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L' "académisation" des écoles d'art et de design, nécessaire à leur rayonnement mais dangereuse pour leur agilité

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L' "académisation" des écoles d'art et de design, nécessaire à leur rayonnement mais dangereuse pour leur agilité

Par Anne Mascret

AEF enseignement recherche, le 14 octobre 2016

LM D, Comue, loi Création : les facteurs de rapprochement entre le monde des écoles d'art, de mode et de design et le monde académique traditionnel se multiplient. Certains y voient une nécessité, que ce soit pour la mobilité des étudiants ou le ray onnement à l'international des formations françaises. M ais d'autres en pointent les risques : perte d'agilité, dilution de la place de ces écoles dans de grands ensembles où elles restent marginalisées, standardisation des savoirs. AEF revient sur les principaux arguments échangés sur ces questions lors de son colloque "Arts, design, mode : la nouvelle frontière de l'enseignement supérieur ?", organisé le 13 octobre 2016 (lire sur AEF).

Le constat de départ, fait par Brigitte Flamand, Igen, et Jean Delpech de Saint Guilhem, IGAENR (1), est que le paysage de l'enseignement supérieur artistique est extrêmement complexe, sans harmonisation des parcours, sans alignement sur le LM D (avec une place importante des BTS, DM A et DSAA), ce qui le rend illisible pour les étudiants et pénalisant en termes de rayonnement à l'international. "Je suis choquée de voir que notre pays, qui est à l'origine du LM D avec Claude Allègre, continue d'en exclure, 30 ans après, certaines

disciplines", ajoute Lyne Cohen-Solal, auteur du rapport "La mode, industrie de créativité et moteur de croissance". "Cela handicape nos étudiants en termes de mobilité internationale et demeure humiliant pour notre pays."

"Aucune volonté de main mise de l'université sur les écoles de design"

Emmanuel Tibloux, directeur de l'École nationale supérieure des Beaux-Arts de Lyon, reconnaît lui aussi qu'un rapprochement avec le monde académique pourrait être une

"opportunité" pour les étudiants : "Les écoles d'art sont hypersélectives, ce qui est nécessaire car nos diplômés vont être projetés dans un monde où la violence symbolique et la puissance d'imposition sont extrêmement fortes. M ais tous nos étudiants ne seront pas [des génies de l'art]. Donc avoir des passerelles avec l'enseignement supérieur traditionnel me semble important."

Pourtant, si, comme l'affirme l'IGAENR Jean Delpech de Saint Guilhem, il n'y a "aucune volonté de main mise de l'université sur les écoles de design", l' "académisation" des écoles de la création suscite des craintes. Philippe Jamet, directeur général de l'Institut M ines -Télécom et ancien président de la CGE, y voit en effet un "péril" : celui de faire rentrer ces

établissements dans les standards de l'université actuelle qui ne sont "pas forcément ceux du XXIe siècle". Pour Emmanuel Tibloux, la spécificité des écoles d'art est d'être "à l'intersection

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entre deux champs, artistique et académique" : "Où placer le curseur ? Comment légitimer le champ artistique sans l'absorber par l'académique", interroge-t-il.

Une "agilité" compromise par les Comue

Il insiste également sur le fait que la valeur des écoles d'art tient à leur "agilité" et donc à leur

"petite taille", ce qui n'est guère compatible avec la logique en œuvre actuellement dans les Comue : "À l'université de Lyon, la place qui nous est accordée est dérisoire. Ce n'est même pas la marche à côté du strapontin. On m'explique que l'intérêt pour nous est d'avoir le

marqueur 'Université de Lyon' et d'être membre des délégations à l'étranger. M ais je m'en fous pas mal ! Ce n'est pas ce marqueur qui est reconnu dans notre milieu. Et si la Comue voyage à Pékin, je ne suis pas sûr d'être intéressé par visiter les mêmes quartiers que mes collègues des écoles de commerce ou des universités."

Une assertion nuancée par Christian Guellerin, directeur général de l'École de design de Nantes : "L'université a une image à l'étranger que nous n'avons pas. Être adossé à l'université de Nantes, dans notre cas, nous permet, quand nous sommes à l'étranger, de manger

directement à l'étage des doyens, alors qu'auparavant nous étions tout juste admis à celui des étudiants !"

Autre intérêt de "l'agilité", relevé par Emmanuel Tibloux : avoir pu créer très rapidement une année supplémentaire dans le cursus de l'École nationale supérieure des Beaux-Arts de Lyon, afin de permettre aux étudiants de faire des stages longs en fin de parcours : "Cela n'aurait pas été possible si nous avions été intégrés à l'université, ne serait -ce que parce que les syndicats auraient combattu cette mesure au nom d'une position idéologique de principe contre les stages", argue-t-il.

LE M ASTER, LABEL INTERNATIONAL INCONTOURNABLE

A contrario, pour Dominique Sciamma, directeur de Strate École de design, école privée du groupe Galiléo Global Education, le seul enjeu est de "rayonner dans le monde" : "Et le titre de master est déterminant pour ça !", estime-t-il. Il est rejoint par Pascal M orand, président exécutif de la Fédération française de la couture, du prêt-à-porter des couturiers et des créateurs de mode, qui plaide aussi pour développer la recherche, et donc le doctorat,

regrettant que la France ait abandonné aux Anglo-Saxons les "fashion studies", "pourtant nées dans notre pays".

Pour Dominique Sciamma, l'enjeu n'est pas d'être "reconnu par la communauté qui nous accueille". "Nous sommes des activistes qui entrons dans le système, et qui allons lui permettre de rentrer dans le XXIe siècle. Car l'interdisciplinarité, le 'learning by doing', qui réconcilie le cerveau gauche et le cerveau droit, nous le faisons depuis 100 ans ! Nous avons réinventé la pédagogie." Il dit former des jeunes qui sont là pour "concurrencer les ingénieurs et managers et prendre la tête d'une entreprise".

Plus que le "carcan" académique, le frein reste la "bureaucratie"

Du côté employeur, Isabelle de Ponfilly, directrice générale de Vitra France et présidente des conseils d'administration de l'Ensad et de l'Istec, estime que "ce n'est qu'en étant dans un carcan que l'on parvient à s'en extraire et à s'épanouir" : "Les enfants gâtés ne deviennent que rarement de grands artistes."

S'il entend les craintes sur le "carcan", Édouard Husson, vice-président de PSL, tient pour sa part à rassurer en rappelant que "l'homogénéité" de l'enseignement supérieur est toute relative : "Quoi de commun entre un doctorat en droit et un doctorat en physique nucléaire ? Les différences sont déjà inouïes entre les disciplines. Et si PSL a créé un doctorat en arts (Sacre), c'est en attendant que la forme de soutenance change, et non en imposant des règles préétablies, sinon l'exigence de rigueur", assure-t-il.

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À la suite de Dominique Sciamma, il fustige en revanche la "bureaucratie" dont la France se fait la championne, et le temps perdu par les établissements à remplir plusieurs fois les mêmes dossiers pour obtenir les différentes reconnaissances de la part de l'État, que ce soit en matière de certification professionnelle (RNCP...) ou de recherche (grade...). "C'est pourquoi, à PSL, nous lançons un bachelor multidisciplinaire en arts en attendant d'avoir le grade de licence.

Nous allons signer des conventions avec les écoles d'arts afin qu'elles bénéficient d'une reconnaissance de leur formation en attendant les 6 ans d'instruction des dossiers !"

Combien d'étudiants ? Où ?

La France forme chaque année un peu plus de 12 000 designers et artisans d'art (pour

mémoire la Corée formait plus de 36 000 designers en 2007 pour une population inférieure de 20 % à celle de la France) :

dans les BTS , DSAA et DM A : 8 000 étudiants en design sur 80 sites et 286 formations au total ; 1 500 en métiers d'art sur 35 sites avec 14 spécialités ;

pour l'université, environ 1 500 étudiants en arts plastiques dans les parcours arts appliqués ;

pour le ministère de la culture et de la communication : 2 500 à 3 000 étudiants dans les sections design des écoles d'art ;

le secteur privé hors contrat est en forte croissance avec une estimation de 4 000 étudiants, signe de l'attractivité du secteur et de la peine qu'a le système public à répondre à cette demande.

S ource : Rapport IGAENR "Design et métiers d'art" (lire sur AEF)

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