165 (2000)
Dichotomies pour les espaces de suites r´ eelles
par
Pierre C a s e v i t z (Caen)
Abstract. There is a general conjecture, the dichotomy (C) about Borel equivalence relations E: (i) E is Borel reducible to the equivalence relation EGX where X is a Polish space, and G a Polish group acting continuously on X; or (ii) a canonical relation E1 is Borel reducible to E. (C) is only proved for special cases as in [So].
In this paper we make a contribution to the study of (C): a stronger conjecture is true for hereditary subspaces of the Polish spaceRωof real sequences, i.e., subspaces such that [y = (yn)n∈ X and ∀n, |xn| ≤ |yn|] ⇒ x = (xn)n∈ X. If such an X is analytic as a subset ofRω, then either X is Polishable as a vector subspace, or X admits a subspace strongly isomorphic to the space c00 of finite sequences, or to the space `∞ of bounded sequences.
When X is Polishable, the metrics have a very simple form as in the case studied in [So], which allows us to study precisely the properties of those X’s.
Il s’agit ici d’´ etudier dans le contexte des sous-espaces de l’espace polo- nais des suites de r´ eels une conjecture qui ´ etait d´ ej` a connue pour d’autres types de groupes, sans structure vectorielle :
Si E est une relation d’´ equivalence analytique sur un espace bor´ elien standard Z, on est dans un des deux cas suivants :
• ou bien E se plonge dans une relation E
GXinduite par une action polonaise sur un espace polonais X,
• ou bien E
1se plonge dans E, o` u E
1est l’´ egalit´ e dans 2
ω2modulo l’id´ eal I
1des parties de ω
2contenues dans un nombre fini de verticales {n} × ω.
(Ici une relation E sur X se plonge dans une relation d’´ equivalence F sur Y s’il y a une fonction f : X → Y telle que f (x)F f (x
0) ⇔ xEx
0, et les plongements sont exig´ es bor´ eliens.)
2000 Mathematics Subject Classification: Primary 03E15, 06F20, 46A45, 54D55, 54H05; Secondary 06F30, 46B40, 54E52, 54D65.
Key words and phrases: Borel complexity, subspaces of real sequences, topology of subspaces of real sequences, Polishable spaces, dichotomy theorems, Borel equivalence relations.
[249]
La justification de cette conjecture est qu’on ne peut pas plonger E
1dans une relation induite par une action polonaise [K-L] ; donc, ´ etant donn´ ee une relation E, on ne peut ` a la fois plonger E dans une E
GXet voir E
1se plonger dans E. Les exemples connus ne font pas apparaˆıtre pour l’instant de statut interm´ ediaire qui contredirait la dichotomie.
Ainsi Solecki (dans [So]) a ´ etabli que cette dichotomie ´ etait v´ erifi´ ee pour les relations d’´ egalit´ e modulo un id´ eal de parties de ω. Il a mˆ eme ´ etabli un r´ esultat plus fort :
Tout id´ eal I, analytique comme partie de 2
ω, v´ erifie l’une des deux as- sertions suivantes :
• I est polonisable (comme groupe (I, 4)) ;
• l’id´eal I
1se plonge en I, relation entre id´ eaux qui est plus forte que le simple plongement bor´ elien ou mˆ eme continu des relations d’´ equivalence.
De plus si I est polonisable, il est F
σou alors vrai Π
03.
Le pr´ esent travail est effectu´ e en essayant de comparer R
ωet 2
ωde la fa¸ con suivante : si on identifie les parties de ω et leurs fonctions ca- ract´ eristiques qui sont les ´ el´ ements de 2
ω, on peut consid´ erer la relation d’inf´ eriorit´ e composante par composante dans R
ωcomme une extension de la relation d’inclusion entre parties de ω, la somme dans R
ωcomme une extension de la r´ eunion de parties de ω ; l’analogue d’un id´ eal de ω sera donc un sous-espace vectoriel de R
ωclos quand on r´ eduit en valeur absolue les composantes d’un de ses ´ el´ ements ; on dira qu’un tel espace est h´ er´ editaire.
On montre ici le mˆ eme r´ esultat g´ en´ eral que Solecki [So] :
(A) Si X est un sous-espace h´ er´ editaire de R
ω, analytique comme partie de R
ω, alors on est dans un des deux cas suivants :
• E
1v
cR
ω/X ;
• X est polonisable (comme espace vectoriel).
Ici aussi on a quelque chose de plus que E
1v
cR
ω/X : si X n’est pas polonisable, on a c
00≤
linX ou `
∞≤
linX, avec les notations usuelles pour l’espace des suites finies et l’espace des suites born´ ees. (Ici E ≤
linF signifie qu’il y a une application lin´ eaire continue injective l : R
ω→ R
ωtelle que l
−1(F ) = E. Et comme c’est l’usage on note R v
cQ entre relations d’´ equivalence sur des espaces topologiques Y , Z s’il y a f : Y → Z continue injective telle que ∀y, y
0, f (y)Qf (y
0) ⇔ yRy
0.)
Enfin, on a la mˆ eme pr´ ecision sur la complexit´ e bor´ elienne possible des sous-espaces polonisables :
(B) Si X est polonisable, alors il est ferm´ e, ou sinon Σ
02-complet ou
Π
03-complet.
La premi` ere partie est consacr´ ee aux d´ efinitions : on v´ erifie que E
1se plonge dans la relation induite par `
∞(c’est (1.3.1)). On v´ erifie aussi la complexit´ e descriptive de c
0, `
∞, qui serviront. Un plongement de E
1dans c
00est aussi donn´ e au (1.3.1).
La deuxi` eme partie est consacr´ ee ` a l’´ etude des “´ evaluations”, analogues pour les suites de r´ eels des sous-mesures pour les parties de ω, et qui permet- tent de d´ efinir de mani` ere canonique des sous-espaces h´ er´ editaires poloni- sables ainsi que leur structure m´ etrique compl` ete s´ eparable.
La dichotomie g´ en´ erale (A) est l’objet du paragraphe 3 : apr` es avoir
´
elimin´ e dans l’´ etude un type d’espaces en quelque sorte d´ eg´ en´ er´ es dans le paragraphe 3.1, les espaces n’ayant pas de suites aux composantes toutes non nulles, pour lesquels on trouve toujours un plongement de c
00, on refait en fait la mˆ eme ´ etude que Solecki [So] pour les id´ eaux ; on d´ efinit dans le paragraphe 3.2 une notion de petitesse pour les parties de R
ω(et d’une de ses compactifications), et on introduit la dichotomie selon qu’on a ou non une bonne notion de petitesse :
• Si une r´eunion d´enombrable d’ensembles petits peut ˆ etre grande, ce qui est l’hypoth` ese (3.3.1), on exhibe dans (3.3.3) un plongement de c
00ou de `
∞dans X.
• Si au contraire une r´ eunion d´ enombrable d’ensemble petits est un en- semble petit, ce qui est l’hypoth` ese (3.4.1), on peut utiliser les ensembles grands pour construire par des proc´ ed´ es du type th´ eorie de la mesure une
´ evaluation sur R
ω, et X sera l’espace polonais associ´ e ` a cette ´ evaluation : c’est la proposition (3.4.15).
Cette dichotomie est r´ esum´ ee dans (3.4.17).
Enfin, on tire de cette dichotomie un certain nombre de r´ esultats sur les espaces qui sont polonisables, essentiellement ce que j’ai r´ esum´ e dans (B), au paragraphe 4.
En plus des r´ ef´ erences relatives ` a des r´ esultats pr´ ecis, on se reportera utilement aux ouvrages de A. Kechris [K] et de Moschovakis [M] pour les notions de th´ eories descriptives, ainsi qu’` a celui de Schaefer [Sc] pour les propri´ et´ es g´ en´ erales des espaces vectoriels ordonn´ es.
1. D ´EFINITIONS
1.1. Structure de R
ω. R
ωest muni de sa topologie polonaise usuelle, produit de la topologie de R, pour laquelle les W
Nconstituent un syst` eme fondamental de voisinages de 0 = (0, 0, 0, . . .), o` u
W
N= {x ∈ R
ω| ∀n < N, |x(n)| < 1/(N + 1)},
et qui correspond ` a la m´ etrique invariante compl` ete suivante : d
ω(x, y) = X
n
inf(1, |x(n) − y(n)|)
2
n.
On d´ esignera par l’indice ou l’exposant (pour l’adh´ erence par exemple) ω ce qui est relatif ` a la topologie usuelle de R
ω, not´ ee elle-mˆ eme τ
ω, ainsi qu’aux topologies induites par τ
ωsur les parties de R
ω.
On notera u
pl’´ el´ ement de R
ωdont la (p+1)-` eme composante (c’est-` a-dire u
p(p)) est ´ egale ` a 1 et dont les autres composantes sont nulles.
Si A ⊆ ω, on associe ` a tout x ∈ R
ωles suites suivantes : π
A(x) = ((x(k))
k∈A, (0)
k6∈A)
est la suite de R
ωayant comme composantes celles de x pour les indices qui sont dans A et 0 pour les autres indices, et
ε
A(x) = x − π
A(x) = π
ω−A(x).
Ces op´ erations sont les analogues dans R
ωde celles, pour les suites de 0 et de 1 repr´ esentant des parties de ω, consistant ` a prendre l’intersection avec une partie A fixe pour la premi` ere, et ` a prendre le reste de la suite pour la seconde.
En particulier on a
π
n(x) = (x(0), x(1), . . . , x(n − 1), 0, 0, 0, . . .), ε
n(x) = (0, 0, . . . , 0, x(n), x(n + 1), . . .).
Par ailleurs on identifiera couramment une A-suite de r´ eels, c’est-` a-dire une suite index´ ee par les ´ el´ ements de A, avec la suite de R
ωobtenue en compl´ etant par des 0 les composantes manquantes.
1.2. Pr´ eordre et espaces h´ er´ editaires. On d´ efinit sur R
ωle pr´ eordre suivant :
x ≤
ωy ⇔ ∀n ∈ ω, |x(n)| ≤ |y(n)|.
On notera aussi |x| = (|x(n)|)
nla suite des valeurs absolues des composantes de x, et x ∨ y et x ∧ y les suites telles que pour tout k,
(x ∨ y)(k) = sup(|x(k)|, |y(k)|), (x ∧ y)(k) = inf(|x(k)|, |y(k)|)).
Ainsi on a
(x ≤
ωy et y ≤
ωx) ⇔ |x| = |y|, x ≤
ωy ⇔ |x| ≤
ω|y|.
Notons que ce pr´ eordre devient un ordre quand on le restreint ` a (R
+)
ωet que l’application x 7→ |x| est croissante.
On a enfin
(x ≤
ωy et x
0≤
ωy
0) ⇒ x + x
0≤
ω|y| + |y
0|,
(x ≤
ωy et |λ| ≤ |µ|) ⇒ λx ≤
ωµy.
D´ efinition (1.2.1). Une partie X de R
ωest dite h´ er´ editaire si elle est
“close par suites ≤
ω-plus petites”, c’est-` a-dire si (x ∈ X et y ≤
ωx) ⇒ y ∈ X.
On va s’int´ eresser dans ce qui suit aux sous-espaces vectoriels de R
ωqui sont h´ er´ editaires, ce qu’on nomme en g´ en´ eral des id´ eaux de R
ω(cf. [Sc]).
Pour se borner aux cas significatifs on n’´ etudiera que les espaces libres : D´ efinition (1.2.2). Un sous-espace E de R
ωest libre s’il n’est nul sur aucune composante, c’est-` a-dire,
∀n ∈ ω, ∃x ∈ E, x(n) 6= 0.
Un espace non libre est soit de dimension finie, auquel cas son ´ etude est triviale pour ce qui nous occupe ici, soit c’est un id´ eal d’un R
Aavec A infini minimal ; or R
Aest alors isomorphe, composante par composante, ` a R
ω, et donc l’espace ´ etudi´ e est isomorphe ` a un espace libre.
D´ esormais, sauf mention expresse, les espaces consid´ er´ es seront suppos´ es libres.
Remarque (1.2.3). Si E est un sous-espace h´ er´ editaire de R
ω, alors E est libre si et seulement si c
00⊆ E.
P r e u v e. On utilise l’h´ er´ edit´ e : si x ∈ E est tel que x(n) 6= 0, comme x(n)u
n≤
ωx, on a x(n)u
n∈ E puis Ru
n⊆ E.
On pose aussi, d´ efinition qui sera utile dans la suite :
D´ efinition (1.2.4). Si x ∈ R
ω, on note C[x] l’ensemble des y tels que y ≤
ωx.
Propri´ et´ e (1.2.5). C[x] est un compact h´ er´ editaire de R
ω.
Pour comparer les sous-espaces h´ er´ editaires, on va utiliser les notions suivantes :
D´ efinition (1.2.6). Si E et F sont deux sous-espaces h´ er´ editaires de R
ω, on note E ≤
linF s’il existe une application lin´ eaire continue injective f : R
ω→ R
ωtelle que f
−1(F ) = E. Si on peut choisir f croissante pour
≤
ω, on note E ≤
+linF.
On sait que tout espace h´ er´ editaire E induit sur R
ωla relation d’´ equi- valence suivante :
x ≡
Ey ⇔ x − y ∈ E.
On a donc aussi les relations de hi´ erarchies classiques entre relations d’´ equivalence ≡
a, ≡
bsur des espaces topologiques X, Y soit pour celle qui nous int´ eressent : ≡
av
c≡
bs’il y a f : X → Y injective continue telle que
x ≡
ax
0⇔ f (x) ≡
bf (x
0).
On utilisera ` a l’occasion les notations usuelles o` u l’indice
Bremplace
csi on veut juste une f bor´ elienne, et ≤ remplace v si on n’exige plus f injective.
Citons quelques relations particuli` eres :
• E
0est la relation sur 2
ω= Pow(ω) d’´ egalit´ e modulo les suites (parties) finies.
• E
0ωest la relation sur 2
ω2qui dit que xE
0ωy ⇔ ∀n, x(n, ·)E
0y(n, ·) o` u x(n, ·) d´ esigne la suite des x(n, k) quand k parcourt ω.
• E
1est la relation entre parties de ω
2d’´ egalit´ e modulo l’id´ eal qui a ´ et´ e d´ efini dans l’introduction : xE
1y ⇔ ∃n
0, ∀n ≥ n
0, x(n, ·) = y(n, ·).
On notera aussi (n, k) 7→ hn, ki une bijection ω
2→ ω fix´ ee une fois pour toutes, au moyen de laquelle on consid´ erera en g´ en´ eral que E
1et E
0sont des relations sur 2
ω.
Enfin pr´ ecisons la notion d´ ej` a ´ evoqu´ ee d’espace polonisable :
D´ efinition (1.2.7). Un groupe topologique (G, τ ) est polonisable s’il existe une topologie polonaise plus fine que τ et toujours compatible avec la structure de groupe. Un sous-espace E de R
ωest dit polonisable s’il existe une topologie polonaise τ
0sur E, plus fine que la restriction de τ
ω` a E et telle que (E, τ
0) soit toujours un espace vectoriel topologique.
1.3. Quelques espaces particuliers. On utilisera quelques sous- espaces h´ er´ editaires classiques de R
ω:
`
∞= {x ∈ R
ω| ∃M > 0, ∀n, |x(n)| ≤ M },
qui est un Banach avec la norme kxk
∞= sup
n|x(n)|, d´ efinition qu’on peut
´
etendre par kxk
∞= +∞ si x 6∈ `
∞.
`
∞est non s´ eparable mais son sous-espace c
0= {x | lim
n→∞x(n) = 0}
est Banach s´ eparable avec la norme induite.
Une partie d´ enombrable dense pour la topologie de c
0est D = L
n
Qu
n= S
n
Q
n, ´ egalement dense dans R
ωpour la topologie produit.
Citons enfin l’espace des suites finies c
00.
Propri´ et´ e (1.3.1). `
∞est un vrai Σ
02et c
0est un vrai Π
03; de plus `
∞n’est pas polonisable en tant qu’espace vectoriel ou mˆ eme que groupe additif et
E
1v
c≡
c00, E
1v
c≡
`∞, E
0ωv ≡
c0.
P r e u v e. Les d´ efinitions donnent au plus les classes de Borel indiqu´ ees : x ∈ `
∞⇔ ∃p ∈ ω, ∀n ∈ ω, |x(n)| ≤ p ;
x ∈ c
0⇔ ∀p ∈ ω, ∃n
0∈ ω, ∀n ≥ n
0, |x(n)| ≤ 1/(p + 1).
Par ailleurs la relation ≡
Eest toujours de la mˆ eme classe que E (c’est
l’image r´ eciproque de E par l’application continue (x, y) 7→ x−y de R
ω×R
ωdans R
ω, donc la classe de ≡
Eest inf´ erieure ou ´ egale ` a la classe de E, et par ailleurs E est la classe de 0, donc de mˆ eme classe que ≡
E∩ {0} × R
ω).
Donc si on montre les plongements indiqu´ es de relations d’´ equivalence, on obtiendra au moins les classes indiqu´ ees puisqu’il s’agit de plongements continus, et que E
1et E
0sont de vrais Σ
02, et E
0ωun vrai Π
03. Tout se ram` ene donc ` a ces plongements.
g : 2
ω2→ R
ωtelle que g(α) = x ⇔ [∀n, k, x(hn, ki) = nα(n, k)] t´ emoigne que E
1v
c≡
`∞.
Ceci prouve aussi que ≡
`∞n’est plongeable au sens ≤
Bdans aucune relation induite par une action de groupe polonaise puisque on sait que E
1ne l’est pas ; en particulier `
∞n’est pas polonisable comme groupe additif.
Enfin h : 2
ω2→ R
ωtelle que h(α) = x ⇔ ∀n, k, x(hn, ki) =
n+11α(n, k) t´ emoigne que E
0ωv
c≡
c0.
Il reste ` a v´ erifier que E
1v
c≡
c00; il suffit de prendre par exemple g : 2
ω2→ R
ω, α 7→ g(α) = X
n
X
α(n,k)=1
3
−ku
npour obtenir le plongement souhait´ e.
2. UNE CONSTRUCTION D’ESPACES H ´ER ´EDITAIRES POLONISABLES
2.1. Evaluations. On va maintenant s’int´ eresser ` a une classe ais´ ement constructible d’espaces h´ er´ editaires polonisables. On construira en mˆ eme temps leurs topologies propres. Les topologies consid´ er´ ees seront toujours plus fines que τ
ωpuisqu’on veut pr´ eserver la structure d’espace de suites, donc d’espace produit. Ainsi une suite convergente dans E convergera vers la mˆ eme limite dans τ
ω. On va introduire une d´ efinition.
D´ efinition (2.1.1). Une ´ evaluation sur R
ωest une application ϕ : R
ω→ R
+= [0, +∞] v´ erifiant les conditions suivantes :
Ev
1ϕ est positive : ϕ(x) = 0 ⇔ x = 0 ;
Ev
2ϕ est sous-additive : ∀x, y, ϕ(x + y) ≤ ϕ(x) + ϕ(y) ; Ev
3ϕ est croissante : ∀x, y, x ≤
ωy ⇒ ϕ(x) ≤ ϕ(y) ;
Ev
4ϕ est “sous-homog` ene” : ∀x ∈ R
ω, α ≥ 1, ϕ(αx) ≤ αϕ(x).
Ev
5ϕ est semi-continue inf´ erieurement : si r ≥ 0, ϕ
−1(]r, +∞]) est un τ
ω-ouvert.
Ev
6ϕ est compatible avec les topologies polonaises des sous-espaces finis R
n: sa restriction ` a chacun de ces espaces est continue.
Remarques. (a) Ev
5est ´ equivalent ` a l’assertion suivante : Ev
05pour toute suite x
nqui τ
ω-converge vers une limite x, on a
lim inf
n
ϕ(x
n) ≥ ϕ(x).
(b) ϕ est “libre” : ∀n, ϕ(u
n) < +∞, puisque d’apr` es Ev
6on a, pour chaque n, un t tel que ϕ(tu
n) < 1 et donc ϕ(u
n) ≤ (1/t)ϕ(tu
n) < +∞.
On dit que ϕ est finie si ϕ(x) < +∞ pour tout x.
On dira que deux ´ evaluations ϕ et ψ sont ´ equivalentes si on a
∀ε > 0, ∃η > 0, ∀x, ϕ(x) < η ⇒ ψ(x) < ε,
∀ε > 0, ∃η > 0, ∀x, ψ(x) < η ⇒ ϕ(x) < ε.
Alors toute ϕ est clairement ´ equivalente ` a une ´ evaluation finie : inf(1, ϕ).
2.2. Sous-espaces engendr´ es par une ´ evaluation. Soit ϕ une
´ evalua-
tion et posons d
ϕ(x, y) = ϕ(x − y) pour x, y dans R
ω. D’apr` es Ev
1, Ev
2et Ev
3(qui entraˆıne ϕ(−x) = ϕ(x)), d
ϕa les propri´ et´ es d’une distance, mais qui prendrait la valeur +∞. L’´ equivalence entre deux ´ evaluations pr´ eserve visiblement les topologies engendr´ ees par les boules qu’elles d´ efinissent, donc on peut toujours supposer que ϕ est finie. De plus, d’apr` es la d´ efinition de d
ϕon a
∀x, y, z, d
ϕ(x + z, y + z) = d
ϕ(x, y),
ce qui prouve bien que d
ϕd´ efinit une topologie de groupe m´ etrique sur (R
ω, +). Mais cette topologie n’est pas forc´ ement compatible avec la struc- ture vectorielle :
Propri´ et´ e (2.2.1). d
ϕd´ efinit une topologie plus fine que τ
ωsur R
ω, qui est compatible avec la structure vectorielle d’un sous-espace E de R
ωsi et seulement si
∀x ∈ E, lim
t→0, t∈R
ϕ(tx) = 0, et ceci est v´ erifi´ e pour E = c
00. Enfin d
ϕest compl` ete.
P r e u v e. 1) Comme d
ϕest compatible avec l’addition, pour s’assurer que τ
ϕ⊇ τ
ωil suffit de prouver que les W
Nsont des ϕ-voisinages de 0.
Soit r = inf
k<N(ϕ(u
k/(N + 1))). Alors la boule B
dϕ(0, r) = {x | ϕ(x)
< r} est contenue dans W
N. En effet si ϕ(x) < r on a par croissance (Ev
3), ϕ(x(k)u
k) ≤ ϕ(x) < r ≤ ϕ
u
kN + 1
si k < N,
donc encore par croissance on a forc´ ement |x(k)| < 1/(N + 1) et x ∈ W
N. 2) Si (E, d
ϕ) est un espace vectoriel m´ etrique on a bien ´ evidemment pour x ∈ E, lim
t→0, t∈Rtx = 0 dans τ
ϕ, c’est-` a-dire lim
t→0, t∈Rϕ(tx) = 0.
R´ eciproquement, si lim
t→0, t∈Rϕ(tx) = 0 pour tout x ∈ E, alors l’application
R × R
ω→ R
ω, (λ, x) 7→ λx,
est bien continue car
d
ϕ(λx, λ
0x
0) = ϕ(λx − λ
0x
0) ≤ ϕ(λ(x − x
0)) + ϕ((λ − λ
0)x
0)
≤ sup(1, |λ|)ϕ(x − x
0) + ϕ((λ − λ
0)x
0)
grˆ ace ` a la sous-homog´ en´ eit´ e et ` a la croissance (si |λ| ≤ 1 alors λy ≤
ωy).
Ceci prouve que si λ → λ
0(et donc λ reste born´ e) et si d
ϕ(x, x
0) → 0 alors d
ϕ(λx, λ
0x
0) → 0.
3) c
00v´ erifie la condition pr´ ec´ edente ` a cause de Ev
6.
4) Pour montrer la compl´ etude de d
ϕon aura besoin du lemme suivant : Lemme (2.2.2). Soit (p
n) une suite d’´ el´ ements de (R
+)
ωet x une suite de r´ eels telle que
∀k, |x(k)| ≤ X
n
p
n(k).
Alors on a
ϕ(x) ≤ X
n
ϕ(p
n).
P r e u v e. Soit r < ϕ(x) = ϕ(|x|). Par semi-continuit´ e inf´ erieure il y a un λ ∈ ] 0, 1[ et un d´ ebut π
k0(|x|) = (|x(0)|, . . . , |x(k
0− 1)|, 0, 0, . . .) tel que ϕ(λπ
k0(|x|)) > r. Pour chaque composante k < k
0on a un n
ktel que P
n<nk
p
n(k) ≥ λ|x(k)| ; si N est sup´ erieur ` a tous ces n
ket q = P
n<N
p
non aura donc λπ
k0(|x|) ≤
ωq, d’o` u
r < ϕ(λπ
k0(|x|)) ≤ ϕ(q) ≤ X
n<N
ϕ(p
n) ≤ X
n
ϕ(p
n).
Ceci prouve bien le lemme.
Compl´ etude de d
ϕ. Maintenant soit (x
n)
nune suite d
ϕ-Cauchy. On suppose, en prenant au besoin une sous-suite, que d
ϕ(x
n, x
n+1) < 1/2
n. Par croissance
ϕ((x
n(k) − x
p(k))u
k) ≤ ϕ(x
n− x
p), donc (x
n(k)u
k)
nest aussi d
ϕ-Cauchy.
Or on peut remarquer que
∀ε > 0, ∃η > 0, ϕ(tu
k) < η ⇒ |t| < ε ;
ceci se v´ erifie par l’absurde : si c’´ etait faux, il y aurait une suite de r´ eels t
jet r > 0 tels que |t
j| ≥ r et ϕ(t
ju
k) tend vers 0. On aurait alors par croissance ϕ(ru
k) ≤ ϕ(t
ju
k), donc ϕ(ru
k) = 0, ce qui contredirait la positivit´ e de ϕ.
Ceci implique en particulier que la suite de r´ eels (x
n(k))
nest aussi de Cauchy et converge dans R vers une limite x(k). Posons p
n= |x
n− x
n+1| dans R
ω. Pour tout k on a clairement
|x(k) − x
n0(k)| =
X
n≥n0
(x
n(k) − x
n+1(k))
≤ X
n≥n0
p
n(k).
Donc d’apr` es le lemme (2.2.2), ϕ(x − x
n0) ≤ X
n≥n0
ϕ(p
n) < X
n≥n0
2
−n= 2
1−n0→ 0, ce qui prouve bien que x est la d
ϕ-limite de (x
n)
n.
D´ efinition (2.2.3). Fin(ϕ) sera l’ensemble des x tels que lim
λ→0ϕ(λx)
= 0. Exh(ϕ) sera l’adh´ erence de c
00dans la topologie τ
ϕ.
Remarque (2.2.4). (a) Si on n’a pas suppos´ e ϕ finie, elle l’est n´ eanmoins sur Fin(ϕ) : en effet, si x ∈ Fin(ϕ) il y a t tel que ϕ(tx) < 1, donc ϕ(x) ≤ sup(1, 1/t)ϕ(tx) < +∞.
(b) Ces espaces ne changent pas si on remplace ϕ par une ´ evaluation
´
equivalente au sens pr´ ecis´ e plus haut (cette notion signifie pr´ ecis´ ement qu’il est identique de converger vers 0 pour l’une ou l’autre, et que les distances en- gendr´ ees sont ´ equivalentes) ; l’hypoth` ese qu’on travaille avec une ´ evaluation finie n’est donc nullement restrictive.
Propri´ et´ e (2.2.5). • Fin(ϕ) est un sous-espace h´ er´ editaire et d
ϕest compl` ete sur Fin(ϕ), et compatible avec sa structure vectorielle.
• Exh(ϕ) est un sous-espace h´ er´ editaire de Fin(ϕ) et d
ϕest s´ eparable compl` ete sur Exh(ϕ) ; D est d´enombrable dense dans Exh(ϕ) et
x ∈ Exh(ϕ) ⇔ lim
n
ϕ(ε
n(x)) = 0.
P r e u v e. (1) Si α, β sont r´ eels et x, y ∈ R
ωalors pour tout r´ eel t on a ϕ(t(αx + βy)) ≤ sup(1, |α|)ϕ(tx) + sup(1, |β|)ϕ(ty)
et si x ≤
ωy alors ϕ(tx) ≤ ϕ(ty). On voit donc ais´ ement que Fin(ϕ) est un sous-espace h´ er´ editaire.
(2) Pour montrer que d
ϕreste compl` ete restreinte ` a Fin(ϕ), il suffit de montrer que cet espace est d
ϕ-ferm´ e. Soit donc (x
n)
ndans Fin(ϕ) con- vergeant pour d
ϕvers x. Montrons que x ∈ Fin(ϕ) :
Soit ε > 0 ; on a un n tel que ϕ(x − x
n) < ε/2. Comme x
n∈ Fin(ϕ), on peut trouver un η < 1 tel que |t| < η ⇒ ϕ(tx
n) < ε/2. Alors si |t| < η on a ϕ(tx) ≤ ϕ(t(x − x
n)) + ϕ(tx
n) ≤ sup(1, |t|)ϕ(x − x
n) + ϕ(tx
n) < ε
2 + ε 2 = ε.
(3) c
00⊆ Fin(ϕ) donc c
00ϕ= Exh(ϕ) est un sous-espace d
ϕ-ferm´ e de l’espace ferm´ e Fin(ϕ). Ceci prouve que (Exh(ϕ), d
ϕ) est un sous-espace complet. C’est un sous-espace vectoriel en tant qu’adh´ erence d’un sous- espace vectoriel.
Si x ∈ Exh(ϕ) et ε > 0, on a y ∈ c
00tel que ϕ(x − y) < ε. Il y a n tel que y ∈ R
n, donc ε
n(y) = 0 et comme ε
n(x − y) ≤
ωx − y, on a
ϕ(ε
n(x)) = ϕ(ε
n(x − y)) ≤ ϕ(x − y) < ε.
Donc 0 est valeur d’adh´ erence de la suite (ϕ(ε
n(x)))
net comme cette suite est d´ ecroissante (car la suite (ε
n(x))
nest ≤
ω-d´ ecroissante) on a bien ϕ(ε
n(x)) → 0.
R´ eciproquement, si ϕ(ε
n(x)) → 0, alors π
n(x) → x pour d
ϕ; or π
n(x) ∈ c
00, donc on a bien x ∈ c
00ϕ.
Ceci prouve que Exh(ϕ) est h´ er´ editaire puisque si y ∈ Exh(ϕ), on a x ≤
ωy ⇒ ϕ(ε
n(x)) ≤ ϕ(ε
n(y)) → 0.
Enfin Q
nest τ
ω-dense dans R
n. Comme ϕ est continue sur cet espace, pour toute suite x ∈ R
net tout ε > 0, on a un y ∈ Q
ntel que ϕ(x − y) < ε, ce qui prouve que Q
nest d
ϕ-dense dans R
net donc D dans c
00. Donc D l’est aussi dans Exh(ϕ) = c
00ϕ.
La d´ emonstration est donc compl` ete.
On a ainsi un moyen de construire toute une classe d’espaces polonisables h´ er´ editaires. On verra qu’en fait c’est la forme g´ en´ erale de ces espaces.
3. LA DICHOTOMIE G ´EN ´ERALE
Dans cette section, X d´ esignera un espace h´ er´ editaire de R
ωqu’on sup- pose libre, et analytique comme partie de R
ω.
3.1. Espaces impropres
D´ efinition (3.1.1). Un espace h´ er´ editaire X est dit propre s’il existe un ´ el´ ement x ∈ X dont les composantes sont toutes non nulles. Sinon il est dit impropre.
Un exemple type d’espaces impropres est c
00; il est libre (c’est le plus petit, (1.2.3)) mais n’a aucun ´ el´ ement aux composantes toutes non nulles.
De tels espaces sont non polonisables : si X est polonisable et libre, on a pour tout k un h(k) > 0 tel que d
X(0, h(k)u
k) < 2
−k; alors forc´ ement h = P
k
h(k)u
k∈ X car d
Xest compl` ete, et en mˆ eme temps les composantes de h sont non nulles. En fait, de tels X ne sont mˆ eme pas compl` etement m´ etrisables.
On va voir que pour ces espaces, il y a un plongement ais´ e de E
1; on se base sur le th´ eor` eme de Talagrand [T] pour les id´ eaux : Si J est un id´ eal sur ω qui est Baire-mesurable comme partie de 2
ω(en particulier s’il est analytique ou coanalytique), et s’il est libre (∀n, {n} ∈ J ) et non trivial (ω 6∈ J ), alors on peut trouver une partition {F
n}
nde ω en parties finies telle que
∀A ⊆ ω, [
n∈A
F
n∈ J ⇔ A est fini.
Proposition (3.1.2). Si X est impropre, alors c
00≤
+linX et donc E
1v
c≡
X.
P r e u v e. Consid´ erons l’ensemble I ⊆ 2
ωsuivant : A ∈ I ⇔ ∃x ∈ X, ∀k ∈ A, x(k) 6= 0 .
C’est un id´ eal d’apr` es les hypoth` eses sur X. Il ne contient pas ω puisque X est impropre. Enfin I est analytique car X l’est. Le th´ eor` eme de Talagrand [T] fournit une partition de ω en parties finies (F
n)
ncomme d´ ecrites plus haut. Mais alors la fonction
f : R
ω→ R
ω, x 7→ f (x) = X
n
x(n) X
k∈Fn
u
k,
est lin´ eaire continue et ≤
ω-croissante, envoie c
00dans c
00⊆ X, et un x 6∈ c
00sur un f (x) tel que {k | f (x)(k) 6= 0} = S
x(n)6=0
F
n6∈ I, donc f (x) 6∈ X.
On a donc bien c
00≤
+linX.
On a ´ etabli en (1.3.1) que E
1v
c≡
c00, la preuve est donc achev´ ee.
La dichotomie est donc v´ erifi´ ee pour les espaces impropres : ils sont non polonisables et E
1se plonge dedans.
Dans le reste de la section on supposera donc qu’on consid` ere des espaces propres.
3.2. Ensembles petits et grands. On poursuit ici l’analogie entre id´ eaux vectoriels de R
ωet id´ eaux ensemblistes de 2
ω. On introduit donc une notion de petitesse semblable ` a celle de Solecki [So] pour les parties de 2
ω.
D´ efinition (3.2.1). Un ensemble A ⊆ R
ωest dit petit si on peut trouver une famille d´ enombrable de ferm´ es F
n⊆ R
ωet x ∈ X tels que :
• F
nest h´ er´ editaire et S
n
F
n⊇ A ;
• pour tout n, F
n∩ C[x] est maigre pour la topologie compacte induite par τ
ωsur C[x].
Si A est h´ er´ editaire et non petit, on dit qu’il est grand .
Quand c’est pr´ ecis´ e, le caract` ere h´ er´ editaire des ensembles est n´ ecessaire, car des ensembles maigres, mˆ eme tr` es r´ eduits, peuvent ˆ etre non petits : ainsi tout ferm´ e h´ er´ editaire F
ncontenant le singleton {x} contient C[x] ; si par exemple x = (1, 2, 3, 4, . . .), alors {x} n’est pas petit par rapport ` a `
∞.
Ainsi un tel {x} n’est ni “grand” (il n’est pas h´ er´ editaire) ni petit.
En revanche un ensemble h´ er´ editaire A est soit grand soit petit par d´ efinition.
On va maintenant prouver un certain nombre de propri´ et´ es de cette
notion.
Propri´ et´ e (3.2.2). (i) Si B est h´ er´ editaire et B ∩ C[x] est maigre pour la topologie compacte induite par τ
ωsur C[x], alors B ∩C[y] est aussi maigre dans C[y] pour tout y tel que x ≤
ωy.
(ii) Les ensembles petits forment un id´ eal de parties de R
ω.
P r e u v e. (i) Supposons qu’il y ait y tel que x ≤
ωy et B ∩ C[y] soit non maigre dans C[y].
Consid´ erons l’ensemble Z ⊆ ω des k tels que x(k) 6= 0 ; alors B ∩C[π
Z(y)]
est non maigre dans C[π
Z(y)]. En effet, on peut voir C[y] comme l’espace- produit C[π
Z(y)] × C[ε
Z(y)], et B ∩ C[π
Z(y)] est alors la projection de B sur C[π
Z(y)] car par h´ er´ edit´ e tout point de cette projection est dans B. Si B ∩C[y] n’est pas maigre, le th´ eor` eme de Kuratowski–Ulam (cf. par exemple [K], §8-K, p. 53) nous donne que B ∩ C[π
Z(y)] est aussi non maigre dans C[π
Z(y)].
On a pour n ∈ Z un λ(n) ∈ ]0, 1[ tel que x(n) = λ(n)y(n). Alors l’application
f : C[π
Z(y)] → C[x] = C[π
Z(x)], t 7→ f (t) = ((λ(n)t(n))
n∈Z, (0)
n6∈Z), est un hom´ eomorphisme de C[π
Z(y)] sur C[x] tel que f (B) ⊆ B par h´ er´ edit´ e, puisque f (t) ≤
ωt. Donc B ∩ C[x] n’est pas maigre dans C[x].
(ii) Une sous-partie d’une partie petite reste clairement petite.
Soient A, A
0deux parties petites et {F
n}
n, {F
n0}
ndes ferm´ es h´ er´ editaires, et x, x
0∈ X associ´es par la d´ efinition. Alors si z = x∨x
0, on v´ erifie ais´ ement, en appliquant (i) ` a C[z] d’un cˆ ot´ e, et ` a C[x] ou C[x
0] de l’autre, que la famille des F
net des F
n0, et z, t´ emoignent que A ∪ A
0est petite.
On va maintenant pr´ eciser des propri´ et´ es propres aux ferm´ es h´ er´ editaires.
Propri´ et´ e (3.2.3). Soit F un ferm´ e h´ er´ editaire de R
ω. (i) Les assertions suivantes sont ´ equivalentes :
(a) F est petit ;
(b) il existe x ∈ X tel que F ∩ C[x] est rare dans C[x].
(ii) Les assertions suivantes sont ´ equivalentes : (a) F est grand ;
(b) ∀x ∈ X, ∃n > 0, n
−1π
n(x) + ε
n(x) ∈ F . (iii) Les assertions suivantes sont ´ equivalentes :
(a) F ∩ C[x] est maigre dans C[x] ;
(b) pour tout n ∈ ω, il y a m > n tel que n
−1π
n(x) + π
[n,m[(x) 6∈ F ; (c) pour toute suite Λ ∈ (]0, 1])
ω, et tout n ∈ ω, il y a m > n tel que
π
n(Λ) ∗ x + π
[n,m[(x) 6∈ F ;
(d) pour toute suite Λ ∈ (]0, 1])
ω, il y a une suite (n
k)
kstrictement
croissante telle que ε
[nk,nk+1[(Λ) ∗ x + π
[nk,nk+1[(x) 6∈ F .
P r e u v e. (i) (a)⇒(b) : Si F est petit, il y a des ferm´ es h´ er´ editaires G
net x ∈ X garantis par (3.2.1) ; alors pour tout n, G
n∩ C[x] est rare dans C[x], et S
n
G
n⊇ F , donc par le th´ eor` eme de Baire (dans le compact C[x]
par exemple), F ∩ C[x] est rare dans C[x].
(b)⇒(a) : Si F et x ∈ X sont comme dans l’´ enonc´ e, la famille {F
n}
ntelle que pour tout n, F
n= F et x t´ emoignent bien que F est petit.
(ii) (a)⇒(b) : Si F est grand, on utilise le (i) : F ∩ C[x] est non rare et contient donc un ouvert relatif, donc aussi un ouvert de base non vide de la forme {t | ∀k < p, |t(k) − a(k)| < r} ∩ C[x] pour des p, (a(0), . . . , a(p − 1)) et r > 0 donn´ es.
Il y a donc un n > p tel que n
−1|x(k)| < a(k) + r pour tout k < p.
Par h´ er´ edit´ e, n
−1π
n(x) + ε
n(x) ´ etant ≤
ω-major´ e par un ´ el´ ement de l’ouvert {t | ∀k < p, |t(k) − a(k)| < r} ∩ C[x], est dans F .
(b)⇒(a) : Si la deuxi` eme condition est v´ erifi´ ee, pour tout x ∈ X, F ∩C[x]
contient un ensemble C[n
−1π
n(x) + ε
n(x)] qui est non rare dans C[x].
(iii) Les trois derni` eres conditions sont facilement ´ equivalentes, on le voit en utilisant l’h´ er´ edit´ e de F et les relations
n
−1π
n(x) + π
[n,p[(x) ≤
ωn
−1π
m(x) + π
[m,p[(x) ≤
ωΛ ∗ π
m(x) + π
[m,p[(x) pour m et Λ fix´ es, si n > m est assez grand et p > n quelconque.
On montre (a)⇔(b) :
(a)⇒(b) : m existe ; sinon, F ´ etant ferm´ e, on aurait
lim
m(n
−1π
n(x) + π
[n,m[(x)) = n
−1π
n(x) + ε
n(x) ∈ F ;
donc par h´ er´ edit´ e C[n
−1π
n(x) + ε
n(x)] ⊆ F or cet ensemble est d’int` erieur non vide dans C[x] ⊆ F .
Non (a) ⇒ Non (b) : Si F n’est pas maigre il contient un ouvert non vide, donc un ensemble du type (a + W
N) ∩ C[x] avec a ∈ R
N∩ C[x]. Par h´ er´ edit´ e F contient alors W
N∩ C[x], ce qui veut dire qu’il y a un n > N assez grand pour que n
−1π
N(x) + ε
N(x) ∈ F . On aura alors si m > n,
n
−1π
n(x) + ε
[n,m[(x) ≤
ωn
−1π
N(x) + ε
[N,m[(x) ∈ F, donc on a bien Non (b).
On va voir maintenant, en vue du r´ esultat annonc´ e, que la bonne di- chotomie est : les ensembles h´ er´ editaires grands sont-ils vraiment “con- sistants” ou non : peut-on recouvrir un ensemble grand par une r´ eunion d´ enombrable d’ensembles petits ?
Dans le cas o` u c’est oui, on verra que E
1se plonge continˆ ument dans
≡
X, et mˆ eme qu’on a une “sous-dichotomie” : c’est c
00ou `
∞qui se plonge
dans X.
Dans le cas contraire, on remontera ` a une famille d´ enombrable “fonda- mentale” {F
k}
k, puis ` a une ϕ pour laquelle les F
kextrapolent les voisinages de 0.
3.3. Le cas non polonisable : plongements de non polonisables canoniques. On se place ici dans le cas o` u il y a une suite de ferm´ es h´ er´ editaires petits dont la r´ eunion est grande, en remarquant qu’une r´ eunion d’ensembles h´ er´ editaires est h´ er´ editaire.
Hypoth` ese (3.3.1). Il y a une famille {A
n}
n∈ωde parties de R
ωet des x
n∈ X tels que :
• A
nest ferm´ e h´ er´ editaire ;
• A
n∩ C[x
n] est maigre dans C[x
n] ;
• S
n
A
nest un ensemble grand.
Notations (3.3.2). u d´ esignera un ´ el´ ement de X dont toutes les com- posantes sont strictement positives, ce qui est possible car X est propre.
Proposition (3.3.3). Sous l’hypoth` ese (3.3.1) une des deux assertions suivantes est v´ erifi´ ee :
• c
00≤
+linX ;
• `
∞≤
+linX.
De plus dans les deux cas on a E
1v
c≡
X.
P r e u v e. Soient donc les {A
n}
net les (x
n)
ndonn´ es par (3.3.1). Sans changer les propri´ et´ es de (3.3.1) on peut remplacer chaque x
npar u ∨ x
net donc on peut supposer (ce qu’on fera dans la suite) que
∀n, u ≤
ωx
n∈ (R
∗+)
ω.
Notons tout d’abord que d’apr` es (3.2.3) si on choisit un des x
n, un P ∈ ω et un rang N ∈ ω, on aura un M > N tel que P
−1π
N(u) + π
[N,M [(x
n) 6∈ A
n.
On peut effectivement appliquer (3.2.3). Comme pour tout k on a 0 < u(k) ≤ x
n(k),
on a bien Λ(k) ∈ ]0, 1] tel que P
−1u(k) = Λ(k)x
n(k).
On peut donc construire par r´ ecurrence sur le nombre hn, pi une suite N
pnd’entiers telle que :
• N
00= 0 ;
• hn, pi < hm, qi ⇒ N
pn< N
qm;
• ∀n, p, hn, pi + 1 = hn
0, p
0i ⇒ (N
pn+ 1)
−1π
Npn(u) + π
[Nnp,Np0n0[
(x
n) 6∈ A
n.
Lemme (3.3.4). Soit B ⊆ ω
2. Si {p | (n, p) ∈ B} = B
nest infini pour tout n, alors
X
(n,p)∈B
π
[Nnp,Np0n0[
(x
n) 6∈ X
(o` u on convient d´ esormais que pour chaque (n, p), (n
0, p
0) est l’unique couple tel que hn, pi + 1 = hn
0, p
0i).
Si B ∈ I
1, c’est-` a-dire B
n= ∅ pour n suffisamment grand , alors X
(n,p)∈B
π
[Nnp,Np0n0[
(x
n) ∈ X.
P r e u v e. La deuxi` eme assertion est vraie car B ∈ I
1⇒ X
(n,p)∈B
π
[Nnp,Np0n0[
(x
n) ≤
ωX
n<n0, p
π
[Nnp,Np0n0[
(x
n) ≤
ωX
n<n0
x
n∈ X.
Pour la premi` ere assertion, raisonnons par l’absurde : soit B tel que pour tout n, B
nest infini et qu’on ait en mˆ eme temps
S = X
(n,p)∈B
π
[Nnp,Np0n0[
(x
n) ∈ X, et posons T = S + u ∈ X.
Soient n fix´ e et N ∈ ω. Comme B
nest infini, il y a p ∈ B
ntel que N
pn> N . Alors
1
N
pn+ 1 π
Npn(u) + π
[Nnp,Np0n0[
(x
n) 6∈ A
n. Or on a
1
N
pn+ 1 π
Npn(u) + π
[Nnp,Np0n0[
(x
n) ≤
ω1
N
pn+ 1 π
Npn(T ) + π
[Nnp,Np0n0[
(T ), donc aussi par h´ er´ edit´ e de A
n,
1
N
pn+ 1 π
Npn(T ) + π
[Nnp,Np0n0[
(T ) 6∈ A
n. Si on remarque que pour M = N
pn00> N
pn> N ,
1
N
pn+ 1 π
Npn(T ) + π
[Nnp,Np0n0[
(T ) ≤
ω1
N π
N(T ) + π
[N,M [(T ), on a aussi
1
N π
N(T ) + π
[N,M [(T ) 6∈ A
n.
Ainsi pour tout N , il existe M > N tel que N
−1π
N(T ) + π
[N,M [(T ) 6∈ X,
ce qui d’apr` es (3.2.3) prouve que A
n∩ C[T ] est maigre dans C[T ].
Chaque A
n∩C[T ] est donc rare dans C[T ], ce qui t´ emoigne par d´ efinition que l’ensemble S
n
A
nest petit. Or S
n
A
nest grand suivant (3.3.1) : une contradiction.
Preuve de (3.3.3 ) (fin). Posons χ
n= P
p
π
[Nnp,Np0n0[
(x
n) ; on a χ
n≤
ωx
n, donc χ
n∈ X, et d’apr` es (3.3.4), P
n
χ
n6∈ X (cela correspond ` a B = ω
2).
Consid´ erons les parties G ⊆ ω telles qu’il existe t ∈ R
ωv´ erifiant :
• ∀n ∈ G, t(n) > 0 ;
• P
n
t(n)χ
n∈ X.
Ces parties forment visiblement un id´ eal I (grˆ ace ` a l’h´ er´ edit´ e de X notam- ment), et cet id´ eal est analytique :
G ∈ I ⇔ ∃t ∈ R
ω, (∀n, n 6∈ G ou t(n) > 0) et X
n
t(n)χ
n∈ X ; or la fonction t 7→ P
n
t(n)χ
nest continue, donc la derni` ere condition est analytique en t et I est Σ
11.
On a maintenant deux cas distincts :
1
ercas : ω 6∈ I. Alors d’apr` es le th´ eor` eme de Talagrand [T], on peut trouver une partition de ω en sous-ensembles finis F
ntels que H ⊆ ω est fini ⇔ S
n∈H
F
n∈ I. L’application
f : R
ω→ R
ω, t 7→ f (t) = X
n
t(n) X
k∈Fn
χ
k, est une injection lin´ eaire continue ≤
ω-croissante et v´ erifie :
• Si t 6∈ c
00, |f (t)| = P
n
|t(n)|( P
k∈Fn
χ
k) est une combinaison lin´ eaire des χ
k` a coefficients positifs, et non nuls si k ∈ F
npour une infinit´ e de n.
Par d´ efinition de I, f (t) 6∈ X.
• Si t ∈ c
00, f (t) ∈ X car c’est une somme finie de termes du type P
k∈Fn
χ
k, eux-mˆ emes combinaisons lin´ eaires finies des χ
k. Finalement, f prouve bien que c
00≤
+linX.
2
`emecas. ω ∈ I, c’est-` a-dire qu’il y a une suite e ∈ (R
∗+)
ωtelle que P
n
e(n)χ
n∈ X. Consid´ erons l’application f suivante : f : R
ω→ R
ω, t 7→ f (t) = X
n
e(n) X
p
t(p)π
[Nnp,Np0n0[
(x
n)
. f est de nouveau lin´ eaire continue ≤
ω-croissante. Si t ∈ `
∞, on a f (t) ∈ X car
f (t) = X
n
e(n) X
p
t(p)π
[Nnp,Np0n0[
(x
n)
≤
ωktk
∞X
n
e(n) X
p
π
[Nn p,Nn0p0[
(x
n)
≤
ωktk
∞X
n
e(n)χ
n∈ X.
Si t 6∈ `
∞, soient B = {(n, p) | |e(n)t(p)| ≥ 1} ⊆ ω
2. Comme t n’est pas born´ ee, B
nest infini pour tout n. Donc par le lemme (3.3.4),
X
(n,p)∈B
π
[Nnp,Np0n0[
(x
n) 6∈ X.
Finalement, on a X
(n,p)∈B
π
[Nnp,Np0n0[
(x
n) ≤
ωX
(n,p)∈B
(e(n)t(p)π
[Nnp,Np0n0[
(x
n))
≤
ωX
(n,p)∈ω2
(e(n)t(p)π
[Nnp,Np0n0[
(x
n)) = f (t).
Ceci prouve que f (t) 6∈ X. Finalement, f t´ emoigne bien que `
∞≤
+linX.
On a d´ ej` a vu que E
1se plonge continˆ ument dans ≡
c00et dans ≡
`∞, donc la preuve est achev´ ee.
3.4. Le cas polonisable : construction d’une ´ evaluation. On va supposer maintenant que (3.3.1) est en d´ efaut : cela signifie que la r´ eunion de toute famille d´ enombrable de ferm´ es h´ er´ editaires petits est un ensemble petit. On est donc sous :
Hypoth` ese (3.4.1). Si la famille {A
n}
n∈ωde parties de R
ωet les x
n∈ X v´ erifient :
• A
nest ferm´ e h´ er´ editaire ;
• A
n∩ C[x
n] est maigre dans C[x
n], alors S
n
A
nest un ensemble petit.
Propri´ et´ e (3.4.2). L’hypoth` ese (3.4.1) est ´ equivalente ` a l’hypoth` ese (3.4.1
0) ci-dessous.
Hypoth` ese (3.4.1
0). Une r´ eunion d´ enombrable d’ensembles petits est un ensemble petit.
P r e u v e. (3.4.1
0)⇒(3.4.1) est clair.
(3.4.1)⇒(3.4.1
0) : Soit {P
n}
nune famille d’ensembles petits. Pour chaque n il y a une famille {A
kn}
ket x
n∈ X t´ emoignant que P
nest petit.
On peut appliquer (3.4.1) aux A
kn, chacun muni de x
n, et on obtient que S
n