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Les relations entre le progrès des sciences et celui des techniques

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D E U X I È M E P A R T I E

RAPPORT GENERAL

Maurice Daumas

LES RELATIONS ENTRE LE PROGRÈS DES SCIENCES ET CELUI DES TECHNIQUES

Je dois p résen te r u n su jet d ’une am p leu r telle q u ’il ne m e semble pas possible q u ’u ne seule personne puisse posséder des connaissances assez étendues pour le tra ite r -convenablement. N ous savons tous que l ’histoire des sciences d ’u ne p art, l’histoire des techniques d’a u tre p a rt ne peuvent ê tre isadisies chacune au x sources m êm es p a r u n seul esprit. D ans la recherche, la division p ar disciplines e t p ar époques est indis­ pensable. L e problèm e général des relatio n s historiques 'des sciences et des techniques se dérobe davantage, si isolém ent chacun cherche à le tra ite r sans le fractionner. Aussi je pense que m a tâche n e p e u t ê tre que de p résen te r un schém a assez lâche d ’introduction.

Le program m e de ce Symposium est caractérisé p a r la généralité des sujets qui sont inscrits à l’ordre du jo u r de chaque séance. D ans le d ern ier numéro' d e “Technology and C u ltu re” Eugène S. Ferguson a émis l’opinion que nous possédions su r l ’histoire des techniques assez d ’o u v ra­ ges généraux p o ur les besoins de la présente génération et que les efforts

devaient se p o rte r s u r des m onographies consacrées à d es su jets lim ités géographiquem ent ou chronologiquem ent. P o u r u n e certain e p a r t je partag e l’opinion de M. Ferguson. J e dois dire seulem ent q u e les mono­ graphies lim itées à des frontières géographiques déterm inées ne me sem blent avoir q u ’u n in té rê t lu i aussi lim ité. Mais p a r ailleurs je pense que les études d ’ensemble, comme celles qui co n stitu en t les su je ts p rin ­ cipaux de ce Symposium conservent, m êm e pour notre génération, une u tilité certaine. Encore fau t-il q u ’elles p résen ten t u n m inim um d’origi­ n alité ou de personnalité. D ans ce cas elles p erm e tte n t de rév iser cer­ taines conceptions que nous nous étions faites, e t à chacun elles o ffren t l’occasion de rep lacer leu rs su jets de prédilection d an s u n e perspective générale p lu s exacte.

P o u r ces raisons m on schém a in tro d u ctif est basé s u r des vues p er- sonelles que je m e suis faites p eu à p eu en étu d ian t en profondeur les

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su jets aux quels s ’e st attachée m a curiosité m ais aussi e n dirigeant d ’ab ord une histoire des sciences rédigée e n collaboration avec plusieurs de m es collègues français, et e n ce m om ent, u n e histoire générale des techniques qui est e n cours de publication. P e u t-ê tre ces conceptions personnelles vont-elles ê tre com plètem ent dém olies p a r la d iscu ssio n .

J e n ’en serais pas affecté et je serais heu reu x d ’avoir pro fité de l’expé­ rien ce et d e la science de tous.

LES LIMITES ENTRE LES SCIENCES ET LA TECHNIQUE

D ’abord faut-il p réciser de quoi nous devons p arler. L e contenu de de l’histoire des sciences a été souvent discuté, e t je crois qu’il n ’est pas besoin de rev en ir s u r ses lim ites, su rto u t après la discussion qui a suivi la com m unication du professeur Suchodolski.

Il n ’en est p as de même du contenu d e l’histoire des techniques. LE CONTENU DES HISTOIRES DES TECHNIQUES

Le term e de technique lui-m êm e n ’est pas toujours pris dans le m êm e sens. Le tra v a il du m en u isier ou d u forgeron d an s sa form e classique e s t devenu m ain ten an t u n e sim ple activ ité professionnelle ; il 'est inclus, pour les périodes anciennes, .d an s l'h istoire des techniques. Le trav a il des ingénieurs de fabrication est u n trav a il de technicien, celui des ingénieurs de recherches in du strielles p e u t ê tre d e p u re technique ou bien ê tre considéré comme u n v éritab le tra v a il scientifique. L ’idée que la création technique découle d ’une sim ple application des connais­ sances scientifiques e st profondém ent enracinée d a n s tous les esprits. Et c’est elle q ui fausse profondém ent la com préhension générale de l’histoire des techniques. C’est à elle que nous devons cette conception fallacieuse de la révolution technique, véritable “ta rte à la crèm e” qui tie n t lieu d’explication d’un phénom ène extrêm em ent complexe.

E nfin le term e de technique connaît de nos jou rs un emploi de plus en plus étendu p o u r désigner les m éthodes ou des règles d ’action dans des domaines fo rt étrangers à celui qui n o u s occupe; on 'parle de la tech­ n ique ides sports, des techniques commerciales, des techniques finan­ cières et m êm e des techniques de la pensée. À la lim ite, e t m êm e sou­ ven t assez lo in de 'la limite, il se crée u n e confusion sur l’objet m êm e des recherches et des interprétations. Q uand nous parlo n s d ’une civilisation technique p a r exem ple, techniciens, sociologues, politiciens et gens de la ru e n e p a rle n t p as de la m êm e Chose.

U ne incom préhension sem blable existe en tre historiens selon leurs domaines d ’étude respectifs. L ’histoire des techniques a beaucoup souf­ fert d ’être traitée d ’ab o rd 'par des historiens des faits économ iques et po­ litiques. La m ajo rité des1 ouvrages e t des revues q u i tra ite n t d’histoire des techniques so nt m uets su r le contenu t e c h n i q u e de cette histoire.

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L e progrès des sciences e t celu i d es tech n iqu es 56

J ’entends p a r là que l’évolution des procédés d e tran sfo rm atio n ou de production e st négligée au p rofit de l ’étu d e des moyiems fin an ciers qui o n t été m is en oeuvre pour les exploiter in du striellem ent, des conditions économiques q ui on t joué p o u r ou contre le succès de ces entreprises.

J e dois dire to u t de su ite q u e dans l’étu d e de l ’histoire des techniques ce point de vue est (beaucoup pllus im p o rtan t que dans celle de l’histoire des sciences. Il est même indispensable. M ais l'h isto ire économique des techniques ne p e u t pas constituer à elle seu le l’histoire des techniques comme m alheureusem ent cela sem ble se passer tro p souvent. Elle laisse dans l’ombre u n phénom ène prim ordial q u ’il est ra re d e voir p ris con­ venablem ent e n considération, et qu i p eu t se trad u ire p a r cette notion q ue le progrès technique s ’e s t to u jo u rs effectué globalem ent e t .d’une façon coordonnée. C haque époque a connu u n niveau déterm iné de ses possibilités techniques; ce n iveau s ’est élevé d’u n e façon rég u lière sans que jam ais certaines des techniques régressent p a r ra p p o rt à d ’a u ­ tre s et de te lle façon que les dom aines qui se tro u v aien t à la p o in te de la progression o n t toujours suscité u n e évdlution progressive des au tre s domaines, évolution qui a p erm is de p erfectio n n er les nouveaux m oyens acquis et à re n d re possible une nouvelle phase de progrès. Il n ’y a jam ais eu d e désordre dans le p rogrès technique e t m êm e de nos jo u rs il n ’y a pas de désordre. Le désordre ap p a ra ît seulem ent dans la version éco­ nom ique de cette histoire.

Ainsi sans contester nu llem ent l’im portance d es aspects économiques et sociaux de l’histoire des techniques je voudrais insister sur le fa it q u e sans une connaissance trè s sûre de l’évolution d es procédés et des m oyens techniques l ’histoire des techniques n e possédera jam ais de bases sûres. En p articu lier la connaissance de cette évolution nous p e rm e ttra de m ieux com prendre les rap p o rts m u tuels des sciences e t des techniques au cours du tem ps. A l’h eu re actuelle, p o u r différentes raisons, je pense que c’est cet aspect de l ’évolution des techniques qui est encore le m oins bien connu. D ans to u t ce qui v a suivre c’est cette h isto ire t e c h n i q u e des techniques que je p ren d rai seule en considération.

-NIVEAU TECHNIQUE ET RYTHME DE PROGRES

Si donc les historiens de l’économie politique et les sociologues con­ tin u en t à négliger le contenu technique de l’histoire d es techniques ils p ersistero n t dans leur m auvaise in terp réta tio n de ces phénom ènes. A insi u n sociologue français, Raym ond Aroin, a enseigné e n Sorbonne que “E n tre l’A ntiquité e t Ile m onde d ’hier, les différences de possibilités tech ­ niques étaient médiocres. Ainsi César p o u r aller de Rome à P aris m e tta it à peu près le m êm e tem ps que N apoléon”. Une sem blable façon de résu ­ m er les faits est p eu t-être saisissante pour des étud ian ts m ais elle le u r suggère une conception erronée de l ’h istoire des techniques.

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Si les possibilités techniques av aien t été les même® à l ’époque de Napoléon et celle d e Ju le s C ésar il fau d rait supposer que l’expansion des techniques au XIXe siècle est à p e u p rès sortie d u néant. Raym ond Aron v eu t d ém o ntrer que l’évolution des techniques s ’est effectuée de façon irrégu lière: “L ’irrég u larité d u progrès technique est u n des faits m ajeurs de l ’h istoire” — écrit-il. C’est une co n trev érité m anifeste. C ’e st au con­ tra ire la rég u larité du progrès technique qui est u n fa it m a je u r de l’hi­ stoire. Q uand je p a rle de rég u la rité je n e veux p as suggérer que l ’accrois­ sem ent du niveau technique de la civilisation hu m ain e a é té q u an tita­ tivem ent égal p o u r chaque siècle depuis les origines d e l ’hum anité. Je pense p lu tô t à une accélération régu lièrem ent croissante. P eu t-ê tre l ’envol d ’une fusée vers l'espace nous donne-t-élle une figuration approchée du phénom ène. M ais nous n e savons p as encore si l’évolution des techniques a tte in d ra un jo u r sa vitesse “de croisière”.

Cette rég u larité différencie l’histoire des techniques d e l ’histoire des sciences. Nous savons tous q u ’au m oins ju sq u ’à la fin du Moyen Âge occidental le progrès des sciences a connu des stagnations qui s’étendent parfois à de longues périodes1 de tem ps. Nous savons aussi que les sciences et l ’ensem ble conceptuel qui les sup p o rtaien t d a n s certaines civilisations telles celles d e l'E xtrêm e-O rient ou de l ’A m érique centrale précolom bienne o n t abouti à des, impasses. Il n ’y a rie n ‘eu de (tel dans le dom aine des techniques. C ependant les sciences, comme les techniques n ’o n t jam ais regressé. Les sciences e t les techniques so n t les deux domaines d’activité hum aine p o u r lesquels la notion de progrès depuis les orgines ju sq u ’à nos jours est inattaquable. O n n e p o u rrait en dire a u ta n t de la p lu p a rt des au tres: l’a rt, la politique, la philosophie, la religion p ar exemple. P arm i ceux auxquels la notion de progrès peut s’appliquer, com me les activités économiques et les relatio n s sociales par exemple, il sem ble bien que le u r progrès soit sim plem ent une consé­ quence d u progrès des sciences e t des techniques. Encore p eu t-o n ju ste­ m ent penser q u e les relations des sciences avec les deux d ern ières sortes d ’activités que je viens de citer s'étab lissen t p a r l'interm édiaire des techniques. C'est p o u r cela que je disais to u t à l'heu re q u e les faits économiques et sociaux o nt beaucoup moins d'im portance p o u r l'histoire des sciences que p o ur l’histoire des techniques.

ÉVOLUTION DES LIMITES SCIENCES — TECHNIQUES

Voici donc les vues générales q u ’il sem blait indispensable de préciser av an t de chercher la voie p ar laquelle nous pourrons exam iner les rap ­ ports historiques des sciences et des1 techniques. Comme on p eu t le penser ces rap p o rts ne sont p as sim ples e t su rto u t ils n e se sont jam ais établis d e façon constante et unilatérale. L eu r n a tu re a évolué à m esure que l’histoire a suivi son cours. A vant de nous in tro d u ire plus profon­

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dém ent d ans le su je t dl nous fa u t encore exam iner com m ent o n t évolué les caractères distinctifs des sciences et des techniques. J ’ai déjà m en­ tionné l’u n de ces caractères en passant, celui qui concerne le u r ry th m e de progrès. Mais ce n ’est pas suffisant.

Il m e sem ble inutile de rev en ir ici isur les définitions ban ales et purem en t form elles que Chacun -d’en tre nous a sansi -doute p résen te s à l’esprit. Ces définitions, son t correctes p o u r des dom aines -d’activ ité a u su je t desquels il n e p e u t y avoir d ’amlbiguité. Maiiis noius savons tous q u ’elles deviennent insuffisantes pour to u t u n vaste- dom aine où, su rto u t de nos jours, sciences et techniques concourent étroitem ent au m êm e objet. La rech erche spatiale est p eu t-ê tre l ’exem ple contem porain le plus caractéristique.

J ’ai dit to u t à l ’h eu re q ue p our la p lu s grande p artie de nos contem ­ porains les techniques m odernes sont des applications de la science. Au début d e n o tre siècle on a beaucoup discuté s u r les term es de science p u re et de science appliquée. P uis on a décidé de les supprim er de vocabulaire. Mais on a été obligé d e reco u rir à d ’a u tre s néologismes et m ain ten an t on p arle de science fondam entale et de rech erch e industrielle. Il est bien certain que les théoriciens de la physique m athém atique n e son t pas des techniciens et q u e les ingénieurs qui construisent des cen­ trales nucléaires n e sont pas des chercheurs scientifiques. C ependant si en p a rta n t des deux aspects les plus opposés du com plexe science- technique nous allons de l’u n vers l ’a u tre , de proche en proche nous traversons u ne so rte d e zone frontière e t nous n e savons p as très bien à quel m om ent nous l ’avons com plètem ent fran ch ie -et dans un sens et d an s l ’autre.

DES ORIGINES AU XVIe SIBOLE DE NOTRE ÈRE

La distinction est p lu s facile à étab lir p o u r les époques anciennes, les époques où les techniques se développaient à peu près indépendam ­ m e n t des sciences. Je ne p a rle pas d es origines m êm es et des sciences

et des techniques, à -plus de trois m illénaires de nous, su r lesquelles nous n e savons rien. P o u r aussi loin que nous rem ontions p a r les m éthodes d e la préhistoire nous nous trouvons to u jo u rs dev an t u n ru d im en t d e connaissances scientifiques, si mince soit-il, déjà acquis, e t d ’u n niveau technique, si faible soit-il, d éjà atteint. N ul ne sa u ra it d ire si la pensée a précédé l’action, si la science a précédé la technique. Ce que nous savons des prem ières périodes historiques n o te m o ntre deux sortes d’activités b ien différenciées et entre lesquelles au cu n e confusion n ’est (possible. Ceci reste vrai, m e sem ble-t-il, p o ur to u te la d urée des civili­ sations anciennes du bassin m éditerranéen e t du P roche-O rient ju sq u ’à l ’expansion de l’Islam, ainsi que pour les civilisations d ’E xtrêm e-O rient

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et d ’A m érique cen trale ju sq u ’à ce que celles-ci soient entrées en contact avec la civilisation occidentale des tem ps m odernes.

P o u r la période du M oyen Age occidental et de la Renaissance, la distinction reste encore trè s ' nette, bien que la lim ite ne puisse p lu s ê tre figurée p a r une ligne idéale. E n certain p o in t le domaine commun commence à prend re quelque consistance e t p e u t-ê tre devons-nous ce début d ’in terp én étratio n à la civilisation m usulm ane. Il se m anifeste su rto u t en astronom ie, gnomonique, géodésie et topographie ainsi que dans le m aniem ent des nombres. P en d an t les XVe e t X V Ie siècles la fro n tière commune s ’élargit trè s len tem en t en d ’autres points, la naviga­ tion p a r exem ple, et la balistique. Mais la situation reste encore très claire du point de vue où nous plaçons au jo u rd ’hui. P e u t-ê tre peu t-o n citer encore les sciences n atu relles; m ais je dois préciser que la médecine n ’en tre pas d ans m on sujet. Je considère que la m édecine est une activité to u t à fait particu lière qui ne p eu t s’englober ni dans les sciences ni dans les techniques p o u r de m u ltip les raisons.

XVIe—X IX e SIÈCLES, PERIODE DE TRANSITION

F ranch ie cette période d e la fin d u XVIe siècle, la situ atio n v a évoluer plus rapidem ent. D éjà la m inéralogie e t la m étallurgie o n t tro u v é avec la chimie paracelsienne to u t u n dom aine d’activités et de réflexions com mun au x sciences et au x techniques. Le contact sera p lu s accentué encore en tre certaines b ran ch es de la physique comme l’optique e t la dynam ique et les techniques correspondantes a u cours du X VIIe siècle. Le domaine commun s ’élarg ira p o u r l’hydrodynam ique, la pneum atique, la chimie, l’a rt m ilitaire (aussi bien p o u r l'em ploi des arm es à feu que les fortifications), la chronom étrie, pendant la dernière p artie d u X VIIe siècle et la prem ière moitié d u X V IIIe. Et nous atteignons ainsi la fin de cette période d e transition, v ers le p rem ier q u a rt du XIXe siècle pend ant laquelle la zone d ’in terp én étratio n se sera établie d’une façon générale en tre sciences et techniques to u t e n re s ta n t p arfaitem en t discer­ nable.

Ce qui précède n e signifie p a s que même a u cours de la prem ière période que j’ai considérée et qui s’éten d de la haute A n tiq u ité jusque vers la fin du XVIe 'siècle de n o tre ère il n e se soit m anifesté aucune action réciproque en tre les sciences et les techniques. Je m o n trerai dans la dernière p a rtie de cet exposé com ment ces interactions se sont exercées. Mais le fait m êm e que le s domaines d ’in terp én étratio n aient été lim ités prouve q u ’elles sont restées faibles. D ans la seconde période que je considère comme une période de tran sitio n p our le su jet qui nous occupe, de la fin du XVIe siècle au début d u XIXe siècle, elles deviennent de plu s en p lu s im portantes.

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L e progrès d es sciences e t celu i d es tech n iqu es 5 9

XIX= — XXe SIÈCLES, DEVELOPPEMENT DE LA TECHNOLOGIE

Enfin dans la d ern ière période d ’évolution que nous connaissons du d ébut d u XIX* siècle ju sq u ’à nos jours lia situ atio n évolue p lu s ra p id e ­ m ent. Les activités scientifiques et les créations techniques: ne cessent de croître en im portance. En m êm e tem ps le domaine com mun où scien­ ces et techniques sont difficilem ent discernables, s’accroît lui-m êm e su iv an t le m êm e ry thm e. Nous voyons s ’é ta b lir u n au tre type d’activ ité qui n ’est fûus seulem ent ou scientifique o<u technique, qui em p ru n te ses m éthodes de recherch e e t d e réalisation à la fois aux sciences e t a u x techniques. Il est difficile de lui donner une appellation dépourvue d’amlbiguité. P e u t-ê tre le term e de technolpgie, pris d an s le sens q u ’on lui donne hab itu ellem ent e n français, conviendrait pour le nom m er. Q uelle que soit la signification approchée d e ce term e je l’u tiliserai dans ce qui va suivre avec le sens que j’indique; je désignerai par technologie ce dom aine interm édiaire d’activité q u i est une des caractéristiques fondam entales de n o tre p résente civilisation.

En effet dans le sens, p e u t-ê tre u n p eu arb itraire, que je donne ici au m ot technologie, celui-ci d o it s ’ap p liq u er à tous les dom aines où l’in terp én étratio n des sciences e t des techniques devient de p lu s en p lu s profonde. Les exem ples historiques qui on t provoqué l’extension de ces domaines sont la m écanique industrielle, l’énergétique, l’électricité indu­ strielle, la chimie organique de synthèse, la radioactivité et enfin l’élec­ tronique, m ais encore des activités m oins classiques comme certains aspects de la psycho-sociologie et le traitem en t des inform ations p ar exem ple.

LA NATURE DES ÉCHANGES SCIENCES — TECHNIQUES

Lorsque j’emploie le term e technologie je n e p ré te n d pas q u ’il défi­ nisse à lui seul la n a tu re des échanges e n tre les sciences e t les tech n i­ ques. Le phénom ène m e sem ble bien p lu s complexe. Si la technologie est u n interm éd iaire direct en tre les sciences e t les techniques, les pro­ cessus d’échange n e passent p as forcém ent p a r elle. C’est ce q u e je vais essayer de m o n trer en étud ian t d’abord com ment on peut p enser que les interactions sciences-techniques o n t présenté u n caractère simple p en d an t la prem ière période que j’ai définie. J e reviend rai ensuite s u r la période contem poraine p o u r constater q u e ces in teractio n s co n stitu en t u n réseau de plus en plus dense. Enfin je me servirai de la période interm édiaire p ou r suggérer que l’étude de celle-ci nous p erm e ttra d’acquérir u n e com préhension plus exacte du phénom ène dans l ’une et l’a u tre des périodes qui l’encadrent.

Lorsque je parle de “périodes” je dois préciser que les lim ites chro­ nologiques q u e l’on est b ien obligé de le u r assigner n ’o n t aucu n e v aleu r

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absolue. L ’utilisation de “périodes chronologiques” n ’est q u ’un artifice de recherche et d ’exposition. Si nous voulions préciser la lim ite d e chacune nous nous apercevrions qu ’en réalité ces lim ites n ’ex isten t pas. L’évolution de ces ra p p o rts s’est faite d ’une façon continue sans que l’on puisse assigner un rep ère chronologique déterm iné à l’apparition d ’un m ode différent d ’échange en tre les sciences et les techniques.

LES TECHNIQUES, FACTEUR DÉTERMINANT DU PROGRÈS SCIENTIFIQUE

Ces précautions prises je reviens m ain ten an t à la prem ière des trois grandes périodes historiques q u e j ’ai définies pour le besoin de cet exposé. C’est la p lu s longue d ans le temps, m ais c’est celle qui est la moins chargée de faits. C’est aussi lia période su r laquelle je n ’ai pas acquis personnellem ent de connaissance directe. Ce que je peux en con­ n a ître je l ’ai tro uv é dans les tra v a u x déjà élaborés des spécialistes et c’est à ceux d’e n tre eux qui so nt ici que je dem anderai la m eilleure critiq u e de ce que je vais pouvoir d ire à son sujet.

Nous y voyons ap p ara ître e t se développer les: p rem iers moyens techniques d e la civilisation. Nous y voyons se constituer les prem ières m éthodes de la pensée scientifique e t se rassem bler les prem ières con­ naissances. Lorsque nous pouvons les saisir historiquem ent ces deux dom aines existent déjà avec le u r personnalité propre. P e u t-ê tre leur seul point de jonction, et 'pour u n e certaine p a r t d ’interpénétration, est-il constitué p a r l'astronom ie, la m esure du temps, la com putation calendaire. P our a u ta n t que je puisse en juger je ne vois pas, e n dehors de cette discipline, d’a u tre s exem ples de contact. Je ne vois pas non plus que les techniques aien t en quoi q ue ce soit pro fité des connaissances scientifiques.

L ’évolution des techniques se p ou rsu it à u n ry th m e très le n t par les seuls tâtonnem ents em piriques des ouvriers et des praticiens. Le “m iracle grec” ne concerne en rie n les techniques. Les raisons en ont été souvent discutées. Les techniques ne progressent que p a r le seul procédé de 'l’invention, qui a u n caractère collectif e t qui conservera encore ce caractère p e u t-ê tre ju sq u ’à la fin d e n o tre XVIIIe siècle. Le p rogrès est lent parce que la transm ission des m oyens acquis se fait d e génération à génération p ar l’apprentissage de l’homme p ar l’homme.

Les m athém atiques, expression la plus p u re de la pensée scientifique, n e sont d’aucun usage au x techniciens qui d ’ailleurs n e seraient pas en état de les com prendre, pas p lu s que les tra ité s techniques, s ’il en existait, ne leu r a u raie n t été accessibles. Les grandes inventions qui jalonnent la prem ière p artie de cette longue période sont apparues dans des conditions que nous connaissons m al, depuis les form es d’a tte ­ lage des an im aux d e tra it ju sq u ’au papier en passant p ar l’utilisation

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d e l ’énergie éolienne e t de l’énergie hydraulique, la construction des appareils d e levage e t d es m achines de guerre, le to u rn ag e des pièces de bois et le traçage des filets de vis, le traitem en t des m inerais et l’élaboration des m étaux, la fabrication du verre, l’ex tractio n et la transform ation des m atières n atu re lle s pour la p rép aratio n de produits tinctoriaux, de composés explosifs, de m atériau x d e construction, de produits alim entaires, etc.; la liste de ces exem ples p o u rrait être allongée bien plus encore.

Nous pouvons penser que pair l'interm édiaire- de ces procédés s’est établi le prem ier contact de l’hom m e avec le m onde m atériél qui l’en to u ­ r a it et dans lequel il devait puiser les m oyens de satisfaire les besoins d’une civilisation en développem ent. N on seulem ent les prem iers con­ ta cts o nt été établis, m ais les prem iers élém ents d’une connaissance o n t été acquis, Ce sont ces connaissances qui o n t servi d e thèm e a u x ré ­ flexions et au x recherches de la science. L a (baflanoe était en usage depuis un m illénaire, e t p eu t-être plus, av an t A rchim ède e t l’a r t du b alan cier n ’a pas profité des prem ières notions de statiq u e exprim ées p a r les savants. Q uant a u x m écaniciens d it de l’époque alex an d rin e ils n ’ont, pour l’essentiel, que rassem blé et com menté u n certain no m bre d’effets hydrauliques et pneum atiques connus et utilisés avant eux. Le siphon était em ployé pour les conduites d ’eau bien av an t H éron d ’A lexandrie.

Souvent c’est à u n term e très éloigné que les inventions de l'A n ti­ quité ont déterm iné l’app arition d ’iine science qui p erm ette d e donner une explication théorique des phénom ènes m is e n jeu, et, à l’aide de cette théorie, d’étudier des problèm es nouveaux, théoriques: ou p ratiques. Nous en avons d es exem ples indiscutables avec la chim ie et la m iné­ ralogie, l ’hydraulique e t la m écanique industrielle.

'Les origines d e la chimie sont particu lièrem en t probants. O n fait rem o n ter les prem iers essais de oonceptualisation à l’époque alexandrine. Il est rem arquable que dans la science chinoise la chim ie th éorique apparait à peu près à la même époque sous la m êm e form e: antagonism e de deux forces opposées au q uel participe u n nom bre ré d u it d’élém ents fondam entaux. O r déjà la technique des procédés Chimiques form e u n to u t concret p ar lequel une certaine connaissance des propriétés de la m atière et des réactions a p u être acquise. E n p articu lier l'herm étism e a trouvé ses bases fondam entales dans la m an ip u latio n des pigm ents tinctoriaux d'origine m inérale. Les composés de m ercure, d'arsenic, d'antim oine dont les transform ations constituent l'essentiel d e la chimie herm étique o n t été l'objet des prem ières véritab les recherches de labo­ rato ire s u r lesquelles s'est appuyée l’alchim ie d u d éb u t de n o tre ère et d u M oyen Age. Il est rem arq uab le encore que l ’alchim ie s ’estt déve­ loppée aussi en E xtrêm e-O rient pen d an t la m êm e période d e tem ps sans que l'on puisse déceler u n e transm ission des connaissances et des Idées avec le [Proche-Orient.

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O n sait comment l’alchim ie a gagné p as à pas to n s les pays d ’Europe, com m ent elle a conceptualisé la notion des principes im m atériels et im pondérables s u r laquelle repose la chimie du XVIIe siècle. Avec G.E. S tah l le caractère m ystique d e cette chim ie a été rejeté, mais; la notion de principe a survécu à l’oeuvre de Lavoisier puisqu’on constate encore sa résurgence dans la chimie du début du X IX e siècle et que la concep­ tion d u calorique, qui est sa p lu s tenace incarnation, n e disparaîtra totalem ent q u ’a u cours de la prem ière m oitié de ce siècle. M ais pendant to u te cette longue histoire l ’alchimie, 'la chimie paracelsienne, la Chimie stahlien ne n ’o nt été d ’au cu n secours au x praticiens.

P arallèlem en t à ce courant de pensée, qui est dem euré im productif ■pendant 17 ou 18 siècles, les connaissances p ratiq u es des produits chim iques n ’o nt cessé de se développer d an s les ateliers. La m anipula­ tion incessante de certains composés m inéraux, en p articu lier des sulfates et des aluns, des nitrates, des chlorures et des carbonates a donné nais­ sance à ces élém ents de chimie auxquels les au teu rs d u X VIIe siècle ne fero n t a u tre chose q u e de fo u rn ir une nom enclature.

J e m e réserv e de re v e n ir là-desisus d an s l'a dernière p artie de mon exposé. P o u r l’in sta n t je voudrais m e dem ander si ce rô le d’initiatrice, la technique n e l ’a p as joué égalem ent p o u r to utes les a u tre s sciences de ce tte période. Il m e sem ble que l ’o n p eu t rép on dre p ar l ’affirm ative d an s tous les cas; et ce n ’est que très tard , p eu t-ê tre v ers la fin de n o tre M oyen Age occidental que les techniques o n t commencé à ê tre sporadiquem ent 'payées de reto ur.

P o u r au tan t que je puisse en juger, c’est p e u t-ê tre une caractéristi­ que de :la civilisation m usulm ane d ’av o ir in tro d u it des phénom ènes d ’in ­ teractio n en tre les sciences et les techniques. Cela se lim ite a u x dom aines

du nom bre e t de la m esure géom étrique. L e systèm e num érique que les A rabes u tilisèren t p o u r les calen d riers e t les noftattions scientifiques vers le X Ie siècle fu t in tro d u it en Italie a u début du X IIIe siècle, pour des usages commerciaux. O n sait q u ’il rem plaça peu à p eu l’ancienne num ération rom aine e t que la science y trou va u n facteu r favorable d’expansion. P a r l’interm édiaire d es facilités q u ’il app o rta égalem ent à l’activité économique il ne fu t pas sans influencer le développement des techniques.

'On peut voir u n e action réciproque, d e m êm e nature, d ans les' p re­ m ières étapes d é la géométrie. P ersonnellem ent je n e suis pas qualifié pour discuter le rôle traditionnellem ent proclam é des cru es du Nil dans l ’app arition des prem ières notions de géom étrie. Mais il ne m e semble pas erroné de penser q ue 'la délim itation des propriétés foncières, l'évaluation de le u r superficie elt la nécessité de le u r rep résen tatio n graphique aux hautes, époques sont à l’origine de la géométrie. Plus ta rd lorsqu’à une époque q u ’il est difficile d e préciser la topographie s’est constituée ce sont les techniciens qui l’on t créée avec les moyens

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qui le u r étaien t propres. N ous ignorons absolum ent à qui nous devons les p rem iers in stru m en ts d e visée. Il ne m e sem ble p as fau x de p en ser q u ’ils sont n és de besoins pratiques, q u ’il's o n t été p e u t-ê tre perfection ­ n és par les to u t prem iers astronom es et géodésistes, m ais que seu l u n usage co u ran t p a r des u tilisateu rs n o n scientifiques en a p erp étu é la trad itio n et a suggéré p eu t-ê tre aux savants arabes une étude géomé­ trique.

L ’exem ple d u carré des om bres est à cet égard trè s in téressant. Le carré des om bres fig u re s u r la face de to u s 'les q u a d ra n ts e t cercles d e visées qui nous sont venus des A rabes, et s u r le dos de tous les a stro ­ labes. O r dans les tra ité s d ’arp en tag e im prim és au X V Ie siècle, comme ceux de Sébastien M unster ou d’O ronce Finné, le principe s u r lequel repose la construction de ces carrés dans le u r version sav an te est celui de divers procédés populaires p o u r m e su rer à l’aide des o b jets les plus divers, comme des piques de soldats, les distances et h au teu rs inacces­ sibles. Il sem ble ibieh q u ’on po u rrait en d ire au ta n t de tous les appereils de visée connus a v a n t la fin du XVIe siècle.

Q uant à l’astrolabe, qui >est la rep résen tatio n la p lu s poussée d’une sorte “d ’a rt scientifique” d e l ’iastlronomie, il n ’a jam ais été q u ’u n in s tru ­ m e n t de prestig e sans aucun e utilité pratique, si ce n ’est celle des horo­ scopes. P e u t-être sous ses form es les p lu s compliquées, celle des astro­ labes à cadrans et roues dentées, •l’astrolabism e e t la gnom onique o nt-ils p rép aré les voies de la m écanique horlogère. Ce serait ainsi l ’u n des exem ples de relations distendues en tre sciences et techniques, alo rs que celui des instrum en te de visées est u n excellent exem ple de relatio n s étroites s ’exerçant idans les deux sens e t ex erçan t son influence s u r des activités scientifiques e t techniques le s plu s diverses; cela v a d e 'la, géo­ m étrie à l’astronom ie d ’u n e p art, de l'arp entage à la navigation de l’au tre. Nous retrouv eron s to u t à l’h eu re ce dom aine fo rt im p o rtan t d ’interactions comme cen tre de répercussion des influences réciproques

des sciences et des techniques»

Nous sommes encore dans la prem ière époque d’évolution générale que j’ai déterm inée a u d ébut. Les au tre s exem ples que nous pourrions relev er d’une influenoe des sciences s u r les techniques: m e sem blent trè s p e u nom breux. A peine p eut-on ind iq uer une p rem ière esquisse des lois de 'la balistique, et encore n e p ren n en t-elles fo rm e q u ’au début du XVIIe (Siècle, à la su ite d u développem ent d es p rem ières notions de dynam ique et de pesanteur. Beaucoup d’a u tre s connaissances qui sont rép erto riées dans lies exposés d’histoire des sciences n e sont e n réalité que le ré s u lta t des activités des techniciens; elles ne constituent pas à pro p rem ent p a rle r encore les élém ents d’une science particulière. Si l'origine de ces connaissances av ait été m ise davantage e n relief p a r les historiens des sciences nous n e nous trou v erio n s pas d ev an t une conception faussée des relatio ns scienoes-techniques e t en p articu lier

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d ev an t cette notion m oderne que je rappelai to u t à l’h eure que les tech­ niques n e so n t que des applications des sciences. O n p o u rrait re to u rn e r la proposition en disant que p our la période d o n t nous avons p arlé les sdiences ne sont q u e des applications de la technique aux jeux de l’esprit.

SCIENCE, TECHNOLOGIE ET TECHNIQUE

J e vous dem ande m ain tenan t de fran ch ir tro is à q u a tre siècles et de .penser à l’époque contem poraine que je ferai débu ter vers les années 1840— 1860. C ette zone de séparation avec l ’époque de transition, sur laqu elle nous reviendrons p our term iner, n ’est p as fixée, je le rappelle, p a r des d ates absolues. Une sorte de clivage des phénom ènes d ’évolution se distingue p arfaitem en t selon q u ’on exam ine les domaines d ’activité concernant la m écanique, la chimie, l’én erg étiq u e e t l'électricité. Nous pourrions m êm e dire q u e les relations sciences-techniques p ren n ent un caractère m oderne dès les prem ières décennies du XIXe siècle avec la m écanique et que leu r évolution est com plètem ent term inée avec l ’élec­ tric ité ind u strielle e n tre 1860 et 1880.

P o u r essayer de com prendre la n a tu re des relatio n s qui prédom inent alors, et qui n e cessent d e s ’accentuer jusqu ’à nos jours, je vous ai pro­ posé de ne plus considérer seulem ent le binôm e soiences-itechmques, mais le trinôm e sciences-technologie-techniques.

La technologie dev ien t p o u r n ous le dom aine où les: in teractions des sciences e t des techniques sont im m édiates e t perm anentes. Et il n ’est pas m auvais que noius disposions ici d’u n term e em ployé au «Singulier. E n effet si les activités de ce domaine sont m ultiples elles sont dom inées p a r u n caractère com mun e t u n objectif commun. La technologie reçoit tou tes les acquisitions de la recherche scientifique et toutes les réalisa­ tions de 'la technique p o u r rép ercu ter su r d’une s u r l’a u tre to u s les ré su lta ts utilisables p a r 'l’une e t l’autre.

On sent bien que cette sim plification est extrêm e e t que si o n la p re n d à la le ttre elle peut p a ra ître absurde. C ependant elle nous perm et de com prendre le processus d ’échanges en tre sciences e t techniques au cours des étapes les plus récentes de leur histoire.

On p e u t le saisir parfaitem ent dans l’histoire de (la chim ie p a r exem ple à p a rtir des prem ières in stallations p o u r fab riq u er le gaiz d’éclairage. Il y a là u n enchaînem ent des réalisations techniques et des progrès de la science extrêm em ent caractéristique. N e serait-ce q u ’e n donnant au x laboratoires de rech erch e u n m oyen de Chauffage contrôlable à volonté, l’ind ustrie du gaz d ’éclairage a créé des conditions p lu s efficaces d e travail. M ais encore la nouvelle in d u strie a fourni une gam me de m a­ té riau x et d e thèm es d ’étude d ’u n e richesse q u ’au cu n chim iste n ’av ait

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p u aup arav ant soupçonner. N ous savons com m ent à p a r tir de là s’est construite la Chimie organique, comment sont nées les prem ières fa b ri­ cations ind ustrielles de p ro d u its synthétiques, com ment, avec le déve­ loppem ent de la chimie (biologique, les prem ières études s u r les grandes m olécules o nt été entreprises, reto u ch an t san s cesse les notions th éo ri­ ques élaborées, comment après la m ise e n exploitation d es gisem ents pétroliers, la chimie de ces pro d uits a conduit à l’apparitio n des. grandes ind u stries de synthèse de notre siècle, etc.

La chimie a eu le m êm e genre de rap po rts avec d ’au tres industries et p a r exem ple avec la m étallurgie. Si nous pensons à la sidérurgie, nous constatons qu ’ap rès l ’époque où, de Bessemer à M artin et G illchrist, la fabrication de l’acier a pris son ry th m e de production m oderne, les disciplines de la technologie o n t tro u v é une am pleur nouvelle. Car la chim ie n ’a p a s été le seul facteu r scientifique d e progrès. L ’optique et l ’électricité p ar exem ple ont apporté des moyens efficaces à l’étude de la co nstitutio n des aciers.

L ’électricité a joué u n rô le bien p lu s im po rtant encore dans 1a, créa­ tion des in d u stries m étallurgiques m odernes. C ’est grâce à e lle que l’alum inium , sorti du laboratoire de W ôhler et de celui de S ainte-C laire Deville, est devenu u n m atériau universellem ent employé. C’est grâce à elle aussi que la production du cuivre a p u être accrue dans d es pro­ portions considérables, précisém ent pour répondre à des besoins n o u ­ veaux, ceux d u tran sp o rt à grandes (distances de l ’énergie électrique.

Q uant à lui l ’électrom agnétism e nous o ffre u n des m eilleurs exem ­ ples de revanche de la science su r la technique. C ’est p eu t-ê tre la prem ière science expérim entale qui soit née en dehors de toute pression des techniques. Si nous parcourons le chem in d e G uericke à Faraday, je crois que nous pouvons le v oir sa développer à l’aibri de to u te influence étrangère. Il en sera de m êm e plus ta rd de l a radioactivité, m ais com me celle-ci au ra besoin d ’un support in stru m en tal p lu s considérable on peut penser q u ’elle n ’a u ra it pas connu une ligne d ’évolution aussi rapide si le niveau atte in t par le complexe sdences-technologie-techniques n ’av ait été aussi élevé a u cours de la p rem ière m oitié du XXe siècle.

En do nn an t naissance en cours de ro u te à 'l’électronique à p a r tir de Croofces, e t à la radioélectricité à p a rtir de H ertz, le développem ent de l’électricité a e u d’au tres conséquences sur les rap p o rts sciences-tech- niques. C’e st elle en particulier qui a com plètem ent tran sfo rm é les m oyens de transm ission à distance. Dès lors est-ce que nous ne pouvons pas voir dans: les efforts qui sont fa its depuis N o rbert W iener, p o u r développer la cybernétique, u n essai historique pour d o nn er à u n certain aspect de la technologie des bases conceptuelles p erm e tta n t d’étendre ses répercussions à des domaines qui pouvaient sem bler ju sq u ’alors hors de sa portée, pair exem ple la physiologie, la psychologie et la socio­ logie. Nous n e savons p as encore si cet essai a u ra ou n o n des: lendem ains;

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M ais d ’u n point de vue historique nous .pouvons con stater que le term e de cyb ern étiqu e qui, dans la classification d es sciences p a r A m père ne couvrait p as u n contenu trè s consistant, a pris, grâce a u développem ent de certaines techniques u ne signification réélle sinon sym bolique.

Les progrès d e la m étallurgie et la fabrication du gaz d ’éclairage o n t eu conjointem ent des effets inattendus; l’invention des m oteurs à com bustion in tern e et l’apparition d e l’in d u strie automobile. O n p eu t aussi d ire avec ju ste raison que ce dom aine in d u striel nouveau est dû égalem ent à l’existence des m achines à vapeur d ’u n e p art, de l’in d u strie de caoutchouc d’a u tre 'part. Si nous, exam inons les circonstances dans lesquelles le m o teu r à explosion a v u le jo u r nous1 constatons q u e les prem iers types, ceux de Lenoir dériv en t directem ent de la m achine à vapeur; le produit inflam m able em ployé était le gaz d’éclairage. Il n ’y a e u dans cet événem ent aucune in terv ention d ’u n tra v a il de recherche scientifique p ro p rem en t dit. Lenoir é ta it u n autodidacte qui ne pouvait pas com prendre les lois d e la therm odynam ique, à peine form ulées vers 1860. 'Des in ven teu rs p lu s sav an ts comme Bishop n ’o n t albouti q u ’à de m auvais résu ltats.

Q uant à la théorie de B eau de Rochas s u r le cycle à q u atre temps, elle n ’em prunte p as g ra n d chose a u x données m athém atiques de la science de son tem ps. Les efforts de O tto rep osent su r des données plus rationelles, m ais re ste n t encore 'pragm atiques. C’est à lui qu’o n a dû la m ise en service du m o teu r à q u a tre tem ps quinze ans. en v iro n après que Lenoir eut livré ses prem iers m oteu rs à deux tem ps à l’industrie. V ingt ans plus ta rd Diesel essaya de réaliser 'le cycle de C arnot avec u n m o te u r a com bustion in tern e de sa conception. M ais la théorie Diesel ne s'ad ap tait pas à la, réalisation du problèm e q u ’il s ’é ta it posé. C’est contre lui e t en abandonnant ses idées que les in génieurs de la, M.A.N. on t p u m e ttre en service le ty p e d e m oteur qui p o rte son nom.

Q uant à l'autom obile elle e st née de recherches p u rem ent em piriques. Il y av ait à résoudre de nom breux problèm es d’énergétique et d e mé­ canique pour construire des véhicules susceptibles d e devenir des m oyens pratiques de locomotion. On sait q u e le m oteur à deux cylindres en V et à q u atre tem ps de D aim ler a ap porté la ,principale solution. Les prem iers constructeurs de véhicules autom obiles so rtis des usines de Benz et D aim ler e n Allemagne, de (Peugeot et P a n h a rd en F rance ont résolu 'les a u tres problèm es e n ad aptan t les véhicules à traction anim ale à ce nouveau m ode de propulsion. Il y a quelques années j’ai entendu dire par quelqu’u n dé trè s éru d it q ue sans les équations d e Lagrange aucune autom obile n e roulerait. C’e st u n e (belle illusion qui n e tien t au cu n compte des données historiques de cet épisode. A ucun des p re­ m iers constructeurs d’autom obiles p end an t plu s de vingt ans n ’a sans

doute soupçonné le rap p o rt qui pouvait ex ister entre les équations de L agrange e t le u r trav ail. Q uant à ce qui se passait à 'l’in térieu r du

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m oteur, je n e sa u ra is d ire à p a rtir d e quelle d ate son étude scientifique a été d’une aide effective pour les ing énieurs de fabrication. E n fait, a v an t la prem ière guerre, c’est-à-d ire e n m oins de vingt ans, to u tes les solutions qu i sont exploitées de nos jo u rs sous to u tes leuns v aria n tes avaient été p ratiq u em en t expérim entées.

Nous pourrions fa ire les m êm es constatations au su je t de l’in d u strie d u caoutchouc et celle des produits pétroliers. L ’app aritio n de l’indice d ’octane est d e beaucoup postérieur^ aux ran données des prem ières

autom obiles et d u vol des prem iers avions.

En ce qui concerne ces derniers n o u s savons égalem ent que les théories de l’aéro dynam ique n e leu r o n t été d ’albord d’au cu n secours. D ans notre pays les ten tativ es de C lém ent A dèr so n t considérées comme les prem ières étapes de l’aviation. En réalité elles co nstitu en t des échecs e t la dernière étape d ’une période protohistorique de l’aviation. On dit q ue les frères W right se so n t in spirés des observations de C henut et de P enau d su r le vol p lané des oiseaux. En réalité il sem ble bien q u ’ils ont eu su rto u t l ’idée de se servir du m o teur à explosion et d’u tili­ ser des hélices à pallies rigides. C'est le bon sens p ratiq u e d u technicien qui a m arq ué les prem ières heures de l’aviation.

Toute l’histoire dès m oyens de locomotion m oderne nous prouve combien, m êm e de nos jours, lia techn iqu e 'la plus pure, c’estr-à-diire celle qui exerce ses effets sans aucun appareil scientifique, reste p ar l’in v en ­ tion une innovatrice de p rem ier ordre.

N aturellem ent l’autom obile e t il’arvion n ’au raient pas a tte in t le d egré de perfectionnem ent que nous le u r connaissons a u jo u rd ’hui, moins d ’un siècle après la construction des p rem iers types de m oteurs à explosion, si l'appareil scientifique n e s ’était pas saisi d’un c e rta in no m b re des problèm es nouveaux que le u r construction et le u r utilisatio n faisaient surgir. N ous p ourrions nous dem ander si la science a u ra it été seule capable de ce tte création. L ’histoire nous d it q u ’il n ’en a p as é té ainsi. L ’aventure d e l ’électricité n e s ’est pas renouvelée.

Encore devons-nous constater que l’électrotechnique n ’est pas sortie to u te arm ée du laboratoire. En passant je voudrais a ttire r votre a tte n ­ tion su r l’action reta rd a tric e que la technique de l’époque a subie de la p a rt des hommes qui possédaient u n e form ation scientifique élevée. L a prem ière application technique de l’élecbromagnétisme a été l’inven­ tion du télégraphe. Morse qui n ’avait p as d e grandes connaissances gé­ nérales d ans ces dom aines est allé to u t d e su ite à une solution pratiq u e. En France, Louis B reguet a songé d’albord à rép éter s u r u n cadran les signes du télégrap he Chappe, puis, comme W heatstone e t Siemens, il a cherché à tran sm e ttre les le ttres de l’alphabet. E n ce q u i concerne le m oteur électrique nous pouvons constater que le m êm e traditio n alism e caractérise les prem ières tentatives. En F rance Eugène F ro m en t a donné à ses m oteurs, inspirés de la réalisation de Pixii, la s tru c tu re des m a­

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chines à vapeur qu ’il av ait soigneusem ent étudiées à l'École P olytech­ nique. V ingt cinq ans plus ta rd les véritables solutions o n t été trouvées par G ram m e et Pacinotti.

Sans donner une tro p grande im portance à ces incidents on peut se dem ander ce qui serait arrivé si lie problèm e d e d’autom obile et celui de l’avion avaient été tra ité s p a r de p u rs scientifiques. Lequel d’entre eu x a u ra it osé fa ire le saut, rom pre avec la m achine à v ap eu r et se saisir des m oyens lointains que la tech niqu e lui offrait. E n réalité les techniciens avaient une plus grande liberté d’esprit. Rappelons-nous le clim at dans lequel vivait la science dans les tro is ou q u atre dernières décennies d u siècle dernier. C ette philosophie d e la science q u ’o n a appelé en F ran ce le scientisme, et dont E rnest R enan s’est fait le défenseur, im posait à ces générations l’idée q ue la science av ait a tte in t u n point culm inant q u ’il n ’était guère possible de dépasser. L’ensem ble des con­ naissances scientifiques form aient pour elles une construction harm o­ nieuse qui les satisfaisait. Certes aux époques an térieu res il s ’était déjà trouvé des hommes ém inents p o u r proclam er que les créations de l’esprit et des techniques ne le u r sem blaient plus perfectibles.

Mais jam ais cette opinion n ’a été aussi générale que pendant la seconde m oitié du XIXe siècle. De l’évo'lutionisme à la synthèse chimique et avec la m aîtrise de d’électricité, les théories de Maxwell, l’apogée de la m écanique rationneide, on croyait q u e to u s des grands probdèmes posés à d’homme par da n atu re adlaient être enfin dominés. Cette eupho­ rie é ta it soutenue p a r d’expansion des grandes industries, l’accélération des m oyens de communication. P o u r la prem ière fois, dans toutes ses activités l’hom m e n ’était plus soum is au x lim ites de la force m usculaire et de la perception occulaire. Ce sentim ent de parven ir à un devenir définitif n ’était pas seuiem ent ressenti p a r les te n a n ts des sciences m a­ thém atiques, physiques e t biologiques, il é ta it p arta g é p ar les prem iers explorateurs d e la psychologie e t de la sociologie m odernes. Il im prègne en p articulier l ’oeuvre de Kard Marx.

LE DESTIN DE LA TECHNOLOGIE

C ependant 1a technologie allait to u t rem e ttre en question. Certes elle n e l’a pas fait seulem ent p a r ses p ropres moyens. J e n ’en tend s pas sousestim er comme facteur d ’évolution l’im portance des trav a u x des savants des générations suivantes. Comme vous tous je sais 'combien l’aspect de la science de la seconde m oitié du XXe siècle a été profon­ dém ent modelé p ar l ’oeuvre de sav an ts comme Einstein, Max Planck ou M arie et P ierre Curie. Les réalisations des technologues au cours des q u aran te dernières années n ’en lèvent rien à l’im portance historique de sem blables créations de l ’intelligence scientifique. Je n ’aurai pas non

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plus la p réten tio n d ’ana'lyser ici l’histoire d u d ern ier demi-siècle; je ne po u rrais d ire que des banalités.

Poux re ste r le plus étroitem ent possible dans n o tre su je t il m e su ffira de m e ttre en évidence quelques faits. La tech n iq u e n ’a rie n p erd u p en d an t cette période de sa fonction d ’initiatrice. D avantage p e u t être que les sollicitations de l’esprit ce sont celles des faits économiques e t po­ litiques qui constituent de nois jou rs les p lu s puissants facteu rs d e progrès.

Le besoin con stant d’am éliorer lles conditions d ’existence, quel q u e soit le h au t niveau a tte in t dans certains p ay s du monde, exerce une pression constante su r les techniques de production. Celles-ci ne peuvent satis­ faire ce besoin que grâce aux m oyens nouveaux q u e crée pour elles la technologie; et les domaines d’activité d e celle-ci n e cessent de s’é ten d re ju sq u ’à envahir celui de la technique et à se faire de plus en plus p ressante dans celui des sciences. J e n e rap p ellerai que p o u r m ém oire l’influence des deu x guerres m ondiales dti XXe siècle sur la technologie, les techniques et les sciences.

P o u r n ’évoquer q u e les g ran d s événem ents que p e u t o b server notre génération, songeons p a r exem ple com m ent l ’évolution des techniques aéronàutiques a créé les possibilités, e t le désir, d’e n tre p ren d re l ’explora­ tion de l’espace. Nous voyons que cette exploration n ’a été re n d u e possible que p a r la mise en oeuvre d ’u n nom bre considérable de tech ­ niques comme celles de la m étallurgie, de la chimie, des m achines à calculer, de la radioélectricité, de la physiologie, elles-m êm es servies p ar des disciplines scientifiques que je n ’essaierai m êm e p as de citer, qui concourent toutes ensem bles au m êm e o b jet dans une coopération si étroite que personne n e sau ra it dire s ’il s ’agit de sciences ou d e techniques. J e n ’oserai plu s p a rle r même de technologie. C ependant les techniques d’une p art, les sciences de l’a u tre y tro u v en t chacune leu r profit. P o u r p ren d re deu x exem ples p arm i ceux qui viennent im m édia­ tem ent à l ’esprit songeons1 au x techniques de transmisàon, et en p a rtic u ­ lier à 1’évolution si rap id e des lasers d’une p art, à la physique cosm ique et à la m étéorologie d ’au tre part, cette d ernière sem b lan t en m esure m ain tenan t de se m uer e n v éritab le science. Encore les ré s u lta ts acquis d e la recherche spatiale n e nous soinit-ils p a s to u s connus, puisque leur divulgation re ste savam m ent limitée, p o u r des raisons q u e je n ’ai pas besoin de rappeler, à u n cercle relativem en t re s tre in t de spécialistes.

Avec la recherche spatiale nous avons u n exem ple des p lu s caracté- ristiq u s d’u n ensem ble d’activités qui constitue u n complexe nouveau dans lequel vient se fondre la trilogie que j ’évoquais to u t à l’h eure: scieiice-technologie-technique. Ce n ’est pas le seul exem ple d ’im portance que nous pourrions citer. La recherche nudléaire n ’e st pas loin d e présenter les m êm es caractères d’une façon aussi absolue. On n e sait pas si l’on doit d ire q u ’elle n e les présen te p as encore, o u b ien q u ’elle n e les présente plus. P e u t-ê tre dans ce dom aine pouvomsî-nous m ieux

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estim er ce qui rev ie n t à la science, à la technologie et à la technique. En discutant ces deux exem ples n ous pourrions ipeuit-être dégager quelques notions s u r l’évolution des rap p o rts sciences-technologie-tech- niques dans les domaines qui sont, de nos jours, à l ’extrêm e pointe du progrès. Nous serions alors am enés à p en ser que la technologie a joué u n rô le historique fondam ental a u cours d u siècle 1860— 1960 p o u r se fondre avec les sciences e t les techniques dans cet ensem ble complexe d’activité q u ’elle seu le pouvait faire surgir.

LA TECHNICITÉ DE LA SCIENCE

A rriv é a u term e le p lu s proche de nous je dois commencer , à rem onter le cours du tem ps pour m entionner encore quelques faits de no tre demi siècle. Le caractère collectif q u ’a p ris la recherche scientifique est sou vent cité. Mais il est u tile pour nous d e faire resso rtir que pour le p lu s g ran d no m b re des sciences la recherche s ’est constituée en équipes n on seulem ent parce que les opérations à effectuer so n t p lu s nombreuses, m ais encore parce que ces opérations so n t devenues trè s diverses. Au d éb u t de n o tre siècle les laboratoires .les m ieux pourvus disposaient d ’une sorte d’aide à to u t faire: u n p eu de m écanique, u n peu d’électricité, du soufflage de verre. T ren te ans plus ta rd l’équipe com prend non seulem ent des chercheurs qualifiés e n physique, chim ie ou biologie (et souvent u n rep résen tan t ide ces d ifféren tes sciences) m ais égalem ent et presque su r le m êm e pied des techniciens spécialisés en électronique, photographie ou a u tre discipline.

D ans la période qui s ’e st écoulée e n tre les deux guerres l ’équipem ent e t les m éthodes de trav a il de laboratoire d e recherches se sont trouvés de p lus e n p lu s assu jettis à la technique. D ans le dom aine expérim ental le chercheur a dû acq u érir toutes les q u alités d ’une ex cellen t technicien. Même s ’ils disposent d'assitants techniciens le chef d’équipe et ses principaux 'collaborateurs doivent savoir exposer leu rs besoins, ré p a rtir les tâches, faire le choix des m éthodes à utiliser, ils doivent être capables de contrôler si le m atériel m is en service répond exactem ent à leurs dem andes. Ce n ’est plus seulem ent l'habileté opératoire classique d’un Lavoisier ou d’u n C laude B ernard qui est indispensable d an s l'expéri­ m entation, m ais un sens gén éral de l'ensem ble des moyens; que les créa­ tions les p lu s récentes et les plus diverses de la tech n iq u e m etten t à sa disposition.

Ainsi le chercheur du m ilieu du XXe siècle a-t-il personnellem ent des rapports p lus étroits avec l'ensem ble du domaine technique de son tem ps que ses prédécesseurs d u sièCle 'dernier. On com prend ainsi que même s ’il n ’ap p artien t pas à u n organism e consacré à u n domaine de recherche lié à la production industrielle, le chercheur soit plus sensible qu ’autrefois à l'influence de la découverte scientifique s u r le progrès

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Le progrès des sciences e t celu i des tech n iqu es 71 des techniques. [Plusieurs sciénoeis expérim entales o n t a tte in t e n tre les deux guerres u n niveau élevé de technicité; 'la chimie et la physique nucléaire, l’étude des rayons cosmiques e n so n t d e rem aquables exem ples.

En o u tre la technique a été elle aussi directem ent envahie p a r la science. On p o u rrait in v e rser ce qui a été d it p lu s h a u t e n ce qui concerne les laboratoires dé recherche industrielle. L ’électronique nous en fo u rn it les m eilleurs exemples. Qui p o u rra it d ire si la recherche concernant les sem i-conducteurs, ou plus récem m ent les lasers relè v en t de la science ou de la technique. N otons q u ’il s ’agit là de su je ts relativ em en t lim ités; ce n e sont p lu s des domaines prodigieusem ent vastes comme la recherche spatiale ou la recherche nucléaire. Mai® ce sont encore des su jets qui se tro u v en t à l ’ex trêm e pointe du progrès.

C’est e n songeant à ceux là q u ’o n peut considérer que la trilogie science-technologie-technique s ’est fondue en u n seul complexe qui m algré la disp arité des ses composants présente une certaine homo­ généité.

Il me reste u n e dernière rem arque à fo rm u ler p o u r e n term in er avec la période contem poraine. Si nous descendons de quelques échelons d an s l’o rd re des activités nous voyons la technologie rep ren d re to u te son im portance d ’interm édiaire de liaison. J e n ’insisterai pas beaucoup s u r oe p oint là. H n e nous fau t pas, à chacun ici, u n g ra n d effo rt de réflexion p o u r le constater. J ’a i évoqué to u t à l’h eu re les facteu rs d ’évolution de quelques g ran d es industries, je voudrais n o te r seulem ent q u e les rap p o rts des techniques et de la technologie connaissent égale­ m ent une accélération croissante. Des techniques de production comme le, tissage, la fabrication du papier, rim p rim erie reçoivent constam m ent des innovations qui lui sont transm ises p a r la technologie. J e n e p arle pas seulem ent des fibres artificielles* des m achines continues de papier ou des procédés photographiques, m ais je pense aux fibres collées, a u x qualités de p ap ier telles que le microjelt q u i imiite le papier couché, et a u lum itype pour la composition typographique.

LA NAISSANCE DE LA TECHNOLOGIE

Vous vous souvenez que je vous ai proposé to u t à l’h eu re de faire u n sa u t de quelques siècles. A près avoir essayé d’an aly ser la n a tu re des échanges entre les sciences et les techniques pen dan t u n e longue période où les choses restaien t encore relativ em en t sim ples il m ’a sem blé utile d e faire le m êm e exercice pour la période où la situation est devenue extrêm em ent complexe. A insi ayan t m esuré l’am plitude de ce tte évolution des rap p o rts stiences-techniques n ous pouvons nous dem ander comment s ’est accompli le passage d’u n é ta t à l’a u tre . Il me sem ble que nous pouvons tro u v er la réponse e n p arco u ran t m a in ten an t la période pendant laquelle s ’est effectuée cette transition. C’est la

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période qui a vu n a ître la technologie comme activité interm édiaire en tre les sciences et les tedhniques.

Les historiens des sciences le sav en t bien car il n ’e n est pas u n qui n ’ait cité dans l’un ou l’au tre de ses écrits Agricola, Biringuccio, Tache- nius, Ramelli, ou quelqu’a u tre a u te u r de tra ité technique d u XVIe siècle. La fait qüe m oins d ’un dem i-siècle après l ’apparition de l’im pri­ m erie il y ait eu au tan t d e m atière rela tiv e aux techniques disponible p ou r l’im pression m ontre bien que les techniciens avaient acquis au cours des siècles précédents suffisam ent d’expérience pour ê tre anim és du désir de faire co n n aître à le u rs confrères m oins inform és le fru it de ce tte expérience. L ’im prim erie a apporté le procédé le plus pratique pour assu rer cette diffusion. M ais nous savons que bien avant le XVIe siècle d e nom breux ingénieurs on t inscrit dans des carnets to u t ce qu’ils avaient p u observer et les idées nouvelles de réalisations qui leur venaient à l ’esprit. Il esit curieux d e rem arq u er q u ’au cu n de ces carnets de notes an té rieu rs à l’dnventioin de l'im prim erie n ’a é té édité pair la suite. Ceux d e Léonard n ’ont été im prim és q u ’a u X IX e siècle. A u con­ traire, les ouvrages des anciens e t des polygraphes scientifiques q u i leur ont succédé o n t été im primés. J e n ’en tirerai aucune conclusion si ce n ’est que la m atière était assez abondam m ent traitée p a r les au teu rs du X VIe siècle p o ur que l’on juge in u tile d’avoir recours à leu rs prédé­ cesseurs.

'Que rep résen ten t ces traités sinon une prem ière m anifestation d é la technologie? C’est-à-dire q ue des hommes plus in struits que leis au tres ont écrit des livres susceptibles d ’ap p o rter u n enseignem ent pratique à d ’éventuels utilisateurs. Ces livres sont en général dépourvus d e to u t appareil scientifique. L orsqu’elles apparaissent, les notions scientifiques sont réd uites à le u r plus élém entaire expression. Tout au moins en ce qui concerne les traité s relatifs à la m inéralogie, à l’exploitation des mines e t au x a rts d u feu.

P o ur d’a u tre s m atières, nous constatons déjà une utilisation des données scientifiques avec des résu ltats plu s ou moins heureux. Les traités de chimie p a r exemple, qui deviendront de plu s en plus nom breux au cours d u X VIIe siècle se doivent de p résen ter une p artie théorique, dont les praticiens n ’o n t que faire. C ette p artie théorique sem ble indis­ pensable p o u r don ner u n certain prestige à l ’ouvrage. Les chimistes ne .parlent p as directem ent au x techniciens; ils s ’adressent à un public cultivé e t se contraignent ide fa ire p a rt d e leurs conceptions p articu ­ lières s u r le constitution d e la m atière et îles lois générales q u i président à ses transform ations. Le p lu s ém inent d ’en tre eux, à cette époque, est P aracelse dont l’oeuvre illu stre bien l’influence de la technique su r l’évolution d ’u n e science. P aracelse av ait été élevé dans le même m ilieu q u ’Agricola; en o u tre il av ait fa it des études médicales. Il a transposé

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