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Widok Moyens pour apprendre a traduire de latin en françois de Gaspard de Tende et les regles de la traduction scolaire des comédies de Térence

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Wrocław 2008

MAJA PAWŁOWSKA Université de Wrocław

MOYENS POUR APPRENDRE A TRADUIRE DE LATIN EN FRANÇOIS DE GASPARD DE TENDE ET LES RÈGLES

DE LA TRADUCTION SCOLAIRE DES COMÉDIES DE TÉRENCE

Le prestige de l’art de traduire au XVIIe siècle en France était fort discutable.

Trois facteurs divergeants conditionnaient en fait la position des traducteurs. D’un côté, à l’époque, tout homme cultivé était censé connaître les langues anciennes, surtout le latin, à un degré lui permettant de comprendre le texte ou la représen- tation d’une pièce de théâtre en langue originale. Les traductions étaient en prin- cipe destinées à un public non instruit, avant tout les femmes. Par conséquent les traducteurs jouissaient de peu de respect. On les considérait de plus comme des écrivains ratés, en manque d’inspiration créatrice, incapables d’inventer eux-mê- mes des sujets originaux, ayant besoin de l’appui d’un texte étranger pour montrer leurs qualités poétiques1. De l’autre côté toutefois, l’idée de l’imitation des An- ciens, l’une des principales règles de l’esthétique classique, a joué en faveur de la diffusion des modèles de la littérature antique. Les traductions des textes latins, au cours du siècle, sont alors devenues fréquentes, touchant un public de plus en plus vaste, éclairé et exigeant, ce qui a entamé le lent processus de réhabilitation de l’art de traduire. Le troisième facteur qui infl uençait l’attitude adoptée à l’époque envers la traduction était le fait que la version latine était considérée comme le meilleur moyen pour apprendre et enrichir la langue, et constituait un exercice de base indispensable dans l’enseignement secondaire.

L’augmentation des traductions a été suivie vers le milieu du siècle par la naissance des théories concernant cette activité. En 1660 paraissent les Regles de la traduction ou Moyens pour apprendre a traduire de latin en françois de

1 Cf. R. Zuber, Les émerveillements de la raison. Classicismes littéraires du XVIIe s. français, Klincksieck, Paris 1997, p. 112.

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Gaspard de Tende, seigneur de Lestang2, un traité destiné aux écoliers, leur mon- trant de manière pratique et bien exemplifi ée les méandres de la version latine.

Ce manuel est très bien reçu par les doctes et encore au siècle suivant, continue de faire référence3. Dans son ouvrage, Gaspard de Tende énumère les diffi cultés éventuelles auxquelles peuvent se heurter les élèves et leur propose les traductions modèles, portant sur les différents types du discours poétique, à imiter dans leurs versions. Le genre dramatique est illustré par les comédies de Térence.

Les raisons de ce choix d’auteur étaient évidentes pour les contemporains.

Térence était un poète dramatique incontournable dans les programmes scolaires de l’époque4. Déjà au Moyen Âge, il avait été, à côté de Plaute, un des auteurs latins les plus étudiés, surtout dans les universités. À l’époque de la Renaissance, chaque homme instruit lisait Térence. Avec la réforme du système éducatif et le développement de l’enseignement secondaire, l’accès à la culture antique est de- venu plus facile. Dans les programmes des collèges, surtout ceux des Jésuites et des Oratoriens, l’essentiel des efforts didactiques étaient consacrés à l’étude du latin. Les exercices de version latine et l’apprentissage de la littérature et de la rhétorique antiques étaient accompagnées de représentations théâtrales des pièces anciennes, jouées par les élèves dans les enceintes des collèges5. Cette méthode, d’une façon attrayante, familiarisait les jeunes avec le patrimoine littéraire antique et, en même temps, apprenait aux futures élites l’art de se présenter publique- ment6.

Dès le début de l’époque moderne, on lit, on apprécie et on traduit les co- médies de Térence. Entre 1470, la date de l’édition princeps de ses œuvres, et 1600, paraissent soixante-seize éditions imprimées des six comédies conservées de Térence7 et quarante-trois éditions de comédies isolées8. Les pièces de Térence se trouvaient en tête de liste des ouvrages scolaires étudiés. Térence devançait Plaute par la qualité de son latin et le ton modéré de ses propos. Sa langue très pure et aristocratique, complétée par le ton sobre de ses comédies, s’offrait mieux aux desseins pédagogiques que le style plus relâché et les propos parfois grossiers

2 Regles de la traduction ou Moyens pour apprendre a traduire de latin en françois. Tirez de quelques-unes des meilleures Traductions du Temps Par le Sr de L’Estang, chez Damien Focault, Paris 1660. Toutes les citations sont extraites de cette édition.

3 L’abbé Goujet, dans sa Bibliothèque française (1741), le considère comme « le meilleur ouvrage et le plus complet ». Cf. Ch. Biet, Œdipe en monarchie, tragédie et théorie juridique à l’âge classique, Klincksieck, Paris 1994, p. 33.

4 Cf. Ch. Grell, Le Dix-huitième siècle et l’antiquité en France, Voltaire Foundation, Oxford 1995, p.8.

5 M. Prigent, Histoire de la France littéraire: Naissances, renaissances, PUF, Paris 2006, pp. 837–838.

6 Cf. A. Léon, Histoire de l’enseignement en France, PUF, Paris 1977, pp. 39–40.

7 Ce sont: L’Andrienne, L’Hécyre, L’Héautontimoroumenos, L’Eunuque, Le Phormion et Les Adelphes.

8 Cf. E. Bury, « Comédie et science des moeurs: le modèle de Térence aux XVIe et XVIIe siècles », Littératures classiques, 27, 1996, p. 125.

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des comédies plautiennes9. Il n’est donc pas étonnant que Térence ait été proposé même aux élèves peu avancés, dès la seconde année de collège10.

La clarté, la mesure et la bienséance du style de Térence étaient d’ailleurs jugées exemplaires pour former le goût non seulement des collégiens, mais aussi de tout honnête homme. Boileau, dans son Art poétique, cite justement Térence comme modèle d’auteur dramatique comique, en soulignant la vraisemblance psychologique des personnages de ses pièces et la perfection de l’illusion miméti- que créée par l’écrivain. Dans ses comédies:

Ce n’est pas un portrait, une image semblable, C’est un amant, un fi ls, un père véritable11.

Dans sa préface aux Regles de la traduction, Gaspard de Tende résume briève- ment les objectifs de son traité et énumère les règles essentielles nécessaires à observer dans les traductions. Il veut apprendre à traduire le texte latin « avec grace »12. Cette grâce consiste à trouver un juste milieu entre la traduction trop fi dèle et trop libre. La première est critiquée comme « un assujettissement qui ap- proche la servitude... (et) s’attache trop aux termes & aux paroles » traduits et la seconde « degenere en licence », en empêchant ainsi de „rendre fi dellement toutes les pensées de son Auteur”13. De Tende propose une approche de texte qui, avant tout, consiste à éviter les extrêmes. Il ne s’agit donc pas de vérifi er, à travers l’exer- cice de la version fi dèle, la connaissance de la langue latine des collégiens ni de leur permettre de donner dans une traduction latine libre cours à la fantaisie lexicale, mais plutôt de leur enseigner à transposer élégamment à la réalité moderne l’esprit du texte, en évitant, si c’est possible, les écarts trop manifestes de l’original.

Cette règle générale de mesure est ensuite précisée par quelques règles plus précises. Avant tout, de Tende souligne la nécessité de la bonne compétence lin- guistique en latin et en français14. Cette exigence ne peut qu’étonner, vu le desti- nataire du manuel qui était, du moins a priori, un élève en début de scolarité se- condaire. Gaspard de Tende lui-même indique par les mots suivants que son traité est destiné aux non spécialistes: « je me suis servi de termes simples & connus pour nommer les choses, puisque ce n’a esté que pour rendre ces choses plus intelligibles aux enfans »15. Cette contradiction évidente entre le public visé (peu mature et peu instruit) et les objectifs proposés du traité (une traduction élégante,

9 Michel Gilot et Jean Serroy qualifi ent les comédies de Térence de « drames bourgeois et psychologiques, qui font naître plutôt sourire que le rire ». M. Gilot, J. Serroy, La comédie à l’âge classique, Belin, Paris 1997, p. 28.

10 Cf. Ch. Grell, op. cit., p. 8.

11 Boileau, L’Art poétique, chant III, vv. 419–420.

12 Gaspard de Tende, op. cit., préface non paginée.

13 Ibidem.

14 « La premiere Regle... est de bien entendre les deux Langues, mais sur tout la langue La- tine », ibidem.

15 Ibidem.

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rendant bien l’esprit du texte original) ne semble pourtant pas troubler de Tende.

Jamais dans son ouvrage il ne fait la moindre allusion aux diffi cultés de base rencontrées par les jeunes. Il ne paraît nullement sensible au fait que ce qui fait souvent obstacle à la cohérence des traductions, c’est la connaissance imparfaite de la langue et civilisation latines.

Les règles suivantes insistent sur la fi délité aux « sentimens de l’Auteur »16, c’est-à-dire sur la nécessité de bien saisir la portée, la spécifi cité stylistique et le ton des répliques du texte original. Cela permet de le reproduire dans un registre de langue approprié et préserve de traduire en un style élevé « le discours bas et simple »17. De Tende recommande aussi d’utiliser dans la traduction des termes compréhensibles, en usage en français, et de garder « le naturel »18, la bienséance interne des personnages, les faisant parler selon leur rang et leur position sociale.

Une autre règle concerne la reproduction des fi gures stylistiques et des expres- sions fi gées par des expressions modernes analogues. De Tende conseille aussi que le texte traduit soit clair et sobre, sans démesure stylistique, et que la longueur de la traduction ne diffère pas sensiblement de celle de l’original. Toutefois, dans sa dernière recommandation, il permet aux écoliers de mettre en relief, par des rajouts discrets, „les beautez qui sont visibles en Latin [...] en imitant l’élégance (de l’original) sans blesser la fi délité”19. Vu sous cet angle, le traducteur cesse d’être un simple transmetteur passif du texte et reçoit la permission d’y intervenir activement. Gaspard de Tende souligne cette nécessité de la participation créatrice du traducteur, en insistant sur le fait que l’objectif de son travail consiste ainsi à

« enrichir nostre langue & étaller ses beautez, (pour) que ceux qui n’entendent pas le Latin peuvent méme apprendre à mieux parler et à mieux écrire »20.

La traduction apparaît donc ici comme un moyen permettant d’enrichir la langue par des tournures et des expressions latines. Cette conception de « gref- fer » dans la langue française les meilleures parts de l’héritage littéraire antique n’est d’ailleurs pas nouvelle, elle date du siècle précédent. Gaspard de Tende l’a empruntée à la célèbre Défense et illustration de la langue française de Joachim du Bellay. La conviction de l’auteur sur la suprématie du latin, offrant à imiter sa richesse lexicale et stylistique à une langue moins riche et moins développée, semble indiscutable. Néanmoins, à la fi n de sa préface, de Tende recommande au traducteur de « rendre... la copie plus belle que l’original »21. Cette constatation met en doute l’opinion précédente et fait naître une question fondamentale concer- nant les rapports de force entre les deux langues. Dans son manuel, de Tende ne donne pas de réponse explicite à cette question, mais ses propos concernant la traduction des comédies de Térence permettent d’en avoir une idée.

16 Ibidem.

17 Ibidem.

18 Ibidem.

19 Ibidem.

20 Ibidem.

21 Ibidem.

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Les indications données aux élèves soulignent la nécessité de reproduire dans la traduction avant tout l’esprit du texte et la spécifi cité du style de Térence. L’es- prit du texte ne concerne toutefois pas la transposition fi dèle de la spécifi cité des habitudes sociolinguistiques des Romains. De Tende consacre une part importante de son traité à des remarques mettant en garde contre le non-respect des différen- ces entre les manières de s’exprimer des personnages des pièces anciennes, et l’usage de la France du dix-septième siècle. Il souligne que la traduction doit être adaptée à la réalité française moderne et modifi ée en conséquence: « On ne dit jamais tu ny toy en François, il n’y a qu’un maître qui puisse dire tu ou toy, à son valet, qu’il doit méme traiter de vous en lui écrivant »22. De Tende trouve que le vouvoiement français est une des marques de la civilité de la langue. Par consé- quent, le tutoiement romain est pour lui « barbare »23. Il recommande dans les traductions des pièces le vouvoiement des personnages de condition égale comme une règle générale à observer et énumère de rares cas particuliers où le tutoiement peut être traduit comme tel. Il peut être employé dans des scènes de conversations de personnages de condition égale, quand le traducteur veut souligner leur grande familiarité ou bien leur grande affection, par exemple dans les conversations entre membres de la même famille ou entre amants. Pour illustrer cette règle de Tende propose les fragments de comédies suivantes:

Nam quod ego huic nunc subito exitio remedium inveniam miser? Quod si eò mea fortuna redeunt, Phanium, abs te ut distrahar, nulla est mihi vita expetenda.

Quel remede trouveray-je maintenant à un mal si grand & si soudain? Que si je me trouve reduit, ma chere Phanie, à estre separé de toy, je n’a plus rien à souhaitter dans la vie. (Le Phor- mion)24

Age inepte, quasi nunc norimus nos inter nos, Ctesipho.

Va, tu es bien plaisant, comme si nous ne nous connoissions que d’aujourd’huy. (Les Adelphes)25

Le traducteur doit savoir distinguer si les personnages sont liés par une fa- miliarité réelle ou bien si leurs relations sont plus cérémonieuses. Dans le second cas, le vouvoiement est de règle, comme dans l’exemple cité ci-dessous:

Si te in germani fratris dilexi loco; sive haec te solum semper fecit maximi; seu tibi morigera fuit in rebus omnibus; te isti virum do.

Si je vous ay aime comme mon frere; si elle vous a toujours honoré avec un respect tout parti- culier... permettez-moy que je vous donne à elle pour estre son mary... (L’Andrienne)26

De Tende souligne que le tutoiement en français est une façon de s’exprimer utilisée pour marquer la supériorité de celui qui parle, et qu’on l’utilise générale- ment à l’égard des domestiques. Il peut aussi être employé par des personnages

22 Ibidem, p. 57. Dans toutes les citations françaises et latines l’orthographe du traité de Tende a été conservée.

23 Ibidem.

24 Ibidem, p. 58.

25 Ibidem, p. 58.

26 Ibidem, p. 116.

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de condition égale, quand l’un d’eux veut montrer son mépris. Toutefois, une situation inverse, c’est-à-dire le remplacement du tutoiement habituel par un vou- voiement peut aussi avoir lieu, dans les mêmes circonstances. Pour exprimer son dédain à un serviteur, son maître peut le traiter avec un respect ironique comme le montre cet exemple:

Ehodum bone vir, quidais? viden’me consiliis tuis miserum impeditum esse?

Eh bien Monsieur le sot, où en estes vous? Voyez-vous l’estat funeste où m’ont engagé vos beaux avis. (L’Andrienne)27

Les fragments cités des pièces de Térence montrent que de Tende veut avant tout sensibiliser les jeunes traducteurs aux usages de la civilité langagière de leur époque. Malgré ses protestations sur l’importance de la fi délité aux propos origi- naux, l’insistance avec laquelle il conseille de respecter les normes linguistiques françaises démontre que la traduction doit consister avant tout en une transpo- sition ou en un remplacement des usages linguistiques latins en français. Des comédies de Térence jouées au XVIIe siècle doivent respecter la bienséance de cette époque. Cette exigence de l’adaptation des normes linguistiques adressa- tives devient un impératif de base du traité. De Tende revient à ce problème dans un autre chapitre, consacré essentiellement aux différences du savoir-vivre lin- guistique romain et français. Il y commente l’habitude des Romains de s’adresser l’un à l’autre par leurs noms propres, qui manifestement le déroute et qu’il essaie d’expliquer. Il voit la raison de cette coutume dans un grand attachement des An- ciens à leur « liberté »28, ce qui les empêcherait de témoigner d’un respect exces- sif à leurs égaux et à leurs empereurs. De Tende oppose à cette pratique l’usage français, basé, selon lui, sur la civilité et le respect29 des personnes auxquelles on s’adresse. Il exige dans la traduction le remplacement des noms propres par Madame, Mademoiselle et Monsieur. C’est une condition indispensable pour que la traduction soit belle. Les personnages des comédies de Térence doivent donc s’exprimer ainsi:

Certum, hisce oculis egomet vidi, Sostrata.

Cela est indubitable, Madame, je l’ay veu moy-méme de mes yeux. (Les Adelphes)30 O noster Demea, adepol vir bonus est.

Ha, Monsieur, vous estes le meilleur homme du monde. (Les Adelphes)31

De Tende souligne que la manière de parler latine ne peut être gardée en français parce qu’elle n’est pas « conforme à nostre usage, & à nostre façon de parler »32. La tradition antique perd donc sa pertinence face à l’usage moderne.

27 Ibidem, p. 62.

28 Ibidem, p. 153.

29 Ibidem.

30 Ibidem, p. 154.

31 Ibidem, p. 155.

32 Ibidem.

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L’usage devient dans Les Regles de la traduction... un argument décisif, une règle essentielle à suivre. Si l’usage l’exige, la situation inverse est non seulement ad- mise, mais même recommandée. Par exemple quand le public est habitué à l’em- ploi des noms propres des personnages célèbres, ou bien si la clarté de la réplique le nécessite, on peut traduire fi dèlement les noms propres et même les ajouter:

Eum Plautus locum reliquit integrum: eum hic locum sumpsit sibi in Adelphos.

Plaute ayant laissé cet endroit sans y toucher, Terence l’a pris pour ses Adelphes. (Les Adel- phes)33

Quod illi maledictum vehemens esse existimant, eam laudem hic duxit maxumam.

Messieurs, Terence tient à grand honneur ce reproche qu’ils luy font dans leur passion & leur médisance. (Les Adelphes)34

Nam iam adolescenti nihil est quod suscenseam, si illum minus norat. Quippe homo iam gran- dior, pauper cui opera vita erat, ruri ferè se continebat.

Car encore pour son fi ls, estant jeune comme il est, ie trouve moins mauvais qu’il n’ait pas connu le pere de Phanie; parce que comme il estoit sur l’âge, & pauvre, vivant de son travail, il demeuroit d’ordinaire aux champs. (Le Phormion)35

Le traité de Tende a essentiellement un caractère linguistique. Il passe outre toutes les autres divergences civilisationnelles. Il ne dit pas si la spécifi cité ves- timentaire romaine doit, elle aussi, être adaptée à la mode française. De Tende évite soigneusement dans son manuel destiné aux jeunes d’évoquer le système politique républicain et ne mentionne pas les caractéristiques de la société des citoyens romains, plus égalitaire et bénéfi ciant de plus de liberté que la société monarchique française. Il explique les différences entre les deux langues par des raisons purement esthétiques.

Dans sa préface aux Regles de la traduction... l’auteur souligne que la ver- sion doit être claire, fi dèle à l’original, écrite en français sobre, en évitant les excès langagiers. La longueur de la traduction ne doit pas différer sensiblement de celle de l’original. Parallèlement, il met un accent sur le fait que les répliques doivent être écrites « avec grace »36, que la pièce doit plaire au public. Or, le public des comédies de Térence, ce n’étaient ni les doctes ni les philologues, mais des non spécialistes des deux sexes, venant assister à des représentations distrayan- tes et bienséantes. Pour plaire au public du XVIIe siècle, la traduction doit donc employer les expressions poétiques et littéraires élégantes et bienséantes de son temps. Ces exigences l’emportent sur la règle de fi délité. De Tende accepte donc de courtes périphrases ou même de petits ajouts au texte original, en proscrivant néanmoins l’usage abusif de ces procédés: „Mais cela ne se doit jamais faire que

33 Ibidem, p. 84. En version moderne: Plaute n’a point reproduit incident, que l’auteur a trans- porté mot pour mot dans ses Adelphes. Térence, Les Adelphes, Prologue, [dans:] Œuvres complètes, trad. Henri Clouard, Garnier, Paris, paru en s.d.

34 Gaspard de Tende, op. cit.

35 Ibidem, p. 195.

36 Ibidem, p. 6.

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pour rendre le discours plus intelligible, sans qu’il soit jamais permis d’altérer le sens de l’Auteur”37.

En présentant dans son traité des traductions exemplaires de Térence, l’auteur semble pourtant ne pas appliquer ses propres recommandations. Les rajouts à l’original ou la longueur des phrases françaises par rapport au latin sont souvent excessifs, comme le prouvent les exemples suivants:

Haud vereor, si in te solo sit situm: sed vim ut queas ferre.

Je ne crains pas cela de vous, pourveu que cela ne dèpende que de vous seul. Mais j’ay peur que vous ne puissiez pas souffrir la violance qu’on vous fera. (L’Andrienne)38

Hinc illae lacrumae, haec illa est misericordia.

Voila le sujet de tant de larmes; Voila d’où vient ce regret qu’elle me témoigne. (L’Andrienne)39 Vide quam iniquus sis prae studio.

Voyez je vous prie combien vostre passion vous rend déraisonnable. (L’Andrienne)40

Les traductions des comédies de Térence doivent répondre aux goûts du beau monde, mais, avant tout, présenter un monde antique « déguisé » en français.

L’exemple d’un fragment de L’Andrienne, où un jeune citoyen romain est qualifi é d’« honnête homme bien réglé », est à cet égard très évocateur:

Cum id mihi placebat, tum uno ore omnes omnia bona dicere, & laudare fortunas meas, qui gnatum haberem tali ingenio praeditum.

Et ainsi non seulement j’etois tres satisfait de luy, mais tout le monde d’une commune voix m’en disoit mille biens, publiant que j’estois trop heureux d’avoir un fi ls si honneste homme & si bien reglé. (L’Andrienne)41

La revue des traductions de quelques fragments de comédies de Térence per- met de cerner l’idée de la traduction modèle. C’est avant tout une traduction mon- daine qui plaît aux spectateurs, belle et pleine de grâce. L’adaptation du texte aux exigences esthétiques de son temps doit être l’objectif principal d’un bon traduc- teur. La traduction n’est donc pas une copie servile mais un exercice d’ajustement d’un texte ancien à la réalité moderne. Dans les comédies on doit traduire le sens du discours, en le revêtant d’un costume linguistique français. Une grande liberté est donc accordée au traducteur qui devient un intervenant actif dans le texte. La traduction française bien faite dépasse le modèle antique par la grâce des expres- sions et la politesse linguistique des relations sociales. La langue française n’est

37 Ibidem, p. 106.

38 Ibidem, p. 244. En version moderne: Je ne sais qu’une chose, c’est qu’elle a bien mérité que tu ne l’oublies pas. Térence, L’Andrienne, I, 5; [dans:] Œuvres...

39 Gaspar de Tende, op. cit., p. 88. En version moderne: Voilà le secret de ces larmes, de cette sensibilité! Térence, L’Andrienne, I, 1; [dans:] Œuvres...

40 Gaspar de Tende, op. cit., p. 122. En version moderne: Vois combien ton désir te rend in- juste. Térence, L’Andrienne, V, 1; [dans:] Œuvres...

41 Gaspar de Tende, op. cit., p. 103. En version moderne: Et je n’étais pas seul à l’approuver;

tout le monde s’accordait à lui reconnaître toutes les qualités et vantait mon bonheur d’avoir un fi ls d’un si beau naturel. Térence, L’Andrienne, I, 1; [dans:] Œuvres...

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plus considérée comme une parente pauvre qu’il faut enrichir par des tournures rhétoriques et des fi gures stylistiques latines, mais comme une langue déjà ma- ture, possédant son propre réservoir de ressources linguistiques, riche et consacrée par l’usage. L’apport des ouvrages anciens passe donc dans la seconde moitié du XVIIe siècle de elocutio à inventio. Le traducteur doit prendre en considération avant tout l’intention de l’auteur et ne pas s’asservir à la littéralité. La contribu- tion des comédies de Térence au champ littéraire français est faite de motifs lit- téraires intéressants et d’une peinture de caractères ou sentiments délicats et non d’un lexique latinisant. Le traité de Tende permet de confronter l’autonomie de la langue française avec le latin et de l’affi rmer comme certaine. Son attitude va conditionner des générations de traducteurs à venir.

MOYENS POUR APPRENDRE A TRADUIRE DE LATIN EN FRANÇOIS BY GASPARD DE TENDE AND THE RULES

OF SCHOLARLY TRANSLATION OF A COMEDY BY TÉRENCE

Summary

In 1660 appear the Regles de la traduction ou Moyens pour apprendre a traduire de latin en françois by Gaspard de Tende – a collection of rules of translation from Latin to French, intended for students as a schoolbook. In the book, on the basis of selected excerpts of Térence’s comedy’s translation the author proves that apart from the accurate rendering of the meaning of an original text, a translation should be marked by an elegant language that would meet the aesthetic require- ments of French classicism and exchange the ancient language etiquette with the modern one. The French language becomes acknowledged as autonomic and effi ciently shaped in order to be able to stop the exact copying of Latin stylistic and lexical structures in it. As a result, Latin works are to serve as the creative inspiration of contemporary writers.

Key words: Térence, Gaspard de Tende, translation

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