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La critique littéraire considérée comme un objet d'étude d'histoire littéraire

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Academic year: 2021

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Janusz Sławiński

La critique littéraire considérée

comme un objet d’étude d’histoire

littéraire

Literary Studies in Poland 20, 31-54

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Jan u sz Sławiński

La Critique littéraire

considérée co m m e un objet d ’étude

d ’histoire littéraire

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D ans cet essai, je voudrais caractériser de la façon la plus générale possible les profils essentiels du phénom ène dit « critique littéraire », de cette critique littéraire considérée com m e un des centres d ’intérêt de l’historien de la littérature. Cet objet d ’étude est à ce po in t ap paren té aux autres centres d ’intérêt qui occupent l’historien de la littératu re q u ’il doit sans nul do u te être situé en leur com pagnie, m ais il doit tout au tan t en être distingué dans la m esure où sa localisation dans ce dom aine exige sans cesse des justifications m éthodologiques p a rti­ cu liè re s1. J ’ad o p te ici le po int de vue d ’un hom m e qui v ou drait faire l’h i s t o i r e d e la c r i t i q u e l i t t é r a i r e et qui, p ar conséquent, doit définir les principes des dém arches entreprises dans ce but afin, surtout, que ces dém arches répond ent, dans la m esure du possible, aux stan d ard s fixés à ce jo u r d ans l’exercise de l’histoire de la littérature. Des tentatives de réflexion de cet ordre en sont pas souvent entreprises m ême si ch aque année ab on dent — en Pologne com m e ailleurs — des études particulières consacrées à l’histoire de la critique littéraire. Il existe une conviction — tacite du reste — selon

1 En divers lieux de cet essai, j ’ai re cou rs à des c o n c e p t s (ou m ê m e à des fo rm ula tio ns) qui prov ien nent d ’un petit article q ue j ’ai écrit so u s le titre « Krytyka literacka j a k o język » (La critique littéraire en tant q u e langage). N urt. 1968. no. II.

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laquelle faire l’histoire de cette critique n ’im plique aucune technique scientifique particulièrem ent com pliquée qui m ériterait une atten tio n spéciale. D ans l’opinion générale, c ’est une activité qui exige du chercheur une érudition suffisament étendue, mais qui ne suscite pas de très graves problèm es m éthodologiques. Si nous reconnaissions com m e norm e le niveau m oyen des travaux effectués dans ce dom aine, il conviendrait, en fait, de rallier une telle opinion. C epen dant, notre respect p o u r ce qui se fait le plus souvent ne peut aller tro p loin. En effet, la n o n -ap p aritio n de problèm es m éthodologiques n ’atteste pas une situation favorable des études consacrées à la critique, mais un recul p ar ra p p o rt aux m odes de description et d ’in terp rétatio n des phénom ènes littéraires élaborés p ar l ’histoire actuelle de la littératu ­ re. Ces études con stitu en t au fond des périphéries p ro blém atiq ues encore obscures de la science de l’histoire de la littérature. D ans la p lu p a rt des cas, nous avons affaire à des abrégés lassants et stériles des opinions et des doctrines, abrégés qui p arte n t d ’un principe n aïf selon lequel la signification des énoncés critiques consiste en ce q u ’ils com m un iquent directem ent. Ces abrégés ne tiennent pas com pte du fait que toujours, ici, agissent des règles de com m u nicatio n qui désignent le sens véritable (et donc m asqué, d ’une façon ou d ’une autre) des com m uniqués. Si l ’on ne pénètre pas ces règles, on perd de vue le caractère historique des énoncés critiqu es; or, ce caractère historique tient toujours en une obéissance — ou en une désobéissance — à l’égard d ’un système de langage don né qui sous-tend la possibilité d ’ap p aritio n de ces énoncés en un tem ps et un lieu donnés. Des énoncés isolés de leur a priori idéologique, privés du co n tac t avec leurs m otivations secrètes qui m o ntraien t « l ’en cadre­ m ent m odal » de leur sens, de tels énoncés sont, au fond, vidés de leur histoire. Ils nous disent beaucoup tro p (puisque, n ’ayant pas cet « encadrem ent m odal » régulateur, ils se révèlent désarm és devant les suggestions les plus diverses) ou bien ils sont to ut sim plem ent sourds à nos questions. D ire précisém ent au ta n t q u ’il faut, ces énoncés ne le p o u rraien t que si nous pouvions recréer leurs engagem ents, leurs co ntrain tes, leurs chances originels, que si nous pouvions donc leur rendre leur histoire. Seule aurait le droit de se réclam er de 1’« histoire de la litté ra tu re » une interp rétatio n des opinions déchif­ frées dans les com m uniqués critiques qui m o n trera it une conception de cette critique dans laquelle de telles façons de voir pouvaient

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L a C ritiq u e litté ra ire 33

(devaient mêm e) app araître. H élas, bien rares sont les in terp réta­ tions effectuées dans ce dom aine qui m éritent ce titre 2.

Il faut en o u tre se rappeler q u ’une histoire de la critiqu e concentrée sur les opinions ou sur les doctrines (même si la caractérisation de celles-ci a tte in t un très h au t niveau) n ’em brasse q u ’un fragm ent du phénom ène qui doit entrer en ligne de com pte. C ette histoire de la critique touche ce q u ’on p o u rrait appeler la pensée de la critique littéraire, elle touche donc ce qui, pris isolém ent, ne perm et pas du to u t de fran chir les frontières du fonctionnem ent de la critique. C onsidérée u niquem ent sous cet aspect, l’histoire de la critique s'assim ile au fond soit à la science de la littératu re, soit à l’esthé­ tique; elle constitue un élém ent de l’histoire de la littérature ou de l’histoire des doctrines esthétiques, elle n ’a pas d ’histoire propre. Il est im périeux de traiter à droits égaux deux autres aspects de l'histoire de la critique, deux aspects qui o n t été perçus — c ’est vrai — d a n s des études théoriques qui, cependant, ont été oubliées, d 'o rd in a ire, dans des travaux historiques.

O r la critique, to u t de même, n ’est pas seulem ent un discours sur la littératu re m ais aussi un discours com plém entaire de la litté­ rature, un discours qui se situe au m êm e niveau d ’activité que l ’acte de l'écrivain. Il arrive que dans une certaine m esure la critique apparaisse « à la p la c e » de la littératu re; c ’est le cas lorsque la critique fait appel à des valeurs d o n t la création littéraire n ’a pas donné en son tem ps de tém oignage satisfaisant (ou d on t elle n 'a donné aucun tém oignage); c ’est le cas lorsque la critique m entionne

- Parmi les travaux publiés en P o lo g n e au c o u r s des dernières année s se distingue nt ne tte m en t: M. G ł o w i ń s k i : « Język kryt ycz ny Ig n a ce g o M at u sz e w sk ie g o . U w a g i w zw ią zk u z publikacją wy boru pism » (Le L a n ga ge critique d'I. M. R e m a r ­ ques liées à la p u blic atio n d ’un ch o ix d ’oeuv res ). P a m iętn ik L ite r a c k i, 1967. c. 2; « Kryt yka literacka O st a p a Ortwina » (La Cr itique littéraire d 'O .O .). [dans:] O. O r t - w i n . Ż y w e fik cje, éd. J. C z a c h o w s k a , W ar s za w a 1970; T. B u r e k . « C z t e r y dysk us je Ka ro la I r z y k o w s k i e g o » (Quatre d isc u ssi o n s de K.I.) . [dans:] P ro b le m y lite ra tu ry

p o ls k ie j lat 18 9 0 — 19 3 9 , ss la dir. de H. Kirchner, Z. Ż ab ic k i, W ro cł aw 1972;

W. G ł o w a l a . S e n ty m e n ta lizm i p e d a n te ria . O s y ste m ie e s te ty c z n y m K a ro la I r z y k o w ­

sk ie g o (S e n tim e n ta lism e e t p é d a n te rie . A p r o p o s du sy stè m e esth é tiq u e de K .I.),

W ro cł aw 1972. C e s travaux en té m o ig n e n t : d a n s les ét ude s co n sa c r é e s à la critique se co n st itue une tou te nouvel le ap p r o c h e m é th o d o l o g i q u e qui perm et de nourrir l ’espoir d ’une possibilité d ’histoire de la critique d ’un niveau c o m p a r a b le au niveau atteint dan s les autres d o m a in e s de l ’histoire de la littérature.

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des possibilités littéraires auxquelles cette créatio n , p o u r l’une ou l’autre raison, n ’est pas parvenue ou qu'elle a an éan ties: c ’est le cas lorsque la critique exprim e des co ntenus que la littératu re n ’a pas pu ou n ’a pas voulu énoncer. En ce sens, la critiq u e com plète la littéra­ ture, elle est — com m e le voulait Irzykowsi — « une poésie do tée d ’un au tre état de co ncentratio n »; ses énoncés d o n n en t la parole à ces élém ents de la m entalité littéraire d ’un milieu qui, dans les oeuvres mêmes, n ’avaient pas été extériorisés. Bien sûr, l’histo rien de la critique ne devrait pas perdre de vue ces dépendances — to u tes fonctionnelles — qui existent entre deux form es d ’extério risatio n de la m entalité littéraire. C om m ent ces deux form es se p artag en t les tâches, com m ent elles collab oren t ou se font la guerre, quel type de dialogue se noue entre elles, voilà ce qui co nstitue la com p o san te essentielle de la caractérisation d ’une phase donnée du processus historico-littéraire.

D ’une autre façon devrait être exam iné l ’aspect de la critique qui a trait à son action stratégique bien définie au sein de la vie littéraire. Il existe tou te une série de questions essentielles liées à cette action. Ces questions concernent le rôle de la critiqu e considérée com m e un « interm édiaire » entre les artistes et leurs lecteurs au sein du public littéraire; elles concernent la situation de la critiq u e d an s l’o rdo nn an ce institutionnelle de la vie littéraire, à l’intérieur de l’institutio n sociale du con trôle de la création, parm i les institutio ns qui gouvernent la circulation des oeuvres d an s la société, p arm i les in stitu tions « édu­ catives » qui p rép aren t à pren d re p a rt à des situ atio n s de co m m u ni­ cation littéraire bien définies3; elles concernen t le rôle de la critique considérée com m e une action stabilisatrice du systèm e de culture littéraire, com m e une action form atrice du savoir, du goût et de la com pétence du public (des diverses couches de celui-ci)4.

L ’histoire de la critique doit saisir ces trois aspects s i m u l ta

-•' Il faut se rappeler que la situ atio n d e la cr itique d a n s l ’o r d o n n a n c e institu­ tionnell e de la vie littéraire peut aussi être telle qu'elle re présente d a n s cette o r d o n n a n c e une force a in st itu tionne lle (ou m ê m e a n tiin stit utio nnel le ). D a n s le m o dè le m od e rn e de la vie littéraire, la place d ’u n e telle cr itiq ue se trou ve réservée au sein des c o u c h e s de l'élite du public.

4 J ’utilise le c o n c e p t de cu ltur e littéraire et les c o n c e p t s y afférents (savoir, goû t, c o m p é te n c e ) dans un sens que j'ai précisé d a n s m o n essai « S o c jo lo g ia

literatury i p o e ty ka h i s t o r y c z n a » (S o c io lo g ie de la littérature et p o é tiqu e histori ­ que), [dans:] P ro b le m y so c jo lo g ii lite ra tu r y , W r o c ła w , 1971.

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n é m e n t, sans privilégier aucun d ’eux a priori aux dépens des autres. Le véritable objet de l ’histoire de la critique se caractérise chaque fois p a r un équilibre vacillant des mises au point, p ar un équilibre q u ’il est extrêm em ent facile de dém olir, en a b a tta n t du m êm e coup cet objet lui-m êm e: en m ettant l ’accent sur le rôle de la pensée de la critique littéraire, nous tran sfo rm o n s cet objet, to u t sim plem ent, en un élém ent de la science de la littératu re (on se trouve alors dans le cham p des centres d ’intérêt de l ’histoire de la science); si l ’on insiste sur la p artic ip a tio n de la critique à la sphère des décisions littéraires, on l’assim ile aux formes de la création littéraire (la critique se trouve alors — du reste com m e sim ple objet « annexe » — dans le cham p des centres d ’intérêts de l ’histoire littéraire type); si nous considérons la critiq u e uniquem ent com m e un facteur rég ulateur du processus de la com m unication littéraire, nous la réduisons facilem ent au rôle d ’un des m écanism es institutionnels de la vie littéraire (la critique entre alors d an s le dom aine des centres d ’intérêt de la sociolo­ gie de la littérature). L ’histoire de la critique doit app ren d re à éviter de telles exclusives p o u r a u ta n t q u ’elle veuille justifier son existence. Il ne fait pas de d o u te q u ’à différentes époques to u t com m e d ans les diverses zones d ’une m êm e synchronie de l ’histoire littéraire peuvent a p p araître (qü’apparaissent.du reste en général) divers m odèles d ’activité critique, m odèles p a rm i lesquels tel ou tel des aspects cités jo u e un rôle dom in ant, m asq u an t les autres. C e fait ne dispense ce p end ant pas, en aucun cas, du d evoir de parvenir à ce qui est voilé, su bo rdo nn é, relégué au second plan. Quel que soit l ’aspect de la critique qui entre d ’abo rd e n je u , cet aspect ne prend to u t son sens que sur le fond des autres aspects qui l’accom pagnent (même en secret). Seuls, tous ces aspects dans leur ensem ble font de la critique une to talité au to n o m e du processus de l’histoire littéraire.

2

On l’ad m ettra sans peine: une dém arche élém entaire de to ut spécialiste de la littérature, c ’est de définir l ’espèce et le n o m b re des textes qui ont retenu son attention. Les douloureux problèm es de l ’historien de la critiq u e com m encent dès ce niveau fo ndam ental. C ’est que les énoncés qui l ’occupent ne se con stituen t nullem ent en

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un groupe bien spécifié sous l ’angle du « g e n r e » . Au contraire, ces énoncés form ent un universum hétérogène aux limites fluctuantes qui relèvent de différents types d ’écriture. Le groupe le plus incon­ testable de tém oignages est constitué, bien sûr, p ar ces énoncés qui relèvent du concept de la critiq ue prise dans le sens q u ’on lui accorde généralem ent a u jo u rd 'h u i: il s’agit donc des essais, des débats, des recensions, des chroniqu es qui concernent les phénom ènes de la création littéraire contem p o rain e (ou ancienne, m ais perçue du point de vue des idéaux et des stan d ard s de la littératu re contem poraine), de textes écrits p ar des gens qui jo u e n t en professionnels un rôle de critique. P o u r au ta n t que nous puissons définir le caractère spécifique de ce rôle (or, il ne se distingue pas avec évidence, il interfère avec les rôles de spécialiste, d ’écrivain, de travailleur cu ltu ­ r e l...) , nous p o u rro n s égalem ent discerner les énoncés qui lui sont relatifs. C ependant, il en résulte bien peu de science p o u r ceux qui s ’occupent des époques qui, même si elles n ’entend aient pas la critique au sens oû nous l ’entendons a u jo u rd ’hui, disposaient p o u rta n t de réperto ires bien développés en ce qui concerne les form es de réaction à la littératu re: ces répertoires touchaient le com m en taire et l ’apprécia­ tio n de l’oeuvre, les exigences, les influences persuasives sur les décisions des artistes et des lecteurs. Les fixations textuelles adéquates ne tro u v en t pas place, dans ce cas, dans un cham p d ’activité littéraire bien distinct. Ces fixations représentent des systèm es extrêm em ent divers d ’action culturelle et elles font référence aux différents rôles sociaux des auteurs. Les m anuels de rh étoriq ue ou de poétique, les traités philosophiques ou théologiques, les lettres ou les poésies de circonstance, les préfaces, les dédicaces, les ouvrages biographiques, les d issertations p h ilo lo g iq u es... A ch aque pas, l’historien de la criti­ que littéraire ren contre des déclarations à côté desquelles il ne peut passer indifférent q u o iq u ’il ne puisse les réduire à un seul type com m un d ’énoncé qui présenterait la critique com m e une activité spécialisée.

M ais m êm e dans les conditions où la situation de la critique est « institutionnellem ent » clarifiée, on voit ap p a raître diverses m an i­ festatio ns critiques qui sortent du cad re d ’un m odèle systém atique de critiq u e littéraire; ces m anifestations p ren nen t directem ent leurs racines des ensem bles qui ne sont pas ceux de la critique sensu

stricto.

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les professions de foi littéraires des écrivains, leurs « confidences de m étier », leurs opinions sur les oeuvres d ’autres artistes, leurs d éc la ra­ tions à p ro p o s du ra p p o rt avec la trad itio n etc.

N ous voyons égalem ent entrer dans le jeu de nom breux énoncés qui ap p a rtien n en t à la science de la littérature, qui a d o p ten t une perspective fondam entalem ent scientifique to u t en étan t chargés de surcroît (mais c ’est presque le règle, après to u t!) d ’obligations q u ’on reco n n aît com m e typiques de la critiq u e: ces énoncés se déclarent en faveur de valeurs bien définies (et, en m êm e tem ps, co ntre d ’autres valeurs), ils ten dent à faire certains choix bien précis parm i les lecteurs, ils établissent une hiérarchie dans l’im p ortance des p h é n o ­ m ènes interprétés conform ém ent aux exigences du goût co n tem p o rain . Bien peu nom breux ceux qui, a u jo u rd ’hui, nourrissent des illusions sur les possibilités de l’établissem ent d ’une frontière nette en tre le dom aine des énoncés véritablem ent critiques et celui des énoncés qui représentent la science pure de la littérature. En réalité, ces énoncés se pénètrent sans cesse les uns les autres m êm e lo rsq u ’en tre en jeu une critique qui m anifeste de façon décidée son aversion p o u r ce qui est « scientifique » et que, d ’au tre p art, se présente une étude de la littératu re se réclam ant précisém ent de ce caractère « scienti­ fique » m odèle. L ’historien de la critique littéraire ne p eu t être indifférent aux prém isses norm atives évidentes ou cachées des co n cep ­ tions des études littéraires les plus sublim ées soient-elles en théorie, car ces prémisses font référence à un même état de conscience littéraire d o n t la critique est issue5.

C et historien ne devrait pas non plus rester insensible aux élém ents de critique littéraire qui apparaissent dans des sphères d ’activité englobant des cham ps de com m unication sociale sensiblem ent plus étendus que ceux de la littératu re. N ous pensons ici à des phénom ènes tels que les program m es idéologiques qui co n tien n en t n o tam m en t des form ules sur les tâches et les fonctions de la créatio n littéraire, sur les traditions vitales de la littératu re co n tem p o rain e ou sur les types souhaitables de ses accom plissem ents. N o us pensons

5 D e la m ê m e façon — d'autre part — p o u r l ’historien de l ’é t u d e d e l a l i t t é r a ­ t u r e , les té m o ig n a g e s de critique littéraire p eu ve n t revêtir une i m p o r ta n c e réelle m ê m e lorsque cet historien s' o c c u p e su rtou t de c o n c e p tu a lis a tio n s f o n d é e s sc ie n ti­ fiquement.

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aux textes qui fondent les actions et les décisions de la p olitique culturelle dans ses ra p o rts avec la littératu re: ils fixent les hiérarchies des valeurs prévues p o u r être diffusées, ils form ulent les stim uli, les exigences, les mises en garde, les interdits ou les ordres adressés aux artistes, ils se déclarent — au nom de certains milieux existants — en faveur de types ou de m odèles littéraires bien définis. N ous pensons aussi à des énoncés qui font p artie du dom aine d ’une pédagogie sociale largem ent com prise: ces énoncés traitent la littératu re com m e l’un des instrum ents qui form ent, qui dirigent les com p ortem ents hum ains, ils exigent d onc de celle-ci q u ’elle rem plisse des co nd ition s précises, en accord avec les besoins des institutions éducatives, des écoles en p a rtic u lie r6. D ans toutes ces sphères d ’action que nous venons de citer, nous avons affaire à la réalisation de fonctions de la critique littéraire qui ne sont p o u rta n t en aucun cas ni des fonctions prim aires, ni des fonctions typiques: nous connaissons cep en d an t bien des situations où l’idéologie, la politique culturelle ou la pédagogie sociale r e m p l a c e n t de façon effective une critiq ue littéraire fo n c tio n ­ n an t de m anière indépendante. En outre, ces fonctions con stitu en t m aintes fois l’une des positions fondam entales de l’action critique p ro prem ent dite, laquelle n ’est pas seulem ent suscitée p ar des idées et p ar des po stu lats form ulés au sein de ces fonctions, m ais qui est aussi, carrém ent, le prolongem ent de celles-ci dans une situ ation littéraire.

Il est égalem ent difficile d ’om ettre le vaste dom aine de travau x qui relèvent incontestablem ent de la critique littéraire et qui cepen dan t s ’en distinguent p a r le fait m êm e q u ’ils ne sont p as publiés; leur influence sur la circulation sociale des valeurs littéraires est p o u rta n t sensiblem ent plus forte (du m oins sur de courtes fractions de tem ps) que celle d ’une quelconque au tre form e de critique. Il s ’agit avant tout de toutes les opinions form ulées com m e des conseils aux éditeurs, com m e des réserves ou des interventions de la censure. Ce n ’est pas sans raison q u ’on peut dire que ce sont là des variantes du devoir critique, variantes qui se tro u v en t relativem ent le plus près de l ’em pire exercé sur l ’action littéraire et qui o nt souvent une influence

A 11 ne fait pas de d o u te que les m a nu e ls scolaires d'histo ire littéraire sont to ujours plus p ro ch es — f o nc ti o n n e lle m e n t — d e la critique littéraire q u e d ’une sc ien ce d e la littérature.

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réelle sur les dém arches littéraires. N ous avons ici affaire à une critique qui est véritablem ent cocréatrice en ce sens que ses déclara­ tions peuvent avoir des conséquences to u t à fait réelles sur le processus de form ation de l’oeuvre: cette critique peut forcer l’auteur à des corrections, à des rem aniem ents, à des retouches, à des am éliorations, à des rejets, à des ajouts etc. Elle entre littéralem ent dans l’espace qui s ’étend entre l’oeuvre et l’écrivain; elle règne dans cet « entre-deux », elle engage l’écrivain à revenir sur ses dém arches artistiques et donc — ce qui revient au mêm e — elle refoule l’oeuvre du stade de l’achèvem ent au stade du non achevé. Et si elle disqualifie l ’oeuvre dans sa totalité, alors cette disqualification signifie que l’oeuvre se trouve localisée d ans le non-être. N ’est-ce pas le rêve de toute c ritiq u e: faire en sorte que le m ot d ’appréciation ait l’im portance d ’un acte cap able de changer ou d ’invalider les oeuvres littéraires qui éveillent une o p p o sitio n ? Le fait que ce m ot d ’appréciation s ’accom ­ plisse en dehors de la critique pro p rem en t dite ne devrait pas faire problèm e. L ’historien de la critiqu e d oit aussi être capable de retrouver ces q uestions qui l’intéressent dans les régions q u ’il n ’avait pas coutum e de visiter ju s q u ’alors. Il est évident q u ’une caractérisation de l’activité critique qui ne tiendrait pas co m p te du don n eu r d ’opinion qui — tout en n ’étan t pas présent de façon tangible dans les textes qui p arco u re n t le public littéraire — agit de façon directe sur la littérature, serait to u jo u rs incom plète, accom plie à dem i. Le dom aine des tém oignages non publiés exige d ’être pris en com pte dans un rayon le plus étendu possible.

Et la littératu re elle-même, ne contient-elle pas au fond, elle aussi, des élém ents réels d ’un activité critique? O n sait bien que cette dernière se m anifeste ju stem ent d an s des form es spécifiques de l’art littéraire. N ous ne pensons pas seulem ent aux poèm es-m anifestes poétiques ou aux rom ans dans lesquels sont enchâssés des traités entiers sur l’écriture rom anesque; nous ne pensons pas seulem ent aux oeuvres qui co ntiennent des form ulations m étalittéraires plus ou m oins développées à p ro p o s des devoirs de l ’écrivain, à p ro po s des norm es en m atière de genre, à propos des techniques stylistiques. Ce que nous avons en vue, ce sont aussi — et peut-être su rto u t — des phénom ènes tels que la stylisation, la citation, la parodie, le pastiche, to ut ce qui lie activem ent une oeuvre à d ’au tres (et nous y incluons toutes les formes de distanciation prises à leur égard) et qui constitue

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aussi des dém arches m étallittéraires — des in terprétatio ns de certaines règles du discours « d ’au tru i », in terprétation s qui s’accom plissent dans la perspective des principes clairs ou seulem ent présum és d ’une langue « p ro p re ». Des liens de cet ordre, nous en trou vo ns incontestablem ent dans des opérations à caractère critique réalisées dans une langue qui est leur objet; ces opératio n s révèlent et dém o ntren t les m écanismes des conventions littéraires, elles extraient de leur cachette (et rendent expressifs) des norm es et des schém as prop res à certaines variétés d ’énoncés. Une typologie des form es d ’un travail critiqu e effectué à l’aide des instrum ents de la littératu re elle-même et à l ’intérieur de celle-ci n ’a pas encore été établie ju s q u ’ici qu oique le besoin de bases convenables en ce dom aine se fasse de plus en plus incon­ te sta b le 7. O n p o u rrait p arap h ra se r avec succès la form ule d ’Irzykowski citée plus h a u t: « la littérature, c ’est la critique dans un au tre état de co n cen tratio n ». C et aspect de la littératu re ne d evrait p as rester un

no man ’s land; il conviendrait de lui assigner une place ap p rop riée dans

l ’ensem ble des études consacrées à la critique.

La liste esquissée ci-dessus n-épuise pas, bien sûr, tou te la suite des types d ’énoncés qui p o u rraien t être pris en co m p te dans de telles études. C ep endant, si l ’on prête atten tio n aux plus im po rtants d ’entre eux, on prend conscience des difficultés m éthodologiques qui ap p araissent déjà, à un stade encore fort élém entaire d ’u n tel travail. En effet, en chacune des catégories d ’énoncés citées, nous tro uv on s une au tre espèce de co ncentration et de dissipation de la « critique » d ans un contexte extracritique; chaque fois, nous avons affaire à un enchevêtrem ent spécifique de cette « critique » dans un système de com m u nication qui n ’est p as réductible à cette critiqu e considérée d ans ses fonctions p rim a ire s8. E xtraire cette critique de ces contextes hétérogènes oblige, en chacun des cas, à app liq u er un type différent de

7 Cf. Les essa is: K. B a r t o s z y ń s k i , « P o g r a n i c z a krytyki lite r a c k ie j» (Les Z o n e s frontières de la critique -littéraire), [dans:] B adan ia n a d k r y ty k ą lite r a c k ą , ss la dir. de J. Sławiń ski , W r o c ła w 1974; K. D y b c i a k , T. W i t k o w s k i , « W y p o ­ w ie dź p o e ty c k a j a k o akt krytyczn y » (E n on cé p o é t iq u e en tant q u e l ’act critique).

ib id e m ; R. W e l l e k , « T h e P oet as Critic, the Critic as P o et , the Poet-Critic »,

[dans:] The P o e t as C r itic , E van sto n 1967.

8 Et inversement, il est clair que dans le cad re de la cr itique co n si d ér ée c o m m e u ne activité spécialisée apparai ssent divers é lé m en ts h ét ér o g èn es qui re nvoie nt à des systè mes d e c o m m u n i c a t i o n autres que la critique el le- mêm e.

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stru ctu ralisatio n . À cet égard, un énoncé de p ro p agan de im pose certaines nécessités, un énoncé p oétique suggère d ’au tres textes; la p ro clam atio n p a r un écrivain de son pro gram m e exige tel type de c o m p o rtem en t d ’analyse et d ’interprétation , et l’ingérence de la censure (laquelle est aussi, sui generis, un texte) exige une au tre attitu d e encore.

S upposo ns ce p endant — p u isq u ’il est im possible de to ut dire en cet essai — que nous som m es venus à b o u t de ces difficultés m éth o d o lo ­ giques élém antaires, que nous som m es capables, relativem ent aisém ent, de « p ré p a re r » n ’im porte quel type de com m uniqué qui contienne des élém ents critiques, c ’est-à-dire d ’y distinguer des unités de sens analogues à celles que nous traito n s com m e des unités constitutives des textes critiques au sens strict de ce m ot (en su pp o san t — évidem m ent — que l’analyse de ces dernières ait cessé depuis longtem ps de poser des difficultés). Si l’on adm et ce p oin t de d ép a rt — to u t en é ta n t conscient q u ’il s ’agit là d ’un subterfuge p erm ettan t d'éviter, au stade actuel de nos considératio ns, des problèm es qui requièrent d ’être exam inés en p articulier — nous pouvons nous poser la question m éthodo log iqu e suivante: ces textes critiques de to ut acabit, q u 'o n t-ils à com m uniquer au spécialiste? De quoi peuvent-ils être les tém oignages? Quel type de savoir peuvent-ils fo u rn ir? Et p ar conséquen t — ce qui revient au m êm e — sur quoi peut-on (doit-on) interroger les textes critiques? Le type de questionnem ent des énoncés critiques con stitu e dans ch aqu e cas un jalo n n em en t des frontières des diversités de ces énoncés, il ram ène cette diversité de « genre » à un d én o m in ateu r com m un q u ’im plique, justem en t, tel type de questions. N o u s ne nous trom p ero n s sans d oute pas en affirm ant que ces com m uniqués sont exploités p ar les historiens de la littératu re de cinq m anières différentes et que chaqu e fois, ils se m o n tren t, dans l’interp rétatio n , sous un au tre visage. Ils sont perçus com m e:

1) des tém oignages de r é c e p t i o n de la littératu re à une certaine époque, d an s un certain m ilieu;

2) des expressions des n o r m e s d é f i n i s s a n t les d é c i s i o n s des a u t e u r s des o e u v r e s nées dans des circonstances sociales et historiques données;

3) des inform ations à p rop os des idéaux d ’une l i t t é r a t u r e d é s i ­ ré e , idéaux rép andus au sein du public littéraire d ’un certain m om ent et d ’un certain lieu; ce sont aussi, parallèlem ent, des inform ation s à p ropos des idéaux négatifs d ’u ne littératu re rejetée;

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42 J a n u sz S ła w iń s k i

4) des ensembles d ’inform ations à p ro p o s des conditions de la v ie l i t t é r a i r e d ’une époque donnée;

5) des élém ents d ’u n f o n d supratem po rel de s a v o i r l i t t é r a i r e . Il est évident que le choix d 'u n e de ces perspectives définit en m êm e tem ps, chaque fois, le dom aine des énoncés pris en com pte, q u ’il les distingue du ch am p de com m uniqués plus vaste qui délim ite la m atière des recherches. P ar exem ple, la prise en considération de la réception peut élim iner du cham p im m édiat de l’observation des textes qui ont, p ar ailleurs, une im p ortance p rim ordiale p o u r les consid ération s sur les idéaux de la littératu re désirée; la prise en considération des circonstances de la vie littéraire rend peu intéressants des énoncés critiques qui sont im p o rtan ts dans l ’op tiqu e d ’u n intérêt p o u r les norm es de l ’écriture, etc., etc.

Je tenterai à présent de caractériser de la façon la plus concise possible les perspectives scientifiques distinguées plus haut.

A d 1. P o u r l’historien de la littératu re, les com m uniqués critiques

sont le plus souvent une v o ix uniq ue (si elle n ’est pas unique, elle est du m oins celle que l’on entend to ujo u rs le plus), la voix u nique des l e c t e u r s . L ’existence de ceux-ci inform e q u ’une oeuvre (q u ’un groupe d ’oeuvres, que l’oeuvre d ’un écrivain to u t entière etc.) a été reçue d ’une façon bien précise en un tem ps et en un lieu donnés. Le critique — vu dans cette perspective — c ’est la personne qui présente une d éclaratio n au nom d ’une certaine collectivité de récepteurs. P arm i les actes innom brables de la réception p a r le biais desquels l’oeuvre vit dans le circuit social, seuls, quelques-uns. peu nom breux, sont accessibles à l’histo rien : il s’agit des actes qui sont fixés p ar le m ot écrit. M ais ce sont ces actes-là ju stem en t qui représentent à ses yeux la m ultitude de toutes les réactions socio-histo­ riques possibles nées dans un certain contexte à l’initiative d ’un écrivain. L ’énoncé du critique à p ro p o s d ’une oeuvre ou d ’un artiste ne revêt pas seulem ent de l’im portance en soi, com m e indice d ’une attitu d e individuelle prise à l’égard de la littératu re, m ais il revêt égalem ent — et principalem ent — de l’im p ortan ce en tan t q u ’un de nom breux énoncés im aginables, en ta n t que représentant m odèle d ’u n certain ensem ble constitué p a r les répliques des lecteurs; le critiqu e lui-m êm e est traité com m e le p o rte-p aro le d ’une couche, d ’un groupe ou d ’une fraction définie du public littéraire. Sa lecture d ’un texte ou son ap préciation de l ’oeuvre d ’un écrivain d épendent

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non seulem ent de ce texte ou de cette oeuvre, m ais en m êm e tem ps des autres lectures et appréciations qui sont liées à ces objets, à to u te une classe de lectures et d ’évaluations qui n ’ont pas été attestées textuellem ent. Elles sont aussi — cela va de soi — liées aux lectures et aux évaluations attestées textuellem ent et donc aux autres com m uniqu és critiques ayant trait à ce m êm e phénom ène littéraire.

L ’énoncé critique considéré de ce po in t de vue co nstitue une co m p o ­ sante enssentielle du f a i t l i t t é r a i r e . Ce concept (de plus en plus indispensable dans une réflexion qui désire expliquer la fixation d ’une oeuvre dans un processus d ’histoire littéraire) exigerait une explication développée q u ’il n ’est pas possible de présenter ici. T ou t en réservant les explications qui seraient de mise p o u r une au tre occasion, je dirai seulem ent que p ar le fait littéraire élém entaire, j ’entends la totalité créée p ar l ’oeuvre et p ar sa réception dans des co nditions socio-litté­ raires définies. Sous sa form e la plus réduite, le fait littéraire ap p a raît com m e un systèm e à deux élém ents: l’oeuvre et l ’opinion m uette qui l’accom pagne et qui ém ane d ’un certain milieu de lecteurs (pour a u ta n t que nous puissons reconstru ire cette opinion, en m ettan t à profit des données interm édiaires). L ’ap p a ritio n de l’énoncé critique — fût-il unique — fait du fait littéraire un ensem ble à trois élém ents: en tre l’oeuvre et l’opinion m uette du public se glisse une opinion mise en paroles, un tém oignage fixé textuellem ent de la lecture de l’oeuvre, un tém oignage qui figure dan s ce systèm e dans une relation bilatérale. La stru ctu re du fait littéraire est d ’a u ta n t plus développée et com plexe que s’amplifie, en son sein, l’ensem ble des énoncés critiques. Sous une form e aussi développée, le fait littéraire a le caractère d ’une sorte d ’espace à trois zones de densité: il y a la p osition centrale q u ’y occupe l’oeuvre; au to u r de celle-ci, se disposent les com m uniqués critiques qui sont des répliques à cette oeuvre (leur ensem ble constitué p ar un ra p p o rt com m un avec une m êm e oeuvre peut être appelé une « c o n s te lla tio n » 9); le plus à l’extérieur

y Ce tte « co n st el la tio n » c o n stitue un des g r o u p e m e n ts les plus naturels — po ur ainsi dire — d ’én o n c é s critiques. C ’est sans d o u te u ne totalité plus distincte — en tant q u ’unité du pro ce ssus d ’histoire littéraire — q u ’un gr o u p e qui c o m p r e n d les é n o n c é s d ’un seul critique sur divers thè mes , qui a c c u m u le d o n c des él ém en ts de divers faits littéraires. Po ur des ét ude s co n sa c r é e s à l'histoire de la critique littéraire, de première im po r tance devrait être une t y p o l o g i e des e n se m b les d 'é n o n c é s qui

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s ’étend l'o p in io n m uette du public. La structure du fait littéraire se laisserait représenter (ce n ’est bien sûr q u ’une des perceptions possibles) com m e l’ensem ble des r e l a t i o n s i n t e r t e x t u e l l e s dites de distance et de liens en tre : a) les divers com m uniqués critiques et l’oeuvre, b) les com m uniqués critiques au sein de la « constellation » (il s’agit de leurs ra p p o rts m utuels de dialogue), c) ces com m uniqués et l’opinion m uette du public, d) cette op inion m uette et l’oeuvre. Deux catégories de textes cocréateurs du fait littéraire — l’oeuvre et les énoncés critiques — sont données effectivem ent; par contre, la troisièm e catégorie est une réalité potentielle: c ’est un texte non écrit d ont le sujet est une société de récepteurs et qui est l'objet d 'u n e reconstruction.

Ce n ’est pas l’oeuvre « en soi » qui est un élém ent c o n stitu tif du processus historico-littéraire, mais c ’est précisém ent to ut cet espace structuré du fait littéraire au centre duquel se trouve l’oeuvre. T an t que nous ne serons pas capables de décrire de façon satisfaisante ces totalités — par ailleurs fort difficiles à analyser — une oeuvre donnée et le processus historico-littéraire nous a p p a ra îtro n t com m e des ordres étrangers l’un à l’au tre; le fait littéraire est la réalité qui m édiatise leur o pposition. Les études consacrées à la critique littéraire voient donc ap p a ra ître une chance essentielle: elles peuvent p articiper de fait à une histoire intégrée de la littératu re et ce, nullem ent en p aren t pauvre, m ais com m e un co o p éran t désiré d o n t la co n trib u tio n concerne les élém ents les plus structurels de l ’objet étudié.

A d 2. Précédem m ent, nous avons localisé l’énoncé de critique

littéraire du côté du récepteur. A présent, nous le situons du côté de l’ém ission. C onsidéré sous cet angle, cet énoncé est une « évo­ cation » d ’une « supraconscience » de l ’oeuvre ou de l’artiste. Il inform e sur les principes de l’oeuvre ou sur les desseins de l’écrivain, il verbalise la position supposée de l’au teu r idéal — de cet auteu r

entrent en jeu. U n c o m m u n i q u é particulier peut se so um et tre , d a n s le m ê m e temps, à divers cl a sse m e n ts qui interfèrent: il est un é lé m e n t de la « c o n s t e l l a t i o n » qui co n tri b ue à con str uire le fait littéraire, un é lé m en t c o n st i t u t i f de la c ré atio n d ’un critique d o n n é , il appartient à la s o m m e des textes rep résentant u n e cert aine écol e critique, il entre dan s le gro upe des é n o n c é s qui c o n c o u r e n t à la f o r m u la tio n de la po é tiqu e d ’un c oura nt d o n n é etc., etc. C h a q u e fois, il se situe d iff éremmen t dans l ’o r d o n n a n c e des unités du p r o ce s su s historico-littéraire.

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L a C ritiq u e litté ra ire 45 qui est conscient des principes de ce qu'il accom plit, des règles cachées derrière les décisions q u ’il a prises, de cet artiste qui sait que sa solution co n stitu e la réalisation de quelques particules — to u t au plus — d ’un certain universum de possibilités (possibilités artistiques, spirituelles, m orales etc. ...) qui étaient à sa disposition; il

a conscience non seulem ent de ce q u ’il a choisi, m ais aussi de ce

q u ’il a rejeté, il perço it la chance des solutions différentes de la sienne — dans le cad re d ’un ensem ble donné de principes acceptés. N ous avons ici affaire à une instance d'ém ission littéraire qui est principale p a r ra p p o rt à l ’a u te u r « réel » de l’oeuvre — nous avons affaire non ta n t au sujet des actions artistiques q u 'a u sujet des norm es désignant ces actions. Et voilà que le critique incarne — p o u rrait-o n dire — cet au teu r idéal; ses énoncés — q uand on les regarde du côté qui nou s intéresse actuellem ent — nous introduisent dans l ’aire des fondem ents du procédé littéraire, ils représentent la sphère des p otentialités d ’où l ’oeuvre est issue.

R evenons un instant aux questions que nous avions abandonnées plus haut. L ’ap p a ritio n d ’une oeuvre nouvelle équivaut to ujours à une ouv ertu re de chances nouvelles p o u r l’innom brable qu antité de com m u ­ niqués qui sont p o u r cette oeuvre des « réponses », qui sont ajoutés à cette oeuvre d ’une façon ou d 'u n e autre. L ’oeuvre m et en branle l’espace de ses lectures — et aussi des lectures qui sont elles-mêmes des textes. C et espace, c ’est le fait littéraire; l ’oeuvre nouvellem ent née est en quelque sorte le ferm ent.

M ais il faut aussi se ren d re co m p te de l'existence d ’un au tre espace, qui est com plém entaire du prem ier, d ’un au tre espace lié à l’oeuvre: c ’est l ’espace d an s lequel se situe l’ensem ble des com m un i­ qués, réels ou seulem ent possibles, qui désignent le cham p des alternatives d ’une oeuvre donnée, dans lequel se situe le système littéraire qui rend ce cham p plausible. L ’initiative de l’écrivain constitue dans ch aq u e cas une « réponse » aux appels d ’un tel systèm e — appels cristallisés dans des com m uniqués qui existent déjà ou qui ne font que suggérer des projets de com m uniqués vraisem blables. L ’oeuvre nouvelle définit son identité en relation avec toute cette sphère de langage appliqué au systèm e littéraire originel de cette oeuvre: elle se définit p ar ra p p o rt à ce qui a déjà été dit dans le cadre de ce système et en m êm e tem ps p a r ra p p o rt aux potentialités qui n ’ont pas été réalisées d an s ce systèm e ju sq u e là, elle se définit

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p ar ra p p o rt aux énoncés possibles dans une configuration donnée des norm es d ’un système.

Bref: d ’un côté, l’oeuvre ouvre un espace plus ou m oins grand d ’énoncés, de l ’autre, elle clôt, p ar elle-même, u n au tre espace d ’énoncés. Elle relie son « av ant » à son « après ». Elle crée une sorte de détroit en tre deux vastes aires historico-littéraires qui o n t été constituées grâce à son existence p ar sa m édiation to u t à la fois. C e m ode d ’existence de l ’oeuvre désigne deux directions d ’in terp rétatio n investi­ gatrice: l ’une est un m odèle de l ’histoire de la littératu re con stru it du p o in t de vue de l ’ém etteur et du processus d ’ém ission, l’au tre est un m odèle d ’histoire littéraire co n stru it du p o in t de vue du récepteur et des processus de réception. C hacun de nous adm et aussi une espèce différente d ’usage des tém oignages critiques. Le com m uniqué critique p eut être considéré dans l ’o rd re de la réception de l ’oeuvre, m ais aussi en tan t que rep résen tation de l ’espace de l ’ém ission de l ’oeuvre. D ans ce deuxièm e cas, il devient sensiblem ent m oins im p ortan t q u ’un tel com m uniqué soit toujours, dans les faits, « postérieur » à l’oeuvre; ce qui est im p o rtan t, c ’est que ce co m m u niqu é corresponde

à ce qui est logiquem ent a n té rie u r» à l’oeuvre et n o tam m ent aux

norm es et aux possibilités du procédé créateur.

A d 3. Les énoncés critiques fo n t prendre conscience à l ’historien de

ce fait : à la littératu re d ’une certaine époque co n co u ren t n on seulem ent les réalisations des écrivains, m ais aussi un certain é t a t d ’a t t e n t e de la p a rt de divers milieux du public vis-à-vis de réalisations autres que celles qui sont apparues. C ’est le dom aine de l’art désiré, des réalisations postulées, des « chefs-d’oeuvre inconnus » (pour utiliser la définition d ’un des critiques con tem p orain s), des projets d ’oeuvres, en un m ot de ce qui devait être, en opposition à ce qui fut en réalité. P our l ’im agination de l ’historien — de l ’historien de la littératu re égalem ent — il y a quelque chose d ’extrêm em ent attira n t dan s cette singulière réalité d ’aspirations, de nostalgies et de souhaits qui, à to u te époque, vient se superposer — com m e la sphère d ’une conscience collective — à la réalité des actions, des réalisations e des institutions. En ce qui concerne le m onde de la littératu re (ou p lu tô t de la m entalité littéraire), ce sont précisém ent les énoncés critiques qui co n trô le n t de la façon la plus effective la sphère de ce qui est exigé dans des circonstances données. Ce co n trô le est tou t a u ta n t

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L a C ritiq u e litté ra ire 47 indirect, p ar le biais des appréciatio ns négatives des solutions adoptées p ar les écrivains qui ne rem plissent pas certaines conditions, q u ’extrê- m ent direct dan s la ten eur m êm e des po stu lats form ulés.

A d 4. Les énoncés critiques inform ent d o u b lem en t sur les con ditio ns

de la vie littéraire, de ce contexte socio-institutionnel le plus pro che des actions de création et de réceptio n; a) en nous in fo rm ant directem ent des realia bien définis de la vie littéraire (des activités de l ’édition, du m arché des livres, des m ilieux du public, de la presse littéraire, des groupes littéraires etc.); b) en tém oignant, p ar leur ap p aritio n m êm e, sous une form e et sous un caractère donnés, des propriétés et des tendances de la vie littéraire.

La prem ière espèce d ’inform atio n ne présente pas de problèm es particuliers en m atière d ’in terp rétatio n . Plus intéressante est la deuxiè­ me espèce qui présente, elle, de tels problèm es. Il ne fait pas de dou te que la mise en exergue de certaines form es d ’exercice de la critiq ue constitue un des indices les plus im p ortants qui p erm ettent de définir le m odèle de la vie littéraire d ’une certaine époque. Elle atteste de l’existence, dans cette vie littéraire, du rôle d ’un interm édiaire — com pris ou non com m e tel — entre les gens qui écrivent et ceux qui lisent. Elle prouve q u ’au sein du public ap p a raît une couche de connaisseurs. A son to u r, le n om b re des tém oignages critiques accessibles dit beaucoup sur l’étendue de cette couche. La différencia­ tion des genres au sein de ces tém oignages m on tre une différencia­ tion des groupes et des milieux au sein du public (quoique, d 'u n au tre côté, le fait de l ’ap p a ritio n d ’une p ratiq u e critique to talem ent unifiée ne constitue absolum ent pas la preuve univoque d ’une absence de stratification du public). Les énoncés critiques peuvent être exploités de façons m ultiples dans les travaux d ’histoire littéraire com m e des indices inférents grâce auxquels nous tirons des conclusions sur les traits divers du systèm e d o n t ils sont les élém ents. P o u r ce type de conclusions, de m o ind re im portance est le contenu in fo rm atif direct des énoncés (ce q u ’ils com m u n iq u en t p ar leur « t e n e u r » ) ;

l’accent essentiel de l'in terp ré tatio n ne to m b e pas sur leur con ten u, mais sur — grosso modo — le sens de la « form e » traitée com m e un sym ptôm e des co n d itio n s socio-littéraires qui la ren den t possible.

A d 5. C ’est une perspective fond am entalem ent opposée à celles qui

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les com m uniqués critiques révélaient un caractère d ’o b j e t d 'étu de d 'h isto rien de la littératu re; ici, p ar contre, ils sont évoqées com m e des f o r m u l e s de s p é c i a l i s t e s , com m e des énonciations de « collè- ques ». Ils se situent donc dans l'o rd re d ’un « é ta t des é tu d e s » ; leur im portance, de ce point de vue, est déjà en un certain sens indépendante du tem ps dans lequel ils sont nés; ils cessent d'être des com p osants d 'u n e situ ation historiquem ent définie de la littérature, ils gagnent en im portance eu égard à leur contenu théorico-problém a- tique ou par leur érudition, et en tant que tels, ils renforcent les instrum ents cognitifs du spécialiste de la littérature. Ce sont des élém ents de la connaissance des oeuvres, des écrivains, des genres, du processus d e v o lu tio n de la littérature etc. Et en ce sens, ils ont une portée ahistorique. ils sont soum is à une exploitation qui est indé­ p en dante des com plexités de leur contexte. En anticipant sur les rem arques que je form ulerai plus loin, je dirai que la condition d une telle utilisation de l'énoncé critique, c'est son affranchissem ent de la d o m in atio n de la langue originelle de la critique littéraire; libéré de ses devoirs envers les con train tes et les m otivations de systèm e qui le définissent, l'énoncé com m ence à vivre p o u r son prop re co m pte en quelque sorte, se laissant exploiter com m e un petit ensem ble indé­ pen d an t de la connaissance de la littérature.

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T o ut ce que nous avons réussi à dire jusq u'ici n 'a pas quitté, à vrai dire, l'an tich am b re des problèm es d 'u n e h i s t o i r e d e la c r i t i q u e désirée. Si l’intérêt scientifique p o u r ce dom aine littéraire devait se lim iter à l'observation des énoncés qui le représentent, l ’exercice de l'histoire de la critique serait bien évidem m ent im possible. Les com m uniqués critiques pris en particulier ou dans leur ensem ble se situent d an s l’o rd re des é v é n e m e n t s du processus historico-litté- raire. N ous pouvons m ontrer les liens fonctionnels qui les ra ttach en t à d 'a u tre s événem ents: aux oeuvres ou aux activités des institutions culturelles; nous ne p o u rro n s cepen dant pas, si nous restons à ce niveau d ’observation, justifier l’opinion selon laquelle la critique a son histoire p ro pre. En effet, nous ne p o u rro n s y arriver que dans la m esure où nous parviendrons à sortir du cercle des m anifestations critiques individuelles en traitan t le discernem ent de la critique com m e

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un s y s t è m e situé parm i d ’autres systèmes du processus historico-litté- raire. D ans la m esure donc oü nous distinguerons, au-delà du diaphragm e de certains ensembles d ’énoncés pris en considération, les traits d 'u n e l a n g u e d e l a c r i t i q u e l i t t é r a i r e qui définit leurs principes de fonctionnem ent. U ne telle langue, c ’est — p o u r s’exprim er, en term es aussi généraux que possible — le systèm e des m oyens et des règles de leur usage, un système qui rend possible, d ans des con ditions socio-littéraires données, la génération d ’énoncés critiques com p arab les les uns aux autres, rep résen tant un même « style » de prise de position par ra p p o rt aux phénom ènes de la création littéraire. C ette langue, c ’est aussi (ou p lu tô t, ce devrait être) le héros principal de l'histoire de la critique. Bien sûr, cela ne signifie pas l’évacuation du cham p de vision de 1’« histoire événe­ m entielle » de la critique, de cette histoire événem entielle qui d o it to u jo u rs co n stitu er l ’accom plissem ent nécessaire de son « histoire s tru c tu r e lle » 10; il n ’em pêche que la prem ière — prise isolém ent — n 'est pas encore l’histoire p ro p re de la critiq u e: à ce niveau, les tém oignages critiques sont à peine des annexes de phénom ènes qui représentent d ’autres cours évolutifs. Ce n ’est q u ’en liaison avec sa com pagne plus puissante qui 1’« histoire événem entielle » peut p ren d re la voie de l ’indépendance. En tan t que telle, elle con tin ue à servir l ’histoire de la création littéraire ou celle de la vie littéraire, m ais elle ne se disperse plus dans son être « p o u r le com pte d ’autrui » parce q u ’on peut la réduire en reto u r à une « histoire stru c tu re lle » origi­ nelle, au processus de la co nstitution et des m étam orphoses des langages critiques.

Le langage de la critique littéraire constitue en chaque cas un objet de reconstruction, il en est ainsi p o u r to u t système de la trad itio n littéraire. Ce procédé scientifique est ici à bien des égards sem blable aux dém arches de la poétique historique qui visent à recréer sur la base d ’un corpus de textes adéquat un systèm e qui, dans une certaine perspective, définit leur com m u n au té de caractère, q u ’il s’agisse de la versification, du style ou du genre. C om m e tou jo u rs en pareil cas, il s ’agit d ’interpréter les énoncés accessibles (« les jeux linguistiques » p o u r em ployer la définition de W ittgenstein) com m e au tan t d ’actualisations partielles d ’un certain fonds d'élém ents

10 Je m e réfère ici à la distinction bien c o n n u e de F. Braudel.

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typiques (les « lexiques ») et de règles de co m bin aiso n de ces élém ents (la « gram m aire »). Il n ’y a pas de raisons de supposer que les exigences liées au système du langage critiqu e soient m oins im pera­ tives dans les énoncés critiques qui le réalise que, p ar exemple, le type de vers, la convention stylistique ou le schém a de la com position n arrative des énoncés littéraires. Il est clair que les dém arches de recon struction doivent toucher les langages critiques qui se trouvent à divers degrés de généralité d ’ap plication. Le langage p ro p re à un critiq ue donné, c ’est une totalité différente du langage d ’une école critique, et celui-ci, à son to ur, est quelque chose d ’au tre — en tan t q u ’objet d ’étude — que le langage de la critiq u e d ’une certaine époque. Plus étendue est la to talité qui entre en ligne de co m p te, plus com plexes s ’avèrent les im brications systém atiques des énoncés interprétés. En e n trep ren an t la caractérisation du langage de la critiq u e littéraire d ’une époque, nous avons affaire à trois niveaux — p o u r le m oins — de lim itation : les énoncés particuliers sont avant to u t liés aux principes linguistiques qui m arquent la p ratiq u e de chacun des critiques; à cela s ’ajo utent les règles p ro pres à l’activité des écoles critiques, lesquelles sont liées aux milieux bien distincts qui se p arta g en t le public (aux générations p ar exemple), aux co u ran ts littéraires, aux centres in stitu ­ tionnels de la vie littéraire etc.; le langage critiq ue d ’une époque constitue la résultan te spécifique des langages des écoles critiques; à ce langage co n trib u en t les m oyens et les règles qui con stituen t le bien com m u n de tous les types d ’exercice de la critique ap p araissan t à une époque donnée indépendam m ent de la concurrence qui existe entre eux, de leur incom patibilité même. N o u s avons ici affaire à une o rd o n n an ce hiérarchique des niveaux de lim itation , m ais égalem ent à une certaine indépendance de chacun de ces niveaux vis-à-vis de l ’instance principale. L ’énoncé critique pris au singulier ne réalise pas seulem ent les directives d ’un langage, il leur ajoute aussi ses principes o rd o n n a te u rs propres — non réductib les à ceux-là — prin ci­ pes qui sont m otivés p ar la situation littéraire concrète dans laquelle l ’énoncé s ’inscrit. Le langage individuel d ’un critiqu e est réductible, dans une certaine m esure seulem ent, au langage de l’école d o n t il d ép en d ; de même, ce dernier appo rte sa c o n trib u tio n à un langage critique de p o rtée plus étendue to u t en con serv an t en son sein la p artic u la rité « stylistique » du prem ier. C h acu n des niveaux considérés place le chercheur face à des problèm es m étho do lo giq ue spéciaux;

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L a C ritiq u e litté ra ire 51 il existe ce p en d an t une série de problèm es généraux qui sont com m uns à tous les niveaux discernables et sur lesquels je voudrais précisém ent attirer l’a tten tio n .

O n peut, à ce q u ’il sem ble, désigner un ensem ble de facteurs qui définissent la situ atio n spécifique de la critique au sein des autres form es de la co m m u n icatio n verbale dans tous les contextes histo- rico-littéraires. En un au tre lieu, j ’ai tenté de d én om b rer et de caractériser som m airem ent ces fa c te u rs 11. T o ut en renvoyant à ce que j ’avais établi là, je v ou drais seulem ent souligner que les q u atre dim ensions que j ’avais distinguées dans l ’acte de critique littéraire — la fonction o p érato ire (qui situe cet acte sur la ligne a u te u r— lecteurs), la fonction cognitive et appréciatrice (le ra p p o rt de l’énoncé critique avec les réalisations littéraires concrètes), la fonction p o stu lan te (le co m m uniqué critiq u e face à la « littératu re désirée »), la fonction m étacritique (le ra p p o rt de l ’énoncé critique avec ses prop res obli­ gations, ses p ro p res buts) — peuvent être traitées com m e des d éterm i­ n an ts universels de to u t langage de critique littéraire. D e to u t langage de critique littéraire, q u oique l ’ord o n n an ce hiérarchique de ces d éterm in an ts puisse ap p a ra ître de façons diverses. D es genres de critique divers — d ’un p o in t de vue ta n t historique que typologique — reconnaissent le rôle de d o m in an te à des fonctions diverses et classifient à leur façon les autres fonctions.

C ep en d an t, ce qui décide de l’aspect con cret du langage de la critique littéraire se réd u it no n à une abstraite hiérarchie de fonctions, m ais à leur « accom plissem ent » particulier. A la fonction o p érato ire co rresp o n d to u jo u rs u ne certain e classe d ’instrum ents persuasifs p riv i­ légiés qui p erm e tte n t aux critiques de jo u e r un rôle d ’interm édiaires en tre l’oeuvre et les lecteurs. A la fonction cognitive et appréciatrice c o rresp o n d un fonds de m oyens ad éq u ats en m atière de description, d ’in terp ré tatio n et d ’évalu atio n des réalisatio ns littéraires. Le d éterm i­ n an t de la fonction p o stu lan te, c ’est un rép ertoire de norm es, d ’idéaux et de m odèles littéraires p ro p ag és p a r la critique. La fonction m éta­ critique se m anifeste p a r le biais d ’un certain inventaire d ’o pinions sur les tâches et les m éthodes de la dém arche critique. U n langage critique do n n é peut être reco n n u , d ’abo rd, aux l e x i q u e s qui sont

11 D a n s l'essai « F u n k c j e krytyki li te r a c k ie j» (Les F o n c ti o n s de la critique littéraire), [dans:] Z te o r ii i h is to r ii lite ra tu r y , éd. K. Bu dzy k, W r o c ła w 1963.

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les corollaires des diverses fonctions. Il faut ten ter à to u te force de découvrir en ch aq u e cas le m ode particulier d ’o rd o n n a n ce des éléments qui com posent de tels lexiques. Ils ne sont pas un am as d ésordonné — quoique ce soit justem ent cet aspect-là qui s’im pose su rto u t à l’attention du chercheur — m ais ils se com binent entre eux selon d ’innom brables o p p ositions: p rim a u té —secondarité, to u t et partie, antithèse, syno­ nymie etc. L ’ensem ble de tous ces lexiques crée le s y s t è m e c o n c e p t u e l d ’un langage critique donné.

Le deuxièm e bloc essentiel, c ’est, largem ent com prise, la s y n t a x e qui englobe les règles reliant les élém ents du systèm e conceptuel dans le cadre d 'u n énoncé. Interviennent ici des règles syntaxiques de deux sortes: les unes fixent les m odes adm issibles de liaison d ’élém ents appliqués à une m êm e fonction (par exemple des term es interprétatifs et des catégories d ’évaluation), les autres définissent les m odes de com binaison des élém ents qui co rresp on den t aux diverses fonctions (par exemple, les concepts d ’évaluation et les postulats).

Le systèm e conceptuel et la syntaxe d 'u n langage d on né s ’exté­ riorisent en des com m uniqués p a r l’interm édiaire d ’une r h é t o r i q u e d e c r i t i q u e l i t t é r a i r e plus ou m oins stabilisée qui com prend le fonds des expressions les plus couran tes, des tro pes, figures verbales, clichés, types de développem ent d ’énoncé etc. Si l’on traitait cette rh éto rique de façon au tono m e, elle serait soum ise à l’intérêt p o u r la stylistique, de m êm e que toutes les conventions verbales qui sont spécialisées fonctionnellem ent. Il se fait, cep en d an t, q u ’une telle approch e de rh é to riq u e de la critiq ue littéraire — appro che fondée du reste, et nécessaire — serait insuffisante du p o in t de vue d ’intérêts scientifiques en globant la to talité du langage critique. Ces intérêts exigent q u ’on considère cette rh éto riq u e — m êm e dans ses m anifesta­ tions les plus conventionnalisées — com m e l’indice (et com m e le p orteu r) du système conceptuel et de la syntaxe. Les loci communes critiques doivent être soum is à une in terp ré tatio n sém antique qui pénètre les concepts m entaux, les évaluations et les postulats qui se cachent derrière. R ien ne devrait être considéré com m e sém anti­ quem ent neutre. Le degré de nouveauté et d ’insolité ou — au co n ­ traire — de schém atism e et d ’utilisation des élém ents du répertoire rh étoriqu e tém oigne de l’état du système conceptuel q u ’ils représentent. Evidem m ent, leur ad équ ation n ’est pas to u jo u rs exacte; parfois, des

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contenus conceptuels m ême essentiels ne sont pas encore parvenus au stade de l’expression codifiée — leur corresp o n d en t alors des « m oyens d ’expression » divers et appliqués de m anière inconstante (c’est ce qui se passe d ’habitude dans la phase initiale de développem ent d ’un langage critique donné) tandis q u ’ailleurs — au co n traire — ap p a raît le phénom ène de la « rh éto riq u e vide » développée au-delà des besoins d ’une p ro b lém atiq u e ou d ’une stratégie critique effecti­ vem ent exercée. Il semble que la question clé, dans l’étude des ra p p o rts qui unissent la rhéto riq u e au système conceptuel, ce soit la t e r m i n o l o g i e de la critique littéraire. Ces term es ap paraissent com m e des lieux de stricte con cordance de deux p lan s: sur le plan de la rhéto riq u e, ils ap p a rtien n en t aux élém ents d ’énoncé les plus expressifs (les plus « m arqués ») stylistiquem ent tandis que leurs significations sont, au sein du systèm e conceptuel, des points de jo n ctio n , des centres a u to u r desquels se cristallisent les idées fondam entales de la do ctrin e critique. J u s q u ’à présent, on n ’a pas élaboré d ’outils de sém antique historiqu e suffisam m ent efficaces qui perm etten t d ’analyser et d ’in terpréter les équivalents verbaux de com plexes de sens développés co rresp o n d an t en fait à des ensem bles entiers de phrases. N ous pensons à cette sém antique qui au rait p o u r b ut de pénétrer les singularités de term inologies définies historiquem ent (term inologies idéologiques ou scientifiques). Il sem ble que dans ce dom aine des pro p o sitio n s m éthodologiques essentielles p o u rraien t être form ulées sur le fond, précisém ent, d ’une histoire de la critique. La réflexion sur les term inologies de critique littéraire devrait indiquer un des m otifs principaux des recherches; cela exige cepen dant un effort im p o rtan t ten d an t à l’élab o ratio n de catégories analytiques appropriées.

La reco nstructio n d ’un langage critiq ue peut se faire de divers p oin ts de vue. A u tout prem ier plan peut ap p a raître un intérêt à l ’égard du développem ent au to n o m e de la critiq u e — il s ’agit alors de saisir la situatio n d ’un langage d onné p ar ra p p o rt à la trad itio n de la critique littéraire, c ’est-à-dire p ar ra p p o rt aux langages qui fon ctionnen t déjà; il s ’agit d ’au tre p art de définir ce langage com m e un p o in t de d ép a rt des systèmes critiques futurs. N éanm oins, des tentatives plus am bitieuses en m atière de recherche devraient — à notre avis — tendre en o u tre à situer le langage critique parm i d ’autres to talités systém atiques du processus historico-littéraire, à m o n trer sa deuxièm e face qui est, précisém ent, une d épendance avérée, son

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