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Changements sémantiques sous l’influence de l’anglais : le cas de quatre « emprunts de sens » en français au Québec (1992–2012)

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Université Paris Diderot

Changements sémantiques

sous l’influence de l’anglais :

le cas de quatre « emprunts

de sens » en français

au Québec (1992–2012)

1

Résumé 

Cette communication porte sur l’utilisation de quatre mots (alternative, oppor-tunité, supporter, versatile) dont certaines acceptions sont considérées comme des emprunts de sens à l’anglais en français au Québec et qui ont pour caracté-ristique commune d’entrer en conflit, au plan axiologique, avec les acceptions françaises des mêmes mots. L’analyse comparative d’un corpus lexicographique (1880–2013) et de deux corpus québécois de français écrit (1992–2012) permet de montrer que les sens marqués comme anglais constituent les usages les plus fréquents de trois de ces mots. Les processus de changement sémantique qui permettent à ces sens de faire sens malgré l’ambiguïté introduite par l’opposi-tion axiologique sont divers, mais signalent tous que les sens « anglais » ne sont pas si « étrangers » qu’ils le semblent de prime abord. L’adéquation des « équi-valents » intralinguaux solution, occasion, appuyer et polyvalent est réévaluée au regard des résultats de l’analyse.

Mots-clés : emprunt sémantique, changement sémantique, français, anglais, Québec. 1 Cette contribution présente une partie des résultats obtenus dans le cadre de

notre mémoire de maîtrise consacré à l’influence sémantique de l’anglais sur le français en usage au Québec (Paquet-Gauthier, 2015). Nous souhaitons remercier Bruno Courbon pour ses commentaires constructifs sur la version précédente de ce texte, ainsi que les éditeurs de ce volume pour leur travail hors pair.

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Summary 

In this communication, we examine the use of four words (alternative, oppor-tunité, supporter, versatile) considered to be English semantic loans in some of their uses in Québec French. These uses are caracterised by the fact that they conflict on an axiological level with some of the French meanings of the same words. Comparative analysis of a lexicographic corpus (1880–2013) and Qué-bec written French corpora (1992–2012) shows that the meanings branded as “English” are the most commonly used. However, even though the axiological opposition they introduce results in semantic ambiguity, the various processes of semantic change that allow these meanings to make sense show that the “En-glish” loans are not as foreign or borrowed as they seem. The appropriateness of intralingual equivalents such as solution, occasion, appuyer and polyvalent is re-evaluated on the basis of the results presented here.

Keywords: semantic loans, semantic change, French, English, Québec.

Introduction

Selon Valdman et al. (2005), les communautés qui vivent en situation de contact linguistique emploient davantage d’emprunts que les autres. En ce sens, la si-tuation historico-politique du Québec fait de cette province canadienne un lieu privilégié d’observation du phénomène de l’emprunt en français, et en parti-culier de l’emprunt à l’anglais : la cohabitation ancienne et continue entre les communautés des deux langues officielles y favorise en effet l’utilisation de mots et d’expressions puisés dans la langue anglaise (Darbelnet, 1986 ; Poirier, 1994 ; Bouchard, 1998 ; De Villers, 2005).

Le contexte linguistique particulier du Québec se reflète dans des

habitu-des d’emprunts2 différentes de celles que l’on trouve dans d’autres régions de la

francophonie : alors que les emprunts lexicaux sont prédominants en France, en Belgique et en Suisse, les emprunts de sens sont les plus usités au Québec (Mareschal, 1994 ; Klein et al., 1997). Précisons d’emblée que par emprunt de

sens, nous entendons une acception d’un mot qui, dans le français en usage

au Québec, semble avoir intégré des caractéristiques sémantiques propres à un mot de même étymon en langue anglaise. C’est le cas par exemple de

alter-native utilisé au sens de « solution de rechange ». Comme ce type d’emprunt

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n’affecte pas la forme du mot, il passe inaperçu pour la plupart des locuteurs, qui l’utilisent le plus souvent sans le savoir (Courbon & Paquet-Gauthier 2014 : 149), même lorsque le sens ainsi emprunté prête à équivoque, voire entre en conflit avec les autres acceptions du mot auquel il se rattache. Il en est ainsi de versatile (« inconstant ») qui prend, sous l’influence de l’anglais, le sens de « talentueux ».

Les emprunts de sens sont historiquement les plus décriés dans la lexicogra-phie corrective québécoise : comme le relèvent Lamontagne (1996) et Courbon & Paquet-Gauthier (2014), ils sont entre autres accusés d’entraîner une « confu-sion », une ambiguïté sémantique qui « trompe » les locuteurs et menace la « clarté » de la langue. Malgré la présence importante de ce type d’emprunt tant dans les usages que dans les manuels correctifs, il demeure peu étudié – au Québec comme ailleurs – avec pour conséquence non seulement un certain flou terminologique en ce qui concerne les différentes modalités d’influence

sé-mantique comme le calque, la traduction, les faux-amis, l’emprunt de sens, etc.3,

mais également une méconnaissance des processus qui permettent à l’emprunt de sens de « faire sens » pour les locuteurs.

Les quelques études qui ont traité de l’emprunt de sens dans le langage courant (p. ex., Escaloya, 2000 ; Martel et al., 2001) ont recensé la proportion globale d’utilisation de sens « anglais » sur l’ensemble de l’utilisation d’un mot donné, sans distinction quant aux différentes acceptions ou à l’évolution de ces dernières dans le temps et dans les types de discours. L’emploi effectif des sens influencés de l’anglais dans l’usage ordinaire des locuteurs québécois de-meure donc inconnu, et on ne sait rien des sens anglais réellement utilisés, les contextes dans lesquels ils le sont, ni comment ces nouveaux usages sémantiques (Courbon, 2007) se rattachent à la signification lexicale, en particulier lorsqu’ils semblent entrer en conflit avec elle. Ces questions sont pourtant essentielles dès lors que l’on cherche à connaître l’adéquation et la circulation des équivalents intralinguaux, comme c’est le cas dans les contextes d’aménagement linguis-tique.

Notre contribution a pour objectif d’apporter des éléments de réponse à ces questions grâce à l’examen, sur la période de 1992 à 2012, de l’utilisation de quatre mots traditionnellement identifiés dans la lexicographie comme des em-3 Nous renvoyons les lecteurs aux textes de Colpron (1970), Humbley (1974),

Darbelnet (1986), Chamizo-Dominguez & Nerlich (2002), Loubier (2011) et Sa-blayrolles (2016) pour un tour d’horizon des différentes approches typologiques. Notons cependant qu’une véritable théorisation de l’influence sémantique inter-lingue reste à faire.

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prunts de sens (alternative, opportunité, supporter et versatile) et de celle de leur équivalent intralingual respectif (solution, occasion, appuyer et polyvalent) dans deux types de discours produits au Québec. Ces quatre mots ont en commun d’avoir acquis, sous l’influence de l’anglais, des caractéristiques sémantiques posi-tives qui s’opposent à leur signification en français, plutôt négative. Les résultats de l’analyse permettent d’abord de rendre compte de l’utilisation réelle des emprunts de sens et des usages qui leur sont associés, puis de retracer quelques-unes des étapes des changements sémantiques « sous influence » qui semblent les différen-cier progressivement de leur équivalent. Nous proposons de mettre en lumière les différents processus de diversification sémantique des emprunts et les liens qui les rattachent aux sens « français » (ou considérés comme tels) des mêmes mots.

1. Corpus et méthode d’analyse

La méthode d’analyse s’appuie sur la comparaison entre la description lexico-graphique qui est faite des emprunts de sens et l’utilisation effective des mots

auxquels ils se rattachent4. Dans ce qui suit, mot renvoie au signifiant, emprunt

de sens (ES) à un sens marqué dans la lexicographie québécoise comme étant

anglais, et équivalent à la traduction intralinguale proposée dans le corpus lexi-cographique pour remplacer le mot utilisé dans un emprunt de sens.

1.1. Corpus lexicographique et sélection des mots

La sélection des mots et des équivalents s’est faite en deux étapes, à partir du dépouillement d’un corpus lexicographique. Ce corpus est composé de 59

ou-vrages en français publiés entre 1880 et 2013 : 19 dictionnaires normatifs5

qué-4 Soulignons que le raccourci commode employé dans les lexicographies norma-tive et proscripnorma-tive et qui consiste à présenter un mot comme étant un emprunt sémantique (« opportunité est un anglicisme sémantique »), conduit à des inco-hérences. Le problème est souligné par Walker (2013 : 155), qui a dû écarter de son étude d’emprunts à l’anglais le terme digital : ce mot, présenté sans contexte, a été jugé tout à fait français par les locuteurs, qui pensaient au sens « relatif aux doigts » et non à celui de « relatif au code numérique » comme le souhaitait l’auteur. De fait, pour identifier un sens « anglais », il faut avoir accès au contexte – à l’environnement syntaxique et lexical, au thème, au type de discours, etc. 5 Normatif est utilisé au sens de Auroux (1994).

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bécois et français, et 38 dictionnaires ou recueils proscriptifs québécois, aux-quels s’ajoutent deux dictionnaires en anglais utilisés pour vérifier que les sens

« empruntés » existent bien dans cette langue6.

Les ES des quatre mots à l’étude appartiennent au vocabulaire courant, leur première attestation lexicographique est d’ancienneté variable, et ils sont décrits

(et critiqués7) dans la plupart des ouvrages correctifs publiés au Québec faisant

partie du corpus. Ils ont été sélectionnés parce qu’ils semblaient entrer en conflit sémantique avec d’autres sens des mots auxquels ils se rattachent. Le dépouil-lement du corpus lexicographique pour chacun d’eux (définitions, exemples, renvois, marques d’usage, reformulations « en français », équivalents proposés, etc.) a permis de déterminer quels emplois sont considérés « français » ou « an-glais » pour une période donnée. Les résultats de cet examen lexicographique diachronique sont présentés sous une double forme : une définition qui

synthé-tise l’ensemble des définitions pour chaque ES8, et un mot ou un syntagme en

petites majuscules comme forme courte.

L’inventaire des équivalents, des renvois et des reformulations a permis d’identifier l’équivalent monolexical le plus fréquemment proposé pour évi-ter l’usage des ES ou d’un ES en particulier. Une description générale servant de point de départ pour la comparaison avec les usages associés aux ES a été effectuée à partir des définitions de ces équivalents dans deux dictionnaires du

corpus9.

Les résultats de cette première étape sont présentés dans le tableau 1. Excep-tion faite de circonstance et de perspective pour alternative, et de polyva-lent (en parlant d’un humain) pour versatile, tous les ES sont attestés à une date

antérieure à la période couverte par les corpus de productions textuelles10.

6 La liste des ouvrages qui composent le corpus lexicographique est disponible en ligne au https://hal.archives-ouvertes.fr/hal-01494381/file/Bibliographie%20 Lodz%202016%2C%20Myriam%20Paquet-Gauthier.pdf.

7 Notons au passage que les sens identifiés comme anglais ne sont jamais acceptés : même dans la lexicographie dite « descriptive », les emprunts de sens sont tou-jours accompagnés d’une marque d’usage critiqué.

8 Faute d’espace, n’est présenté dans ce texte que la synthèse des sens « anglais » ; des éléments des sens « français » sont présentés au besoin.

9 Le Nouveau Petit Robert (2012) et le Multidictionnaire de la langue française (2009), le premier publié en France et le deuxième au Québec.

10 Certains ES sont aussi décrits à des dates plus anciennes dans des publications ne faisant pas partie du corpus. C’est entre autres le cas pour opportunité, critiqué dès 1918 au sens de occasion favorable (Étienne Blanchard, « Chronique du bon langage », La Presse, 28 septembre 1918).

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Tableau 1. Emprunts sémantiques décrits dans le corpus lexicographique et équivalents monolexicaux les plus fréquents

Mot Emprunts sémantiques 1ère att. Équivalent

alternative

TERME D’UN DILEMME « une des deux

pos-sibilités entre lesquelles on doit choisir » 1913

solution SOLUTION UNIQUE « seule solution qui rend

possible la résolution d’une difficulté » 1970

SUBSTITUTION « choix de remplacement, de

rechange » 1970

POSSIBILITÉ « n’importe laquelle des

pos-sibilités offertes » 1970

opportunité

OCCASION FAVORABLE « situation qui

présente des avantages potentiels » 1940

occasion CHANCE « situation favorable qui survient

fortuitement » 1982

CIRCONSTANCE « ce qui caractérise le

moment présent » 1993

PERSPECTIVE « projection positive

impli-quant un gain professionnel ou financier » 1996

supporter

ADHÉRER « adhérer aux prises de positions

d’un candidat/parti/groupe » 1880

appuyer POURVOIR « mettre à la disposition de

quelqu’un ce qui est nécessaire à ses besoins »

1896

ENCOURAGER « prendre le parti d’un athlète,

d’une équipe sportive » 1978

versatile

TALENTUEUX « qui démontre du talent dans

plusieurs domaines » 1967

polyvalent OUVERT D’ESPRIT « qui fait montre

d’ouverture d’esprit » 1967

MULTIFONCTIONNEL « qui a plusieurs utilités »

(objet) 1967

ÉRUDIT « qui s’intéresse à plusieurs sujets » 1968

UNIVERSEL « qui s’adapte à tout » 1982

POLYVALENT « apte à accomplir plusieurs

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1.2. Corpus de productions textuelles

L’utilisation des quatre mots a été examinée systématiquement dans un en-semble de productions textuelles composé de deux corpus de genres différents. Le premier est un corpus de textes journalistiques québécois publiés en 1992, 1997, 2002, 2007 et 2012 ; il compte un total de 383 millions de mots répartis dans ces cinq sous-corpus. Le type de discours que l’on trouve dans le corpus journalistique (C-Jr) est plutôt soigné. Le deuxième est un corpus de commen-taires publiés sur le réseau Facebook entre 2009 et 2012, plus spécifiquement sur des pages publiques de programmes télévisés québécois ; il compte 38,5 millions de mots. Le type de discours que l’on trouve dans le corpus Facebook (C-FB) est relativement spontané et se rapproche de la pratique orale. Ensemble, les deux

corpus rassemblent 421,5 millions de mots11.

1.3. Méthode d’analyse

L’analyse des corpus de productions textuelles comprend deux étapes distinctes successives : la première dresse le portrait de l’utilisation des ES sur la période 1992–2012, et la deuxième permet d’évaluer l’adéquation sémantique des équi-valents proposés pour éviter l’usage des ES.

Dans un premier temps, toutes les occurrences des quatre mots sont

rele-vées à l’aide d’un programme d’extraction de données12 permettant de

conser-ver le cotexte jusqu’à concurrence de 40 mots de chaque côté. Le nombre maximal d’occurrences analysées pour chaque mot est de 300 par

sous-cor-pus, soit un total potentiel de 1 800 occurrences chacun13. Dans l’ensemble,

près de 5 000 occurrences ont été analysées, sur les 19 000 occurrences de ces 11 Les journaux et magazines qui composent le C-Jr sont les suivants : La Presse, Les Affaires, Le Soleil, Le Devoir, L’Actualité, Le Quotidien, Protégez-vous, Journal de Québec et Journal de Montréal. Le C-FB (Dion-Girardeau 2013) est constitué des pages publiques Facebook des émissions suivantes : TVA nouvelles, Salut Bon-jour!, Occupation double, Star Académie, Un souper presque parfait, La galère, Qu’est-ce qui mijote?, Un gars le soir et Lance et compte.

12 Le programme informatique pour le C-Jr a été conçu par Hugo Mailhot et celui pour le C-FB par Samuel Dion-Girardeau ; nous les remercions vivement pour leur aide.

13 Ce nombre n’est pas toujours atteint, soit parce que le mot est peu fréquent, soit parce qu’un nombre élevé d’occurrences de « bruits » (mot employé comme nom propre, dans un lien URL, dans un syntagme ou une phrase en anglais, etc.)

(8)

mots que comptent les corpus. Les résultats sont donc à interpréter en termes de proportion d’emploi ; le nombre d’occurrences brutes est donné à titre in-dicatif.

L’examen des occurrences permet d’effectuer un premier tri en trois catégo-ries, soit d’abord toutes les occurrences que les éléments présents en contexte identifient comme un sens « français » (i.e., l’un de ceux décrits comme tels dans le corpus lexicographique), puis celles que le contexte permet de rattacher à l’un des ES décrits dans le tableau 1. La dernière catégorie sert à regrouper tempo-rairement les occurrences de « sens ambigus » qui ne sont pas décrits dans le corpus lexicographique. Ces occurrences sont réanalysées pour mettre au jour d’éventuels éléments sémantiques communs à de nouvelles acceptions. Lorsque cette analyse ne permet pas de dégager le sens du mot en contexte, l’occurrence est dite de « sens indéterminé ». Les résultats de l’examen des occurrences dans les corpus de productions textuelles dressent le portrait de l’emploi des diffé-rents ES et permettent de mettre en lumière des changements sémantiques qui s’effectuent petit à petit.

Dans un deuxième temps, les définitions des équivalents recueillies dans le corpus lexicographique sont comparées aux différents emplois des ES re-levés dans les productions textuelles. Des exemples tirés des C-Jr et C-FB servent à illustrer les éléments de comparaison (contextes d’utilisation, équi-valence sémantique, etc.) et à évaluer l’adéquation des équivalents proposés, au regard des usages des ES observés dans les corpus de productions tex-tuelles.

2. Résultats et discussion

Un fait étonnant ressort de l’examen global des mots alternative, opportunité,

supporter et versatile dans les corpus de productions textuelles : mis à part sup-porter, les sens « français » comptent pour une minorité des occurrences de ces

mots. La figure 1 permet de visualiser la proportion des occurrences d’emploi de sens « français », de sens temporairement « ambigus » et d’ES dans l’en-semble des corpus. Ces résultats globaux demandent cependant à être détaillés : nous nous intéressons dans ce qui suit aux occurrences d’ES et de sens « ambi-gus ».

a été éliminé, soit enfin, dans le cas de alternative, parce que les occurrences de l’adjectif féminin ont été écartées.

(9)

Figure 1. Proportion de sens « français » de sens « ambigus » et d’emprunts sémantiques

dans les corpus de productions textuelles (C-Jr 1992–2012 + C-FB)

2.1. Alternative

Au total, 1 521 occurrences du substantif alternative ont été analysées (tableau 2). De ce total, 27,7 % correspondent à des sens ambigus non décrits dans le corpus lexicographique, et seulement 3,4 % à des sens français tel « situation où il faut

choisir entre deux possibilités opposées », comme dans l’exemple (1)14 :

(1) Sous la houlette opportuniste de leur premier ministre, les Québécois s’en vont vers une alternative odieuse : ils auront à choisir entre une retraite humi-liante (le report du référendum sine die) et un référendum tenu à contre-cœur […]. (C-Jr 1992)

Les ES représentent donc la majorité des occurrences de alternative.

L’ES terme d’un dilemme, dont l’attestation lexicographique est la plus an-cienne pour alternative, ne représente que 3,2 % des occurrences et son emploi décroît entre 1992 et 2012, tout comme celui de solution unique (7,1 %). Ces deux ES ont en commun avec le sens français en (1) une représentation de l’alter-native comme un choix désagréable, une contrainte ou un dilemme. L’exemple (2) illustre le sens terme d’un dilemme :

(10)

(2) […] c’est pas nouveau le long terme pour les autos car les gens ont pas le choix s’ils veulent une auto neuve ou bien ils ont l’autre alternative, acheter usagé et toujours payer pour les bris et re et re et re. (C-FB)

L’ES substitution compte pour 14,2 % des occurrences analysées, sans va-riation diachronique importante dans le C-Jr ; il est moins fréquent dans les usages spontanés du C-FB (8,9 %). Substitution sous-entend un deuxième choix, un « plan B », un choix à défaut d’un autre qui lui serait préférable mais qui ne peut être sélectionné, comme dans l’exemple (3) :

(3) […] Mon premier choix est le hockey, mais je joue également à la crosse. Il s’agit d’une alternative au cas où je n’ai plus d’option. (C-Jr 1997)

L’ensemble des occurrences de ces trois ES à axiologie négative ne représente cependant qu’une minorité des emplois de alternative (total : 24,5 %). L’ES le plus fréquent dans les deux corpus est possibilité (44,4 %), avec peu de diffé-rence entre les discours soignés et spontanés. Dans son emploi le plus neutre, possibilité implique que l’alternative n’est qu’une des possibilités parmi un ensemble de choix plus ou moins acceptables. Toutefois, la proportion de ces emplois neutres diminue avec le temps tandis qu’augmente celle des emplois « positifs » où alternative est accompagné d’un adjectif mélioratif comme bon,

intéressant ou véritable, comme dans l’exemple (4) :

(4) Il existe des produits logiciels libres, et de très bonnes alternatives à vos Windows et antivirus couteux, qui prennent leurs origines dans des produits open source... (C-FB)

L’augmentation de la fréquence de ce type d’emploi à partir de 2002 est no-table à défaut d’être parfaitement linéaire, mais elle est surtout à mettre en pa-rallèle avec le nombre important d’occurrences de sens ambigus correspondant aussi à un emploi où est absente la notion de dilemme constitutive de la signifi-cation de alternative en français (tableau 3).

Le réexamen des occurrences de sens ambigus permet en effet de dégager des contextes dans lesquels alternative est utilisé pour désigner un ou des choix im-plicitement considérés de valeur au moins égale à celle des autres choix proposés, sens que nous désignons par choix équivalent, comme dans l’exemple (5) :

(5) Les actions à dividende élevé peuvent être une alternative aux titres à reve-nus fixes qui versent des intérêts. (C-Jr 2002)

(11)

Ta b le au 2 . A lte rn at iv e d an s l es c or p us d e p ro d uc tio ns t ex tu el le s   C -J r   C -FB To ta l   19 92 19 97 20 02 20 07 20 12 To tal d ’oc cu rr en ce s 27 8 23 5 20 3 24 5 28 0 28 0 15 21 S en s « f ra nç ai s » 5, 8% 16 5,1 % 12 3, 9% 8 3, 3% 8 2, 5% 7 0, 4% 1 3, 4% 52 S en s a mb igu s 16 ,9 % 47 28 ,1 % 66 28 ,6% 58 33 ,9 % 83 25 ,7 % 72 33 ,9 % 95 27, 7% 421 T E R ME D ’U N D IL E M ME 2, 5% 7 3, 0% 7 2, 0% 4 2, 9% 7 5, 4% 15 2, 9% 8 3, 2% 48 SO LU TIO N UN IQ UE 11 ,9 % 33 11 ,1 % 26 4,4 % 9 3,7 % 9 4, 3% 12 6, 8% 19 7, 1% 10 8 S U BS TI T U TI ON 15 ,8 % 44 13 ,2 % 31 15 ,8 % 32 14 ,7 % 36 17, 1% 48 8, 9% 25 14 ,2 % 216 PO S S IB IL IT É 47, 1% 13 1 39 ,6% 93 45 ,3% 92 41 ,6 % 10 2 45 ,0% 12 6 47, 1% 13 2 44,4 % 676 Ta b le au 3 . A lte rn at iv : e m p lo is «  p os iti fs  » e t n ou ve au x s en s i nf lu en cé s d e l ’a ng la is   C -J r   C -FB To ta l   19 92 19 97 20 02 20 07 20 12 PO S S IB IL IT É + a dj . m él io rat if 17, 6% 49 15 ,7 % 37 26 ,1 % 53 20, 8% 51 25 ,7 % 72 21, 8% 61 21, 2% 323 Se ns a m b ig us (s ur t otal d ’oc c . ) 16 ,9 % 47 28 ,1 % 66 28 ,6% 58 33 ,9 % 83 25 ,7 % 72 33 ,9 % 95 27, 7% 421 sen s in d ét ermin és 1,1 % 3 0, 0% 0 1, 0% 2 1, 2% 3 0, 4% 1 5, 4% 15 1, 6% 24 C HO IX É QU IV A L E N T 16 ,2 % 45 28 ,1 % 66 27, 6% 56 26 ,1 % 64 15 ,0 % 42 12 ,5 % 35 20, 2% 30 8 ME IL L E UR C H O IX 0, 0% 0 0, 0% 0 0, 0% 0 6, 5% 16 10 ,4% 29 16 ,1 % 45 5, 9% 90 E m p lo is p o si tif s ( su r t ot al d ’o cc .) 50 ,7 % 14 1 71, 9% 16 9 82 ,3% 16 7 87, 3% 214 76 ,8% 215 84 ,3% 23 6 75 ,1 % 11 42

(12)

Mais on note surtout à partir du C-Jr 2007 l’apparition d’emplois dans les-quels alternative est un choix dont la valeur est intrinsèquement plus grande que celle des autres ; ces emplois sont désignés par meilleur choix, comme dans l’exemple (6) :

(6) On va être le parti des intellos, une alternative au cow-boy Stephen Harper ! (C-Jr 2012)

L’auteur de ces lignes valorise manifestement davantage les « intellos » que les « cow boys ». Meilleur choix représente 10,4 % des occurrences dans le discours soigné du C-Jr 2012 et atteint 16,1 % dans le discours spontané (C-FB).

Globalement, les emplois « positifs » sont en croissance entre 1992 et 2012,

et représentent 75,1 % des occurrences15. Ni choix équivalent ni meilleur

choix ne sont décrits dans les deux dictionnaires de langue anglaise consultés. Ces deux nouveaux sens s’inscrivent dans une suite de changements séman-tiques ayant pour conséquence un renversement axiologique important, que l’on peut retracer au travers des différents ES décrits. De terme d’un dilemme à solution unique, puis de substitution à possibilité, les usages séman-tiques de alternative s’éloignent progressivement du dilemme et de la contrainte de choix pour prendre une valeur de plus en plus neutre, puis positive de liberté de choix – valeur fondamentale de la société occidentale actuelle. Même s’il est possible que choix équivalent et meilleur choix soient également en usage en anglais malgré l’absence de description lexicographique et qu’on ne doit pas exclure l’hypothèse selon laquelle leur présence dans le français au Québec ré-sulte d’un emprunt sémantique, il nous semble plus plausible qu’ils se soient développés en français, dans une succession de changements de sens

imper-ceptibles, involontaires mais non pas arbitraires16 dont les différents ES décrits

ci-dessus sont des témoins. Le terme emprunt, qui suppose un acte ponctuel et localisable, ne permet pas de rendre compte de ce processus diffus et continu d’influence sémantique.

15 La diminution de 10,5 % observée entre le C-Jr 2007 et 2012 s’explique principa-lement par la reprise en 2012 d’un certain nombre d’articles où sont utilisés les ES terme d’un dilemme et substitution par trois quotidiens différents appar-tenant au même groupe de presse, ce qui fait augmenter la proportion de ces ES dans le corpus.

16 Nous suivons en cela la théorie continuiste de l’évolution sémantique de Nyckees (2006).

(13)

Le changement de polarité observé rend difficile de remplacer alternative par solution, l’équivalent monolexical le plus fréquemment proposé pour éviter l’emploi d’un ES : comme le suggère la description lexicographique qui en est faite, solution s’emploie dans des situations où un problème exige une résolution.

Problème est d’ailleurs un cooccurrent très fréquent, comme dans l’exemple (7) : (7) “Filtrer” les gens qui ont des maladies psychiatriques n’est pas une solution à ce problème. (C-FB)

L’alternative n’est pas nécessairement liée à un problème : alternative et

pro-blème sont d’ailleurs rarement cooccurrents et lorsqu’ils le sont, l’alternative ne

constitue pas une solution, comme le montre l’exemple (8) :

(8) Le problème c’est qu’il y a pas d’alternative! (C-FB)

Ainsi, l’équivalent solution est-il de moins en moins adéquat pour rempla-cer alternative utilisé dans des sens considérés comme « anglais », puisqu’il sous-entend l’existence d’un problème à résoudre, tandis que la majorité des emplois  de alternative renvoie à un ensemble d’options permettant une certaine liberté de choix.

2.2. Opportunité

Ont été analysées 1 793 occurrences de opportunité. Globalement, 18,4 % de ces occurrences correspondent au sens français « caractère de ce qui est à propos », comme dans l’exemple (9) :

(9) Interrogé sur l’opportunité de redémarrer le service intermodal (remorques sur rail), M. Fillion n’est pas très chaud à cette idée. (C-Jr 1997)

Toutefois, la fréquence de ce sens diminue radicalement dans le discours soi-gné du C-Jr, passant de 39,0 % en 1992 à 7,8 % en 2012, et il est totalement absent du discours spontané du C-FB, ce qui fait que même dans les usages soignés, ce mot est utilisé dans un sens « anglais » plus de neuf fois sur dix en 2012.

L’ES occasion favorable est l’acception la plus fréquente avec 64,8 % du total et une croissance de plus de 30 % dans le C-Jr. Au plan sémantique, cet ES représente l’opportunité comme devant être saisie afin d’en retirer les bénéfices, comme dans l’exemple (10) :

(14)

(10) Écho similaire de l’Union européenne pour laquelle l’accord de La Mecque est clairement une opportunité : « l’unité des Palestiniens ne pouvant qu’aider à la stabilisation de la situation et après, au processus de paix » [...]. (C-Jr 2007)

Cet ES se trouve souvent en cooccurrence avec des verbes comme saisir, offrir,

donner ou manquer, et, de façon de plus en plus marquée, avec des adjectifs qui

en soulignent le caractère positif17 tels que grande, belle, unique ou meilleure,

comme en (11) :

(11) Nous avons cette incroyable opportunité et nous ne l’utilisons pas. (C-Jr 1992)

Il est d’ailleurs remarquable que, peu importe le sens dans lequel il est utilisé,

oppor-tunité n’est jamais accompagné d’un adjectif négatif (?mauvaise opporoppor-tunité, ?pire opportunité, etc.) dans les corpus. Le tableau 5 montre la croissance de la

cooccur-rence d’adjectifs positifs avec occasion favorable, qui a triplé entre 1992 et 2012. Bien que l’ES circonstance ait été décrit récemment dans le corpus lexico-graphique (1993), aucune occurrence de ce sens n’a été relevée dans les corpus.

L’ES chance ne compte que pour 2,6 % des emplois de opportunité. Au plan sémantique, cet ES se caractérise par le fait que les bénéfices surviennent fortui-tement, sont « donnés » sans qu’il soit nécessaire d’engager une action en ce sens. On le relève le plus souvent dans des expressions telles avoir l’opportunité / une

opportunité comme dans l’exemple (12) :

(12) Donner des photos de la reine et de son mari, c’est comme si on avait

l’op-portunité d’avoir des photos de Jean Charest… Gratuitement ou pas, avec moi,

elles iraient toutes à la poubelle, déchirées en milles <sic> morceaux! (C-FB)

L’ES perspective représente 12,9 % de l’ensemble des occurrences analysées et sa fréquence a plus que doublé entre les C-Jr 1992 et 2012. Cet ES concerne ex-plicitement une projection positive ou un avantage professionnel ou financier ; il est donc fréquent dans des contextes liés au domaine spécialisé de la finance, ce qui explique sans doute qu’il apparaisse peu dans le C-FB (7,0 %), où les sujets relèvent plutôt des variétés. Le tableau 6 présente les principaux syntagmes dans lesquels se réalise cet ES.

17 Notons cependant que le latin opportunitas «  chance de faire quelque chose, condition favorable » dont est issu opportunité présentait déjà cette valeur po-sitive. Le sens occasion favorable était d’ailleurs décrit sans aucune marque d’usage dans les éditions 1 à 8 du Dictionnaire de l’Académie ; ce n’est qu’à partir de la 5e édition que l’acception « qualité de ce qui est opportun » fait son appa-rition, et qu’avec la 9e édition que le sens « occasion favorable » devient critiqué.

(15)

Ta b le au 4 . O ppor tun ité d an s l es c or p us d e p ro d uc tio ns t ex tu el le s   C -J r   C -FB To ta l   19 92 19 97 20 02 20 07 20 12 To tal d ’oc cu rr en ce s 30 0 30 0 30 0 30 0 29 5 29 8 17 93 S en s « f ra nç ai s » 39 ,0% 11 7 30 ,3% 91 22 ,7 % 68 10 ,3 % 31 7, 8% 23 0, 0% 0 18 ,4% 330 S en s i nd ét er m in és 1, 3% 4 1, 0% 3 0,7 % 2 0, 3% 1 1, 4% 4 3, 0% 9 1, 3% 23 O C C A SIO N F A V O R A BL E 44 ,7 % 13 4 56 ,7 % 17 0 57, 7% 17 3 66 ,3% 19 9 75 ,3% 222 88 ,6% 26 4 64 ,8% 11 62 CH A N CE 8, 3% 25 2,7 % 8 0,7 % 2 2, 0% 6 0,7 % 2 1, 3% 4 2, 6% 47 P E RS P E C TI V E 6,7 % 20 9, 3% 28 18 ,3 % 55 21, 0% 63 14 ,9 % 44 7, 0% 21 12 ,9 % 231 CI R C O N S TA N C E 0, 0% 0 0, 0% 0 0, 0% 0 0, 0% 0 0, 0% 0 0, 0% 0 0, 0% 0 Ta b le au 5 . O ppor tun ité  : c oo cc ur re nc e a ve c d es a d je ct ifs p os iti fs e t n ég at ifs   C -J r   C -FB To ta l   19 92 19 97 20 02 20 07 20 12 O C C . F A V O R A B LE ( to ta l) 44 ,7 % 13 4 56 ,7 % 17 0 57, 7% 17 3 66 ,3% 19 9 75 ,3% 222 88 ,6% 26 4 64 ,8% 11 62 + a d j. p o si tif 6,7 % 20 13 ,7 % 41 14 ,0 % 42 19 ,7 % 59 20, 0% 59 19 ,5 % 58 15 ,6 % 27 9 oppo rt un ité + a d j. n ég at if 0, 0% 0 0, 0% 0 0, 0% 0 0, 0% 0 0, 0% 0 0, 0% 0 0, 0% 0

(16)

Tableau 6. Opportunité : principaux syntagmes pour l’ES perspective

  C-Jr

C-FB Total

  1992 1997 2002 2007 2012

PERSPECTIVE

(en nombre d’occurrences) 18 31 52 58 44 21 218

coût d’opportunité 1 2 3 3 2 1 12 étude d’opportunité 4 2 1 4 2 0 13 fenêtre d’opportunité 1 1 3 5 9 1 20 opportunité d’affaire 9 4 10 13 13 3 52 opportunité d’emploi / carrière / travail 3 6 10 1 3 8 31 opportunité économique / d’investissement 0 3 8 6 0 0 17 autre 0 13 17 26 15 8 79

La diminution de la fréquence de ces syntagmes entre les C-Jr 2007 et 2012 (de 58 à 44 occurrences) s’accompagne de l’apparition de contextes où

opportu-nité est utilisé sans complément et dans le sens de « emploi, avancement

profes-sionnel », comme en (13) :

(13) Boies a été laissé sur la touche à deux occasions lorsque le Rouge et Or de l’Université Laval se cherchait un coordonnateur offensif en 2010 et 2011. « J’au-rais aimé obtenir une opportunité à Laval, mais je ne garde pas d’amertume », a mentionné l’ancien maraudeur du Rouge et Or. (CJr 2012)

Bien que ce sens soit attesté dans les deux dictionnaires de langue anglaise

consultés18, tous les exemples qui en sont donnés montrent opportunity

accom-pagné d’un complément (job / employment / career opportunity) ; il semble donc plausible que l’emploi sans complément de opportunité perspective résulte d’une évolution sémantique indépendante en français.

Si l’on tient compte du fait que la fréquence du sens français « caractère de ce qui est à propos » et de l’ES chance est en décroissance marquée entre 1992 et 2012, que les occurrences de occasion favorable et la cooccurrence de

op-portunité avec des adjectifs mélioratifs sont en augmentation, et que l’emploi

de perspective est aussi en croissance, on peut conclure à un changement sé-18 Merriam-Webster, sous opportunity: « promotion or elevation to a higher rank

or position ». Oxford English Dictionary, sous opportunity: « a chance for em-ployment or promotion; a job vacancy ».

(17)

mantique dans lequel l’opportunité semble être de moins en moins associée à la chance et de plus en plus à un événement qui nécessite une action pour en tirer des avantages. Même s’il paraît probable que ce changement vers une signifi-cation axiologiquement plus positive ait été impulsé par l’anglais, il ne faut pas écarter la possibilité que l’influence de cette langue soit moindre que celle de la société occidentale moderne qui, en valorisant l’entrepreneuriat et l’action

indi-viduelle (cf. Lahire 2004), fournit un climat propice19 à la résurgence de ce sens

autrefois usité (voir note 18).

L’équivalent occasion semble pouvoir remplacer opportunité dans la majori-té des contextes relevés ci-dessus. Parmi les acceptions relevées dans le corpus lexicographique, celles de « possibilité » et de « circonstance favorable ou qui vient à propos » recouvrent à la fois les sens français et les ES pour opportunité.

Occasion s’utilise cependant dans d’autres contextes où il prend la valeur neutre

de « circonstance », comme en (14) :

(14) Le plaignant a notamment décrit avec un certain amusement des occasions où lui et l’accusée ont failli se faire prendre les culottes baissées par le mari de cette dernière, entre 2002 et 2004. (C-Jr 2012)

De plus, alors que occasion peut être accompagné de compléments nominaux ou adjectivaux « négatifs » (occasion de vengeance, mauvaise occasion, etc.), ce genre de complément n’a pas été relevé pour opportunité. Cette différence n’est cependant pas particulièrement marquée dans les corpus de productions tex-tuelles. Une étude plus vaste serait nécessaire pour déterminer dans quelle me-sure occasion est vraiment « équivalent » à opportunité compte tenu de la valeur de plus en plus positive que véhicule ce dernier.

2.3. Supporter

Au total, 1 498 occurrences de supporter ont été analysées. Globalement,

sup-porter est principalement utilisé dans des sens français tels « sup-porter par en

des-sous », « subir avec patience » ou « tolérer », comme dans l’exemple (15) : 19 Notons au passage que la fréquence relative (x/1 000 000 mots) de opportunité

dans le C-Jr passe de 10,5 en 1992 à 22,1 en 2012, ce qui fait que ce mot est pro-portionnellement deux fois plus présent dans les journaux en 2012 qu’en 1992. Beeching (2010) avance que l’augmentation de la fréquence d’un mot est généra-lement corrélée à un changement sémantique.

(18)

(15) Le gouvernement Harper, qui ne supportait aucune contestation dans ce dossier, rétorquait avec agressivité aux questions de l’opposition […]. (C-Jr 2012).

On note toutefois une différence de fréquence marquée entre les usages soignés du C-Jr et ceux, spontanés, du C-FB où les sens français ne comptent que pour 16,1 % des occurrences (tableau 7).

Encourager, dont l’attestation lexicographique remonte à 1880, est le deu-xième ES en fréquence dans le C-FB (37,5 %) et le plus usité dans le C-Jr. Au plan sémantique, cet ES présente un renversement axiologique complet par rapport aux sens français « tolérer » et « subir avec patience ». Les configurations lexicales dans lesquelles sont relevées ces acceptions ne présentent pourtant pas de différence (supporter + qqn) : l’interprétation positive de encourager se déduit uniquement à partir du contexte d’utilisation. De plus, et bien que la description lexicogra-phique de cet ES le situe principalement dans le domaine sportif, on le relève plus fréquemment dans des contextes sans lien avec le sport, comme en (16) :

(16) J’espère qu’elle va vite se rétablir. On t’aime Dodo. Tout le Québec te

sup-porte ! (C-FB)

Lorsque le complément d’objet direct est une personne, la négation n’est presque jamais employée avec cet ES (trois occurrences seulement), sans doute parce que la construction ne pas supporter + qqn est ambiguë et porte à être interprétée avec le sens de « [ne pas] tolérer ».

L’ES adhérer est le sens le plus fréquent dans le C-FB avec 42,7 % des oc-currences, alors qu’il ne dépasse pas 10 % dans le C-Jr. Il se caractérise par le fait que le soutien apporté est d’ordre moral ou idéologique : on supporte les actions d’une personne, ses idées ou ses prises de position politique, comme dans l’exemple (17) :

(17) Le Syndicat des employées et employés de l’Université Laval (SEUL)

sup-porte le recteur Brière et dénonce l’attitude de la FEUQ. (CJr 2012)

Adhérer apparaît très rarement (une seule occurrence) en construction négative, sans doute pour la même raison d’ambiguïté potentielle que pour en-courager.

L’emploi de l’ES pourvoir est marginal : 0,9 % de l’ensemble des occurrences, et il est absent du C-Jr 2012. Cet ES partage avec le sens français « prendre en charge » une axiologie plutôt négative en lien avec la notion de fardeau, mais s’en distingue par le fait que son complément est un animé (enfant, parent) plutôt qu’un inanimé (dette, frais, charge, etc.), comme dans l’exemple (18) :

(19)

Ta b le au 7 . S uppo rt er d an s l es c or p us d e p ro d uc tio ns t ex tu el le s   C -J r   C -FB To ta l   19 92 19 97 20 02 20 07 20 12 To tal d ’oc cu rr en ce s 24 2 247 23 0 23 7 24 3 29 9 14 98 S en s « f ra nç ai s » 69 ,0% 16 7 67, 2% 16 6 70 ,4% 16 2 68 ,8% 16 3 62 ,6% 15 2 16 ,1 % 48 57, 3% 858 S en s i nd ét er m in és 4, 5% 11 6,1 % 15 3, 9% 9 3, 4% 8 0, 8% 2 1, 7% 5 3, 3% 50 A D H ÉR ER 4,1 % 10 5, 3% 13 9,1 % 21 3, 0% 7 8, 2% 20 42 ,8% 12 8 13 ,3 % 19 9 P OUR V O IR 0, 8% 2 0, 4% 1 0, 9% 2 0, 8% 2 0, 0% 0 2, 0% 6 0, 9% 13 EN C O U R A G ER 21, 5% 52 21 ,1 % 52 15 ,7 % 36 24 ,1 % 57 28 ,4% 69 37, 5% 11 2 25 ,2% 37 8

(20)

(18) […] pis ca fait un sale boutte que je suis “contribuable” et que je supporte 3 générations avec une seule paye! alors....trouve autre chose a me dire que “va travailler”. (C-FB)

Ainsi, des trois ES relevés pour supporter, seuls encourager et adhérer sont présents de manière significative dans les corpus (25,2 % et 13,3 % respec-tivement). Ils s’utilisent dans les mêmes configurations lexicales que les sens en français « tolérer » et « subir avec patience », alors même qu’ils sont de valeur opposée. Cette ambiguïté de sens est peut-être ressentie par les locuteurs, qui semblent éviter d’utiliser les deux ES dans des constructions en ne pas pouvant favoriser une interprétation axiologiquement négative. Il paraît à première vue difficile de voir la continuité sémantique entre les sens « français » et « anglais » de supporter compte tenu de cette opposition de valeur. Il faut, pour la saisir, tenir compte de changements de sens bien antérieurs à la période examinée dans l’étude, ce qui explique sans doute l’absence de véritables tendances

dia-chroniques dans les corpus sondés20. Deux branches d’acceptions différentes,

issues du latin sub- « sous » et portare « transporter », se rencontrent dans les sens français et anglais relevés : la première concerne les sens qui gravitent

au-tour de la notion d’un mouvement de bas en haut (12e siècle), tandis que la

deu-xième concerne les sens qui s’articulent autour de l’idée de subir quelque chose

de pénible (14e siècle)21. Les trois ES se rattachent à la première branche ; il est

d’ailleurs permis de mettre en doute l’influence de l’anglais comme facteur prin-cipal de la présence de ces acceptions en français au Québec. En effet, puisque les sens « appuyer qqn », « prendre le parti de qqn » et « subvenir aux dépenses

de qqn » sont tous attestés en France jusqu’au 18e siècle au moins et que les ES

adhérer et pourvoir sont présents dans la lexicographie corrective québécoise

dès la première moitié du 19e siècle22, on peut émettre l’hypothèse que ces sens

ne sont jamais sortis des usages dans cette ancienne colonie. Dans tous les cas, l’ambiguïté sémantique que l’on observe aujourd’hui pour supporter est présente

en français dès le 14e siècle.

20 Les fluctuations de fréquence pour supporter paraissent résulter davantage de la taille de l’échantillon analysé que de véritables changements sémantiques. 21 Dictionnaire historique de la langue française, sous supporter.

22 Ils sont mentionnés dans l’un des premiers ouvrages lexicographiques publiés au Québec : T. Maguire, Manuel des difficultés les plus communes de la langue fran-çaise, adapté au jeune âge et suivi d’un Recueil de locutions vicieuses, Québec : L. Fréchette et Cie, 1841. Cet ouvrage ne faisait cependant pas partie du corpus lexicographique exploité.

(21)

L’équivalent le plus fréquemment proposé pour éviter l’emploi de supporter dans un sens « anglais » est appuyer. De fait, sa description lexicographique comporte de nombreuses similitudes avec les sens « français » de supporter, et il peut remplacer tant encourager que adhérer. La principale différence semble résider dans la possibilité d’utiliser appuyer dans des constructions né-gatives comme en (19), là où supporter serait généralement évité afin de ne pas introduire d’ambiguïté sémantique :

(19) Pour une fois des gens se tiennent devant Charest sans rampé <sic> et se prosterner devant ce manipulateur pourris <sic>. J’aurais honte de moi si je n’appuyais pas les étudiants (C-FB)

Globalement, les deux mots s’utilisent dans les mêmes contextes, comme dans les exemples (20) et (21) :

(20) Il n’est pas un centralisateur autoritaire, n’a jamais jeté l’anathème sur le nationalisme québécois, supportait l’accord du lac Meech et la loi 101. (C-Jr 2007)

(21) Il a témoigné au comité à titre personnel. Il appuyait le projet de loi. (C-Jr 2012)

Ainsi, les données des corpus de productions textuelles tendent à confirmer l’« équivalence » de appuyer et de supporter lorsque ce dernier est utilisé aux sens de encourager et de adhérer.

2.4. Versatile

Le mot versatile est très rare dans les productions textuelles malgré sa

pré-sence importante dans la lexicographie corrective23 : on n’en relève en effet que

179 occurrences sur les 421,5 millions de mots que comptent les deux corpus sondés (tableau 8). L’acception française « inconstant » ne représente que 12,8 % de ce total, avec toutefois un maximum de 22,7 % dans le C-Jr 2002, dont l’exemple (22) est tiré :

(22) Il ne faut pas brusquer les humains. Ce sont des créatures versatiles, et pointilleuses. Ni les prendre par surprise ; leur esprit tourne comme le vent d’orage. [C-Jr 2002]

23 Versatile est décrit comme un emprunt sémantique dans 22 des 43 ouvrages qué-bécois du corpus.

(22)

Ta b le au 8 . Ve rs at ile d an s l es c or p us d e p ro d uc tio ns t ex tu el le s   C -J r   C -FB To ta l   19 92 19 97 20 02 20 07 20 12 To tal d ’oc cu rr en ce s 20 33 22 43 35 26 17 9 S en s « f ra nç ai s » 10 ,0 % 2 15 ,2 % 5 22 ,7 % 5 11 ,6 % 5 11 ,4 % 4 7, 7% 2 12 ,8 % 23 S en s a mb igu s/ in dé te rm iné s 20, 0% 4 6,1 % 2 4, 5% 1 7, 0% 3 5,7 % 2 15 ,4% 4 8, 9% 16 TA LE N T U E U X 5, 0% 1 12 ,1 % 4 9,1 % 2 7, 0% 3 0, 0% 0 11 ,5 % 3 7, 3% 13 P OL Y VA LE N T 10 ,0 % 2 15 ,2 % 5 13 ,6 % 3 27, 9% 12 34 ,3% 12 50 ,0% 13 26 ,3% 47 ÉR U D IT 0, 0% 0 0, 0% 0 0, 0% 0 0, 0% 0 0, 0% 0 0, 0% 0 0, 0% 0 O U V E R T D’ ES P R IT 0, 0% 0 0, 0% 0 0, 0% 0 0, 0% 0 0, 0% 0 0, 0% 0 0, 0% 0 M U LT IF ON C TI ON N E L 55 ,0% 11 51, 5% 17 50 ,0% 11 46 ,5% 20 48 ,6% 17 15 ,4% 4 44 ,7 % 80 U N IV ER S EL 0, 0% 0 0, 0% 0 0, 0% 0 0, 0% 0 0, 0% 0 0, 0% 0 0, 0% 0

(23)

Des six ES relevés dans le corpus lexicographique, érudit, ouvert d’esprit et universel ne sont pas attestés dans les productions textuelles. L’ES talen-tueux, qui se caractérise au plan sémantique par une axiologie fortement posi-tive et qui sert à qualifier une personne qui démontre un talent marqué dans plu-sieurs domaines, ne compte que 13 occurrences (7,3 %), tel l’exemple (23) :

(23) De plus, l’image de Hello Kitty a toutes les qualités que l’on attend de la femme asiatique traditionnelle : pure, innocente, cute, obéissante, tranquille,

versatile, etc. (C-Jr 2002)

Le deuxième sens en termes de fréquence est polyvalent (26,3 %). Décrit pour la première fois en 2003 dans le corpus lexicographique, cet emploi est en croissance dans le C-Jr au cours de la période 1992–2012 et il représente la moitié des occurrences dans le discours spontané du C-FB. Cet ES à l’axiologie positive est utilisé pour qualifier une personne qui démontre de l’aptitude à accomplir des tâches de natures différentes, comme dans l’exemple (24) :

(24) C’est un joueur versatile, capable de jouer autant sur la ligne défensive qu’à l’attaque. (C-Jr 2012)

L’ES le plus usité dans les productions textuelles est multifonctionnel, qui compte pour près de la moitié de l’ensemble des occurrences (44,7 %). Au plan sé-mantique, il se distingue à la fois du sens français et des autres ES relevés par le fait qu’il caractérise un objet, apprécié pour sa polyvalence, comme dans l’exemple (25) :

(25) Afin de rationaliser les dépenses de cette nouvelle garde-robe, il faut – une fois de plus – miser sur des pièces versatiles pour ne pas dire caméléons. (C-Jr 1992)

Cet ES apparaît parfois dans des contextes où versatile est utilisé pour tra-duire et expliquer l’emploi du mot anglais versatile, notamment dans le C-Jr 1997, soit peu après la mise en marché de la nouvelle technologie DVD (Digital

Versatile Disk). Le fait qu’il soit nécessaire d’expliciter le sens de ce mot montre

à quel point il est alors peu répandu.

Une proportion non négligeable d’occurrences reste de sens « indéterminé » (8,9 %), tel l’exemple (26) :

(26) L’anglais est utiliser <sic> partout dans le monde, c’est une langue MON-DIAL <sic>, nettement plus facile à apprendre que le français, oui il est moins

versatile que le français, mais les gens ont le choix de prendre et d’apprendre la

(24)

Le sens que donne l’auteur de ces lignes au mot versatile est pour le moins ambigu, puisque l’anglais y est décrit comme une « langue mondial » [sic] mais « moins versatile » que le français. Concrètement, compte tenu du fait que ces sens indéterminés représentent une proportion élevée des occurrences et que plusieurs sens « anglais » sont décrits dans le corpus lexicographique sans pour

autant être relevés dans les productions textuelles24, le portrait d’ensemble

ob-tenu suggère une signification très « élastique » pour versatile25. Sa très faible

fréquence dans les usages tant soignés que spontanés en français au Québec fait en sorte que les locuteurs ont peu d’occasions de se familiariser avec la

significa-tion de ce mot26, qui reste donc sans doute assez vague pour une partie d’entre

eux. Dans ces circonstances, l’influence des contextes où versatile sert à traduire l’anglais versatile peut être déterminante dans leur expérience lexicale.

Les trois ES attestés dans les productions textuelles, soit talentueux, po-lyvalent et multifonctionnel, partagent avec le sens français l’idée d’un changement. Mais alors que le changement qui touche à l’acception française se caractérise par l’instabilité (« inconstance »), celui qui touche les ES se caracté-rise par l’adaptabilité. Il s’agit d’une interprétation différente de la même notion qui mène à une opposition au plan axiologique, mais sans pour autant que l’am-biguïté sémantique qui en résulte en soit nécessairement une pour les locuteurs, pour qui ces sens opposés ne cohabitent peut-être pas.

L’équivalent proposé pour remplacer versatile utilisé dans un ES est

polyva-lent. Au regard de la description lexicographique qui en est faite et des usages

re-levés dans les corpus, il apparaît que polyvalent s’emploie de manière semblable à versatile lorsque ce dernier est utilisé dans l’un des trois ES présentés ci-dessus, comme dans les exemples (27) et (28) :

(27) Le Twin Otter est reconnu pour être un appareil versatile qui peut opérer sous diverses conditions. (C-Jr 2012)

(28) […] la XV Crosstrek se veut une voiture polyvalente élégante, capable d’af-fronter des chemins forestiers tout autant que le trafic de 17 h dans un centre-ville bondé. (C-Jr 2012)

Cet équivalent possède l’avantage d’être un mot très fréquent, dont la significa-tion ne pose pas spécialement problème.

24 Pas moins de 37 équivalents différents sont proposés dans ce corpus.

25 Cette « souplesse » sémantique se traduit d’ailleurs par la présence importante de commentaires à connotation autonymique (cf. Julia 2001 ; Authier-Revuz 2003) dont l’objectif est de « fixer le sens » de versatile. Cet aspect ne peut être dévelop-pé ici, faute d’espace.

(25)

Conclusion

L’analyse comparative des corpus lexicographiques et de productions textuelles pour les mots alternative, opportunité, supporter et versatile a permis de montrer que, mis à part le cas de supporter, les différents sens « anglais » comptent pour la majorité des occurrences relevées, avec pour résultat que les sens « français » sont maintenant minoritaires dans les usages. Même si les ES sont globalement plus fréquents dans le discours spontané du C-FB, ils sont aussi d’usage généra-lisé dans le discours soigné du C-Jr. Il ressort également que certains ES décrits dans la lexicographie ne sont pas attestés dans les corpus sondés, tandis que d’autres sens, encore non décrits, sont de plus en plus utilisés.

Plutôt que de mettre en évidence un mécanisme unique d’« emprunt » de sens ponctuel et localisable permettant aux sens anglais de faire sens malgré les conflits sémantiques avec les acceptions françaises, les données du corpus montrent que plusieurs processus de diversification et d’évolution sémantique sont à l’œuvre. Les traces du renversement axiologique constaté dans l’usage actuel de alternative et de opportunité peuvent s’observer dans les changements sémantiques presque imperceptibles qui accompagnent des contextes d’utili-sation de plus en plus positifs, en phase avec les valeurs de liberté et d’action individuelle de la société occidentale moderne. L’opposition apparente entre les acceptions « françaises » de supporter et certaines autres partageant des caracté-ristiques sémantiques avec le verbe de même étymon en anglais est quant à elle très ancienne ; les locuteurs semblent contourner l’ambiguïté sémantique pro-voquée par deux branches d’acceptions différentes en évitant généralement les constructions négatives (ne pas + supporter). Pour ce qui est de versatile, la rareté du mot fait en sorte que sa signification reste globalement floue pour la plupart des locuteurs, qui interprètent la notion de changement qu’elle comporte en fonction de leurs différentes expériences du lexique, où l’anglais (via l’apparition de nouvelles technologies) peut avoir joué un rôle non négligeable.

Les résultats de l’analyse montrent que dans le cas de alternative, l’équivalent

solution ne permet pas de véhiculer l’axiologie très positive des sens influencés

de l’anglais, un constat qui s’applique également mais dans une moindre mesure à occasion comme équivalent de opportunité. En ce qui concerne supporter et

versatile, les équivalents appuyer et polyvalent semblent pouvoir s’utiliser dans

le même genre de contextes sans différence sémantique significative.

Dans tous les cas, l’examen de l’utilisation des quatre mots permet de mettre en lumière le fait que les sens « anglais » ne sont pas complètement « étrangers » et qu’ils se rattachent tous à des notions présentes dans des acceptions

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fran-çaises. En ce sens, il nous apparaît nécessaire de repenser le concept d’« em-prunt » sémantique, tant au regard de la diversification sémantique observée que de la difficulté, voire l’impossibilité, de localiser et de déterminer le moment de l’acte d’emprunt d’un sens. Le fait que dans le français utilisé au Québec existent,

pour chacun des mots analysé ici, des mots de même famille27 utilisés également

dans des sens partageant des caractéristiques sémantiques avec l’anglais semble être un argument supplémentaire en faveur de la nécessité d’une véritable théo-risation de l’influence sémantique interlingue.

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