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Histoire de la philophile européenne au XVe. s. par Stefan Świeżawski

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Jerzy B. Korolec

Histoire de la philophile européenne

au XVe. s. par Stefan Świeżawski

Collectanea Theologica 48/Fasciculus specialis, 247-257

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C ollectanea Theologica 48(1978) fasc. specialis

JERZY В. KOROLEC, W A R SZ A W A

HISTOIRE DE LA PHILOPHILE EUROPÉENNE AU XV e S.

PA R STEFAN SW IEŻAW SK I

"C haque époque de l'histoire hum aine, quand on la reg ard e de plus près et avec plus d'attention, est pleine de tensions, d e crises, d e douloureux processus de création; au XVe s. cependant, sur le continent européen, ces caractéristiques atteig n en t une in te n sité exceptionnelle". A insi écrit Stefan S w i e ż a w s k i en com m ençant le prem ier chapitre de sa m onographie de plusieurs volum es consacrée à l'h isto ire de la philosophie du XVe s. en Europe1. C ette m onographie a pour but de dém êler les processus em brouillés de la vie in tellectu elle d 'u n e époque que l’on a pris l'habitude de qualifier de to u rn an t dans l'histoire de l'art, d e la litté ra ­ ture, et aussi de la philosophie. Et en effet, le XVe s., fut u n tournant; d’un autre côté, s'il s’agit évidem m ent de l'histoire de la philosophie, car c'est d'elle qu'il est question, c'est une époque de continuité de bon nom bre d ’élé­ m ents dont les uns ont surgi au XIIe s., tandis que d'autres datent de l'époque de la form ation des grands systèm es scolastiques, c.à.d. de la philosophie du XIIIe s. ou des courants critiques et sceptiques du XIVe s. L'A uteur a conscience de la différence de ces deux attitudes, des deux regards que l ’on peut poser sur le XVe s.; l'un souligne le poids du changem ent qui a affecté toute la culture hu ­ maine; l'au tre s'obstine à p arler de la continuité des processus culturels. L’A uteur a donc posé le problèm e en englobant la vie spirituelle de ce splendide XVe s. dans toute la com plexité de ses phénom ènes, en quel sens on peut parler de con­ tinuité, en quel sens de ru p tu re absolue. En posant le problèm e de cette m anière, l'A u teu r s'efforce de décortiquer dans les déclarations des différents penseurs ce qui rev ie n t à la tradition et ce qui relèv e de la nouveauté. De cette m anière il s’efforce de p ro jeter la lum ière sur le processus com pliqué des transform ations de la connaissance philosophique de ce temps.

C ette conception du problèm e est devenue Taxe principale autour de laquelle l'A uteur n 'a pas seulem ent disposé les riches m atériaux am assés au cours de longues et laborieuses lectures, mais il a su rtout porté une appréciation sur les déclarations des différents philosophes de l'époque, tout en essayant de dénouer le noeud où s'em brouille ce qui est nouveau et ce qui est ancien. Cependant l’auteur de l'H istoire de la philosophie n 'e st pas seulem ent sensible à la vue des grandes tensions du XVe s. q u ’un chercheur avisé peut retro u v er dans une même oeuvre philosophique; il s ’efforce égalem ent de faire ap p a raître les différents phénom ènes de la vie in tellectuelle dans l'espace et dans le temps. L'Italie p. ex., et su rto u t Florence, était le berceau des hum anités, mais les phénom ènes m anife­ stant l'in té rê t littéraire n ’apparaissent pas en même tem ps dans d 'a u tre s centres de la v ie intellectuelle, p. ex. au nord des A lpes, et même à Padoue, la pensée

1 Stefan S w i e ż a w s k i , Dzieje filozofii europejskiej w XV w ie k u (Histoire de la philosophie européenne au XVe s.), W arszaw a, A kadem ia Teologii K ato­ lickiej (L'Académie de Théologie C atholique), vol. I: Poznanie (La connaissance), 1974, 447 p.; vol. II: W iedza (La science), 1975, 408 p ; III: Byt (L’être), 1978, 540 p.

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philosophique conservait sa forme scolastique et encore très schém atique. Le phénom ène de la transform ation s'y m anifestait sous une forme différente et à un au tre moment: on peut le co nstater soit dans un ren o u v eau de courants néo-pla­ toniciens ou dans le développem ent de l'esprit astronom ique, ou même dans la devotio inöderna développée dans le nord de l’Europe.

On pense d'habitude que les autres centres avaient du reta rd par rapport à Florence. Saisissant la com plexité des phénom ènes, l'A uteur évite ces sim pli­ fications excessives et v o it la d iv ersité des courants d e l'évoluttion de chacun des centres de la vie scientifique et apprécie le sens de la fluidité' d è ‘la. population et de la pénétration des idées.

L'ouvrage, qu'on p révoit en 7 tomes, a attein t la m oitié de la réalisation. Dans chacun d ’eux a été ou sera tra ité un groupe diffèrent de problèm es. Le prem ier tom e en est en quelque sorte l'introduction, dont la prem ière p artie tra ite des problèm es généraux de la vie in tellectuelle de l'époque; la deuxièm e touche au problèm e de la connaissance et de la cognition. Le deuxièm e tome, en ce qui problèm es généraux de la vie in tellectuelle de l'époque; la deuxièm e touche au problèm e de la science. Les trois tom es suivants ont pour centres d 'in térêt l'être , Dieu et l’univers. Les deux derniers p ar contre sont centrés sur les problèm es humaiiis où l’on abordera les questions anthropologiques et les re la ­ tions in te r hum aines, c.à.d. l'éthique au sens large du term e.

Dans l'introduction au prem ier tom e l'A u teu r se rése rv e le droit de changer ce plan. A ctuellem ent cependant, au moment où le cinquièm e tom e de cet ouvrage de grande envergure est term iné, où le troisièm e tom e se tro u v e ra bientôt dans les librairies et où les trois prem iers sont à la disposition des. lecteurs et enrichis­ sent l'atelie r des historiens de la philosophie, il est évident que le program m e annoncé dans le prem ier tom e est réalisé avec esprit d e suiite. O n peut ainsi cares­ ser l'espoir que les deux tomes qui n 'ont pas encore été é c rits s'occuperont dès groupes de problèm es annoncés dans l'introduction.

En p résen tan t le prem ier tom e de cet ouvrage d ’envergure, il convient de s'in­ téresser aux problèm es généraux et plus particuliers, qui constituent l'o b je t des tom es déjà édités. Ces problèm es constituent en quelque sorte la définition des différentes perspectives qui perm ettent de déceler les changem ents intervenus. Ce sont les problèm es; M oyen A ge et tem ps nouveaux, Oècddent et O rient, cor­ pus m ysticum et corpus politicum , scolastique et hum anism e, universitas studiorum et nouvelles form es intellectuelles, universalism e et particularism e des O rdres.

Le XVe s. est celui où l'on a commencé à se rendre com pte de la dim ension du m onde et bien que l'horizon géographique reste encore lim ité (c'est au XVIe s. que les h abitants de l'Europe ont pris conscience de la m ultiplicité des civili­ sations), c'est au XVe s. que par suite de la prise en Byzance par les Turcs le con­ ta c t avec le m onde m usulm an est devenu plus proche. Un autre fait qui a ouvert la porte à une autre culture, c’est le rapprochem ent des Eglises d'O rient et d'Q ecident, une prise de conscience plus profonde de l'accord, .de l'oecum énie des d eux Organismes, bien plus, une prise de conscience de l'u n ité des religions mo­ nothéistes, donc du judaïsm e, de l'islam et du christianism e en face du paganism e

renaissant.

Le XVe s» est égalem ent l'époque où le point central de la vie en Europe est p assé au nord et à l'est. Les pays de l'Europe centrale s'épanouissaient économ i­ quem ent e t culturellem ent, alors que les centres traditionnels de la vie in tellec­ tuelle, comme Paris, p erd a ien t de leur vitalité, pendant que le long conflit poli­ tiq u e freinait le développem ent de la vie dnttellectuelle. C hangeait la carte géo­ graphique de la vie in tellectuelle du continent qui, vers la fin du XIVe s. et au XVe s. com m ençait à p ara ître aux contem porains de dim ension différente, bien plus vaste. ...

Le XVe s. en ta n t que siècle des vastes changem ents est considéré de diffé­ rentes m anières. Il est v u autrem ent par ceux qu'in téresse le M oyen Age; pour ceux-là, le siècle est une époque de décadence; ét autrem ent par les spécialistes qui découvrent les secrets de la vie scientifique et culturelle contem poraine; pour ceux-là, au XVe s. naissent les germ es de la nouveauté. Et cependant, durant cette

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époque de m utations, le nouveau et le m oyenâgeux sont entrelacés en un ensem ­ ble d'un grand processus com pliqué d e transform ation. Les connaisseurs des temps nouveaux, en cherchant les sources de la pensée m oderne, se détournaient des tex tes scolastiques incom préhensibles et ne p erm ettant pas de com prendre la nouveauté; les investigateurs de l'époque du M oyen Age, tout en jugeant positive la renaissance de la culture littéraire voient dans la R enaissance une décadence de la philosophie et les tex tes écrits modo scholastico sont pour eux peu créa­ teurs et peu intéressants. Les uns et les autres connaissent le XVe s. partiellem ent, et les conclusions générales tirées de réflexions partielles ne sont que p artielle­ m ent vraies; les u ns et les autres ne connaissent ce siècle que d'une m anière frag­ m entaire. L’A uteur constate différentes m anières de juger cette époque. E. G â r i n prend la défense de la spécificité de la Renaissance, tandis que p. ex. T. G r e g o ­ r y , P O. K r i s t e l l e r , J. H. R a n d a l l soutiennent dans leurs oeuvres que la continuité de la vie in tellectuelle au XVe s. est un fait, et comme l'affirm e H. B u t t e r f i e l d , la ligne de l'évolution de l’histoire de la culture intellectuelle a ses racines au XIIe s. Dans son livre, S. S w i e ż a w s k i , bien qu'il voie la différence et la spécificté de la Renaissance, est p artisan de c e tte dernière te n ­ dance, qui n e reconnaît pas une ru p tu re aussi nette, s'opposant ainsi à E. G a r i n. Dans le titre figure le XV? s., mais les frontières des phénom èmes de la vie intellectuelle dont parle S. S w i e ż a w s k i ne p euvent se lim iter aux années 1400—1499. Car en parlant du XVe s. on ne peut ignorer des phénom èm es de la vie in tellectuelle aussi im portants que l'influence de W i с 1 e f et tout le courant hussite, on ne peut ignorer ce qui s'est passé dans les m ilieux de Prague, de Vienne, et les débuts de l'U niversité de Cologne. Q uand on parle du XVe s., on est Obligé d e rem onter jusq u 'au m ilieu du XIVe s. et on n e peut non plus s’a rrê­ ter à l’année 1500, car p. ex. Nicolas K o p e r n i k , qui a vécu une p artie de sa vie au XVe s., a exprim é ses idées essentielles au XVIe s. La division en périodes en usage dans l'histoire n 'a qu'une valeu r auxiliaire; elle ne saurait se soum ettre les savants qui étudient les changem ents intervenus dans la vie économique ou intellectuelle.

S. S w i e ż a w s k i , regardant le XVe s. avec la perspective de ce qui s'est passé avant 1400 et après 1500, de ce qui était la conséquence des processus de l'évolution, n 'av a it pas à respecter aveuglém ent les cadres imposés par le ca­ lendrier.

En écrivant sur le XVe s., il convient d 'attire r l'attention sur un problèm e im­ portant dont p arle S. S w i e ż a w s k i dans son livre. I l s'agit de l'im portance des courants laïcs dans l'évolution de la culture, dont l'im portance est tellem ent sou­ lignée par E. G a r i n. Comme le soulingne S. S w i e ż a w s k i , un grand m érite en rev ien t aux courants païens. Ils n e m onopolisent pourtant pas la vie intellec­ tuelle; ce siècle était égalem ent un siècle de renouveau de la vie religieuse et de l’évolution de la théologie. Ce qui caractérisait cette vie spirituelle, c'est certain e­ m ent un éclectism e issu de la tendance à l'unité si caractéristique de cette époque. Voici ce qu'écrit S. S w i e ż a w s k i du phénom ène de l'éclectism e en se servant de l'exem ple de Je an M a i r e qui, selon les spécialistes, évoluait avec une grande indépendance et lib e rté au m ilieu de toutes sortes d 'orientations de la haute éru­ dition: "L'érudition conçue au sens le plus large, et avec cela la science ne dé­ daignant aucun détail, devient chez les savants de l'époque le trait caractéristique constaté de plus en plus fréquem m ent dans leur création, mais comme idéal du savant ne devait pas être considéré le froid encyclopédiste, mais quelqu'un qui savait unir l'im m ense richesse des connaissances concrete et la chaleur et la pro­ fondeur de la vie spirituelle".

Le siècle des changem ents a égalem ent changé le type de la création littéraire. Ce n ’est pas l’époque des grandes sommes et ce qui était le plus rév élateu r et le plus in téressan t ne figurait pas en note m arginale de la lecture ou de la discus­ sion du te x te d'A r i s t o t e ou des Sentences de P i e r r e L o m b a r d ; mais on peut trouver nom bre de réflexions philosophiques en m arge des sermons, des tra i­ tés de m édecine, d'astrologie, C ’est pourquoi, l'histoire de la philosophie ne peut pas ne pas prendre en considération la litté ra tu re des zones frontières. Ce n ’est

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pas tout. Le XVe s. a considérablem ent étendu la connaissance des textes; dans les bibliothèques d'alors se tro u v en t p. ex. tous les Dialogues de P l . a t o n, les Enéades de P I о t i n et nom bre d'oeuvres pseudographiques de néo-platoniciens.

Une connaissance plus approfondie du neo-platonism e, e t aussi la vie d'alors, ont eu pour résu ltat que s'est allongé le catalogue des problèm es philosophiques, surtout concernant l'anthropologie et la m orale. O nt attiré l’attention des problèm es tels que le beau, l'am our, l’honneur, la m oralité, la noblesse, la richesse; le problèm e de l'éducation des princes in téressait de plus en plus les savants; la philosophie pratique prenait de plus en plus d'im portance; en o utre, bien des penseurs se détournaient de la m étaphysique pour rechercher dans la m ystique des solutions aux problèm es qui ies tourm entaient. Les contem porains s'adonnaient aux réflexions sur la philosophie de la n atu re et à la théologie na­ turelle. Mais ce qui est le plus im portant et le plus caractéristique d e c e siècle, ce sont les d éclarations sur l'anthropologie, les réflexions sur la dignité, la liberté de l ’homme, l’am our et l'im m ortalité de l'âm e et le problèm e de l'intellect qui leur est lié.

Comme nous l’avons déjà rem arqué, S. S w i e ż a w s k i pense que l’horizon s'est élargi. Dans la vie de l'O ccident un grand rôle revient à l'O rient Byzantin, et aussi à l'échange réciproque de la pensée et des oeuvres entre ces deux sphères culturelles, ce qui se développa encore après la prise de C onstantinople par les Turcs. L’Italie recueillit l'ém igration intellectuelle de Byzance qui reçut un accueil am ical p. ex à la cours d ' A l p h o n s e V, roi de N aples. O n ne peut non plus oublier le rôle de В e s a r i o n , qui entoura à Rome d e sa protection les Grecs qui avaien t q uitté leur p atrie et rech erch aien t des mécènes. Ce n 'é ta it cependant pas le début des contacts entre l'O rient et l'O ccident. Ces échanges avaien t des traditions plus anciennes que le m ilieu du XVe s. Il n e s'agit pas ici de l'époque où le m onde la tin découvrait l ’o eu v re d’ A r i s t о t e et celle de bien d'autres écrivains antiques; il s'agit de la fascination q u 'exerçait l'O rient grec et ceci déjà du tem ps de P é t r a т q u e. C e penseur possédait un exem plaire des D ialogues de P l a t o n qu'il ne pouvait po u rtan t pas lire faute d e connaître le grec. P l a t o n fascinait l'Ô ocident, c'est pourquoi Coluccio S a l u t a t i et Giacomo A ngeli d e S c a r p e i a se rendirent spécialem ent à Byzance pour y acquérir l'ensem ble de Toeuvre du fondateur de l'A cadém ie. Le platonism e et le néoTplatomsme, porteurs du tréso r de l'éternelle théologie, comme écrit S. S w i e ż a w s k i , p ortaient le sceau de l'O rient et ils ont été transplantés et rendus fam iliers en O ccident, et avec eux, le corpus herm eticum ou les fragm ents orphiques. Mais à l'O ccident du XVe s. ne suffisaient plus les traductions; le grec d ev e n ait de plus en plus fam ilier et par le fait m êm e le m onde la tin avait accès plus large et plus direct à la litté ra tu re grecque. C ette connaissance de la langue de S o c r a t e et d 'A r i- s t о t e ne se b o rnait pas alors à la science de la lecture; ainsi à l'académ ie d 'A 1 d i n d e V e n i s e à la fin du XVe s. et à Padoue on traitait des oeuvres. d'A r i s t о t e dans leur langue originale. S. S w i e ż a w s k i ne se lim ite pas à ces deux exem ples; il les m ultiplie, sur la liste de ceux qui connaissaient cette langue on peut tro u v er non seulem ent les hum anistes les plus connus de Bologne ou de Florence, mais aussi des savants enseignant à Paris, à Bâle, à H eidelberg ou à Leipzig.

A côté de la connaissance du grec, ou p lutôt parallèm ent à celle-ci, est approfondie en O ccident la culture de la rhétorique, et une m anière différente de celle du M oyen Age d e tra ite r 'des textes philosophiques. P. ex. A r i s t o t e se tro u v e en quelque sorte dégradé. Pour les penseurs de la Renaissance il a cessé d'être le Philosophe, il est devenu l'un des philosophes. Ses oeuvres com mencè­ rent à être traitées non comme des sources d'une v érité philosophique intoucha­ ble, m ais comme des traités de philosophie issus de conditions historiques préci­ ses. Le XVe s. a donc privé A r i s t o t e d e l'au to rité dogm atique dont il avait joui au M oyen Age, et la connaissance des oeuvres de P l a t o n a provoqué la confrontation des idées des deux grands parm i les plus grands. Gomme le recon­ n aît S. S w i e ż a w s k i , cette confrontation cependant a abouti à un syncrétism e platonico-aristotélicien plutôt qu'à une lu tte ouverte des deux systèm es. Q uand on

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parle des relations de l’O ccident et de l'O rient, il faut ajo u ter une rem arque. S w i e ż a w s k i souligne l'im portance de l'O rient dans l'accueil des tram es h er­ m étiques et pythagoriciennes qui, se tro u v an t en dehors de l'orthodoxie, ont souvent conduit à l'ésotérdsm e hétérodoxe.

A u seuil du XVe s. l'Eglise d'O ocident a vécu une profonde crise de la struc­ ture (1309—1377 exil à A vignon; 1378— 1415 schism e d'O ccident) et durant le XVe s. lui-même on a v u une nouvelle p ériode d'éclatem ent (1440—;1447). L'Eglise se trouvait dans le chaos, mais dans le chaos se trou v aien t égalem ent les organism es d'états, p. ex. l'A ngleterre et la F rance épuisées par les famines et les épidémies qui o n t accom pagné la G uerre de C ent Ans.

Des conciles oecum éniques avaient essayé de rem édier à la situation de l'Eglise, ce qui provoqua des controverses au sujet de la prim auté dans Eglise, de la supériorité du concile ou d u pape, et même des discussions sur l'institution de l'Eglise elle-même. On posait la question de savoir de quelle m anière il fallait concilier la conception de l'Eglise en tan t que corpus m y stic u m avec celle de l'Eglise en ta n t que c orpus p o liticu m . La différence de com préhension de l'in sti­ tution de l'Eglise avait sa répercussion dans la m anière de com prendre l'hérésie. Mais même le m al et la corruption de la structure de l'Eglise com prise comme institution politique conduisait à la reprise de la v ie religieuse, à la mise en re ­ lief de l'Eglise com prise comme corps m ystique. Ceci eut роит résu ltat la form a­ tion de nom breux groupes de fidèles qui, de l ’avis de bien des théologiens, v i­ vaient à la lim ite de l’orthodoxie et qui souvent dépassaient cette limite.

Tout ceci se passait au m om ent où grandissait la confrontation entre ce qui était scolastique et ce qui était hum aniste, ce qui so rtait de la structure et des habitudes des écoles et ce qui le rejetait, et pas seulem ent en Italie, soit l'in térêt pour l'homme et la langue dans laquelle il exprim ait sa pensée. C ette opposition était-elle cependant aussi tranchante, et les uns et les autres ne puisaient-ils pas aux mêmes sources? S. S w i e ż a w s k i cite différents exem ples qui contredisent la forme tran ch an te de cette opposition d 'attitudes; il traite p. ex. des différentes m anières de m ettre en valeur les points de vue d ' A r i s t o t e e t d ’ A v e r r o è s , ta n t par les hum anistes que p ar les soolastiques. Une telle арртосЬе, de l ’avis de S w i e ż a w s k i , indique une relation p articulière de la scolastique e t de l'hu­ manisme; la prem ière ne servait-elle pas de m atière aux hum anistes, m atière qui avait été digérée par eux? Evidemment, chacun des centres intellectuels entrait au XVe s. avec un bagage différent de la pensée scolastique. On n e peut pas com­ parer Florence à Paris, ni même à Padoue. Il n'en reste pas moins que d é jà chez les prem iers représentants de l'hum anism e florentin, p. ex. dans Toeuv.re de Co­ luccio S a l u t a t i , on peut retro u v er des influences précises du scotisme. Mais ce représentant, un des prem iers de la pensée de la Renaissance, n 'éta it pas le seul à avoir été influencé p a r la scolastique. A côté de Coluccio on peut citer égalem ent M arsile F i с i n, Pic d e l a M i r a n d o l e , pour qui la m anière sco­ lastique d'exposer et de discuter avait une valeu r incontestable. Tous les penseurs ne m anifestaient pas u n e attitude ouverte; ils défendaient, en m ajorité, leur m a­ nière de penser scolastique ou hum aniste. D 'un autre côté, la réa lité était bien plus complexe; sous le concept de l'hum anism e se cachaient en réalité différentes m a­ nières de penser. Les stu d ia h u m a n ita tis sont des études du dom aine de la langue (grammaire, rhétorique, poétique) et de la m orale fournissant les m atériaux n é­ cessaires à l'homme pour sa vie de m em bre de la société e t de citoyen et роит diriger une chancellerie. Mais ce n ’était pas la seule façon d e com prendre l'h u ­ manisme, Le term e de stu d ia h u m a n ita tis voilait égalem ent l'ensem ble de l'enseig­ nem ent de cette science qui perm et à l ’homme de se "cultiver" tout entier, corps et âme. Ces études étaient, et ici ré a p p a ra ît le nom de Coluccio S a l u t a t i , des études sur le langage hum ain qui p erm ettent à l'hom m e de connaître l'ensem ble des choses divines et hum aines. Les stu d ia h u m a n ita tis se rattach a ie n t ainsi aux stu d ia d iv in ita tis, ou comme le disait E r a s m e d e R o t t e r d a m , étaient égalem ent com prises comme une praeparatio eva n g elica .

Etait-il possible, à ce moment, d 'être en même tem ps philosophe et philologue? Selon S w i e ż a w s k i , un tém oignage d'une telle possibilité nous est fourni

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par B e s a r i o n, H erm olaus B a r b a r o , comme par С a j é t a n Ils ne sont pas une exception, mais les hum anistes n'o n t pas toujours rem pli les conditions qui p erm ettraient de les appeler philosophes. La création hum aniste ou des hu ­ m anistes comme on le dirait aujourd'hui prenait différentes formes. Pour l’hu­ manism e littéraire l'id éal était constitué p ar le rhéteur, ou comme l'affirm e Leonar­ do B r u n i par „l'homme en ta n t que citoyen parfait". A Paris, m algré l'influence de Florence, l'hum anism e avait un caractère théologisant; à Prague le retour à l'A ntiquité, ou plus exactem ent au néo-platonism e avait pour but la réform e de l'Eglise, alors qu'en H ongrie, sous la puissante protection du roi M atthias С o r v i n , se développaient non seulem ent la littérature, mais encore l'astronom ie et les m athém atiques. L'hum anism e du XVe s. n 'av a it pas un visage unique façonné à Florence. Le changem ent qui s'est effectué en Europe dans la m anière de penser et de s'exprim er, le changem ent m ettant en relief les valeurs hum aines d an s différents centres rev ê tait différentes formes. Florence était le m odèle de la forme et de l'élégance, à Florence s'est réalisé le retour aux formes et à la beauté nées de l'A ntiquité. Même si les autres ce n tres étaient éloignés de cet idéal, cela ne signifie nullem ent que le courant hum aniste leur était étranger et q u ’ils étaient dominés par la pensée scientifique et philosophique exprim é m ore scholastico.

Les savants qui étudient les changem ents de la pensée et l ’histoire de la con­ n aissance n e peuvent pas se lim iter à ce qu'on appelle les bonae litterae. Les raci­ nes de ces changem ents se tro u v en t égalem ent dans la pensée de D u n s S c o t . Ce sont seulem ent des exem ples. Dans l'ou v rag e de S. S w i e ż a w s к i on peut tro u v er bien d 'au tres faits qu'il retien t et qui tém oignent de la m ultiplicité de la pensée hum aniste. Les idées prônées par les hum anistes, les arts pratiqués par eux avaient cependant besoin de leurs propres formes d'organisation. La vie intellectuelle en Europe aux XIIIe et XIVe s. s'épanouit surtout dans les centres universitaires. A u XIIIe s. Paris était en quelque sorte la M ecque de la vie in ­ te llectuelle d'Europe; au XIVe s. la science était cultivée avec autant de succès dans toute l'Europe occidentale et centrale, mais ceci se passait à l’in térieu r des murs universitaires; au XVe s. ces formes s'av é rè re n t insuffisantes et grâce au m écénat com m encèrent à se form er des groupes de savants s'occupant des pro ­ blèmes hum ains conçus de la m anière la plus large, tandis que la forme de la discussion scolastique fut rem placée par la forme libre d'une conversation condui­ te d'après les principes de la rhétorique ornée d ’un style élégant. Le XVe s. avait commencé sur une grande échelle le processus de l'expansion de la grande science; le XVe s. Га conduit à sa pleine réalisation. Paris, Bologne, Oxford perdirent leur monopole, tout le m onde latin fut couvert рат un ensem ble d'écoles et d'u n iv er­ sités. Ceci eut une influence sur la crise de l'universalism e et la création de différents particularism es n ationaux régionaux. De cette m anière l'Europe in ­ te llectuelle acquit une face nouvelle. Les structures universitaires d evinrent aussi les vecteurs d'un autre processus: grâce à elles la science est d evenue de plus en plus une possession de groupes sociaux plus étendus, les centres universitaires rem plissaient de plus en plus la fonction de form ation tran sm ettan t à u n e échelle plus vaste différentes idées qui façonnaient les attitudes aussi bien que les idées. P rogressait le processus d'idéologisatioo de l’Europe d irigé p. ex. dans le cas de l'ardstotélism e chrétien p ar les autorités de l'Eglise. Ce courant essayait de lim iter la réflexion individuelle qui p ouvait n aître en m arge de la lecture des oeuvres du S tagyrite et, qui plus est, il essayait de rép an d re les interprétations orthodoxes em brouillées p ar suite du long processus de rédaction et des insuffisances de la trad u ctio n des oeuvres du Philosophe. Le but ainsi précisé changeait de to n te évidence le rôle de la discussion scolastique; il essayait égalem ent des m anuels d'un au tre genre, c.à.d. fournissant des m atériaux à assim iler et non pas un ensem ­ ble de problèm es qu'il fallait discuter personnellem ent. A n'en pas douter, c'est une des faces de ce tableau à plusieurs plans. En adoptant une autre perspective on peut n oter un phénom ène de plus en plus universel du changem ent d e la forme de l'enseignem ent. L'exposé est rem placé de plus en plus p ar le discours, et les traités des savants du XVe s. perdent les formes traditionnelles de la littératu re scolaire, prennent une nouvelle forme littéraire et une partition différente bien

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caractéristique. A u lieu de schém as littéraires scolastiques, de questions et d'ex­ posés, on retrouve d an s les ouvrages de nom breux penseurs les divisions et sous- -divisions qui créent une arc hitecture différente de la construction de l'oeuvre littéraire, reposant sur une dięision te rn a ire ou quaternaire. A côté de ces nou­ velles formes n aît égalem ent une nouvelle forme de prédication qui constitue une autre forme de transm ission de la pensée à une échelle sociale plus grande.

Parmi ces formes d'expression et de transm ission différentes des formes sco­ laires, S w i e ż a w s k i attire l'atten tio n sur l'A cadém ie P latonicienne de Florence qui a introduit la forme de la réunion scientifique, en quelque sorte un sém inaire, à laquelle seuls étaient admis les élus. Les invités de la villa C areggi constitu­ aient en quelque sorte le cercle des initiés fascinés par la grandeur de P l a t o n , et à la recherche de la v érité dans les oeuvres issues de la tradition herm étique pythagoricienne. Ce type de tra v a il scientifique si différent du trav a il scolastique ne se pratiquait pas uniquem ent à Florence. A u XVe s. on peut trouver à Rome, à V enise et à N aples, des sém inaires scientifiques de ce genre, caractérisés par l'échange libre de la pensée. Un grand rôle revient égalem ent à l'invention de l'imprim erie. Le livre, qui av a it été quelque chose de cher et de difficilem ent acces­ sible, a changé sa forme de production et pouvait être mis à la disposition de cercles plus larges in téressés à acquérir des nouvelles.

Et encore une prespective de laquelle on peut considérer ce siècle de chan­ gem ents .Dans ce processus un grand rô le revient aux O rdres qui apportaient leur bagage de particularism es, mais aussi un énorm e bagage d'universalism e. Les écoles des O rdres, surtout celles des dominicains, tenaient une grande place dans la vie intellectuelle. Les studia generalia (p.ex. Cologne) étaien t des em bry­ ons de futures universités, ils se ca ractérisaient par le fait que pour résoudre les questions essentielles on faisait appel à l'au to rité de m aîtres dont la doctrine p énétrait l'enseignem ent intellectu el et p astoral de tout un O rdre. T h o m a s d ' A q u i n , D u n s S c o t , A l b e r t l e G r a n d — ceci se passait surtout au XVe s. — avaient leurs successeurs, exégètes, ceux qui répétaient leurs thèses essentielles. De cette m anière leurs doctrines acquéraient de plus en plus de popularité, tout en p erdant en profondeur. Ce rôle im portant de propagande était rempli surtout par les O rdres m endiants, dominicains et franciscains qui, parallèlem ent à leur activité in tellectuelle et pastorale, entretenaient de longues polémiques, p. ex. sur l'im m aculée Conception, le sang du Christ, la prédestination, la grâce, etc...

En écrivant son opus vitae, S. S w i e ż aw s к i s'efforce de situer dans ces perspectives les différents problèm es que l'on trouve dans les trois tomes déjà édités, et que l’on pourra certainem ent retro u v er dans les tomes qu’il lui reste à écrire.

Le prem ier tom e est consacré à la présentation des perspectives sous lesquel­ les on peut considérer le XVe s., mais égalem ent au problèm e de la connaissance. A u chap. 1er de la Ile p artie de ce tome, S w i e ż a w s k i traite de la discussion sur A r i s t o t e . On y parle d e l'au to rité dont jouissait le Stagynite parm i ceux qui étudiaient ses oeuvres en pensant plus d'une fois que la v érité correspondait à ce qu'enseignait le M aître du Lycée. Dans l ’un des quelques chapitres de la IIe partie du Tome I, il est question de la crise du rationalism e; un autre est consacré au processus d e la connaissance, un autre au problèm e de la v érité et du faux. La réflexion sur la connaissance prend fin au chapitre où il est question de divers aspects de la querelle des Anciens et des M odernes, querelle des deux via antiqua et via m odernorum.

Le dernier chapitre du tom e I est en quelque sorte une introduction au tom e II qui, dans son entier, est consacré au problèm e de la science, de ses différents aspects, de son acquisition, de ses divisions, de la querelle sur la priorité des différentes disciplines, du rôle de la rhéto riq u e et de la dialectique, de l'im portance de la philosophie et de la théologie, et aussi au problèm e de la connaissance générale qui est en quelque sorte la clef des autres dom aines de la connaissance humaine.

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Il n 'e st pas possible de passer en rev u e tous les problèm es particuliers abordés p ar S w i e ż a w s k i dans le Ile tom e de son ouvrage. Il nous faut nous lim iter à un de ces problèm es, à la p résentation sous forme d'esquisse, de la querelle de la rhétorique et de la dialectique. C ette dernière av a it une place particulière dans les centres u niversitaires en expansioni elle é ta it devenue la prem ière science du trivium , où elle serv ait d'instrum ent aux autres. A toutes les autres? Je an G e r s o n n 'a pas été le prem ier à l'exprim er: il a été le porte- -parole de la tradition parisienne. Il pensait qu'il ne fallait pas user dans les sciences pratiques de principes élaborés par la dialectique, étant donné qu'ils peuvent être em ployés uniquem ent dans les sciences théoriques. A son avis, la logique possède un double caractère: d'une part, elle sert aux sciences spé­ culatives, d ’autre part à la m orale. A lors que la prem ière se sert du raiso n n e­ m ent, la seconde em ploie la persuasion propre à la rhétorique. G e r s o n n 'é ta it pas isolé dans ses vues sur la d u alité de la logique; il rep ren ait l'enseignem ent de Jean B u r i d a n et de son école. Ce point de vue était p arta g é par d'autres, p. ex. Lorenzo V a l l a , Coluccio S a l u t a t i , E r a s m e d e R o t t e r d a m . Cet antidialectism e était p eut-être l'un des courants les plus caractéristiques de l'époque. En théologie p. ex. il é tait lié à la devotio m oderna qui prêchait le renoncem ent aux constructions artistiques de la théologie scolaire nourrie de la substance dialectique. La critique de la dialectique avait sa source dans le développem ent des études philologiques et historiques, du courant critiquant les barbarism es de la langue scolaire, et aussi dans le courant de la pure contem pla­ tion m éfiante envers les constructions logiques. L’hypertrophie de la dialectique suscitait l'opposition non seulem ent des hum anistes, mais encore des penseurs qui s'adonnaient à la philosophie dans l’esprit réaliste, qui, quand il s’agit de la théologie et de vie religieuse, m anifestaient des tendances réform atrices.

En critiquant la dialectique les hum anistes la reje taien t en quelque sorte en ta n t qu'instrum ent et se tournaient vers la philologie visant à créer une nouvelle culture philosophique. Ils pensaient que c'était la philologie et non la dialectique qui d evait se subordonner la philosophie.

La ren aissan ce de l'antique latin n e perm ettait plus de barbarism es, et dans tous les cas, on essayait de les lim iter et ils ne pullulaient plus dans les textes scolaires. Mais ce n 'est pas seulem ent le la tin qui v ivait ses grandes journées; on s ’intéressait vivem ent aux langues du passé (grec, hébreu) et on commen­ çait à apprécier les langues nationales. C 'est du XIVe et du XVe s. que d aten t d'intéressants traités dans les langues ancien flam and, ancien français ou ancien tchèque. L 'intérêt porté à la philologie n ’avait, pas de relation avec le développe­ m ent de la gram m aire spéculative, mais c’est à lui que revient la propagation du style de la parole écrite o u parlée. D’où le rô le particulier de la rhétorique, science qui était utile non seulem ent aux orateurs et aux chanceliers, mais aussi aux prédicateurs qui par l'interm édiaire de la persuasion rem plissaient leurs fonctions d'enseignem ent. C ette suprém atie de la rhétorique était soumise, elle aussi, à la critique. L é o n a r d d e V i n c i reprochait p. ex. à S a v o n a r o . l e de ne pas viser à guériir la vie m orale, mais de la déform er et de la rendre superficielle. Il pensait que le célèbre p rédicateur offrait dans ses assertions une philosophie superficielle à l'usage des hum bles et des pauvres d’esprit.

Le tome III de l'ouvrage de S. S w i e ż a w s k i touche aux problèm es les plus fondam entaux, l'ê tre en est l’objet. L'A uteur p résente les conceptions p lu ­ ralistes et m onistes de l'être, le réism e et p arle de la m étaphysique et de ses fonctions dans ia vie intellectuelle de ce temps, des transform ations de cette discipline centrale de la philosophie. Nous allons nous intéresser d'une m anière • spéciale à ce dernier problèm e, car la caractéristique des changem ents de ce fondem ent de la philosophie p résentée par Ś w i e ż a ws k i est très im portante pour la com préhension des changem ents qui sont intervenus dans la pensée du XVe s.

Je an D u n s S c o t a introduit dans la m étaphysique d'autres distinctions des propriétés de l'être que c e qui é ta it en usage jusq u 'au moment de son entrée en scène. Il parlait de l'infini et du fini, et la perspective d'une telle vue de

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l'ê tre répondait à la vision néo-platonicienne de La réalité, telle que professait p. ex. Eimeric d e С a m p о ou N icolas d e С u s e ou encore M arsile F i с i n. Pour ce dernier p. ex. la perfection infinie trouve sa place dans la hiérarchie au-dessus de l'être. C ette vision hiérarchique néo-platonicienne de la réalité était ie tra it caractéristique de l'époque antérieure, mais au XVe s. la vigueur de ces courants devient vraim ent caractéristique et on peut la tro u v er avec n e tte té p. ex. dans la Théologie P latonicienne de F i с i n. Pour ce dernier, le plus sûr exposé de l'enseignem ent de P l a t o n ne se trouve que dans l'enseigne­ m ent de P 1 o t i n, avec c e tte rem arque que les hypostases de P 1 o t i n subissent dans F i с i n une n e tte christianisation. De cette m anière ce rep résen tan t du courant m oderne dans l'histoire de la pensée du XVe s. a réuni les traditions du néo-platonism e classique et les acquisitions de la pensée chrétienne. On peut retro u v er égalem ent ce gradualism e néo-platonicien dans l'oeuvre de Pic d e l a M i r a n d o l e ; celui-ci parle de la continuité ininterrom pue d'êtres g ra ­ dués quant à leur perfection que l'on peut tro u v er dans le cosmos: c'est une suite ayant sa source dans l'u n ité et le but de sa dernière tendance en elle. Chaque degré de l'être, selon lui, iTradie et pénètre de soin activité le degré inférieur. En un c e rta in sens Pic a cependant trahi le principe néo-platonicien qui situe dans la hiérarchie du m onde l'u n ité au-dessus de l'être. Selon cette conception Dieu-Unité n 'est pas com pté dans la catégorie de l'être; par le fait même est coupée la racine de la m étaphysique en ta n t que philosophie tra ita n t de Dieu. Une telle philosophie de l'ê tre lim itait les possibilités m étaphysiques d 'attein d re Dieu, les ren d an t accessibles uniquem ent aux voies de l'expérience m ystique. Pic d e l a M i r a n d o l e n 'é ta it pas d'accord avec une position aussi radicale; il s'est efforcé de dém ontrer que P l a t o n , A r i s t o t e , T h o m a s d'A q u i n sont d'accord pour reco n n aître l'interchangeabilité des catégories de l'ê tre et de l'unité. P arlan t de Pic d e l a M i r a n d o l e , S w i e ż a w s k i , suivant en cela G. d i N a p o l i , souligne la justesse de son in terprétation de la doctrine de T h o m a s d'A q u i n. Pour Pic Thomas n ’était nullem ent un in terp rète de la doctrine d'A r i s t о t e; il était quelqu'un qui, prenant comme base l'o eu v re du Stagyrite, a réussi à construire son propre systèm e qui s'écartait de son modèle.

Q uant au problèm e du mal, de l'avis de P l a t o n , la m atière est la source de toutes sortes de déficiences et de m al non seulem ent m oral mais aussi ontique. M arsile F i e l n voyait ce problèm e un peu différemment. Il considère le mal ontique comme une déficience d'être, mais le m al m oral est quelque chose qui existe réellem ent. La cause essentielle est le m anque de sagesse, le m anque de la science de la contem plation et la sottise. Un changem ent a égalem ent affecté le concept d e p o tentialité transform é en concept de possibilité, et aussi le concept d'analogie compris davantage comme une m étaphore, ce qui est très visible chez Pic d e l a M i r a n d o l e . Parmi les q uatre causes com prises à la m anière aristotélicienne, la cause finale perd son im portance, c.à.d. qu'elle perd son sens ontologique pour acquérir de plus en plus un caractère m oral; on parle d 'elle quand on réfléchit sur les problèm es de la m orale humaine, de son activité en tan t q u 'être doué de la volonté propre et d e la liberté de choix. C 'est pourquoi on parle de la poursuite du but, on lui donne un sens subjectif. Se transform e égalem ent la com préhension de la ca u sa lité qui est davantage com prise au sens physique que m étaphysique.

En p arlant des changem ents de la problém atique m étaphysique S w i e ż a w ­ s k i prend en considération les problèm es classiques pour cette discipline cen­ trale de la philosophie, des problèm es tels que celui de l'être, de la potentialité et de l'acte, de l'analogie, de la causalité, le concept même de l'être, le problèm e de la substance et de l'accident, le problèm e des transcendentaux, m ontrant de quelle m anière les solutions proposées par les philosophes du XVe s. tran sfo r­ m aient leur v éritab le sens.

Pour parler encore du IIIe tom e, en suivant S w i e ż a w s k i , il faut souligner le pluralism e philosophique d u XVe s. Il se présente sous une forme renforcée par rapport au temps de la scolastique. Cet état de choses découlait d'une

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frontation différente et plus riche de la pensée chrétienne avec la pensée païenne, avec ceci que la confrontation eut lieu sur le plan du néo-platonism e, courant dom inant au XVe s. Ai cette époque de changem ents naquit aussi une nouvelle forme de philosopher dont on est red ev ab le à E r a s m e d e R o t t e r d a m qui a rem placé la philosophie chrétienne par le nom d e philosophie du Christ? elle consiste non pas à connaître les principes théoriques de l'action, mais dans la sagesse qui guide la vie, une vie qui m érite le nom de vie philosophique.

Le tom e consacré au problèm e de l ’être est un des tom es essentiels. L 'auteur, touchant aux problèm es ontologiques a pénétré avec plus de profondeur l'essence des changem ents in terv en u s au XVe s., il a expliqué avec plus de clarté les changem ents dans la m anière de penser des gens qui v ivaient à l'époque des transform ations d e la culture. La lecture de ce tom e perm et de saisir les processus ta n t de fois décrits sans avoir été pénétrés dans leur structure essentielle.

Chacun des tom es est accom pagné d’une très riche bibliographie. Les oeuvres contenues dans ces index servent de fond p erm ettant de tire r bien des conclusions intéressantes; elles sont en quelque sorte la cource pour l'A uteur qui y puise les m atériaux pour ses constructions. En parlant du livre de S. S w i e ż a w s k i , je n ’ai actuellem ent aucune am bition de censeur qui porte une appréciation critique sur l'oeuvre et ses différentes parties. Mon but est d'inform er, de p ré­ senter une publication de plusieurs tomes, qui deviendra, tel est en effet son but, une im pulsion à de nouvelles recherches critiques. S'il y avait à donner une appréciation, il faudrait p arler de nom breux problèm es, il faudrait soum ettre à la critique les thèses de l'A uteur, ce qui entraîn erait non pas tellem ent l'étude de la litté ra tu re que celle des sources de l'époque.

Essayons tout de même de répondre à la question concernant le caractère de l'ouvrage de S. S w i e ż a w s k i . Commençons par les constatations négatives. Sans aucun doute, ce n ’est pas un m anuel d'histoire de la philosophie du XVe s , ce n'est pas une synthèse de la pensée philosophique de cette époque, mais ce n'est non plus un exposé critique de la littératu re consacrée au siècle de la Renaissance. Il sem ble que l'ou v rag e de S. S w i e ż a w s k i est un recueil d 'étu ­ des qui, plutôt que de donner la solution des secrets de la vie intellectuelle, posent dev an t le lecteur des problèm es que l'histoire de la philosophie devrait entreprendre d'étudler. A près de longues lectures de la littératu re scientifique, S w i e ż a w s k i propose ses points de vue, sans considérer si son opinion est le dernier mot. S. S w i e ż a w s k i puise dans d 'au tres chercheurs les m atériaux qui servent à ses thèses. N ous pouvons lui faire confiance qu'il présente fidèle­ m ent les thèses des autres, qu'il rapporte les positions de ceux qui ont analysé les oeuvres philosophiques de l'époque. Mais sachant que le XVe s. est un siècle qu'il reste encore à découvrir, nous devons tra ite r les propositions avancées par S w i e ż a w s k i comme des hypothèses. Il est évidem m ent im possible d'exiger d'un auteur qu'il fasse précéder une oeuvre si volum ineuse d'une analyse critique des oeuvres philosophiques, théologiques, scientifiques d e l'époque. Si on posait de telles exigences, il faudrait prévoir que l'a u te u r consacre à son ouv rag e non pas vingt, mais au moins cinquante ans. Ce qui est im portant dans l'ouvrage de S. S w i e ż a w s k i , c'est l'incitation à de nouveaux travaux, c 'e st la pro­ position de la direction des recherches â effectuer, le relev é des problèm es et la proposition à prendre en considération les problèm es non encore appréciés ou jusque-là inaperçus. L 'ouvrage de S. S w i e ż a w s k i est une étape im por­ tante dans les refcherehes sur le XVe s. Il fallait faire ce pas pour réunir les résultats épars de différents travaux, proposer une vision de l'époque, peut- -ètre pas tout à fait neuve, mais certainem ent neuve quand il s'agit p. ex. du problèm e de l’être. Bien qu'elle ait déjà été l’objet de nom bre d ’efforts et de rech er­ ches, c e tte époque re ste encore m al connue. Le reg ard que pose S. S w i e ż a w ­ s k i sur ces tem ps de changem ents, sur la créatio n d u nouveau, est pour au tan t intéressant qu ’il connaît parfaitem ent les siècles antérieurs et la pensée s c o la sti­ q u e dans toute sa-com plexité. Ce n 'est pas le regard de l'historien de la culture ou de l'art, mais de la pensée. Une autre chose n'éto n n e pas quand on sait que S. S w i e ż a w s k i qui, aup arav an t avait fait des recherches sur les secrets de

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la grande scolastique, est plus proche de P. O. K r i s t e l l e r , p a rtisa n ' de la continuité de la trad itio n intellectu elle que E. G a r i n qui, lui, voit su rtout la difference et la spécifité de la Renaissance. M ieux que tout au tre peut-être, S. S w i e ż a w s k i , qui connaît le M oyen Age, peut saisir que la ru p tu re entre la scolastique et la pensée de la R enaissance est en grande p artie seulem ent apparente. L'ouvrage de S. S w i e ż a w s k i fait le com pte des efforts des chercheurs antérieu rs, mais il influencera aussi ses successeurs. Ayons l'espoir que si l'ouvrage parvient jusq u 'au x chercheurs qui s'intéressent à cette époque, s'il est lu non seulem ent en Pologne — la difficulté se trouve du fait de la langue dans laquelle il est écrit — il deviendra une position im portante qui pourra donner une nouvelle im pulsion à l'étu d e et à la publication de textes non encore connus, et à la relectu re de traités d éjà confirmés.

Q uelques mots enfin sur l'édition. L'A cadém ie de Théologie C atholique, qui édite des m anuels, des m onographies, a entrepris la, publication d 'u n gros ouvrage en plusieurs volum es, accom pagné de belles illustrations. C 'est une entreprise qui entraîne de grandes difficultés et bien des personnes ont leur part de m érite dans la beauté graphique d e l'ou v rag e et dans la rédaction. Le plus g rand m érite en rev ien t cependant à la direction de l'Edition, à ceux que rem ercie spéciale­ m ent S. Swieżawski dans son introductioni ce sont le P ère H. B o g a c k i SJ, .et le D irecteur Wł. D z i e d z i a k.

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