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Histoire des Gaulois : depuis les temps les plus reculés jusqu'a l'entière soumission de la Gaule a la domination romaine. 1

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(1)

HISTOIRE

D E S

G A U L O I S

D E P U I S L E S T E M P S L E S P L U S R E C U L É S

J U S Q U ’ A le n t i è r e S O U M I S S I O N D E L A G A U L E

A L A D O M I N A T I O N R O M A I N E

P A R

A M É D É E T H I E R R Y

P A R IS

L I B R A I R I E A C A D É M I Q U E

D I D I E R E T O , L I B R A I R E S - É D I T E U R S 35, Q U A I D E S A U G U S T I N S

D I X I È M E É D I T I O N

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(3)

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H I S T O I R E

D E S G A U L O I S

(4)

O U V R A G E S D ’A M É D É E T H I E R R Y

H istoire des Gaulois depuis les tem ps les plus recu lés ju s q u ’à l ’ e n tière d o m in a tio n ro m a in e , 10e édit. 2 vol.

i n - 8 ... 14 fr-

Histoire de la Gaule sous la d om in a tio n ro m a in e .

2 e é d it. 2 v o l. i n - 8 ... 14 fr.

Histoire d’A ttila et de se3 successeurs, s u i v i e des

légen d es et trad ition s. 3° édit. 2 v o l. in - 8 ... 14 f r

Tableau de l ’Empire rom ain depuis la fon d a tion de R m e ju s q u ’à la fin du g o u v e rn e m e n t im p é r ia l, 0e édit.

1 v o l. i n - 8 ... ... 7 fr.

R écits de l ’Histoire rom aine au v° siècle LA LU TTE CONTRE LES BARBARES 1 Al a r i c. — L ’A gonie de l ’Em pire. (T r o is M inistres, e t c .)

I v o l. i n - 8 ... 7 fr.

2. Pl a c i d i e. — Le Démembrement de l ’Em pire. 1 v o l . i n - 8 . [Sous presse.)

3 D e r n ie r s temps c e l ’empire d ’O c cid en t — La M ort de

l ’Em pire. 1 v o l. in - 8 ... 7 fr.

LES LU T T E S RELIGIEUSES

4. Sa i n t Jé r ô m e. La Société chrétienne en Occident.

1 v o l. in - 8 ... 8 fr.

5. Sa in t Je a n Ciirysostom e et lim p é r a t r ic e Eüd o x ie. —

L a Société chrétienne en Orient. I v o l. i n - 8 ... 8 fr . 6 . Ne s t o r iu s et Eu t y c h è s Les grandes Hérésies du v e

siècle. 1 v o l. în -S . (Sous presse).

Parie. — Typ. Pi i.l b t et D u m o u l m , 5, rue des Grands-Augusl ins.

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HISTOIRE

D E S

G A U L O I S

DEPUIS LES TEMPS LES PLUS RECULÉS

j u s q ua le n t i è h e SOUM ISSION D I LA GAULE

A LA DOMINATION DOMAINE

A M É D É E T H I E R R Y

M E M B R E DE L I N S T I T U T

D I X I È M E É D I T I O N

P A R I S

D 1 L) 1E R

L I B R A I R I E A C A D É M I Q U E

E T C ' “, L I B R A I R E S - É D I T E U R S 3 5 , QUAI DES AUGUSTINS

\ 8 7 7 T o u s dr oi t s r és er vés

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A MON F R È R E

AUGUSTIN THIERRY

B i b l i o t e k a J a g i e l l o r t s k a

(8)

unn " O - j w m

C H A C U N »

f \ \ h

j

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PRÉFACE,

En publiant cette nouvelle édition de VHistoire des Gaulois, je crois utile de reproduire ici quelques pages qui précédaient la troisième, publiée en 1 8 H - J’ y parlais de mon livre, des raisons qui me l’avaient fait entreprendre, et aussi de l’état où se trouvait alors la science ethnologique, en ce qui concerne la plus obscure p e u t-ê tr e , mais non la moins impor­

tante de nos origines nationales.

« Je n’ai point oublié, y disais-je, quelle curio­

sité indulgente accueillit mon livre lors de son appa­

rition en 1828. C’était la première fois qu’ on tentait d ’amener aux proportions d’une histoire ces fragments sans liaison, ces pages volantes disséminées dans les auteurs grecs et romains, et qui contiennent le secret de la vie de nos pères. Bien jeune encore, l’auteur avait formé le dessein hardi d’introduire l’unité dans ce chaos, au moyen d’une donnée ethnologique en rapport avec la double science de l’histoire et des langues : c ’était essayer d’ organiser un corps avec des lambeaux, et d’y faire descendre une ûme. Si la nou­

veauté des questions soulevées put étonner d’abord

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quelques esprits, ce sentiment n’existe plus mainte­

nant que les mêmes questions agitées, discutées en France, en Angleterre, en Allem agne, ont pris une place définitive dans le domaine public de l’histoire.

Je n’ai donc plus à me défendre d’ une hardiesse que le progrès des sciences historiques a justifiée, mais seulement à exposer dans quel rapport mon livre se trouve actuellement avec l’état de nos connaissances ethnologiques.

« En France, la critique l’a traité avec une ex­

trême bienveillance. Deux éditions d’un travail si sé­

rieux et si spécial se sont écoulées en peu d ’années.

Les idées sur lesquelles il repose ont été admises généralement dans l’enseignement des écoles; il est même peu d ’ouvrages considérables publiés dans ces derniers temps sur l’ histoire de France qui ne m ’ aient fait l’ honneur d’ adopter plus ou moins complètement le système exposé dans le mien. Enfin, l’attention et le goût du public s’étant portés depuis lors vers l’étude des idiomes gaulois, des hommes habiles en ont rap­

proché les dialectes, étudié le mécanisme, et l’ont comparé à celui des autres idiomes indo-européens.

N’ aurais-je d’autre mérite que d ’avoir coopéré à ce mouvement d’études, de l’avoir provoqué pour ma faible part, je me trouverais encore assez payé de tant de longues années consumées dans un labeur pénible et souvent ingrat.

« Eu Allemagne, où aucune question ne se traite

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à dem i. où l’ érudition patiente et l’hypothèse, même aventureuse, savent marcher de concert, et jouissent du même droit de bourgeoisie, la question des ori­

gines gauloises a été abordée aussi, et l’a été sous toutes ses faces. Dans cette seconde épreuve, il n’est pas resté un seul point de fait sans examen, une seule conjecture sans débat; et qu’on me permette de le dire avec quelque orgu eil, le système que je croyais vrai est non - seulement demeuré debout, mais s’est encore fortifié par la controverse. Au nombre des ou­

vrages allemands dont les conclusions se sont trouvées le plus fréquemment conformes aux miennes, il me suffit de citer la Celtica de M. Dieienbach, publiée de 183 8 à 1 8 i0 : livre excellent, qui résume à merveille l’état de la science; revue critique où toutes les opi­

nions anci nnes et modernes comparaissent devant un juge d’une compétence irrécusable; inventaire ethno­

graphique érudit, intelligent, impartial; exact comme ce que font nos voisins, concluant comme ce qui se fait chez nous. Je dois à M. Diefenbach des remer- cim ent' pour la part bienveillante qu’il y accorde à mes idées. Quelques dissidences, faciles à expliquer par la différence du point de vue, me séparent seules de plusieurs historiens allemands et slaves très-re- commandables '. J’ajouterai que Niebuhr, dans la

d.Je ne sais comm ent M. Schaffarich a pu trouver que je rattache les Galls aux Ibères, et n’assigne que les Kimris à la souche indo-européenne ( Slavisclte Alterthümer, t. I , p. 375). Je dis précisément le contraire.

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dernière édition de son Histoire romaine, publiée en 1830, et qui a reçu de grands développements en ce qui concerne les origines gauloises, était arrivé à une formule très-rapprochée de la mienne. Je ne veux certes attribuer à mes travaux aucune influence sur la direction d’idées d’un homme tel que Niebuhr : cette prétention me siérait m a l, et est assurément bien étrangère à ma pensée. Si je signale cette res­

semblance, c ’est qu’elle donne plus d’autorite à des opinions que je crois bonnes, et qu’ eile peut, quant à ce qui me regarde, rassurer le public français sur l’indulgence de ses jugements.

« En Angleterre, M . le docteur Pritchard m ’a combattu sur plusieurs points avec une science dont j ’ai fait mon profit, et une courtoisie que je devais

attendre d’ un tel adversaire.

« Je n ’en dirai pas autant de certaines attaques qui me sont venues d’un pays v oisin , au sujet des origines de la Belgique, et attendu que j ’ai le mal­

heur de croire et d’ affirmer, avec toute l’antiquité, que les Belges étaient de sang gaulois et non pas germain. A l’aigreur qui perçait sous la critique, à l’excessive sévérité des jugements portés sur nos pères, comparés aux anciens Teutons, il m ’ a été facile de reconnaître qu’ on mêlait une question de politique contemporaine à une question d’histoire spéculative parfaitement désintéressée dans mon livre. Sur ce terrain, j ’ai pu me dispenser de répondre. Mais je

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me suis remémoré cette phrase où Tacite, il y a plus de dix-sept cents ans, signalait déjà chez quelques Belges une affectation de germanisme : « Treviri et

« Nervii circa affectationem germanicæ originis ultro

« ambitiosi sunt : tanquaru, per hanc gloriam san-

« guinis, a similitudine et inertia Gallorum separen-

« tur. » Je ne suppose pas que ce soit précisément la faiblesse de la France qui soulève aujourd’hui mes critiques contre les vérités de l’histoire. Si j ’en parle ici, c’est pour blâmer des tendances que je crois moc telles à la science, et réclamer du moins en ma fa­

veur , à défaut de tout autre titre, la sincérité des intentions et la bonne foi dans l’étude.

« Grâce à la critique sérieuse, grâce aux travaux que j ’énonçais tout à l’heure, mon livre s’est nota­

blement am élioré; des choses douteuses ont disparu;

d autres se sont éclaircies; d’autres enfin, présentées d ’une manière trop concise, ont reçu des développe­

ments propres à en compléter la démonstration.

L’ introduction, qui renferme la discussion des bases ethnologiques, a été refondue et portée presque au double. Enfin je crois avoir satisfait aux exigences de mes Aristarques sur les points vraiment importants de la question.

« Qu’on me permette d’ajouter un mot sur le but- que je me suis proposé en entrant dans la carrière des études historiques. L'Histoire des Gaulois, lorsque je la composai, se liait intimement dans ma pensée b.

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un second ouvrage, Y Histoire de la Gaule sous V ad­

ministration romaine. Nous étions alors au plus fort de cette croisade généreuse qui fonda et popularisa en France la réforme historique. Peu d’époques lit­

téraires, on s’en souvient, provoquèrent une sympa­

thie plus universelle et plus vive. On eût dit l’exis­

tence même de la patrie intéressée à ces recherches dont elle était le premier objet. Toutes les imagina­

tions semblaient en éveil ; tous les cœurs battaient dans l’attente; c ’était à qui apporterait son grain de sable à l’œuvre de reconstruction, et les mains qui ne travaillaient pas applaudissaient avec reconnais­

sance aux travailleurs. Une insatiable curiosité de trouver et d ’apprendre poussait les esprits plus parti­

culièrement vers la découverte de nos origines natio­

nales. Déjà quelques-uns de ces hommes qui savent s’ approprier les temps en y imprimant le sceau de leur génie s’étaient emparés de l’époque germanique et de celle du moyen â ge; mais la tête de notre his­

toire restait toujours enveloppée de ténèbres. Ce fut là que j ’osai me diriger, espérant y taire jaillir un peu de lumière.

« En partant de la période gallo-franke comme d’ une des divisions naturelles de nos annales, et re­

montant plus haut, à travers le cours des âges, je rencontrais deux autres périodes historiques tout aussi naturellement tracées, et auxquelles se rattachaient deux grands problèmes non résolus.

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« Quand les Burgondes, les Wisigoths, les Franks vinrent occuper la Gaule, celle-ci était romaine ; elle formait une province de cet empire universel dont les maîtres siégeaient au Capitole. Qu’était-ce qu’être Romain? quelle place tenait la province gauloise dans l’unité de l’Empire? quel rôle joua-t-elle dans ses des­

tinées? qu’avons-nous reçu, perdu, conservé malgré les siècles de cette civilisation romaine interrompue par les Germains? C’était le premier problème qui s’ offrait à moi.

« Le second appartenait à une époque plus recu­

lée, à l’époque où la Gaule, en possession de son indé­

pendance barbare, n’avait point encore connu la loi de l’étranger. Il consistait à déterminer les éléments ethnologiques de cette grande famille qui remplit l’an­

cien monde de ses armes et de son nom, à rechercher de quelles races elle se com posa; quels furent son caractère, ses mœurs, et, sur tous les points du globe où elle mit le pied, ses destinées, avant que la fortune l’eût abaissée partout sous le joug des Romains.

h Ce dernier problème, le premier à traiter dans l’ordre des dates, Y Histoire des Gaulois en proposait une solution; j ’ai abordé l’autre dans mon Histoire de la Gaule sous l'administration rom aine, que j ’espère compléter incessamment. Conçus dans une même idée, et se liant l’un à l’autre par un plan com m un, ces deux ouvrages forment ensemble une introduction à ce qu’on a coutume d'appeler Y histoire de F rance;

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introduction nécessaire pour l’ intelligence du reste, car les événements de la vie des peuples sont bien souvent une énigme dont le mot, oublié des enfants, ne se retrouve plus que dans le berceau des pères.

« Yoilà le terrain que j ’ ai passé tant d’années à déblayer. Quoi que vaille mon œ uvre, elle m ’appar­

tient. S i, dans la division du travail historique, je n’ai point couru après les tâches brillantes, le public me rendra du moins cette justice que j’ai accompli celle-ci avec conscience et courage. »

J’écrivais ces lignes il y a vingt ans; depuis lors, une thèse autrefois débattue en France et a b a n d o n ­

n ée, celle qui tend à confondre les races gauloise et germanique sous l’appellation commune de Celtes, a

été reprise en Allemagne. A ux x v i i6et xvm e siècles, des savants français, égarés peut-être par un senti­

ment patriotique mal entendu, s’efforcèrent d’établir que les Germains étaient des Celtes, c ’est-à-dire des Gaulois : quelques savants allemands prétendent dé­

montrer aujourd’hui que les Celtes sont d es Germains;

on voit que c’est la même thèse prise à rebours, sui­

vant q u ’on appartient à ce côté du Rhin ou à l’autre.

Nous avons même eu des érudits qui voyaient des Celtes partout; et les conséquences ridicules où l’es­

prit de système conduisit ces celtomanes passionnés sont encore présentes à toutes les mémoires. De tels excès discréditèrent en France les études celtiques peu danl la moitié du dernier siècle. Puisse-t-il n’en être

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pas de même chez nos voisins ! Au reste, la discorde semble avoir déjà pénétré dans le camp du celto-ger- manisme, car il a bien fallu se poser de prime abord cette question : « Quels sont les vrais Germains? » question (oujours agitée de l’autre côté du Rhin, et toujours brûlante.

Comme les arguments qui ont fait rejeter la thèse soutenue autrefois en France s’ appliquent également à celle qui se soutient en Allemagne, j ’ai dû persis­

ter, avec Fréret et les meilleurs critiques français, dans mon opinion sur la séparation des races germa­

nique et gauloise, attribuant à celle-ci particulière­

ment la dénomination de Celte, mais reconnaissant que cette appellation, prise dans un sens géographi­

q u e, a reçu quelquefois dans les textes des anciens une extension exagérée.

La numismatique gauloise, fondée depuis moins de vingt-cinq ans, sous l’inspiration de l’ histoire, jette déjà de vives lumières dans les obscurités de nos ori­

gines. Débarrassée des interprétations mythologiques qui en faisaient un chaos d’hypothèses toutes plus folles les unes que les autres, et désormais assise sur des principes assurés, l’étude de nos monnaies natio­

nales est devenue une science. Les peuples, les villes, les chefs gaulois reviennent ainsi à la clarté du jou r, avec leurs attributs, sur leurs propres monuments.

On pourrait presque faire une galerie des médailles frappées au nom des personnages qui jouèrent un

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rôle important dans la guerre de l’ indépendance : JLuctère, Tasgète, Yiridorix, Durât, Litavie et le grand Vercingétoiÿx. Nous possédons même des médailles commémoratives de l’événement qui amena dans les Saules César et ses légions, et dont le récit ouvre les Commentaires du conquérant. Je veux p a rle r du Trium- /irat organisé par Orgétorix, Castic et Dum norix.

59 ans avant notre ère, dans le ITiirdTènvaT)Tr Toute la Gaule au moyen de rémigration des Helvètes, et d’y fonder leur domination. La plus curieuse de ces médailles, celle qui confirme l’ alliance d’ Orgétorix avec lesEdues par l’intermédiaire de Dumnorix, porte d’un côté une tête de Diane avec la légende Eduis, et au revers un ours avec ce mot, O rcitirix. « La beauté du travail de la médaille et le choix de la tête qui en forme le type principal indiquent que le peuple des Edues. placé par la civilisation avant tous les autres peuples de la Gaule indépendante, avait attiré chez lui les artistes de Marseille ou en possédait de natio­

naux formés à l’école de cette ville célèbre. » J’ em­

prunte cette observation à mon confrère et ami M. de La Saussaye, qui a fixé l’ attribution de ce curieux monument avec sa sagacité ordinaire ‘ .

On a fait quelque bruit, dans ces derniers temps, de découvertes philologiques qui devaien disait-on.

1. Monnaies des Éduens, par M. L. de t a Saussaye, membre de l’Académie des inscriptions et belles-lettres (Institut de F rance), Paris 1846.

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bouleverser les bases de l’histoire des Gaules telles que j ’avais cru les devoir établir d’après les témoi­

gnages historiques directs : voyons ce que ce mouve­

ment a produit.

Nul plus que moi ne rend justice aux études de linguistique et ne reconnaît les services q u ’elles ren­

dent à l’histoire, quand elles n’ont pas la prétention de la refaire et de se substituer aux textes qui la constituent essentiellement. Leur sphère est bornée comme celle de la numismatique et de la science des inscriptions : elles assistent, elles éclairent ; elles ne sont pas tout. Le dernier siècle et même celu i-ci nous ont montré dans quels excès étranges peuvent s’égarer parfois, dans les questions étym ologiques, l’esprit de système et le parti pris.

Sans doute la science philologique des J. Grimm, des Zeus, des Mone, en Allemagne, celle de MM. A . Pictet, de La Villemarqué, de Gourson et de quelques autres érudits en deçà du R h in , est une science sé­

rieuse, avec laquelle l’histoire doit compter. En exa­

minant cependant à quoi est venu aboutir tout ce mouvement de recherches, de controverses, d’inter­

prétations plus ou moins arbitraires des noms de per­

sonnes et de lieux gaulois, on est forcé d’avouer qu’il laisse la question entière quant aux bases fondamen­

tales de l’histoire des Gaules, ou plutôt qu’il la con­

firme. Je ne puis mieux faire, à cet égard, que de m en remettre au jugement de M. A. Pictet, ce sa­

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vant collaborateur de M. Grimm , qu’il avait déjà précédé, si je ne me trompe, dans l’étude passionnée de la philologie celtique.

Le problème qui s’oflre à résoudre au frontispice de toute histoire des Gaules est c e lu i-c i : « A -t-il existé vraiment, dans l’ancienne Gaule, com m e les textes historiques l’affirment, deux idiomes gaulois distincts? Ont-ils encore aujourd’hui leurs rep résen ­ tants légitimes dans le gaelique et le kymreag ou kimrique? Ënlin, dans quelle proportion, du moins approximative, se trouvent-ils répartis sur les terri­

toires de l’ancienne Gaule et de l’ancienne Bretagne?»

Ces questions sont évidemment de la compétence de la philologie en même temps que de l’histoire. Or, à quelles conséquences sommes-nous conduits par les derniers travaux de linguistique?

Il m ’avait semblé, d’après la collation des textes, que la famille gauloise se divisait en trois groupes de tribus composées : 1° de Galis ou Gaëls, suivant qu’on adopte l’orthographe latine ou l’orthographe irlan­

daise actuelle; 2° de Belges appartenant à la race kimrique; 3° de Kimro-Galls, mélange des deux prin­

cipaux rameaux. A l’époque où j ’établissais celte dis­

tinction, elle concordait avec les résultats philologiques admis dans le pays de Galles, en Irlande, en France et même en Allemagne. Les études actuelles ont-elles changé quelque chose à ces conclusions? Je laisserai parler M. Pictei.

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Suivant l’habile philologue, l’opinion qui place exclusivement des Galls dans la Celtique et des Kim - ris dans la Belgique, avec un mélange intermédiaire, a été partagée par M. Mone dans son savant livre intitulé Die Gallische Sprache (K arlsrühe, 1851) : cette opinion est la m ienne, sauf la limite trop res­

treinte indiquée par le mot « exclusivement. » — Zeus, au contraire, dans sa Grammatica celtica, sou­

tint d ’abord l ’homogénéité de la langue gauloise, en la rattachant au kimrique, puis il revint sur ses pas, et se servit principalement du gaelique dans l’inter­

prétation des formules de Marcellus : c ’était au fond reconnaître deux idiomes distincts, et, par conséquent, deux rameaux génériques. — Quant à M. J. Grimm, sa préférence est marquée en faveur du gaelique, qu’ il regarde com m e le plus ancien des idiomes gaulois, de même que j ’ai vu dans la race des Galls la plus ancienne branche de la famille primitive.

Ces systèmes allemands ont eu , com m e toujours, un écho en France, et plus d’ un amateur de philo­

logie s’est plu à reproduire l’opinion de Zeus avant sa conversion. Ona même imaginé un système mixte, lequel consistait à soutenir que la langue gau loise, tout unique et homogène qu’elle fût, tenait à la fois du kimrique et du gaelique : du premier par son vo­

cabulaire, du second par les flexions qu’elle possédait, encore. Qu’est-ce que cela, suivant la remarque de M. Pictet, sinon constater par la trace d ’ une dualité

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d’ idiomes une dualité de races correspondante? Tout ceci, ajoute le juge dont j ’aime à invoquer ici l’auto­

rité, tout ceci appuie sans contredit les idées de ceux qui admettent la division tripartite des Gaulois en G alls, Kimris et Kimro-Galls. Je présente donc de nouveau avec conliance mon Histoire des Gaulois comme reposant sur une base ethnographique que les récentes études de philologie sont venues confirmer, loin de l’avoir ébranlée.

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INTRODUCTION»

Il ne faut s’attendre à trouver ici ni l’ intérêt ph iloso­

p h iqu e qu ’ inspire le développem ent progressif d ’ un seul fait grand et fécon d , n i l’ intérêt pittoresque qu i s’attache aux destinées successives d’ un seul et m êm e territoire, im m ob ile théâtre de m ille scènes m obiles et variées : les faits qu e raconte cette histoire sont n om breu x et divers, leur théâtre est l’ancien m on d e tout en tier; mais pourtant une forte unité y d o m in e ; c’ est u ne b iograp h ie qui a p ou r h éros un de ces personnages collectifs appelés peuples, dont se com pose la grande fam ille hum aine.

L’auteur a ch oisi le peuple gaulois co m m e le plus im ­ portant et le plus curieux de tous ceux que les Grecs et les Rom ains désignaient sous le n o m de barbares, et parce que son histoire mal co n n u e , p ou r ne pas dire in c o n n u e , laissait un vide im m en se dans les prem iers tem ps de notre O ccident. Un autre sentim ent e n co re , un sentim ent de justice et presque de p ié t é , l’ a déterm iné et soutenu dans cette lon gu e tâche : Français, il a voulu connaître et faire connaître u ne race de laquelle des­

cendent les d ix-n eu f vingtièm es d’ entre nous Français ; c’ est avec un soin religieu x q u ’il a recu eilli ces vieilles reliques dispersées, qu’ il a été puiser, dans les annales de vin gt peuples, les titres d’ u ne fam ille qui est la nôtre.

U’ ouvrage que je présente au p u b lic a d o n c été com ­

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posé dans un but spécial : celui de mettre l’ histoire narrative des Gaulois en h a rm on ie avec les progrès récents de la critique h isto r iq u e , et de restituer, autant qu e possible, dans la peinture des événem ents, à la race prise en masse sa cou leu r g é n é ra le , aux subdivisions de la race leurs nuances propres et leur caractère distinc­

tif : vaste tableau don t le plan n ’ em brasse pas m oins de dix-sept cents ans. Mais à m esure que m a tâche s’ avan­

cait, j ’ éprouvais u ne p réoccu p ation p h ilosop h iq u e de plus en plus forte : il m e sem blait v o ir qu elqu e chose d ’individuel, de constant, d’im m u able, sortir du m ilieu de tant d’ aventures si diversifiées, passées en tant de lieux, se rattachant à tant de situations sociales si diffé­

ren tes; ainsi qu e dans l’ histoire d’u n seul h o m m e , à travers tous les incidents de la vie-la plus rom a n esq u e, on voit se dessiner en traits invariables la p h ysion om ie du héros.

Les masses ont-elles d o n c aussi u n caractère, type m o r a l, que l’ éducation peut b ien m od ifier, mais qu ’ elle n’ efface p o in t? En d ’autres term es, existe-t-il dans l’ es­

pèce h um ain e des fam illes et des races, com m e il existe des individus dans ces races? Ce p rob lèm e, dont la posi­

tion ne rép u g n e en rien aux théories p h ilosop h iq u es de notre tem ps, co m m e j ’ achevais ce lo n g ou v ra g e, m e parut résolu par le fait. Jamais en core les événem ents h um ains n ’ avaient été exam inés sur u ne aussi vaste éch elle, avec autant de m otifs de certitude, pu isqu ’ils sont pris dans l’ histoire d’ un seul p e u p le , antérieure­

m ent à tou t m élange de sang étranger, du m oins à tout m élange c o n n u , et qu e ce peu ple est con d u it par sa fortu n e vagabonde au m ilieu de dix autres fam illes h u m a in es, c o m m e p o u r contraster avec elles. En O cci­

d en t, il tou ch e aux lb è i'es, aux Germains, aux Italiens;

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en O rien t, ses relations sont m ultipliées avec les Grecs, les C arth agin ois, les Asiatiques, etc. De p lu s, les faits co m p ris dans ces dix-sept siècles n ’appartiennent pas à u ne série u n iqu e de fa its, mais à deux âges de la vie sociale b ien différents, à l’ âge n om ade et à l’âge séden­

taire. Or, la race gauloise s’y m on tre constam m ent iden­

tique à elle-m êm e.

L orsqu ’ on veut faire avec fru it un tel travail d ’ obser­

vation sur les peuples, c’ est à l’état n om ade principale­

m en t qu ’ il faut les étu d ier; dans cette p ériod e de leur existence où l’ ordre social se réduit presque à la su bor­

dination m ilitaire, où la civilisation est, si je puis ainsi p arler, à son minimum. Une h ord e est sans patrie co m m e sans len d em a in ; chaque jo u r, à chaque com bat, elle jo u e sa propriété, son existence m êm e ; cette p ré oc­

cupation du présen t, cette instabilité de fortu n e, ce besoin de con fia n ce de chaque individu en sa force per­

son n elle , neutralisent presque totalem ent, entre autres in flu ences, celle des idées religieuses, la plus puissante de toutes sur le caractère h um ain . Alors les penchants in n és se d ép loien t librem en t avec u ne v igu eu r toute sauvage. Qu’ on ouvre l’histoire a n cie n n e , q u ’ on suive dans leurs brigandages deux h ordes ou ba n d es, l’ une de G au lois, l’autre de Germ ains : la situation est la m ê m e , des deu x côtés ig n o ra n ce , brutalité, barbarie é g a le ; m ais co m m e on sent n éa n m oin s .que la nature n ’ a pas jeté ces h om m es-là dans- le ajaême m ou le ! A l’ étude d ’un peuple pendant sa vie nom ade eji succède u ne autre n on m oin s im portante p o u r le but d on t nous n ous o ccu p o n s : l’ étude de ce m ôm e peu ple durant Je P rem ier travail de la vie séd en ta ire, à cette ép oqu e de transition où la liberté h um ain e se débat en core violem ­ m ent con tre les lois nécessaires des sociétés et le déve­

(26)

loppem en t p rogressif des idées et des besoins sociaux.

Les traits saillants de la fam ille gauloise, ceux qui la différencient le p lu s, à m o n avis, des autres familles h um ain es, peuvent se résum er ainsi : une bravoure p erson nelle que rien n’ égale chez les peuples anciens ; un esprit franc, im pétueux, ouvert à toutes les im pres­

sio n s, ém in em m en t in telligent; mais à côté de cela , u n e m ob ilité ex trêm e, p oin t de con sta n ce, u ne répu­

gn ance m arquée aux idées de discipline et d’ ordre, si puissantes chez les races germ an iqu es, beau coup d’ os­

ten ta tion , en fin une d ésu nion p erp étu elle, fruit de l’ excessive vanité. Si l’ on voulait com p a rer som m aire­

m ent la fam ille gauloise à cette fam ille germ an iqu e que nous ven ons de n om m er, on pourrait dire que le senti­

m ent p erson n el, le moi in dividuel est trop développé chez la p r e m iè r e , et q u e , chez l’ a u tre , il ne l’ est pas assez; aussi trou von s-n ou s, à chaque page de l’ histoire des G aulois, des personnages origin a u x q u i excitent vivem ent et con cen tren t sur eux notre sy m p a th ie, en n ous faisant ou b lier les m a sses, tandis q u e , dans l’his­

toire des G erm ains, c’ est ordin airem ent des masses que ressort tout l’ effet.

Tel est le caractère général des peuples de sang gau lois; m ais, dans ce caractère m ê m e, l’ observation des faits con d uit à reconnaître deux nuances distinctes, correspon dant à deux bran ches distinctes de la fam ille, à deux races, p o u r m e servir de l’expression consacrée en histoire. L’ u ne de ces races, celle que je désigne sous le n om de Galls, présente de la m anière la plus p ro­

n o n cé e toutes les dispositions naturelles, tous les dé­

fauts et toutes les vertus de la fam ille; les types gaulois individuels les plus purs lui appartiennent : l’ autre, celle des Kymris, m oins active, m oin s spirituelle peut-

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ê tr e , possède en retou r plus de constance et d e stabi­

lité : c’ est dans son sein prin cip alem en t qu ’ on rem arque les institutions de classem ent et d’ ord re; c’ est là que persévèrent le plus lon gtem ps les idées de théocratie et de m on arch ie.

L’ histoire des G aulois, telle que je l’ ai co n ç u e , se divise naturellem ent en quatre grandes p ériod es, bien qu e les nécessités de la ch ro n olo g ie ne m ’ aient pas tou­

jou rs perm is de m ’ astreindre, dans le r é c it, à u ne clas­

sification aussi rigoureuse.

La prem ière p ériod e ren ferm e les aventures des na­

tions gauloises à l’ état nom ade. A ucune des races de notre O ccident n’ a rem pli u n e carrière plus agitée et plus brillante. Les courses de celle-ci em brassent l’ Eu­

rope, l’Asie et l’Afrique ; son nom est in scrit avec terreur dans les annales de presque tous les peuples. Elle brûle R om e, elle enlève la M acédoine aux vieilles phalanges d ’A lexandre, force les T herm opyles et pille D elphes;

p u is, elle va planter ses tentes su r les ruines de l’ an­

cienne T ro ie , dans les places pu bliqu es de Milet, aux bords du Sangarius et à ceux du Nil; elle assiège Car­

tilage, m en ace M em phis, com pte parm i ses tributaires les plus puissants m onarques de l’ O rien t; à deux re­

prises elle fon d e dans la haute Italie un grand em p ire , et elle élève au sein de la P hrygie cet autre em pire des Galates qu i dom ina longtem ps toute l’Asie-Mineure.

Dans la secon de p é r io d e , celle de l’ état séden taire, on voit se développer, partout où cette race s’ est fixée à dem eu re, des institutions sociales, religieuses et p oli­

tiques con form es à son caractère p a rticu lier; institu­

tions orig in a les, civilisation p lein e de m ou vem en t et de vie, dont la Gaule transalpine offre le m odèle le plus pur et le plus com plet. On dirait, à suivre les scènes anim ées

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de ce tableau, q u e la théocratie de l’ In d e , la féodalité de notre m oyen âge et la d ém ocratie ath én ien n e se sont d on n é re n d e z -v o u s sur lé m êm e sol p o u r s’ y com battre et y rég n er tou r à tou r. Bientôt cette civilisation se m é­

lange et s’altère, des élém ents étrangers s’ y introduisent, im portés par le c o m m e r c e , par les relations du voisi­

n a g e, par la réaction des populations su bju gu ées. De là des com b in a ison s m ultiples et souvent bizarres; en Ita lie , c ’ est l’ in flu en ce rom a in e q u i se fait sentir dans les m œ urs des Cisalpins; dans le m id i de la Transalpine, c’est d ’abord l’ in flu en ce des Grecs de Massalie (l’an cien n e M arseille), puis celle des co lon ie s italien n es, et il se form e en Galatie le com posé le plus sin gu lier de civilisa­

tion g a u lo is e , p h ry g ien n e et grecqu e.

Vient ensuite la p ério d e des luttes nationales et de la con quête. Par un hasard d ig n e de rem a rq u e, c ’ est tou ­ jo u rs sous l’ épée des Rom ains qu e tom b e la puissance des nations gau loises; à m esure qu e la d om in ation ro­

m aine s’ éten d , la d om in a tion g a u lo ise , jusque-là assu­

rée, recu le et d éclin e ; o n dirait q u e les vainqueurs et les vaincus d ’Allia se suivent sur tous les poin ts de la terre p o u r y v id er la vieille qu erelle du Capitole. En Italie, les Cisalpins sont su b ju g u é s, mais seulem ent au b ou t de deu x siècles d’ u ne résistance a ch arn ée; quand le reste de l’Asie a accepté le j o u g , les Galates défendent en core con tre R om e l’in d ép en da n ce de l’ O rien t; la Gaule suc­

c o m b e , mais d ’ ép u isem en t, après un siècle de guerres partielles, et n e u f ans de guerres générales sous César;

enfin les n om s de Caractac et de Galgac illustrent les der­

niers et in fru ctu eu x efforts de la liberté breton n e. C’ est partout le com bat inégal de l’esprit m ilita ir e , a r d e n t, h éroïq u e, mais sim ple et grossier, con tre le m êm e esprit discipliné et persévérant.

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Peu de nations m ontreraient dans leurs annales une aussi belle page qu e cette dernière gu erre des Gaules écrite pou rtan t par u n en n em i. Tout ce q u e l’ am ou r de la patrie et de la liberté enfanta jam ais d’ h éroïsm e et de p ro d ig e s, s’ y déploie m algré m ille passions contraires et funestes : discordes entre les cités, discordes dans les ci­

tés, entreprises des n obles con tre le p e u p le , excès de la d é m o cra tie, in im itiés héréditaires des races. Quels h o m m e s qu e ces Bituriges qu i in cen d ien t en un seul jo u r v in gt de leurs villes ! qu e cette population carnute, fugitive, pou rsuivie par l’ épée, par la fam ine, par l’ hiver, et qu e rien ne peut abattre ! Quelle variété de carac­

tères dans les chefs, depuis le dru ide Divitiac, enthou­

siaste b o n et h on n ête de la civilisation rom aine, ju sq u ’ au sauvage A m b io r ix , ru sé , vin dicatif, im p la ca b le, qu i ne co n ço it et n im ite que la rudesse des G erm ains; depuis D u m n orix , b ro u illon a m b itieu x, m ais fier, q u i veut se faire du' con qu éran t des Gaules un in stru m en t, non pas un m aître, ju sq u ’à ce V ercin g étorix , si pu r, si éloquent, si brave, si m agn an im e dans le m alheur, et à qu i il n’ a m a n q u é , p o u r p ren d re place p arm i les plus grands h o m m e s, que d’ avoir eu u n autre e n n e m i, surtout un autre historien que César !

La quatrièm e p ériod e com p ren d l’ organisation de la Gaule en provin ce r o m a in e , et l’ assim ilation lente et successive des m œ urs transalpines aux m œ urs et aux in­

stitutions de l’Italie; travail co m m e n cé par Auguste, con ­ tinué par C laude, achevé plus tard. Ce passage d ’ une civilisation à l’ autre ne se fait p oin t sans violen ce et sans secousse : de n om breu ses révoltes sont com p ri­

m ées par A uguste, u ne grande in surrection éch ou e sous Tibère. Les déch irem en ts et la ru in e im m in en te de Home pendant les guerres civiles de Galba, d ’ O thon , de

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Vitellius, de Vespasien, d on nen t lieu à une subite exp lo­

sion de l’ esprit d’ in dépen dan ce au n ord des Alpes-, les peuples gaulois reprennent les armes, les sénats se refor- m e n t, les Druides proscrits reparaissent, les légions ro­

m aines cantonnées sur le Rhin sont vaincues ou gagnées, un E m p ire gaulois est construit à la hâte ; mais bientôt la Gaule s ’aperçoit qu ’ elle est déjà au fond toute rom a in e, et q u ’un retour à l’ ancien ordre de choses n’ est plus ni désirable p ou r son bon h eu r, riï~ m êm e possible ; elle se résigne d o n c à sa destinée irr é v o ca b le , et rentre sans m urm u re dans la com m un au té de l’ em pire rom ain.

Avec cette dernière p ériod e finit l’ histoire de la race gauloise en tant qu e nation, c’ est-à-dire en tant que corps de peuples libres, soum is à des institutions propres, à la loi de leur développem ent spontané : là com m en ce une autre série de faits, l’ histoire de cette m êm e race devenue m em b re d’ un corps politiqu e étran­

ger, et m odifiée par des institutions civiles, p olitiq u es, religieuses, qu i ne sont p oin t siennes. Quelque intérêt que m érite, sous le p oin t de vue de la ph ilosop h ie co m m e sous celui de l’ histoire, cette Gaule rom aine qui jo u e dans le m on de rom ain un rôle si grand et si ori

ginal, je n ’ai p oin t dû m ’ en o ccu p e r dans l’ ouvrage que je p u b lie au jou rd ’h ui : les destinées du territoire gau­

lois, depuis le tem ps de Vespasien ju sq u ’à la conquête des F ran cs, form ent un épisode com p let, il est vrai, de l’ histoire de Rom e, mais un épisode qu i ne saurait être isolé tout à fait de l’ ensem ble, sous p ein e de n’ être plus com pris.

J’ai raisonné jusqu’à présent dans l’hypothèse de l’existence d’ une famille gauloise qui différerait des autres familles humaines de l’ Occident, et se diviserait en deux branches ou races bien distinctes : je dois

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avant tout à mes lecteurs la démonstration de ces deux faits fondamentaux, sur lesquels repose tout mon récit.

Persuadé que l’histoire n’est point un champ clos où les systèmes puissent venir se défier et se prendre corps à corps, j’ai éliminé avec soin du cours de ma narration toute digression scientifique, toute discussion de mes conjectures et de celles d’autrui. Pourtant, comme la nouveauté de plusieurs opinions émises en ce livre me fait un devoir d’exposer au public les preuves sur les­

quelles je les appuie, et en quelque sorte ce que vaut ma conviction personnelle, j’ai résumé, dans les pages qui suivent, mes principales autorités et mes principaux arguments de critique historique. Ce travail que j ’avais fait pour mon propre compte, pour me guider moi- même dans la recherche de la vérité, et d’après lequel j’ai cru pouvoir adopter un parti, je le soumets ici avec confiance à l’examen-, je prie toutefois mes lecteurs qu’avant d’en condamner ou d’en admettre les bases absolument, ils veuillent bien parcourir le détail du récit; car je n’attache pas moins d’importance aux in­

ductions générales qui ressortent des grandes masses de faits, qu’aux témoignages historiques individuels, si nombreux et si unanimes qu’ils soient.

P R E M I È R E P A R T I E .

P R E U V E S T I R É E S D E S É C R I V A I N S G R E C S E T R O M A I N S .

11 faut que l’ethnologie, si elle veut mériter le nom de science, se plie à la méthode des sciences exactes, et

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que, partant co m m e elles de questions b ien définies, de faits bien exam inés, adm is p a r to u t le m o n d e , elle p ro­

cèd e du plus évident au m oin s évident, du co n n u à l’ in­

c o n n u . C’ est faute d’ avoir assuré ainsi son p oin t de dé­

part q u ’ elle s’ est égarée trop souvent ; c ’est faute d’avoir disposé à l’ava n ce, p o u r ses con stru ction s, un terrain ferm e et accessible à tous, q u ’ elle a bâti dans le vide tant d ’ édifices im agin aires, d on t se sont éloignés les esprits sérieux. C onvaincu qu e l’ étude des origin es gauloises est assez avancée a u jou rd ’ h u i p o u r su pporter l’ épreuve des m éthodes les plus rigou reu ses, j ’ essaierai d’ en appliquer les procéd és à m es rech erch es. M’ assurant d o n c avant tout ce p oin t de départ d on t je parlais tout à l’ h eure, je ch oisirai un fait q u i d o m in e tous les autres, d ’abord par sa p ro p re im p ortan ce, ensuite par la gravité des tém oi­

gnages qui n ou s l’ ont tran sm is, car il s’appuie su r les deu x plus grandes autorités q u e n ou s puissions in voqu er ici : Jules César et Strabon.

CeiTdeux autorités, en effet, sont tellem ent con sidé­

rables, elles jo u e n t un tel rôle dans l’ eth n ogra p h ie de la Gaule, q u ’ on m e perm ettra de m ’ exp liq u er en quelques m ots sur leu r valeur relative, et d’ assigner, autant qu ’ il m e sera possible, à ch a cu n e d’ elles, son caractère spécial et p réd om in a n t, dans les m atières q u i n ous occu p en t.

Sans d o u te , le té m oig n a g e de César n ’ est pas aisé­

m en t contestable quand il s’ agit de choses évidem m ent in différen tes à la p olitiq u e rom a in e et à la gloire du con­

q u éra n t: toutefois n’ ou b lion s pas qu e les Commentaires sont des M ém oires, et qu e ces esquisses sim ples et ra­

pides, qu i font l’adm iration et le désespoir des maîtres de l’ art, historique, furent tracées dans un but personnel, dans le but constant de dessiner le grand h om m e au m ilieu des événem ents qu ’ il tranchait si bien par l’ épée.

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Rarem ent l’ écrivain perd de vue le héros ; rarem en t il se laisse dévier de son but par des considérations dé­

sintéressées sur le présen t, plus rarem en t par des re­

ch erch es de sim ple curiosité sur le passé. Les C om m en­

taires de César sont le livre d’ un h o m m e de guerre et non p o in t d’ un a rch é o lo g u e.

Strabon, au con traire, m érite p lein em en t ce titre, et par l’ o b jet de ses travaux, et par son goû t particulier p o u r l’ éru d ition . Avec u n e cu riosité passion n ée, il scrute tout, il em brasse tout, et la g éogra p h ie con tem p ora in e n’ est h abituellem ent p o u r lui q u ’ u n e occasion de son der les mystères les plus obscu rs de l’ antiquité. Il n'est étranger à au cun e étude, à a u cun genre de con nais­

sances. Dans les classifications eth n ographiques, p ou r lesquelles il m on tre d’ ailleurs u ne p réd ilection très- m arquée, il ne se b o rn e pas à caractériser les langues, les m œ urs, les institutions des races, il exam ine leur nature ph ysiqu e, et se plaît à en com p arer les types.

Voyages de terre et de m er, h istoire, p h ilosop h ie, poésie m êm e, il sait tout, il use de tout avec cette réserve et cette droiture de sens q u i on t fait de lui un des oracles de la critique a n cien n e. Le n om b re des auteurs qu ’ il cile sur la Gaule est con sidérable ; les n om s d’ H om ère, Eschyle, Aristote, É phore, Ératosthène, H ipparque, P o- lybe, A pollodore, A rtém idore, T im agène, etc., reviennent

à chaque instant dans ses p a g e s; il avait en core sous la m ain les travaux des voyageurs et des savants Massa- liotes, entre autres ceu x de Pythéas ; m ais il puise sur­

tout dans les relations de P osidon iu s, q u i visita la Gaule vers la fin du p rem ier siècle avant n otre ère, relations Perdues au jou rd ’ h u i et à jam ais regrettables, à en ju g e r Par l e s fragm ents qu i n ous en restent. C’ est à l’ aide d e

ccs autorités q u ’ il com plète les assertions d e César et les

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rectifie quelquefois. Lors d on c qu e César et Strabon s'accordent sur un tém oign age, on peut sans hésiter le déclarer certain ; lorsqu’ ils diffèrent, il ne faut point se hâter de crier à l’ erreur, et de les con d a m n er l’ un par l’ autre, car en étudiant la raison de ce dissentim ent, on finit presque tou jou rs par d écou vrir q u ’ il n ’existe qu ’ en apparence.

Ceci posé, j ’ entre en matière.

César se porte garant d’ un fait auquel il attribue d’ ailleurs assez d’ im portan ce p o u r le placer en tête de ses Com m entaires co m m e une in trodu ction à tout l’ ouvrage ; ce fait, le v o ici : « Toute la Gaule, dit-il, est

« divisée en trois parties, don t l’ une est habitée par les

« Belges, l’ autre par les Aquitains, la troisièm e par ceux

« qu i dans leu r langue se n o m m e nt Celtes (Celtæ) et que

« dans la nôtre nous appelons Galls (Gallj), Ces peuples

« diffèrent entre eux par le langage, les m œ urs et les lois.

« Les Galls sont séparés des Aquitains par la Garonne, et

« des Belges par la Marne et la Seine *. » A ces trois di­

visions prises en masse, il applique la dén om in ation collective de Galli, qui, dans ce sens, n’a plus q u ’ une acception géographiqu e, correspon dant au m ot français Gaulois.

Ce fait sur lequel César ne pouvait, il faut bien en con venir, ni se trom per lu i-m êm e, ni ch erch er à trom ­ per les autres, Strabon le con firm e avec des détails qui l’ expliquen t et le développent. Faisant intervenir, suivant son habitude, la com paraison des caractères p h ysiolo­

giques des races, il établit :

t . Gallia est omnis divisa in partes très : quarum unam incolunt Belgæ, aliam Aquitani, tertiam qui ipsorum lingua Celtæ, nostra Galli appellantur. Hi omnes lingua, institutis, legibus inter se differunt. Cæs, Bell. Gall., 1 .1, c. 1,

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1° Que les Aquitains diffèrent des Celtes ou Galls et des Belges, non-seulem ent par le langage et les institu­

tions, com m e le dit César, mais aussi par la con form a­

tion du corps, et qu ’ ils ressem blent b ea u cou p plus aux Ibères, q u ’aux autres habitants de la Gaule 1 ;

2° Que les Celtes et les Belges présentent un type na­

turel com m u n q u ’il qualifie d'extérieur gaulois; que, bien q u ’ ils diffèrent entre eux par les habitudes et le langage, ces dissem blances sont beau coup m oindres qu e celles qui séparent les uns et les autres du peu ple aquitain 2 ;

3° Qu’ en outre, les lim ites indiquées par César ne term inent pas si exactem ent les territoires occu pés par chaque race, qu ’ on ne ren con tre en core au delà la trace d ’anciens m élanges ou de conquêtes opérées des unes sur les autres ; qu ’ ainsi on trouve au m idi de la Garonne, frontière des A quitains, u n e tribu galliqu e, celle des Bituriges-Viviskes 3, et au m id i de la Seine, frontière de la Belgique, des Belges m aritim es occu p a n t la presqu’ île arm oricain e entre la Seine et la L o ir e 4.

Ce sont là les trois points sur lesquels l’exposé de Strabon commente ou rectifie celui de César.

Mais q u oiq u e le conquérant, dans le passage que je viens de citer, em p loie cette expression « toute la Gaule, omnis Gallia, » les lecteurs des Com m entaires savent

1 . T o ù ; (j.èv ’A x cfjïT a v ô ù ;, xeXé w; £|Y]XXaY(xÉvou; o v tq yXüîxnr) (xovov, àXXà x.at x o ï ; a-ü>|Aa<jtv, £(xçep£Ï;'Iêripcri jxàXXov r a X à x a i; . S t r a b ., 1. i v , p . 1 7 6 , c . l n - f o l . , P a r is , 1 6 2 0 . — ‘ AttXü); y à p eiireïv, o l ’A x ou ïxa voi ô ia çé p o v a t xoû yaX axixou çu X ou , x a x à te x à ; xà>v a-a)(xàxa)v x a x a a x £ v à ;, x a t x a x à xyjv yXa)x- x a v èo é x a ci oè (xàXXov xI6Y]pm. I b i d ., p . 1 8 9 , d.

2 . T o u ; ôè X oittoù;, yaXaxix9)v jxèv x9)v ô ^ iv , ôjxoyXcoxxouç 8’ où Ttàvxa;, àXX’ â v io v ; (xixpov 7tapaXXàxxovxa; x a t ; y X w x x a i;- x a i TcoXixEia ôè x a î o l (üioi ixixpov £$YiXXay(JL£voi Elaiv. Strab., 1. iv, p. 176, c.

3. Strab., 1. iv, p. 190.

4. Strab., 1. iv, p. 194.

(36)

b ien qu’ il ne veut parler qu e de la partie de la Gaule a jou tée par lui aux dom aines de Rom e, en d’ autres term es, de la Gaule chevelue. Soum ise antérieurem ent et réduite en p rov in ce depuis plus d ’un d em i-siècle, la Gaule narbonnaise n’ eut rien à dém êler avec les armes de C ésar; elle ne figu re qu e p o u r m ém oire dans ses récits, et lorsq u ’il a besoin de la m en tion n er, ce qui arrive rarem ent, il se sert de l’ expression officielle, la province, notre province. Sa division eth n ographique et ses récits n e sont d o n c p oin t applicables à cette portion déjà rom a in e de la Transalpine, don t Strabon s’ occu p e au contraire fort en détail. Le savant géograp h e nous apprend qu ’ elle était habitée, outre les colon ies grecques, par deux populations de sang ba rb a re, les Celtes et les L igu res1 : les Celtes que n ous avons déjà ren con trés dans la Gaule ch evelu e, sous ce n om et sous celu i de Galls c om m e u ne des races gauloises p rop rem en t dites ; et les Ligures qui, m algré quelques con form ités de m œ urs avec les Gaulois, appartenaient, suivant lui, à u n e tout autre race hum ain e 2.

En com b in a n t ces don nées qui em brassent la totalité du territoire transalpin, depuis le Rhin ju sq u ’aux Pyré­

nées, et depuis la M éditerranée et les Alpes ju sq u ’ à l’ Océan, on peut, d ’après les deu x autorités q u i d o­

m inen t, com m e je l’ai dit, toute l’ ethnographie gauloise, con clu re p rov isoirem e n t:

« Que la population des Gaules dérivait de quatre

« sources distinctes, en core reconnaissables au tem ps

« d ’ A uguste, sa v oir: d’ un cô té , les Aquitains et les

« Ligures, étrangers à la fam ille gauloise p roprem en t

i. Strab., 1. iv, passinr.

ï . ‘ E«fOôOvsï;. Sirab., 1. n , p. 128, c.

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