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Esquisses et impressions

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Academic year: 2021

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NOUVELLE BIBLIOTHÈQUE LITTÉRAIRE

-

P A U L D E S J A R D I N S

ESQUI SSES

E T

IMPRESSIONS

P r o m e n a d e s — A l ’A c a d é m ie A u s e u i l d e l a p o li t iq u e A d ie u x — L it t é r a t u r e — A r t

R ê v e r ie e t s e n t im e n t .

D E U X 1 È M E Ê D I T 1 ON

P A R I S

H. LECÈNE ET H. OUDIN, ÉDITEURS 17. E U E B ONAPARTE, 17

18 89

Tout d ro it dp reproduction e t de traduction réservé.

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ESQUISSES ET IMPRESSIONS

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NOUVELLE BIBLIOTHÈQUE LITTÉRAIRE

P A U L D E S J A R D I N S

x x ---

E S QUI S S ES

ET | \

IMPRESSIONS 1

P r o m e n a d e s — A l ’A c a d é m ie A u s e u i l d e l a p o li t iq u e A d ie u x — L it t é r a t u r e — A r t

R ê v e r ie e t s e n t im e n t .

D E U X I È M E É D I T I O N

P A R I S

H. LECÈNE ET H. OUDIN, ÉDITEURS

17 , H U E B O N A P A B T E , 17

1 8 8 9

T o u t d r o i t d o r e p r o d u c t i o n e t d e t r a d u c t i o n r é s e r v é .

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* » Ç C'

U N iV

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5 £ * Q C

B ib lio te k a J a g ie llo rts k a

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AVANT-PROPOS

On a p u lire déjà ces p e tits m orceaux de critique sen tim en ta le, dans la Re v ü e Bl e u e et ailleurs.

A u m o m en t où j e les écrivais, ils m e sem blaient bons. A présent ce A est p lu s cela. Je vois combien j e suis loin des auteurs que j'a im e , et j e m e trouve p r é ­ cisém ent les défauts qu i m 'o n t le plus choqué chez les autres. C'est une m ésaventure q u i doit arriver sou­

vent. Je vois, il e s te r a i, des jeu n es gens q u i pa ra issen t enchantés de ce q u ’ils ont f a i t : c'est sans doute qu'ils ne se sont ja m a is relu s, ou bien qu'ils ont b e a u ­ coup de talent.

Certes, j e tiens à p lu sieu rs choses que j 'a i dites ici, m ais p a s du to u t à la fa ço n dont j e les a i dites. E n fin j e ne suis p a s archevêque de Grenade le moins du m onde. J'en p révien s donc les personnes qui voudront m e chagriner ; elles y parviendront bien m oins en m e

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m a ltra ita n t qu'en s a tta q u a n t à mes chers auteurs, S u lly P ru d h o m m e, P ierre L oti, F rom entin, en qu i j e chéris des exem plaires tout à fa it supérieurs de m on p ro p re esprit, et dont les œuvres sont ju ste m e n t ce que j'a u ra is voulu faire, si j'a v a is p u .

T out de m êm e ce p e tit recueil où j e trouve si p e u de ce que j'a im e dans un livre, j e le p u b lie . C'est assez étrange... Que voulez-vous ? Telle est l'incon­

sistance de nos ju g e m e n ts.

P. D.

VIII AVANT-PROPOS.

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ESQUISSES ET IMPRESSIONS

P R O M E N A D E S

28 août 1886.

SENSA TIO N S DE VACANCES

A la campagne.

C’est moins loin de P aris que la F e rté -s o u s -J o u a rre , mais plus loin q u ’Asnières ou q u ’Interlaken. Rien des b ru its de P a ris, sinon le chem in de fer q u ’on entend souvent h a le te r d errière le coteau p ro c h a in , à une portée de fusil ; rien des p réo ccu p atio n s de Paris, sinon ce q u ’en a p p o rte le Figaro, chaque m alin ; rien des gloires de Paris, sinon, s u r l ’envers d ’une c h a u ­ mière voisine, l'affiche m o n u m e n ta le de la Maison qui n'est pas au coin du quai. On est tra n s p o r té dans une autre planète d o n t les jo u rn é e s ont q u a ra n te h e u re s au

ESQ. ET 1MTR. 1

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ESQUISSES ET IM PRESSIONS.

moins, et où l ’excitation d ’esp rit est su p p rim ée au profit de la réfection corporelle.

Un p o tag er p la n tu re u x , u n e large m aison bien o u ­ verte et bien gaie, des c h a m b re s ten d u es de perse, un service de table à fleurs dans le placard, et, su r les r a y o n s, la collection de la Revue des Deux-Mondes de­

puis la fondation, voilà ce q u ’on appelle « une cam ­ p a g n e ». Des pelouses so ig n eu sem en t peignées et val­

lonnées de sc e n d e n t j u s q u ’à la Seine ; les massifs sont des étoiles de feuillages b la n c h â tre s et rouge foncé ; à droite et à g auche, de longs couverts de tilleuls, avec q u a tre ban cs de p ierre m oussus et un je u de to n n eau disloqué p a r l ’hum idité, ferm ent la p erspective qui s’étend, en face, j u s q u ’au fleuve. Le fleuve m êm e est joli et rê v e u r vers le soir, q u a n d les om bres plus m assives y p lo n g e n t avec le ciel d ’a rg e n t b ru n i.

On m ène là u n e vie to u te d ’h a b itu d e . Cela repose p a rfaitem en t, p u is q u ’on n ’a ja m a is ni in c e rtitu d e , ni choix à faire, ni décision à p re n d re su r quoi que ce soit. On ne com m ence rien ; on continue. P o u rq u o i, p a r exemple, se tien t-o n to u jo u rs d a n s l ’allée de gau ch e, où l ’on a groupé des fauteuils p lia n ts a u to u r d 'u n e table et où l ’on a p e n d u un h a m a c ? P o u rq u o i jam ais d ans l ’allée de droite, qui est ex a c te m en t p a ­

reille? Parce q u ’on a to u jo u rs fait ainsi, n ’en demandez pas d av an tag e. P o u rq u o i le jo u rn a l, qui arrive à midi, reste-t-il sous b an d e j u s q u ’à cinq h e u r e s ? P a rc e q u ’il a été décidé, à l ’origine des tem p s, que cinq h e u re s était le m om ent convenable p o u r lire le jo u rn a l. A la cam pagne, on est c o n se rv a te u r; s ’il n ’y avait pas, par-

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SENSATIONS DE VACANCES. 3

ci par-là, quelques g ra n d e s villes, nous a urions encore la m onarchie absolue, la poésie sentim entale et le coche d ’eau.

P a r exemple, on se repose à souhait. Nul b r u it que le b a te a u d u touage qui passe en Seine le m atin, q u el­

quefois les coups que le ja r d in ie r donne s u r sa bêche p o u r la r e m m a n c h e r, ou le p ép ie m e n t p la in tif d ’un je u n e m oineau tom bé du nid. Avant le diner, on se prom ène dans les ru e s du village, vallonnées p a r u n ru isseau c e n tra l, en tre les m u rs d ’une b la n c h e u r aveu­

glante, sous les q u a tre la n te rn e s au pétrole qui se b ala n c e n t p e n d u e s à q u a tre potences. Au b o u t de ces rues prim itives, on débouche s u r les cham ps. On y re n ­ contre de braves gens d o n t les veines du cou fo nt saillie, et qui vous tire n t de g ra n d s coups de ch apeau.

« Une nouvelle, m a chère : il p a ra it que le prince de Bulgarie a été déposé ; la question d'O rient se com­

p lique. •— Le p a u v re hom m e ! Était-il marié ? Com­

m en t s’appelle-t-il ? » Et m ad am e se lève p ré c ip ita m ­ m e n t. Un souci lui est venu. Le cocher q u ’elle avait envoyé en ville, au m arch é, a oublié de r a p p o r te r des p ru n e s p o u r le dessert. Que m ettra-t-on en re g a rd des pêches, p o u r la sy m étrie? « Des fraises ? il n ’y en a plus.

Des abricots ? p as encore. C om m ent s’en t i r e r ? Ah!

nous sommes sauvés ! Il re s te des m acaro n s de di­

m an ch e ! » — A vant-goût de la sénilité consolatrice...

Chères eaux du Léthé ! eaux très fades! eaux très douces !...

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4 ESQ UISSES ET IM PRESSIONS.

A la mer.

La m er est basse. Il est sept heures. P erso n n e n 'est levé encore. La plage est m u e tte et déserte. Une seule vieille femme en cotte de futaine, en serre-tête plat, les ja m b e s nues, la h o tte au dos, a rp e n te les galets, vers la jetée ; elle porte aux pêch eu rs les lam b eau x de seiches, les tentacules de poulpes tordus dans une eau n o ire ,d o n t ils se serv en t p o u r am orcer leu rs filets.

On s u it sa silhouette obscure su r l ’horizon pâle. La grève est semée de petites flaques qui brillen t ; plus loin le m o u to n n e m e n t rég u lier du sable gard e l'e m ­ preinte des v a g u e s ; là-bas, au c o n traire, s u r la ligne extrême où la m er s’ést retirée, une b an d e d ’estran humide, mêlé d ’une fine poussière de coquilles, m i­

roite comme une glace. La m er est grise, le ciel est g ris ; et, très loin, au milieu de ce gris, su r la m er ou bien d ans le ciel, qui sait ? trois p etites voiles grises à la file ; elles ne b o u g e n t pas : on pêche au la rge. A droite l ’estacade , noire de goudron, p o in ta n t vers l’espace illimité, porte le p h a re d ’un blanc joyeux.

Cette double note de n oir et de blanc est la seule qui a rrê te l ’œil au milieu de ces tein tes indécises. De l’au tre côté, la ligne déliée des falaises se prolonge à l ’infini. Inconsciem m ent on ferm e à dem i les p aupières, tandis que le souffle salé élargit les n a rin e s et fait affluer le sang aux jo ues.

L ’hom m e est là p o u r ta n t (je veux dire l ’hom m e et la femme : que serait l ’un sans l ’a u tre ?). Ce j a r d i n du

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SENSATIONS DE VACANCES. S

casino où des ta m a ris ra b o u g ris lu tte n t contre l ’en sa­

blem ent ; ces pavillons dont les volets vont s’ouvrir b ru y a m m e n t to u t à l ’h e u re ; cette estrad e où ta n tô t l’orchestre jo u e r a le P etit Duc ; cette tente ouverte où vous ne voyez en ce m o m en t q u ’un m onceau de chaises en désordre, to u t cela s’an im e ra vers midi, se p eu p lera au soleil de q u a tre h e u re s, fourm illera de robes b la n ­ ches et roses, p apillotera d ’ombrelles rouges et de ch ap eau x en forme de fleurs d ’acacias, s’ép anouira, p a ­ radera, jo u e ra l ’éternelle comédie que l'h u m a n ité civi­

lisée se donne à elle-même p o u r le plaisir des d ésœ u­

vrés et l ’in stru c tio n des philosophes. Les pieds de votre chaise s’enfonceront de trav ers dans le sable tan d is que vous suivrez les p ro g rès d ’une forteresse construite p ar des enfants court-vêtus, la conversation de deux Américaines au x cheveux c o u le u r 'd e b e u rre , le va-et-vient des baigneuses en peignoir qui galopent à la r e n c o n tre du flot et font claquer leu rs sandales sur les p lan ch es sonores.

Sur le quai du p o rt, s u r la jetée, dans les ru e s étroites et p ro p re s, pavées de galets p ointus, chez les m a rc h a n d s de pan iers et de balances en coquillages, dans l ’église tra p u e où t a n t de navires lilliputiens sont s u s p e n d u s en ex-voto, vous coudoierez des in­

connus que vous finirez p a r co n n aître et que vous oublierez cinq m in u te s après les avoir quittés. Vous voilà doncjeté d a n s un m onde to u t de surface, d a n s une Thélème capricieuse, sans réalité, sans vie, sans aucune source de larm es, au milieu d ’om b res chinoises sou­

riantes, n ’é t a n tp lu s vous-même q u ’un fantôme d’homme

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p a r m i d ’a u tre s fantôm es , |,comme dit l'É c ritu re ...

Il ne fau t point p o u r ta n t ro m p re toute atta c h e avec les choses ex térieures, avec l'h is to ire contem poraine, q u i va son train, m êm e p e n d a n t les vacances. Allez au kiosque chinois où l ’on vend les j o u r n a u x ; parcourez celui-ci en vous p ro m e n a n t... « Ah! on a déco u ro n n é le prince de Bulgarie... P au v re hom m e !... C om m ent s’ap p e lle -t-il? ... » Mais voici q u ’il est cinq h e u r e s ; ne m anquez pas l ’heu re du bain. Il y a Une petite b ru n e , en costum e de laine blanche, qui e n tre d a n s l’eau si g en tim e n t ! Elle avance la pointe d ’u n pied, puis se baisse, avec un éclat de rire d ’effroi, puis tout d ’un coup se décide et plonge au milieu d ’une lame.

Vous pourriez, si vous le vouliez bien, idéaliser cette petite b ru n e , en faire u n e Elvire ou une Galatée; mais non : ce n ’est, vous le savez, q u ’une P arisien n e de dix-sept an s avec une coiffure relevée, une petite robe bleu m arin e et u n père morose.

En forêt.

Une m aison forestière dans les Vosges. Une ro u te, p re sq u e toujours déserte, s ’enfonce d ans le bois, bor­

dée des poteau x du télég rap h e. Où va cette route, une g ra n d e et belle ro u te neuve fraîchem ent ferrée ? Nous n e le sa u ro n s ja m a is, et q u ’im p o rte ? Ce que nous vou­

lons ici, c’est le calme et l’oubli. Un j a r d in e t fermé p ar u n entrelacs de b a g u e tte s non dépouillées de l ’écorce affleure la r o u t e ; la m aison elle-même s’est coupé un p e t i t carré d a n s le bois, ce q u ’il lui en faut p o u r son

6 ESQUISSES ET IM PRESSIO N S.

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SENSATIONS DE VACANCES. 7 toit rouge, p o u r son p la n t de pom m es de te rre et p o u r la niche du chien.

Le m atin , on ouvre l ’étroite fenêtre qui grince, on h u m e la rosée qui mouille l ’h erbe, on respire le voisi­

nage des g ra n d s arbres. En se p e n c h a n t, on to u c h e ra it aux b ra n c h e s . Comme les p re m ie rs ray o n s obliques se jo u e n t gaiem ent su r les troncs et su r la mousse! Sor­

tons, enfonçons-nous d a n s l ’om bre et le frais.

En moins d ’une m in u te on arrive sous la futaie de h êtres. P lu s d ’a u tre b r u it que nos p ro p res pas. Les h ê tre s m o n te n t d ’un seul je t et vo n t croiser le u r ra m u r e à quinze m ètres au-dessus de nous. L’écorce pâle et reluisante, striée de noir, n ’a pas les rugosités ni les contorsions rageuses du ch ê n e ; elle est lisse et douce à l’œ il: ce qui domine, c’est la g r a n d e u r calme.

D’espace en espace, le feuillage devient plus aéré et lum ineux : c’est une clairière q u ’on devine. De petits a rb u stes , de h a u te s h e rb e s croissent et foisonnent d ans cette échappée de j o u r ; des insectes b o u r d o n ­ n ent. P uis le crépuscule recom m ence, sous la lo ngue colonnade des a rb re s immobiles.

Voici les sapins. L’obscurité s’asso m b rit encore. Le sol, plus m ou et plus sonore, est feutré do to u te s les aiguilles végétales tombées, roussies et le n te m e n t dé­

composées. Les troncs sont ro u g eâtres, écaillés p a r places, s u in ta n ts de résine. L ’odeur balsam ique pénètre.

De gros ch am p ig n o n s au c h ap eau d ’ocre rouge s o rten t de là mousse n ourricière. D’im m enses f o u rm iliè re s s ’ar- ro n d isse n t en dôme en tre les racines des plus vieux a rb re s ; ce sont des millions de b â to n n e ts im p ercep ­

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8 ESQUISSES ET IM PRESSIONS.

tibles qui en fo rm en t les cloisons et la to itu re ; les fourm is elles-mêmes, d ’un j a u n e incertain, ne t r a n ­ ch en t p as s u r la couleur de le u r cité : il fau t a p p ro c h e r p o u r re c o n n a ître d a n s cette n u it a p p a r e n te d ’un coin de bois reculé la vie, l ’agitation, l’effort, l ’intelligence.

P oursuivons. C’est u n bas-fond, un éboulem ent de grosses pierres to u t d ’un coup figé et envahi, conquis, su b m e rg é p a r la végétation puissante. H erb es, a r ­ b u ste s, ombellifères ténues, feuilles larges, c h a rn u e s, velues, graines folles, e n tre -c ro isem e n t de fils v erts ou b r u n s , b a la n c e m en t des cam p an u les violettes et des digitales de p o u rp re, s u s u r r e m e n t des b o u rd o n s au vol irrégulier, b a tte m e n t d ’ailes effaré d ans le taillis, tout est vie, ab o n d a n c e de vie, ivresse de vie... Je tire mon jo u r n a l de m a poche. Ah! il p a ra it que le prince de Bulgarie est r a p p e l é p a r ses sujets. Comment s ’a p ­ pelle-t-il ?... Mais chut! u n essaim de m oucherons presq u e invisibles s ’a b a t s u r le feuillage avec le b ru is s e m e n t de la pluie. P e n c h o n s-n o u s, re g a rd o n s ; les voilà qui re p r e n n e n t le u r vol; suivons-les ; ils t r a ­ v e rs e n t u n ra y o n ; c’est une poussière p a lp ita n te et illu m in ée: et ch acu n de ces corpuscules est u n o rg a ­ nism e qui respire, qui sent, qui se m eut, qui veut, et combien y en a-t-il dans to u te la f o rê t? Dans toute Brocelyandc, comme dit la chanson ?... Et les p la n te s elles-m êmes ne sont-elles p as aussi u n peuple anim é ? Où s ’a r rê te au j u ste le u r activité pro p re ? Pensez à la dionée, à la sensitive. Ne sont-ce point des candidates au r a n g d ’a n im a u x ?L e s a n im a u x ne sont-ils point des can d id ats au r a n g d ’h o m m e s ? ... Et nous alors? — On

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SENSATIONS DE VACANCES. 9

est toujours c a n d id at à quelque chose... Dormons, sous notre frère le h ê tr e .

Dans la montagne.

Les gens de la plaine, les gens en souliers plats, ont décidé que les grim p eu rs de m o n tag n es étaien t des fous ou des imbéciles. Se ro m p re le cou, du moins en courir la chance, p o u rq u o i ? P o u r la satisfaction chi­

m érique de r a c o n te r au dessert q u ’on a passé là où les trois Anglais fu re n t précipités en 1865 ? P o u r se faire m ettre d ans les Annales du club A lp in ? P o u r éto n n e r les collégiens en vacances? P o u r que, s’il le u r arrive m a lh e u r, on dise d ’eux ce que le vieux D esportes écri­

vait su r Icare :

Il est mort poursuivant une haute aventure ?

Rêverie et fumée. Faire av an cer ses larges pieds sur u n long ru b a n de ro u te p o u r se tra n s p o r te r d ’un p o in t à u n a u tre , à la bo n n e h e u r e ; e n tre p re n d re un voyage d ’exploration d o n t on r a p p o r te de la p oudre d ’or ou des dents d ’élé p h a n t (vous vous rappelez dans Horace?), très bien ; ... mais, en p u re perte et sans espoir de profit ni de gloire, b ra v e r la m o r t a u -d essu s des n uages, quelle m anie vaniteuse et sotte ! Est-il sensé d ’ad m irer ceux qui réussissent et de plaindre ceux qui m e u r e n t ? — Eh bien ! j ’en suis fâché p o u r la plaine ; mais je ne puis h a u s s e r les épaules au récit des belles tém érités de nos m o n ta g n a r d s . Les cimes

1*

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10 ESQ UISSES ET IM PR ESSIO N S.

ont le u r ivresse, que ne p e u v e n t co m b a ttre les r a i ­ s o n n em en ts des hom m es sages. Que ceux qui ne la con n aissen t p oint se ta ise n t. Non seu le m e n t l'exercice m usculaire su cc é d a n t à dix mois de tension intellec­

tuelle est un m erveilleux réactif ; mais l ’ascension elle- même, la difficulté to u rn ée p a r l ’adresse ou surm ontée p a r la p ersév éran ce, la joie de re sp ire r u n air plus subtil, l ’ag ra n d isse m e n t g rad u el de la perspective, la poésie des h a u te u r s pleine du dédain des petitesses d ’en bas, l ’aile d ’aigle et de condor donnée à l’im a ­ gination, la mise en p résence de l ’é tern ité visible sont des bienfaits qui établissent, presq u e, deux classes entre les hom m es.

Nous voilà donc su r les derniers contreforts de rochers chauves qui p ré c è d e n t les névés. Nous so r­

tons de la petite cabane b orgne q u ’on a blottie dans l ’anfractuosité du g ran it, et si pareille à lui de couleur et d ’aspect q u ’à v ingt pas on ne l ’en discerne point.

Nous nous détirons s u r la plate-forme qui en est comme le p e rro n , et nous jeto n s le r e g a r d a u to u r de nous encore fatigués et m aussades d ’une n u it fiévreuse et sans sommeil. Le v en t souffle d ’en bas et rafraîchit v iolem m ent le visage. Il est deux h e u re s du m atin.

Rien ne se voit des vallées ; mais les ch am p s de neige se d istin g u e n t d a n s le v oisinage, bossués, creusés, to u rm e n té s, d ’un uniform e gris p h o sp h o re sc e n t. La cime est cachée p a r u n la m b e a u de n u ag e cotonneux.

On allum e u n e la n te r n e , deux lan tern es. La voix h u m a in e a u n e sonorité é tra n g e . On se m e t en m arch e avec précau tio n sous une pluie fine qui r e n d la pie rre

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SENSATIONS DE VACANCES. 11 g lissante et fouette les yeux. Le froid ne se sent presque pas. Le silence pèse et effraye bien d avantage.

On descend, puis on re m o n te ; la corde m a r q u e s u r la neige. Bientôt le p etit jo u r s ’annonce : ce n ’est q u ’u n rem ous d a n s les n u ag es du côté de l ’Orient, puis u n d é c h ire m e n t soudain. La cime a p p a ra it enfin, blan ch e sur le ciel encore noir. Trois h e u re s après, nous y sommes, d ebout, un peu effarés, pris d ’une envie irra i­

sonnée de m o n te r encore, mais dans le vide, puisque la te rre nous m a n q u e , et d ’é te n d re nos b ra s comme des ailes. C ependant l ’azur foncé, q u a n d on y lève le re g a rd , nous ép o u v an te, n ous a p latit de te r r e u r , nous force p re sq u e à nous c oucher p o u r étrein d re de nos b ra s et de nos ja m b e s cette p ierre que nous voulions q uitter, d e rn ie r prom o n to ire que notre m onde avance d ans l ’espace.

Il fau t red escen d re, re d e sc e n d re vers le b ru it, vers le grelot des vaches, vers les h om m es, vers le feu d ans les c h e m i n é e s , vers les ch a m b re s closes , vers les tables bien éclairées et bien servies de soupe chaude, vers les conversations, les pensées, les sentim ents qui sont m ieux à notre taille. Il fau t oublier cette vision farouche de l’im m ensité... En r e n t r a n t à l ’a uberge, nous en te n d o n s des Anglais qui discutent. L’Allemagne, l'A utriche, laisseront-elles la Russie agir à sa guise en Bulgarie ? 0 Ci e s t l e p r i n c e Alexandre ?... — Ainsi la se­

m aine p ro c h a in e , nous m o n to n s au Schreckliorn !

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CHANTILLY

L É G U É A L I N S T I T U T .

16 octobre 18S6.

Le dom aine de Chantilly fait re to u r à la couronne.

P a r « la couronne », j ’en ten d s la réu n io n de nos gra n d s sav an ts, d e n o s écrivains, de nos g ra n d s artistes.

Nous n ’avons plus d ’a u tre c ouronne que celle-là a u ­ j o u r d ’hui, et, to u t de m êm e, elle nous coiffe bien.

P a ste u r, Berthelot, R enan, Sully -P ru d h o m m e,'A lex an ­ dre Dumas, Gounod, Meissonier, P au l Dubois, voilà les prop riétaires légitimes"de ces cinq cent mille livres de rev en u , de ces forêts, de ces étangs, de ces palais, de ces tré s o rs d ’a rt et de souvenir. Ils vo n t posséder, ils vont jouir, ils vo n t r é g n e r d ans une fra te rn ité p a i­

sible. Ce s e ra u n p h a la n s tè re bien intelligent. Et voilà le p re m ie r pas vers l ’aristo c ra tie intellectuelle org a­

nisée, telle que nos petits-fils la v e rro n t (cela va sans dire).

Il y eu t un tem ps où les gran d es abbayes recevaient des legs semblables, au d é trim e n t quelquefois des h é ­ ritiers naturels. On a u r a it to rt de s’en in d ig n er, puis- q u ’au x n e et au x i i isiècle les m oines, é ta n t des élus de la science et de l ’esprit, av aien t tous les droits que

(23)

CHANTILLY. 1 3

des h o m m es p u isse n t alléguer p o u r en dépouiller d ’au tre s. A p ré s e n t ce n ’est plus d a n s le cloître q u ’est le pivot du m o n d e : c’est dans le la b o rato ire, la biblio­

th è q u e , l ’atelier. Que ces n o uveaux m aîtres re cu eil­

le n t donc la p a r t du lion, puisque c’est le u r to u r de suprém atie, et q u ’ils la g a r d e n t tan t q u ’on n ’a u r a rien inventé de mieux que l ’art, la science et le génie.

Certes l ’In s titu t de France n ’est q u ’u n P a n th é o n trè s im parfait ; les mérites que je viens de dire s’y rencon­

tren t, m ais assez m élangés. Dans chacune des Acadé­

mies il y a une a r riè re -g a rd e de com parses p o u r faire l ’a p p o in t; en revanche, n o u s connaissons des hom m es s u p é rie u rs qui n ’y e n tr e r o n t jam ais. Et c ep en d an t, avec toutes ces faiblesses, l ’In s titu t est une prem ière ébauche d ’aristocratie très acceptable. In d é p e n d a n t du suffrage populaire, in d é p e n d a n t aussi des h a s a r d s de la filiation, il échappe au x vices opposés des ré p u ­ bliques et des m o n arch ies h é ré d ita ires . C’est là, p o u r u n te sta te u r, une g aran tie unique. Où la trouverait-il aille u rs? S u p p o se z , p a r exemple, q u ’é ta n t en co m m u ­ nion d ’idées avec le conseil m unicipal de Paris, il laisse à cette fam euse assemblée les tréso rs q u ’il a p a tie m ­ m en t et ch è re m e n t réunis. Est-il assuré que dans vingt ans, dans cinq ans, d ans deux ans, p a r l'effet du ca­

price des électeurs, son h é rita g e ne to m b e ra p as en d’a u tr e s m ains, qui lui a u r a ie n t été odieuses? S uppo­

sez, au contraire, q u ’il fasse choix du m eilleur, du plus accompli de tous les princes, de Marc-Aurèle lu i-m êm e.

Hélas! ap rès la m o rt de Marc-Aurèle, c’est à Commode que p assera le bien te n d r e m e n t couvé. Avec un corps

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14 ESQ UISSES ET IM PRESSIONS.

qui se renouvelle soi-même et peu à peu, comme l ’Ins­

titu t, on ne c ra in t ni ces so u b re sa u ts ni ces d é c h é a n ­ ces. P a s te u r m o rt, R enan m ort, Augier m ort, on ne les rem p la c e ra pas sans doute ; mais du moins, dans la France d ’alors, on s’ad ressera, p o u r leu r succéder, au x moins indignes. On tâ c h e r a de tra n s m e ttr e avec d isc e rn e m e n t les h o n n e u r s q u ’ils a u r o n t illustrés. C’est ce discern em en t à p erp é tu ité dans le choix de ses h é ­ ritiers qui a tenté M. le duc d ’Aumale. Et en effet la résolution q u ’il a prise est le seul moyen de réso u d re la te rrib le objection de Giboyer d ans les Effrontés :

« La fortu n e est h é ré d ita ire, et l ’intelligence ne l’est pas. » Eh bien ! si fait, dans cette famille élective où l ’intelligence est hé ré d ita ire, il est ju s te que la fortune le soit aussi. C’est p o u r q u o i j e vois dans cette offrande de Chantilly, non seulem ent une action g énéreuse, mais une idée vraie et comme l ’a v èn em en t d ’une r é p a r ­ tition plus équitable des biens de ce monde.

Allons donc re n d re visite à ce p re m ie r fief de nos­

seigneurs les académ iciens. C’est u n e te rre v ra im e n t royale. Elle a, en ce m o m en t de l ’année, u n e g ra n d e majesté de tristesse et d ’aban d o n . Les a rb re s s’ef­

feuillent su r les pelouses, d ans les allées, d ans les eaux dorm antes. Les avenues elles-m êm es, b ru m e u s e s dès trois h eu res du soir, s ’allongent à l ’infini. Point de p a s ­ sants, très p e u d ’an im au x , p re sq u e p oint de vie. Les paons a rg e n té s tr a v e rs e n t encore, de loin en loin, les sentiers du parc. Les cygnes glissent sans b r u it su r le canal. Vus de la route entre Yineuil et Saint-Firmin, les bassins a lte r n a n t avec les te rre-p lein s, le c h âteau

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CHANTILLY. 1 5

é m e rg e a n t des fossés, les g roupes de m a rb re , le pié­

destal vide où se d re s s e ra le M ontmorency de P a u l Du- b o i s ( 'l) ,e td a n s r é lo ig n e m e n t, l ’allée d u Connétable for­

m a n t u n e la rg e coupure d ans le m assif noir des arbres, to u t cela tranquille, in v ita n t au silence et à l ’oubli, je vous assure que c’est un spectacle qui p é n ètre plus a v an t que les yeux. P u isq u e l ’hôte d ’h ie r est p arti, que les hôtes de dem ain ne sont pas encore venus, ce do­

m aine n ’a p p a r tie n t q u ’aux divinités des eaux et des bois. Le p auvre poète Théophile de Viau, recueilli p a r charité dans cette même résidence p a r u n Montmo­

rency, y a vu to u t ce que je dis là ; il l ’a même c h an té eu bien jolis vers, qui ne sont guère connus et que vous lirez p e u t-ê tre avec plaisir :

Zéphvre en chasse les chaleurs.

Rien que les cygnes n’y repaissent ; On n'y trouve rien sous les fleurs Que la frescheur dont elles naissent;

Le gazon garde quelquefois Le bandeau, l ’arc et le carquois De mille Amours qui se despouillent A l ’ombrage de ces roseaux,

E t dans l ’hum idité des eaux

T rem pent leurs jeunes corps qui bouillent...

Or ensem ble, ores dispersez, Us brillent dans ce crespe sombre E t sous les flots qu’ils ont percez L aissent esvanouir leur ombre ; P ar fois dans une claire nuict Qui du feu de leurs yeux reluit,

(1) Le Montmorency est aujourd’hui en place.

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16 ESQUISSES ET IM PRESSIONS.

Sans aucun ombrage de nues, Diane quitte son berger E t s’en va là dedans nager Avecque ses étoiles nues.

Les ondes, qui leur font l ’amour, Se refrisent sur leurs espaules, E t font danser to u t à l’entour L ’ombre des roseaux e t des saules...

Des larges fenêtres du c h â te a u , on a p erço it ce décor enchanté. C’est là que les livres, les ta b le a u x et les statues sero n t seuls logés. J ’espère q u ’on y h é b e rg e ra aussi les poètes pau v res p e n d a n t l ’éclosion de leurs ouvrages, les scu lp te u rs et les p e in tre s p e n d a n t q u ’ils p e in ero n t s u r le u rs esquisses, Ce sera l ’asile des cer­

veaux su rm e n é s et trop littéraires. Ils y v ie n d ro n t p a s ­ ser h u it jo u rs, quinze jours, et s’en r e to u r n e r o n t rep o ­ sés. On les m è n e ra p a r les p etits chem ins de forêt j u s ­ q u ’aux étangs de la reine Blanche, et la bo n n e reine Blanche, do n t le fils soignait les lép reu x , les g u é rira de le u r étrange et in c u ra b le m aladie.

Le ch â te a u est gai, s o u r ia n t, mais p e tit et trop en terré. Les écuries l ’hum ilient un p e u . Il est vrai q u ’il n ’a p as besoin d ’être im m ense, p u i s q u ’il n ’est fait que p o u r des merveilles. Tout y est coquet et soigné. La chapelle est une orfèvrerie de pierre ; le retable est de Jean Goujon ; les verrières, d ’une très douce h a rm o n ie de nuances, d a te n t du même te m p s. Derrière l ’autel, une inscription m a rq u e l a place où re p o se n t les cœurs des Condé. Les Condé, ce s o n t les p a tro n s de Chan­

tilly, s u r to u t Louis II, le g ra n d capitaine. L à -h a u t,

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CHANTILLY. 1 7

dans la galerie des batailles, on voit son buste en bronze , avec ses yeux dém esurés et son bec de gypaète ; s u r les p a n n e a u x , to u t a u to u r, sont peintes ses victoires ; au milieu, sont su sp e n d u s les d rap eau x pris à Rocroy ; u n e fresque allégorique re p ré se n te la Gloire a r r a c h a n t une p age de l ’Histoire, la page dé­

plorable de la Fronde. On se baig n e en pleine épopée.

La bibliothèque recèle des jo y a u x inco n n u s ; M. le duc d ’Aumale n ’aim ait p as à la m o n tre r. On sait seu ­ lement, p a r ouï-dire, q u ’outre l ’ad m irab le collection Cigongne, achetée en bloc, elle renferme en m anuscrits, en m iniatures, en incunables, en éditions rares, de quoi ré jo u ir les yeux et l ’esprit des bibliophiles. La galerie de p e in tu re n ’a pas gardé cet incognito : to u t le monde l’a vue, d u moins en p artie. La fameuse ex­

position des A lsaciens-Lorrains en avait e m p ru n té les perles: la Vierge id’Orléans., la Venus anadyomène, la Stra- tonice, la M ort du duc de Guise, le Duel du Pierrot, et vingt au tre s. Un dessin de L é o n a r d ,qui a souffert, garde encore un ch arm e unique (on ne voit plus guère q u ’un sourire, mais il est divin) ; de P r u d ’hon, plusieurs morceaux trè s suaves, aux deux crayons ; de Dela­

croix, un b eau Christ, très tra g iq u e ; de Decamps, des ray o n s de soleil fixés ; de Botticelli, des formes grêles et délicieuses ; une série inco m p arab le de p o rtra its historiques du xiv8 au xix° siècle ; que sais-je, enfin ? Dans quel désordre to u t cela se p résen te à m on sou­

venir ! P e u t- ê tr e des toiles du Louvre ou de la Nation- nal Gallery viennent-elles se m ettre au trav ers. Cette

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confusion même esf u n assez bel éloge p o u r une collec­

tion privée.

Il fa u d ra it que ces rich esses fu ssen t un jo u r dispo­

sées p a r u n h o m m e d e beau co u p de g oût, qui ne fit pas de Chantilly un S y d en h am ni même u n K ensington.

Nous souhaiterions q u ’on ne d o n n â t ja m a is à ce palais un air de bazar, comme à nos a u tre s m usées. Ne ta ­ pissez pas les m u rs de ta b le a u x ju x tap o sés qui se dis­

p u t e n t et fa tig u e n t les re g a r d s . P e u d ’œ uvres dans un m êm e salon, et to u tes du même tem p s, d ’un même ca­

ra ctère, en h a rm o n ie avec la décoration. Les tableaux, les statues, les vitrines de jo y a u x ensem ble confondus, siècle p a r siècle. Que les époques revivent et se ré ­ vèlent à l ’im ag in a tio n . Voilà ce q u ’a u ra it dû être notre Louvre, voilà ce que Chantilly doit rester. Il faut que le goût du collectionneur s’y fasse sentir encore q u a n d le collectionneur n ’y se ra plus ; il faut que ce château de la Belle au bois d o r m a n t continue d ’être habité avec intelligence, avec sollicitude. Nous serons si h e u ­ reux, quelque jo u r, d ’y tro u v er une fête p o u r les yeux, u n e in stru c tio n vivante et u n rep o s absolu p o u r nos soucis !

Chantilly fu t to u jo u rs hospitalier aux h o m m es d ’é ­ tu d e. Ils y sero n t venus lo n g tem p s en invités avant de s’y établir en m aîtres. Tout le xvne siècle a passé p a r ces allées du p a rte r r e français et d u bois de Sylvie.

B o s s u e ta fait ici p lu sie u rs séjours ; La Bruyère, San- teu il,le m a th é m a tic ie n Sauveur y ont vécu. Mais depuis lors que les tem p s sont changés ! Ce p a u v re et joyeux Santeuil recevait, à table, des soufflets et des verres

1 8 ESQUISSES ET IM PRESSIONS.

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CHANTILLY. 19 d ’eau froide ; La Bruyère, qui lo geait sous les toits, pouvait, en été, faire cuire u n e galette dans sa g o u t ­ tière ; il devait réclam er p lu sieu rs années l ’a rg e n t qui lui était dû a v an t d ’en to u c h e r une insignifiante p a r ­ tie. Aussi to u t cela passait-il en a m e rtu m e d a n s son chapitre des Grands « qui n ’ont p o in t d ’âme ». Mais voici q u ’a u jo u r d ’hui les le ttre s et les sciences ne m a n ­ g ent plus à l’office ; que dis-je ? c’est elles qui tien ­ d ro n t table ouverte à l e u r tour.

Eh bien, en r e n d a n t Chantilly à ses anciens hôtes, savants, écrivains, artistes, il semble que les destinées s’accomplissent, ainsi q u ’on croit le voir d a n s u n m a ­ riage longtem ps espéré. Comme u n c œ u r bien a im a n t que l ’absence de ce q u ’il aime fait la n g u ir, m ais en tre­

tient fidèle et chaste, Chantilly n ’a ja m a is été profané p a r des orgies grossières, à la façon de t a n t d ’a u tr e s ch âteau x de F rance ; il s’est gard é de to u t snobisme, de to u t étalage de p a rv e n u et de tout faste insolent : il se savait fiancé à la Gloire, mais à la Gloire ro tu riè re et pauvre.

Gens de lettres, vous pouvez vous m o q u e r a u jo u r ­ d ’hui de la liste des p en sio n s que Chapelain rédigeait p o u r Colbert ; vous n ’avez que faire de dédier Cinna à M. de Montoron; bien plus, vous pouvez vous d isp en ser, p o u r être ric h e s, de faire Cinna ; il vous suffit des Deux Orphelines; on se d isp u te vos a u to g ra p h e s et vos sou­

rires, on sollicite votre sig n atu re s u r des éventails ; v iv a n ts,o n donne votre nom à des r u e s ; m orts, on vous ouvre le Pan th éo n ; voici enfin que ce Chantilly où jadis lin m aître q u in te u x vous casait aux gages comme des

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2 0 ESQUISSES ET IM PRESSIONS.

laquais va vous accueillir re s p e c tu e u s e m en t p ar la gra n d e grille, en h é ritie rs légitimes de t a n t de prin ces du sang. Que vous semble, illustres p arvenus, de ce renversem en t des sociétés ? Pardonnez-vous à la d é m o ­ cratie, nivellem ent nécessaire, table rase inévitable en tre le règne de l ’ancienne aristocratie et celui de la nouvelle ? Ne regrettez rien ; votre j o u r vient, il est v enu. — Et vous, fam eux domaine de Chantilly, il vous souvient de vos a n tiq u e s possesseurs, de ce conné­

table Anne de Montmorency, tête étroite de fanatique, échine souple de courtisan ; de cet Henri II de Condé, in tr ig a n t fantasque et irrésolu ; de ce g ra n d Louis II, dévoré d e l à flamme intérieure, despote, ch ag rin , vio­

lent, génie é tra n g e ; de ses fils et petits-fils, héritiers de sa violence, mais non de son génie, race de lo u v e­

teaux h a r g n e u x ; d e ce Louis-Henri de Bourbon, guindé et incapable, a m a te u r de chimie et d ’histoire naturelle, d o n t la g ra n d e gloire est d ’avoir élevé les écuries ; de ces deux vieillards enfin, goutteux, solitaires, g ra n d s chasseurs, en qui acheva de m o u rir la famille violem­

m e n t tranchée da n s les fossés de Vincennes ; vous vous rappelez encore les éclats de voix, les colères de vos m aîtres, les fêtes orgueilleuses, les réceptions royales, les in te rm in a b le s cavalcades d ’h ab its rouges à la p o u r ­ suite des cerfs : eh bien ! vous ne verrez plus rien de tel, c ar niM . Jules Simon ni M. W allon n ’o n t coutum e de so n n er l ’hallali ; les m e u te s sont ven d u es, les bois se taisen t ; vous abriterez s eu lem en t de belles statues, de beaux tableaux, de b eaux livres ; au lieu de possé­

der le v a in q u e u r de N ordlingen et de Lens, vous rece­

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CHANTILLY. 2 1

vrez quelquefois le v a in q u e u r des maladies conta­

gieuses, le com p o siteu r de Faust, l ’artiste du Chanteur florentin, l ’écrivain des Dialogues philosophiques, le poète

des Solitudes : vous n ’êtes pas désaffecté.

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HEIDELBERG.

Notes sur le ju b ilé universitaire.

H eidelberg est une so u rian te, une jolie, une exquise petite ville. Après sa bière, ses confitures de m yrtilles, ses servantes joufflues, son vieux b u r g et son vieux pont, ce q u ’elle a de mieux est son u n iv ersité. Oui, à m on gré, le fameux to n n e a u et la cure de petit-lait ne viennent q u ’ensuite. Mais le plus c h a r m a n t dans ce nid des études classiques, c’est que to u t y est à la fois très vieux et trè s vivant. Le ch âteau des électeurs, que nous avons eu la sauvagerie d ’in cen d ier en 1689, est la ruine la plus gaie que je connaisse. Ici des p a n s de m u r ro u g eâtres, fouillés e t ciselés comme u n e orfè­

vrerie de p ierre, avec des fenêtres b é a n te s qui n ’o u ­ v re n t plus que su r le ciel clair, des festons de lierre et de vigne folle, des tilleuls p o u s s a n t lib re m e n t au m i­

lieu des donjons éventrés ; là des tonnelles p o u r les b uveurs, des étalages de p etits m a rc h a n d s s u r des n a p ­ pes bien blanches, des faïences qui reluisent, des étains qui brillent, des cris g u ttu ra u x , des rires épanouis, et, par-d essu s to u t, l ’hy m n e p a n ta g ru é liq u e du Gau- deamus, gaudeamus igitur I C’est frère Jean des Entom-

12 a o û t 1S86.

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HEIDELBERG. 2 3

m eures d ans le ch â te a u de la Belle au bois d o rm a n t.

Le p aganism e q u ’in s in u e n t d a n s l’esp rit les h u m a ­ nités grecque e t latine s ’est greffé su r la bonne h u m e u r natu relle aux gens d u P a la tin a t. Avec cela on est th é o ­ logien, on garde des form ules et des co u tu m es du moyen âge : de sorte que c’est, au total, le m élange le plus drôle du m on d e. Sommes-nous en 1500 ? O u i ; voyez passer le cortège de la Ruperto-Carola, allant dé­

poser ses vœ ux au x pieds de son Rector magnificentissi- mus ; elle est to u jo u rs divisée en cinq corps : Saxobo- russia, Suevia, Vandalia, Guestfalia et Rhenania ; elle ch a n te le Te Deum et VAlléluia ; c’est le plein xv° siè­

cle... Tournez-vous à p r é s e n t, et regardez cette statu e colossale au milieu du po n t en dos d ’âne qui traverse le N e c k a r ; c’est Minerve en p e rso n n e , et a u p rè s d ’elle l ’électeur C harles-T héodore : aim able tête-à-tête.

Nous voilà au siècle de Périclès. Lisez enfin su r le pi­

gnon de la fameuse m aison Zum R iltcr ces d eu x in s­

criptions qui se te m p è re n t l ’une l ’a u tre avec u n e si douce philosophie : Soli Deo gloria, et, à côté ; Perstat invicta Venus. (Les dam es c o m p re n d ro n t sans doute sans que je trad u ise.) Est-il rien de p lu s joli que cette restriction a p p o rtée a u c h ristian ism e ? Comme on y reconnaît l’é ta t d ’esprit d ’u n bon peuple qui, en tr e n te a n s, d u t c h a n g e r cinq fois de religion ! Et au d e m e u ­ ra n t, sous ce vernis a n tiq u e, sous cette mince couche de mysticisme, à tra v e rs moyen âge, R enaissance, R é­

forme, révolutions, invasions et pillages, quelque sen­

tim en t a-t-il persisté dans la conscience des bourgeois de H eidelberg? Oui, certes, celui q u ’un proverbe ex­

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2 4 ESQUISSES ET IM PRESSIO N S.

p rim e si bien dans le patois du pays : a L 'hom m e a.

reçu un estomac : c’est p o u r s’en servir. — Der Mensch hat en Muage und net unesunscht. »

*

Il est excellent que n o tre I n s titu t de France, à défaut de notre Université , ait été r e p ré se n té à cette fête des h a u te s études allem andes. L ’hostilité de n a tio n à nation est toujours, d a n s ce domaine, une so t­

tise dont to u t le m onde souffre. Railler et persifler la science germ an iq u e ne rim e à rien, c’est un th è m e si trivial que les gens de b o n sens doivent se l ’in te r ­ dire, comme les p laisan teries vieillottes s u r la pêche à la ligne ou les a llu m ettes de la régie. L ’Allemagne, qui n ’est pas aim able, mérite l ’estime en presque to u t ce qui est enseignem ent, é rudition, la b e u r p atien t, r é ­ flexion sérieuse. C e l a a é t é dit mille fois, et si je pren d s la liberté de le ré p é te r p o u r la mille et unième, c’est que de très spirituels écrivains affectent a u jo u r d 'h u i de l ’oublier.

Ces Déroulèdes universitaires, que d'ailleurs j ’aime fort, obéissent à une an tip a th ie fougueuse et, peu r a i­

sonnable. Au fond il y a chez eux quelque dép it de voir des in telligences inférieures les devancer, à force de travail, d ans le u r pro p re chemin. L ’Allemand, c’est po u r eux l’archiviste paléographe, le ré d a c te u r de la Revue critique rebelle à leu r talent et poin tilleux su r le u rs e rre u rs. Cette concurrence m éprisable les irrite ; ils ressem b len t à ces b a ro n s s u p e rb e m e n t arm és et m ontés qui, à la bataille de Poitiers, se cabraient, fu­

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IIEIDELBERG. 2 3

rieux d ’être mis en déroute p a r d ’h u m b les a rc h e rs a n ­ glais. Ils se ré s o u d ro n t à to u t p lu tô t q u ’à descendre de l e u r cheval p o u r aller co m b attre l ’ennem i su r son terrain . Louent-ils q u e lq u ’un de nos m aîtres parisiens, ils s ’em p ressen t de lui sacrifier to u te la science alle­

m ande en bloc. Il fa u d ra it s’en te n d re p o u r t a n t : re p ro ­ chent-ils à Otfried Millier son étroitesse d ’esprit, à E r­

nest Curtius son m auvais style, à Théodore Mommsen son indigence d ’id ées?N on, ils en veu len t à l ’Allemand anonym e et traditionnel. — Et ce p e n d a n t ces m aîtres que nous sommes d ’accord, vous et moi, à p ro clam er incom parables, M. Gaston Boissier, M. Gaston Paris, M. Lavisse, M. Boutroux, M. Alfred Croiset, n ’est-ce pas à Berlin, à Leipzig, à Munich q u ’ils o n t puisé cette science do n t nous avons raison d ’être tiers ? Ils l ’ont filtrée, je le veux bien, mais ils n ’en re n ie ro n t jam ais la source. C’est en Allemagne q u ’on a p p ren d le sérieux, la gravité, la conscience scru p u leu se du trav ailleu r.

C’est là aussi q u ’on a p p r e n d cette universelle curiosité des choses de l ’esprit que je v oudrais voir p é n é tr e r ju sq u e chez les plus h u m b le s abonnés de nos cabinets de lectu re. Croiriez-vous que celte « Revue de litté r a ­ tu re française », que nous désespérons de fonder à P aris, elle existe à Oppeln, dans une m auvaise b o u r ­ gade de six mille âmes, p e rd u e au fond de la Silésie ? Les découvertes les p lu s spéciales, les études les plus m in u tieu ses tro u v e n t u n écho dans le public d ’outre- Rhin II y a u n g ra n d éloge que H erder faisait de Kant : « Rien de ce qui m é rita it d ’être su, dit-il, ne lui était indifférent ». Entendez-vous ce m o t? H erder n ’a

ESQ. E T IM P R . T ’ *

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2 6 ESQ UISSES ET IM PRESSIONS.

gard e de dire : « ... ne lui était é t r a n g e r », non, il ne s ’agit p oint d ’être un Pic de la Mirandole ; m ais « ... ne ne lui était indifférent ». Voilà ce q ue je voudrais q u ’on p û t dire de c h a c u n de nous.

Relevons la tête c e p en d an t : nous trio m p h o n s d ans les deux h ém isp h ères p a r n o tre fantaisie, n o tre art, n o tre go û t de l ’ex trao rd in aire et de l ’im possible. Ici, d a n s cette Bierhalle, au milieu de ces épais buv eu rs r h é n a n s, je me réjouis de suivre, grâce à la Gazette de Cologne, n o tre folle S a ra h B e rn h a rd t au fond de l ’Amé­

rique. Elle étonne ces é to n n a n ts Brésiliens, elle c r a ­ vache ses cam arades, elle jo u e l ’é tra n g e m ascarad e de

Théodora avec t a n t de flamme q u ’elle ne p e u t attein d re à la fin ; elle reçoit des colliers d ’ém erau d es, des invi­

ta tio n s im périales et, au milieu de cela, des som m ations de c o m p araître devant le commissaire de police. Elle passe comme u n e comète capricieuse et échevelée, laissan t d e rrière elle u n souvenir mêlé d ’a d m iratio n et de scandale, avec l'écho des vers de notre Racine et de notre Victor Hugo.

Voilà le rôle où tu peux, chère France, défier les nations. Ce n ’est pas le seul que tu aies joué, ce n ’est certes pas le seul que tu jo u e ra s ; mais en cela qui donc te va même à la cheville ? E xcudent a lii... D’a u tre s forgeront des canons plus m o n stru e u x , d ’a u tre s m e t­

tr o n t plus de bon sens d ans leu r politique, d ’au tres e xpliqueront m ieux Virgile et Aristote, mais s’il s’agit

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d ’inq u iéter et de charnier, il n ’y a encore que toi au

m onde ! *

IIEID ELBERG . 2 7

G ertrude est un vilain nom : Trudchen, q u a n d on p rononce bien, est assez agréable. Que vous en sem ­ b l e ? — Au fait, les discussions s u r les nom s de b a p ­ tême sont fort oiseuses ; les préférences, en cela, ne se r a iso n n e n t point. C’est p u re affaire de sen tim en t. Un nom qui fu t à la mode en 1840 p a ra îtra to u jo u rs doux aux p e rso n n e s qui ont aimé en ce tem ps-là. Dans quinze ans, p u is q u ’il est d ’usage a u jo u rd 'h u i d ’app eler les petites filles Renée, Marcelle ou Simone, nos fils tro u v e ro n t à ces p rénom s une sonorité adorab le...

« Ah ! Covielle, comme dit Cléonte, on passe tout aux belles ! on aim e to u t des belles! » — C’est pourquoi Gertrude me déplaît, tan d is que Trudchen, depuis hier soir, me p a r a it avoir u n e certaine gentillesse m élanco­

lique.

Vous avez deviné du p re m ie r coup, si vous con­

naissez Heidelberg, q u ’il s ’ag it ici de T ru d c h e n Stau- pitz. (Quel é tra n g e effet font ces deux nom s ré u n is! Je n ’en avais pas idée : p o u r moi, elle est T ru d ch en to u t court.) Elle est,vous savez, la deuxième fille de M. Stau- pitz, le conseiller de g ouvernem ent, qui h ab ite la H irschstrasse, en face l ’église du Saint-E sprit ? La m a i­

son est étroite et h a u te , d ’une teinte lilas clair trè s sentim entale, d ’u n e p ro p re té h ollandaise, avec une odeur tiède de lessive r é p a n d u e é g alem en t 4 ans to u te s

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2 8 ESQ UISSES ET IM PRESSIO N S

les c h a m b re s ; des fenêtres, la vue s ’étale sur leM arkt- platz où, deux fois la sem aine,'les b outiques du m arché b o u rd o n n e n t a u to u r d ’une impassible statue d ’Hercule ; de biais, à g auche, on aperçoit l ’hôtel de ville, et, p a r ­ dessus les toits des maisons h érissés de pignons et de chem inées, la grosse tour du ch âteau , et, plus h a u t encore, s u r sa colline verte, la Cure de petit-lait au milieu des arbres. Vous ne pouvez vous trom per, d ’a u t a n t que le nom de M. le conseiller Staupitz est gravé su r la plaque de cuivre reluisante, en dessous du cordon de sonnette. Il y a u n g ra n d a ir d ’honnêteté d ans cette plaque bien récurée, dans cette sonnette bien astiquée, ainsi que d ans le paillasson bien b a ttu qui couvre le seuil de grès bien lavé. On sent tout de suite que sous ce toit h onoré il ne sera point parlé avec légèreté de L u th e r, ni de l’e m p e re u r et roi, ni de quoi que ce soit a u m onde. Et puis, les demoiselles sont coiffées en b a n d e a u x plats.

M. le conseiller (Regierungsrath) m ’avait cordialem ent accueilli p e n d a n t les b an q u ets, illuminations, concerts, m ascarades, discours, p rêches, friihschoppen, m iltag- schoppen et abendschoppen, où nous nous étions réjouis ensem ble à l'occasion du ju b ilé universitaire. Je lui avais été reco m m an d é (recommandirt), et il s’a c q u itta it du soin de me c h a p e ro n n e r avec la conscience d ’un factionnaire qui fait ses vingt pas d ev a n t sa guérite.

Chaque m a t i n , c’é t a i t : « Hé b o n jo u r! portez-vous bien. » Puis nous étions de p a ra d e ou de frairie j u s q u ’à l ’h e u re où le crépuscule envelopjiait le vieux château, et chaque soir, on se te n d a it la main : « Hé bonsoir !

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portez-vous bien. » Il s’en re to u rn a it vers son privat- haus, vers son so u p er de famille gaiem ent éclairé, tan d is que je m ’achem inais le n te m e n t vers l 'Hôtel Faucon et Poste, en s u iv a n t le Neckar qui b ru issa it et m iroitait sous la lune.

Il me m a n q u a it encore d ’être présenté à Mmc la con­

seillère de g o u v e rn e m e n t (frau Regierungsrathin), de goûter son potage au x croûtes et de p articip er à sa ta rte aux groseilles. Cette grâce me fut octroyée, p o u r couronner m on séjour.

« M. Desjardins, u n F ran çais de P a ris qui enseigne dans le lyceum et qui écrit dans les feuilles » ; c’est ainsi que le père de famille me p résen ta. P o u r la p re ­ mière fois de m a vie je fus h o n te u x de n ’être pas offi­

cier d ’académie ou quelque chose d ’a p p ro c h a n t, comme m em bre d u Caveau ou d ’u n e association de canotiers : ces titres, en A llem agne, o n t encore du prestige auprès des femmes. On me r e g a r d a p o u r t a n t avec m a n s u é tu d e , du h a u t en bas de la famille, depuis MIIe Lotte, qui en est à ne plus dire son âge, j u s q u ’à M110 Lisa qui jo u e avec une po u p ée de tricot. P uis, p o u r occuper l ’atten te j u s q u ’à l ’h e u re d u souper, on me fit visiter la m a i s o n . P a r to u t une p ro p re té m éticuleuse, des chaises cirées, des gu érid o n s couverts de résilles de perles, des j a r d i ­ nières compliquées d ’a q u a riu m s ; s u r les m u rs, le p o r­

tr a it de Gœthe et l ’a rb re généalogique des g ra n d s -d u c s de Bade. P a r les fenêtres, on voyait défiler su r le t r o t ­ toir opposé des b an d es d ’étu d ian ts, des bourgeois é p a ­ nouis au x allures de chanoines, et, de tem ps en tem ps, il m o n tait de la ru e des lam beaux de conversations,

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