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"Français et Polonais de tous temps amis"

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UMK

Toruń 343182

GABRIEL DAUGIIOT

Extrait d e la r e v u e “ L e s M a r c h e s d e l’E st

P A R I S

AU BUREAU DE L’AGENCE PO LO N A ISE DE PR ESSE

45, rue <le R ennes, 45

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GABRIEL DAUGHOT

P A R I S

AU BUREAU. DE L’AGENCE PO LO N A ISE DE PR ESSE

4o, rue de Rennes, 4o

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(5)

« Français et Polonais de tous temps amis »'

Me s d a m e s, Me s s i e u r s,

Pcrm cttez-m oi, je vous prie, de rem ercier tout d'abord la Ligue de l’Em igration polonaise et le Kola de l’honneur qu'ils ont bien voulu me faire en m ’invitant à pren d re la parole devant vous. 11 y a tro p longtem ps que je n'ai eu ce plaisir. O n vieillit vite, et ce n 'est pas sans quelque m élancolie que je me souviens d'un petit discours prononcé ici-mémo, il y a plus de dix années,

( i) Discours prononcé le :rj janvier iy i a , à la salle de la Société de Géographie, .pour commémorer le /iy* anniversaire de l’insurrection polonaise de i8G3.

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2 FRANÇAIS ET POLONAIS

petit discours animé d'une a rd e u r toute juvénile qui m 'avait valu, de votre p a rt, une indulgence que vous ne me refuserez pas aujourd'hui.

Je me suis rappelé le tem ps où mon m aître vénéré, M. Ven- ceslas G asztow tt, donnait de si savants, de si robustes appuis à l’am our qui s’éveillait en moi p o u r la Pologne. Tout n atu relle­

m ent, je suis retourné aux livres qui m ’avaient initié ; c’est l’un d ’entre eux qui m ’a fourni le titre de cette causerie : « F rançais et Polonais de tous tem ps amis ».

Quel beau, quel bon livre que cette Pologne p ittoresque!

Le souille du rom antism e y passe, évoquant le cortège des héros de la plume et de l’épée. Je revois le frontispice, gravé p a r (Reszczyński : un lancier polonais ten d an t la main à un g re n a­

dier de F rance, et, d errière eux, un insurgé de Kościuszko, l’œil rêveur, et un volontaire de Sambre-et-Meuse, sans doute : une statue de la V ictoire les dom ine, les couronne, surgissant au milieu de trophées de drapeaux des deux nations sœ urs !

La sincérité de cette simple com position se retrouve dans to u t l’ouvrage. N’cst-elle pas annoncée, d ’ailleurs, p ar l'in tro ­ duction de L éonard Chodźko, dont je ne retiens que la lin :

« Nous écrivons pour les amis et les ennem is de la Pologne, quels qu'ils soient : les prem iers y tro u v ero n t la confirm ation des motifs de leu r sym pathie; les seconds p arviendront, peut-être, à être plus ju stes et plus généreux. Q uant à la F rance, en p a rti­

culier, au sein de laquelle nous propageons nos écrits, elle tro u ­ vera un gage de n otre reconnaissante sym pathie et de nos plus chères affections. »

Depuis dix ans, j'ai vérifié l’exactitude de cette sim ple p ro ­ fession de foi. Ce n ’est pas seulem ent en lisant la publication dirigée p ar L éonard Chodźko que j ’ai trouvé la confirm ation des motifs de ma sym pathie. J ’ai réfléchi, j'ai m édité su r l'his­

toire et su r la littératu re polonaises ; j ’ai pénétré les sentim ents, j ’ai appris à connaître les v ertus de ce grand peuple, et j ’ai acquis, en p re n an t de l’âge, cette conviction inébranlable que, dans tout cœ ur épris de gratitude et de justice, la p atrie polo­

naise doit occuper la place d’honneur.

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3

sk * *

« F rançais et Polonais de tous tem ps amis. » Il ne pouvait en être autrem ent. Les destinées des deux nations devaient faire n aître et fortifier constam m ent cette affection m utuelle, cette estim e réciproque qui nous ont valu ta n t d ’exemples touchants et m ém orables. Deux poètes de génie l’ont noté.

Le 8 ja n v ie r 1841. Adam Mickiewicz d isa it,‘dans une de ses leçons au Collège de F rance :

« P en d an t longtem ps aussi, le so rt de la Pologne fut celui de la F rance. L’une et l’au tre n’ont rien gardé de leurs conquêtes su r les Infidèles ; il ne leur en est resté que de grands souvenirs et la sym pathie des nations. Les peuples se sont accoutum és à voir en elles les re p résen tan ts d’une h aute et généreuse pensée, les cham pions de l'avenir com battant p o u r l’in térêt du m onde. » En 1846, lors des m assacres de Galicic, V ictor Hugo, m ontant pour la prem ière fois à la trib u n e de la C ham bres des pairs, s’écriait :

« D eux nations en tre toutes, depuis q u atre siècles, ont joué dans la civilisation européenne un rôle désintéressé : ces deux nations sont la F rance et la Pologne. Notez ceci, M essieurs : la F rance dissipait les ténèbres, la Pologne repoussait la b arb arie ; la F ran c e ré p an d ait les idées, la Pologne couvrait la frontière.

Le peuple français a été le m issionnaire de la civilisation en E urope ; le peuple polonais en a été le chevalier. »

V ictor llugo ajo u tait que « si le peuple polonais n ’av ait pas accompli son œ uvre, le peuple français n ’a u ra it pas pu accom­

plir la sienne ». E t il faisait allusion à cette « invasion formi­

dable de la b a rb a rie » (pie Jean Sobieski a rrê ta sous les m urs de Vienne en écrasant l’immense arm ée de l'Islam . En rem on­

ta n t plus loin dans l’histoire, on trouve un au tre fait qui m arque

bien quelle devait être, dans le cours des siècles, l’héroïque

mission de la Pologne. Que serait devenue l’E urope si les Polonais

et les Lithuaniens n ’avaient pas été victorieux su r les cham ps

de G rünw ald et de T annen b erg ? Songez à l’effroyable puissance

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q u 'a u ra it acquise cet O rd re Tcutonique, plus sanguinaire que les païens, si, vain q u eu r à G rünw ald, il av ait pu, p a r delà la Yistule, d onner la main aux C hevaliers Porte-G laive et étendre sa dom ination su r tous les Slaves ! On n’y pense pas sans frém ir quand on passe en revue les exactions, les actes de rapine, les 4 FRANÇAIS ET POLONAIS

Le Pr in c e Po n ia t o w s k i f a it s e s a d i e u x a s a fam ilt.e (Gravure populaire)

crim es commis p a r les descendants d e ces Teutons qui sont allés ju sq u 'à voler leur nom aux v rais P russiens, après les avoir

égorgés.

Oui, la Pologne et la F rance sont bien laites pour se

com prendre et s'aim er. C’est une vérité qu'on m éconnaît tro p ,

aujo u rd ’hui. Le pauvre cœ ur français a tan t souffert, il a subi

ta n t d’infidélités, on a ta n t abusé de sa tendresse ! 11 en est un

peu de la politique comme de l’am our. Trom pée p ar les uns,

trahie p ar les autres, une nation généreuse hésite encore a

croire à l’hypocrisie des conquérants et a la duplicité des

diplom ates. Elle ouvre une fois, de plus ses bras, et elle oublie

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l’objet de sa plus ancienne, de sa plus sincère affection. Mais cette alfection dure to u jo u rs; elle est restée au fond du cœur, prête à re p a ra ître avec toute la vigueur d'une éternelle je u ­ nesse et toute la beauté du prem ier am our.

Chère Pologne ! Elle n 'a qu'à p a ra ître pour qu’on en soit épris, et c’est pourquoi ceux qui voulaient la tu er la cachent aux yeux du monde. Ils m ultiplient leurs efforts p o u r qu’on ne parle plus d’elle ; ils la bâillonnent. Mais elle continue de rem p lir sa m ission, silencieusem ent ; elle continue de m ériter la parole du pape P aul Y, qui répondait aux envoyés polonais assez naïfs p o u r lui dem ander des reliques : « — Est-ce que chaque poignée de votre te rre n ’est pas une relique de m arty re ? »

-

* * *

Y a-t-il rien de plus ém ouvant que les g rands souvenirs franco-polonais ? P a r une sorte d'instinct, les deux nations sentent q u ’elles valent mieux que les au tres ; sans elles; pas d ’accord p arfait dans l'harm onie universelle. Dès que leur organisation intérieure est achevée, elles se rap p ro ch en t et s'appliquent à s’u n ir le plus étroitem ent possible. S'agit-il d’opposer, après la m ort de Sigism ond-A uguste, un candidat au prince E rn st, de la m aison d ’A utriche ? Les p atrio tes polonais m ettent aussitôt en avant H enri de Valois, prince royal de F rance. L eur choix a m alheureusem ent p orté su r un hom m e inconsistant et fantasque ; mais au-dessus de l'homme, ils avaient placé la nationalité. D ’ailleurs, l’am bassade polonaise venue à P aris pour offrir la couronne au fu tu r H enri III avait déployé to u t à la fois un luxe et un savoir qui avaient rem pli d’adm iration nos grands courtisans et fait n aître tout de suite une estim e qui n ’allait que s’accroître.

A près la m ort de Jean Sobieski, de douloureuses dissensions

se m anifestent. Qui oppose-t-on à l’électeur de Saxe, à cet

A uguste reg rettab le ? Un prince français, Conti, (pie la Diète

élit et p o u r lequel un Te Deum est chanté dans l’église

Saint-Jean, le 27 ju in 1097. Mais les Allem ands corrupteurs

sont allés vite en besogne; leurs canons interdisent au prince

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G

de Conti de d éb a rq u er à D antzig, car Louis XIV n ’a pas assez soutenu son parent, m algré l'éloquent avertissem ent du g ran d C olbert :

« ...L o rsq u 'il est question de millions d ’or p o u r la Pologne, je vendrais tout mon bien, j'engagerais celui de ma femme et de mes enfants, et j ’irais à pied toute ma vie [tour y fo urnir s'il était nécessaire. »

A dm irable et clairvoyante déclaration d ’un h au t génie poli­

tique, dont nous trouverons tout à l’heure l’équivalent, à plus d’un siècle de distance.

Q uand arriv e la période douloureuse où la Pologne, épuisée p a r ses luttes infinies contre les b arb are s, abandonnée p a r les uns, trah ie p a r les autres, essaie d ’échapper aux grillés qui l’enserrent, la poignée de F rançais envoyés p a r l’intelligent Choiseul pour soutenir les Confédérés de B ar accom plissent un beau fait d ’arm es en s’em p aran t de Cracovie et en y résistan t plus de deux mois à Souw arow . Et plus tard , lorsque les patriotes polonais, pour écarter un péril grandissant, veulent réform er l’organisation politique viciée qui a causé ta n t de mal au pays, ils s’adressent aux F ran çais et dem andent des conseils à M ably et à J.-J. R ousseau. Il y a un peu de pensée française dans la belle œ uvre des Ignace Potocki, des Kollontay, dans cette C onstitution du 3 mai 1791 si pleine de sagesse et qui fit n aître dans la nation de si légitim es espérances...

Nous ,voici presque au seuil du xix0 siècle et c’est en vain qu’on chercherait une trace de différend, de querelle entre la F rance et la Pologne. N otre pays s’est b attu avec tous les pays de l’ancien continent, il ne s’est entendu constam m ent qu'avec u n seul, et dans la tourm ente form idable qui se déchaîne, au lendem ain de 1789, un seul pays encore tend ses b ra s, offre ses enfants à la F rance, contre l’E urope coalisée. Comme toujours, la Pologne est adm irable d ’abnégation, de dévouem ent et d ’héroïsm e.

* * *

Evoquons ces souvenirs qui ont chargé m on cœ ur de gratitude.

M algré des prodiges de valeur, Kosciuszko succombe, et la

FRANÇAIS ET POLONAIS

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défuite de M aeieiowice m et fin à la glorieuse insurrection de 1794. il convient de n o ter que cette insurrection a perm is aux arm ées de volontaires français de ten ir tète aux coalisés, car elle a arreté sur la Vislule des forces russes considérables et le général Souw arow . C’est au tan t de moins qu’eu ren t à com battre Jo u rd a n , Kléber, M arceau, C ham pionnet.

L’insurrection vaincue, un de ses m eilleurs chefs, H enri U om brow ski, ne se résigne pas à l’inaction. N aguère, avant le soulèvem ent de 1794, il avait déjà conçu un plan des plus au d a­

cieux : il avait songé à su rp re n d re les Russes dans V arsovie, à s’em parer de l’arsenal, à m archer ensuite contre les P russiens et à joindre l’arm ée française su r h* Rhin. Des espions avaient rendu le pro jet im praticable.

Le général H enri D om brow ski se souvient de cette prem ière pensée. 11 quitte V arsovie en février 1796, se rend à P aris, sollicite et obtient du gouvernem ent français l'auto risatio n de créer en Italie des corps polonais, et p a rt p o u r Milan. 11 voit B onaparte, lui expose l'objet de ses dém arches et signe une convention avec l'adm inistration de la Lom bardie. Du q u a rtie r général de Milan, à la date du ¡20 ja n v ie r 1797, il lance une proclam ation, et, à cet appel, les Polonais accourent et se ran g en t sous ses ordres.

P ourquoi accouraient-ils a in si? C’est q u ’ils avaient com pris, instinctivem ent, p a r la seule force de leu r commun am our pour la Pologne, la pensée intim e de leu r célèbre com patriote : il s'agissait de seconder les efforts de cette F rance nouvelle qui avait prom is aux peuples la liberté. La liberté, les Polonais rte voulaient pas l'accepter comme un don ; ils voulaient s’en m on trer dignes, ils voulaient la conquérir. Une fois de plus ils allaient à la F rance comme à un symbole.

Ils se lançaient généreusem ent dans cette entrep rise où il y avait îles lau riers à cueillir, et leu r élan était si spontané, si n aturel, que leurs sujets de querelles, de m alentendus, dispa­

raissaient absolum ent. Adam Mickiewiez l’a parfaitem ent d it :

« Com ment séparer l'in térêt général et l’idée nationale de ce

qui est individuel ? Les faits et le m ouvem ent d’une action

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frères. Ces conditions posées, les légions polonaises firent voir ce q u elles valaient.

A peine formées, elles volent aux com bats. L eur a rd e u r les pousse au plus fort d e là lutte. F aites prisonnières à M antoue, décimées à la T rcbbia, elles renaissent, leurs cadres se rem plis­

sent, on ne sait comment. Elles sont toujours là où est le danger. B erth ier les cite plusieurs fois à l’o rd re du jo u r, et quand il faut p o rter au D irectoire une moisson de trophées, les d rapeaux pris à l’ennemi, c’est un Polonais, le général Kniaziëwicz, qui est chargé de cette mission réservée au plus brave.

Avec quelle joie H enri D om brow ski croit voir ap procher la réalisation de son rêve. A près les victoires de B onaparte il médite de faire en Pologne une entrée triom phale. P endant les courts loisirs du bivouac, deux de ses officiers ont composé un chant qui exprim e la commune espérance des légionnaires :

Marche, marche, Dombrowski,

Conduis-nous de la terre d’Italie en Pologne!

C'est le désir même de D om brow ski ; il se prépare à péné­

tre r en A utriche p ar la C arinthie, la H ongrie, la Bohêm e...

H élas! la signature des prélim inaires de la paix, du traité de Lunéville, brise son pro jet et rem plit de désespoir les officiers polonais. Le général Kniaziëwicz, qui avait assuré la victoire à nos troupes à H ohenlinden, en dégageant la division Riche- panse et en lui perm ettan t d’exécuter la charge foudroyante qui a rrê ta la re tra ite de M oreau, voulait se re tire r du service.

Mais D om brow ski ram ena l’énergie de ses com pagnons d ’arm es ; il ne renonça point à servir, p a r l’influence française, les in térêts de sa patrie.

B onaparte ne le com prit pas — ou ne voulut pas le com prendre.

Il en tra în a les Polonais en Egypte ; il les envoya m ourir à jSaint- Dom ingue. Mais les légionnaires subissaient ces épreuves avec une constance qui ne se dém entit jam ais. L eur foi patriotique les soutenait ; ils atten d aien t avec confiance l’heure de la ré p a­

ration ; leu r grand cœ ur ne pouvait penser q u e lle ne v iendrait pas.

FRANÇAIS ET POLONAIS 9

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entière pouvaient seuls appren d re à la Pologne où était le v éri­

table patriotism e. O r, les légionnaires en donnaient à la Pologne un exemple vivant. Ceux qui s’enrôlaient dans les légions faisaient le sacrifice de tout ce qui leu r était individuel, de tout ce qui les attach ait au sol et à la trad itio n de famille. » Et le poète ajoute :

« Ces faits p rouvent que pour avoir un gran d d ro it et pour l’exercer, il faut d ’abord rem p lir un grand d ev o ir; qu’il ne

Je a n-He n r i Do m b r o w sk i

suffit pas d’ê tie né su r un territo ire , d ’être m em bre d ’une nation p o u r p réten d re exercer ses dro its de citoyen, et su rto u t p our réform er les lois, pour e n tre p ren d re l’œ uvre de la reconstitu­

tion d'un pays ; et que cette grande œ uvre exige (l’abord de grandes garanties qui ne se donnent que p a r le dévouem ent ».

D ’au tre p a rt, le général D om brow ski s’était attaché à définir

avec soin le caractère m oral des légions polonaises. Ces légions

devaient être considérées comme des troupes auxiliaires et

étrangères, com battant pour la cause commune. La convention

ay an t été conclue avec le gouvernem ent lom bard, les soldais

des légions bénéficieraient des droits et privilèges des citoyens

lom bards. Enfin, ils seraient traités mieux qu'en amis : en

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40 FRANÇAIS ET POLONAIS

E t les voilà su r toutes les routes d’Europe, su r toutes les routes cpii conduisent à la victoire. Ce ne sont plus quelques régim ents, ce sont de véritables arm ées, qui, toujours à l'avant- garde, p ré p are n t les soirs de triom phe. A près léna, les légion­

naires polonais se retro u v en t su r leu r te rre natale. Un pieux

Ch a u l e s Kn ia z ie w ic z

enthousiasm e les tran sp o rte . D om brow ski appelle la Pologne aux arm es. Tous les citoyens, sans distinction de fortune ou de naissance, viennent se ra n g er sous les drap eau x français, en atten d a n t que leur étendard national se déploie et claque dans le vent des batailles, au souille de la liberté. Ils lu tte n t à Eylau, à F riedland ; leurs sabres étincellent à Essling et à W agram ; en­

traînés p ar Joseph Poniatow ski, ils conquièrent la Galicie ; en E spagne, ils se couvrent de gloire et passent là où personne n'a pu passer. L’ùn d ’entre eux, G órecki, chante leur célèbre p ro ­ dige de Somo-Sierra :

« E ntre les rochers de Som o-Sierra, il y un passage de la la r­

geur d'un peloton de cavalerie. S ur les h au teu rs des rochers,

les fiers Espagnols chargeaient leurs arm es, p rêts à recevoir

l'ennem i. Trois fois, les escadrons français jailliren t, comme

des fontaines alpestres, ju sq u ’à la cime de la m ontagne, et trois

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fois ils en descendirent de cascade en cascade et d isp aru ren t dans l’abîm e. A ces g u erriers riches de gloire, la m ontagne p a­

raissait inaccessible comme le ciel l’est aux possesseurs de tr é ­ sors ; et les Espagnols criaient, en rican an t : « P a r ici, p a r ici, F rançais ! p a r ici ! Le vieux M adrid vous ouvre ses portes et les jeunes C astillanes vous ten d en t les b ra s !

» N otre com m andant accourut vers les escadrons des lanciers polonais qui re sta ie n t là, se rra n t les rangs, im patients, m ais silencieux : « C am arades, dit-il, vous avez trav e rsé les sables de la Syrie et les neiges des A lpes; voyageurs expérim entés, c’est à vous à essayer de ce chemin im praticable pour d ’autres que vous ! »

» Les trom pettes sonnent la ch a rg e; une forêt de lances s’é­

branle et s’avance à tra v e rs une grêle de m itraille ; des feux roulants de canon plongent dans les rangs. Tout à coup la b a t­

terie entière se tait, l’aigle blanc s’assied su r le som m et du re m p a rt. »

* * *

1812 approche. N apoléon est toujours tout-puissant. Le ré ta ­ blissem ent de l’E tat polonais semble certain ; les publicistes en p arlen t comme d ’une chose faite. Seuls, les vieux légionnaires deviennent incrédules, lis ont lutté p a rto u t ; leu r sang a coulé su r tous les cham ps de bataille ; ils ont vu m ourir des m illiers et des m illiers de leurs com patriotes, et Napoléon n ’a rien fait pour leu r Mère, p o u r leur S ainte... L’em pereur n’a pas voulu prom ettre à Kosciuszko la re stau ratio n d e là Pologne ; il n’a pas voulu l’exiger du ts a r à T ilsitt ; lors de son séjour à Posen il a seulem ent d it : « Dieu seul connaît l'a v e n ir de cette nation »;

il a rendu à la Prusse les territo ire s volés p a r elle et repris p a r les Polonais ; il a rendu égalem ent à l'A utriche la Galicie, te rre polonaise, reconquise p a r P oniatow ski; il n’a form é q u ’un

« Duché de V arsovie » quand il pouvait, quand il devait l'établir to u t entière cette adm irable Pologne qui avait mis toute sa con­

fiance en son génie, qui avait cru en lui comme en l’homme de la Providence !

Et p o u rtan t, m algré leur douloureuse déception, ils ne veulent

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12 FRANÇAIS ET POLONAIS

pas faillir à la parole donnée. Ils le suivent toujours, comme les grenadiers de Rafïct, — et sans grogner. L eur b rav o u re éclate encore, à Smolensk. Puis ils p arta g en t les m alheurs de la G rande Arm ée, toutes les atrocités de la déroute, et resten t à l’arrière-garde, ju sq u ’en F rance. E t quand nous en sommes

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oniatowski ou

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eipsick (Gravure populaire)

réduits à défendre P aris même contre l’invasion, on retrouve les Polonais, fidèles ju sq u ’au b o u t : en m ars 1814, à là fameuse défense de la b a rriè re de Clichy p a r Monecy, les héroïques su rv iv an ts des chevau-légers de la garde, com m andés p a r Zaïonczek et p ar Kozietulski, couvrent la capitale, postés dans les vignes des Batignolles, puis se replient, et, join ts aux Polytechniciens et aux « k rak u s » du général Vincent, lu tten t ju sq u ’à la capitulation.

* *

*

Saluons avec un respect infini ces nobles om bres ! Napoléon

com prit tro p ta rd l’énorm e faute qu'il avait commise en 11 e

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relevant pas l’E tat polonais. Sa prévoyance politique av ait été inférieure à celle (le ce grand, de ce p u r C olbert dont je parlais to u t à l'heure. Les reg rets qu'il a exprim és à Sainte-H élène ne pouvaient rien rach eter et laissent son e rre u r im pardonnable.

« La Pologne et C onstantinople, disait-il à G ourgaud, m’ont toujours ap p a ru comme deux in térêts français : la Pologne, parce que, aussi longtem ps que ce royaum e ne serait pas rétabli, l’Europe occidentale serait sans frontières du côté de l’A sie; C onstantinople, parce que c’est h* m arais qui em pêche de to u rn e r la droite française. »

A O ’M éara, il déclarait : « Si j'av a is réussi dans mon expé­

dition contre la Russie, j ’aurais fait de la Pologne un royaum e séparé et indépendant ». Ne pouvait-il le faire e n d 807, à l’apogée de sa puissance, et payer ainsi, au nom de la France, un trib u t de gratitude à ce q u ’il appelait « un peuple de braves » ? Ne pouvait-il réédifier ce cpi'il nom m ait si justem ent « la clé de toute la voûte » ?

* * *

M esdames, M essieurs, la fratern ité d'arm es franco-polonaise ne finit pas avec l'épopée napoléonienne. Les deux nations s'aim aient trop profondém ent pour que la m ort du rêve pû t e n tra în er la m ort de leur am our. Chaque m ouvem ent français a concordé, depuis, avec un m ouvem ent polonais. La secousse populaire française de 1830 a eu sa réplique avec la glorieuse insurrection polonaise du 29 novem bre ; au soulèvem ent p a ri­

sien de 1848 a correspondu une tentative de libération en Pologne.

Ces souvenirs sont présents à vos m ém oires ; vous savez q u'à défaut de l’appui des divers gouvernem ents français, égoïstes ou h ésitants, les Polonais infortunés ont eu pour réconfort la sincère allèction du peuple et l'éloquente ad m ira­

tion de nos plus grands poètes, de nos plus illustres penseurs.

L’étroite union des Polonais et des F rançais s’est encore

manifestée d u ra n t l’eUroyable guerre de 1870-1871. Inlassable

générosité, constant désir de sacrifice ! S ur environ 3.700 émi-

grés J )olonais résid an t su r noire territo ire , 1.750 s’engagèrent

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14 FRANÇAIS ET POLONAIS

volontairem ent sous nos drapeaux. O n en com ptait (»00 dans l'arm ée de F aid h erb e, 500 dans la garde nationale de P aris et une soixantaine parm i les francs-tireurs de C hâteaudun com m andés p a r Lipow ski. Sous O rléans, on releva 120 cada­

vres de Polonais. Je salue pieusem ent leu r m émoire.

L.v P

rincesse

P

oniatowska apprend

r. v

mort de son époux

(1)

(Gravure populaire)

E t m aintenant encore, qui donc mène la lutte la plus âp re et la plus éfïicace contre l’ennemi h éréditaire de la F rance ? Qui donc hum ilie le mieux au jo u rd ’hui cette P russe arrogante qui voulait, hier même, faire courber le fro n t à la F ra n c e ? B raves petits enfants «le Posnanie, bons cultivateurs entêtés, vaillants p atrio tes dont la foi et la résistance aux persécutions les plus inhum aines p ré p are n t la victoire contre les rapaces, je voudrais que tous les F ran çais connussent p a r le détail votre exemple et fussent avertis que vous êtes les puissants auxiliaires de notre A lsace-L orraine bien-aimée.

(i) L’imagination de l’imagier populaire ne connaît pas de bornes. L’excellence de ses intentions vaut qu’on excuse son ignorance : le prince Joseph Poniatowski n’était pas marie.

(19)

FRANÇAIS ET POLONAIS

Et vous, dont je sais un peu la vie, lu tteu rs silencieux et p ru ­ dents du Royaume, vous qui maintenez avec ta n t de résolution la nationalité polonaise, vous qui, d ’avance, avez fait le sacri­

fice de votre existence, vous que vos m ères ont, dès le berceau, étouffant les déchirem ents de leur cœ ur, voués en holocauste à la patrie, vous préparez aussi la résu rrectio n et je m ’incline devant vous comme devant les m arty rs d’une cause sainte, intim em ent liée à celle de la civilisation.

M esdames, M essieurs, nous célébrons au jo u rd ’hui le 40° anni­

versaire d e là dernière insurrection. Je suis extrêm em ent honoré d ’être, ce soir, à côté de M. Joseph G alcszowski, un des chefs de cette héroïque ten tativ e ; c’est avec une émotion profonde que je parle dev an t les vétérans qui m’offrent le plus noble exemple des vertu s civiques.

Victor Hugo a dit un jo u r, en présence de mon cher m aître.

M. G asztow tt : « — Je suis très Polonais parce que je suis très F ran çais ; l’un ne va pas sans l'au tre . » Je ne saurais tro u v er de m eilleure conclusion à cette causerie.

M esdames, M essieurs, sans équité, point de progrès. Depuis le crim e odieux, le crim e impie, depuis le m orcellem ent de la Pologne, la vie norm ale de l'E urope est suspendue. Les touchantes paroles de Sigismond K rasiński me reviennent à la m ém oire :

« Ecoute ! à l'harm onie de ces accords, il m anque aujourd'hui une note. R egarde ! dans cette lum iè/e universelle, il m anque au jo u rd ’hui un rayon ! Oh ! prie avec moi, dit cette note qui a été retranchée de la vie ; — D ésigne cette étoile qui a pâli, mais qui ne s’est pas éteinte le jo u r du naufrage ! Prononce, prononce le nom de la Pologne, — peut-être que l’esp rit de Dieu nous écoute et qu'il recueillera cet accord p erd u et le replacera de nouveau dans le chant de l'univers ! »

Oui, chère Pologne, tu re p ren d ra s ta place, et le jo u r où lu

re p a ra îtra s, p ure et fière dans le conseil des nations, la F rance

re tro u v era sa m eilleure, son unique amie : sa sœur.

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Toutes les sympathies des « Marches de l’Est » sont acquises à la Pologne.

Chaque mois, la Revue publie une chronique

polonaise; de nombreux articles et des livres édités

par les soins de la Revue témoignent de l’intérêt que

les « Marches de l’Est » portent à la Pologne amie.

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LES MARCHES DE L’EST

Recueil bi-mensuel de littérature d’Art et d’Kistoire

(ALSACE, LORRAINE, ARDENNES, LUXEMBOURG, PAYS WALLONS, SUISSE ROMANDE)

•--- - --- --- ---

- *

« ... La prorincr n ’est ¡ins un bibelot.

« La prorince, elimine prorince de France,

« c ’est une façon spéciale de sentir, c'est

« un lien arec le passe, un principe de

« solidité morale... »

M

auiuch

I

îaiirüs

.

Les Marches de l’Est, revue de littérature, d’art et d'histoire, sont ' un recueil, bi-mensuel illustré. Leur but est de rassembler les souvenirs épars des Marches du nord-est de la Gaule, et de montrer que ces pays frontières: Alsace, Lorraine, Luxembourg, Ardennes, Pays wallons, Suisse romande, désunis par les hasards des guerres et des traités, ont connu des gloires communes, ont toujours participé à la même civili­

sation. L’histoire politique et militaire, l’histoire de la littérature et do l'art des provinces comprises entre le Rhin et l’Escaut forment le champ d’action ouvert aux collaborateurs des Marches de l’Est.

De plus, les Marches de l’Est constituent un groupement littéraire d’écrivains français préoccupés du maintien et du rayonnement de la culture française, désireux de continuer une tradition nationale et de défendre le clair génie de leur race contre le germanisme envahissant.

Les Marches de l’Est publient chaque quinzaine un fascicule de 80 pages qui contient des articles littéraires, des études historiques, des pièces d’archives et des documents inédits; des poésies, des biogra­

phies d'hommes illustres, militaires, savants, écrivains, peintres et sculpteurs; des souvenirs et des mémoires, tout ce qui touche aux tra­

ditions populaires: mœurs, coutumes, chansons et vie familiale de nos pays frontières.

La Revue étudie particulièrement la civilisation comparée de l’Alle­

magne et de la France, sans résoudre le problème, comme on l’a fait jusqu’à ce jour, par une abdication de l’esprit français devant les études germaniques.

La Revue ne publie que de l’inédit. Chaque numéro contient une chronique, des lettre,s d’Alsaoé, de Lorraine, 'de Wallonie, de la Suisse romande, renseignant le lecteur français sur la vie intellectuelle de ces provinces, dos correspondances du Danemark, de la Bohême et de la Pologne.

Un bulletin est consacré aux livres nouveaux, poèmes, romans, ouvrage? historiques dt archéologiques, et à toutes les revues françaises.

Plusieurs planches de luxe: héliogravures, hôliotypiës en couleurs, eaux-fortes, bois originaux, et un grand nombre d’ornements, de fron­

tispices et de vignettes illustrent chaque numéro.

Un a n ... 2!) francs.

Le num éro ... 1 franc.

Bureaux dos Marches de l’.E sl : 81, rue de. Vaugirard, Paris

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