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Les Amovrs De Clytophon, Et De Levcippe

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Academic year: 2021

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AMOVRS

CLYTOPHON.

ET OE

L E VC I P P E.

‘ Traduction nòuuelle, T TireeduGrecD ’ AcHiLLEsTATivSs

ôč diuiféeenhuićt liares.

Anecie des Argument Հ& des Figures &

taille douce.

A

paris

;

ChezTovssainctQvïnet au Palais, xuus a montée de la Cour des Aydes-

^cTxxx v,r

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fr

? Wyższa Szkoła Pedagogiczna

w Byd(,uezczy Biblioteka Główna

՝-՛ 1 ... .7

PVISSANT SEIGNEVR.,

M

ess i r e

FRANCOIS в'АVERTON, C

omte de

B

elin

,B

aron

deMilly,Vidame de Meaux,&c

S'il faut íemr ЯШ pour afeltré le bonheur (ľv/ŕEfiat, quand les hommes extraordinaires s inte- re fent dans I'd cr oi fement des

alrts ճ des Sciences fl eft bien raifbnnable de croire que pour malicie ufe que foit lé'Ennie , elle priyi<cle»iSí v-

f -' en:,k*arl«d«4O-*W ШШ KAUKDBA

w 0LS1TYNIE instytut

ONSIEVRs

Jŕ z '

________ ____________ J

(7)

E Р I S T R E.

nefpauroit fe plaindre qui ini li­

ft em ent de la felicité de noft r e fie cle. C' eft qjne vérité connue a tout ce quit y a d'bonne fies gens 3

que la VértuÇfl laFortunene fu ­ rent jam airfi bieenfembLe quel ­ les le fontautourdbag 3 enfaneur

de ceux qui fcau ent joindr e la politefle des mœurs à celle d,es

belles letres. Mais de dire que parmi ce nombre de per fon ne s qui les traittent fau or able ment, il s'en trouue beaucoup qui les obligent de bonne grace comme VOUS faicles, cela ne fie peut à mon auis 5 a moins quede fe ren-

¿¿f (/ď

flatterie. Votes auez¿ , Мок- si e vr, aut árit de connoifiance des bonnes ch о fie s 3 que dinclina­

tion a eftimer ceux qui les font.

E P I s T R E.

Et pas mafieux ne defauoiie 3 que la Fxanfbife Ճ la Genero- fité , qui pajfent preftque tou-

au ant age parmi ces ^qitahtez, eminentes que la Nai flan ce vous

a données. Vous le s cultiuclțou- tes enfemble par des actions fi louables 3 tfl fi dignes de la ­ moire des hommes 3 que les Mu ­ fe s f?roienft£op ingrates de sen taire a Tauenir 3 Ճ den en pu ­ blier pas la r e conno iflance. Quel ­ ques exilées quelles femblent étre enees bellesftolttudes qu Л- pollon a deftinées d l entretien

de leursfages re fuertes, elles ne lat fientpas toutefois dauoir leur Vjjle dans voftre Maifon, Ou

/мг/f

á 11։ j

(8)

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՜)

¿MONSIEUR,

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Voítre tres-humble, & tres- obeïflant feruiteur,

L B- E P I S T R E.

toute la Grece, nTfâais f ofe hien apeurer quen leur pays me fine ils ne ferons pas mieux receus 3 ny plue efilme z, qu ’au no fire,fi

ruons leur accordez, la faneur d y paroifire fouhs ïagütfM

vofire Nom, Ճ d moy celle de me pouuoirdire, '

E P ï S T R E.

cueillent d pleines mains des fleurs Ճ desfruitsfEtvons re­

prezentant àceux qui les férue t pour le modelie d'vne parfaire Հէս ; Elles leur infiirent ձ fenny de hautes penfees , pour vous combler de legitimes louan­

ges

. FL

leur exemple

, M

o n

- sievRj en attendant quauec leur me fine langage qu'on a feint eflre celuj des Dieux , ie P fife plus amplement traitter l illufirefiujet de vbffre gloire, ajeZj agréable 3 s il tous plaifi, que levons o fire I' Onur age d'vn Efir anger , d qui ге fais parler no ff re langue. Il déduit icj la merUeillenfie confiance, Ճ ľ in ­ violablefidelite՝de Cljtophon ճ de Leucippe 3 que leur amour mutuelle a rendus celebres par

í

(9)

AV LECTEVR.

A y faićb diícontinuer tf ois ou quatre rois 1 impreiïîon de ce li- ure, depuis deux ans que fay commencé de le traduire; Et puis dire fans mentir, quefiie luyfouffre de voir le iour, ce n eft que pour le contentement de quelques-vns de mes amis qui l'ont ainíi deliré. Ц contient des auantures que la force du raifonne- ment humain peut faire paifer pour vray-iemblables ; Et quiparvne in- genieuíe tiíTure de plufieurs belles descriptions, font alfez agréable- ment reprefentées, à ceux qui les li- fent. Leur A utljeur au relie n ’eft pas des moindres que la Grece nous ait

produits ; Et poiïible mefme a-ťil peu d ’efgaux en ce difficile genre deferire. Cela fe prenne par le teil niojgnage de Suidas , qui parlant de luy en l'on Diétionnaire ; Achilles Tátim j dit-il, ne dans la avilie d' Ale ­ xandrie , a composé huilÜ excellens lu tires des Amours de Clytophon de Leucippe. ձ ’ eß antfait Chreßien, il fut Eucfque à quelque temps dela 3 fit quantité d'Ouurages, tous d'^vn mef ­ me ßyle, <9* d'Orne mattere differente.

Tefmom fon Traité de la Sphere , il rend clair evißble ce quil y a de plus obfcnr & de plus cache dans l A- fir ologi e :Tefmoin celuy de l’origine

des mots, Et tefmoin encore fon Hi­

ltoné méfiée , font contenues les actions memorables de plufieurs hom­

mes illußreSb A cette Hißoire l’ on tient qu'il a joint celle du monde , ճր* q ։te de cette dermere a eß étirée fou Introdu՜

ét ion fur les Afires ď Aratus, qui 5

. ' V$

(10)

imprimée en Italie. Quant àjes autres tenures} il bien a croire que le Temp s quidenotetout, lesapour iamaùenfe- itelies. Voila quel iugement fait Suidas de cét ancien A utheur, qui a véritablement des graces particulie- res en fa langue, qu ’il me feroit dif­

ficile d eigaller en la noftre,puis que pour excellentes que foient les Co­

pies, elles ne valent iamais les Origin naux. pay tafehé neantmoins d ’ en approcher le mieux quei’ ay pû,&

me filis auife pour cet effet d ’euiter deux vices,où fe biffent choir affez fouuent ceux qui travailler à la ver- Mondes Autheurs. Les vnspour les traduire fidellement , mettent le plus haut degré de leur fuffifance a pointiller fur les mots, & s’y atta­

chent fi feruilement,qu ’ ils femblent faire plus d’ eftime des membres de- ffachez , que du corps entier d vn grand OuuragcÆn celabmblables

à ces manuais Anatomices , qui sa ­ mu fent pluftoft à ce qu’ il y a de moins considerable en leur fuj et, qu’ a la diffećtion de fes plus eilen- tielles parties. Les autres tout au contraire,par vn excez de licence &

de hardiciîe gaftent vn beau fens, lorsqu ’ils affettent d ’encherir deííus, par vne façon deferire plus violente que modérée j Et font comme ces torrens impétueux , qui à force de s ’enfler & de fegroffir le rendent fa ­ meux par lesrauages qu ’ils font, &

changent la face de tous les lieux où

ils fe deibordent. Pourempefcher

donc que ces deux inconueniens ne

fe rencontrent en cette traduction,

ie me fuis tenu dans les bornes d ’vn

ftyle mediocre, pource que iel’ ay

iugé plus conuenable & plus propre

à vn O uurage de la nature de celui-

cy. Ce que vous remarquerez ie

m aifeure , Ճ vous prtnez la peine

(11)

de leîire, & de íuppleer aux fauces de ľimpreílion , ou pluftoft aux miennes, que vous fçaurez mieux connoiftre que moy-mefme,

ARG V M ENT DV

premier

L

ivre

.

ratri(Tentent d'Europe.

commence le récit de fes auantures.

N ai fance de fon amour : Hifloire de Chnim : Mort tragique de Cari ­ cies : Ingénieux rayonnement de

Clytophon > pour donner de Ta-

mourà Leueippe.

(12)

)

AMOVRS

D E

clytophon

;

ET DE LE VC IP PE.

LIVRE PREMIER.

A ville de Sidon, capitale du pays de Phenicie, les habitaris de laquelle font descendus des Thebains , eft fituée lur la mer d’Aifyrie. Elle a fes deux poits eiivn G olphe de large eften-

A

(13)

г Les Amours de Clytophon , due, mais dont l’ emboucheure eil difficile,àcaufe quelleelLeûtoite , fi bien queja mer n ’y va qua fil d ’eau , & s’y coule infenfiblement.

En celuy de ces endroits où ce Gol- phe fe recourbe à main droite , il s’en void vn autre par où l ’eau fe donne aufli vue entrée 5 D e forte que ces deux ports joints enfemble, font également commodes •> l ’ vn pour l ’ abry des vaiffeaux en liy- uer , & l ’autre pour y elite lente­

ment á bord en temps d’ elle. Ce fut en ce mefme lieu que me ietta la violence de la tempeile. le n’ eus pas plüftoll gagné la terre , que ie fis des vœux & des Sacrifices à laD celle de Phenicie, quelesSidoniens ap ­ pellent A fiarte , & quelques Latins lrenus3 fans oublier pas vne des cho­

ies qu ’ ont accouilumé de faire ceux qui ont eilé deliurez du naufrage.

A près tout cecy ie me misàvifiter

*- *> * ... . . -

de Leucippf". Հ les autres endroits de la Ville , &

particulièrement le Temple des Dieux , où comme ie conlîderois les diuers dons qu ’ on y auoit app en- dus , farrellay ma veue fur vn ta­

bleau , qui me Sembla remarquable par deilus tout.L ’ artifice du Peintre

։ У ail °it reprefenté la mer,&la terre?

auec la fable du rauilfement d ’Eu­

rope , & la mer de Phenicie ; ce qui donnoit allez à conn-oiilre que c ’ e- floit comme la carte du pays Sy- donien. La le voyoit en la terre fer­

me vne agréable prairie,auec quan­

tité de ieunes filles j & en la mer vn taureau nageant , qui portolt lur fon dos vne Nymphe d’vne excel ­ lente b caute, & prenoit fa route vers 1 iile de Crete. Ce pré elloit émail­

lé d vne infinité de fleurs difieren- tes * & enuironné d’arbres grands Pet its, dont les feuillages & les ra­

meaux ș entrelalToient de fi prés,

A ij

(14)

4 Les Amours de Cly topbon, qu'ils fcruoient comme de tóiét &

de pauillon aux fleurs femées en la prairie. Le Peintre s’ cftoit monftré ingénieux à représenter les ombra ­ ges qui fe formoient des rameaux,

&les auoit faits de telle forte , que les rayons du Soleil ne s epandoient que bien peu en certains endroits;

où ils ne donnoient de iour, qu au­

tant que le feuillage amtt enlaiTé pélemcfle en faifoit paroiftre à deC- couuert. Il auoit au rette enclos la prairie en rond ď vnepalittadede rofeaux , & au dettous des arbrif- feaux & des plantes, mis vn rang de fieges ; faits de rotters , & de mir- thes.Là des profondes & vines (bur­

ees de la terre reialifloit vne belle fontaine, quitt donnant vn pafla- ge à trauers le pré s’ écouloit de tou­

tes parts , pour arroufer les fleurs &

les herbes. Allez prés du mefme lieu eftoic remarquable vn homme»

& de Leucippe. f auec Vne befehe en main , dont il coupoit le ruitteau, qu'il diuifoit par canaux , alin de partager Peau , &

luy rendre le palfage libre. Mais Pinduftried ’vn tt excellent ouurier , paroilfoit fut tout , en ce qu’au co­

tte de la prairie le plus proche de la mer , il auoit dépeint de ieunes fil ­ les , Padion desquelles iùrprenoit Pelprit de ceux qui les regardoient.

Leur világé nettóit ny ioyeux,ny trille, mais entremette de ie ne fçay quoy qui ttmbloit tenir de Pvn &

de l’autre. Elles auoient des guirlan ­ des fur la tette , lescheueux cfpars,

& qui s’épandoient fur leurs c(pau ­ les, les robbes rerrouttees iniques aux genoux, les iambes nues , le vi ­ lágé pale, lesiones retirées, & com ­ me retreilies de peur, les yeux tour ­ nez v ers la mer, & les leures a demy fuertes, comme tt elles tt luttent cici ices , furpritts d’ eftonnem ent.»

A ü)

(15)

6 Les Amours dc Clytopbon,

& d’ efiroy. Ainfi toutes defolées-,

& craintiues, elles tendoient leurs mains vers le taureau rauifTeur , &

s’eftoient miles fi auant dans l’eau , qu’ elle leur alloit iniques à my iam- be, donnant alfcz àconnoiftre par leur aétion par leur mine , qu’el­

les auroient tres-volontiers luiuyle taureau, n ’eull elle la peur qu ’elles auoient d’ expofer leurs corps à l'im­

pitoyable violéce des vagues. D eux couleurs bien differentes fe remar- quoient en cette peinture de 1 ’ 0- cean; Car du colle le plus proche de la terre , fon eau paroiiToit rougea- ílre j & toute azurée en pleine mer, c eil à dire aux endroits les plus pro­

fonds. L’ on y voyoit encore depuis la rade,vue valle eílendued’ cfcueils blanchiífans d ’ efcume , qui fe for- moient de la repercusión des flots, amefure qu ’ils fe rompoient contre cette folide malle de pierre. Au mi-

O de Leucippe. 7

lieude cette mer eiloit peint cét ad­

mirable taureau, & porté au gré des vagues, qui du collé qu’il prenoit fa route luy faifoiét paifage,& fe hauf- foiét comme des montagnes. 11 en- leuoit fur fon dos la merueille des beautez, qui s ’ y tenoit ferme d’ vne façon extraordinaires & tout autre ­ ment qu’on n ’a de couilume d’eftre à cheual.S es deux iambespendoient à la nonchalance , tournées à main droite auec beaucoup de grace , &

de la gauche elle empoignoit la cor­

ne du taureau , de mefme que les cochers tiennent enfemblë ■ atta ­ chées les refnes de leurs cheu aux» car le taureau fe laifloit guider Ճ elle՛, ôc fe rcndoit fouple au manimcnt de fa main. Depuis la telle iulqu aux parties hontcufes,elle>auoit le corps- couuert d ’ vne chemife fort blan­

che , où s ’entremelkit vn voile de pourpre. Dcette Laçon à traucrs

A iüj

(16)

8 Les Amours de Cfytophon, vn habillement fi delié, iln ’eftoit pas difficile de difcerncr le nombril en forme de centre^ & dont la pro ­ fondeur fedefroboit à la Jveuc. Elle auoit de plusie ventre fi bien vny , quepas vn reply n’ y paroifToit, les proportions conuenables à tout le haut du corps , le milieu duquel aboutifibit a des hanches pleines d enbon-point, & les retins vn peu rebodis , d ’où fe formoit vne agréa ­ ble colline. Voila comme l ’ art du peintre auoit pris plaifir à la repre- (enter ibubs vne robbe fi déliée, &

qui feruoit comme de miroir, pour rendre plus remarquables lesperfe- ćlions d vn fi beau corps. Bien que iaye défia dit qu ’elle empoignoit d ’vne main la corne, & de l ’ autre la queue de ce taureau , fine laifToit elle pas de s’ ayder de toutes les deux a tenir fon cou^'cchef,qu ’ elle auoit fort long, & qui s ’ eftendoit fur fes

O de Lcucippe. 9 efpaules au gré du vent qui le fe- coiioit. Cette belle fugitiue s ’en ál ­ lóit ainfi afiiie fur le taureau com ­ me dans quelque nauire , où pour la faire voguer fa coiffure luy fer ­ uoit de voile. De la maniere que les Dauphins choient dépeints tout alentour d elle , l ’on euft dit qu ’ils le mouuoient, & qu ’ en fautelantils trefiailloicnt d’ayfe, come fe joiians de la captiue , qui choit menée en triomphe. Deuant le taureau na- geoit vn petit Enfant, qui luy fer ­ uoit de ridelle guide. Il ellendoit le riche plumage de fes ailles, & por ­ tóit vne troufie pleine de traits,aucc vn flambeau qu ’il retiroit à collé.

A voir fa mine il fembloit foufrire,

& dela façop qu ’il regardoit Iupi- ter 1 on euh creu verjtablemét qu’ il fe mocquoit , de ce que luy qui he­

llóit qu vn enfant l ’ auoit toutcslois

.ait transformer en T aureau.

(17)

то Les Amours de Clytophon, Apres que feus bien confidere les traits , & l ’ ingenieufe maniere de cette peinture y ie n ’ y trouuay rie que des fujets de louange՛& d’ ad­

miration. Mais ce qui m ’en donna dauantage, fut de voir corne quoy Cupidon menőit ainfi ce Taureau oùboluy&mbloitiCe qui fit que rauyd vne fi eftrange merueillejHé Dieux! difije en moy֊mefme,com- me eft-ilpoiïiblc que le ciel , la ter­

re, & la mer obeľííent ainfi au com ­ mandement d’ vn Enfant ? A ces mots ie fus tout eftonne qu ’vnieu- ne homme qui les ouy t fe tournant vers moy ; V ray ment, dit-il, tu ne nous contes lien de nouueau , &

dont ie ne fois tefmoinga mon do- pour auoir fouffert vhe infi ­ nite de maux caniez parle mefmé enfant qu ’ on appelle Amour.Quels font-ilsdonc Juy refpondif-je} ra­

conte les vnpeu le te prie, puifque fi

Հ> de Leucile. и ie ne me trompe, il paroift bien à ta mine que tu nés point ennemy des my iteres de ce Dieu. le puis diffici ­ lement , me repliqua-t ’ il՛ , fatisfaire à ce que tu delires de moy, à moins qu’ entrer dans le meßange confus d ’vne narration obfcure , veu que ien’ ay rien a dire qui ne femble te­

nir de la fable. Il n importe , adiou- itay-je , quelques fabuleufes que foient ces chofes , n’aye point defa- greable, ie te prie , de m’en faire le recit , pulique ie t'en coniure ß ar- damment au nom du grand Iupiter,

& de ce mefme Amour tout pu iß fant,qui doit feruir de matière à ton difcours.

Ayant acheué de parler ainß, ie

lemenay dans le prochain bois, où ie voyoient plußeurs planes fort touffus, qui embellifloient ce lieu,à aifoit vnruiiTeau de

oX stacja ІИІВИІЖ ЖШИ

Հօ хъ — —— —

N fr? h г ՛՛

w OLSZTYNIE (Instytut Mazurski pris ce ieune homme par la main, &

1 a i i ï • i • le voyoient plusieurs planes fort

p— m . * - - x

ira

f

(18)

? Łes ¿mours de Cly topbon, ели la plus claire qu'on euft fceu voir, & qui eftoitauflî froide que de la neige , qui vieildr.ok frefehe- p1ent d eltre fondue. Là comme ie leusmuitéàs'afiéoiriùrl'herbe^ù iem affis aufiiprésdeluy; Orça,luy

dii-je, il eil temps que tu commen ­ ces icy le recit de tes malheurs, veu que ce heu eit fi beau , & fi piaifant, qu il mente bien qu on s ’ y entretie­

ne de contes d’ amour. le le veux, dit-il, pulique tu le defires fi fort, &

alors il s’ en acquitta de cette forte.

Mes Anceflres fontfortisdePhe nicie, &la villedeTyrellcellede ma naiiïànce. le m'appelle Clyto- phon, mon pere Hippias, & mon oncle Sollrate. Voila pour ce qui 1 cSarde mon extra dion du collé de mon pere. L’vn & l’ autre elloient hetes de diuerfes metes, Ճ fçauoir Soihate fils d ’vne BiCantine , &

HyppiasdvneDamenatiuedeTyr

<5* de Letuippe. 13 où mon pere eilablift fa demeure,

& mon oncle fe fill Bourgeois de

Bisace, pour y iouïr d’vne belle fuc-

ccifion , qui luy efeheut de par la

mere. Quant à la mienne ie ne me

fouuiens pas de 1 auoir veue, pource

que i ’ eilois encore en enfance quad

elle mourut *, Cela fut caule que

mon pere le maria pour la fécondé

fois à vne fort belle Dame, d’ouluy

naquit vne fille appellee Calligo-

ne , qu ’il fe propofa de me donner

poui clpoulè , Mais les deilins me

referuoientpour vneautre,afin de

monilrer par là que leur empire eft

bien plus puifiant que ne font tous

les delfeins des hommes. Auííi arri-

ue-t il fouuent que les Dieux leur

predifent en longe les choies qui

leurdoiuent arriuer , non pas pour

les obliger à preuenir les malheurs,

puifqu fi n'eil point de remede con-

ire es cBofes où nous fommes de-

(19)

Վ4 L £S Ărnours de Clytophon, íiinez dés le point de noftre nailfan- ce , mais bien pluftoft afin que les voyant aduenues , ils les endurent plus conftamment, & les prennent en patience; car il eil certain que les malheurs in opinez & Soudains , a- battent ôc anéantirent la confiance de noftre ame, pource qu ils la pre­

neur au defpourueu i Comme au contraire ceux que nous fçauons preuoir de loing,nous tourmentent beaucoup moins, acaule que ľef- prit les medite, & qu ’il s ’ accouftu- me à lesreceuoir peu à peu dans la pcnfée,pour s ’ y refoudre finálémét.

Comme i ’ eus doncques atteint la dix-neufiefme année de mon aage, qui fut le temps auquel mon pere faifoiteftat de hafter les nopces aux ­ quelles il m ’ auoit deftiné , la fortu ­ ne joua fon roole de fon cofié, &

cómençala Comedie par vn longe que ie fis,que ie trouuay bien eftrã-

Հ> de Leucippe. i$

ge. Au temps que la nuićł rend tou­

tes choies paihbles, m’eftant mis à repofer , il me fembla que ma Cœur

& moy eftions Ճ bien joints ôc Co- lez enfemble,quc de nos deux corps il ne s ’ en formoit qu ’ vn depuis le nombril en bas. A ce premier objet en fucceda vn autre ďvn fantofme efpouuentable.C ’ eftoit vne femme, ou plûtoft vne Furie, qui rendit à fon abord tous mes fentimens per ­ clus. Elle auoit le regard horrible à voir , la taille haute, le vifage gref ­ fier , les yeux rouges comme fang, les joues ridées, & les cheueux tels que des Serpens. De fa main droite elle tenoit vne faux, & de la gauche vne torche ardente : En cét équipa­

ge elle s’approcha de nous , & toute

enflammée de colere, d ’ vn coup de

là faux, quelle porta en cemefme

en droit où nos deux corps eftoient

ememble attachez, elle y fit vne fi

(20)

i G Les Amours de Cly tophon, grande play e , que ma Cœur en fut fepare'ed’ auec moy. Il faut adu ouer

que ce longe me donna bien de l’ef- froy i & toutesfois comme ie fus ei- ueillé , ie n’ en voulu parler à perfon- ne, & me contentay de le méditer en ma penfee. Voila cependant,que ce mien oncle, qui eftoit a Bilan ce, comme ie t’ay dit cy-deuant , eferi- uit à mon pere ce peu de mots.

SOSTRATE A SON FRERE

H

yppi as

, S

al v t

.

MA fille Leucippe, Շ?1 ma fem ­ me Pant me te <~uont trouuer : ayefomg ie te prie de garder chezjoy de fi chers gages , iufques à ce que la paix foitfaite Adieu.

Mon pere eultapeineacheue de lire ces lignes, quilfe leu a , & prit le chemin de la marine j d ’ où il re- uint biemtoft apres fuiuy d’vne

de Leucippe. 17 grande trouppe ďefcíaues & de fcr- uantes,que Softrateauoit envoyées aucc fa femme & fa fille. 11 y C n auoit vne entre les autres qui f e 8i- foit remarquer par fa belle taille,

¿¿pour eftre richement veftue. Auf- ii roft que ie 1 eus regardée elle me fit fouuenir d ’Europe , lors qu’elle cftoit aifiiTe fur la crouppe du T au­

reau qui la paifoit ala riue.Elleauoit les yeux charmas,où toutesfois s ’ en- rremeüoitienefçay quoy de cruel, les cheueux blonds, & crefpus, les fourcils naturellement noirs, & les loues blanches, horfmis que fur le milieu efclatoitvn vermillon agréa ­ ble , tel que celuy dont les femmes Lydiennes donnent couleur à l’ i- uoire. Quant á la bouche, à chaque rois qu ’ elle remuoit les levres,ellc rellembloit proprement a vne rofe, l°rs quelle commence à s’eipa- jioun l c fus e |p ris ¿e ccs nierued-

B

(21)

i 8 Les Amours de Clytophon, les , à me fine temps que i y arreftay ma veue s auih n’ eft il point d’ elpée qui foit aiguë , ny qui tranche com­

me la beauté , car elle a cela de pro­

pre de pénétrer iniques das le cœur,

& d’ y faire vue profonde bleffure par 1 entremise des y eux,qui en font les meífagers. Voila dóc qu’en vn inftant ie me vis contraint de louer la proportion de fa taille, & d’admi ­ rer vue chofe Ճ rauiflante & Ճ bel­

le. Cependant de la façon que ie- ftois elmeu i’enfriiTonnois en mon ame , & ne laiiTois pas pourtant de regarder cette Belle d’ vn œil lafeiß

& remply de conuoitife,appréhen ­ dant toujours que quelqu’ vn ne s ’ apperceuft de ce tranlport en la naiifance de mon amour. Que fi i’ effay ois par fois de porter mesy eux ailleurs , ils s’y oppofoient inconti­

nent , fi bien qu à la fin ie ne pus me défendre des charmes de ce vifage,

Շ7* de Leucippe. i շ

& fus contraint de luy ceder la vi ­ ctoire.

Apres que les femmes furent me ­ nées en noftre logis , où elles eurent leur appartement leparé des autres,

& que mon P ere eut mis ordre au fouper , il nous fit affeoir deux à deux de chaque coïté , de telle forte que luy & moy nous trouuafmes au milieu, les filles a main droite , ճշ les deux Meres à gauche? ce qui me plut tellement , qu ’il s’en fallut peu que ie n ’allalTe bailer mon Pere, four luy tefmoigner le bon gré que ie luy fçauois d’auoir piaffé vis a vis de moy celle que l’aymois. De vousdire au refie ce que ie mangeay durant ce feftin , cela n ’eft pas diffi ­ cile: Car lesD ieux me font telmoins 5 il n’ eft pasvray que i ’imitay ceux:

Яці font bóne chere en sóge. A leur exemple ie ne prenois aucuns air ­ mens, mais appuyé du coude fur la

B ij

(22)

г о Les Amours de Clytopbon, rable , ou i’auois la telle bailTée , i’ c- ftois rauy en la contemplation de la beauté defirée, de qui i’attirois les œillades à la defrobée, & ce furent là toutes les delices de mon repas .Si toit que les tables furent leuées, il le prefenta vn de mes feruiteurs auec vne Lyre en main, dont il elprouua les touches premièrement auec vn agréable murmure; puis comme il eut pris l’ archet, & jolie quelques preludes , il accorda ľinílrument au fon de fa voix,& chanta vn air dont les paroles me fembloient extrême­

ment belles. Le lujer en eltolt pris des Amours d ’Apollon, qui accu- foit & pourluiuoit enfemble la fu- gitiueDaphné.Mais lors qu ’il eltolt lur le point de la ioindre, & qu ’il la tenoit prefque entre les bras,il la voy oit fe transformer en laurier,des rameaux duquel il fe falloir vne guirlande, & la mettoit fur fa telle.

de Leucippe. гх Cependant cette chanfon,àdire le vray , ne falloir qu’ adiouitcr vn feu plus ardant à celuy qui me brufloit défia : car il elf certain que les dif- cours amoureux font des attraits fi puiiTans,& des boutefeux de paihon fi violens & fi forts , que pour mo­

déré que foit vn homme , c’eft vne merueille bien elb age s ’il ne fe laiife porter à l’ imitation d ’ autruy,à quoy il fe gliile d ’ autant plus facilement, que le fujećł en elf illultre, & tele ­ ire de foy-mefme. La rai fon eil, pource que la honte,qui nous retire du peche, citant vne fois oftée par l’exemple d ’vne perfonne plus ex­

cellente que nous ne iommes , fe tourne en fin en effronterie, & en li ­ cence de tout faire. Cette considé ­ ration fut ce qui m’ acheua de per­

dre, & qui me fit raisóner ainfi.Pau- Ure abufé que tu es l Apollon n ’a-t’il pas cité amoureux aufli bien qu c

B iij

(23)

t i 1 1 Les Amours de Cly topbon,

toy, & fa pafhon ne ľa felie pas re- duit iniques à ce point que de lu y faire pourfuiure la beauté qu ’ il ai-, îïioit a la veuë de tout le monde?

Cela citant, peux tu bien dire fi peu fenfible, fi lafche & fi retenu , que de vouloir couurir du mafque de continence vne paillon fi conuena- ble à ton âge?

L heure d aller repoier citant ve­

nue,les fern mes fe retirerent les pre­

mieres, & les hommes apres, dont les vns auoient rempli leur ventre de viandes,&moy raiTafié mes yeux de regards.Ceux queLeucippe m’ a- uoit dardez me la rend oient toufi iours prefente à mon ame,fi bien qu enchanté de fes oeillades, &сош,- me ennyuré de fes amours , ie m’ en a hay dans la chambre,où i ’auois ac­

coutumé de coucher, fans qu ’il me fuit poffible de repoier en aucune forte. lenem en eitonnay pas beau-

de Leucippe. z Հ coup neantmoins, fçachantbien la caule de mon mal. Que s ’ il adulent naturellement que les maladies &

les bleifeures font plus fafcheufcs de nuiét que de iour,& qu’elless’cueil- lent en vntêps qui eft deftiné pour le fommeil, pource que le mal a tout loifir de courir,&de tourmen­

ter les corps lors que les membres repofent} ie ne trouue pas pour moy que la condition de ľefprit malade doiue eltre meilleure:car tandis que le corps eft fans mouuemcnt, ou sas employ , ľefprit qui fent du mal eft affligé doublement , & gefné d’vne douleur beaucoup plus grade,pour ­ ce que les yeux & les oreilles, eltans occupez de iour dans l’ embarras des affaires, rendent moins fenfibles à fame les aiguillons delà fafeherie,

& l’entretiennent fi bien qu’ elle n ’a

P as loifir de fe plaindre. Au contr ai-

tc, quand il arriue que le.corps eft

(24)

z 4 Les Amow s de Clytophon, oiíif, &: qu il manque ¿’ occupa­

tion , ľeíprit qui ne penfe plus qua ioy-mefmę, entre dans vn profond raifonnement,qui 1 expole à de con ­ tinuelles vagues ¿ ‘inquietudes & de malheurs. De cette façon les cho­

ies qui elloient comme afioupies, &

prcfque miles en oubly,fc refueil- lent tout a coup,& fe reprefentent à l’imagination foubs des figures di- uerfes : corn me par exemple les an- go ifi es j <Տշ les ennuis , s’ offrent aux perlo unes affligées, les inquietudes aux mal heureux qui ont fujetd ’ en auoir j les apprehenfions à ceux qui font en danger, ôc les flammes ar­

dentes aux panures A mans,que leur pafiion réduit en cendre.

■Apres auoir ainiï palle la nuićt dans les refueries que me caufoit mon amour naifiante, á la fin enui- ron le leuer de l ’ Aurore, le Soled ayantpitie de moy,me donna quel­

que peu dallegemét & derclalche.

O deLeucippe. z$

Pour tout cela neantmoins, la mé­

moire de cette aymable fille ne s ’ef- coula pas de ma penfée» au contrai­

re elle fût depuis tout le fujeét ¿e mes longes. Ainfi les plaifirs du iour ne m ’eftoient pas fi fauora- bles que ceux de la nuićt, durant la­

quelle j ’ entretenois Leucippe, ce me fembloic , ie mangeois en fa compagnie jie me ioiiois a elle,ie la bailo is, & mefmcie ľembraíTois auec plaifir. Mais comme i ’eftois das ces delices,vn denos valets s’en vint m ’efueiller , & ne remporta pour fruićb de fa peine que le tiltre d ’importun, ioint aux malédictions que ie luy donnay , pour m’auoir ti ­ ré ď vn longe fi agréable, & fi doux à ma penfée. Aufortirdulićt i’ en- tray à déliéin dans l’apartement de ma nouuelle Mailtrelfe, où ie me promenay quelque temps, lifant dans vn liure que i’ auois porté for­

tuitement auec moy. Durant ces

(25)

2.6 Les Amours de Clytophon, allées & ces venues, a chaque fois que ie parfois deuat la porte de fa chambre , ie hau (fois la teile pour eifayer à la deicouurir. Mais en fin apres qu ala veuëd vu chacun i eus fait quelques tours , qui ne feruirenť qua me rendre plus amoureux par la priuation de 1 objet que ie me propofois de voir,ie me retiray fort trifte, & employ ay trois iours inuti­

lement en cette façon de viure. ľa- uoisence mefme temps vn de mes parens qu onappelloit Clinias, plus vieil que moy de deux ans, & qui n’auoit ny pere ny mere. Il aimoit fi fort vil ieune garçon , qu ’il luy donnoit tout , iufques-la mefme qu a y at vn iour acheté vn cheual de prix,&aperceu qu ’il eftoit au gré de cétartificieux, qui fe mit à le louer expres, pource qu il euft bien voulu i auoir, il ferma les yeux à l ’auarice,

& by en fit vn prefent. le l’auois

O de Leucippe. 17 tancé plusieurs fois de ce qu ’ aban­

donnant fes affaires , il s ’ auiliifoit ainfi apres ce galand , & felaiiToit prendre dans fes piégés. Mais il ne payoit toutes mes raifons que d ’ vn branlement de telle, & les tournant en mocquerie i Ne te foucie,me di- foit ifauat qu ’il foit peu de temps tu feras pris auffi bien que moy. Com ­ me ie le fus donc voir vn iour, ie le faliiay d’ abord ; puis m éfiant aflis près de luy ;O Clinias,luy dif-je,c ’eft

• a. ce coup que ie porte la penitence des iniures que ie t ’ay autrefois dic­

tes, puis que ie fuis bleiTé comme toy,& fait efclaue ď Amour ! A ces mots Clinias liauffa les mains au Ciel? & les battant l’ vne contre l’ au­

tre , s ’ éclata Ճ fort de rire , que ie ne

fceus qu’ en penfer: puis fe leuant de

fon fiege, il me vint bailer au világé,

que nies inquietudes redolent tout

pafle & deffait. O qu’il eil bon à

(26)

18 Les Amours de Clytopbon, voir, s’efcria-t ’il, que tu es amou ­ reux, & que tes yeux en donnent vn tefmoignage biê euidét'Il eut à pei ­ ne acheué ces paroles que nous vif- mes entrer Caricies , ainfi Ce nom- moit ľ A mant de Clinias. A fon ar- riuée, Helas ! luy dit-il, que Cay à te faire vn recit defagreablelce difant, il Ce mit à foufpirer, & Climas auili, comme ß les defplaifirs de Caricies

& les tiens propres, n’ euiTent efté qu’vne mcfme chofe:ce qui fut cau- fe qu ’ auec vne emotion extraordi­

naire, &vne voix toute tremblante, Continue donc,luy rebondit il,car ton filence me tue: declare libremét quel eft le fujeét de ta fafeherie, contre qui tu en as, afin que ie t’en face tirer raifon. Helas! repartit Ca ­ ricies, la fource de mon mal-heur ne procede que de mon pere, qui veut refolument queie me marie,

& ce qui eft le pire, que i ’ eipoufe la

&de Leucippe. 2.9 femme du monde la plus laide ,afin que par ce moyen ie fois puny dou­

blement. le le feray en effećt,fi tel­

le choie m ’ar riue,puis qu citant cer­

tain qu’ auoir vne femme, quelque belle qu’elle foit,eft vne cfpece d ’ in ­ fortune,il eft biê à croire que le de- faftre de celuy qui en a vne diffor ­ me,fe redouble de moitié.Et toute­

fois,ô Dieux immortels ! mon pere qui n ’a le cœur qu’ aux richeifes, me brigue cette belle alliance, tant il a peu de bon naturel pour moy i par où tu peux iuger,fi ie ne fuis pas bien miferable de me voir ainfi liuré à l’argent, afin d ’eftre efclaue ď vne femme. A ces paroles de Caricies, Clinias deuint tout pafte & penfif,

& fe mit en colere contre les fem ­

mes , qu ’il blafma extrêmement i

puis pour mieux perfuader à Cari-

cles de ne fe laifter eftreindre d ’ vnli

dangereux hen que celuy du maria-

(27)

3 о Les Amours de Clytophon, ge^Pauureieune homme,luydit-iî,

eft -се donc toy que ton pere veut marier ? Quelle faute as tu commi­

se,pour eftre lié de fi forteschaifiies?

efcoute vn peale fentiment qu ’ en a Jupiter

.Pour le prix de ce feu que d'aune main funefle

P romét bée enleua des deux ; Sur terre leffadray cette-mauditepefle,

Et ceruemn pernicieux՛-)

Oùnoflreefyrtt cherchât des douceurs des charme

Trouue dans le mal-heur le fuient de fes larmes.

Voila tout le plaifir qu'on reçoit des choies mauuaifes & contagien-*

fes, telles que font celles-cy,qui ref.

femblent proprement au chant des Syrenes, dont l'harmonie, comme 1 on tient, a des charmes qui font périr les nauigatcurs.Tu peux iuger plus clairement de cccy, Ôcconclu-

<ճր de Leucippe. 31 re que le mariage eil vn grand mal par 1 attirail mefme & la folemnité d ’ vne nopce. Durant qu ’ on la faiét, ce ne font que cileries de gens , qU j vont & qui viennent, que retentif.

feinens de trompetes,de flutes,& de clairons, & que plaintes importu ­ nes de personnes qui font à la porte,՛

où elles font plus de bruit que le ro ­ llerre; ce qui fe paiTe à la clairté d ’vn grand nombre de flambeaux allu­

mez de toutes parts , & qui font comme les eiclairs de ce tumulte.Ie redemande maintenant, y a t’ ilce- luy qui voyant cét embaras,cette confufion & ce defordre , ne iuge foudain tres-miferable la perfonne qui fe marie , ou qui en eft à la veil­

le? D e moy ,ie ne pêfe pas mêtir, fi ie dis que 1 homme qui eft réduit à prendre vne femme, ne me (enable pas moins mal-heureux que celuy

qui ans vne bataille Cinglante , eft

(28)

5 x Les Antours de Cly tophon3 contraint de fe biffer choir inhu­

mainement fur la pointe de fon ef- pée. Si la connoifTancc que tu as des bonnes lettres ne t'auoit rendu fça- uant dans la malice des femmes , ru ferois excufable en cecii mais y elłat Maiftre paffé, tu en peux faire des leçons aux autres, & reprefenter fur le theatre ce qu en ont écrit lesPoe- tes Tragiques & les Comiques. Tu n’as pas ie m’affeure mis en oubly ny le carcan d ’Eriphile, qui trahit indi ­ gnement fon mary Amphiaraus,ny Pexecrable banquet de Philomcle, fait au Roy de Thrace fon beaufre- re,ny la calomnie de Stenobée con ­ tre le vaillant Perlée,ny Pincefle d ’ Europe auec so h ere, ny la cruau­

té de Progné , qui eftrangla mef- chamment , & mit en pieces ion propre fils : Que fi Griféis & Brifei- dc eurent autrefois affez de char­

mes ; de gcntilleffes, & de beau tez pour

de

L

eucippe

.

հհ

pour fe donner de l’empire fur Aga ­ memnon & fur Afhille: elles furent eau le aufli que le camp de l'vn fut ѴП long-temps affligé de pelle, &

que l ’ autre s ’auilit lafehement dans fes rentes, où il ternit la gloire de fes beaux faits, par des gemiffemens

& des larmes indignes de luy: affeu- remét la femme qu ’auoit Cadaules Roy des Lydiens , elloit des plus belles de fon temps , mais fi mer ­ chante , qu elle fit tuer fon mary.

Quoy dauantage ? les préparatifs des nopces d ’Helene, & les flam­

beaux de fon hymenée bru fièrent la grande ville de Troye. La cháñe­

te de P enelope caufa la mort à plu- fieurs de fes Amansjcomme au con­

traire vnexcez de paillon porta ľa- moureufe Phedre à öfter du monde

e bune Hyppolite , pour le refus TV J u Ï de contenter fes defirs;

a de Clitemneftre contre

C

(29)

3 4 Les Amours de Clytophon, fon mary, luy fit tremper dans fon fang les mains du perfide qu ’ elle en- tretenoit. O qu’il ŕaut biedire qu ’ en quelque temps que ce foit on trou- ue les femmes preftes à faire du mal, puis qu ’elles ne font pas moins fata ­ les ôc dangereuses a leurs Amans, qua'ceux qu ’elles ont en haine l Quelle raifony auoit il de tuer Aga­

memnon ?

Զա des yeux & du chef à lupin re/fembloiti

T ellement que ià beauté, comme dit le me fine Poete, pouuoit a bon droit eftre nommée celeite > & tou- tesfois 6 Iupiter ! ce fut vne femme qui trancha la teile à vn fi excellent Prince. Comme il eft vray néant- moins que tous ces exemples que ie viens d alléguer , font arriuez par des femmes qui ont cité belles, il faut aduoüer aufii que la conuería- tion de leurs Semblables n ’ eft qu v-

de Leucippe. 35 ne mediocre mifere,qui doit sebler en quelque façon fupportable aux hommes , a caule que la beauté fou­

lage vnpeu leur mal-heur , ճշ peut adoucir par fois les amertumes du mariage. Mais qui peut douter que la peine d vnpauure efclaue ne fe re­

double , quand on le veut réduire, comme tudis,auec vne femme lai­

de ? Où. trouuera-t’ on celüy qui puiife foüffrir cette infortune,eftant abondamment pourueu,comme tu es,des graces &des beautez de la ieu- neiTe ? Oblige moy donc, cher Ca ­ ricies , de ne point prefter le col à ce ioug de feruitude>Ie ten coniure par les grands Dieux inc perds point vnefi belle fleur auantla faifon, &

fouuien-toy qu’entre les autres mal­

heurs qu apporte le mariage,il a ce- jde ruiner entièrement les corps, & ľagreement de

:; fi tu veux que ie t avme Cij

cruel

forces diï

la ieunelfe

(30)

5 G Les Amours de Cly tophon, toujours ô Caricies, garde toy bien de te perdre ainfi miferablement,ձշ de t’ auilir toy-mefme , en laiiTant cueillir vne Ճ belle rôle à vn mal ­ adroit ճշ difforme Laboureur. Ce que ie puis faire, rebondit Caricies, eft de remettre aux Dieux immor ­ tels le foin de cecy , & d’ y longer demon cofté, d ’autant que ce ma ­ riage ne ie conclura pas fitoft, &

que la nuiét qui donne confeil,nous y fera penfer à loifir. le fuis d’auis cependant de m’ en aller a l ’Hyppo- drome , pour y voir les courtes des cheuaux '■> car ie n’ay pas encore monté celuy que tu me donnas der- nierement;Et polfible que cét exer ­ cice du corps foulagera en quelque façon les fafcheries & les douleurs de mon ame. Iln ’errdit pas dauan- tage, &s’en alla droit à l ’ Hyppodro- me> où il fit la premiere & la der ­ nière de fes courfes. Comme il fut

C'y de Leucippe. 37 party, ie commençay d’entretenir Clinias de l’êftat de mes affaires , &

luy declaray qu’ Amour m ’ auoit pris dans fes piégés,ou toutesfois i’e- ftois tombé fi heureufement,que ie pouuois iouyr tous les iours de la veue de celle que i ’ay mois. I’ adiou- ftay à ce recit le lieu où couchoit cette ieune merueille,les charmes de fa beauté, & mon efmotion du ­ rant le fouppcr 5 auquel ie fus aiïis deuant elle. A la fin comme j’ ap- perceu que l ’ excez de ma paffion m’emportoithors du fujećł de mon difcours ; Ha 1 Clinias, conclus-je, c ’ en eft fait , il m ’ eft impoffible de fupporter plus long-temps la vio­

lence de ma douleur. Amour s’ efi fait Maifire de tous mes fens , & a fi bien etpandu fur moy fa rage, qu ’ il lle m e done aucun relafche ny iour ny nuit, & m ’empefche de fermer les yeux quand il me faut repofer.

C iij

(31)

38 Les Amours de Cly topbon, Levifage de Leucippe s ’offre touf- joursdeuant eux^cét objećt n ’aban ­ donne iamais mon ame , & ie penie pour moy que ie fuis le feul de tous les hommes de qui le mal-heur elt fans exemple,pource que dans mon logis i։en ay toujours la caule pre- fente. A ce que ie voy, repartit Cli- nias , tes difcours montrent allez ton extrauagance ,veu que tu n ’ as pas l ’ efprit de connoillre ton bon ­ heur. En pourrois tu auoir vn plus grad que celuy de ton amour ? Cer ­ tainement il elf tel, que pour trou- uer ce que tu cherches, il ne te faut ) point aller heurter a la porte d ’ au- truy, ny fier ton leeret a perfonne, puis que la fortune t’ayme fi fort, que n’ eftant pas contente de t auoir donné vue Maiftreffe, elle l’ a con- duireiuíquesdãstamaiíbn.O com- bieny а -t il d Amans aufh pafiion- nez que toy 3 qui s ’eftimeroienr

& de Leucippe. 39 auoir atteint au plus haut degré de la v olupté , s ’ils pouuoient ioiiir des doux regards de leurs Dames , &

s’ en repaiftre à leur aile l En effet on ne peut appeler autrement que tres- fortunez ceux qui dans les pourfuit- tes d ’ amour ont moyen de voir leurs Maillrelfes, & de s’ entretenir auec elles. Tu peux faire le melme enuers la tienne i tu la vois tous les iours, tu iouïs de fon entretien,vous n ’ auez tous deux qu’ vne mefme de­

meure, tu la frequentes & tu mages auec elle ", comment donc dans le comble de tant de bonnes fortunes, as tu la hardieife de te plaindre ? &

comment ne reconnois tu mieux les faneurs que tu reçois de ton amour ’ Ne içais tu pas qu ’ il y a moins de plaifir a manier vne beauté qu’on ayme , qu ’à contempler à fon gré les graces de fon vifage ? Laraifon dt, pource que les yeux qui s ’ellan-

C iiij

(32)

Les Amours de Cly tophon, cent des mutuels regards fe com ­ muniquent aufíi de mutuelles ima ­ ges, comme fait vn miroir quand il

teprefente ce qui s ’ offre deuant luy. C’ efc doncques de ces images de beauté que par vne forte refle­

xion les yeux enuoyent dans lame, en y peignant au naturel les corps qu ils ont contemplez,que fe forme en l’abfence mefme ienefçay quel ­ le vnion des parties, beaucoup plus agréable que la conionćlion des corps , qui me femble vaine & de nul effet.Cela prefuppofé,fi tu veux fçauoir quel doit eilre le fuccez de ton amour , ie t ’auife qu ’ en peu de temps il fera conforme à ton delir.

Les apparences me le font croire ainii,puis qu’ il cil certain que la fré­

quentation & 1 entretien ordinaire peuuent beaucoup pour attirer &

vnir les cœurs. Ques’ ily aquelque raiíon d appeller les yeux les vrays

de Leucippe. 4։

meffagers. & les caufes affeurées de l ’ amour ; ayant le bon-heur de voir fouuét ta Maiftreffe, ne doute point qu ’à force de la frequenter tu ne t ’infinues bien toll en fes bonnes graces : Car fi nous voyons par ef- preuue que la conuerfation elf ca ­ pable d’ appriuoifer les belles les plus farouches, ie te laiffe à penfer fi elle ne produira pas le mefme effet en­

vers vne fimple fille. Au relie,ie t’ a- uertis que pour attirer Leucippe à t aymer,ce n eil pas vn petit moyen que la conionture d ’ vn mefme âge', L’efgalité duquel a cela de propre en cete premiere fleur, de nous con ­ duire , voire mefine de nous aiguil ­ lonner auec violence aux chofes ou la nature nous porte, l ’adioufte à ce^- cy, qu’ vue mutuelle affećłion s’en­

gendre en l ’ ame d’ vue fille, quand

elle connoilt qu’on l ’ ayme , veu

qu il nés en trouue pas vne qui ne

(33)

՜4 Les Л mows de Clytoph оп 3 foit bien ayfè d ’eftreefliméebelle,

& de voir quelle a donné de l ’a- niour, ce qui l ’oblige à ne point re- ietter les vœux ny les defirsdefon Amant, pour eltre bien affeurée qu il eft le veritable teßnoin de Tes beautez, & qu’ il les publie de tou ­ tes parts. Que s ’il s’ en trouue quel- qu vne qui ne foit pas lenfible a l’ a ­ mour, il faut que cela procede ne- ceiTairement de ce quelle n ’ a pas encore conceu aucune opinion de fa beauté. Celtpourquoy ce que î ’ay à te recommander lur toutes chofes , eil que tu rafles en forte de luy donner àconnoiltre que tu l’ ay- mes ardemment , pource qu ’ alors ton exemple luy feruira d ’ vn fíijeét d ’ imitation. Tu me contes-là vne grande chofe,luyrefpondis-je',Mais comment pourray-je venir à bout de ce dequoy tu m affeures,comme ß 1 euenement en deuoit ellre in-

ճր de Leucippe. 45 faillible ? enfeigne moy ie te prie ce que l’ vfage t’en a monftré , pour auoir cité confacré auant moy aux fecrets myfteres de Cupidon. Quel, les doiuent eltre mes paroles , &

quelles mes actions ? Declare le ie te prie , & me defcouure quelque moyen pour iouyr de la beauté que i ’ayme h fort > car ie n ’ en ay point pour y paruenir , & ne fçay par où commencer. Il n’ elt pas beibin, dit Clinias, de te mettre en peine de ce­

la: cell vnefciencequ Amour t’ap­

prendra : puis que c’elt vn Dieu , il fe paffe bien de guide , & n ’a que faire de Précepteur > comme les en- fans apprennêt d ’ eux mcimes à ma­

ger, & connoiffent naturellement

que leur nourriture eft dans le retín

de leur mere les ieunes hommes de

mefme enflammez & pleins d a-,

mourje paffent fort bien d’vn mai-

llre qui leur apprenne à efclorre Sc

(34)

4 4 Amours de Cly tophon, enfanter vn tel fruit. Que fi la dou ­ leur & le temps te preifent , & te contraignent à declarer ce que tu auras conceu dans ton elprit, bien que ce ne foit que ton premier en­

fantera entitu n ’y failliras point tou- tesfois,d ’ autant que ce Dieu volage te donnera le moyen & la force de te deliurer de peine. Quat aux cho ­ ies ordinaires qui aduiennent en amour,& pour l’execution defquel- les on n a pas befoin de faccom ­ moder au temps , i ’auoue qu ’il eft neceilàire que tu les apprenes. Don ­ ne toy donc bien garde première ­ ment de ne point requerir vne fille de ce qu ’elle appelle honneur,&tafi che s’il eft poffible , que le tout fe paffe difcrettemér,& fans dire mot;

Si tu ne te gouuernes ainfi, difficile­

ment pourras tu venir à bout de ton deffein, pource que la ieuneife des filles eft voilee ďvne grande honte;

de Leucippe. 45 tellement qu’ encore qu ’ elles fou- haittent la ioüiifance & le plaifir amoureux , fi eft-ce quelles ne veu ­ lent pas qu’on leur parle de ce quel ­ les fouffrent volontiers/imaginant que la faute ne foit pas dâs ľačtion, mais dans les feules paroles. 11 n’en eft pas de mefme de celles qui ont goufté les embraiTemens des hom ­ mes : comme elles y ont trouué du plaifir , elles fe piaifent auffi d ’ en oüir parler. Les filles tout au con ­ traire fouffrent fans rien dire les ca- iolleries&les careffes,qui font com ­ me les auantcoureufes d ’amour,&

tefmoignent allez à leur mine qu’el­

les ne defdaignent point d’eftre per- fuadeespar défi doux allechemens.

De ce que ie viens de dire tu peux

Yodure,que fi tu parles tout à coup

ataMaiftreife de confentir à tonde-

n amoureux , elle s en offenfera,

tele t ter a bicnlointespar oles,quelle

(35)

4 6 Les A mows, de Cly tophon, prendra pour autant d ’iniures ; ce qui ne fera toutesfois qu’ vnpur ef­

fet de fa hôte, qui l’empcfchera d ’ en venir aux prifes, & de fatisfaire à ta demande , quoy qu’en fon ame elle le fouhaitte ardemment , & quelle foit bien contente de te permettre cette faueuri Mais lors que par vne plus ingeníenle açcortife elle le voit amadouée par les douceurs des re ­ gards,des belles paroles,&des flatte ­ ries, elle en eft plus aifement attirée,

& s ’imagine d elire defia plongée dans le milieu du plaifir. Apres te­

lire gouuerné de cette forte enuers elle, s ’il arriue enfin que par tes alfir duitez, & tes deuoirs tu viennes à U fléchir, c ’eft lors qu ’il faut vferdo filence, & prendre garde que tout V foit clos & couuert,comme au plus leeret myílere de nos Dieux, pour en venir aux approches peu à peu > deirobe luy quelque doux

de Leticippe. 47 bailer,qui feruira comme d’ amorce à ta Dame -, ôč d’ efperon fi elle fait la reftiue. Tu dois te reprefenter de plus,qu ’ encore qu ’il y en ait pl u - fieurs qui fe rendent à moitié con­

traintes , & fouuent de leur bon gré,fi ne lailfent elles pas de vouloir paroiltre d ’ auoir rcceu quelque for­

ce , afin que par cette neceifité vio ­ lente, elles puilfent couurir la faute quelles ont faite d’y confentir.Que h tu vois qu’ il y ait de la refiilence en la beauté que tu pourchaifes, &

qu’ elle falfe la mauuaife, ne lafehe point prife pour cela , & regarde bien quelle mine elle fera en s’ op- poiant a tes pourfuittes. C’eft en ce ­ la principalement qu ’il faut que tu

foisaulfi accort, que prudent, à ne point y fer de force , fi tu vois qu ’el-

c perfifte en fon refus dequoy tu

peux tirer cette confequence,qu’ el-

e n eh pas encore bien perfuadée:

(36)

48 Les Amours de Clytophon, que fi eu veux en tel cas la rendre plus douce & plus maniable, difii­

ül nie fecrettement ton amour, fans relafcher neantmoins, de peur de perdre tout l ’auantage que tu peux auoir gagné.

? Apres que j’eus attentiuement ouy les paroles d ’vn Confeiller fi habile;

O Clinias 1 luy relpondis-je , il faut que j auoiie que tes préceptes m ’ ont grandement allégé, & que fi ieles veux fuiure j apparemment ie vien- dray bien toil á bout de mes defirs;

mais quand mefme cela feroit , j ’ au- rois belle peur que cette felicité n ’ attiraft fur moy d ’ autres mal­

heurs, plus {grands que celuy où je me trouue à prefent réduit, & que la violence de mes flames ne s ’ en aug ­ mentait. Que s ’il falloir que telle choie arriualt , ie voudrais bien fça- uoir comme quoy ie m’ y deurois gouuerner, & quel confeilprendre;

car

O de Leucippe. 4^

car d ’ époufer celle-cy ie n ’y voy pas d ’ apparence , pource que mon pere ne le veut point, & qu’ il m ’ a défia voué à vne autre femme,qui n ’eft ny eilrangere,ny laide,ny de moin­

dre qualité que moy ; en quoy cer­

tes il ne faut pas que j ’appréhende d eitre vendu, ny fait efclaue ď vne mailtrefie , comme Caricies de la ficnne , pource que mon pere me donne fa propre hile , qui eit la plus belle de tout le pays,apresLeucippe, que i ay le bon-heur de voir tous les iours, & non pas l ’autre de qui ie filis efloigné. Me voila cependant flanque entre deux objets contrai­

res , & cruellement gefné dans mon efprit, qui m’ attire en diuers lieux:

ie fuis d’vn collé le martyr ď A֊

^our, & de l ’ autre celuy de mon qui ie ne puis delplaire qu’ in- U1 i 1 Cn } ent,Pour refpeétque ie luis obligé de luy rendre. Comment

D y

«

(37)

5 о Les Amours de Cly tophon, vuideray-ie donc ce différend , &

quel expedient pourrois-je trouuer pour eftreiugeen cette caufe ? De- folé que ie fois 1 la violence de mon amour combat icy contre la force de la Nature. le voudrois bien ne vous defobeïr pas, ô mon pere , &

prononcer vn arreft en faueur de vous,Mais lors que i ’en fois for le point de le faire , mon cnnemy s ’ y oppofe, & s ’ aigrit contre ce juge ­ ment , quand ie le penie donner»

Ce cruel ne veut rien perdre de fes droits i II me preffe, il me persé ­ cute, & plaide fa caufe luy mefme, tenant des flefehes en main, & des flambeaux allumez. Comment luy puif-je donc efehapper,puisqu’il me talonne de Ճ près?C ’ en eftfait, mon регеДІ faut que ie luy obeiffe, puis qu ’il m ’enuironne de fes flammes,

6 qu ’il vfe de contrainte.

Tandis que nous difeourions ain-

&de Leucippe. yï fi de lamour,voila que nous vifmes entrer tout à coup vn des amis de Caricies,qui monftroit bien à fa mi­

ne qu ’il apportéit de fort mau- uaifes nouuellcs. A quoy Clinias ayant pris garde ; Ha! Dieux,s'ef.

cria-t il, quelque mal-heur eft ad- uenu a Caricies. Helas ! luy ref- pondit l’autre,vous n ’ auez que trop bien deuiné,puis que le panure jeu ­ ne homme n ’ eft plus au monde.Ces paroles penetrerent Ճ auant dans 1 ame de Clinias, qu il en perdit la voix & le mouuement,tout de me£

me que s ’il euft efté frapp é d’vn ci­

clar de foudreÆt alors letriileMef- fager recommençant Ion difeours, le continua de cette forte. Il faut, ô Clinias, que ie t ’apprenne , à mon grand regret,cette pitoyable hiftoi-

* e’ Caricies citant dans l ’ Hyppo-

ronre monta fur ton cheual , & le

menad abordaffezbellement ,puis

(38)

?

i (

ՀԼ Les Amours de Сіу topbon, comme il cull fait deux ou trois coatíes,pour lie le mettre hors d ’ha­

leine, il le retira hors de la carrière, corne il eftoit en fa fougue & plein defueur. Mais ayant fortuitement laiché les reines, comme il s ’ amu- foit à effuyer la feile toute mouillée, le mal-heur voulut, qu ’au bruit que l’ on ht derriere , il s ’esfaroucha d’v- ne eilrage forte , s’ emportant a plei­

ne courfe, tantoftd ’vn collé, & tan- րօՌ de l ’autre, fans qu ’il fuit poili- ble de s ’ approcher à cauíe de fes rua­

des. Plusil fuioit loin de la carrière,

& moins fa fuitte feruoit à luy faire perdre l’ efpouuente qu’ il s ’eiloit donnée.Comme elle luy tenoit lieu d ’eiperon, elle ne feruoit aufli qu ’ à luy faire prendre plus fort le mors aux dents, fe gourmet dans fa bride ÔC fecoiier la teile & le crin , fans qu ’il ceíTaíl de ruer des pieds dede- uat&de derriere,ce qu ’il faifoit tou-

de Leucippe. 55 iours en courant , & la vilteiTe en eftoit fi grande,qu’on cuft dit à tout coup qu il s’ alloit précipiter. En vn mot de la façon qu ’il fe tourmétoit, à force d ’ aller par haut & par bas , il reifembloit proprement à vn naui- re,qu on v oit flotter en pleine mer à la mercy des vents & des vagues,tel­

lement qu’ on pouuoit dire que le pauure Caricies n ’eftoit pas moins agite fur luy que le Pilote dans ion vaiifeau. Il fut ainfi trauaillé vn a£- fez long-teps des furieufes fecoufïes

&desruades de ce fougueux animal, fur la teile duquel il eftoit tatoft jet­

te, & tatoft fur la crouppe. M ais co­

me il vidala fin qu’ il nepouuoitplus gouuerner la bride,il fléchit foubs la fortune, & fe 1 ailla mener au caprice du chenal , qui tout plein de fougue 4uâd il fe vid en liberté , s ’efearta du g L and chemin, & courut en la foreft proc taine. L ’euenemcnt en fut tel,

D iij

(39)

յ 4 Les Amours de Cly tophon, que de l’impetuofité de fa couriè 1 infortunéClinias allaheurtercótre premier arbre, d’où il fut mis hors de feile , & porté par terre comme parla violence de quelque machi­

ne. Il fe deffigura tout le világé par le grand nombre de coups & de playes qu il recent , choquant le tronc & les branches ; & cheut en mefme temps emmy la place , où fon corps enlacé das les reines, trou- ua 1 elpineux fentier qui le condui­

sit a la mort. Car le chenal dere­

chef elpouuenté de cette cheute,

& empefché de courir pour auoir trouué vn obltacle à fa fuitre , fe mit a rouler aux pieds cét infortu ­ né ieune homme, & le rendit ß dif­

forme , qu'il en ellőtt rnefconnoif- lable. A ce recit le delhié Clinias toutcfflayé fut quelque temps fins rien dii e. Puis comme lt la douleur luy euil permis de parler,il com-

&<de Leuctppe. 55 mença de fe plaindre d vne eftrangc forte , & s’en alla droit au lieu où cftoit Caricies, le m’ y en allay aulTi auec luy , & le confolay le long du chemin le mieux qu ’il me fut posi­

ble. V oila cependant que le corps fut apporté deuant nous, horrible fpećlacle à n ’en mentir point, &r bien digne de cópafflon ,pour elite Ճ defchiré de toutes parts, & ß dcf- figuré,que de tous ceux qui fe trou- uerent là prefens, il n ’ y client pas vn qui pull retenir fes larmes. Le pere du deffunt fut celuy qui s’ affli­

gea dauantage, comme ilenauoit auffl plus de fujet que les autres. Hal mon fils, s’efcria t’ il auec de longs gemiiTemens, & de Rmeiles lamen ­ tations, en quel ellát t’ en es tu allé d ’ auec moy, & à quel point te voila réduit 1 Q le maudit meitier que c de monter des chenaux:il eil tout manile île qu’ il ya de ľ extract-

D iüj

(40)

5 6 Les Amours de Clytophon,

¿inaire en ta mort, puis qu’ il ne t ’eft rien refté de la forme qu ’ ont accou- ftume d auoir les autres corps ; en qui foit que les lineaments & les traits s effacent , ou que la beauté du vifage s aneantiife , fi-eft-ce que Sa figure leur en demeure,pour la con ­ solation de ceux qui s ’en plaignent, 6 qui ont interefU leur perte. La mort oile lame à l ’homme , il eft vray > mais à tout le moins elle laiffe au corps la figure humaine, & tu es fi mal’heureuxtoutesfoisque la for­

tune t ’ en a priuc. A voir donc de quelle façon l ’ ombre de toy-mef- mes ’ eft efuanoiiie,il faut bien dire que tu as fouffert doublement la mort, à fçauoir & celle du corps, &:

celle defame; car pour ton elprit u s eneft vole auec les Dieux,fans que ie puiffe trouuer en ton corps le moindre efchantillon de ce que tu fus n agüeres. Et quand Sera-ce mon

de Leucippe. 57 fils que tu te marieras comme ic l’ e- iperois? Eicuyer mal adroit & in­

fortune , quand reray-je la folemni- téde tes nopcesł O que me voyla bien loin de mon compte'la tombe elf maintenant ronlićt nuptial,tu as efpoufé la mort , les gemilTemens des funérailles, & les lamentations qu’ on y fait s ’en vont eftre lesHym- nes & les chanfons de ton Hyme ­ née. Helas 1 mon fils,que ie me pro- mettois bien d’ allumer pour toy d’ autres flambeaux 1 mais ľenuieufe fortune les a efteints auec la vie, օշ les a changez en torches fúnebres.

Abominables torches, & flammes fatales , qui au lieu d’efclairer à ta couche la nui Զ de ta nopce , ferai-, ront de trille lumière à l’ obfcurité

du tombeau ou tu feras enfermé.

Tandis que le perc regrettoit ainň

^Օո ^'հ ? Clinias,qui defon colle fai-

ioita 1 enuy auec luy a qui pleure-

Cytaty

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