O R G A N O N 24 : 1988 A U T E U R S ET P R O B L È M E S
Jerzy Burchardt (Pologne)
LA PLA C E D E G U IL L A U M E D E M O E R B E K E
D A N S LA C O SM O LO G IE M É D IÉ V A L E
ET SES R E L A T IO N S AVEC W ITELO
Arrivé au terme de ses études de d roit canon, faites à Padoue,W itelo écrivit une
lettre à m aître Louis, curé de Lewenberch (Lwówek Śląski, en Pologne), dans
laquelle il exprim ait le désir de se tourner dorénavant vers les études de
théologie1. C ependant, quelques mois plus tard, notre m aître en d ro it canon d u t
obéir à un ordre de son seigneur, W lodislas de la dynastie des Piasts, qui était duc
de Silésie et régent de W rocław, ainsi qu’archevêque de Salzbourg et chancelier
du royaum e de Bohême. Chargé de procuration et m uni de tous les docum ents
nécessaires, W itelo avait à se rendre à Viterbè, à la curie du pape Clém ent IV, afín
d ’obtenir po ur son seigneur la charge d ’évêque de W rocław et la fonction de légat
pontifical, ce qui aurait signifié la mainmise sur toutes les affaires de l’Eglise en
Pologne. Effectivement, on voit, en autom ne 1268, le duc W lodislas exercer, en
Silésie, la dignité de légat pontifical2. P ar contre, il n ’avait pas été nom m é au siège
episcopal de W rocław. Le décès de Clém ent IV lui donna l’occasion de refaire,
p a r l’interm édiaire de W itelo, des démarches auprès du nouveau pape, qui serait
élu, non seulem ent dans le bu t d ’obtenir ce qui ne l’avait pas été, m ais aussi dans
celui de confirm er juridiquem ent ce qui l’avait été.
La patience du duc de Silésie et de son plénipotentiaire fut mise à rude
épreuve. Parce que les cardinaux se partageaient en deux cam ps aux intérêts
antagonistes, le conclave s’enlisa dans d ’incessants contentieux. Les efforts q u ’on
1 W itelonis D e causa prim aria paenitentiae in hominibus e t de natura daemonum edidit G eorgius Burchardt, Studia Copernicana, vol. X IX , W rocław 1979, p. 180, 862 - 863 :... ad theologiae studium m e transferam in futurum.
2 Regesten zu r schlesischen Geschichte, herausgegeben von Colm ar G rünhagen, C odex dip lo m a t i c s Silesiae, Breslau, vol. 7, Teil 2, 1875, nr 1317, W ratislaviae, W lodislaus, archevêque de
Salzbourg, légat du Saint-Siège et duc de Silésie, don ne un privilège à l’église de Pełcznica (Polsnicz). Jerzy Burchardt, W itelo, fllo so fo délia natura del X II I sec. Una biografia, A ccadem ia P olacca delle
fit pou r engager des négociations, se m ontrèrent vains. Deux hivers passèrent.
D ans les derniers jo u rs d ’avril 1270, W lodislas m ourut à Salzbourg. Il n’avait que
trente-deux a n s 3. Son successeur, le duc de W roclaw Henry IV Probus, renouvela
la procuration que m aître W itelo s’était vu donner en 1268.
Selon toute vraisemblance, W itelo était le contem porain du duc Wlodislas, et
lorsque celui-ci m ourut, il était âgé de trente-deux ans. Q uant au dom inicain
flam and Guillaum e de M oerbeke, il devait alors avoir la quarantaine. Depuis,
to u t au moins, novem bre 1267, il était chapelain et pénitencier du pape Clément
IV 4. Celui-ci avait un penchant p o u r les études philosophiques. Il avait, par
exemple, connu R oger Bacon, d o n t YOpus maius était au nom bre de ses lectures5.
Il accorda suffisam ment de loisirs à Guillaum e de M oerbeke p o u r lui perm ettre
de poursuivre son adm irable travail de traduction d ’oeuvres philosophiques
grecques. Grâce à la bienveillance du pape, Guillaum e put, le 28 mai 1268, m ettre
un point final à sa traduction de YElementatio theologica de P roclus6. Les
cardinaux de la curie pontificale de Viterbe s’habituèrent ainsi à côtoyer un
pénitencier attitré qui ne se lim itait pas à juger consciencieusement les délits, mais
qui s’efforçait de m ettre les textes philosophiques grecs à la portée des Latins.
3 D ie Regesten der Erzbischöfe und des D om kapitels von Salzburg, 1247 - 1343, bearbeitet von Franz M artin, Salzburg 1926, nr 580, o ù l’on trouve la date de la mort de W lodislaus (W lodislas), le 27 avril 1270. J. Burchardt, op. cit., p. 50, n ote 153. W lodislas reçut le sacre à Salzbourg, le 11 juin 1267, alors qu’il était âgé de trente ans. Voir D ie Regesten der Erzbischöfe und des D om kapitels zu
Salzburg, op. cit., nr 481, du 11 juin 1267, et nr 482, du m ême jour.
4 Je pars de la thèse suivant laquelle, lorsqu’il il s e tr o u v e à N ic é e , au printem ps 1260, Guillaume n’a pas plus que 31 ans : il devait être jeune pour connaître le grec à'fond, juste après son ordination sacerdotale. Lorsqu’en 1286, il traduisit le com m entaire de Proclus sur Parm énide, il ne pouvait pas avoir beaucoup plus que 55 ans, car, après cet âge, les traductions sans lunettes étaient im possibles, et les premières lunettes, encore fort rudimentaires, inventées ou répandues par les dom inicains, étaient, probablem ent, trop fatigantes pour les traducteurs. M artin G rabm ann, Guglielmo di M oerbeke,
O. P., il traduttore delle opere d i A ristotele, M iscellanea historiaepontificiae, vol. X I, R om a 1946, p.
48. Lorenzo M inio-P aluello, William o f M oerbeke, D ictionary o f scientific biography, N ew York 1974, vol. IX, p. 435. G uillaum e de M oerbeke et W itelo connaissaient, sans dou te, le pouvoir de grossissem ent du béryl et du cristal. M ais les lunettes, inventées par les verriers de M urano et appelées en 1284 par leur corporation roidi da ogli (distinguées de lapides a d legendum) très peu répandues encore, durent être réinventées et divulguées avant 1289 par A lessandro délia Spina, dom inicain du couvent de sainte Catherine de Pise, sous l’autre nom italien occhiali (okiali dans la source manuscrite de cette année). Isidoro del Lungo, Le vicende di un impostura erudita, Archivio storico italiano, vol. 78,1920, p. 5 - 53. G . A lbertotti, L ettera intorno a ll’invenzione degliocchiali, p. 24, R om a 1922 ; Isis, 5, 499. Cronaca del convento d i santa Caterina di Pisa, édita in : Archivio storico italiano, 1848, p. 397 - 633. L ettera intorno all'invenzione degli occh ialipubblicata da Francesco R edi, Florence 1690, p. 15. G eorge Sarton, Introduction to the history o f science, vol. II, part 2, Baltim ore 1931, p. 1025 - 1026. G iuseppe O vio. Occhiali, Enciclopedia italiana di scienze, lettere e d arti, t. X X V , M ilano 1935, p. 115.
5 Etienne G ilson , H isto ry o f Christian philosophy in the M iddle âges, N ew Y ork 1955, p. 294. Theodore G row ley, R oger Bacon, problem o f the soul in his philosophical com m entaries, Lou- vain-D u blin 1950, p. 17 - 78.
6 M artin Grabm ann, ibidem. A leksander Birkenmajer, Etudes sur W itelo, IIp a rtie . W itelo est-il
Guillaume de M oerbeke et W itelo
111
C ’est pourquoi, même après la m ort de Clém ent IV, survenue le 29 novem bre
12697, G uillaum e p u t traduire le Com m entaire de Jean Philopon, sur le De anima
d ’A ristote8.
On ne peut exclure que l’am bassadeur de W lodislas, W itelo, ait fait
connaissance avec Guillaum e de M oerbeke à la fin de l’été ou au début de
l’autom ne 1268, alors q u ’il était venu tenter des dém arches à la cour pontificale
de Viterbe. Il faut toutefois reconnaître que les oeuvres de W itelo qui sont
parvenues ju sq u ’à nous ne porten t pas de traces du com m entaire de Philopon, ni
de m arques directes du traité de Proclus. La preuve n ’est donc pas faite q u ’entre
le pénitencier flam and et « le fils des Thuringiens et des Polonais » 9 des relations
s’établirent dès l’année 1268.
L’hiver de l’année 1269 s’écoulait, et les cardinaux ne parvenaient toujours
pas à s’entendre. La vacance du Saint-Siège, qui paraissait devoir se prolonger
indéfiniment, m ettait en danger la stabilité de l’Eglise, en particulier en Terre
sainte, où la chute de Jérusalem , en 1244, avait été suivie de l’écroulem ent des
possessions chrétiennes d ’Orient. Ces circonstances inquiétantes poussaient
certains à se dem ander si, à l’aide de m oyens'naturels, comm e p ar exemple la
géomancie, c’est-à-dire la science du sable, il n ’était pas possible de dévoiler
l’avenir de l’Eglise10. Profitant d ’une docum entation q u ’il avait rassemblée
antérieurem ent, Guillaum e de M oerbeke m it, probablem ent en janvier 1269, la
dernière m ain à son ouvrage intitulé Geomantia. Afin de jeter davantage de
lumière sur cette question, il convient de se reporter à deux passages de la lettre
padouane de W itelo. On voit ainsi que celui-ci connaissait bien les livres de
n ig ro m a n c ie ^ e t q u ’il partageait l’intérêt pris p ar son milieu à la connaissance
de l’avenir, do n t il voyait la possibilité confirmée par la doctrine du retour de
l’âme à sa substance éternelle et p ar l’attitude q u ’on adopte face à des m alades
q u ’on dit ressuscites, revenus du pays de l’E te rn ité 12.
L’avenir paraissait toujours sombre et W itelo passait des jours d ’attente
interm inable. Il entam a la rédaction d ’un nouveau traité, le De ordine en tium 13. Il
connaissait déjà les M eteora d ’A ristote, depuis le temps de ses études à la faculté
des arts de Paris, et les Eléments d ’Euclide, q u ’avait édités C am panus ; lui-même
avait écrit quelques traités à Padoue, où il enseignait à la faculté des a r t s 14. Ces
7 A ugustus Potthast, R egesta pontifîcum Romanorum, vol. Il, Berolini 1875, p. 1647. 8 M. G rabm ann, op. cit., p. 49.
9 Les m ots « Witelo, fü iu s Thuringorum et Polonorum » se trouvent dans la dédicace des P erspectiva à G uillaum e de M oerbeke (voir : C lem ens Baeumker, W itelo, ein Philosoph und N aturforscher des XIII. Jahrhunderts, Beiträge zur Geschichte der Philosophie des M ittela lters, Bd. III,
H eft 2, M ünster 1908, p. 127, 1 - 2). 10 M . G rabm ann, op. cit., ibidem.
11 W itelonis De causa prim aria ..., p. 177, 705.
12 Ibidem p. 165, 172 - 179, p. 172, 488 - 494, p. 170, 386 - 390, p. 180, 853 - 855. 13 C. Baeumker, op. cit., P erspectiva, Prolog, p. 129, 1 - 2.
traités : les Naturales animae passiones15, la Scientia motuum caelestium 16 et la
Philosophia naturalis17, devaient être rapidem ent perdus, déjà, semble-t-il, au
X IIIe siècle. W itelo ne s’était sans doute jam ais passionné p o u r les études de droit
canon q u ’il avait faites à Padoue, et celles-ci terminées, il nourrissait d ’autres
p ro je ts18.
A u début de 1269, W itelo et G uillaum e devinrent amis. Liés p a r l’am our
q u ’ils éprouvaient envers tous les ê tre s19,ils exam inaient ensemble et discutaient
avec ardeur différentes conceptions q u ’on se faisait de la hiérarchie des êtres et de
la structure de l’univers corporel. W itelo se laissa influencer p ar Guillaum e. Il
aban do nn a les vues qui avaient été les siennes à P ad o u e 20 et il ado p ta le système
de son ami flam and. Il s’agissait d ’une conception de la structure de l’univers
corporel dans laquelle on ajoutait la cosmologie du traité De lineis, angulis et
fîguris de R obert G rosseteste à la cosmologie du Liber de causis, encore attribué
à A risto te 21. La conception que l’évêque de Lincoln se faisait de la lumière
a orienté la discussion vers l’optique. G uillaum e a m ontré à son ami les traités de
Roger Bacon, to u t en les estim ant tro p peu fournis po u r représenter toute
l’optique, la Perspectiva, des L atin s22. R eprochant au traité arabe d ’optique
15 W itelo, Perspectiva, lib. III prop. 58 (O pticae Thesaurus, edit Federicus Risner, Basileae 1572, p. 111, 15 - 16).
16 W itelo, P erspectiva, lib. X prop. 53 (O pticae Thesaurus ..., p. 447, 53).
17 W itelo, Perspectiva, lib. V prop. 18 (O pticae Thesaurus ..., p. 198, 35 - 36. W itelonis
Perspectivae liber quintus ... latin édition ... by A . M ark Smith, Studia Copernicana, vol. X X III,
W rocław 1983, p. 207, 11 - 12).
18 J. Burchardt, W itelo filo so fo délia natura ..., p. 48 et surtout la note 145, p. 77 - 79, docum ent d ’Henry IV, duc de Silésie et seigneur de W rocław (dux Silesiae e t dominus W ratislaviensis), dans lequel celui-ci don ne au chanoin e de W rocław, m aître W i t e l o (p. 78, 9 - 10 : m agistro W itelone,
canonico W ratislaviensi, nomine p raefati capituli recipiente), la p ossession du village de Żóraw ina (Sorauina), en Silésie, sa terre (p. 77, 6 : in Silesia, terra nostra). N o u s savons qu’avant cela W itelo
avait étudié le droit canon, voir : W itelonis D e causa prim aria ..., p. 180, 863 - 865.
19 C. Baeumker, op. cit., Perspectiva, P rolog, p. 1 2 7 ,4 - 5 : U niversalium entium studiosus am or te vinctum detinens m e tibi ut idem appetentem sic coniunxit, ut volun tas tua m ihi sit imperium ..., p. 128, 34 — p. 129, 1 : sub am oris nexu quo tibi coniungor, voluisti constringere, ut hoc laboris tibi placiti onu s subirem hisque m ateriis mihi nondum cognitis anim um applicarem. A t ego, qui couctis iussionibus tuis obtem peraue desidero, veile tuum suscipiens pro m andato...
20 Jerzy Burchardt, L is t W itelona do L udw ika we L w ów ku Ś ląskim , prob lem a tyk a teoriopoznaw-
cza, kosm ologiczna i m edyczna, Studia Copernicana, vol. X IX , W rocław 1979, p. 110 - 130 (résumé en
français, p. 213).
21 Le L iber de causis, édition établie à l ’aide de 90 manuscrits, avec introduction et notes de A.
P attin, Tijdschrift voor Filosofie, vol. 28 (1966), cahier 1, p. 90 - 203. K sięga o p rzyczyn ach , L iber de causis, Stan badań nad K sięgą o przyczyn ach i ważniejsze w niej problem y filo zo ficzn e (d’après)
M ieczysław G ogacz, traduction (polonaise) de Z ofia Brzostow ska, M ieczysław G ogacz,W arszaw a 1970. Ludwig Baur, D ie philosophischen W erke des R obert G rosseteste, Bischofs von Lincoln, B eiträge
zu r Geschichte der Philosophie des M ittelalters, t. IX , M ünster 1912, p. 59 - 60, Lincolnensis (R obert
G rosseteste), Tractatus de fraction ibu s e t reflexionibus radiorum, B ibliotheca m athem atica, 3. F olge, t. 1, Leipzig 1900, p. 55 - 59.
22 II s’agissait, sans doute, parmi les oeuvres du franciscain anglais, de la P erspectiva (éditée par John H enry Bridges, dans le volum e II de Y Opus m aius de R oger B acon, O xford 1897, p. 1 - 166), de la
Guillaume de M oerbeke et W itelo
113
q u ’était le De aspectibus d ’Ibn al-H aith am 23 d ’être trop verbeux et à l’optique
grecque de Ptolém ée24 d ’être tro p embrouillée, G uillaum e et W itelo s’accor
dèrent po u r affirm er qu ’il fallait rassembler tous les ouvrages arabes et grecs
concernant la géométrie et l’optique, afin d ’élaborer une véritable science
Perspectivorum25, qui s’appuierait sur une base géom étrique solide, et qui
suiverait la m éthode deductive des Eléments d ’Euclide. La m anière de définir la
paternité de ce fu tu r livre de science optique devait, au fond, beaucoup
à C onstantin l’A fricain qui au X Ie s. avait recueilli de nom breux textes m édicaux
et en avait trad uit de nom breux de l’arabe ou du grec en latin. En tan t que
com pilateur (coadunator) d ’un grand nom bre d ’oeuvres médicales, C onstantin
l’Africain se considérait comm e auteur m édical26. E tant donné cette façon de
com prendre la paternité littéraire, qui ne m anque pas, a u jo u rd ’hui, de nous
étonner, W itelo pouvait se considérer, lui aussi, comm e l’auteur des Perspectiva,
où il recueillait, m ettait en ordre, rationalisait et com m entait tous les ouvrages de
la science optique. W itelo m éritait même davantage le titre d ’auteu r que
C onstantin, puisque son travail ne se lim itait pas, comme chez l’autre, à la
com pilation et à la traduction.
W itelo ne m anquait pas, certes, d ’être effrayé p a r l’am pleur de la tâche q u ’il
Cependant, il est peu probable que W itelo ait aussi consu lté le D e m ultiplicatione specierum de Roger Bacon ( Opus maius, vol. II, p. 407 - 456), car il ne connaissait la théorie de la m ultiplication des form es que d ’après le D e lineis, angulis e t figu ris de Robert G rosseteste. Selon W itelo (voir C. Baeum ker, op.
cit., Perspectiva, P rolog, p. 128, 29 - 30) G uillaum e remarquait la paucitas quoque exaration is latinae.
23 W itelo l’avait déjà lu
à Padoue (voir W itelonis D e causa prim aria ..., p. 172, 497 - 500). Il
acceptait à peu près toutes les théories de l’ingénieux auteur arabe. Pourtant la com p osition de Deaspectibus, son style prolixe et les m ots choisis par le traducteur latin ne lui plaisaient pas fort (voir C.
Baeumker, op. cit.. Perspectiva, Prolog, p. 128, 28 - 29 : taedium verbositatis A rabicae...). Ibn al-H aitham (Alhazen), D e aspectibus, recensuit Federicus Risner, dans : O pticae Thesaurus, Basileae 1572 (édition anastatique avec l’introduction de D avid C. Lindberg, Johnson Reprint C orporation, N ew Y ork -L ond on 1972).
24 W itelo utilisa, dans ses Perspectiva, VOptique de Claude P tolém ée dans la traduction latine de
l ’ém ir Eugène de Sicile (éditée par Albert Lejeune, L ouvain 1956). W itelo pense à celle-ci quand il dit
(Baeum ker, op. cit., P erspectiva, Prolog, p. 128, 28 - 29 :) taedium ... im plicationis G raecae...
25 En choisissant le titre de l’oeuvre principale, W itelo avait une intention très claire, com m e il
l’a exprimé lui-m êm e (C. Baeumker, op. cit., P erspectiva, P rolog, p. 129, 8 -10 : )...viris qui ante nos plurimi tracta verunt huius scientiae negotium , p e r s p e t i v o r u m nom ine nuncupantes. Q uorum et ego nom inationem ut placitam approbo, ... Ces Perspectiva de W itelo ont été édités d’abord par G eorgius Tanstetter et Petrus A pianus, Norim bergae 1535 et rééditées ensuite en 1551. Puis Federicus Risner les a éditées dans son O pticae Thesaurus, Basileae 1572 (une réédition anastatique avec l’introduction de D avid C. Lindberg, N ew Y ork-L on don 1972). Clem ens Baeumker a publié des extraits des P erspectiva qui ont une valeur philosophique (voir note 9 de cet article). Sabetai U nguru et A . M ark Smith on t respectivem ent édité le livre I (Studia Copernicana, vol. X V , W roclaw 1977) et le livre V (Studia Copernicana, vol. X X III, W roclaw 1983) des Perspectiva.
26 Opera Ysaac, Lugduni 1515, fol. l va : N om en auctoris hic scire est utile, ut m aior auctoritas libro habeatur. Est autem C onstantinus aphricanus auctor, quia ex m ultis libris coadunator. H einrich Schipperges, D ie Assim ilation der arabischen M edizin durch das lateinische M ittela lter,
Sudhoffs Archiv f ü r Geschichte der M edizin und der N aturwissenschaften, Beihefte, H eft 3, W iesbaden
s’était assignée, mais il entendait rem plir utilem ent le temps libre d ont il jouissait
à V iterbe27.G uillaum e lui conseilla de comm encer p ar ce qui était le plus aisé :
jeter les bases m athém atiques de la science optique. Les loisirs nécessaires à cette
entreprise s’annonçaient suffisants puisque, selon les prévisions de la science du
sable, les querelles entre les cardinaux étaient encore loin de s’éteindre. Q uant à la
difficulté du travail, elle semblait allégée p ar la promesse q u ’avait fait Guillaume
de traduire en latrn tous les traités des m athém aticiens grecs de quelque utilité
p o u r l’optique.
C ’est ainsi que, dès février 1269, W itelo se m it à rédiger son traité De
elementatis conclusionibus28.Q u an t à Guillaum e, après avoir recopié les textes
optiques arab o -latin s29,il traduisit, en septem bre et octobre 1269, le traité De
sphaera et cylindro d ’Archimède, ainsi que le C om m entaire q u ’en fit Eutocius,
puis, en décembre 1269, la Catoptrique de H éron, q u ’on attrib u ait alors
à Ptolém ée ( liber Ptolomei de speculis) . C ’est, très précisément, le 31 décembre
que G uillaum e m it le point final à sa traduction de la Catoptrique30. D ’après
A leksander Birkenmajer, W itelo devait se servir de ce texte de H éron dans ses
Perspectiva31. Récemment, Sabetai U nguru a établi que W itelo avait, dans son
traité d ’optique, tiré profit de la traduction que G uillaum e fit du Com m entaire
d ’Eutocius sur le traité De sphaera et cylindro d ’A rchim ède32. Il est certain qu’à
21 C. Baeumker, op. cit., Perspectiva, P rolog, p. 128, 34 : ... m eque putans vacare otio... 28 C. Baeumker, op. cit., P erspectiva, Prolog, p. 129,35 - 1 3 0 ,2 : Plurima tarnen et horum quae in hoc libro praem ittim us continentur in eo libro quem D e elem entatis conclusionibus nom inam us, in qu o universaliter om nia conscripsim us, quae nobis visa sunt et quae ad nos pervenerunt a viris posterioribus Euclide, pro particularium necessitate scientiarum universaliter conclusa.
29 B iblioteca A postolica Vaticana, codex O ttobonianus latinus 1850, f. 8r - 9V Liber de speculis comburentibus (Ibn al-H aitam ) Schrift über parabolische H ohlspiegel, hg. von Johann L. Heiberg und
Eilhard W iedem ann, Bibliotheca m athem atica, 3. Folge, vol. 10, 1909 - 1910, p. 201 - 237. Marshall C lagett, Archim edes in the M iddle Ages, vol. II, The translations fro m the G reek b y William o f
M oerbeke, Philadelphia 1976. p. 64.
30 Biblioteca A postolica Vaticana, codex O ttobonianus latinus 1850, f. 23v - 33v, Archim edis D e
sphaera et cylindro libri duo (texte édité par M arshall Clagett, Archim edes in the M iddle Ages, vol. II,
part 2, Textes, Philadelphia 1976, p. 162 - 219). Ibidem, f. 34r- 44v, Eutocii A scalonitae rem em oratio in
librum A rchim edis D e sphaera et cylindro (texte édité par M arshall C lagett, op. cit., p. 222 - 285). Ibidem, f. 60r - 61v, Liber P tolom ei de speculis!/texte édité par L. N ix et W. Schm idt, Heronis A lexandrini C atoptrica, H eronis A lexandrini O pera quae supersunt omnia, vol. II, Fase. 1, Lipsiae
1900, p. 317 - 364.
31 T. H . M artin, Recherches sur la vie et les ouvrages d'Héron d ’Alexandrie. M ém oires présentés
p ar divers savants, l re série, IV, Paris 1854, p. 57, 62 - 63, 69 - 81, 393 - 394. A leksander Birkenmajer, Etudes sur W itelo, seixièm e p artie, Studia Copernicana, vol IV, W roclaw 1972, p. 316.
32 W itelonis Perspectivae L iber prim us, An English Translation with Introduction and Commen
tary and Latin edition by Sabetai U nguru, S tu dia Copernicana, vol. X V , W roclaw 1977, p. 175,
proposition 17. Voir l’édition de L. N ix et W. Schm idt (note 30 de cet article) cap. IV, p. 324. Witelonis
Perspectivae liber prim us..., p. 174, proposition 13, com m entary. Sur l’utilisation de la C atoptrique de
Héron, appelée par G uillaum e de M oerbeke, sur le m odèle grec, liber P tolom ei de speculis, voir aussi
W itelonis P erspectivae liber quintus, an English translation with introduction and com m entary by A.
Guillaume de M oerbeke et W ite lo
115
p a rt W itelo aucun m athém aticien contem porain de G uillaum e de M oerbeke ne
s’est servi des traductions que celui-ci avait fait des textes des m athém aticiens
grecs, et q u ’on peut consulter, au jo urd ’hui encore, dans le fameux m anuscrit
Ottobonianus 1850 de la Bibliothèque V aticane33.
Après que W itelo eut achevé ses travaux préliminaires, étan t donné que les
obstacles psychologiques surgis devant le conclave paraissaient toujours insur
m ontables, il prit, au début de janvier 1270, la décision de suivre le conseil de
Guillaum e et de se consacrer totalem ent à son vaste traité d ’optique, sa scientia
Perspectivorum, sa science des Perspectiva34.
W itelo rédigea ses Perspectiva du 1er janvier 1270 au 9 janvier 1272, la veille
de l’arrivée du nouveau pape, Grégoire X, à Viterbe. Il n ’a pas eu à interrom pre
son travail avant le 9 janvier 1272, mais il n ’a pas pu le poursuivre au-delà de cette
date. Il est certain que la cour de Viterbe, d u ran t le tem ps où G uillaum e y exerça
ses fonctions de chapelain et pénitencier du pape, c’est-à-dire depuis novem
bre 1267 ju sq u ’au 8 janvier 1278, était un lieu rêvé pour travailler calm em ent aux
Perspectiva35.Les cardinaux, assemblés à Viterbe, élurent finalem ent le nouveau
pape, G régoire X, le 1er septem bre 1271. Com m e il séjournait alors en Terre
sainte, G régoire X n ’arriva à Viterbe que le 10 janvier 1272. Jusqu ’à la veille de
son arrivée, W itelo put travailler tranquillem ent36.
(cf. Héron, Catoptrica, prologue), proposition 19, com m entary, p. 167, (cf. Héron, Catoptrica, cap. 4 - 5), p roposition 47, com m entary, p. 181 (cf. H éron, C atoptrica, cap. 7), p roposition 56, com m entary, p. 183 (H éron, C atoptrica, cap. 18), proposition 59, com m entary, p. 184 (H éron, Catoptrica, cap. 15), proposition 64, com m entary, p. 186 (H éron, C atoptrica, cap. 12).
33 A leksander Birkenmajer, Etudes sur W itelo, quatrièm e p artie, Studia Copernicana, vol. IV, W rocław 1972, p. 388.
34 Voir la note 25.
35 Grégoire X se trouvait en Terre sainte lorsqu’il fut élu, à Viterbe, le 1er septembre 1271 (Augustus P otthast, R egesta pontificum Romanorum, \ o \.W , Berolini 1875, p. 1651). W itelo pouvait don c tranquillem ent travailler à son oeuvre ju squ ’à la veille de l’arrivée du pape. C elui-ci arriva à Viterbe le 10 janvier 1272 (Potthast, op. cit., p. 1652).
36 D ès son arrivée à Viterbe, G régoire X chargea tous les membres de la curie de travaux préparatoires au concile de Lyon. G uillaum e de M oerbeke se consacra entièrem ent à encourager une union avec l’église orthodoxe grecque. Il semble q u’il n’ait pu s’occuper que de cela jusqu’à la m ort de Jean X X I, survenue le 20 mai 1277. En tout cas, pendant ce temps, il ne fit aucune traduction. Cam panus de N ovare avait rédigé ses traités originaux sou s les pontificats d ’Urbain IV et de Clément IV (il édita les Elem ents d ’Euclide entre 1255 et 1259). G . J. Toom er, Campanus o f N ovara, D ictionary
o f Scientific B iography, vol. I ll, p. 24. Il est certain qu’en 1274 W itelo était diplom ate tchèque. C odex diplom aticus et epistolaris R egni Bohemiae, t. V, Fasc. 2, Pragae 1981, ediderunt J. Sebarek et S.
D usk ovà, nr 769 et 770, p. 437 - 442. Le 10 juillet 1275, il se trouvait à Oleśnica, en Silésie, pour recevoir sa prébende de chanoine de la cathédrale de W rocław , Żórawina. Henry IV, duc de Silésie et seigneur de W rocław , l’envoya en ambassade auprès de son parent, le pape Adrien V. C ’est M. Paravicini Bagliani qui a trouvé une trace de sa présence à Viterbe le 7 février 1277 (A gostin o Paravicini-Bagliani, W itelo e t la science optique à la cour pontificale de Viterbe) (1 2 7 7 ), M élanges de
l ’Ecole Française de R om e, M oyen Age, Temps M odernes, t. 8 7 ,1 9 7 5 ,2 , p. 427 - 437. M ais W itelo, qui
venait de P ologn e, n’a pas pu arriver en Italie en hiver, car passer les A lpes en hiver était trop dangereux. Il a d on c dû entrer en Italie au printemps 1276, quand le parent du duc de Silésie s ’appelait encore le cardinal O ttob on o Fieschi, ou plutôt un ou deux m ois après le 11 juillet 1276 lorsque celui-ci
A l’arrivée de Grégoire X, W itelo d u t reprendre ses activités diplom atiques.
Le 9 avril 1278, devenu archevêque de Corinthe, Guillaum e cessa d ’être
chapelain et pénitencier du p a p e 37.
Par la suite, G uillaum e rencontra W itelo à Lyon, au cours de l’été 127438,
puis à Viterbe, au cours de l’hiver 1277. G râce aux recherches de M. Agostino
Paravicini-Bagliani, nous savons, en effet, que le 7 février 1277, W itelo assistait,
à Viterbe, à la rédaction du testam ent du cardinal Simone P altanieri39. Pour ce
qui est de la rencontre de Lyon, elle se situe en dehors des activités scientifiques,
puisque W itelo y était venu envoyé p ar le roi de Bohême, Premysl O tak ar II, en
mission diplom atique auprès du pape G régoire X 40.P o u r ce qui est de Viterbe,
W itelo, qui, en 1275, était devenu chanoine de W roclaw 41, revint à la curie
pontificale sans doute en sa qualité d ’am bassadeur d ’H enry IV Probus, duc de
Silésie et seigneur de W roclaw. Celui-ci devait l’avoir chargé de défendre ses
intérêts menacés p ar l’évêque de W roclaw Thom as Z a rç b a 42 devant le pape
A drien V avec lequel il avait des liens de parenté.
Sous les pontificats de Grégoire X, d ’innocent V, d ’A drien V et, même, de
Jean X X I, Guillaum e ne traduisit plus aucun traité grec. Or, sous le pontificat de
Jean X X I, les seuls endroits où les sciences pouvaient encore être cultivées,
est devenu le pontife rom ain, sou s le nom d'Adrien V. H élas, le pape était déjà très m alade et m ourut le 18 août 1276. W itelo poursuivit donc ses dém arches diplom atiques sou s le pontificat de Jean X X I qui était un savant et travaillait toujours com m e tel dans son cabinet pontifical de Viterbe. A l’occasion W itelo pouvait s’entretenir avec le fam eux franciscain John Pecham qui enseignait austudium curiae et écrivait sa P erspectiva communis en se servant des traités optiques antérieurs.
31 L es registres de N icolas III, recueil des bulles de ce pape, publiées ou analysées d ’après les manuscrits originaux par J. G ay et S. Vitte, fasc. 5, Paris 1938, p. 8. M arshall Clagett, Archim edes in
the M iddle Ages, part I, Philadelphia 1976, p. 7.
38 En tant q u ’aum ônier du roi de Bohêm e Premysl Otakar II, W itelo accom pagna, au cours de sa m ission diplom atique, à Lyon, chez le pape G régoire X, le principal messager du roi, maître Thierry, Theodoricus (en tchèque Dëtrich). Les deux hom m es partirent, de Prague, le 12 juillet 1274, et ils arrivèrent à Lyon probablem ent au m ois d ’août. Grâce, sans doute, à G uillaum e, ils purent s’entretenir avec le pape qui était mal disposé envers leur souverain. D an s un docum ent daté du 26 septembre 1274, G régoire m entionne la présence, chez lui, des messagers du roi de Bohêm e. Codex
diplom aticus et epistolaris R egni Bohemiae, vol. V , fasc. 2, nr 769 et 770, ediderunt Jindrich Sebânek et
Sasa D u sk ovâ, Pragae 1981, p. 437 - 442. R egesta diplom atica nec non epistolaria Bohemiae et
M oraviae, pars 2, edidit J. Emler, Pragae 1855, nr 905. A gostin o Paravicini-Bagliani, W itelo et la science optique à la cour pontificale de Viterbe ( 1277), M élanges de l ’E cole Française de Rome, M oyen Age, Tem ps M odernes, vol. 87, 1975, p. 432, J. Burchardt, W itelo fd o so fo délia natura del X II Is ec ., Una biografia, Accadem ia Polacca delle Scienze, B iblioteca e Centro di Stu di a Rom a, Conferenze, vol.
87, W roclaw 1984, p. 58.
39 A gostin o Paravicini-Bagliani, op. cit., p. 432. 40 J. Burchardt, op. cit., p. 58 - 59.
41 Ibidem, p. 60 - 62, p. 77 - 79.
42 T hom as Zarçba apposa son sceau sur un docum ent du concile de Lyon, daté du 13 juillet 1274, le décret « U b i periculum ». P. Sella, I s ig illi d e ll’Archivio Vaticano, R om a 1937, p. 85, nr 300. D e retour en P ologne, l’évêque constata que son ennem i, le jeune duc H enry IV Probus, s’était emparé d'une bonne partie des revenus de l’évêché. T hom as ne pouvait faire autre chose que d ’entam er un procès et plaider ses intérêts devant le tribunal du pape. Jerzy K loczow sk i, Solus de Polonia..., P olacy
Guillaume de M oerbeke et W itelo
117
étaient le cabinet du pape et le studium curiae. Joh n Pecham, que Jean X X I avait
nom m é lecteur à la curie, y travaillait, en effet, à sa Perspectiva communis, en ne
m anq uan t pas de se servir de traités optiques com m e ceux q u ’avaient déjà écrits
R oger Bacon et W itelo43.
Juste après la m ort accidentelle du pape Jean X X I, survenue le 20 m ai 1277,
Guillaum e, sur le conseil du médecin Rosello d ’Arezzo, qui était devenu son ami,
se m it à traduire le traité grec que Galien avait consacré à la diète : De virtutibus
alimentorum. Trois mois lui suffirent p o u r le faire avec aisance44. Six ans après
q u ’il eut achevé, non sans soulagem ent, le long et difficile com m entaire de
Simplicius In Aristotelis De caelo, il reprenait avec plaisir sa plum e de
trad u cteu r45. L ’heure n ’était p o u rtan t plus propice aux discussions cosm ologi
ques qui, précédemm ent, avaient nourri les conversations de ces deux amis
q u ’étaient G uillaum e et Witelo. Le 18 janvier 1277, le pape Jean X X I o rd o n n ait
q u ’une enquête soit menée sur les personnes et les ouvrages rép and ant des erreurs
en m atière de foi46. Le 7 m ars 1277, l’évêque de Paris, Etienne Tem pier,
prom ulguait un décret p o u r condam ner 219 propositions q u ’avec l’aide d ’une
comm ision de seize théologiens, il avait découvert comm e étant, selon lui,
contraires à la foi chrétienne47. Or, comme nous le verrons, le prologue des
Perspectiva de W itelo, spécialement sa prem ière partie, com portait des vues
cosmologiques qui étaient celles de G uillaum e et qui désorm ais devaient paraître
des plus suspectes. Il s’agissait de la thèse de l’éternité du m onde, ainsi que de la
thèse de la création du m onde corporel par la lumière corporelle (Lumen
cor por aie), qui emmène avec elle les formes des m oteurs des sphères célestes p o u r
les joindre aux m atières et en faire des substances corporelles. C ’est ainsi que ces
intelligences m ouvant les d eu x deviennent les interm édiaires de la création divine
du m onde corporel. Ces deux thèses devinrent désorm ais incom patibles avec la
foi chrétienne48.
43 J. Burchardt, op. cit., p. 67. Cf. A . Paravicini-Bagliani, op. cit., p. 441 - 442.
44 A. P otthast, op. cit., vol. II, p. 1718, M. Clagett, op. cit., p. 7. Q u étif et Echard, Scriptores
ordinis praedicatorum , Paris 1719, vol. I, p. 390, o ù se trouve le co lo p h o n du manuscrit de la Bibliothèque nationale, Paris, Fonds latin, 4190 (C olbert, cod . 55) : Explicit liber G aleni de virtutibus
alim entorum translatus a G raeco in Latinum a D . F. G uillelm o de M orbeka ordinis Praedic. archiepiscopo Corinthiensi, absolutus Viterbii M C C L X X V II mense octobris X I kal. novem b. M . Clagett ajoute que le titre d’archevêque est postérieur à ce colop hon .
45 Voici le colop h on du C om m entaire de Sim plicius, cité par M artin G rabm ann, op. cit., p. 130 : E go autem frater G uylerm us de M orbeke de ordine fratrum praedicatorum , dom ini papae paenitentiarius et capellanus, h oc cum m agno corporis labore ac m ulto m entis taedio latinitati offero, putans in hoc translationis opere me plura Latinorum studiis addidisse. Expleta autem fuit haec translatic Viterbii ann o D om ini M C C L X X I. X V II kal. julii post m ortem b on ae m em oriae d e m e n tis papae quarti apostolica sede vacante. M . Clagett, op. cit., p. 6.
46 Fernand van Steenberghen, M a ître Siger de Brabant, Philosophes m édiévaux, t. X X I, L ouvain 1977, p. 140, note 2.
47 Ibidem, p. 149 - 158. Chartularium U niversitatis Parisiensis, collegit H . D enifle auxiliante A e. Châtelain, 1.1, Parisiis, 1889, p. 543 - 555. R oland H issette, Enquête sur les 219 articles condamnés
à P aris le 7 m ars 1277, Philosophes m édiévaux, t. X X II, Louvain 1977, p. 67, 76 - 79, 112 - 113.
Trois ans plus tard, en 1280, protégé p ar le nouveau pape, N icolas III, qui
l’avait nommé archevêque de Corinthe, G uillaum e revient aux traductions49.
Ainsi que l’atteste un docum ent du 12 décembre 1280, W itelo réside alors en
A utriche, à Vienne, où il est juriste de R odolphe Ier, roi des R o m ain s50. Il
accom pagne le roi à N urem berg, où il se trouve le 20 août 12815 \ avant de
poursuivre son chemin et d ’arriver au couvent des prém ontrés de Vicogne, dans
le H ainaut, où il term inera ses jours. Q uant à son ami, l’archevêque Guillaum e, il
devait m ourir loin de sa patrie flam ande, en Grèce, au pied des gigantesques
rochers de l’acropole d ’A crocorinthe, en tout cas avant le 26 octobre 128652.
M ais quelle a donc été, plus précisément, l’influence que G uillaum e exerça, en
m atière doctrinale, sur W itelo ? P our le déterm iner, il nous suffit de com parer les
thèses contenues dans la lettre que W itelo avait envoyée de Padoue, avec celles
dans la première partie du prologue des Perspectiva (scientia perspectivorum), où
W itelo présente les positions qui étaient celles de son ami à propos de l’U nivers53.
(C. Baeumker, op. cit., Perspectiva, Prolog, p. 128, 4) les corps supérieurs, c’est-à-dire les corps célestes, sont éternels selon leur substance : superioribus corporibus p e r p e t u i s secundum substantiam ... Il est aussi utile de signaler que, d ’après W itelo, pour G uillaum e, le m ond e corporel est l’oeuvre de l’artisanat divin des sphères m ues et des puissances m ouvantes (ibidem, p. 128, 11 - 12 :) divinum artifïcium tam m otorum orbium quam m oventium virtutum.
49 M . C lagett, op. cit., p. 7. G uillaum e fut nom m é archevêque de Corinthe le 9 avril 1278 (J. Gay et S. V itte, Les registres de N icolas III, fasc. 5, Paris 1938, p. 8. Archivum Secretum Vaticanum, Reg.
lat. 39, f. 6r). A van t cette prom otion, il acheva, le 1er mars 1278, sa traduction de la Poétique
d’Aristote. A ristoteles latinus, vol X X X III, Editio altera : D e arte poetica. Translatio G uillelm i de M oerbeka, éd. L. M inio-P aluello, Leyde 1968, p. X II. M inio-Paluello, Guglielmo di M oerbeke
traduttore délia P oetica d i A ristotele ( 1278), R ivista di filo so fia neoscolastica, vol. 39 (1947), p. 3 -1 9 .
A près la mise en ordre des affaires de son archidiocèse, G uillaum e put repasser aux traductions de Proclus : d’abord, le 4 février 1280, il acheva de traduire le D e decem dubitationibus, puis, le 14 février 1280, le D e providentia e t f a to , et, enfin, le 21 février 1280, le D e m alorum subsistentia.
50 J. Burchardt, op. cit., p. 70, 79 - 82, le docum ent n° 2. 51 Ibidem, p. 70, p. 83 - 86 (les docum ents n” 3, et 4).
52 Ibidem, p. 71, V oir aussi le m anuscrit Bern, Burgerbibliothek, codex 61, f. 318V : Explicit perspectiua magistri W itelonis de V iconia continet autem propositiones 807. J. R. Sinner, Catalogus
codicum M S S . Bibliothecase Bernensis, Bernae 1772, p. 14 : religiosum quendam ex A bbatia Ordinis
Praem onstratensis, quae in H annonia est, V iconia nom ine, auctorem huius libri fuisse credimus. C lem ens Baeumker, (W itelo, ein Philosoph und N aturforscher des XIII. Jahrhunderts, Beiträge zur
Geschichte der Philosophie des M ittelalters, Band III, H eft 2, M ünster 1908, p. 222. M. Clagett, op. cit., p. 7. Le successeur de G uillaum e fut nom m é le 26 octobre 1286. M. Prou, L es registres d ’Honorius IV , Paris 1888, p. 462. G uillaum e de M oerbeke m ourut âgé d'environ 55 ans. En effet, il doit avoir
com m encé sa carrière, en G rèce, juste après son ordination sacerdotale laquelle, selon les canons en vigueur, ne pouvait pas être conférée avant qu’on ait atteint trente ans, et lorsqu’il séjourna en 1260, à N icée, il n’avait certainem ent pas plus que 31 ans.
53 C. Baeumker, op. cit., Perspectiva, P rolog, p. 127,7 — p. 128,27 : Quia ergo tibi... X ... placuit tibi in illius rei occulta indagine versari eiusque diligenti inquisitioni studiosam anim am applicare. C ’est dans le passage qui vient d ’être cité que W itelo présente assez clairem ent la cosm ologie de G uillaum e de M oerbeke. Ensuite, « le fils des Thuringiens et des Polon ais » se décide à suivre le conseil que lui donne son ami flam and de com bler ses loisirs en travaillant aux P erspectiva (ibidem, p. 128,28 — p. 129,12 :) Libros itaque veterum tibi... X ... ut opu s praesens tuis affectibus respondeat, scribentis intentio se declinet. La suite du prologue ne résume plus les vues de Guillaum e.
Guillaume de M oerbeke e t W itelo
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T out porte à croire que les thèses cosmologiques qui se trouvent dans la lettre
padouane, représentent la position de W itelo lui-même, même si celui-ci les situe
au niveau de « la voie naturelle et possible » et confesse que « la voie divine,
révélée par Dieu » est vraie 54.Rien ne vient, d ’autre part, contredire l’affirm ation
suivant laquelle « le fils des Thuringiens et des Polonais » au rait fourni, dans son
traité, une exposition exacte de la pensée de Guillaume.
A Padoue, W itelo soutient que Dieu a créé, de toute éternité, ou, plus
exactement, dans le seul instant de l’éternité (in uno instanti aeternitatis) l’ordre
de l’unique u nivers55. G uillaum e, par contre, auquel il se réfère dans les
Perspectiva, ne dit rien de la création, mais estime que, p ar sa lumière divine,
Dieu produit to u t l’être éternel lequel com porte deux ordres (ordines) : celui des
substances intellectives 56et celui des parties de l’univers51. L orsqu’il écrit à Louis
54 W itelonis D e causaprim aria..., p. 167,273 - 281 : N olen s tarnen voluntati vestrae, cui hactenus non contraivi, obviare, scribo vobis, quod mente saepius revolvi, cum de tali materia cogitarem , nolens per hoc principiis sacrosanctae religionis christianae instantiam afferre, si ratione nitar perquirere res, de quarum entitate per ipsam fideliter sum edoctus. Scribo itaque secundum viam
naturalem et possibilem natura daemones, quos sancta religio secondum viam non naturalem, immo divinam, divinitus revelatam , quosdam angelos caelestes de hierarchia caelesti propter radicem
peccati, quae est superbia, praedicat cecidisse. Ibidem , p. 168, 312 - 314: Et haec et alia m ulta possu nt obici fidei christianae, sed fides se ipsam dissolvit et om nia per nom en fidei. Fides enim quoddam tale est, quod non habet meritum, si sibi praebeat ratio experim entum . Ibidem, p. 168, 326 - 328 :
Credamus ergo casum angelorum perfiden? et hos angelos esse daem ones. Sed tamen, quia q u aestio est
a me naturaliter quaesita, ad ipsam naturaliter respondebo. Ibidem, p. 1 6 1 ,3 - 6 : Petistis, ut scriberem vobis de rebus arduis et de causa primaria paenitentiae in hom inibus et de natura daem onum secundum com prehensiones m eas, et hoc est secundum principia ph ilosophiae, quae intellexeram. Q uae licet res arduae et theologicae veritatis scientia tractandae, [...]
55 Voici ce que dit W itelo en cherchant
ä
suivre la voie naturelle et possible (W itelonis D e causaprim aria..., p. 167, 281 - 290) : sed si casus angelorum per fidem, quae om nium rationem et sensus
exsuperat, sit necessarius, tamen per rationem naturalem et ordinem universi non est possibilis, turn ratione suae essentiae, quae cum pura sit et simplex, casum mereri non potuit propter elon gation em a m aterialibus condicionibus, turn propter em inentiam personae, quae dicitur casus fuisse principium, in qua bonitas aetem a et gloria divina sicut in recipiente principali creato et om nibus creatis posterioribus infundente sub nom ine Luciferi relucebat, turn vero, quia ridiculum est in influxo esse, quod non sit in natura influentis neque aetem itas neque bonitas nec sapientia nec potentia. Ibidem, p. 168, 295 - 301 : Et quo m odo in uno instanti aetern itatis, in quo non est prius nec posterius, intelligenda tanta voluntatis divinae m utatio circa creatum non cadens in tem pore ? Et quo m od o substantia aetem a in un o instanti aeternitatis, in quo non est prius nec posterius, habebit in indivisibili subiecto participationem contrariorum , sic ut in indivisibili fuerit mensura, clarus et obscurus, bonus et m alus, altus et im us, angelus et daem on ?
56 C. Baeumker, op. cit., P erspectiva, Prolog, p. 127, 1 - 9 : Veritatis am atori fratri W ilhelm o de M orbeka W itelo, filius Thuringorum et Polonorum , a etem ae lucis irrefracto m entis radio felicem intuitum et intellectum perspicuum subscriptorum. U niversalium entium studiosus am or te vinctum detinens me tibi ut idem appetentem sic coniunxit, ut voluntas tua mihi sit im perium , volun tas quoque tua me arceat ab effectibus tibi displicentium passionum . Quia ergo tibi ut totius entis sedulo scrutatori, dum ens intelligibile a primis suis prodiens principiis entibus individuis sensibilibus per m odum causae actu m entia coniungeres et singulorum causas singulas indagares occurrit divinarum virtutum influentiam inferioribus rebus corporalibus per virtutes superiores m o d o mirabili fieri.
Ibidem, p. 127, 13 - 14 : [...] in alio substantiarum intellectivarum ordine... 51 Ibidem, p. 127, 11 - 12... in ordine partium universi...
de Lewenberch, W itelo indique que toutes les form es pures (formae purae),
indivisibles, simples, sont éternelles58 puisqu’elles reçoivent de Dieu l’e n tité 59,
l’éternité, la bonté, la sagesse et la puissance60. Il distingue, parm i ces formes
simples, les intelligences supérieures qui sont les m oteurs des sphères célestes 61 ,et
les âmes intellectives qui sont celles des hommes et des dém ons62.Ces âmes, qui
constituent des unités parfaites, et d o n t les puissances s’appliquent à diverses
fonctions63, dem eurent, ju sq u ’à la m ort, en union fragile avec leur c o rp s64,
acquérant ainsi, de Dieu, par l’interm édiaire des intelligences supérieures, les
sciences et les biens65. Après la m ort, elles les obtiennent im m édiatem ent et
directem ent de D ie u 66. Les bêtes qui, à titre d ’âmes, sont douées de puissance
sensitive, tirent leur origine de la m atière et reviennent même sous son pouvoir
quand elles acquièrent la connaissance des objets v u s67.
58 W itelonis D e causa prim aria..., p. 163. 118 — p. 164, 123 : Et non intelligo superioritatem in angelis nisi puritatem m aiorem suae substantiae vel essentiae, scilicet quoniam sunt substantiae plus unae et U ni Puro Vero approxim atae, cui localis superioritas accidit forte, ut est in m otoribus orbium caelestium . Influunt ergo intelligentiae in anim am non entitatem , quoniam cum fo rm a pura simplex sit, hanc habet a D eo, [...] Ibidem, p. 162, 53 - 54 : Potentia autem intellectiva est potentia debita anim ae propter sui substantiam incorruptibilem et aeternam. Ibidem, p. 162, 64 - 66 : Est autem inidvisibilis, quia incorrupta est. Si autem non m ovetur, non participai tempore ortum. Est ergo in privatione tem poris et hoc est instans aeternitatis. Est ergo aeterna.
59 Ibidem, p. 164, 122 - 123 : entitatem , quoniam cum fo rm a pura sim plex sit, hanc habet a Deo...
60 Ibidem ,p . 167,289-290: ...ridiculum est in influxo esse qu od non sit a natura influentis ñeque aeternitas ñeque bonitas nec sapientia nec potentia.
61 Ibidem, p. 168, 302 - 304 : N o n enim potest ratio naturalis accipere substantias separatas nisi m otores caelestium orbium vel corporum.
62 Ibidem, p. 163, 86 : A lia vero pars dicitur agens et est pars anim ae, quae est om nia facere.
Ibidem, p. 163, 109 - 112 : H aec est itaque potentia anim ae, qua participam us cum angelis D ei eo, quod haec est substantia caelestis, quae absoluta a corpore, simplici intuitu om nia videt secundum puritatem suae substantiae. Ibidem, p. 176, 690 — p. 177, 691 : Credo ergo hac ratione naturaliter loquendo daem ones anim alia esse consistentia ex corpore et anima. Ibidem, p. 178, 776 - 777 : Et propter hoc m ultum abundant in intéllectu et sunt inter hom ines et angelos m ediae naturae.
63 Ibidem, p. 161, 15 - 17 : Haec autem anim a numerata per individua una num ero est in quolibet, differens tarnen secundum potentias, scilicet vegetativam , sensibilem et intellectivam.
Ibidem,, p. 165, 205 — p. 166, 210 : Practica vero potentia animae est, quae extendente se intelligentia speculativa applicatur ad operationem . Et haec quidem sequitur actionem anim ae speculativae, quoniam ipsa est eadem cum ilia in substantia, quia totum est anim a una indivisibilis nisi secundum partes in m od o, ut Socrates stans differt a se sedente, sicut etiam est diversitas inter intellectum agentem et possibilem .
64 Ibidem, p. 164, 124 - 125 : [...] in anim abus separatis a corpore [...]
65 Ibidem, p. 1 64,1 2 2 -1 2 4 : Influunt ergo intelligentiae in anim am non entitatem , quoniam cum forma pura sim plex sit, hanc habet a D eo , sed scientias et bonitates, quas anima recipit, ab illis.
66 Ibidem, p. 164, 124 - 128 : Et haec receptio contraria est in anim abus separatis a corpore, si praeter contagia m alorum obfuscantium suam puritatem a corpore fuerint separatae, et tunc per scientiam , quam recipient per intellectivam et quam habent etiam a sua form a, D eu s semper ipsis praesens erit.
67 Ibidem, p. 162, 47 - '52 : [...] licet per illas accidentales form as deveniant ad substantias a posteriori, ut patet in individuis, quorum substantiae per sensitivas potestates cognoscuntur.
Guillaume de M oerbeke et W itelo
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D ’après W itelo, G uillaum e soutient que, p ar sa lumière, Dieu donne à toutes
les substances supérieures, autrem ent dit aux m oteurs des sphères célestes68 et
aux corps supérieurs (célestes, astronom iques)69,ainsi q u ’à toutes les substances
inférieures70, l’entité, l’intelligence et la vitalité71. Cette lumière divine est le
principe, le m oyen et la fin {principium, medium et finis) de to u t l’ê tre 72. De plus,
G uillaum e distingue un autre genre de lumière : la lumière sensible73. En
s’épanchant à p artir des corps supérieurs74,celle-ci diffuse les formes corporelles
suprêmes et, selon le caractère de la forme corporelle, elle s’incorpore aux corps
inférieurs75. Elle perm et donc que les formes spécifiques et individuelles s’y
C ogn oscit enim bos possessorem suum et asinus praesepe dom ini sui. C ogn oscun t autem tam quam accidentia, quia habent ortum a materia in quibusdam formis et propter hoc redeunt via cognition is in potentiam m ateriae et non manent, ut patet in brutis.
68 C. Baeumker, op. cit., P erspectiva, Prologus, p. 128, 8 - 9 :... secum delatas form as divinorum et indivisibilium artificum ... Ibidem , p. 128, 12 : [...] m oventium virtutum.
69 Ibidem, p. 128, 4 : [...] superioribus corporibus perpetuia secundum substantiam , solum in
potentia ad ubi existentibus, ...
70 Ibidem, p. 1 2 7 ,1 4 :[...] inferiores substantias... ;p. 1 2 7 ,1 0 :[...] inferioribus rebus corporalibus [...] ; p. 127, 11 : [...] res corporeae inferiores...
71 Ibidem, p. 127, 17 — p. 128, 3 : ... om nis rerum entitas a divina profluat entitate, et om nis intelligibilitas ab intelligentia divina om nisque vitalitas a divina vita. Quarum influentiarum divinum lum en per m odum intelligibilem est principium, m edium et finis, ut a quo et per quod et ad quod om nia disponuntur. Cf. Procli Elem entatio T heologica translata a G uilelm o de M oerbeke, edidit V ansteenkiste, Tijdschrift voor P hilosophie, Leuven, U trecht, 13. Jaargang, N r 2, Juni 1951, cap. CI, p. 491 : Om nium intellectu participantibus procedit qui am ethectus intellectus ; et eorum quae vita, vita ; et eorum quae ente, ens. Ipsorum autem horum ens quidem ante vitam , vita autem ante intellectum . — Q uoniam quidem enim in un oqu oqu e ordine entium ante posthabentia sunt am ethecta, oportet ante intellectualia esse intellectum et ante viventia vitam et ante entia ens. Q uia enim praecedit quod plurium causa quam quod pauciorum , in illis ens erit m axim e primum. O m nibus enim adest quibus vita et in tellectu s: vivens enim om ne et intellectu participans est ens ex n ecessita te : n on autem e converso : neque enim entia om nia vivunt et intelligunt. Secunda autem vita : om nibus enim quibus intellectus attinet et vita attinet, non autem e converso. M ulta enim vivunt quidem , cognitione autem expertia relinquuntur. Tertius autem intellectus. Om ne enim cognitivum qualiter- cum que et vivit et est. Si igitur plurum causa ens, pauciorum autem vita et adhuc pauciorum intellectus, maxime primum est ens, deinde vita, deinde intellectus. Ibidem, p. 291, cap. L X X : O portet enim , si contingat, fieri prim o ens, deinde anim al, deinde hom inem . Et hom o non adhuc est deficiente rationali potentia, anim al autem est inspirans et se n tie n s; et deficiente iterum vivere, m anet ens, si enim quando non vivit esse totum est, etenim in om nibus eodem m od o. Cf. 5 . D ionysii D e
caelesti ierarchia, cap. IV, P atrologia latina, t. 122, col. 1046 (la traduction de Jean Scot Erigene). cf. P atrologiae graecae t. III, Lutetiae Parisiorum 1854, cap. IV, p. 178.
72 C. Baeumker, op. cit., Perspectiva, Prologus, p. 128. 1 - 3 : Quarum influentiarum divinum lum en per m odum intelligibilem est principium, m edium et finis, ut a quo et per qu od et ad quod om nia disponuntur.
73 Ibidem, p. 128, 3 : Corporalium vero influentiarum lumen sensibile est m edium ... 74 Ibidem, p. 128, 6 - 7 : E st enim lumen supremarum form aru m corporalium diffusio [...] 75 Ibidem, p. 128, 7 - 8 : [...] per naturam corporalis form ae materiis inferiorum corporum se applicans...
produisent continuellem ent. En vertu de l’acte de la lumière (actus luminis),
toutes ces form es co n stitu en t76 l’oeuvre de la fabrication divine (divinum
artificium) des sphères mues et des puissances m o u v an tes77. La lumière
corporelle qui, en tan t q u ’acte de la forme (formae actus), se diffuse sur les corps
inférieurs, quand elle s’incorpore à ceux-ci, prend des dimensions égales aux leurs
et acquiert leur extension78.Elle prend, par accident, la m esure de la distance qui
est celle de la droite, du ra y o n 79 et de la ligne naturelle80. En tom bant sur la
surface naturelle, elle vient form er un angle d roit qui est causé par la
perpendicularité de l’incidence du rayon q u ’émet le corps ra y o n n a n t81. Si ce
corps irradiant est oblique p ar rap p o rt au corps illuminé, la lumière corporelle
form e des angles aigus et o b tu s 82.
M ais revenons à ce q u ’avait écrit W itelo dans sa lettre padouane. La matière
est le principe d ’individuation des substances corporelles inférieures83.La forme
détermine tout ce qui est com m un au sein de l’espèce84. D u point de vue
76 Ibidem, p. 128, 8 - 10 : [...] et secum delatas formas divinorum et indivisibilium artificum per m odum divisibilem caducis corporibus imprimens suique cum illis incorporatione novas semper
fo rm a s specificas aut individuas producens. N . b. La lumière sensible s’applique aux corps périssables
sous un m ode divisible. La lumière intelligible se diffuse sou s un m ode intelligible, d on c sans division. 77 Ibidem, p. 128, 10 - 12 : [...] in quibus résultat p er actum luminis divinum artificium tam m otorum orbium quam m oventium virtutum.
78 Ibidem, p. 128, 12 - 14 : Quia itaque lumen corporalis fo rm a e actum habet, corporalibus dim ensionibus corporum quibus influit se coaequat, et extensione capacium corporum se extendit.
79 Ibidem, p. 128, 15 - 1 7 : [...] dim ensionem distantiae quae est linea recta per accidens assumit, sicque sibi nom en radii coaptat.
80 Ibidem, p. 128, 17 : Et quoniam linea recta naturalis...
81 Ibidem, p. 128, 17 - 20 : [...] linea recta naturalis semper est in aliqua superficie naturali, superficierum vero passio quae per term inantes lineas eis accidit, est angulus : ideo radio lum inoso considératio adiacet angularis, et rectis angulis radiorum perpendicularitas est causa, [...]
82 Ibidem, p. 128,20 - 21 :... obliqu atio vero irradiantis corporis super irradiatum corpus acutos causat engulos et ob tu sos ; ...
83 W itelonis D e causa p rim a ria ...,p . 163, 100- 103 : Et hoc fit per absolutionem loci et temporis et aliarum condicionum materialium individuantium , rerum quidditates vel potius formas intel- ligibiles consequentium . Individua enim non intelliguntur per materiam ipsorum quae ipsis dat naturam individualem , ...
84 Ibidem, p. 164, 122 - 123 : influunt ergo intelligentiae in anim am non entitatem , quoniam cum
fo rm a p u r a sim p \e x sit,h a n c habet a D eo, ...Ib id e m ,p . 164, 124- 128 : Et haec receptio contraria est in animabus separatis a corpore, si praeter contagia m alorum obfuscantium suam puritatem a corpore
fuerint separatae, et tunc per scientiam, quam recipient per intellectivam et quam etiam habent a sua
form a, D eus semper ipsis praesens erit. C ette form e unique, qui se rapporte à toutes les âm es, est, tant
que vivent des hom m es, la forme spécifique de tous ceux-ci, tout en constituant, avec la matière — la substance humaine corporelle. La forme corporelle est pourtant totalem ent différente de la forme pure, simple, identique à l’âm e intellective agente, séparée du corps. Cette forme pure et simple entre dans la substance corporelle, laquelle est déjà constituée, et elle s’unit au corps, en tant que com posé temporel, jusqu’à la m ort, m om ent où alors elle revient à soi, c ’est-à-dire à sa substance étem elle, incorruptible, om nisciente. Ibidem , p. 163, 109 - 112 : H aec est itaque potentia animae, qua participamus cum angelis D ei eo, quod haec est substantia caelestis, quae absolu ta a corpore, simplici intuitu om nia videt secundum puritatem suae substantiae. Ibidem, p. 172, 489 - 491 : [...] et tune fit
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m étaphysique, elle est toujours unique. W itelo se situe dans la ligne d ’A ristote et
d ’Avicenne pou r ce qui est de la com position de la substance corporelle.
La position de G uillaum e est différente. Sous son influence, dans ses
Perspectiva W itelo affirme, dans ses vues cosmologiques, l’éternité du m onde et
la création par la lumière sensible laquelle se divise, diffuse les formes et
incorpore celles-ci. En com plétant ainsi les corps inférieurs, la lumière sensible
poursuit l’oeuvre divine, fabriquée par les sphères mues et par les puissances
m ouvantes. Il s’agit donc d ’une conception où le m onde corporel inférieur se
trouve continuellem ent, sans q u ’il y ait eu de comm encem ent, créé p a r Dieu, p ar
les intelligences qui m euvent les sphères célestes et p a r les astres qui ne sont en
puissance de rien si ce n ’est du lieu (solum in potentia ad ubi existentibus) 8 5. Ces
astres qui sont des substances perpétuelles et qui sont sources de lumière sensible,
fournissent des formes aux matières des corps inférieurs perm ettant ainsi que se
constituent les substances corporelles inférieures. Encore privées de formes, les
m atières de G uillaum e ne sont toutefois pas la m atière d ’A ristote qui est sans
aucune déterm ination. Les matières de G uillaum e s’identifient déjà avec le lieu86,
possèdent des dimensions et o n t l'extension des corps é ten d u s87.En dépit de leurs
déterm inations spatiales, ces m atières sont des corps incom plets, qui dem eurent
en puissance, et dont l’accomplissement effectif suppose un acte. Or,
précisément, la lumière corporelle, qui provient des corps célestes, en tan t q u ’elle
possède l’acte de la forme, com porte l’acte qui est nécessaire pour rendre les corps
inférieurs com plets88.C herchant à préciser davantage encore le point de vue de
ipsa rediens super suam substantiam aetem am , incorruptibilem , scientem om nia. Ibidem , p. 165, 174 -1 7 5 :... ilia fiunt praesentia propter reditionem anim ae in se ipsam , cum sua m ensura est aeternitas, in qua non est prius nec posterius, et cum vident praesentia in contem platione.85 C. Baeumker, op. c i t . , ... Perspectiva, Prologus, p. 128, 3 - 6 : C orporalium vero influentiarum
lumen sensibile est medium , superioribus corporibus perpetuis secundum substantiam , solum in poten tia a d ubi existentibus, infima corpora, quae secundum form as et ubi variantur, mirifïce
assim ilans et connectens.
86 Ibidem, p. 128, 5 : ... infima corpora, quae secundum form as et ubi variantur...
87 Ibidem, p. 128, 12 - 14 : Quia itaque lumen corporalis form ae actum habet, corporalibus dim ensionibus corporum quibus influit se coaequat et extensione capacium corporum se extendit. Ce fut Pierre D uhem qui aperçut le premier que Robert G rosseteste et W itelo com prenaient différem m ent la lumière en tant que « la première des formes sensibles ». Pierre D u hem , L e systèm e du
monde, t. V, Paris 1954, p. 372 : Les pensées de W itelo font-elles autre chose que développer les
pensées de Robert G rosse-T este ? Com m e l’évèque de Lincoln, l’opticien nom m e la lumière « la première des formes sensibles ». M ais il n’entend pas par là une corporéité qui conférerait les dim ensions à la matière première, privée par elle-m êm e de divisibilité. C e sont, plu tôt, les corps qui im posent à la lumière leurs propres dim ensions. R uberti Lincolnensis Tractatus de impressionibus
elem entorum , éd. 1514, p. 9 col. b : Form am primam corporalem , quam quidam corporeitatem
vocant, lucem esse arbitrer. Robert G rosseteste, D e luce seu de inchoatione form aru m , éd. Ludwig Baur, D ie philosophischen W erke des R obert G rosseteste, Bischofs von Lincoln, Beiträge zu r Geschichte
der Philosophie des M ittelalters, Bd. IX , M ünster 1912, p. 51, Stefan Sw ieżawski, R obert G rosseteste f ilo z o f p rz yr o d y i uczony, Charisteria poświęcone W ładysław ow i Tatarkiew iczow i, W arszawa 1960,
p. 271.
88 C. Baeumker, op. c i t . , ..., P erspectiva, Prologus, p. 128, 12 - 13 : Quia itaque lumen corporalis form ae actum habet, ...