER

sous le haut Patronage de Monsieur le Ministre de l’Éducation Nationale

ALLOCUTIONS

prononcées le 11 Juin 1943 à la Séance commune

de la Société Chimique de France de la Société Française de Physique de la Société de Chimie Physique de la Société de Chimie Biologique

P A R I S

SIÈG E DE LA SOCIÉTÉ : 28, R U E SATNT-DOMINIQUE (7’) MASSON ET C‘ e, D É P O SIT A IR E

L IB R A IR E S D E L ’ A C A D É M IE D E M É D E C IN E

^ 120, B o u le v a rd S a in t-G erm a in , (6 e)

(2)
(3)

HOMMAGE A LAVOISIER

Allocution de M . le professeur G . D U P O N T Président de la Société Chimique de France.

Lavoisier est une des gloires les plus indiscutées de la Science française.

En d ’ autres tem ps le bicentenaire de sa naissance aurait été fêté a vec solenn ité;

des savants du m on de entier auraient répondu en gran d n om b re à n otre app el e t apporté leu r h om m age au « Père de la ch im ie m oderne ».

Dans les circonstances présentes il ' n ’a pu être q u estion d ’ organiser une telle manifestation, mais les quatre Sociétés Scientifiques Françaises, par ordre d ’ an­

cienneté : la Société C him ique de France, la Société Française de P h ysiq u e, la Société de Chimie P h ysiq u e e t la Société de Chimie B iologiqu e, o n t tenu cep en dan t à rendre un pieu x h om m age à la m ém oire de notre illustre com p a triote.

Au nom de ces Sociétés, je rem ercie M. le Ministre de l ’ E d u ca tion N ation ale d’avoir bien vou lu a ccep ter de patronn er cette m anifestation.

La sim plicité de cette cérém onie, si elle con traste a vec l ’am p leur du génie que nous fêtons, s'h arm on ise, d ’une part a vec la tragédie de l ’ heure présente, d ’autre part avec cette autre tragédie qui m it fin si prém atu rém en t à l ’ existence de Lavoisier.

Rappelons en efTet que celu i-ci fu t ju g é e t exécu té le 8 mai 1794. A la suppliqu e présentée dev a n t le T ribu n al révolu tionn aire par quelques collègues de Lavoisier, insistant pou r que l ’ on épargnât une tête si précieuse, le Président d u d it tribunal, Coflinhal, rép on dit par le m o t tristem ent célèbre : « La R épu b liq u e n ’ a pas besoin de savants, » L avoisier n ’ a v a it que 54 ans; il éta it dans le plein dév elop p em en t de son génie e t aurait pu , p en da n t de nom breuses années en core, don ner une im pul­

sion extraordinaire à ces sciences q u ’il ven a it de transform er.

Certes, à des heures com m e celles que nous v iv on s, on com p ren d que le problèm e de l’ utilité de la science puisse être à n ouveau p osé et que son influence sur le bonheur de l ’ hum anité so it mise en d ou te par certains, mais dem ain, q uan d il faudra relever les ruines in nom brables de cette guerre, q uan d il faudra don ner à notre patrie les m oy en s de renaître, celle-ci devra su rtou t co m p te r sur elle-m êm e et elle n ’ aura pas trop de tou te la science e t du dév ou em en t de ses savants. V eillons donc a vec soin e t dans la m esure du possible à ce que n otre p oten tiel intellectuel ne sorte pas am oindri de la tou rm ente, à ce q u 'il ne so it pas gaspillé com m e durant la R évolu tion de 93,

C’ est en som m e à une cérém onie quasi-religieuse que nous vou s avons co n v iés;

l'énorme influence de L avoisier sur les sciences m odernes v a être brièvem ent exposée d ev a n t vou s — e t ce rappel sera le plus bel éloge de son génie. V ou s enten­

drez successivem ent

L’œ uvre de L avoisier eri Chimie, par M. G abriel B ertrand, Président de l ’ A ca d é ­ mie des Sciences.

L ’œ uvre de L avoisier en P h ysique, par M. E . D a rm ois;

L'œ uvre de L avoisier en P h ysiologie, par M. P o lon ov sk i, m em bre de l ’A cadém ie de M édecine;

L ’œ uvre de L avoisier en A gron om ie, par M. Javillier, m em bre de l ’ Institut.

. Enfin M. J olib ois vou s parlera de l ’ influence de L avoisier sur ses continuateurs immédiats réunis dans la Société d ’ A rcueil.

(4)

par M . le professeur Gabriel B E R T R A N D Président de l ’Académie des Sciences.

LAVOISIER ET LA CHIMIE

P ou r bien com pren dre la grandeur de l'œ u v re ch im iqu e de l ’ illustre com patriote d o n t nous com m ém oron s a u jou rd 'h u i le deu x-centièm e anniversaire de la naissance, il fa u t nous rep orter à, l ’ éta t des connaissances ch im iques à l ’époq u e où Lavoisier, a y a n t term iné ses prem ières études au collège M azarin, aborda, vers sa vingtième année, les études scientifiques.

G râce à des m éthodes parfois très anciennes, à des recettes d ’ origine souvent em p iriq u e, à-des tours de m ain plus ou m oins ingénieux, on éta it parvenu à préparer e t à utiliser un certain n om bre de m éta u x e t de m étalloïdes, un plus gran d nombre de com p osés tels que des oxyd es, des sels, quelqu es acides m inéraux ou orga­

niques, etc., au total en viron 150 substances tirées des trois règnes e t chim iquem ent iden tifiables i l ) .

La n om en clatu re de ces substances p rêta it à la plus grande con fu sion . D ’après leu r origine naturelle, le lieu d ’où elles provenaien t, le n om de leu r inventeur, ou qu elq u e autre circon stan ce, ces substances étaien t pou rvu es d ’ appellations dispa­

rates, parfois pittoresqu es, telles que : fleurs de b en join , liqu eur de caillou x, sel adm irable de G lauber, vitriol de Lu ne, crista u x de V énus, sucre de Saturne, huile de tartre par défaillance, appellation s form ées sans règle, selon la seule fantaisio de leurs auteurs.

Il ne p o u v a it d ’ ailleurs en être autrem ent. On n ’a v a it sur la con stitu tion de la m atière e t sur les relations q u i existent entre les form es m ultiples sous lesquelles elle se présente que des idées prim itives e t fo rt obscures.

P o u r le plus grand n om b re des chim istes d ’ alors, tou tes substances résultaient, su iv a n t une co n ce p tio n form u lée d éjà au milieu du v ” siècle a v a n t J .-C . par Empé- docle, de l ’ association de quatre principes : la terre, l ’ eau, l ’ air e t le feu. Non pas absolu m en t la terre, l ’ eau, l ’air e t le feu com m u ns, mais p lu tô t des identités philo­

soph iques, sim ples, in destructibles, libérables dans certaines con ditions, e t apportant a u x substances dans lesquelles elles en tren t, en proportions plus ou m oins grandes e t à différents états de com binaisons, les caractères q u i leur s o n t p r o p re s : ceux de solidité, de liq u idité, de gazéité e t de com bu stib ilité. Les purs philosophes défen daient en core su b tilem en t cette vieille d octrin e, dite des quatre éléments;

c e u x qui se livraien t à des rech erch es de la b ora toire étaient, par con tre, dans l ’ob liga tion d ’ y a p p orter des am énagem ents. C 'est ainsi que B ech er, occu p é parti­

cu lièrem en t, il est vrai, de géologie e t de substances minérales, a v a it lim ité le n om bre des élém ents con stitu tifs à trois : une terre v itrifia ble ou élém ent terreux, une terre inflam m able ou élém ent com bu stib le, e t une terre vola tile, mercurielle, ou élém ent m éta lliq u e; tandis que N icolas Le F èvre, intéressé par les plantes et les anim aux, éta it arrivé, au con traire, à adm ettre l ’ existence de c in q constituants élém en taires: la terre, le sel, l'h u ile , appelée aussi sou fre, l ’ esprit ou mercure, enfln l ’ eau ou phlegm e, a uxqu els il a jou ta mêm e un peu plus tard ce q u ’il appelait l ’ esprit u n iversel.'

D ’ après tou tes ces d octrin es, plus ou m oins m odifiées, l ’air e t l ’ eau étaien t con­

sidérés com m e sim ples e t in décom posables, tandis que les m éta u x étaient des m ixtes. Aussi, lorsq u e G eoffroy d écou v rit le fer dans les cendres végétales, en 1705, pensa-t-il que ce m étal ne préexistait pas dans les plantes, mais q u ’il prenait naissance par l’ union, sous l ’influence du feu, des divers principes d o n t le fer est com p osé e t qui se trou ven t séparés dans les tissus de la plante,-à savoir : un principe terreux, vitrifia ble, un principe sulfu reux, inflam m able, e t un principe acide (2).

Stahl (1660-1734) p rojeta une prem ière lueur dans ce cahos. Com parant entre e u x les m éta u x e t les terres ou ch a u x qui serven t à les préparer, terres ou chaux que nous appelons des o x y d es, il en trevit une relation entre les d e u x séries de corps, il fu t frappé su rtou t par le rôle que jo u e le ch a rb on dans la form a tion des premiers à partir des second s. T en ant co m p te de ce que le ch a rb on dégage en brûlant de la chaleur e t de la lum ière e t laisse un résidu terreux, il im agina :

1° Que le ch a rb on est une com bin a ison de terre a vec un principe ju sq u ’alors m éconn u, q u ’il appela phlogislique;

2 ° Que tous les corp s com bu stib les, le bois, l ’ huile, le soufre, e tc ., son t aussi des com binaisons de terre e t de ph logistiq u e;

3 ° Ou’ en ch auffan t une terre m étallique a v e c du ch a rb on ou u n autre combus­

tible, Te phlogistique, au lieu de sc dégager sous form e de lum ière e t de chaleur, se porte sur la terre et, par association, engendre le m étal. Inversem ent, quand o n soum et un m étal à l ’a ction de la chaleur, il p erd son ph logistiq u e e t redonne de la terre.

(5)

Cette théorie, qui ex p liq u a it si sim plem en t un grand n om bre de faits connus, mais in com pris, eu t u n succès considérable. Elle éta it cep en da n t entachée d ’ un grand d é fa u t : elle ne ten a it com p te que de l ’a sp ect extérieur, visible des ph éno­

mènes, elle n ’ en pén étrait pas la p rofon d eu r; satisfaite d ’atteindre le cô té quali­

tatif, elle n égligeait le quantitatif.

Mais on était mal préparé à s ’en apercevoir. On ne m anipulait d ’ordinaire que des corps solides ou liqu ides et l ’ on ne se sou ciait guère de suivre leurs transfor­

mations à la balance. On ne savait presque rien des corp s gazeu x, difficiles à recueillir et à mesurer. On ne possédait, en outre, ni un instrum ent assez sensible, ni la con ­ naissance des précautions à prendre pou r apprécier les poids a vec précision. De sorte que l ’on en était arrivé à négliger com p lètem en t l ’in terven tion de l ’ air dans des expériences où ce gaz, cep en da n t considéré com m e un principe élém entaire, pouvait jo u e r u n rôle im portan t. E t, quand un d ésa ccord apparaissait entre un phénomène et la doctrin e, o n essayait do sauver cette dernière par une astuce.

C’est ainsi que la .théorie du phlogistique d om in a it les esprits au m om en t où Lavoisier vin t suivre, âgé d ’ une vingtaine d ’années, les fam euses leçons de Chym ie que Rouelle l'a în é (3) d on n a it au Jardin du R oi. . ,

Aussitôt l ’ardeur du jeu n e auditeur s’ enflam m e : les insuffisances expérim entales, les contradictions entre la théorie e t les faits éclatent à ses y e u x ; il se lance avec passion dans l ’étu de des sciences de la nature et, en particu lier de la ch ym ie, avec la prescience d ’in nom brables e t fructueuses d écou vertes à réaliser. 11 fréquente alors les cours e t excursions de Bernard de Jussieu pou r la bota n iq u e, de G u etlard pour la m inéralogie, les enseignem ents de Lacaille p ou r l ’astronom ie.

Il essaye b ien tôt ses forces sur divers sujets scientifiques e t débu te en ch ym ie en 1765, à 22 ans, par d eu x m ém oires sur le gypse, s a com p osition , ses propriétés èt la prise du plâtre (4).

L’attention de quelqu es académ iciens est attirée sur lui par ces essais. Lalande, pensant «‘ q u ’un jeu n e hom m e qu i a v a it du savoir, de l ’ esprit, de l ’ activité, e t que la fortune dispensait d ’ em brasser une autre profession, serait très utile aux- sciences » le fa it a dm ettre à l ’ A cadém ie en 1768, com m e a djoin t-ch im iste pour l’encourager.

Lavoisier disp osait alors, par sa mère, très tô t disparue, d ’ une certaine aisance.

11 ne la ju gea pas suffisante pou r arriver â ses fins. 11 dem anda è t o b tin t d ’ entrer, contre une forte ca u tion , dans l ’A dm in istration des Ferm es générales, qu i dev ait lui rapporter dans la suite d ’ im posants bénéfices. Plus tard, après son mariage avec M aric-A n ne-P crrette Paulze, fille d ’ un ferm ier général, il a ccep te, en outre, d’être n om m é Régisseur des Poudres et Salpêtres. Cette fon ction com p orta it la résidence e t un laboratoire à l ’ Arsenal. Lavoisier était de m ieux en m ieu x placé pour réaliser son grand rôve. D ou é d ’ une extraordin aire ca p a cité de travail, il n ’ y manqua pas plus que de rem plir a vec d év ou em en t les devoirs que lui im posaient scs éminentes fon ction s publiques.

En 1770, il fit insérer dans la pu b lica tion de l ’ A cadém ie des Sciences un m ém oire

«Sur la nature de l ’ eau et sur les expériences par lesquelles on a prétendu prou ver la possibilité de son ch angem ent en terre ». Ce m ém oire con ten a it la dém onstration élégan te/in discu table e t défin itive d ’ une erreur due à une sim ple a p p a re n ce : ce que van H elm on t, B oy le e t d ’autres chim istes avaien t pris pou r de la terre dégagée de l’ eau par un lo n g ch auffage n ’ était autre ch ose que la p ortion du verre de l’appareil entré en dissolution. Des pesées, effectuées a v e c une bon n e balance q u ’il avait fait construire e t en prenant toutes les précautions q u ’il a va it reconnues nécessaires, ne laissaient là-dessus aucun d ou te (5). C’éta it le com m en cem en t de la magnifique série de recherches q u i allait, en m oins de quinze années, lui per­

mettre d ’a ccom p lir cette révolu tion ch im iqu e d on t il a v a it senti la nécessité e t de bonne heure con çu le p rojet.

L’étude e t l ’ exp lica tion des phénom ènes qui a ccom p a gn en t la ca lcin a tion des métaux en présence de l ’ air lui coû ta plus de peine. On savait depuis lon gtem ps que l’éta in m a in ten u en fusion à l ’ air libre se tran sform ait peu à peu en une sorte de crasse ou, selon le langage ancien, de terre ou de ch a u x ; on a v a it m êm e observé qu’il augm entait de poids par cette transform ation. 11 en était de m êm e lorsq u ’on chauffait du p lom b . E n 1630, un m édecin du Périgord, Jean R ey, publia dans un livre devenu rarissime, a v oir con staté lui-m êm e que l'éta in e t le p’iom b augm entent de poids lo rs q u ’on les calcin e, a jou ta n t que ce surcroît de poids vien t de l'air épaissi par la chaleur, lequel se mêle à la ch a u x (6). A u cun e expérience n ’ était donnée en faveur de cette in terp rétation bizarre à laquelle on n ’a ttacha q u ’un intérêt rétrospectif lorsque B ayen s’ en servit p ou r com b a ttre les tra v a u x de Lavoisier.

Environ un dem i-siècle plus tard, en 1673, R o b e r t B oy le, dans le b u t d 'a p p r o ­ fondir le phénom ène, effectua l ’ expérience e n ch auffan t de l ’étain dans un matras scellé à la lam pe e t en pren a n t le soin de peser les produits, m étal et ch a u x, a v a n t et après l ’opération. Il con sta ta q u e le poid s du métal a v a it augm enté, m êm e

* 3.—

(6)

dans cette circonstan ce, e t il con clu t q u ’ une partie du feu a va it traversé les pores du verre et s ’était fixée sur l ’ éla in (7).

N icolas Lém ery adm ettait une exp lica tion analogue pou r le p lom b d o n t les pores « son t disposés de sorte que les corpuscules du feu s’y étan t insinués, ils d em eurent liés et agglutinés dans les parties pliantes e t em barrassantes du métal, sans p ou v oir sortir, et ils en augm en ten t le poids (8).

Q uant au célèbre auteur du ph logistique, j ’ ai d it plus haut com m en t il com prenait la tran sform ation : d'u n e m anière très sim ple en apparence, mais, rem arquons-le m aintenant, en op p osition form elle a vec un ch a n gem en t de poids par ailleurs for­

tem ent établi. Pour Stahl, en c’ffet, l ’étain e t le plom b que l ’o n calcine perdent leur phlogistique en se transform ant en terres; celles-ci s o n t des m éta u x débar­

rassés de jeur ph logistiq u e; elles d evra ien t d on c peser moins.

C’est p roba b lem en t cette con tra d iction q u i a le plus frappé l ’ im agination du jeune L avoisier pen da n t les leçon s de R ouelle. E t v oici com m en t, lorsq u ’il fut enfin en mesure d ’exam iner à son tou r ce qui se passe dans la calcin ation des m étaux, il d écou vrit le ch em in de la raison.

Il répéta, pou r com m en cer, l'exp érien ce de B oyle en ch auffan t de l ’étain en vase clo s ; il vérifia que le produ it de la tran sform ation pèse davan tage que le métal. En outre, il d écou v rit ce que B oyle a va it laissé é ch a p p e r: lo rs q u ’on pèse le vase scellé a vec son con ten u après le refroidissem ent, il a le môm e poids q u ’avant le chauffage, mais, au m om en t où o n l ’ou vre pou r en extraire e t peser ce qui s'y trouve, il y rentre de l ’ air et le poids du systèm e augm ente. Or, cette augmentation est sensiblem ent égale à celle qui résulte de la tran sform ation de l ’ôtain en terre.

Pour Lavoisier, il n ’ y a plus de dou te : q uan d on calcine de l ’ étain, une partie de l ’air con ten u dans le vase scellé se com b in e a vec lui, il n ’y a aucun autre apport;

con trairem ent à la théorie cou ra n te, c ’ est la terre et n on le m étal qui est la subs­

tance la plus co m p le x e ; le ph logistique n ’ apparaît pas dans le phénom ène.

E nfin L avoisier fit cette rem arquable ob serva tion « que la partie de l ’air qui se com b in e a vec les m éta u x est un peu plus lourde que l ’ air de l ’ atm osphère, et que celle qui reste, au con traire, après la calcin ation , est un peu plus légère. L ’air de l'a tm osp h ère, dans cette supposition, form erait un résu ltat m oy en entre ces d eu x airs, relativem en t à la pesanteur s p écifiq u e; mais il fa u t des preuves plus directes, a jo u tc-t-il, pou r p o u v oir p ron on cer sur ce t o b je t, d 'a u ta n t plus que ces différences son t très peu considérables (9) ».

Cette ob serva tion d ev ait conduire tô t ou tard L avoisier à /recon n a ître la nature véritable de l ’air atm osphérique. 11 ne tarda pas à y parvenir, n on pas seul, mais d 'u n e m anière très personnelle et qu i fit a ccom p lir à la science un énorm e bond en avant.

Priestley, célèbre par la décou verte en quelques années de la plu pa rt des gaz alors connus, éta n t de passage à Paris, se ren dit chez Lavoisier e t lui communiqua a v oir préparé en ch auffan t très fortem en t du précipité per se (pou r nous de l ’oxyde rouge de m ercure) une sorte d ’air qui a v a it la propriété d ’ ex citer la combustion d ’une ch andelle, com m e le faisait l ’ air n itreu x déphlogistiqué (notre protoxyde d ’a zote), d écou v ert par lui antériéurem ent.

Le précipité per se était obten u en chauffant lon gtem ps du m ercure à l ’ébullitiou dans une corn ue. Lavoisier eu t aussitôt l ’in tu ition que le gaz dégagé par la décom­

position du précipité per se dev ait être celu i que le m ercure était capable, comme l ’étain e t le plom b , d ’ en lever à l ’air atm osph érique par un chauffage modéré. II rep rodu isit l ’ expérience e t recon n u t q u ’il a v a it pensé ju ste. Non seulem ent le gaz dégagé du précipité per se a vive la flam m e-de la chandelle, mais il est respirable, il en tretient activem en t la vie des anim aux, ce que ne fa it pas l ’ air n itreu x déphlo­

gistiqué. E n m u ltiplia n t ses expériences e t opéran t, suivan t sa m éthode, d'une manière q u a n tita tive, L avoisier arriva finalem ent à dém on trer q u ’en chauffant du m ercure ou de l ’étain en vase clos a vec de l'a ir, la tran sform ation de ces métaux s’ arrête lorsq u ’ un cin quièm e en viron du volu m e de l ’air a été a b sorb é; la partie qui se com bin e a u x m éta u x est con stituée par la partie salubre, l ’ air vilal; le reste est une m ofette, dans laquelle ni la com bu stion , ni la respiration ne s on t possibles.

E n m élangeant un volum e du gaz régénéré du précipité per se a vec quatre volumes de la m ofette, un peu plus tard appelé azote, o n recon stitue l ’air atmosphérique a vec toutes ses propriétés. A la clarté de ces rem arquables expériences, l ’ air déchoit du rang des principes élém entaires, il est un sim ple mélange et, une fois encore, to u t se passe sans a voir à faire in terven ir le ph logistique.

Ces expériences sur la com p osition de l ’air reçurent une éclatan te con firm ation par les belles recherches d e S ch e e le publiées en 1777 e t e n 1779. L e sa va n t suédois réussit, en effet, à dém ontrer, par des m éthodes différentes de celles du chim iste français, que l ’ air com m u n est un m élange d ’ a ir pu r ou air de /eu, qui en tretient la respira­

tion, e t d ’a ir vicié ou corrom pu, m ortel p o u r les anim aux e t les plantes (10).

Ën pou rsuivant les expériences que je viens de relater e t en con n ection avec elles, L avoisier a fa it d ’autres découvertes. Presque au d éb u t de sa carrière scien­

tifiqu e, il a va it trouvé que le soufre en brûlant, loin de perdre du poids, en acquiert

(7)

en se transform ant en acide v itrioliq u e, et que le ph osph ore se com p orte d ’ une manière analogue en d on n a n t de l ’acide p h osp h oriq u e; plus tard, que c ’est aussi le cas du ch arbon, lequel fou rn it de l ’ a cide ca rb on iqu e. C’ est m ôm e la produ ction de produits acides dans ces com bu stion s qui a con d u it L avoisier à proposer e t à maintenir dans la suite le n om d'oxygène p ou r désigner l’ air vita l (11).

Le cas de la com b u stion du ch a rb on est pa rticu lièrem en t intéressant à considérer.

Van H elm on t a va it dém ontré, dès le milieu du x v i i 0 siècle, l ’ existence d ’ un gaz, l'esprit sylvestre, différen t de l ’ air com m u n (12). B la ck Ht une savante étude de ce güz en 1757, m it en évidence son caractère acide e t lui donna le n om d ’ air fixé (13), ce qui corresp on d , en effet, à son éta t dans la craie e t d ’autres corps solides que nous nom m on s des carbonates. II. restait à en déterm iner la com position . Lavoisier prouva a vec une rem arquable précision q ü 'il s ’ agissait d ’ une com binaison exclusive de ch a rb on e t d ’air vital dans le ra p p ort pondéral de 3 à. 8. Il donna simultanément les preuves que le diam ant n 'est autre chose que du ch arbon à l'état de grande pu reté; q u ’ au lieu de considérer le ch a rb on com m e un com posé riche en ph logistique, il fallait y v o ir le ty p e d ’ une substance élém entaire e t in dé­

com posable; il fournissait une m éthod e rigoureuse de dosage de cette substance, plus tard appelée carbone, m éthode qu i est restée l ’ une des bases de l ’ analyse organique élém entaire.

Une autre décou verte fondam entale de Lavoisier d o n t je dois aussi vou s parler a pour o b je t la co m p osition de l’ eau. D e très bon n e heure la question a va it préoccu p é Lavoisier: vou s vou s souvenez q u ’il a v a it dém ontré dès 1770 que l ’ eau n ’ est pas un m ixte libéran t de la terre par le, chauffage. Il a repris l ’ étude de la com p osition de l'eau à diverses reprises, mais il n ’ est parvenu à la résoudre q u ’ en 1783. D urant cette période, la mêm e q u estion a v a it d ’ ailleurs été a bordée, au m oins d ’ une manière in directe, par d ’ autres chercheurs.

Cavendish, reprenant l ’exa m en du gaz qui se dégage lorsq u ’ on a jou te de l ’ huile de vitriol h de l ’ eau con ten a n t du fer ou du zinc, a va it dém ontré en 1765, q u ’il s'agissait d 'u n .gaz n ouveau , l ’ air inflammable; il a va it reconnu que pour brûler ce gaz a besoin d ’ air com m u n e t'q u e , m élangé b, lui, il fa it exp losion à l ’a pproche d'une flamm e (14).

Un gaz aussi singulier attira vivem en t l ’a tten tion des chercheurs. Q uelques-uas et Cavendish lui-m êm e le tinrent p ou r le ph logistique, enfin isolé. En 1777, V olta le fît exp loser a vec dé l ’ air dans son eu d iom ètre; W arltire rep rodu isit cette exp é­

rience et rem arqua une buée après l ’ ex p lo sio n ; ce dernier phénom ène fu t vérifié l’année suivante par M acquer. Mais, com m e les gaz sur lesquels on opérait étaient sa- turés^d’hum idité et que l ’ exp losion était a ccom pagn ée d ’ une forte con tra ction , on s'arrêta à, penser q u ’il s’agissait d ’ hum idité ne trou v a n t plus un assez gran d volu m e de gaz pour se diluer. Q uant à V olta , qui n ’ a v a it pu s’a p ercevoir de l'a p p a rition de buée puisqu ’il opérait sur l ’ eau, il envisagea d ’ opérer aussi sur le m ercure, mais c ’ était dans l ’ espérance de « p o u v o ir exam iner le précipité, ou fluide ou solide, de sel ou de terre, qui s ’attachera a u x parois du verre ou à la surface du m ercure...

(Suivant sa pensée), ce p récipité de l ’air inflam m able d e v a it être un acide e t celui de l ’air dép hlogistiquô ae la terre en to u t ou grande partie ». Je ne sais la suite que Volta donna à son p rojet, mais on d o it retenir q u ’il a v a it mesuré, dans son eudiomètre, que le gaz inflam m able se com bin e a vec l'a ir dép hogistiqué — c ’ est- q-dire l ’oxyg èn e — à peu près dans le ra p p ort de d eu x volu m es con tre un (15).

Au cou ra n t de toutes ces d écou vertes, Lavoisier, a vec L a p la ce, fit construire un appareil spécial et, le 24 ju in 1783, il réalisa dev a n t plusieurs savants la com b u stion

“ [une quantité im portan te de gaz inflam m able a vec la m oitié de son volu m e d'oxygène. Il o b tin t 5 gros d ’ un liqu ide incolore qui, soum is à tou tes les épreuves qu'on pu t im aginer, pa ru t aussi pu r que de l ’eau distillée. Cette expérience n ’ était pas absolum ent q u a n tita tive, l ’ appareil présentant encore quelques fu ites; L a v o i­

sier perfectionna l’ appareil et, en février 1785, il prépara a vec Meusnier environ 45 grammes d'eau dans des con dition s irréprochables.

Dans l ’in tervalle, p en da n t l ’ hiver de 1783 à 1784. Lavoisier e t Meusnier avaien t

complété

ce résu ltat en d écom p osa n t la va p eu r d'ea u par son passage dans un tube de fer chauffé au rou ge : la quan tité de gaz inflam m able recueillie et celle de 1 oxygène fixée par le fer corresp ond aien t au poids de l ’ eau disparue e t se trou va ien t dans le mêm e ra p p ort que dans les expériences syn th étiques (16).

Ainsi était établi en tou te certitu de e t d ’ une m anière com p lète, par l ’ analyse et Par la synthèse, que l’ eau n ’ est pas un principe élém entaire, mais un com p osé en proportions définies de gaz inflam m able, a p p elé hydrogène, e t d ’ air vital ou oxygène.

A ces découvertes fondam entales e t à leur lum ineuse in terprétation ne se born en t Pas les progrès réalisés par L avoisier dans le dom aine de la chim ie e t de la p h ilo­

sophie naturelle.

. Grâce a u x m éthodes adm irables selon lesquelles on t été exécutées ses ex p é-

! j,ei}c.es> Lavoisier a dém ontré, balance en mains e t sans jam ais a voir ren contré d objection, que toutes substances qui se séparent ou se com bin en t le fo n t s.ans Porte ou gain de poids, il a établi la rigoureuse exa ctitu d e du précepte « rien ne

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se perd , rien se se crée » qui est le prem ier p o in t d 'a p p u i sur lequel repose l'édifice de la science ch im iqu e.

11 a p rou vé, en outre, que l ’ ancien principe élém entaire auquel était attaché le caractère de com bu stib ilité, le feu, principe devenu p ou r certains l'h u ile ou le soufre, e t qui a v a it été rem placé, en un certain sens, par le ph logistiq u e, n ’ est pas un a gen t m atériel, mais un agen t im p on d éra b le; que, si ce principe intervient dans les transform ations physiques ou chim iques, pou r les p rov oq u er ou les favo­

riser, ce ne p eu t être q u ’à un titre tou t autre que celu i des véritables éléments de la m atière.

Q uant à ces derniers, leur nature est devenu e précise. L avoisier les défin it dans s o n Traité élémentaire de C h im ie: « Les substances que nous n ’ avons encore pu d écom p oser par aucun m o y e n ; n on pas (a jou te-t-il) que nous puissions assurer que ces corp s que nous regardons com m e sim ples, ne soien t par eux-m êm es composés de d eu x ou mêm e d ’ un plus grand n om bre de principes, mais puisque ces principes ne se séparent jam ais, ou p lu tô t pu isque nous n 'a von s aucun m oy en de les séparer, ils agissent à n otre égard à la m anière des corp s sim ples, e t nous ne d evon s les supposer com posés q u ’au m om en t où l ’expérience e t l ’ observation nous en auront fourn i la preuve (17). »

A insi, depuis L avoisier, l ’ oxyg èn e, l ’ h ydrogèn e e t l ’ azote s o n t des élém ents; il en est de m êm e des m éta u x . D e plus, q u a n d ces derniers se com b in en t à l'oxygène, o n d it q u ’ils form en t des oxy d es, m o t plus expressif e t plus précis que celui de terres ou de ch a u x . Le soufre, le ph osph ore, le ca rb on e, substances indécom posables qui, en brûlant, produisen t des acides, s on t aussi rangés dans la catégorie des corp s sim ples, mais sous le n om général de m étalloïdes, p ou r les différencier des m éta u x . On n ’appellera plus sels n ’im porte quelle substance soluble etcristallisable, com m e on le faisait, par exem ple, p ou r l ’ acide b orique, autrefois sel séda tif; les sels seront exclu sivem en t des com binaisons résultant de l ’ union d ’ un acide a vec un o x y d e . D ’ une manière générale, les nom s des substances com posées dériveront, su iv a n t des règles très sim ples, édictées en com m u n par L avoisier, G u y ton de M orvcau , B erth ollct e t F ou rcroy (18), des nom s des corp s d o n t elles s o n t formées.

La brièveté du tem ps laissé à ma disposition pou r cette allocu tion com m ém ora­

tive ne m e p erm etta it pas de passer en revu e toutes les d écou vertes e t les doctrines, mêm e purem ent chim iques, de Lavoisier. J ’ai dû me borner à vou s parler des plus im portantes. J ’ espère, néanm oins, a voir réussi à faire ressortir l ’ originalité et la puissance de l ’œ uvre de n otre illustre com p a triote, à m ettre en évid en ce la réalité de la révolu tion que cette œ uvre a portée dans n otre Science.

L avoisier a eu, du rant sa vie e t après sa m ort de n om b reu x détracteu rs. Le tem ps a eu raison de leurs argum ents e t il a rendu ju stice à L a voisier : après deux siècles, tous les chim istes du m on de, devenus ses adeptes, a dm iren t les vues théo­

riques de ce savant de génie, ils con sidèren t en core ses expériences e t son système de n om en clatu re com m e les bases les plus solides de leur enseignem ent e t de leur langage.

(1) D ’après le Manuel de Chumle de Ba u m é, Paiis, 1763. — (2) Mémoires Acad. Sc., 1705(

p. 362 et 1707, p. 176. — (3) Guillaume-François Ro u e l l e (1703-1770), qu’il ne faut pas confondre avec son frère Hilaire Marin, dit le Jeune, lequel prit sa succession en 1770. — (4) Œuvres de Lavoisier, 1865, 3, 107 à 144. — (5) ld., t. 2, p. 1 à 28. — (6) Go b e t, Essaijs de Jean Beu, nouvelle édition, avec notes, Paris, 1777, p. 66. — (7) Robert Bo y l e (1626- 1691). — (8) Cours de Chtjmie, 1. — (9) Mém. Ac. r. Se., 1777, p. 365. — (10) Charles- Guillaume Sc h e e l e (1742-1786). — (11) Traité élémentaire de Chimie, 2« édit., 1793, 2, 54.

— (12) Orlus medicinae, 1652, Elzevir éd. à Amsterdam et trad. franç. par Le Conte, 1670, Hugueton et Barbier, éd. à Lyon. — (13) Joseph Bl a c k (1728-1799). — (14) Henri Ca v eN- d i s h (1731-1810). -r- (15) Alexandre Vo l t a (1745-1827). — (16) Mém. A c. Sc., 1781, p . 269 et p. 468, reprod, dans Œuvres, t. 2, p. 360 et 334. — (19) Seconde édit. 1793, Discours préliminaire, p. x v n . Cuchet, éd. à Paris. La première édition est de 1789. — (18) Méthode de nomenclature chimique, 1787, Cuchet, édt. à Paris.

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par M . le professeur E. D A R M O IS , de la Faculté des Sciences Secrétaire général de la Société de Physique

LAVOISIER ET LA PHYSIQUE

Ma première rencontre a vec Lavoisier date de 40 ans ex a ctem en t; à cette époqu e, élève de m athém atiques spéciales, je reçus en p rix le Lavoisier, de G rim aux. J ’étais trop jeune alors e t trop n ovice en ph ysiqu e e t en chim ie p ou r en tirer tou t le p rofit qu’on peu t attendre d ’un tel liv r e ; j ’ en avais su rtou t retenu les péripéties diverses de la vie de L avoisier e t sa fin tragique. L avoisier m ’ était apparu com m e un grand chimiste qui, à l ’ occasion , a v a it fa it quelques m anipulations de ph ysique, telles, par exem ple, que les mesures de dilatation des m éta u x q u ’il effectua en co lla b o ­ ration a vec Laplace.

Quand le Conseil de la Société ch im iqu e m Ta dem andé de parler de a Lavoisier et la ph ysique », j'a i relu d ’a b ord G rim aux, où rien n ’ est ou blié, puis certains mémoires de Lavoisier. De ces lectures, une im pression très n ette se dég a g e; il me sem ble m aintenant q u e, si L avoisier a fa it la a R év olu tion ch im iqu e », c ’ est parce q u ’il éta it su rtou t physicien. G rim au x déjà arrive à cette con clu sion en examinant une des prem ières questions que Lavoisier traita par l ’ e x p é rie n ce : la prétendue tran sform ation de l ’eau en terre. A v a n t L avoisier les discussions sur les quatre élém ents rem plissent l ’ histoire de la chim ie. L ’ élém ent eau se tran sfor­

mait, dit-on , en l ’ élém ent terre dans les con dition s suivantes : l'eau qu i a bouilli longtemps dans un vase de verre abandon n e un résidu solide. L avoisier effectue l’ébullition prolongée dans un « pélican », sorte d ’ appareil à reflux, q u ’il a pesé vide avant l’ expérience. Après 101 jou rs d ’ébullition , on m et à p a rt l ’ eau e t on repèse le pélican, il a subi une dim in ution de poids p. D ’ autre part, o n évapore l'eau à siccité e t on pèse le résidu s e c; on trou ve, a u x erreurs près, le poids p, d’où la con çlu sion de L qvoisier : l ’ eau a ttaque le verre e t en dissou t une partie.

Le mêm e problèm e a ôté traité p a r Scheele qui, à l ’analyse, recon n a ît dans le résidu terreux de la silice, de la potasse, de la ch a u x, c ’ est-à-dire des constituants du verre; Scheele arrive à la môm e con clu sion que Lavoisier. La différence des méthodes est caractéristiqu e des d eu x tem péram ents : L avoisier expérim en te en physicien, Scheele en chim iste.

Quand je dis que L avoisier est su rtou t physicien, j ’ entends q u ’il a tou jou rs pensé a u x mesures. De ce souci con sta n t de la mesure dérive son em p loi systém a ­ tique de la b a la n ce; ses prédécesseurs se serven t évid em m en t aussi de la balance, mais su rtou t pou r réaliser ail plus près certaines recettes de chim ie. L u i,.il établit avec la balance, ce que G rim aux appelle le d o it e t l ’ a voir d'u n e opération. En lisant ses déterm inations- de poids spécifiqu e on v o it q u ’il pousse la m esure à sa précision la plus grande, s 'o c cu p a n t d ’a voir les balances les plus précises, les poids les plus exacLs. Môme sou ci de la précision dans sa gazom étrie, une des pierres angulaires de son œ uvre. Dans ses trav a u x sur les lluides élastiques aériform cs (1777), il a pp orte n on seulement, des mesures exactes ,m ais des vues prophétiques.

Il con clu t d ’a b ord à l ’identité de nature entre les vapeu rs e t les gaz et il p révoit nettement la liq u éfa ction des gaz, « ... Si la terre se trou va it to u t à cou p placée dans des régions très froides... i ’air, dans cette sup position, ou au m oins une partie des substances aériform cs qu i le com p osen t, cesserait saas d ou te d ’ exister dans l ’état de fluide invisible. F aute d ’ un degré de chaleur suffisant, il revien drait don c a l’état de liq u idité, cl ce changement produirait de nouveaux liquides dont nous h avons aucune idée. »

L’ hiver de 1775-1776 fu t précisém en t très rigou reu x. L ’ A cadém ie des sciences chargea L avoisier, V a n d erm on de, Brisson et B ezou t de lui rendre com p te des observations sur les tem pératures mesurées, en vu e d ’ une com paraison a vec le célèbre hiver de 1709. Quand on relit dans les v ie u x auteurs la naissance du th er­

momètre, il y apparaît com m e un in stru m en t assez m ystérieu x, d o n t le principe est mal con n u , à cause des idées assez im précises sur la n ature du caloriqu e.

Béaumur a v a it a p p orté b ea u cou p de cla rté dans la q u estion ; la Com m ission avait entre les mains un therm om ètre à a lcool, apparten ant à Brisson e t con stru it par

"caum ur en 1732. Sur ce th erm om ètre, R éaum ur a v a it m arqué, par com paraison avec un th erm om ètre em p loy é par La H ire en 1709, le » froid » de 1709. E n 1775,

*e therm omètre de L a H i r e n ’ existait plu s; seul existait le tém oin de R éaum ur on m anipulait a vec to u t le resp ect q u ’o n im agine. Les com m issaires effectuèrent ne longues vérifica tion s et com paraisons qui perm iren t de tenir co m p te des obser­

vations de n om b reu x m étéorologistes b én év oles; il en résulta que le froid de 1709 avait été plus rigou reu x que celui de 1776. Les com m issaires profitèren t de leurs Mesures pour don ner des norm es p ou r la con stru ction des th erm om ètres (1776-

*777). La dilatation du m ercure est assez différente de celle de l ’a lc o o l; la Com m is­

(10)

sion donna des règles em piriques perm ettan t de faire coïn cid er les indications des deu x therm om ètres entre 0° e t 2 5 ° Réaum ur.

Par les trav a u x précédents, L avoisier était préparé à utiliser le thermomètre p ou r des mesures précises; ce furen t celles' q u 'il entreprit, en colla b ora tion avec L aplace, sur la chaleur, dans les années 1780-1784. C ’ est au cours de ces recherches que les d eu x collaborateurs in ventèrent la calorim étrie. Le m o t est de formation un peu h ybride, L avoisier en fait la rem arqu e, mais la chose est d ’ extrêm e impor­

tan ce. C’est a vec leur calorim ètre que L avoisier e t Laplace effectu eron t les mesures de chaleur spécifiqu e, des chaleurs de com bu stion , de chaleur anim ale, etc. Leur calorim ètre est un calorimètre à glace-, le corp s ch a u d y est in trod u it dans un panier en fil de fer, en tou ré de glace pilée; la glace fon d e t on pèse l ’ eau de fusion.

Com m e l ’ extérieur est en général à une tem pérature supérieure à 0°, de la chaleur p e u t entrer dans le calorim ètre e t fausser les mesures. Les auteurs en tou ren t donc l ’ en ceinte à glace d ’ une deuxièm e enceinte pleine égalem ent de glace, réalisant ainsi un « calorim ètre adiabatiqu e » d o n t la précision ne d e v a it être dépassée que par celle du calorim ètre de Bunsen. C’ est égalem ent au cours de ces recherches que Lavoisier e t Laplace firent les mesures de dilatation que j ’ ai déjà rappelées;

leu r pyrom ètre à d ilata tion est classique.

A cô té de ces mesures assez généralem ent connues, v o ici un a spect plus inattendu de la physique de Lavoisier. 11 fu t un précurseur de nos ingénieurs éclairamstes.

D epuis le règne de Louis X I V , les rues de Paris étaien t éclairées par des lanternes à chandelle, d o n t l ’installation éta it su rtou t red evable au lieu ten an t de police La R eyn ie. Une gravure ancienne représen tan t la fou le des agioteurs rue Quincam- p oix , en 1720, m ontre que ces lanternes étaient suspendues à une cord e tendue en travers de la rue. En 1729, il y a va it à Paris en viron 5.800 lanternes de ce genre;

on se rendra com p te du travail que n écessitait leur entretien q uan d on saura que, toutes les heures, il fallait descendre la lanterne pou r m ou ch er la chandelle. En 1745, furen t in troduites des lanternes con ten a n t des lam pes à huile e t en 1765, le lieutenant de police, M. de Sartine, fit m ettre au con cou rs par l ’A cadém ie la ques­

tion suivante : * Le m eilleur m oy en d ’ éclairer, pen dan t la nuit, les rues d ’ une grande ville, en com b in a n t ensem ble la clarté, la facilité du service e t l ’ économ ie. >

L avoisier prit part au co n co u rs ; il en v oy a un m ém oire'con sid éra b le. Il y étudie les lanternes à chandelle, m ontre que le m ou ch age est nécessaire p u isq u ’il relève l ’ intensité de 1 à 5. Il étudie ensuite les lanternes à huile, a v e c des lam pes de son in ven tion , plus petites, plus nom breuses que celles déjà em ployées. E n fin il étudie les lanternes à réverbère, c ’ est-à-dire munies de réflecteurs; ces réflecteurs peuvent être paraboliqu es, elliptiques ou h yperboliqu es, su ivan t q u ’o n v e u t éclairer loin de la source ou obten ir des faisceau x con vergen ts ou divergen ts. Cette disposition des réflecteurs est celle que les meilleurs appareils d ’éclairage o n t adop tée de nos jou rs. L avoisier n ’eu t pas le prix de 2.000 livres ; il fu t attribu é à des concurrents qui se con ten tèren t de faire essayer des lanternes q u elcon qu es. Mais son mémoire révélait une telle personnalité que l ’A cadém ie ne p û t m oins faire que de le signaler à l ’ attention du R oi, qui attribua au jeu n e auteur (il a va it 23 ans) une médaille d ’ or.

Les questions d ’éclairage con tin uèren t à préoccu p er L avoisier qui, en 1783, pro­

posa un n ouveau m ode d ’ éclairage des salles de specta cle. D ans ce n ouveau mémoire, il se révèle com m e un précurseur aud acieux, m etta n t en a v a n t des idées qu’on n ’ appliquera q u ’au x x ' siècle. P arta n t du principe que la lum ière d o it tomber sur l ’o b je t éclairé e t n on directem ent dans l ’ œ il d o l ’ observateu r, il décrit pour la prem ière fois les eiTets néfastes de l'éb lou issem en t. C om parant la ram pe au soleil à l'h o riz o n , il fait rem arqu er que » l ’ espèce d ’ éblouissem ent qui en résulte nuit à la distin ction des ob jets placés sur le théâtre ». E n con séq u en ce... « Je propose de bannir to u t lustre, to u t corp s éclairant de la partie de la salle qu i est occupée par le spectateu r e t d ’y substitu er des réverbères elliptiqu es perdus dans l ’ épaisseur des plafonds. » Un m odèle réduit de salle de spectacle fu t con stru it pou r des essais;

m alheureusem ent les lum inaires de l ’ époq u e ne perm etta ien t pas d ’ obten ir des intensités suffisantes et l ’idée de L avoisier, beau cou p trop en avance sur son temps, ne p u t recevoir d ’ a p p lica tion . R ien ne d it q u e, s’ il eu t vécu plus lon gtem ps, il n'eût pas fait faire à ces lum inaires des progrès décisifs. L a suite de ses recherches sur l ’ éclairage éta it consignée dans le cah ier con ten a n t les p rojets d ’ expériences qu’il se proposa it d ’ exécu ter. Dans ce dom aine égalem ent, on ne p e u t que regretter une fois de plus q u ’ une intelligence aussi prodigieuse n ’ aie pas pu don ner toute sa mesure.

(11)

par M . le professeur Michel P O L O N O V S K I, M em bre de l ’Académie de médecine.

LAVOISIER ET LA PHYSIOLOGIE

Si l ’ on p eu t incarner en un seul hom m e le p oin t do départ de tou te une science, si l ’on s ’a ccord e à ch erch er l ’ origine d'un e discipline m oderne dans le génie do qui ht régner l ’ordre où n ’ existait que la con fu sion , de « qui m it la lum ière où d'autres s’égaraient dans les ténèbres (1) », on recon naîtra en L avoisier le fon d ateu r de la Physiologie générale et de la Biochim ie.

Qu’était, en effet, a va n t lu i la chim ie b io log iq u e? Une suite de doctrines in cohé­

rentes, une a ccu m u la tion de thèses absconses, enfouissant sous un fatras de théories erronées le p etit n om bre de données justes, les rares déd uction s logiques ou l ’ ex ce p ­ tionnelle prescience de quelqu e observateu r cla irvoya n t.

Qu’ est-elle devenue sous son im pulsion créa trice? Une des branches les plus fécondes du sa voir, le plus m agnifique outil de la ph ysiologie.

T ou t artisan de la science p eu t a p p orter à l ’ édifice com m u n .des m atériaux utilisables, m ais, seul, le génie véritable peu t en m od ifier le pian e t créer des har­

monies nouvelles. -

Par la pén étration de son observation , la sûreté de son ju gem en t, l ’ habileté et l'ingéniosité de son exp érim en ta tion , la clarté de son esprit, le rem arquable équi­

libre de son intelligence, le tou r cartésien de sa pensée, Bétonnante diversité et l'égale p rofon deu r de ses connaissances et, par-dessus tou t, par son extraordinaire intuition, L avoisier a b â ti, sur des bases inébranlables, un des plus im posants monuments de la science con tem porain e.

A une époqu e où l ’ entrecho que m ent des idées, le déchaînem ent des passions, la turbulence des masses rem uaien t profon dém en t, pour le m eilleur e t pou r le pire, les cœurs e t les âmes, il n ’ est que plus surprenant de v o ir l ’ en chaînem ent e t la continuité de l ’ œ uvre dé ce grand sa va n t. A ttiré dès son jeune âge par les pro­

blèmes de la ph ysiologie, il fera tou t con verger vers leu r solution, sans que rien ne le détourne de la claire vision q u ’il a perçue, ju sq u 'à la preuve éblouissante de la justesse de ses con cep tion s e t de la force de son raisonnem ent.

11 est dililcile de se représenter la rév olu tion que ses découvertes o n t suscitée en physiologie, si on ne ch erch e à se replacer par la pensée dans l ’ am biance des théories admises à la fin du x vn i® siècle, alors que l ’ air, l ’ eau e t le feu étaien t des élém ents fondam entaux e t insécables.

La respiration de l ’ hom m e e t des an im a u x don ne lieu à des phénom ènes trop manifestes e t trop im portants' pou r ne pas a v oir attiré l ’ attention dès les tem ps les plus reculés. L a nécessité de l ’ air pou r son exercice, aussi bien que p ou r celui de la com bu stion , éta it d ’ autre part évid ente. Mais l ’op in ion la plus répandue n’attribuait à l ’ air atm osph érique d ’autres usages que c e u x de rafraîchir le sang, lorsqu’il traverse les poum ons, et de retenir par sa pression la m atière du feu à la surface des corps com bu stibles.

Haller, dans ses élém ents de P h ysiologie, définissait la respiration « une force adjuvante de la circu la tion , qui com prim e le sang con ten u dans l'a b d o m e n , le chasse des artères e t le ren voie plus rapidem en t au cœ ur ».

Il était don né à L avoisier de pénétrer le caractère pu rem ent ch im iqu e de cette fonction prim ordiale des êtres viva n ts e t de rétablir, to u t en sapant défin itivem ent la doctrine du ph logistiq u e, l ’ unité des phénom ènes d 'o x y d a tio n dans les com b u s­

tions, les calcinations e t la respiration.

On a vou lu dim inuer sa gloire en d écou vra n t de vagues antériorités, passées entièrement inaperçues, telles les h ypothèses tim idem en t suggérées par M ayow en 1669', ou par W illis en 1671, sur l ’ existence d ’ un principe, con ten u dans l ’ air, jouant un rôle égalem ent a ctif dans la respiration e t dans la com bu stion . Mais un siècle a va it passé sans q u ’aucun écho eu t jam ais été donné à ces pâles essais d ’ exp li­

cation, e t la pensée n ’ cst-elle pas la propriété de qui peu t l ’ héberger e t lui donner une place a d éq u a te?

Certes, a v a n t lui, B oyle, Ilales, B la cke e t su rtou t Priestley a va ien t reconnu que la respiration exerce une a ction m arquée sur l ’ air atm osphérique, q u ’ elle en diminue le v olu m e ,-e n change la nature et le rend rapidem en t inapte à entretenir la vie des anim aux. « Les tra v a u x de mes prédécesseurs, rem arque L avoisier (2),

°nt présenté, des portion s séparées d ’ une grande ch aîne, mais il reste une suite d'expériences nécessaires à faire p ou r form er con tin uité. » IL les entreprend aussitôt, e t grou pa n t tous ces faits épars, il en forgera u n to u t hom ogène.

En 1776, Priestley p u b lia it à Londres que la respiration des anim aux, to u t (1) P. Sc h u t z e n b e r g e r, in Dictionnaire encyclopédique des Sciences médicales. A rticle:

chimie.

12) 20 février 1770.

(12)

com m e la calcin ation des m étaux, a va it la propriété de p h logistiq u cr l ’air qui cessait d ’ ôtre respirable « au m om en t où il ôtait en q uelqu e fa çon saturé de phlo- gistiqua »,

P ou r se con form er à la théorie de Stahl, à laqu elle le m onde savant adhéraiL unanim em ent, il fallait, en effet, que l ’ air, en passant par les pou m on s, enlevât à l ’organism e l’ excès de phlogistique d o n t il s ’ était chargé. •

Ce son t ces recherches que L avoisier reprendra, augm entera, interprétera, cri­

tiquera. Elles lu i inspireront de n ouvelles expériences, à la suite desquelles il se trouvera, com m e il l ’écrit dans son M ém oire à l ’A cadém ie des sciences du 3 mai 1777,

« in vin cib lem en t con d u it à des conséquences toutes opposées ».

A cette ép oq u e, L avoisier a v a it déjà établi que les 4 /5 de l ’ air atm osphérique, constitués d ’azote, s on t in capables d ’ entretenir l ’inflam m ation ou de perm ettre la com b u stion des corps*et que le dernier cin quièm e seul, l ’ oxyg èn e, est apte à ces fon ction s; c ’ est d ’ ailleurs cette m ôm e partie de l ’air q u ’absorbe la ca lcin a tion du m ercure en vase clos. E niln, il ven a it de dém ontrer, après les trava u x de Cavendish, que l ’ eau est bien un com posé d ’ hydrogèn e e t d 'o x y g è n e .

E n possession de ces vérités prélim inaires, L avoisier passe à l ’ étude de la respira- ■ tion des an im a u x e t l ’ assimile a u x com bu stion s, d o n t il vien t d ’élu cider la nature.

Il ne perd en effet jam ais de vu e les problèm es généraux qui avaien t fixé dès l ’abord sa cu riosité e t déterm iné sa carrière scien tifique : car, pou r lui, la recherche n’a pas seulem ent p ou r fin de sim plifier par raison pragm atiqu e, mais encore de dévoiler j l ’ unité réelle que m asque la m u ltiplicité des phénom ènes sans liens apparents

entre eu x. ’ .

E t je ne crois pas p o u v o ir m ieu x faire que do citer ici tex tu ellem en t le protocole de cette m ém orable expérience (1), digne de figurer dans nos anthologies. :

« J ’ ai mis un m oineau fra n c sous une cloch e de verre rem plie d ’air com m u n et plon gée dans une ja tte pleine de m ercu re; la partie vid e de la cloch e était de 31 pou ces cu biqu es : l ’ animal n ’ a paru nullem ent affecté p en da n t les premiers, instants, il éta it seulem ent un peu assou pi; au b o u t d ’ un q uart d ’ heure il a com ­ m encé à s ’agiter, sa respiration est devenue pénible e t précipitée et, à com p ter de c e t in stant, les accidents o n t été en a u g m en ta n t; enfin, au b o u t de 55 minutes, il est m ort a vec des espèces de m ou vem ents con vulsifs. Malgré la chaleur de l ’animal qui, nécessairem ent, a v a it dilaté, pen dan t les premiers instants, l ’air con ten u dans la cloch e, il y a eu une dim in ution sensible de volu m e : cette dim in ution était d 'u n quarantièm e en viron à la fin du prem ier q u a r t ’d ’ heure, mais loin d ’ augrnenter ensuite, elle s 'est trouvée un peu m oindre au b o u t d ’ une dem i-heure e t lorsque, | après la m ort de l ’ anim al, l ’ air con ten u dans la cloch e a eu repris la température i du lieu où se faisait l ’ expérience, la dim in u tion ne s ’ est plus trouvée que d ’ un soixantièm e to u t au plus.

» Cet air, qui a v a it ôté ainsi respiré par un anim al, éta it devenu fo r t différent de l'a ir de l’ atm osph ère; il précipitait l ’ eau de ch a u x ; il éteignait les lumières;

... un n ou vel oiseau que j ’ y ai in troduit n ’ y a vécu que quelques in stants; enfin, | il était entièrem ent m éphitique et, à cet éga'rd, il paraissait assez sem blable à celui qui éta it resté après la ca lcin a tion du m ercure.

« C ependant un exa m en plus app rofon d i m ’ a 'f a i t a percevoir d eu x différences très rem arquables . .. entre l ’air qui a v a it servi à la ca lcin a tion du m ercure et celui qu i a v a it servi à la respiration du m oineau franc : prem ièrem ent, la dim in ution de

j

v olu m e a v a it été beaucou p m oindre dans ce dernier que dans le prem ier : secon­

dem ent, l ’ air de la respiration p récipita it l ’ eau de ch a u x, tandis que l ’air de la | ca lcin a tion n ’y occa sion n a it aucune a ltéra tion ...

« Cette différence et, d ’autre part, la grande analogie q u ’ils présentaient, à beau­

c ou p d ’égards, m ’ a fa it présum er q u ’il se com p liq u a it dans la respiration deux causes, d o n t p roba b lem en t je ne connaissais encore q u ’ une seule et, p ou r éclaircir m es sou p çon s à c e t égard, j ’ ai im aginé l ’ expérience suivan te :

» J ’ ai fa it passer sous une cloch e do verre rem plie de m ercure e t plon gée dans du m ercure, 12 pou ces d ’ air v icié par la respiration, e t j ’y ai in trod u it une petite cou ch e d ’alcali fixe ca u stiq u e ... L ’ effet de l ’ alcali a été d ’ occasion n er dans le v olu m e de c e t air une dim in ution de près d ’ un sixièm e; en m êm e tem ps l ’alcali a perdu sa ca u sticité; il a acquis la propriété de faire effervescence a vec les acides e t il s’ est cristallisé sous la clo ch e m ôm e en rh om boïdes très réguliers; propriétés que l ’o n sait ne p o u v o ir lu i être com m u niqu ées q u ’ a utant q u ’ on le com bin e avec l ’espèce d ’ air ou de gaz con n u sous le n om d ’air fixe, et que je n om m erai doréna­

v a n t acide e ra v eu x aériform e (2 ); d ’ où il résulte que l ’air v icié par la respiration c o n tie n t près à ’ un sixièm e d ’ un acide aériform e, pa rfa item en t sem blable à celui que l ’on retire de la craie.

« L oin q u e l ’ air q u i a va it été ainsi dépouillé do sa partie fixable par l’ alcali cau stique eut été rétab li p a r là dans l ’éta t d ’air com m u n , il s’ était au contraire ra pp roch é davan tage de l ’air qu i a v a it servi n i a ca lcin a tion du m ercure, ou plutôt

(1) Mémoires de l’Acad. des Sciences, 1777, p. 185.

(2) Appelé bientôt par lui, acide caTbonique,

(13)

if n’élail plus qu'une seule el même chose; com m e lu i il faisait périr les anim aux, il éteignait les lu m ières; enfin, de tou tes les expériences de com paraison, que j ’ ai faites a vec ces deu x airs, aucune ne m ’ a laissé a percevoir entre e u x la m oindre différence. »

Lavoisier term ine cette recherche en recon stituan t l ’ air atm osphérique par incorporation, à ch a cu n de ces d eu x résidus d ’a zote, du cin quièm e de leur volu m e en oxyg èn e. Le m élange red evien t alors apte à la vie du m oineau, com m e à l ’ entre­

tien de la lum ière. La respiration prive d on c l'a ir atm osph érique de l ’ ox yg èn e qu’il con tien t e t le vicie en revan che de l ’ acide cra y eu x aériform e, ou acide ca rb o­

nique. '

Mais ce gaz carbon iqu e se form e-t-il au niveau mêm e du pou m on , sous l ’effet de l ’oxyg èn e inspiré, ou bien ne s ’opère-t-il dans ce viscère q u ’ un échange entre l’oxygène, que le sang absorbe, e t l ’ acide ca rb on iqu e, que le p ou m on restitue en volume presque égal?

En présence de cette alternative, L avoisier incline d ’em blée vers la seconde

■ hypothèse; il in voq u e que « le sang n ’ est rouge e t verm eil q u ’autant q u ’ il est en présence d ’oxyg èn e, q u ’il dev ien t n oir dans le vid e de la m achine pn eum atiqu e, et ne reprend sa cou leu r initiale q u ’ en ab sorb an t une partie de l ’air au co n ta ct duquel on le replace. Ne résulte-t-il pas de tous ces faits que l ’ox yg èn e a la propriété de se com bin er a vec le sang e t que c ’ est cette com bin aison qui con stitue sa cou leu r rou ge? »

L ’azote, de son côté, n ’ éprouve aucun ch angem ent p en da n t la respiration, et on n ’ observe au niveau du p ou m on ni dégagem en t ni absorption de ce gaz inerte.

Lavoisier en déd u it q u ’ on le pou rrait rem placer par to u t autre gaz qu i ne fu t ni acide, ni alcalin, ni de qualité nuisible, e t con firm e ce fait en sou m etta n t un animal sans q u ’il en soit in com m od é à une atm osphère com posée d ’ hydrogène e t d 'o x y g è n e . Il souligne, à ce propos, la nécessité de faire absorber par do l ’ alcali l ’excès d ’ acide carbonique exh a lé; ca r il a reconnu les effets tox iq u es de ce com p osé dès que s’ élève sa teneur dans l ’ air inspiré.

Ainsi, dès 1777, L avoisier professait que la respiration consiste en une com b u s­

tion lente d ’une partie du carbon e de l ’ organism e e t il en déduisait que la chaleur animale est entretenue par la perte de calories qui sc dégage au m om en t de la form ation du gaz ca rb on iqu e, com m e dans tou te com b u stion de carbon e. Mais,- ce n ’ est q u ’ à la suite des recherches entreprises en 1779 a vec L aplace, q u ’ il donnera de ces phénom ènes une représentation plus exa cte.

La m éth od e de travail de Lavoisier se trouve to u t entière résum ée e n .d e u x phrases que nous relevons,-l’une au d éb u t de son m ém oire sur la C om bustion, l ’autre, dans son travail sur leM a g n étism e anim al.

« A u ta n t l ’ esprit de systèm e est dan gereu x dans les sciences ph ysiques, autant il est à craindre, q u ’ en entassant sans ordre une trop grande m u ltiplicité d 'e x p é ­ riences, on obscurcisse la science au lieu de l’ éclairer » ... « Une seule expérience concluante est plus précieuse q u ’ un grand n om bre d'autres qui ne v o n t pas direc­

tem ent au b u t ! »

Im aginer, con cev oir, puis réaliser les con d ition s rigoureuses d ’exp érim en tation propres à entraîner la co n v ictio n , créer, entre tem ps, de toutes pièces, l'a p p a reil­

lage indispensable; l’ am ener au plus haut degré de perfection , tel fu t, pou r ch aqu e question abordée, le plan d ’ a ttaque qu i l ’ a con d u it à la solu tion des problèm es les plus difficiles de son tem ps.

, A vec L a p la ce, il forge l ’instrument, nécessaire à ses n ouvelles étu d e s : le ca lo ­ rimètre à glace. Cet ingénieux appareil leur perm et la mesure de la chaleur dégagée lors de la com b u stion d'u n e substance ou au coure de l ’ entretien de la vie d ’ un petit anim al, to u t en assurant la déterm ination de l ’ oxyg èn e a b sorbé e t de l ’ acide carbonique produit.

Dès leurs premières expériences, la chaleur rayon nan te d ’ un co ch o n d ’ Inde s’avère très voisin e-de la chaleur dégagée, d ’autre part, lors de la seule com bu stion du carbon e con ten u dans le gaz ca rb on iqu e exhalé durant le m êm e laps de tem ps.

L’accord sem ble m êm e suffisant pou r édifier une th éoriç de la chaleur animale.

En réalité, la quan tité de ch aleur dégagée par le co ch o n d ’ Inde dans le ca lori­

mètre est supérieure à celle calcu lée d ’ après le gaz ca rb on iqu e recueilli : ces d eu x valeurs ne se ra p p roch en t q u ’après quelques correction s qui sem blaient, il est vrai, justifiées par l ’ élim ination de nom breuses causes d ’ erreurs. Mais Lavoisier ne se contente pas lon gtem ps d ’ une telle a p p roxim ation . Il reprend ses expériences, les com plète, e t recon n a ît (1) que la respiration ne se borne pas à une com bu stion du ca rb on e; car elle com p ren d en même tem ps l ’o x y d a tio n d ’ une partie de l ’ h yd ro­

gène con ten u dans les m atériaux organiques du sang e t son élim ination, sous form e d’eau, soit par les p ou m on s, so it par la transpiration insensible ou la sueur.

Cette décou verte de L avoisier est peu t-être plus rem arquable encore que toutes celles qui l ’ avaien t précédée. Mais n ’ est-ce pas le propre du sa va n t de ne pas a ccep ­ ter pou r définitifs les prem iers succès de ses trav a u x, de ne jam ais s ’ exagérer leur

(1) Mémoire publié en 1785 dans le Recueil de la Société de médecine.

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