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La reine Marie-Caroline de Naples d'après des documents nouveaux

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(1)

L A R E I N E

MARIE—CAROLINE DE NAPLES

LADY HAMILTON ET NELSON

(2)

I m p r i m e r i e g é n é r a l e d e G h â t i l l o n - s u r - S e i n e . — A . Pi c i i a t.

(3)

A. G A G N I È R E

L A R E I N E

MARIE CAROLINE DE NAPLES

D’a p rè s d es d o c u m e n ts nouveaux.

P A R I S

P A U L O L L E N D O R F F , É D I T E U R

28 b i s , R U E D E R I C H E L I E U , 28 b l S ,

1886

Tous droits réserves.

(4)

%

Biblioteka Jagielloriska

1 0 0 1 3 5 1 2 8 4

B i b l . J a g i c l l .

l o i o D ^ y 1 3 1 -

1001351284

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AVANT-PROPOS

L ’histoire de la Révolution de Naples et de la Res­

ta u ratio n des B ourbons, en 1799, n ’a jam ais été écrite.

E xpliquons-nous. Les d o c u m e n ts de cette époque ont, été brû lés p a r o rdre de F e rd in a n d IV, ou disp er­

sés dans les archives de Vienne, de Londres et de Paris, ou sont encore j a lo u s e m e n t gardés dans celles de Naples. Aussi, les historiens se sont-ils contentés des récits de divers écrivains napolitains. Les p a rti­

sans des B ourbons o n t suivi A r d iti, L a n c c llo lti, Sac- c /d u c lli, C acciatore ; les adversaires o n t pris C o llc tla ,

V. Coco, L o m o n a c o , Pepe.

Dans son H isto ire d u X I X e siè c le , n o tre Michelet.

— lo rsque déjà la m o rt le to u ch ait de son aile, — a

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s e u le m e n t esquissé, en traits de flammes, le trio m ­ p he de Nelson à Naples, les h o n te u s e s fêtes et les tragédies qui suivirent.

Mais, en vain les coupables cachent les d o cu m en ts, en vain les dispersent-ils ; tôt ou tard les papiers ac­

c u sa te u rs rep araissen t p o u r v e n g e r les victim es. Tel est le cas p ré se n t. La correspondance de Marie-Caro- lin e , reine de Naples, avec lady H am ilton lève tous les do u tes, en p e r m e t t a n t d ’assig n er à chacun le de­

gré de responsabilité dans les exécutions qui suivi­

r e n t la violation de la capitulation accordée aux Na­

politains p a r l e r e p ré s e n ta n t du roi F e rd in a n d IV.

Cette correspondance, — enfouie depuis soixante- dix ans dans les cartons du B ritish M u s é u m , — est accablante p o u r Murie-Garoline, Nelson et lady H am il­

to n . E n y jo i g n a n t les m a n u sc rits des archives de Naples, les travaux et les re c h e rch e s du r e g re tté R. P a lu m b o , du gén éral Mariano d ’Ayala, de G. For- tu n a to , le lecteur aura sous les yeux u n ensem ble de d o cu m en ts définitifs, irréfutables.

Mais, avant d ’ab o rd er le sujet, il faut en connaître

les p e rso n n a g e s. Ce d ra m e qui va dévoiler ta n t de

crim es audacieux, qui va nous m o n t r e r la san g lan te

bacchanale de Naples avec sa b arbarie lu b riq u e , (le

m o t est de Michelet), ce d ra m e co m m en ce par le r o ­

m a n vulgaire d ’u n e courtisane. C om m en t la vie

d ’u n e créatu re p e rd u e a-t-elle pu se m ê le r à des évé­

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n e m e n ts aussi im p o rta n ts? P o urquoi sa m a in néfaste se retrouve-t-elle dans toutes les in trig u e s et tous les crim es? La passion d é sordonnée d ’une reine le voulut ainsi.

T a n t pis p o u r l ’écrivain, s ’il est obligé d ’e n tre r d ans le détail curieux, mais m alpropre de cette exis­

tence. Le le c te u r nous absoudra : la vérité l'exige.

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(9)

LA R E I N E

MARIE-CAROLINE DE NAPLES

i

EMMA. L Y O N

Sa naissance. — Ses aventures de jeunesse. — Son m ariage.

F aire la biographie d’E m m a Lyon, c’est écrire un chapitre de ro m an . Au surplus, la forme du récit im porte peu, si to us les faits qui le com posent sont

extraits de docum ents authentiques.

L e s biographies d ’E m m a L yon sont n o m b re u se s, mais pas une ne concorde. On ne connaît môme point e x actem ent le lieu et la date de sa naissance. Divers la font naître dans le comté de Chester, vers 1760;;

d ’autres, à H a w a rd e n , dans le Flintshire, en 1761;;

enfin, le dern ier de ses biographes, M. Palumbo,.

donne l’année 1764 et P resto n , comté de L a n cash ire.

C ette date nous p a ra ît exacte, l ’acte de décès d&

1

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lad y Hamilton (15 ja n v ie r 1815), p o rta n t q u ’elle était âgée de cinquante et un ans.

Elle p erd it son père en bas âge, un p auvre paysan qui m o u r u t à la peine. L a j e u n e veuve no p arv in t à su b sister, elle et son enfant, q u ’à force de travail et de privations. P lu s tard, lorsque la fortune capricieuse eut fait m o n te r E m m a au so m m et de la roue, notre héroïne a r ra n g e a à sa façon ses d é b u ts dans la vie.

Grâce à la générosité d’un certain lord Halifax, clic au ra it reçu une brillante éducation. L a vérité est que s on enfance s’écoula dans un dénuem ent com plet; à douze ans, elle ne savait ni lire ni écrire.

L ’année suivante, sa m ère la plaça comme governess (bonne d’enfants), chez M . T h o m as d’H a w a rd e n , beau-frère du g ra v e u r Boydell, qui s’enrichit plus ta r d en re p ro d u isa n t les traits de lady Hamilton. Elle y d e m e u ra trois ans, traitée comme un enfant de la maison. On lui e nseigna m êm e la lecture et l ’écriture.

Elle n ’oublia ja m a is ce q u ’elle devait à ses prem iers m aîtres, et les revit toujours avec plaisir.

L a chétive fîllotle, dans ce milieu tranquille et confortable, se développa comme une plante en serre chaude : à seize ans, elle était déjà une merveille do grâce et de beauté. M ais la j e u n e écervelée se croyait appelée à de hautes d e stin é e s; elle ne rêvait q u ’aven­

tures ro m a n e sq u e s, ou la rencontre du Prince Char

rnant. S a n s prév en ir ses m aîtres, une nuit elle guetta

le p assag e du stage-coach, qui, deux j o u r s plus tard, la

déposait s u r le pavé de L o n d re s, avec un mince bagage

et deux guinées en poche.

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Le h a s a rd la conduisit p o u r d e m a n d e r son chemin chez un petit m arch an d du q u a rtie r Saint-Jam es. La femme, touchée de son e m b a rra s, lui fît conter son histoire; et le soir même, la je u n e aventurière sc tro u v ait installée chez ces b rav es gens. M ais elle n ’a­

vait p as l’intention do d e m e u re r longtem ps dans ce m odeste asile; elle n’a tten d ait q u ’une occasion, qui se p ré se n ta bientôt. Une dam e de la haute société, frappée do l’adm irable b eauté do la j e u n e fille, la décida facilement à qu itter ses m aîtres p our la suivre.

F e m m e do cham bre d’une lady! C’était, — suivant E m m a , dans ses Mémoires,—un ch an g em en t de p o s i ­ tion sociale. L ’hôtel était vaste, le dom estique n o m ­ b r e u x ; toute l’occupation de l’apprentie soubrctle consistait à habiller sa m aîtresse. Elle utilisait ses loisirs en lisant tous les livres do la bibliothèque ; et, comme Diderot, elle se prit do belle passion p o u r R ic h a rd so n ; elle apprit p a r c œ u r Clarisse ffarloive, Grandisson, Paméla.

T o u t a une fin, m êm e les rom ans d ’une lady d é s œ u ­ vrée. Cette im agination déréglée d e m a n d a it do n o u ­ velles distractions. 'E m m a profitait des sorties do sa m aîtresse p our suivre a ssid û m en t tous les théâtres.

R em ontée d a n s sa cham brctte, sous les combles, au lieu de d o rm ir elle répétait, avec une sûreté de m é ­ moire incroyable, les rôles à effet. L es contem porains a ssu re n t que ja m a is artiste n ’atteignit le degré de perfection avec lequel elle ren d ait les scènes princi­

pales des a u te u rs d ra m a tiq u e s, anciens ou m odernes.

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M alh eu reu sem en t, la so u b rette ne faisait aucun p r o ­ grès clans son service; un beau matin, la g rande clame se lassa, et, s u r une réponse im pertinente, la j e t a à la porte.

Que devenir? T o u t le j o u r elle erra clans L o n d res:

v e rs le soir, cet appétit de dix-huit ans qui fait b rav er fatigues et chagrins, l’a m en a dev an t une taverne d’apparence borgne, du q u a rtie r de Covent-Garden.

Cette salle enfumée servait cle lieu de réunion à des écrivains, des peintres, des sculpteurs, des musiciens, des m aîtres de danse et des acteurs, tous connus et quelques-uns célèbres. L ’hôtelier voulut servir lui- m êm e cette jolie cliente, sans aucun doute égarée clans un pareil milieu. A d ro ite m e n t il s ’en q u it: E m m a répondit q u ’elle cherchait une place: de suite le b o n ­ hom m e rip o sta p a r l'offre de d e m e u r e r chez lui com m e bonne de service. Ce qui fut accepté.

Visiblement, la fortune obéissait à tous les désirs d ’E m m a Lyon. Il m an q u a it seulem ent à cette b eau té parfaite ce vernis d ’une brillante éducation que l’élite des artistes anglais allait s’e m p r e s s e r cle lui donner.

En se jo u a n t, elle a p p re n d ra it la m u siq u e, le chant, le dessin et la d an se; leçons qu’une fortune princière a u ra it seule pu payer. Ah! quelle belle année d’exis­

tence ! Tous les artistes ayant bien vite re m a rq u é la grande intelligence de la je u n e fille, ne voulurent voir en elle q u ’une adorable cam arad e. L a j o u rn é e , com ­ m encée à midi, finissait à quatre h eu res du matin.

Parfois, E m m a succom bait à la fatigue, mais elle n ’eût

p as changé son bon n et de r u b a n s contre la couronne

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d ’une reine. Cette agréable vie de bohèm e d u ra un an.

Hélas! fatalement il devait a rriver ce que les bio­

grap h es anglais nous content avec des larm es. V rai­

m e n t leu r attitude est singulière : pleurent-ils la chute d ’un ange ou d’une fülc de taverne? « Il fallait,—-nous

» citons te x tu e lle m e n t— , que son c œ u r devînt la

» victime de lui-même, et que le prem ier pas dans la

» carrière du vice fût pallié p a r elle sous la conscience

» flatteuse d ’un acte de générosité. E m m a d em eu ra

» pu re et v ertueuse j u s q u ’à dix-neuf ans. » En bon français, ce p ath o s v eu t dire q u ’un je u n e Gallois, p a ­ re n t d’E m m a, venait d ’être pressé su r les quais de la T am ise p a r l’équipage d ’un navire de g uerre. L a je u n e fille se rendit à b ord du vaisseau, et se précipitant aux pieds du capitaine J o h n W ille t Pay n e, elle solli­

cita la liberté de son cousin.

Elle l’obtint sur-le-cbamp, m ais à quel prix?

L ’anecdote est touchante, m ais l’histoire est plus simple. P a r m i les hab itu és de la taverne figurait le capitaine W illet P a y n e ; E m m a j e t a les yeux s u r ce candide m arin qui revenait d ’une croisière, couvert de gloire et chargé de guinées.

D’une existence m isérable, E m m a p a s s a sans t r a n ­

sition à la vie d ’opulence. E ntourée de luxe et de bien-

être, elle p u t dépouiller ce q u ’elle avait de bas, se

plier et se façonner aux gran d es m anières. Elle eut

m aison m o n té e ; et, deux fois la semaine, elle r é u n is ­

sait ses anciens amis les artistes. Le généreux m arin,

d é p e n sa n t sans com pter, m an g ea, en quelques mois,

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ses p a rts de prises. II prévinL sa m aîtresse q u ’elle n ’avait plus rien à a tten d re de lui, m ais, en vrai g e n ­ tleman, il la conlia aux bons soins de sir Harrv F e a th e rs to n a u g h , son intime. Le choix était heureux;

de tous les soupirants, c’était le préféré.

S ir H a rry em m en a sa conquête à U p - P a r k , superbe c hâteau du Sussex. Les châtelains du comté la trai­

tè rent comme une reine, on p ro d ig u a n t, en son h o n ­ neur, les fêtes et les chasses, m algré l’opposition des dam es, qui ne voulaient ni la recevoir, ni être reçues à U p -P ark . E m m a tenait si bien le b a ro n n e t q u ’elle oublia touLo p r u d e n c e ; elle ne put s ’em pêcher d 'a n ­ n oncer p a rto u t son m ariage prochain. L a famille de sir H a r r y s’en é m u t; des re m o n tra n c es inefficaces, elle en vint aux m enaces. Le p auvre am oureux, d’in ­ telligence m édiocre, dominé p a r la sirène, voulait s’enfuir en Fran ce ; m ais E m m a no consentait pas à le suivre, p e rsu a d é e que son am an t b ra v e ra it to u t plutôt que de ren o n cer à elle. G rande était son erreur.

L a n a tu re molle et indécise de sir H a rry se refusait à p re n d re une déterm ination aussi énergique. 11 partit, p r o m e tta n t de r a p p o r te r bientôt l’a ssen tim en t de sa famille. Les j o u r s s ’écoulèrent; les lettres devenaient plus fro id es: elle bouda, il n ’en tint com pte; elle se plaignit, il reçu t sans s’ém ouvoir ses plaintes. Alors, lançant son va-tout, elle m enaça de ro m p re : sir H a rry la prév in t en ne re p a ra issa n t plus.

Elle revint à L o n d res e sp é ra n t trouver au théâtre le

moyen de g a g n e r sa vie. U ne prem ière dém arche

n ’ayant point abouti, elle n’osa pas la renouveler. P a u -

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v r e m c n t installée d ans une cham bre garnie, peu à peu elle vendit p o u r vivre sa g ard e-ro b e et ses bijoux.

B ientôt le propriétaire ne recevant plus son loyer, la m it à la porte.

L aissons dans l’oubli les quelques mois qui s’écou­

lèrent entre la chute d ’E m m a s u r le pavé de L o n d re s et sa rencontre avec l’em pirique Graham .

' ¥ ¥

M a ître en tan t de choses, le x v i n e siècle est encore le m aître en charlatans. Saint-Germain, Cagliostro, Casanova, M esm er, G rah am et tu tti quanti de moindre volée.

En 1780, L ondres p o ssé d a it un de ces aventuriers de haut-vol, le d octeur Graham , l’inventeur de la Mé- galantropogénésie, (affreux m o t tiré du grec, d e ...

g ra n d ... h o m m e génération.)

H eureux époux! — disait le manifeste du charla-

» tan, — suivez mon régim e, le régim e de la déesse

>! Hygée, et vous pourrez pro créer de beaux enfants,

» des enfants d’esprit, de talent, de génie. »

L e s curieux et les b lasés venaient en foule écouter les discours du d o cteu r s u r « la transm ission de la vie », et exam iner le fameux lit élastique, appelé lit d'Apollon L

U n soir, il avait rencontré E m m a L yon s u r le tro t-

1. C o lle tta . — Storia delreame di Napoli. — Mémoires de lady

Hamilton. — (Londres 1815. — P a ris 1816) — Vie de Nelson p ar

Forgues (note do la page 72 s u r la jeunesse d ’Em m a Lyon.)

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toir cle L ondres. M algré ses haillons, la je u n e fille frappa son attention. L ’intéressé coquin co m p rit to u t le p a rti q u ’il p ourrait en tirer; et, la recueillant chez lui, il lui pro d ig u a tous les soins que réclam ait son éta t m isérable. Bientôt les jo u rn a u x annoncèrent que

« le célèbre docteur G raham se proposait de soum et-

» tre au public un exemple vivant, palpable, de l’effi-

» cacité de son régim e. »

L a salle d ’exhibition ne recevait aucun j o u r exté­

r ie u r; des torchères, disposées avec art, r é p a n d a ie n t une douce lueur. Les curieux affluèrent p o u r voir ce fameux lit d’A pollon. S u r une couverture de satin noir, destinée à faire re s s o rtir le ton rose des chairs, rep o ­ sait une femme com plètem ent nue. L es peintres et les sculpteurs se p ressaien t a u to u r de ce modèle a d ­ m irable. Les m a rc h a n d s no pouvaient suffire à la vente des g ravures et des a q u atin tes ; et les riches am ateu rs, dédaignant ces e s ta m p e s com m unes, com­

m a n d a ie n t des tableaux. Le prince de Galles, — depuis Georges IV, le prem ier, do n n a l’exemple, après une visite au sanctuaire de la déesse Ilvgée; il voulut que R om ney, le peintre à la mode, peignît E m m a en Circé, sa baguette de magicienne à la main. Ce t a ­ bleau, qui figura à l’exposition de 1782, excita la curiosité générale. Le prince, de plus en plus épris du modèle, ne s’en tint pas à ce portrait, il désira p o s s é d e r E m m a en Calypso, en N ym phe des bois, en Bacchante, en P ylhonisse m ontée su r un trépied, en Madeleine rep en tan te, enfin en sainte Cécile.

Dès lors, ce fut un engouem ent. Tous les a m a te u rs

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soupirèrent, après un p o rtra it d’Em m a p a r Rom ney. 11 la re p ré se n ta sous toutes les formes et sous to us les costum es, au jo u rd ’hui V énus, dem ain Cléopâtre ou P hryné. L ’expression de sa figure était si mobile, la délicatesse de ses traits si parfaite, q u ’elle leur don­

nait successivem ent tous les caractères. Tous ces por­

traits existent encore p o u r tém oigner que l ’admiration des contem porains n ’eut rien d ’exagéré.

E m m a avait vingt ans, R om ney, quarante-cinq.

J eu n e, alors que son talent p ro m e tta it beaucoup) mais ra p p o rta it fort peu, il s’était épris d ’une je u n e fille sans fortune et l’avait épousée. L e succès venu, R om ney d éserta peu à peu son paisible intérieur. A vingt-cinq ans, il p a rtit et, j u s q u ’à sa m ort, ja m a is il ne daigna se rap p eler q u ’il avait laissé d ans la misère une femme et quatre enfants. Mais ce cœur, bien anglais, avait des trésors de te n d re sse p o u r les m alheureux qui ne p o rtaien t pas son nom : sa c h arité était in épuisable;

il ne pouvait voir souffrir quelqu’un sans s ’attendrir.

Il c ru t de bonne foi q u ’il accomplirait une action m é ­ ritoire en re tira n t la je u n e fille de ce b o u rb ie r d u vice.

La vogue c roissante.du peintre flattait l’amour-pro- pre du modèle, m ais elle profitait su rto u t à la bourse de l’artiste. A ussi R om ney n ’avait-il été p our E m m a que la branche à laquelle s ’accroche le noyé et q u ’il aban d o n n e à peine su r la te rre ferme. Rien de plus fa­

cile, elle n ’avait q u ’à choisir parm i les riches habitués de l’atelier.

Elle eut la main heu reu se. L ’honorable Charles Gre- villc d escendait du gran d W a r w i c k , le faiseur de rois;

\.

(18)

10

L A R E I N E M A R I E - C A R O L T N E DE N A P L E S

11 jo ig n a it à beaucoup d ’esprit une instruction fort étendue. Je u n e encore, — trente ans à peine, — il oc­

cupait au Foreign-Ofîce une haute et lu crative s itu a ­ tion.

C ’est à cette époque q u ’elle renonça au nom de Lyon p o u r p re n d re celui de Harte. Elle appela au p rès d ’elle sa m ère qui, désorm ais, se changea en m istress Cado- gan. Cette m ère, —■ vraie m ère de comédie, — no quitta plus sa fille et la suivit à L o n d re s, à Naples et en Sicile.

En 1789, le contre-coup de la Révolution française ren v ersa le m inistère anglais, et Greville p e rd it to us ses gros traitem ents. Restait une fortune personnelle la rg e m e n t entam ée, qui ne pouvait suffire au train princier du faux m énage. E m m a conseilla à Greville de s ’a d re s s e r à sono n .d e, vieux garçon fort riche, qui certainem ent ne laisserait pas son héritier d ans l’e m ­ b a r r a s . Elle ré p o n d ait du succès, et Greville consentit.

Le lendem ain, E m m a H arte se faisait a n n o n cer chez sir W illiam Hamilton, l’oncle à héritage.

* ¥

S ir W illia m Hamilton, chevalier de l’Ordre du Bain, a m b a s s a d e u r do S. M. Britannique près la cour des Deux-Siciles, était à cette époque en congé à L ondres.

D’une capacité médiocre, d ’une m oralité fort équivo­

que, il était arrivé aux h o n n eu rs grâce à sa situation

de frère do lait du roi ré g n a n t Georges III. Depuis

vingt-six ans q u ’il résidait à Naples, il s ’était presq u e

(19)

dénationalisé, la r a id e u r britannique avait cédé devant le laisser-aller napolitain. P h é n o m è n e assez ra re chez l’Anglais qui, dût-il en crever, no renonce ja m a is en pays étra n g e rs à ses h ab itu d e s eL à sa cuisine.

C ourtisan a ssid u du roi de Naples, F e rd in a n d IV, il était devenu son inséparable compagnon de chasse.

D u ra n l des mois entiers, ces deux amis se sauvaient on Calabre. E t là, égalité parfaite, plus de roi, plus d ’a m b a s s a d e u r ; deux braconniers infatigables, to u ­ j o u r s p rê ts à faire s a u te r le gibier et le reste.

Au total, chasses plus productives p our l ’am b a ssa ­ d e u r que p o u r le roi, car, ja m a is l’Anglais ne revenait san s avoir obtenu l’autorisation de fo u rra g e r à l’aise les tré s o rs exhum és, j o u r p a r jo u r, à Pom péï. Il p r o ­ fita d ’un congé p o u r p ro p o se r au P a r le m e n t l’achat d ’une partie de ses collections. L es députés ne m on­

trè re n t aucun enthousiasm e, cependant ils votèrent sept mille livres sterling « comme d éd o m m a g e m e n t de ses peines et dépenses. » L ’A ngleterre comblée, sir W illiam songea à la P r u s s e . L a comtesse de L ich ten au , m aîtresse du roi Fréd éric Guillaume, trans- m i t l a proposition. M ais la P ru s s e n ’est p as généreuse,

— et c’est là son m oindre défaut, — elle m a rc h a n d a , finalement elle refusa 1.

1. On connaît deux ouvrages de sir W illiam . Le prem ier in ­ titulé : Antiquités Etrusques, Grecques et Romaines (Londres 1166-67), rem plit plusieurs in-folios avec de fort belles gravures.

Le second : Campi Flegrei, ou Des Volcans des Deux-Sicilcs,

(Londres 177G-79) ne lui appartient que p a r la signature. Un

moine sicilien, pauvre autour fam élique, est le véritable autour

de ce grand ouvrage.

(20)

L ’a m b a s s a d e u r n ’avait j a m a is songé au m ariage. Il savait que son neveu avait une m aîtresse, mais il ne s’en était point au tre m e n t inquiété. Ce nom d ’E m m a H arte, sous lequel elle se fit annoncer, ne lui rappelait aucun souvenir.

E m m a approchait de la tren tain e. S a figure toujours belle avait victorieusem ent supporté les diverses étapes de son a ventureuse vie. Chose plus grave, elle avait engraissé : Diane c h asseresse changée en V énus Cal- lipyge. C ependant, m algré tout, elle était encore ir r é ­ sistible. Le vieillard p erd it la tête.

Qu’on n ous dispense du détail de la négociation hon- èuse qui s’engagea entre ces deux êtres, si bien r é u ­ nis p a r le h a s a rd . Charles Greville en fut-il la victime ou le complice? P eu im porte. Le résultat seul est inté­

r e s s a n t p o u r l’histoire. Au dem eu ran t, tous les trois e u re n t lieu d ’être satisfaits : Greville en se d é b a r r a s ­ s a n t d’une lourde chaîne et de toutes ses dettes, Ha- milton en achetant p o u r quelques milliers de livres sterling la plus belle c réatu re de L ondres, E m m a H arte en dev en an t enfin une vraie lady.

L e 6 avril 1791, à l’église Saint-Georges, sir W i l ­

liam épousait E m m a Lyon-H arte. Le m arié avait

soixante-huit ans et la m ariée, trente. G rand scandale

dans la haute société : le roi qui ne savait la chose

q u ’en projet, d e m a n d a à son frère de lait si le bruit

qui courait était exact, en ajo u ta n t que, q u a n t à lui,

il n ’y croyait pas. Mais le vieil a m oureux répondit l e s ­

tem en t : « N ’en déplaise à Votre M ajesté, l’affaire est

conclue depuis ce m atin. »

(21)

E m m a L yo n -H arte, devenue légalement lady Ham il­

ton, en tre aveo ce n o m dans l ’histoire, et nous ne la d é sig n e ro n s plus autrem en t. Elle ne voulut point q u it­

te r l’A ngleterre sans avoir revu une dernière fois R o m ­ ney. L ’artiste se m o u ra it de l’abandon d ’E m m a . P e n ­ d an t des mois, il se renferm ait dans son atelier sans voir personne, ni to ucher un pinceau. Un m atin qu’il rêvait, il vit e n tre r sir W . Hamilton, acco m p ag n an t une dam e, habillée en esclave du harem . E m m a v o u ­ lu t p o ser dans ce costum e ; on prit jo u r p o u r les s é a n ­ ces. Sir W illiam s’excusa de ne pouvoir accom pagner sa fem m e, il était to u t à ses préparatifs de d ép art.

A cette époque, R o m n ey écrivait à un de ses amis :

« Dès a u jo u rd ’hui et j u s q u ’à la fin de l’été, m on te m ps ne sera plus à moi, désirant l ’em ployer tout entier à copier les beautés sans nom bre que m ’ofTrent le visage et les formes de cette femme divine. Je ne sais aucune au tre épithèLe qui soit digne d’elle, tan t elle est s u p é ­ rie ure au reste de son sexe. Deux de ses portraits sont destinés au prince de Galles. Son d é p a rt n ’a u r a lieu q u ’au mois de septem bre. Vous voyez bien q u ’il me serait im possible de q u itte r L o n d re s avant elle. »

Le 7 ju illet, il écrivait au même ami, — qui, depuis a publié la biographie de R om ney : « J e me consacre entièrem ent à cette charm ante personne. Il y a a p p a ­ rence q u ’elle va faire une absence de quelques sem ai­

nes avec sir W illiam . Ici ils sont trop e m b a rra s s é s

p a r la foule qui les suit p artout. En vérité, si elle avait

de la vanité, la tôlelui tournerait. » Citons encore une

dernière lettre de R o m n ey p o u r m o n tre r l ’effet irré-

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sislible que cette femme pro d u isait s u r tous. « Je v o u s ai quitté la dernière fois p o u r aller dîner chez sir W illia m . Dans la soirée, plusieurs personnes du m eilleur ton vin ren t p ren d re le thé. M ilady consentit à chanter. Elle j o u a a u s s ila p a n to m im e comique et sé­

rieuse. Il est im possible de dire à quel point elle e n ­ leva l ’adm iration, tant p a r son c h an t que p a r son jeu . Mais sa N ina dépasse encore to u t ce que j ’ai vu, et j ’ajoute tout ce que le m onde p e u t avoir ja m a is vu.

T o u s les spectateurs fondirent en larm es, je devrais dire p o u s s è re n t des sanglots. Quelle simplicité ! quelle g ra n d e u r ! Sublime, path étiq u e, terrible ! On ne r a s ­ sem bla ja m a is ta n t de parties diverses de l’art dans un tel degré d ’excellence. Galliani lui a offert deux mille louis p our une saison et doux soirées de b é n é ­ fice, si elle voulait s’eng ag er avec lui, mais elle est en­

gagée p o u r la vie avec sir William Hamilton et cela v a u t beaucoup mieux. »

Tel était l ’engouem ent insensé du public p o u r cette déclassée ! Sa b asse extraction, sa vio désordonnée, on oubliait tout cola, m ieux encore, on le niait! On s’em p ressait s u r ses pas, 011 a tten dait devant sa porte q u ’elle m o n tât en voiture ; les jo u r n a u x étaient e n ­ com brés de ses faits et gestes et de ses traits d ’esprit.

Cela, du reste, n ’a guère varié de nos jo u r s . Pascal faisait cas d’un livre s u r son titre seulem ent : « D ell’

opinione, la regina del mondo. » La reine de l’opinion,

en 179.1, à L o n d re s, était une courtisane éhontée

H e u re u se m e n t que l’opinion est femme, j e veux dire

changeante. L a d y Hamilton le comprit, et c’est avec

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plaisir q u ’elle entendit sonner l’heu re du départ. Rom- ney dut se r é s ig n e r ; ils se dirent un d ernier adieu.

L ’artiste ne survécut p as à la séparation.

Au mois d ’octobre 1791, sir W illiam Hamillon et

lady Hamillon débarq u aien t à Naples.

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LÀ COU R DE N A PL ES EN

1791

M inorité de F erdinand IV. — Le Roi des lazzaroni. — Son ma­

riage avec l’archiduchesse M arie-Caroline. — Aeton et la reine. — N aples en 1791.

En 1759, à la m o rt do F e rd in a n d V I, roi d ’Espagno, l’ordre de succession appelait au trône Charles B o u r­

bon, roi de Naplos. L es traités e u ro p é e n s ayant décidé que les deux m onarchies devraient to u jo u rs re s te r di­

visées, Charles 111, av an t de s ’e m b a rq u e r p o u r l’E s­

pagne, d u t ren o n cer au trône des Beux-Siciles et r é ­ gler l’o rdre de succession des doux couronnes. P h i ­ lippe, l’aîné do ses tils, âgé de treize ans, était dans un état d ’imbécillité constatée. Le roi désigna comme prince héritier d ’Espagne son second lils Charles A n ­ toine, et comme roi des Deux-Siciles, son troisième fils F erd in an d .

Il fallut ém anciper cet enfant de huit ans, instituer

un conseil de régence p o u r atten d re que lo souverain

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eût seize ans accomplis. Le nouveau roi p ril le Litre de F erd in an d IV, roi des Deux-Siciles et do J é r u s a ­ lem.

Son gouverneur, le prince de San-Nica'ndro, h o n ­ nête ho m m e mais d’une incapacité complète, ne s’in­

quiéta ja m a is que de la santé de son élève. 11 cultiva en lui sa passion p o u r les exercices violents, en r e s ­ pectan t toujours son antipathie naturelle, p o u r l’étude.

Ja m a is, d u ra n t sa minorité, F e rd in a n d ne daig n a o u ­ v rir un livre, ou tracer une ligne ; l o rs q u ’il devint roi, pour s ’éviter l’ennui de d onner sa sig n atu re au bas des actes officiels, il la faisait ap p o ser en sa présence avec une griffé.

F e rd in a n d était donc un B o urbon d ’Espagne. Cette origine explique bien des choses. Tous ces Bourbons furent des bigots m aniaques, serfs do l’Inquisition : un mélange de corruption italienne et de férocité e s­

pagnole. F e rd in a n d était né b aro q u e, a im a n t les jeu x burlesques du bas peuple, les farces épicées des b a la ­ dins de foire. En gran d issan t, il devint un robuste j e u n e hom m e, dont l’unique occupation consistait à d r e s s e r des chevaux, à pêch er et su rto u t à chasser.

S a m ajorité ne changea rien à ce genre de vie. Ses goûts grossiers, son langage, ses habitudes en faisaient un parfait lazzarone. Il n’était pas le roi des Deux-Si­

ciles, m ais le roi des lazzaroni napolitains. 11 ne con­

n aissait q u ’eux, p a rta g e a n t leurs a m u s e m e n ts , d a n ­

sa n t la tarentelle et tirant leurs filets. Aussi l’adoraient-

ils, mais avec une teinte do m épris, sans lui ép a rg n e r

les d éd ain s et les quolibets. Son gran d nez à la B o u r­

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bon excitait su rto u t leurs rires ; ils l ’avaient surnom m é Nazone *.

Plus tard, d é jà m arié et père de famille, dans un m isérable ca b a re t du camp des soldats à Portici, cos­

tum é en aubergiste, il vendait à b as prix du vin et des rations, p e n d a n t que les g ra n d s officiers do sa m aison servaient comme garçons. Un autre jo u r, j o u a n t au ballon, il avisa un je u n e abbé m aigre et chétif; avec trois ro b u stes jo u e u r s il s ’a p p ro ch a de l'innocen^

spectateur, et b ru s q u e m e n t ils le b e rn è re n t s u r une couverture, à la g ra n d e jo ie des courtisans et d’une plèbe imbécile. L e je u c e s s a ; la victime ne donnait plus signe de vie. L ’abbé se sauva le lendem ain à R om e p our y m o u rir quelques j o u r s plus tard. C’était un noble florentin, l’abbé Mazzinghi. A ussi le grand- duc de Toscane se plaignit-il vivem ent à la cour de Naples, et en écrivit m êm e au roi d ’E s p a g n e . Peine bien inutile : au tan t d e m a n d e r au bou rreau de se p u ­ nir lui-même.

P lu sieu rs fois p a r an, lo rsque les lacs de P a tr ia et de F u s a ro avaient été péchés, le roi, comme p ro p rié ­ taire, ven d ait lui-même le poisson, serv an t les p r a ti­

ques au détail.

E n ré su m é , on peut appliquer à F e rd in a n d IV le p o rtr a it d’Henri 111 : — « Il tenait bien plus du Scapin

» que du Borgia, avec beaucoup d’esprit, des mouve-

» m ents très bas, un violent farceur dans un capucin

» d ’Italie. »

1. C o lle tta — Storia cli Napoli. — Fougues. Vie de Nelson.

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En 17G8, les m inistres du j e u n e roi tra itè re n t son m ariage avec l’archiduchesse M aric-Jo sèp h e d ’A u ­ triche. T o u t était prêt, les p résen ts do noce et les p r é ­ paratifs des fêtes, lorsqu’un courrier apporta la n o u ­ velle de sa m ort. L ’Autriche, qui désirait a rd e m m e n t ce m ariage, p roposa Marie-Caroline, s œ u r de la d é ­ funte, qui lut acceptée.

L ’impératrice-reine d ’Autriche, M a rie -T h é rèse , n ’a­

vait laissé q u ’un rôle dans l’E ta t à l’e m p e re u r F r a n ­ çois, celui de m ari. P a r exemple, il le rem plit en con­

science; de 1745à 1765, M arie-Thérèse m it au m onde seize enfants. Tous de n a tu re discordante, victimes du sang vicié de la m aison d ’A utriche L J o s e p h It n ’eut p as l ’esp rit très sain. Léopold 11 ne ré g n a que deux ans ; il se tua de débauches. Ses fantaisies liber­

tines laissent bien loin to u t ce que l’on a conté su r Louis X V et le Parc-aux-Cerfs. L a mieux équilibrée fut encore M arie-A ntoinettc ; et cependant, contenue et gracieuse à son ordinaire, clic p ren ait parfois, p o u r le m oindre motif, des colères si terribles q u ’elles r e s ­ sem blaient à des accès de folie 2. Cette étude nous m o n ­ tr e r a ce q u ’était Marie-Caroline, la fiancée du roi de Naples.

Au mois d ’avril 1768, elle arriva à Porlclla, où l’a t­

te n d ait son futur époux. L e s deux je u n e s m ariés p a s ­ sèrent leur lune do miel au château de Caserte. L a reine n ’avait point encore seize ans accomplis ; elle était belle, m ais d’une b e a u té brutale et sensuelle.

1. Michelet,

Histoire de France.

2. Id.

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L a m ém oire de M arie-Caroliné a été souvent at­

ta quée, ra r e m e n t défendue. Encore ses défenseurs ont-ils fait la p a r t du feu, en ab an d o n n a n t la femme p our sauver la reine. Soit : il est toujours douloureux d ’a tta q u e r une femme, et quand la défense est im pos­

sible, mieux v au t se taire. Mais, du moins, ont-ils re ­ levé la m ém oire de la reine ? Nous donnent-ils le v ra i en la rep ré se n ta n t comme « douée d ’un esprit s u ­ p érieur, très habile .à gouverner, p ersé v é ra n te et cou­

rag eu se ? » Les docum ents nouveaux, et principale­

m en t sa correspondance avec lady Hamilton m on tren t ce q u ’il faut p re n d re de cette appréciation. En fait, la p lu p a rt des historiens confondent dans un même j u g e m e n t et la femme et la reine. Etait-il possible de les s é p a re r ? Chez Marie-Caroline, l’entraînem ent irrésistible p o u r le plaisir se jo ig n it toujours à la pas­

sion de gouverner, et de là, une double dépravation des intrigues et des m œ u rs, des affaires et de la ga­

lanterie. Tous ces historiens n ’ont à son s u jet ni dis­

cussions, ni conti'overses, tous concluent d’un m ot : Messaline.

« Elle fut un m onstre de lubricité. » — Qui donc est assez h a u t p o u r oser m a r q u e r une Reine d un tel ter rouge ? — Michelet.

Et le M aître ajoute : « Que les incrédules qui crient

» à l’exagération, r e g a rd e n t le buste en m a rb re du

» Palais-R oyal. C ’est la figure m êm e du vice. S u r

» cette tête sensuelle et basse, bouffie de passions

» furieuses et de luxure effrénée, on p eu t h ard im e n t

» j u r e r que l ’histoire n ’a pas menti. »

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— « F e m m e sans m œ u r s , q u ’on a p u soupçonner

» de tous les excès, une sorte de M essaline, à qui,

» j u s q u ’à p r é s e n t é e s Ju v én al ont m anqué. » — Est-ce un ennemi qui écrit cela? Non certes. On ne s a u ra it taxer d ’e sp rit républicain les ju g e m e n ts de F o rg u e s , l ’a u te u r de la Vie de Nelson.

Napoléon, d a n s sa correspondance, ne lui m énage a u cu n e in ju re, il va j u s q u ’à l’appeler Frédégonde.

Les historiens italiens, qui ont traité la Révolution de Naples, sont encore plus sévères.

Marie-Caroline arrivait bien décidée à m ettre en p ra tiq u e les conseils de sa m è re , l’astucieuse M arie- T h é rè se : « p a r tous les m oyens possibles s ’e m p a­

r e r de l’esprit et du c œ u r du roi », — en term es craS) _ avoir u n enfant p o u r g o u v ern er les Deux- Siciles comme une annexe do l’A utriche. C était un systèm e chez M arie-T h érèse ; le recueil de ses lettres à sa fille M arie-A ntoinette nous le révèle d ans ses d é ­ tails les plus intimes. On y voit q u ’elle fit de sa fille l'in s tru m e n t de sa politique. Elle g é m it à chaque lettre de ne p a s la savoir enceinte. Elle n ’ose écrire to u t h

Marie-Caroline était n a tu rellem en t am bitieuse ;

m a i s

l’ambition e s t u n vice ou une vertu, su iv an t le

b u t q u ’elle pou rsu it, le bien ou le m al qu elle p r o ­ duit. L a prévoyante cour d ’A utriche avait fait sti­

puler d ans le contrat de m ariag e q ue la future aurait droit à l'entrée et au vole dans le Conseil d E ta t, aussi­

tôt qu'elle aurait donné un héritier au trône. La j e u n e

1. M ichelbt, Histoire de France.

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reine accoucha cl’un (ils, et conform ém ent aux ins­

tructions de sa m ère, elle réclam a ce privilège.

L e roi voulait y faire droit, mais le m arquis T a- nucci qui sag em en t dirigeait le conseil depuis q u a ­ rante trois ans, avait bien vite j u g é la princesse a u ­ trichienne et son esprit d’intrigues. Il exposa à F er­

d inand le .danger q u ’il y a u ra it à livrer à la m aison d ’A utriche les secrets d ’E tat de la m aison de B o u r­

bon. Acte courageux, car le m inistre ne pouvait igno­

re r q u ’entre les rem ontrances d ’un vieillard et les sup­

plications caressan tes d ’une je u n e femme de dix- sept ans, un roi du m êm e âge n ’h ésiterait point.

Marie-Caroline obtint l'entrée du conseil et le m a r ­ quis Tanucci, accusé de libéralism e, fut disgracié (1777). En réalité, il gouvernait le ro y au m e depuis un demi-siècle. Il m o u ru t pauvre, m ais en qu ittan t le pouvoir, il avait laissé la nation he u re u se et le tré­

s o r plein. Pareil éloge no p o u rrait s ’a d re s s e r à ceux qui le rem placèrent.

Cette ingratitude d ’un roi, aussi incapable de haine vigoureuse que de forte amitié, fit com prendre aux nouveaux m inistres q u ’ils a u raien t tout à crain d re de la reine s ’ils contrecarraien t ses projets, mais aussi tout à espérer, s’ils consentaient à lui obéir sans réserve.

Dès lors, tous se livrèrent à elle.

Le successeur de Tanucci fut le m arq u is délia S am -

buca. Tous les intérêts politiques et com m erciaux

unissaient Naples à la F ra n c e et à l’E spagne ; mais

ces intérêts qui étaient ceux do la nation et mémo du

roi, n ’étaient pas ceux de la reine. Elle voulait de

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nouvelles alliances politiques, capables de la soutenir au pouvoir, au besoin contre le roi lui-même. Naples ne devait pas se ra p p ro c h e r de l ’Autriche, puissance lointaine, dont elle avait tout à craindre et rien à .e s ­ p é re r.F e rd in a n d soum it l’affaire au Conseil. Sam buca, p re m ie r ministre du roi et a m a n t de la reine, se d é ­ clara cependant en faveur de l'E spagne. C’était la li­

gne du bon sens et de la raison; aussi perdit-il les fa­

veurs de la reine, et, peu après, comme c’était inévi­

table, l’amitié du roi.

Com m ent ne pas être frappé de la ressem blance des in térieurs do Naples et de Versailles ? De m êm e que Caroline avait chassé le m inistre patriote Tannucci (1777), de môme M arie-Antoinétte avait po u ssé au renvoi de l’intègre T u rg o t (1776). E t N o c k e r ? re m ­ placé p a r Calonne, puis p a r L o m é n ie de Brienne, p rêtre galantin, antipathique à Louis XVr, mais créaLure de Marie-Anloinette. Chez les doux filles do M arie-Thérôse le b u t était le m êm e, éloigner du pouvoir les m inistres défendant le pacte de fam ille, et les rem placer p a r dos créatures dévouées à l ’A u tri­

che.

Le crédit de S a m b u c a déclina ra p id e m e n t. En 1779 il était encore ministre, m ais il n ’était plus l ’am ant;

son successeur auprès de la reine était le prince do G aram anica qui, sans titre officiel, gouvernait déjà.

Ce fut lui qui p ro p o sa de faire venir, p our c o m m a n ­

d e r la m arine napolitaine, un certain Jo h n Acton, alors

au service du g ra n d duc do Toscane. C’est ainsi

q u ’Acton, arrivé à Naples en 1779, bien accueilli de la

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reine, bien vu du roi, soutenu p a r tous ceux qui sen­

taient sa faveur naissante, devint m inistre de la marine.

Qu'était Jo h n Actori ? Un a venturier né en 1737 à Besançon, de p a re n ts irlandais. Il servit quelques an­

nées dans la m arine française. On ignore les motifs qui le forcèrent à q u itte r b ru s q u e m e n t et le service et la F ra n c e : certainem ent, ce ne fut p as à la suite d ’une action d ’éclat. Il s ’offrit au grand duc de T o s­

cane, s’ingénia dans ses bonnes grâces et devint am i­

ral de la m arine do ce prince, en résidence à L ivourne.

L o r s q u ’il arriva à la cour de Naples, il avait quarante- deux ans, l’abo rd désagréable, peu de savoir, aucun esprit, mais une santé de fer.

S a m b u c a renvoyé, le prince de C aram anica le r e m ­ plaça. M ais déjà son étoile avait pâli. Monté s u r le faîte, sans s’a rrê te r il allait en descendre, p e n d a n t que la fortune p re n a n t Acton su r ses ailes, l’élevait ra p i­

dem en t. D ’abord m inistre de la m arine, puis ministre de la g u e rre ; non content de ce cumul, il prit un troisième m inistère, les Affaires E tran g ères.

C aram anica to m b a en disgrâce : il d u t la isser tou­

tes ses charges et prérogatives à Acton. L ’aventurier avait vaincu. M aître de l’Etat, m aître d u m ari, m aî­

tre de la femme, il allait pouvoir gouverner à sa guise, v e n d re sa patrie d’adoption à l’A ngleterre, pil­

ler le trésor, a ssa ssin e r les patriotes napolitains.

S on règne devait d u r e r vingt-cinq ans. « Acton, a dit un historien, — fut plus h eureux que ses prédéces­

s eurs, non parce q u ’il était plus habile, mais parce

q u ’il était plus scélérat. »

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A peine installé, connaissant bien les affections vo­

lages de sa royale m aîtresse et craig n an t un reto u r de fortune de Caram anica, il obtint son éloignement.

On l’exila comme vice-roi de Sicile, où, peu ap rès, il m o u r u t em poisonné. Is fecit. cui prodest, ont dit u n a n i ­ m em en t les historiens contem porains. Seul le m in is­

tre des finances 'gênait encore Acton : d ’un trait de plum e il s u p p rim a et le ministre et la fonction. Tous les m inistres, c réatu res d ’Acton, furent de simples commis.

Acton avait deux titres à la faveur durable de M arie- Garoline (l’histoire n ’a p as à s ’a r r ê te r s u r le troisième q ue lui a ttrib u e n t les contem p o rain s); p a rm i tous les m inistres, il était le seul d ’origine étrangère, enfin le prem ier, il avait compris q u ’à Naples, la reine était to u t et le roi, rien. Au risq u e d ’en p erd re haleine, sui­

vons-le d ans sa m arch e ascendante.

Am iral à son arrivée, min istre, ensuite p re m ie r mi­

nistre, il se réveilla u n m atin m aréchal de camp dos arm ées du roi. Ses pro u esses m aritim es, consistant su rto u t en des p ro m e n a d e s d a n s le golfe, il voulut bien é changer le titre d’amiral contre celui de capitaine-gé­

néral. T out cela, bien entendu, san s avoir j a m a i s vu le feu. Ne croirait-on p as assister à la re p résen tatio n de l’opérette connue, d ans laquelle un Fritz quelconque, su r un caprice de son au g u ste m aîtresse, est proclamé général en chef? Décoré de tous les ordres du ro y au m e, de tous les cordons de l’é tran g er, gratifié p ar l’Angle­

te rre d u titre de Lord, p o u r services rendus durant son ministère à Naples, sa fortune devint prodigieuse. Mais

2

(34)

une bonne conscience a seule le pouvoir de nous ren d re heureux. J a m a is on no vit rire cet hom m e, si gai alors q u ’il courait l’Europe en a v en tu rier avec son ami C a­

sanova. A joutons que ce m aître absolu de Naples, en réalité n ’était q u ’un pauvre esclave. L e cabinet anglais, co n n aissan t bien le perso n n ag e, l ’avait p oussé et r e ­ c o m m an d é auprès du gran d duc, puis plus ta rd à Na­

ples. M ais à quel prix? Il devait gouverner Naples p o u r le compte de l’A ngleterre, il devait, coûte que coûte, enlever à la France l’influence q u ’elle a u ra it pu p r e n d re p a r M arie-A ntoinette s u r sa s œ u r Marie-Ca­

roline. L a commission plaisait d oublem ent à l’av en tu ­ rie r; elle faisait sa fortune et satisfaisait sa rancune.

Il no faillit p oint à sa lâche. Grâce à lui, la reine ou­

blia l’A utriche et devint tout anglaise, en vouant à la F rance, qui a v a it humilié son Acton, une haine fu­

rieuse, haine féminine que la chute des Bourbons en F ra n c e et le supplice de sa s œ u r ne firent que gonfler.

En vérité Acton et la reine avaient j u r é la perte de ce m alh eu reu x royaum e. Caroline professait le plus profond m épris p o u r tout ce qui était napolitain, —

« peuple vil, infâm e, exécré », voilà les am énités d'u ne s ouveraine envers ceux q u ’elle appelle « le patri­

moine de ses enfants b » Voulait-elle un hom m e « sûr? » elle faisait v enir un é tra n g e r, Acton l’Irlandais, Mack l’Autrichien. Naples se vit inondée d ’aventuriers de tous pays, sans moralité, sans talents qui assaillirent tous les emplois lucratifs. Le mérite, le talent national étaient s y stém atiq u em en t m éprisés : heureux, q u a n d

1. E xpressions tirées d’une lettre que nous citons plus loin.

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ils no furent p as p ersécutés! Un jo u r , F e rd in a n d voulut n o m m e r un Napolitain secrétaire du ministre du com ­ merce, Acton refusa sèchem ent, obligeant ainsi le roi à le n o m m e r directement.

Cette invasion étran g ère s’étendait j u s q u ’à l'arm ée, qui la sup p o rtait im patiem m ent. L ’opposition devint si forte q u ’elle contraignit Acton à re n v o y e r les offi­

ciers étrangers et m êm e les sous-officiers in stru c te u rs, au n o m b re desquels P ie rre Augoreau, le fu tu r m a r é ­ chal de F rance, et Jean-B aptiste Eblé, le héros de la B érésina. Le peuple s’en prit à la reine et à son m in is­

tre, en les associant tous les deux dans u ne com m une exécration. F e rd in a n d IV qui, — nous le v e rro n s plus d ’une fois, — éprouvait un malin plaisir à c o n trecarrer s o u rd e m e n t ses deux insupportables m aîtres, n ’avait p as craint de m anifester h a u te m e n t la m auvaise h u ­ m e u r q u ’il re sse n ta it de cette invasion.

L e m épris e ngendre la haine : Marie-Caroline m é ­ prisait la nation, et la nation la haït. M ais ce m êm e peuple q u ’elle m éprisait devint un co n stan t su jet do p e u r p o u r elle; et plus elle trem blait, plus Acton, qui avait to u t in térêt à se faire croire' in dispensable, la faisait trem bler. Il in stitu a u ne j u n t e d ’E ta t p o u r p our­

suivre ceux qui manifestaient, leurs sym pathies à la Révolution française. T ro is jc u n e s gens — le plus âgé avait vingt ans! — lu re n t exécutés comme c onspira­

te u rs contre la sûreté de l’Etat. L es forts, les prisons

reg o rg eaien t d ’infortunés qui lan g u iren t dos années

sans pouvoir obtenir ni grâce, ni ju g e m e n t, ign o ran t

m êm e le m otif de leu r in carcération!

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Charles III d ’Espagne, com p ren an t que son fils F e r ­ dinand courait à sa perte, lui écrivit une lettre plutôt de père que de souverain, p our lui dévoiler les intri­

gues de la reine et la conduite d ’Acton ; il term inait en le suppliant, p our son h o n n e u r et p our le bien de ses peuples, de c h asser non seulem ent du ministère, mais encore du royaum e cet indigne a venturier L Sage et paternel conseil qui ne fut point entendu. Bien mieux, Marie-Caroline, comme réponse, précipita un p ro jet de famille qu’elle c aressait depuis longtem ps et qui p ro v o q u a la ru p tu re définitive dos trois b ranches de Bourbon. Elle m a ria deux de ses filles avec les archi­

ducs François et F erd in a n d , fils de son frère Léopold II, et elle fiança le prince h éritier François de N aples, âgé de douze ans, avec l’archiduchesse M aric-Christine.

Le roi et la reine de Naples se rendirent à Vienne à cette occasion. M algré le désir do F e rd in a n d de r e ­ tro u v e r au plus vite ses chasses, M arie-Caroline ne voulut p as q u ’il r e n trâ t à Naples, sans avoir assisté officiellement avec elle aux conférences de Pavio et de Pilnitz, qui décidaient du d é m e m b re m e n t de la France.

Cette te rre u r haineuse contre les idées nouvelles de la F ra n c e était-elle ju stifiée p a r l ’attitude du peuple napolitain? — Nullement. Les provinces ignorantes et fanatiques ne connaissaient que le p rêtre et l’homme du roi. A Naples même, ra re s étaient ceux qui com­

prenaient la Révolution française, plus rares encore ceux qui l’approuvaient. La h au te aristocratie, les sa-

1 . C o U . l i T T A .

(37)

vants, les écrivains, les artistes rêvaient un c h an g e­

m e n t sans oser l’espérer. Ils savaient q u ’une révolu­

tion ne pouvait ab o u tir avec un peuple abruti, illettré, fier de son abjection, et, comme la bête, ne criant que lo rsque la faim le tenait aux entrailles. Or, les be­

soins des Napolitains sont bien différents de ceux des F rançais. Le soleil, et non le travail, n ourrit l’heureux m éridional; avec le soleil, tout ce qui e st indispensable à la vie de l'hom m e du Nord p e u t être supprim é. Ni pain, ni viande, ni combustible ; des pâtes alimentaires et des fruits, le même vêtem ent toute l’année, et sur­

to u t une sobriété égale à sa paresse. Quant à la b o u r­

geoisie, la gran d e m ajorité avait désapprouvé les th éories de la Révolution. L ’école des sciences morales et politiques à Naples professait d ’autres principes.

T o u s ses m em b res, la tête remplie des idées de Mac- chiavel, de Gravina, de Yico, ne pouvaient b ru s q u e ­ m e n t ab a n d o n n e r le rêve si longtem ps caressé de la m onarchie constitutionnelle. Le m êm e sentim ent ne persiste-t-il pas encore a u jo u r d ’hui chez les esprits les plus éclairés de l’Italie contem poraine? En Fran ce m êm e, les hom m es politiques de 89 quittaient à regret ces théories de M o ntesquieu si chères à le ur esprit.

Telle était la situation de Naples en 1791, au m om ent

de la rentrée de Ferd in an d IV et de M arie-Caroline et

de l'arrivée de l’a m b a s s a d e u r d’A ngleterre et de lady

Hamilton.

(38)

LADY H A M I L T O N — M A R I E - C A R O L I N E — NELSON

Présentation de lady H a m ilto n à la Reine. —Intim ité des deux femmes. — Prem iers billets de la correspondance.— L ’escadre française devant Naples. — -Effroi de la Cour. — Vengeance de la Reine. — T raité secret avec l’A ngleterre. — P rise de Toulon. — N elson à Naples.

A peine de re to u r à Naples, M arie-Caroline fut sollicitée p o u r la présen tatio n à la cour de la nouvelle am bassadrice d ’A ngleterre. L a dem an d e était déli­

cate ; la reine d ’A ngleterre a y a n t ab so lu m en t refusé

de recevoir lady Hamilton : or, la cour de Naples ne

voulait a d m ettre que les é tra n g e rs reçus dans celle de

le u r p ro p re pays. Le m inistre P itt se chargea de lever

l'obstacle : Acton la ferait présen ter. 11 est certain que

l’alliance des Deux-Siciles avec l ’A ngleterre ne p o u ­

vait se décider, et su rto u t se m aintenir, que grâce à

l ’intimité de lady H amilton avec Marie-Caroline et p a r

son espionnage. En échange de l’appui de P itt, l’a m ­

b assad rice devint son esp io n ; de 92 à 1800, elle livra

(39)

à l’A ngleterre tous les secrets de l ’Italie, parfois ceux de l’E sp ag n e. Elle eut p a r là s u r nos affaires la plus sinistre influence ’.

Dès la pre m iè re audience, Caroline fut m o rd u e au c œ u r et se d o n n a à elle 2. Nulle c om paraison entre l’affection passionnée de Marie-Antoinette p o u r m e s ­

dam es de Lamballe et de Polignac, avec la passion scandaleuse de sa s œ u r Marie-Caroline p o u r lady Hamilton. Non, nulle com paraison, m algré les p a m ­ phlets em poisonnés des libellistes du comte de P r o ­ vence contre sa belle-sœur. Marie-Caroline afficha sa nouvelle conquête avec un cynisme incroyable. E m m a régna, sans conteste, s u r l’Etat, la reine, la cham bre à coucher, le lit royal. T o u t pliait à ses o rdres 3.

P e n d a n t que les d e u x m aris usés, inutiles, se livrent à leurs goûts innocents, que F e rd in a n d tire les filets

1 . P a l u m b o . — Maria Carolina, etc. N apoli 1 8 7 7 . — Mi c h e l e t.

Révolution fr.

2 . Mi c h e l e t. — Co l l e t t a. — Pa l u m b o, e t c . , e t c .

3.

Mi c h e l e t. (Révol. Fr.)—Cotte accusation si claire, si précise,

a-t-elle été avancée à la légère par le grand historien ? — Non, tous les contem porains sont unanim es. N ous écartons les libellistes, nous parlons d e c riv a in s comme Y. Coco, illustre jurisconsulte, Lomonaco, et su rto u t Colletta, qui, avant de composer le chef-d’œ uvre de la Storia di Napoli, avait été un savant général et un intègre m inistre de la guerre. Voici son texte même : au lecteur de traduire ces deux phrases à la Tacite :

« N ella reggia, nei teatri, al publico passeggio Em m a

« sedeva al fianco délia regina; e spesso, ne’penetrali délia

« casa, la mensa, il bagno, il letto si godevan comuni.

« Em m a era bellezza per tutte le lascivie. »

( C o l l e t t a . — Storia di Napoli. —L i v r e V.)

(40)

avec ses amis les lazzàroni, que sir W illiam d é te rre rns trésors de P om péï, la cour est le théâtre de fêtes continuelles. E m m a en est l’ordonnatrice s u p r ê m e ; elle com m ande, et tous obéissent, m êm e Acton, qui doit ro n g e r son frein. Elle invente des m a sc a ra d es nouvelles, elle compose des tableaux v ivants. De son ancien m étier de modèle, elle avait conservé une h a ­ bileté merveilleuse à se d ra p e r avec une pièce d’étoffe,

— m ousseline ou cachem ire; elle ap p araissait à v o ­ lonté en Juive, en M a tro n e rom aine, en Hélène, en Pénélope, en Aspasie. Elle im itait en perfection les ba y a d è re s de l’H indoustan et les aimées d ’Egypte.

M ais son triom phe était la célèbre Danse du Shall, si im parfaitem ent re n d u e depuis p a r celles qui c h e r­

chèrent à l ’imiter.

D ès la p rem ière année, une correspondance intime, jo u rn a liè re , s’établit entre M arie-Caroline et E m m a.

Nelson le dit formellement dans une le ttre à lord Saint-Vincent. Les deux amies se voyaient c ependant tous les jo u r s , m ais la reine eut toute sa vie la m anie épistolaire. Elle fut « u n scribe » in fa tig a b le ,q u e rien ne pouvait arrêter, ni les fêtes, ni la m aladie; sa plum e courait tou jo u rs, sans souci de l’o rthographe et de la syntaxe. F e rd in a n d n ’écrivait ja m a is , (savait- il m êm e signer son n o m ? ) S a femme, p a r contre, q u a ra n te années d u ran t, correspondit avec les agents secrets q u ’elle prom enait, à g ra n d s frais, à travers l’Europe.

Ce n ’est point une souveraine, c’est une amie te ndre

et dévouée qui écrit à une amie de sa condition. Cela

(41)

ne vient pas tout de suite ; souvent les prem iers billets ne p o rte n t aucun en-tête, « M adam e » serait trop froid, trop solennel, « chère milady » trop familier;

dans l’e m b a rra s, la reine ne m et rien. Mais, dès la fin de 94, a p p a ra issa it la « c h è re m ilad y » la « c h è r e E m m a » et, plus tard, la « chère amie ».

Le p re m ie r billet de la correspondance n ’est p as le m oins curieux. Il fut écrit le 7 février 93, j o u r où les souverains de Naples recevaient la nouvelle de l’exé­

cution de le u r beau-frère, L ouis XVI.

Le p re m ie r m o t de la reine est : vengeance, le se­

cond : appel à l’Angleterre.

« M a chère Miledy. — J ’ai été bien touchée d e l ’in-

» t e r e t que vous prenez à l ’éxécrable catastrofe dont

» ce sont souillé les infâmes français. Je vous envoie

» le p o rtra it de cet innocent enfant (le dauphin) qui

» im plore vengeance, secours, ou, s ’il est aussy imolé,

» ces C endres unis à ceux de ces infortunés P a re n s

» crient av an t (devant) l’E ternel p o u r une Eclatante

» Vengeance. Je compte le plus s u r votre généreuse

» Nation p o u r rem plir cet objet et pardonez à mon

» c œ u r déchiré ses sentim ens. Votre attaché am ie.—

» Ch a r l o t t e. »

En m arg e, de la main de lady Hamilton, et en a n ­ glais : (Do la reine de Naples, 9 février 1793, deux jo u rs après q u ’elle eut reçu la nouvelle de l’horrible supplice du roi de F rance, son beau-frère h)

1. P our ne pas fatiguer le lecteur do renvois continuels, nous

signalerons, une fois pour toutes, les volum es qui renferm ent

(42)

L a R épublique française, à peine proclamée, avait envoyé comme a m b a s s a d e u r à Naples, le citoyen M ackau. L a cour des Deux-Siciles avait refusé, et de reconnaître le nouveau g ouvernem ent, et de recevoir son a m b a ssa d e u r. S u r un o rd re de P a ris, le contre- am iral de L a to u c b e , avec quatorze vaisseaux de guerre, p é n é tra dans la baie de N ap les; et, d isp o sa n t sa flotte en ligne de bataille, il j e t a l ’ancre à doux portées de canon. Un peuple im m en se re g a rd a it. Los tro u p es étaient m a ssé e s s u r les quais. F e rd in a n d , tre m b la n t de frayeur, fit d e m a n d e r à l’amiral le motif de son arrivée et le b u t de sa dém o n stratio n . L atouche envoya son u ltim atum p a r un g r e n a d ie r de la R é p u ­ blique. Le roi devait reconnaître la R épublique fran­

çaise, e t recevoir son a m b a s s a d e u r, ou le b o m b a rd e ­ m e n t com m encerait d a n s les deux heures. L a cour eut peur. Ces femmes furieuses, si p ro p re s à la guerre de loin, to m b e n t en faiblesse, l’illustre am iral Acton, si terrible contre la France, n ’est p as rassu ré. F e rd i- les lettres autographes de M arie-Caroline à lady H am ilton.

L orsqu’on vendit aux enchères le m obilier de cette aventurière, le Musée B ritannique acheta cette correspondance. Elle est clas­

sée dans les Autographes de la Bibliothèque du Musée Britanni­

que, volum es 1615, — 1616, — 1618,— 1619,— 1620,— 1621 de la Bib. Eg.

N ous avons respecté l ’orthographe et l’incorrection du style, comme aussi les innom brables lettres m ajuscules qui traduisent, s u r le papier, les émotions et les élans de cœur de la reine.

Nous ajoutons seulement une ponctuation élém entaire; sans cela, le texte serait le plus souvent incom préhensible.— Toutes les lettres sont en français ; les quelques billets en italien se­

ro n t mentionnés. Les lettres françaises sont signées Charlotte,

les lettres italiennes Carolina. P ourquoi ?

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