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Jacques Prévert et ses graffiti

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Academic year: 2021

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Jerzy Falicki

Jacques Prévert et ses graffiti

Annales Universitatis Mariae Curie-Skłodowska. Sectio F, Humaniora 32, 195-210

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A N N A L E S

U N I V E R S I T A T I S M A R I A E C U R I E

L U B L I N — P O L O N I A

VOL. X X X II, 12 SECTIO F

Z a k ł a d F il o lo g ii R o m a ń s k i e j W y d z i a ł u H u m a n i s t y c z n e g o U M C S

J e r z y F A L I C K I

Jacques Prêvert et ses graffiti J acques P rév ert i jego g ra ffiti

Ж а к П ревер и его гр аф ф и ти

La b ibliographie co n cernan t Jacq ues P ré v e rt (1900— 1977) est trè s m odeste. Il n ’y a pas de m onographies et les a rticles consacrés à son oeuvre litté ra ire sont peu nom breux. L a critiq u e litté ra ire a gardé une ce rtain e réserv e à l’ég ard de ce m aître incontestable des jeu x de langage, m algré son énorm e po p u larité (le tirag e de Paroles a dépassé 500.000 exem plaires en u n e quinzaine d ’années). La réticence des critiques s ’ex­ p lique p a r le dan g er q u ’il y av ait à s’exposer aux m oqueries de P ré v e rt qui ne m an q u a it pas une occasion de ra ille r les intellectuels.

La p rése n tatio n som m aire de l ’oeuvre de P ré v e rt p a r Je an Queval au M ercure de F ran ce est déjà su ran n ée parce q u ’elle n ’em brasse que les poèm es p a ru s a v a n t 1955. De m êm e, le p e tit liv re de G érard G uillot, in titu lé Les P révert, p a ru dans la collection Ciném a d ’a u jo u rd ’hui, offre peu de m a té ria u x su r Jacques P ré v ert-p o è te *, parce que l’in té rê t y porte prin cip alem ent su r son activ ité de cinéaste.

En a tte n d a n t u ne m onographie exh au stiv e, basée su r les docum ents con­ servés en France, il nous fa u t donc, afin de p ré se n te r la silho uette de l’écrivain, dépouiller les te x te s de P ré v e rt ou bien ceux q u ’il a autorisés. P arm i ces dern iers, il y en a u n qui sem ble d ’im portance capitale: le livre in titu lé H ebdrom adaires 2 q u ’A ndré Pozner publia en 1972 en collaboration avec Jacq u es P ré v e rt et qui constitue u n e espèce de biographie du poète. Le titre re n d u insolite p a r le ”r ” in tercalé qui confère au titre un accent

- S K Ł O D O W S K A

1977

1 G érard G uillot: L es P r é v e r t , P aris 1967, Seghers. 2 C ollection Folio.

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196 Jerzy Kalicki

bizarre, sem ble non seulem ent rév éler le goût des a u te u rs p o u r les jeu x de m ots, m ais aussi indiquer u ne filiation précise car il fa it pen ser à la p rem ière parole d’Ubu d ’A lfred J a rry . Hebdrom adaires et une soixantaine de pages d ’autobiographie poétisée p o rta n t le titre d ’E nfance c o n s titu e n t' donc, pou r le m om ent, les seules sources de docum entation p o u r un bio­ g rap h e de P ré v ert, et encore, é ta n t donné le c a ra c tè re su b jectif de ces écrits, il fa u t les u tiliser avec un e ex trê m e p ru d en ce heuristique.

Ce que l’on p e u t en tire r suffit à peine pou r esquisser un vague c u rri­ culum vitae: Naissance à N eu illy -sur-S ein e en 1900 dans u n e fam ille a p ­ pauvrie, un père dem i-chôm eur, u n e m ère docile et calm e, un frè re (fu tu r collaborateur de Jacq u es dans le dom aine de la ciném atographie). E tudes p rim aires et secondaires, faites sans enthousiasm e, avec u ne ran c u n e p ro ­ fonde et to u jo u rs croissante contre les m éthodes d ’enseignem ent religieux. L ’adolescence de P ré v e rt coïncide avec le développem ent du ciném a qui le fascine et où il fait ses déb u ts com m e dialoguiste. Il y déploie une grande p a rtie de ses activ ités avant, p e n d a n t et a p rès la deuxièm e g u e rre mondiale. D epuis L ’A ffa ire est dans le sac, u n film réalisé en 1932 avec son frè re P ierre, ju sq u ’au co u rt m étrag e su r Desnos, in titu lé La Belle

saison est proche et réalisé p a r Je a n B a rra i en 1958, P ré v e rt donne des

scénarios ou il en est le со-au te u r. Comme cinéaste, il se tro u v e dan s une com pagnie illu stre.3 E t bien que la p a rt du scénariste s’efface u n peu d evan t le rôle des m e tte u rs en scène, la critiq u e souligne qu e Jacques P ré v e rt a su u tilise r to u te s les ressources du dialogue et q u ’il a eu le m érite de poétiser le quotidien.

C ’est dans la vie th é â tra le que P ré v e rt affirm e son adhésion à la gauche politique. Il accède au groupe „O ctobre” fondé en 1932 p a r les m ilitan ts com m unistes sous le patro n n ag e de la M aison des Syndicats. Le groupe se donne pour b u t d ’an im er c u ltu relle m e n t le p ro lé taria t, de jouer des pièces d ’actualité dev an t les usines, dans les fêtes foraines, etc. P ré v e rt devient vite, avec P a u l V aillan t-C o u tu rier, le sp iritu s m ovens de l’ensem ­ ble, en fo u rn issant des te x te s et des dialogues.

3 V oici le s p rin cip au x film s que P rév ert a m arqués de son nom , le p lu s so u ­ ven t com m e scén ariste ou au teu r des dialogues: L e C r i m e d e M. L a n g e , 1935

(réalisé par Jean R enoir); D rôle de d r a m e , 1937; L e Quai d e s b r u m e s , 1938; L e Jour

se lève , 1939; L es V is i te u r s du soir, 1942; A d r i e n L éo n a rd , 1943; L es E n fa n ts du paradis, 1943; L es P o r te s de la nuit, 1946 (tous réa lisés par M arcel Carné); Les D isparus de S a i n t - A gil, 1938; Sortilèg es, 1945; S o u v e n ir s p e r d u s , 1950 (3 film s

tournés par C hristian Jaque. U ne b rève coopération a v ec Jean G rém illon a donné

R e m o rq u e, 1941 et L u m i è r e d ’été , 1943. P arm i le s scén arios d’a p rès-g u erre qui a v a ien t

beaucoup de succès, il fa u t citer L es A m a n t s d e V éro n e, 1948, r éa lisé par A ndré C ayatte; L a Vie c o m m e n c e d e m a in , 1949, réa lisé par N ico le V édrès; L a B e r g è r e

e t le R a m o n eu r, 1950, réa lisé par P a u l G rim ault et B i m e t le p e t i t âne, 1950,

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Jacq u es P rév ert et ses g ra ffiti 197

Il est trè s difficile d ’év alu er la p a rt de P ré v e rt dans c ette en trep rise parce q u e les pièces que le groupe m on tait résu lta ien t d ’un trav ail collec­ tif, d ’u n enthousiasm e sans égal de tous les p articip ants. L ’activité du groupe „O ctobre” coïncide avec la naissance du populism e dans la litté ra ­ tu re n a rra tiv e et elle en co n stitue l’équiv alent th é â tra l. Les pièces V ive

la presse, Le C hôm eur, Le Cam elot, L ’A v è n e m e n t d ’H itler, Citroën, Les A n im a u x ont des ennuis s’inscrivent dans la litté ra tu re qui lu tte pour la

cause de la classe o u v riè re et qui se dresse oontre la fascisation de la société française. Avec le groupe ’’O ctobre”, P ré v e rt va à Moscou en 1933, po ur p a rticip e r a u x O lym piades T héâtrales. A l’époque du F ro n t Popu­ laire, le groupe joue ses pièces dev an t les usines, pour les grévistes. En 1936, P ré v e rt a larg em en t co ntrib u é à la création du te x te La Famille

T u y a u de Poêle.

A près la g u erre, P ré v e rt a fo u rn i plu sieu rs tex tes pour des m ontages poétiques th é â tra u x .4

Les débu ts de P ré v e rt-p o è te ly riq u e ąe p e rd e n t dans le tapage des an nées du surréalism e m ilitant. Il se souciait peu de rassem bler les brefs poèm es q u ’il écriv ait à c ette époque, e t encore m oins de les publier.

Son p rem ier recu eil Paroles n e fu t édité q u ’en 1946.® A rriv é à l’âge de la pleine m atu rité, P ré v e rt décida, a p rès une sévère sélection, d ’y in clure quelques poèm es écrits a v a n t la g u e rre et publiés dans des revues. Les plus anciens d a te n t de 1930 et 1931. Ce sont les Souvenirs de fa m ille

ou l’ange garde-chiourm e et la T e n ta tive de description d ’un dîner de tête s à Paris-France. Ils p o rte n t encore u n e forte em p reinte du su rré a ­

lism e dans les associations de m ots bizarres et scandaleux et dans la m a­ n ière ’’o n iriq u e” d ’en ch aîn er les images.

P ré v e rt a p p a rtie n t au x su rréalistes dès le déb u t du m ouvem ent m ais il n e com pte pas p arm i les fidèles de B reton. Il sem ble que la stérilité politique de la rév o lte considérée com m e de ,,1’a r t pour l’a r t” ne le satis­ faisait point. Il ne se laisse pas non plus c h arm er p a r le personnage a u to rita ire de B reton. Aussi, le voyons-nous p arm i les ’’sécessionnistes” qui s’engag en t dans le m ouvem ent de la gauche rév o lu tio n n aire et qui ch erch en t u n pro gram m e socialem ent u tile au -d elà d e la révolte. S ’il continue à ’’é p a te r les bourgeois” et à dénoncer leu r hypocrisie, il n ’en est pas m oins v rai q u ’il tâch e de d ém o n trer les v aleu rs hum aines de la solidarité et de l ’am our qui ap p araissen t qu an d les gens sim ples com m en­ cent à se re n d re com pte de le u r condition ab surde et m isérable.

Avec R aym ond Q ueneau, Louis A ragon, R obert Desnos, B enjam in

4 E v é n e m e n t s , 1950; Folies furie uses, p résen té au T h éâ tre du Q uartier L atin en 1950; L ’A d d it io n , 1951; Le D în er d e tê t e s créé à la scèn e d e La F on tain e des Q uatre S aison s en 1951 et autres.

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198 Jerzy Falicki

P éret, Michel T anguy et quelques au tres, il fonde u n groupe qui s’écarte du surréalism e ’’o rtho d oxe” et qui adopte une a ttitu d e p lus optim iste à l’égard de l’avenir. L ’optim ism e est puisé dans l ’am our dont P ré v e rt se fait le ch a n tre discret et subtil, dans la solidarité des gens pau v res m ais lucides. Du su rréalism e m ilitan t, il g a rd e ra l’am our du co q -à-l’âne, du calem bour, et surto ut, au niveau des idées, d ’un athéism e véhém en t et blasphém atoire.

L ’ouevre écrite de Jacques P ré v e rt qui com pte à peine u n e quinzaine de recueils de p e tite taille se p rê te m al à u ne classification générique. On peut y d isting uer q u a tre ty p es d ’écrits. U n q u a rt d ’e n tre e u x a p p a r­ tie n t à la prose n a rra tiv e , plus ou m oins poétisée, e t p o rte le plus souvent le caractère de souvenirs. Les te x te s des pièces, ou leu rs fragm ents, con­ s titu e n t un a u tre q u a rt; le troisièm e é ta n t les poèm es p ro p re m en t dits, parce que versifiés, ry th m é s et quelquefois rim és. Le d e rn ie r q u a rt, le plus caractéristiq u e de l’oeuvre de P ré v ert, se compose de brefs textes, dépassant ra re m e n t q u a tre vers, et dont l’essence se fonde su r les jeu x de m ots. Il sem ble que cette d ern ière catégorie d’écrits, la plus insolite de l’oeuvre de P ré v ert, rév èle le m ieux le caractère original de son talen t.

E parpillés dans tous les liv res de P ré v e rt, les te x te s en question sont le plus souvent groupés en quelques dizaines et p o rte n t des titre s com m uns. P ré v e rt les appelle G raffiti, Vulgaires, G ra ffiti du pic ve rt, T ra v a u x en

cours, G ravures sur zinc, etc. P arfois on p e u t les tro u v e r isolés parm i d ’a u ­

tres tex te s ou in tercalés d an s des poèm es plus longs dont ils co n stitu en t la pointe d ’esprit. D ans ce d e rn ie r cas, le u r autonom ie re ste discutable.

Les graffiti ont d ’h a b itu d e , u n e v a le u r aphoristique. Du point de vue syntactique, ils p rése n ten t un e g rande diversité: phrases com plètes, phrases réd u ites aux groupes nom in aux ou verbaux, exclam ations, apo­ strophes (fausses prières), parfois des en tités p lus grandes, com posées de deux phrases p arallèles dont l’une est puisée le plus souvent dans un te x te connu ou rep ro d u it u n proverbe, tan d is que l ’a u tre en constitue une transp osition plus ou m oins proche du m odèle ou en offre la suite logique.

Les g raffiti co n stitu en t u n g en re ly riq u e a p p a re n té a u x aphorism es, m axim es et pensées p a r le u r concision et p a r la dom inante réfé re n tie lle du message, m ais ils s ’en d istin g u en t p a r la véhém ence et la spontanéité. L eu r ten e u r satirique révèle l’a ttitu d e c ritiq u e de leu rs a u te u rs env ers la réa lité et les fait classer dans la litté ra tu re pam ph létaire. En général, les g raffiti rid icu lisen t u n o rd re discrédité e t en po stu len t un au tre. Les a u te u rs des g raffiti n ’h ésiten t pas à y em ployer le langage populaire, les expressions fam ilières et vulgaires, c’est pourquoi ces te x te s o nt souvent un caractère folklorique. On y touche parfois les problèm es tabous.

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Jacq u es P rév ert et ses g r a ffiti 199

quoique trè s viv ant, ap p araissait ra re m e n t dans des livres. Il serait d iffi­ cile de le u r tro u v e r des an cêtres dans la tra d itio n litté ra ire française reconnue. C ar si la concision y est p ratiq u ée au m oins depuis le X V IIe siècle et que l ’h u m o u r et l’esp rit satiriq u e accom pagnent la litté ra tu re française dès le m oyen-âge, il y a peu de tex te s où le calem bour joue u n rô le si im p o rta n t et que la p réte n tio n m oralisatrice soit aussi discrète que chez P ré v e rt, à l’exception des rh éto riq u e u rs du X V e siècle et de F rançois Rabelais. Les g raffiti de P ré v e rt font penser à des inscriptions m u ra les anonym es et souvent licencieuses que l’on trouve su r les socles des statues, su r les clôtures, dans les cabinets de toilette, dans tous les en droits publics, et qui échappent à la censure m orale e t politique. P ré v e rt ren o u e égalem ent à la trad itio n de la litté ra tu re orale, au x contrepèteries, anecdotes, dictons, proverbes qui ne p é n è tre n t dans la litté ra tu re écrite que' ra re m e n t et à titre de citations. Mais to u t en s’inspirarit de ces m odèles populaires, P ré v e rt sait ê tre exquis, faire p reu ve d’une vaste c u ltu re litté ra ire , ju sq u ’à dev en ir parfois ésotérique dans ses calem bours surcom posés à trip le sens. Ce m élange du vulgaire et d u raffiné, d ’ag res­ sivité et de com préhension, donne à l’oeuvre de Jacqu es P ré v e rt un ca ra ­ ctère spécifique et lui assure u n accueil a tte n tif dans to u tes les couches sociales. C ’est l’ingéniosité des calem bours de P ré v e rt qui a tté n u é les accents folkloriques de ses g raffiti et les ren d plus nobles.

Les jeu x de m ots ap p araissen t dans l ’o euv re de P ré v e rt dès la prem ière page de Paroles. D ’abord in tercalés dans u n te x te plus vaste, comme si le poète n ’é ta it pas encore sû r de leu r p ortée en ta n t que m essages au to ­ nom es. M ais dès le début, l’a u te u r em ploie u n e g rand e gam m e de m oyens: il joue su r l’hom ophonie, in v erse les syllabes, a jo u te des préfixes, fait des néologismes, su rp re n d p a r l’inversion des com plém ents, m odifie les locutions courantes, e m p ru n te les expressions à l’arg o t e t tire les effets du double sens des mots.

C eux qui pieusem ent... C eux qui copieusem ent...

[...]

C eux qui croient... C eux qui cro ien t croire... C eux qui croa-croa... [...]

C eux qui donnent des can on s a u x enfants... C eu x qui donnent des en fa n ts a u x canons...

Voici tro is exem ples tiré s de la p rem ière page de Paroles et dont chacun est fondé su r un a u tre effet (passage à u n rég istre d iffé re n t p a r adjonction d ’u n e syllabe; jeu d ’hom ophonie avec u n im p o rta n t glissem ent de m odalité;

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200 Jerzy F alick i

inversion des com plém ents direct et indirect. Tous ces trois cas a y a n t un sens satiriq u e prononcé).

L’ex trêm e richesse en jeu x de m ots et in te rte x tu a lité s de l ’o euvre de P ré v e rt ne nous perm et pas de nous a rrê te r su r tous les phénom ènes de cet o rdre bien q u ’ils en vaillen t la peine. Nous nous bornero ns à p ré se n te r et à essayer de classifier u n choix de g raffiti e x tra its su rto u t de Spectacle (1951) e et des deux d e rn ie rs recueils: Fatras (1965) 7 et Choses et autres (1972) 8. Le choix a été dicté p a r le fait que P ré v e rt y a accum ulé le plus de graffiti. Il sem ble aussi que c e tte production de l’âge m û r du poète contient des tex tes trè s réfléchis e t élaborés.

D ans ce co rpus assez hétérogène, on p e u t d istinguer les g ra ffiti dont l’essence se fonde su r le développem ent des locutions figées: soit p ro v er­ biales, soit litté raires, soit bibliques. C ette catégoroie con stitue p lu s de la m oitié de l ’ensem ble. A force d ’a jo u te r u n e suite logique ou pseudo­ -logique a u x locutions figées, le poète leu r donne un contre-sens, dém on­ tre leu r b an alité ou, sim plem ent, les to u rn e en ridicule. Il est à n o ter que le procédé de P ré v e rt n ’a que trè s p eu de poin ts com m uns avec ce q u ’avait fait a v an t lu i F la u b ert dans le D ictionnaire des idées reçues, et, plus tard , D aninos dans le Jacassin. F la u b e rt et D aninos rid icu lisaien t les locutions co u ran tes banalisées p ar l’abus. P ré v e rt, lui, tra v e stissa it les lieux com m uns en le u r im p u ta n t u n sens nouveau avec une d iscrète in ten tio n m oralisatrice. Le trav estissem en t se fonde le plus souvent sur u n jeu de m ots. En voici quelques exem ples:

R ire e st le propre d e l ’hom m e, à ce qu’on a dit M ais le sa le n 'est pas de pleurer, sa u f si on le fa it exp rès 9.

Dans ce te x te qui développe la fam euse p h rase de R abelais, P ré v e rt joue su r tro is oppositions e t su r d eu x antanaclases:

1. rire φ 2. p le u re r

3. P ro p re (qui a p p a rtie n t exclusivem ent à u n e espèce) Φ 4. im p ro p re 5. p ro p re (pur) φ 6. sale (au sens m atériel)

Φ

7. sale (au sens m oral) 1. vs 2.: opposition (=£);

3. vs 4.: opposition (φ );

6 P aris, 1951, G allim ard. T ou tes le s référen ces b ib liograp h iq u es du p résen t article r en v o ien t à l ’éd ition de poche Folio.

7 P aris, 1965, G allim ard. R éféren ces r en v o ien t à l ’éd. Folio. P aris, 1972, G allim ard. R éféren ces r en v o ien t à l ’éd. Folio. 8 G raffiti, S p e c ta c le , p. 224.

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Jacq u es P r év ert et ses g r a ffiti 201

3. vs 5.: antan aclase (-»-); 5. vs 6.: opposition (φ ); 6. vs 7.: antan aclase (-►).

L ’a u te u r en o btien t une relatio n su p p lém en taire (1,3 φ 2,4), m ais par le jeu d ’an tanaclases il la m odifie (1,3 2,7) e t il la com m ente en m oralisa­ teu r: il est sale (m alhonnête) de p le u re r exprès.

D ieu a fa it l ’hom m e à son im age L ’ex h ib itio n n iste L ui rend h o m m a g e .10

L’adjonction d ’une suite logique à la citatio n biblique donne ici un effet b u rlesq u e e t sacrilège. Q uoique m oins fra p p a n t, le m écanism e ironique de ce te x te ressem ble au précédent. P ré v e rt exploite ici l ’analogie e n tre Dieu et l ’hom m e et il en tire u n e conclusion sophism atique.

i

La F rance est la fille a în ée de l ’ég lise Et J ésu s-C h rist le cad et de m es s o u c is .11

D eux locutions figées qui se situ e n t à d eux reg istres d ifféren ts ont été juxtaposées. L ’opposition des adjectifs cadet φ aînée join t les deux p arties du te x te et l ’effet obtenu est blasphém atoire.

P alsam b leu , M orbleu, V entreb leu , Jarnibleu! D ieu au ssi a eu son ép oq u e b le u e .12

La série de ju ro n s term in és en -b leu euphém ique (palsam bleu < par le sang de Dieu; m orbleu < m o rt de Dieu, etc) renvoie, par hom ophonie, à l’époque bleue de Picasso. P a r-d e là l’effet blasphém atoire, on p e u t y lire u n hom m age au g ran d p eintre, am i de P ré v ert.

P arfois, la locution de base n ’est p rése n te que p artiellem en t ou reste sous-entendue, ou bien on en m odifie l ’o rth o grap he (et le sens), obtenant u n effet d ’hom ophonie:

D ieu a fa it l ’hom m e son et im age.

(Saint O r t f ) 12

La locution bibliq u e a été cette fois tronquée. La m odification apophonique

(à son im age son et image) de la d euxièm e p a rtie provoque u n effet

10 G ra ffiti, Fatras, p. 167.

11 V u lgaires, Choses e t a utr es, p. 204. 12 G ra ffiti, Fatras, p. 13.

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202 Jerzy F alicki

burlesque: L’in ten tio n satiriq ue dirigée co ntre la toute-puissance de la télévision a p p a ra ît m ieux grâce à la ’’sig n a tu re ” : saint ORTF.

... m ais il y a des ép in es sans r o s e .14

Le proverbe de base, il n ’y a pas de roses sans épines, est sous-entendu. L’a u te u r fait l ’enchaînem ent p a r opposition du com plém ent et o b tient un effet sarcastique.

L ouis X IV fu y a it les m iroirs tan t il craign ait l ’in s o la tio n .15

Comme dans le te x te précédent, la locution de base reste so u s-en ten ­ due. L ’effet b u rlesq u e est obtenu grâce à l ’enchaînem en t logique et à l’acception litté ra le de la m étap h o re le roi-soleil. Les g raffiti où le sens figuré des locutions couran tes est pris au sens litté ra l sont assez nom ­ breux. Nous assistons donc à la dém étaphorisation d u langage, ce qui donne en général u n effet an ti-em p h atiq u e, p.ex.:

Q uand q u elq u ’un dit J e m e tu e à vou s le dire, L a issez-le m o u r ir .16

B eaucoup de g raffiti (plus de la m oitié) ex p loiten t l ’hom ophonie et cet effet est to u jo u rs accom pagné de disjonction au niveau sém antique. P.ex., dans le te x te F ête d ’y e u x — M arylin M onroe 17, deu x élém ents sont donnés et le troisièm e est suggéré p a r hom ophonie: Fête-D ieu. Ce n ’est q u ’à tra v e rs cet élém ent so u s-enten d u q ue l’inscription d ev ient claire et p ren d une nuance blasphém atoire. P ré v e rt o b tien t des effets analogues en m odifiant légèrem ent des p roverbes latin s et en en com posant des hybrides latino-français:

V ox p op u li v e x e d e i ! 18

La m odification p ar apophonie vox -*■ vexe donne en ré s u lta t u n e réso n an­ ce dém agogique et a n tia u to rita ire , m êm e antireligieuse.

Tous les exem ples cités présup p o sen t la connaissance du te x te qui se rt de point de d é p a rt a u x rem an iem en ts ultérieu rs, c’est-à-d ire, les g raffiti de P ré v e rt en ré fè re n t à d ’a u tre s te x te s présum és connus. C ette in te rte x tu a lité se m anifeste aussi dans les jeu x de m ots où les com plé­

14 Ib i d e m , p. 107. 15 G ra ffiti, Fatras, p. 12. 16 G raffiti, S p ecta cle, p. 220. 17 G raffiti, Fatras, p. 16. 18 G raffiti, S p ecta cle, p. 218.

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Jacq u es P rév ert et ses g r a ffiti 203

m en ts de nom s ep ith ètes des locutions figées se tro u v e n t autonom isés et anthropom orphisés:

C h evet, a v e z -v o u s lu ses livres? (livre d e chevet) C h evalet, co n n a issez-v o u s to u te sa peinture? (p ein tu re d e ch evalet) C ham bre, a p p réciez -v o u s sa m usique? 19 (m u siq u e d e cham bre)

Le procédé consiste ici à dissocier les m ots composés, à a ttrib u e r à l’une des com posantes un a u tre sens et à l’em ployer dans un co ntex te différent.

La m étho d e inv erse consistera à associer plu sieurs locutions ou à les en ch aîner d ’u n e m an ière insolite, en les réd u isan t à l’absurde ou au contre-sens. D ans ce cas, d eux locutions doivent posséder u n élém ent com m un ou quasi-com m un, et cet élém ent s e rt de chaînon de jonction:

D ebout le s iv res m o r ts !20

Le m ot m o rts fonctionne ici com m e chaînon de tra n sitio n parce q u ’il est com m un au x deux locutions de base dont l’une est p ath étiq u e D ebout les

m orts! et l ’a u tre — p éjo rativ e ivre m ort. L ’effet de l’ensem ble est sarca­

stique.

P ré v e rt agg lutine parfois de cette m an ière to u te une série de locutions pour en faire u n coq-à-l’âne:

T ous les goûts son t dans la littér a tu re et au ssi tous le s dégoûts. Dans les r ecettes de cu isin e littér a ire, il y a toujours la gou tte d e v a se qui fa it déborder l ’eau à la b o u c h e .21

D ans ce tex te, nous pouvons id en tifier p lu sieurs expressions-clichés:

goût littéraire, cuisine littéraire, recette de cuisine, la goutte d’eau qui fa it déborder le vase, m e ttre l’eau à la bouche, l’eau qui déborde. P ré v e rt

en fait u n e m étap h o re en grappe, figu re connue à l’époque du m aniérism e. Les élém ents en chaînan ts sont faciles à rép érer. Il est à n o ter que toutes les expressions-clichés a p p a rtie n n e n t à la catégorie de m étaphores q ui ex­ p lo iten t le cham p sém antique de l ’a rt culinaire, ce qui leu r donne un e

ce rtain e cohérence, m algré leu r ap p a re n te hétérogénéité. L’opposition

goût Φ dégoût et l ’équivoque du m ot vase selon le g en re que l’on lui a ttr i­

bue, ne p eu v en t évoquer q u ’u n seul v e rb e au lieu de la p a rtie finale:

déborder l’eau à la bouche= ’’vom ir” . Il est in téressan t d ’observ er que le

te x te en question p o rte une double em p rein te su rréaliste. D ’abord p ar son in ten tio n a n tilitté ra ire , ensuite — parce q u ’il ressem ble beaucoup à l’écri­ tu re au to m atiq u e p a r la lib re association des mots.

19 T ra v a u x en cours, Choses e t a u tr es, p. 115. 20 G ravures sur le zinc, Fatras, p. 268. 21 G ra ffiti, Sp ecta cle, p. 222.

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204 Jerzy F alick i

P ré v e rt tire souvent des effets hum oristiques de la su b stitu tio n des m ots dans les p ro verb es ou dan s les expressions co u ran tes et banalisées:

U n p etit ch at bien é le v é n e doit pas jouer a v ec u n e souris qui n e lu i a pas été p r é s e n té e .22

D eux en tités proverbiales o n t été ici superposées: jouer com m e u n chat

avec une souris et une fille bien élevée ne doit pas jou er avec u n garçon qui ne lui a pas été présenté. Le verb e jouer fonctionne com m e élém ent

de jonction.

La su b stitu tio n conduit parfois à des effets m acabres, com m e c’est le cas d u tex te:

D on n ez-vou s la p ein e d ’entrer dans le com a, m ais n e m ettez p as vos coudes sur le s u a ir e .23

où coma et suaire rem p lacen t resp ectivem en t et conséquam m ent salle à m anger et table.

P lu sieu rs g raffiti de ce ty p e p re n n e n t po u r point de d é p a rt u n te x te biblique ou u n e p rière. Le plus souvent, l’a u te u r y fait jou er, en plus, l’hom ophonie:

J e vous salis m a rue, p lein e d ’o g r e s s e s .24

О grand N ep tu n e, d on n ez-n ou s n otre bain q u otid ien — le s N a ïa d e s 25

Le prem ier de ces te x te s constitu e u ne paronom ase blasphém ato ire de

Je vous salue M arie, pleine de grâces, tan d is que le second tra v e stit, aussi

p a r paronom ase, un frag m en t du pater no ster et fa it pen ser à u n a u tre te x te de P ré v ert: „N o tre père q ui êtes a u x cieux — restez-y...” .

Les m odifications que le poète in tro d u it dans les te x te s p ro v erb iau x sont parfois infim es: adjonction d ’u n e syllabe, chang em en t d ’othographe, suppression d ’une le ttre , etc.:

Progrès: Trop robot pour ê tr e vrai. 26 U n e fo i est c o u tu m e .27

Le prem ier exem ple in te rfè re avec trop beau pour être vrai, le deuxièm e — avec une fois n ’est pas coutum e.

C ette catégorie de g ra ffiti s’a p p a re n te à ceux qui se fondent su r les m étagram m es, c o n tre p ète rie s et anagram m es, dont voici quelques exemples: 22 G raffiti, Fatras , p. 12. 23 I b i d e m , p. 13. 24 I b i d e m , p. 79. 23 Ib i d e m , p. 19. 26 Ib i d e m , p. 11.

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Jacq u es P r év ert et ses g ra ffiti 205 L es je u x de la F oi n e son t que cen d res auprès d es fe u x de la joie. 28 E con om ie m ilitaire: C ou teau x g én éreu x supprim ant le s gén érau x coû ­ teu x . 28

A ucun b la sp h èm e n e b le sse fe m m e .30

D u pou voir des m ots sur le m ouvoir d es peaux. 31

P arfo is l ’inversio n concerne les syllabes en tières ou m êm e les entités suprasyllabiques:

S a in t J e a n -B a p tiste : A h m es saladus, c ’est S a lo m é !32 E urêka — o eu fs c a r r é s !33

Q uand vo u s citez un te x te con, si c ’est in d isp en sab le, n ’ou b liez pas le c o n t e x t e .34

La co n scien ce d’au jou rd ’hui, c ’est la scien ce des cons in s tr u it s .35

L es anagram m es p ro p re m en t d ites son t assez ra re s chez P ré v ert. On les ren c o n tre soit sous form e de g raffiti isolés:

L ’am our: L’étern ité é t r e in t e 38

soit en tê te des g raffiti plu s longs et rim és. Elles fonctionnen t alors com m e titres:

M élodie d ém olie A u p e tit m ystère C hantait M iss T erre O ptim ist air C hantait fille Mer O gre en m ystère P essim iste ère

C hantait s u p e r -fils-c ie l

Il fa u t bien que g én èse se passe C hantait le P è r e .37

D ans le te x te cité, l ’anagram m e ne concerne que le titre . P lus loin, l’astu ce se fonde su r les effets phoniques (M iss Terre rim e avec m ystère), su r les associations des term es opposés (o p tim ist air, pessim iste ère) et su r les associations doubles (super-fils-ciel s’associe p a r hom ophonie avec

28 G ra ffiti, S p ecta cle, p. 224.

29 V u lgaires, Choses e t a utr es, p. 215. 30 G ra ffiti, Chose s e t a u t r e s , p. 106. 31 I b i d e m , p. 108.

32 G ra ffiti, Fatras, p, 16.

33 V u lgaires, Choses e t a u tr es, p, 202. 34 G raffiti, Choses e t a utr es, p. 107. 35 G ra ffiti, S p e c ta c le , p. 222. 36 G ra ffiti, Chose s e t a u tr es, p. 111. 37 F a tra s , p. 231.

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206 Jerzy F alicki

superficiel et, p a r le sens, avec Jésus-C h rist). C ette d e rn iè re association logique s ’accom plit à tra v e rs les oppositions fils φ Père et fils Φ M ère ч -

fïlle M ère ч— fille Mer.

P ré v e rt ré u n it souvent dans u n m êm e te x te p lusieu rs procédés phoniques:

E lectre C ity

C ité ad v erse 1 P erv erse cité 2 T es six p ères v e r ts 3 p erv ersité 4 h u rlen t à la m ort 5 h u rlen t à leu r m ère 6 l ’a d v e r s ité .38 7

Nous pouvons rem a rq u e r ici les olorim es (v. 2, 4), les inversions des sylla­ bes (v. 2, 3 et v. 1, 7), les an ap h ores (v. 5, 6) et les paronom ases (v. 5, 6). De m êm e, u n b ref te x te m onorim e de cinq vers, Trophées et pertes, o ffre tro is ty pes de calem bours:

S a ciété des n otion s ' So ciété des n ation s " et de déton ation s

S o ciété de cons et de so m m a tio n s.39

D’abord, P ré v e rt y em ploie u n e co n trep èterie où il sacrifie l ’o rth o g rap h e du m ot ’’sa tié té ” à la rig u e u r du m étagram m e. Puis, il fait u n jeu de m ots consistant à tra n sfo rm er nations en détonation Enfin, il divise le m ot consom m ation en d eu x p a rties autonom es.

Les tro u v ailles issues de la disjonction des syllabes ou des p a rties suprasyllabiques, nom breuses dans l’o eu v re de P ré v ert, son t trè s in té re s­ santes du point de v u e sém antique. Elles fo rm en t le plu s souvent des olorimes: L es conquérants: Terre... Horizon... T e rro riso n s.40 J éru salem J ’ai ru sé l ’âm e 41

Les néologism es p ro p re m en t d its sont ra re s dans les graffiti. P a r contre, y abondent les ag g lu tin atio n s insolites et les trav estissem en ts

38 V ulgaires, Chose s e t a utr es, p. 216— 217. 39 I b i d e m , p. 216.

40 G ra ffiti, S p e c ta c l e , p. 218. 41 G raffiti, F atras, p. 16.

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Jacq u es P r év ert e t ses g ra ffiti 207

des m ots connus où u n e m odification m inim e d ’o rth o g rap h e ap po rte de g ran d s chang em ents sém antiques, p.ex.:

G en tlem élogan om an ie à Londres. M icrolib ératau torism e à Paris. T out en fa n t a ttein t de H au t-N an ism e, on le su rn om m ait déjà le grand D iose, par opposition au x an od in s p etits M achin et a u tres m in u scu les p etits C h o se...42

Le tex te cité est aussi in té ressa n t de p ar sa fonction m étalinguistique, parce que l’a u te u r y com m ente le m écanism e de ses néologismes. Parfois, P ré v e rt crée des h y b rid es franco-anglais:

V oyage d’étu d es: P èlerin a g e des in te lle c tu e ls au m onum ent de l’Idiot S ain t C r a z y .43

A v ra i dire, il s’ag it du m êm e procédé que dans les paronom ases décrites plus h au t, et qu i se fon d en t su r le dém em b rem ent des m ots connus (Terro­

risons — Terre, horizon), avec c ette différence que l’éq u iv alen t hom ophone

de l’idiot saint C razy (Vidiosyncrasie) reste sous-entendu.

C ertain s néologism es faits p a r apophonie ou p a r agglutination sem blent ne fon ctio n n er que dans le te x te pour leq uel ils éta ien t conçus. A illeurs ils seraien t incom préhensibles. P.ex.:

L ’a rch itectu re d’au jou rd ’h u i n ’a pas de fleu r à sa b é to n n iè r e .44

T rop de conditions dev raien t ê tre rem plies, tro p d ’élém ents contextuels d ev raien t ê tre réun is, pou r que le m ot bétonnière puisse fonctionner, avec le sens que P ré v e rt lui impose, d an s d ’a u tre s contextes. Il en va de m êm e po u r les néologism es faits p a r agglutination:

E scales

Il a jeté son en cre a u x îles A toulu a u x île s A tou vu a u x île s A tousu a u x île s A touvoulu Et term in é ses jours a u x île s N a p a v é c u .45

A ucune de ces néoform ations linguistiques déguisées en fau x toponym es ne se ra it com préhensible, si elle n ’éta it pas précédée du su b stan tif îles.

42 G ra ffiti, Sp ecta cle, p. 225. 43 I b i d e m , p. 225.

44 G ra ffiti, C hoses e t a u tr es, p. 108. 45 V u lgaires, Choses e t a u tr es, p. 212.

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208 Jerzy F alick i

Il e st à n o te r que m êm e dans des te x te s où la réflex ion a tte in t u n e si g rand e profondeur, P ré v e rt n e reno n ce pas a u x jeu x d ’hom ophonie (епсгеч—ancre; anaphores).

Tous les g raffiti présentés, m algré leu r g rande d iversité, o nt un point com m un. Ils m ette n t n o tam m en t l’accent su r le côté phonique du m essage. P ré v e rt se se rt d ’apophonie, d ’hom ophonie, il com bine les effets de la rim e avec ceux de l’inversion vocalique. C’est à p a rtir de ces figu res que l’a u te u r passe au x m odifications sém antiques p a r enchaîn em en t logique ou p a r opposition.48

E xtrêm em en t ra re s sont les g raffiti où le contenu phonique est secon­ daire ou to u t à fa it insignifiant. C’est le cas de c ertain s te x te s dont le noyau est constitué d ’un e fig u re rh éto riq u e, p.ex.:

M étaphore:

Et la F ée E lectricité d ev in t ch a isière de la m o r t .47

A ntim étabole chiasm atique:

Quand la v é r ité n ’est pas libre, la lib erté n ’e st pas v r a ie .48

A ntanaclase:

S u rtou t n ’ou b liez p as de payer M êm e si v o u s b u vez pour oublier. 4,1

A quelques exceptions près, tou s les g raffiti tém oig nen t d ’un vif engagem ent politique et social de le u r a u te u r. La sa tire de P ré v e rt se dresse contre l’injustice, la bêtise, la b ru ta lité; elle dém asque l ’hypocrisie, la m égalom anie et l ’ignoranc'e; elle sape les autorités, les in stitu tio n s et, trè s souvent, elle se dirige co n tre la religion. C ette m u ltip licité d ’objectifs n ’am ène pas P ré v e rt au nihilism e. S ’il dénonce u n m al, il le fait po u r défendre u n e v a le u r positive. Il sem ble que l’engagem ent, aussi bien que la concision et la m ise en v a le u r du côté phonique de ses g raffiti, lui v iennen t de son expérience th éâtrale. De m êm e, l’agressivité e t les tra its folkloriques des te x te s en question font p en ser au th é â tre m ilita n t et au groupe ’’O ctobre” où P ré v e rt a fait ses p rem iers pas.

Les graffiti de P ré v e rt s’in scriv en t dans la litté ra tu re d e l’expérience linguistique. Ses calem bours et je u x de m ots, ses in te rte x tu a lité s et m odi­

46 En em pruntant la term in ologie à J. D ubois on pou rrait d ire q u e le s g r a ffiti de P rév ert jouent sur le d écalage en tre le n iv ea u d e l ’e x p ressio n et c e lu i du contenu. P rév ert part des m étap lasm es et m éta ta x es pour ab ou tir a u x m éta sém èm es et m étalogism es. Cf. J. D ubois (et autres), R h é to r i q u e g énérale, P a ris 1970, L arousse, p. 49 et passim .

47 G ra ffiti, Choses e t a u tr es, p. 109. 48 G raffiti, S p e c ta c le , p. 217.

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Jacq u es P rév ert et ses g r a ffiti 209

fications d ’o rth o g ra p h e tém oignent non seulem ent du sens d ’hum ou r de l ’a u te u r, m ais su rto u t de son souci de développer et de perfectio nner le code poétique. Les astuces d u style de P ré v e rt p ro u v en t que le poète v érifie la po rtée des in stru m e n ts dont il dispose. Il étudie la pertinence, la cohérence et la logique in te rn e des p roverbes e t des expressions cou­

ran tes. R ien n e sem ble lui ê tre indifférent. Il nous dem ande dans un de ses graffiti:

P ourquoi d ite s-v o u s la virilité? 50

P a r-d e là la discordance e n tre le gen re gram m atical et la chose, P ré v e rt pose u n e question c ap itale co n cern an t la relatio n e n tre le signe et le ré fé ra n t. Il touche donc au problèm e qui co n stitu te le noyau de la discus­ sion su r le craty lism e.51

Nos considérations su r les g raffiti de P ré v e rt ne p ré te n d e n t pas ê tre exhaustives. Elles n ’o n t po u r b u t que d ’a ttir e r l ’a tte n tio n su r ce genre litté ra ire qui se fra ie le chem in v ers la litté ra tu re reconnue. Le g en re do n t les dim ensions sont m odestes, m ais dont l ’in té rê t est grand.

S T R E S Z C Z E N I E

P o k rótk im biogram ie J. P rév erta sy tu u ją cy m go w śród pisarzy najbardziej zaan gażow an ych po stro n ie p ostęp ow ej le w ic y , a rty k u ł p rezen tu je ch arak terystyczn e u tw ory tego autora, tzw . g ra ffiti. P od an e zostały elem en ty d efin icji teg o gatunku, n aw ią zu ją ceg o do lu d o w y ch in sk ry p cji i p rzysłów oraz do k rótkich a forystyczn ych form litera ck ich X V I i X V II w iek u . Z w rócono u w agę na pod ob ień stw a i różnice m ięd zy d ziełem P rév erta a tw órczością n ad realistów .

G r a ffiti P rév erta są u tw oram i in tertek stu a ln y m i, tzn. tra w estu ją one znane p rzysłow ia, p orzekadła czy fra g m en ty in n y ch u tw o ró w litera ck ich oraz B ib lii (naj­ częściej fu n k cjon u ją jako p am flet).

D la u m o żliw ien ia k la sy fik a c ji tych tek stó w p rzeprow adzono an alizę w a rstw y fo n iczn ej i sem an tyczn ej ok. 40 g ra ffiti. S tw ierd zon o, że w ięk szo ść z nich w y k o ­ r zy stu je e fe k ty fon iczn e (apofonię, h om ofonię, antanaklazę, m etagram y itp.), aby d oprow adzić do tra w esta cji danego lu b dom n iem an ego te k stu p ierw otn ego, przy u życiu logiczn ego p rzeciw sta w ia n ia lu b w y n ik a n ia , z regu ły z w y d źw ięk iem sa ty ­ ryczn ym , często — a n ty relig ijn y m . G ra ffiti P réverta n ależą do litera tu r y o d om in an ­ cie referen cja ln ej, o czym św ia d czy ich in tertek stu a ln o ść i w y so k ie zaan gażow an ie w realia p o lity czn e i sp ołeczn e F rancji la t m ięd zy w o jen n y ch i pow ojen n ych ; sta n o ­ w ią one jed n ocześn ie p rzykład u tw o ró w m ających na celu b ad an ie nośności kodu p oetyck iego.

50 G ra ffiti, S p e c ta c le , p. 221.

51 Cf. P oétiq u e, re v u e de th éorie e t d’a n a ly se littér a ires, num éro 11 (1972) con sacré a u x „p u issan ces du la n g a g e”.

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210 Jerzy F alick i Р Е З Ю М Е С начала исследователь дает краткую би огр аф и ч еск ую зам етк у о Ж . П р е- вере, причем ставит его в р я ду прогрессивны х худ ож н и к ов , а потом п р езен ти - рует характерны е для писателя прои зведен и я — так назы ваем ы е g ra ffiti. П р и ­ водятся элем енты деф и н и ц и и этого ж ан р а, обращ аю щ егося как к традиции старинны х надписей, так и к традиции коротк и х аф ор и сти ч еск и х ф ор м X V I и X V II вв. О бращ ается внимание на сходство и р азличи е пр ои зведен и й П ревера и сюрреалистов. G ra ffiti П ревера являю тся интертекстуальны м и произведениям и, т.к. они траверстирую т у ж е известны е пословицы , поговорки или ф рагм ен ты д р у ги х литературны х п роизведений и Б иблии (чащ е всего он и ф ун к ц и он и р ую т как памф леты ). Для класси ф и к ац и и этих текстов автор статьи провел ан ал и з ф он и ческ ого и семантического слоя около 40 gra ffiti. У становлено, что в больш инстве и з н и х П ревер применяет ф он и ч еск и е эф ф ек т ы (апоф они ю , гом оф он ию , антанакл аз и метаграмму), целью которы х является дов еден и е как ого-л и бо текста до тр а- верстации, применяя при этом и логическое противопоставление и следствие, как правило, с сатирическим, а часто и антирелигиозны м оттенком. G ra ffiti П ревера прин адлеж ат к л итературе р еф ер ен ц и ал ь н ого хар ак тер а, о чем сви­ детельствует и х тематика, являю щ аяся вы раж ен ием активного и н тереса п и ­ сателя к политической и общ ественн ой ж и з н и м еж воен н ой и п ослевоен ной Ф ранции; одноврем енно они сл у ж а т примером таких прои зведен и й , цель с о зд а ­ ния которы х состоит в и сследован ии переносн ости поэтического кода. i

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