POLONICI MATHEMATICI LXIII.1 (1996)
Prolongement dans des classes ultradiff´ erentiables et propri´ et´ es de r´ egularit´ e des compacts de R
npar Vincent Thilliez (Lille)
Abstract. Considering jets, or functions, belonging to some strongly non-quasiana- lytic Carleman class on compact subsets of R
n, we extend them to the whole space with a loss of Carleman regularity. This loss is related to geometric conditions refining Lo- jasiewicz’s “regular separation” or Whitney’s “property (P)”.
0. Introduction. Dans un premier temps, on ´ etudie ici l’extension si- multan´ ee (ou, en d’autres termes, le recollement) de deux jets de Whitney F
1et F
2appartenant ` a une classe de Carleman fortement non-quasianalytique sur des compacts respectifs E
1, E
2de R
n, et co¨ıncidant sur E
1∩ E
2. On d´ emontre en 2.4 l’´ equivalence d’une propri´ et´ e d’extension avec perte de r´ egularit´ e (passage de l!M
l` a l!N
l) et d’une certaine in´ egalit´ e de Lojasiewicz raffin´ ee pour E
1, E
2. En particulier, lorsque E
1, E
2sont r´ eguli` erement situ´ es au sens usuel ([M], [T]), on a N
l= M
lmo` u m est l’exposant de l’in´ egalit´ e de Lojasiewicz. (Dans le cas classique de l’extension de jets C
∞, la perte de r´ egularit´ e est occult´ ee : voir [T], chapitre IV, ou [M]).
A titre d’exemple, si on a, pour tout x d’un voisinage de E
1∪ E
2, l’in´ egalit´ e
(∗) d(x, E
1) + d(x, E
2) ≥ γ d(x, E
1∩ E
2)
m|log d(x, E
1∩ E
2)|
pavec γ > 0, m ≥ 1, p ≥ 0, et si F
1et F
2ont la r´ egularit´ e Gevrey l!
1+α(α > 0), alors il existe une fonction ayant la r´ egularit´ e Carleman l!
1+mα(log l)
lpsur R
net dont le jet sur E
jco¨ıncide avec F
j(j = 1, 2). R´ eciproquement, un tel ph´ enom` ene d’extension impose l’in´ egalit´ e (∗).
Les propri´ et´ es ainsi d´ ecrites permettent notamment de pr´ eciser un ex- emple de W. Ple´ sniak [P] concernant le prolongement de fonctions ultra-
1991 Mathematics Subject Classification: 26E10, 58C25.
Key words and phrases: Carleman class, extension theorem, Lojasiewicz inequalities, Whitney regularity.
[71]
diff´ erentiables lorsqu’on omet la condition de reste de Taylor sur les jets associ´ es.
Dans un deuxi` eme temps, on revient ` a ce dernier probl` eme par le biais d’une propri´ et´ e g´ eom´ etrique raffinant la propri´ et´ e (P) de Whitney. On ob- tient ainsi en 3.2 un th´ eor` eme d’extension de fonctions, sans consid´ eration de jets de Whitney, qui ´ etend, en un certain sens, un r´ esultat de J. Bonet, R. W. Braun, R. Meise et B. A. Taylor ([BBMT], 3.12). Par exemple, si Ω est un ouvert born´ e d’adh´ erence m-r´ eguli` ere (m ≥ 1) au sens usuel de Whitney ([M], [T]), toute fonction ayant la r´ egularit´ e Carleman l!M
lsur Ω s’´ etend en une fonction ayant la r´ egularit´ e l!M
lmsur R
n.
Il est ` a noter que dans [P], la question du prolongement de fonctions ultradiff´ erentiables est abord´ ee sous un angle a priori diff´ erent (classes de fonctions d´ efinies par approximation polynˆ omiale).
L’auteur tient enfin ` a remercier J. Chaumat et A.-M. Chollet pour une discussion utile au sujet de la proposition 2.2.
1. Classes de Carleman
1.1. Suites fortement r´ eguli` eres. On dira qu’une suite M = (M
l)
l≥0de r´ eels positifs est fortement r´ eguli` ere lorsqu’elle satisfait les propri´ et´ es suivantes :
(1.1.1) M
0= 1, M est croissante, (M
l+1/M
l)
l≥0est croissante, et il existe une constante A ≥ 1 telle que l’on ait, pour tout l, (1.1.2) M
l≤ A
lM
jM
l−jpour 0 ≤ j ≤ l et
(1.1.3) X
j≥l
M
j(j + 1)M
j+1≤ Al M
l(l + 1)M
l+1.
Lorsque ces conditions sont v´ erifi´ ees, il est prouv´ e dans [CC] que l’on a M
jM
k≤ M
j+kpour tous entiers j et k, que (M
l+1/M
l)
l≥0et (M
l1/l)
l≥0croissent vers ∞ et que l’on a, quitte ` a augmenter A,
(1.1.4) M
l+1l≤ A
lM
ll+1pour tout entier l.
Posons par ailleurs
(1.1.5) h
M(t) := inf
j≥0
t
jM
jpour t ∈ R
+.
La fonction h
Mest continue, croissante, on a h
M(0) = 0 et h
M(t) = 1 pour t ≥ 1. En outre, d’apr` es [CC], il existe une constante B ≥ 1 telle que l’on ait
(1.1.6) h
M(t/B) ≤ (h
M(t))
2.
Si m est un r´ eel fix´ e, m ≥ 1, il est facile de voir que la suite M
m:=
(M
lm)
l≥0est aussi fortement r´ eguli` ere et que l’on a (1.1.7) (h
M(t))
m= h
Mm(t
m).
Pour tout entier l et tout t de R
+, on pose encore
(1.1.8) h
M(l, t) := inf
j≥l
t
jM
j.
En particulier, on a h
M(0, t) = h
M(t). Les fonctions h
M(l, ·) seront utilis´ ees au §3.
Notations. Pour tout multi-indice L = (l
1, . . . , l
n) de N
n, on notera l = |L| = l
1+ . . . + l
nla longueur de L et D
L= ∂
l/∂x
l11. . . ∂x
lnnle monˆ ome de d´ erivation associ´ e ` a L. On posera aussi L! = l
1! . . . l
n! et, pour tout x = (x
1, . . . , x
n) de R
n, x
L= x
l11. . . x
lnn.
1.2. Fonctions de classe C
M. Soient Ω un ouvert quelconque de R
net M une suite fortement r´ eguli` ere.
Ici, C
∞(Ω) d´ esignera l’espace des fonctions ind´ efiniment diff´ erentiables
`
a l’int´ erieur de Ω et dont toutes les d´ eriv´ ees se prolongent continˆ ument ` a Ω (et non l’espace J
∞(Ω) des fonctions C
∞au sens de Whitney, ou “jets de Whitney C
∞”, sur Ω , bien que le choix entre les notations varie suivant les auteurs).
Une fonction f de C
∞(Ω) sera dite appartenir ` a la classe de Carleman C
M(Ω) s’il existe une constante positive C (d´ ependant de f ) telle que l’on ait, pour tout multi-indice L et tout x de Ω,
|D
Lf (x)| ≤ C
l+1l!M
l.
La classe C
M(Ω) est une alg` ebre; (1.1.2) en traduit la stabilit´ e par op´ erateurs (ultra)diff´ erentiels et (1.1.3) la forte non-quasianalyticit´ e [B].
1.3.Classes de jets. Soient E un compact de R
net M une suite fortement r´ eguli` ere.
Un jet sur E est la donn´ ee d’une famille F = (F
L)
L∈Nnde fonctions continues sur E. Au jet F on associe, pour tout entier p et tout (ξ, x) de E × R
n, le polynˆ ome de Taylor
T
ξpF (x) := X
J, 0≤j≤p
1
J ! F
J(ξ)(x − ξ)
J.
On dit alors que F appartient ` a la classe de Carleman de jets J
M(E) s’il existe une constante positive C telle que l’on ait, pour tout multi-indice J et tout ξ de E,
|F
J(ξ)| ≤ C
j+1j!M
jet, pour tout entier p, tout multi-indice L avec l ≤ p et tout x de E,
|F
L(x) − D
LT
ξpF (x)| ≤ C
p+1l!M
p+1|x − ξ|
p+1−l.
Si Ω est un ouvert contenant E, toute fonction de C
M(Ω) d´ efinit un jet de J
M(E) via l’application de Borel
(1.3.1) <
E: C
M(Ω) → J
M(E), f → (D
Lf |
E)
L∈Nn.
Si e E est un compact contenant E et si F est un jet de J
M( e E), on notera en- core <
EF la restriction de F ` a E, c’est-` a-dire le jet ( F
L|
E)
L∈Nn. On utilisera le r´ esultat suivant, qui traduit la surjectivit´ e de l’application (1.3.1) :
Th´ eor` eme 1.4 ([B], [CC]). Avec les notations pr´ ec´ edentes, soit F un jet de J
M(E). Il existe une fonction f de C
M(R
n), ` a support compact , telle que l’on ait <
Ef = F.
1.5. R e m a r q u e ([BBMT], 3.12). On rappelle qu’un compact E de R
na la propri´ et´ e (P) de Whitney s’il existe une constante positive γ telle que deux points quelconques ξ et x de E puissent ˆ etre joints par un arc rectifiable σ contenu dans l’int´ erieur de E sauf peut-ˆ etre pour un nombre fini de points, et dont la longueur |σ| v´ erifie l’in´ egalit´ e |σ| ≤ γ|x − ξ|.
Soit Ω un ouvert born´ e tel que Ω ait la propri´ et´ e (P) de Whitney. Alors toute fonction de C
M(Ω) d´ efinit un jet de J
M(Ω) et s’´ etend donc en une fonction de C
M(R
n), en vertu de (1.4).
1.6. D´ efinition. Une fonction θ : R
+→ R
+sera dite admissible lorsqu’elle satisfait les propri´ et´ es suivantes :
(1.6.1) θ est croissante et θ(0) = 0, pour tout r´ eel λ avec λ ≥ 1, la quantit´ e
(1.6.2) θ(λ) := sup
0<t≤1
θ(λt)/θ(t)
est finie, et il existe une constante a ≥ 1 telle que l’on ait θ(t) ≤ at pour 0 ≤ t ≤ 1.
(1.6.3)
On remarquera comme cons´ equence imm´ ediate de (1.6.1)–(1.6.3) que pour T ≥ 1 et 0 ≤ t ≤ T, on a
(1.6.4) θ(s + t) ≤ θ(2)(θ(s) + θ(t)) pour 0 ≤ t ≤ 1, 0 ≤ s ≤ 1,
(1.6.5) θ(λt) ≤ θ(T λ)θ(t)
et
(1.6.6) θ(t) ≤ a θ(T )
T t.
R e m a r q u e. Soient une fonction admissible θ et un r´ eel λ > 1. En
consid´ erant une partition de ]0, 1] en intervalles I
j:= ]λ
−(j+1), λ
−j] et en
utilisant de fa¸ con r´ ep´ et´ ee (1.6.2), on obtient, pour t ∈ I
j, l’in´ egalit´ e θ(t) ≥
θ(λ
jt)θ(λ)
−javec λ
jt ≥ 1/λ et j ≤ (log t)/ log λ. Il s’ensuit que l’on a, pour
tout t de [0, 1],
(1.6.7) θ(t) ≥ θ(1/λ)t
m(λ)avec m(λ) = (log θ(λ))/ log λ. Compte tenu de (1.6.3), on a par ailleurs m(λ) ≥ 1.
2. Extension simultan´ ee
2.1. D´ efinitions. Soient E
1et E
2deux compacts de R
net soit θ une fonction admissible. Si on a E
1∩ E
26= ∅, on dit que E
1et E
2sont θ-situ´ es lorsqu’il existe un ouvert born´ e Ω contenant E
1∪E
2et une constante γ > 0, ne d´ ependant que de E
1, E
2, tels que l’on ait, pour tout x de Ω,
(2.1.1) d(x, E
1) + d(x, E
2) ≥ γθ(d(x, E
1∩ E
2)).
Si on a E
1∩ E
2= ∅, on dit encore que E
1et E
2sont θ-situ´ es, avec θ(t) = t.
Par exemple, soit m un r´ eel, m ≥ 1. La fonction θ(t) = t
mest admissible et on voit que E
1et E
2sont θ-situ´ es si et seulement si ils sont r´ eguli` erement situ´ es ([M], [T]) avec un exposant de Lojasiewicz ´ egal ` a m.
En fait, il r´ esulte de (1.6.7) que deux compacts θ-situ´ es sont toujours r´ eguli` erement situ´ es : (2.1.1) peut donc ˆ etre vu comme une in´ egalit´ e de Lojasiewicz raffin´ ee, l’´ echelle de pr´ ecision n’´ etant pas limit´ ee aux fonctions t → t
m(voir l’exemple (ii) ci-apr` es).
Soient alors θ une fonction admissible et M, N deux suites fortement r´ eguli` eres. On dira que la condition (C) est v´ erifi´ ee s’il existe des constantes b, c, avec 0 < b < 1, 0 < c < 1, telles que l’on ait
(2.1.2) bh
M(ct) ≤ h
N(θ(t)) ≤ b
−1h
M(c
−1t) pour tout t de R
+.
R e m a r q u e. Pour toute suite fortement r´ eguli` ere M (ou, plus g´ en´ erale- ment, v´ erifiant (1.1.1)), on a, pour tout entier l,
C
−(l+1)M
l≤ sup
0<t≤1
h
M(t)/t
l≤ C
l+1M
lpour une constante C convenable.
Comme, d’apr` es (1.6.6) et (2.1.2), on a h
M(t) ≤ b
−1h
N(θ(c
−1)at) pour 0 ≤ t ≤ 1, de la condition (C) va r´ esulter l’in´ egalit´ e
(2.1.3) sup
l≥0
(M
l/N
l)
1/l< ∞.
Exemples. (i) Soient m un r´ eel, m ≥ 1, et θ(t) = t
m. Il r´ esulte facilement de (1.1.7) et d’une application r´ ep´ et´ ee de (1.1.6) que si M est une suite fortement r´ eguli` ere quelconque, alors (C) est v´ erifi´ ee avec N = M
m.
(ii) Comme g´ en´ eralisation de l’exemple (i), on peut consid´ erer la fonction
admissible θ(t) = t
m(log(1 + 1/t))
−pavec m et p r´ eels, m ≥ 1, p ≥ 0.
Alors, si M est la suite de Gevrey M
l= l!
α, α > 0, et si N est d´ efinie par N
l= l!
mα(log l)
lp, des calculs ´ el´ ementaires permettent de montrer que (C) est v´ erifi´ ee.
Dans l’exemple (ii), ou plus g´ en´ eralement avec toute fonction admissible θ, il est naturel de se demander si, ´ etant donn´ ee une suite M fortement r´ eguli` ere quelconque, il existe toujours une suite N fortement r´ eguli` ere telle que (C) soit v´ erifi´ ee. La proposition suivante r´ epond par l’affirmative, sous des hypoth` eses suppl´ ementaires de r´ egularit´ e pour θ, peu restrictives. La preuve fournit en outre une construction explicite de N .
2.2. Proposition. Soient M une suite fortement r´eguli`ere et θ une fonction admissible satisfaisant les propri´ et´ es suivantes au voisinage de 0 dans R
+:
(2.2.1) la fonction t → θ(t)/t est croissante,
(2.2.1) il existe un entier q > 1 tel que t → θ(t)/t
qsoit d´ ecroissante.
Alors il existe une suite N fortement r´ eguli` ere telle que la condition (C) soit v´ erifi´ ee.
P r e u v e. On pose m
l:= M
l+1/M
lde sorte que l’on a M
l= m
0. . . m
l−1pour tout l ≥ 1. On d´ efinit alors N par les ´ egalit´ es N
0= 1 et N
l= n
0. . . n
l−1pour l ≥ 1, avec
(2.2.3) n
l:= 1
θ(1/m
l) .
On v´ erifie d’abord que N est fortement r´ eguli` ere. D’apr` es (1.1), on sait que (m
l)
l≥0croˆıt vers ∞. On voit imm´ ediatement qu’il en est de mˆ eme pour (n
l)
l≥0, donc que N satisfait (1.1.1). ´ Ecrivons ensuite n
l= ε
lm
ql, o` u q est l’entier qui figure dans (2.2.2) et o` u la suite (ε
l)
l≥0, donn´ ee par
ε
l:= (1/m
l)
qθ(1/m
l) ,
est en cons´ equence d´ ecroissante (on peut supposer sans perte de g´ en´ eralit´ e que (2.2.2) a lieu sur ]0, 1/m
0]). On a alors, pour tout entier l,
(2.2.4) N
l= ε
0. . . ε
l−1M
lqet, puisque M satisfait (1.1.2),
(2.2.5) N
l≤ A
qlε
0. . . ε
l−1M
jqM
l−jqpour 0 ≤ j ≤ l. On a en outre ε
0. . . ε
j−1ε
j. . . ε
l−1≤ ε
0. . . ε
j−1ε
0. . . ε
l−j−1puisque (ε
l)
l≥0est d´ ecroissante. En reportant dans (2.2.5), on obtient
N
l≤ (A
q)
l(ε
0. . . ε
j−1M
jq)(ε
0. . . ε
l−j−1M
l−jq),
donc, compte tenu de (2.2.4), que N satisfait (1.1.2). Enfin, on a X
j≥l
N
j(j + 1)N
j+1= X
j≥l
1 (j + 1)n
j= X
j≥l
θ(1/m
j) j + 1
= X
j≥l
1 (j + 1)m
j· θ(1/m
j) 1/m
j≤ θ(1/m
l) 1/m
lX
j≥l
1 (j + 1)m
j, d’apr` es (2.2.1) et la d´ ecroissance de (1/m
l)
l≥0(on peut ´ egalement supposer que (2.2.1) a lieu sur ]0, 1/m
0]). L’hypoth` ese (1.1.3) pour M se traduit par
X
j≥l
1 (j + 1)m
j≤ Al 1
(l + 1)m
l. Il vient donc
X
j≥l
N
j(j + 1)N
j+1≤ Al θ(1/m
l)
l + 1 = Al N
l(l + 1)N
l+1, c’est-` a-dire que N satisfait (1.1.3).
On ´ etablit maintenant la condition (C). On d´ ecoupe I := ]0, 1/m
0] en intervalles I
l:= ]1/m
l, 1/m
l−1], l ≥ 1. Il est ´ el´ ementaire de v´ erifier que l’on a
(2.2.6) h
M(t) = t
lM
lpour t ∈ I
let θ(t) ∈ [1/n
l, 1/n
l−1], donc, pour la mˆ eme raison, (2.2.7) h
N(θ(t)) = θ(t)
lN
lpour t ∈ I
l. Enfin, d’apr` es (2.2.1), on a
(2.2.8) θ(t) t
lN
l≥ θ(1/m
l) 1/m
l lN
l≥ m
ln
l lN
lpour t ∈ I
l. Par ailleurs, comme N est fortement r´ eguli` ere, elle satisfait la propri´ et´ e (1.1.4). En d’autres termes, on a n
ll≤ C
lN
lpour une constante C con- venable, C ≥ 1. L’in´ egalit´ e M
l= m
0. . . m
l−1≤ m
ll´ etant triviale puisque (m
l)
l≥0croˆıt, on obtient (m
l/n
l)
l≥ C
−lM
l/N
let, par (2.2.7) et (2.2.8), h
N(θ(t)) ≥ (t/C)
lM
lpour t ∈ I
l. Comme on a, par d´ efinition, h
M(t/C) ≤ (t/C)
lM
lpour tout t, il s’ensuit
(2.2.9) h
M(t/C) ≤ h
N(θ(t)) pour tout t de I.
En vertu de (2.2.1), on a aussi (2.2.10) θ(t)
t
lN
l≤ θ(1/m
l−1) 1/m
l−1 lN
l= m
l−1n
l−1 lN
lpour t ∈ I
l.
En utilisant, similairement ` a ce qui pr´ ec` ede, (1.1.4) et la croissance de
(n
l)
l≥0, on obtient (m
l−1/n
l−1)
l≤ (C
0)
lM
l/N
let donc, par (2.2.6) et
(2.2.10), (θ(t)/C
0)
lN
l≤ h
M(t) pour t ∈ I
l, C
0d´ esignant une constante convenable, avec C
0≥ 1. Il s’ensuit
(2.2.11) h
N(θ(t)/C
0) ≤ h
M(t) pour tout t de I.
Enfin, d’apr` es (2.2.1), on a θ(C
0t)/C
0≥ θ(t) et, en reportant dans (2.2.11), h
N(θ(t)) ≤ h
N(θ(C
0t)/C
0) ≤ h
M(C
0t) pour t ∈ (1/C
0)I. Joint ` a (2.2.9), ceci montre que l’on a (2.1.2) sur un intervalle [0, t
0] (t
0> 0), ce qui suffit ` a prouver (C).
2.3. Lemme. Soient E
1et E
2deux compacts de R
navec E
1∩ E
26= ∅, θ une fonction admissible et M , N deux suites fortement r´ eguli` eres. On suppose que E
1et E
2sont θ-situ´ es et que la condition (C) est satisfaite.
Alors il existe deux ouverts Ω
1et Ω
2contenus dans R
n\(E
1∩ E
2) et , pour tout λ > 0, une fonction ψ
λde classe C
∞sur R
n\(E
1∩ E
2), tels que les propri´ et´ es suivantes soient v´ erifi´ ees :
0 ≤ ψ
λ≤ 1 sur R
n\(E
1∩ E
2), (2.3.1)
E
1\E
2⊂ Ω
1et ψ
λ≡ 1 sur Ω
1, (2.3.2)
E
2\E
1⊂ Ω
2et ψ
λ≡ 0 sur Ω
2, (2.3.3)
pour tout multi-indice L et tout x de R
n\(E
1∩ E
2), on a
(2.3.4) |D
Lψ
λ(x)| ≤ C(λ)
l+1l!N
l(h
M(λd(x, E
1∩ E
2)))
−1,
o` u C(λ) est une constante positive ne d´ ependant que de λ, de la g´ eom´ etrie de E
1, E
2(en particulier de θ) et des suites M , N .
P r e u v e. On commence par construire deux familles homoth´ etiques de boules euclidiennes Q
j= B(x
j, r
j), Q
∗j= B(x
j, (1 + δ)r
j), j ∈ N (o` u δ est une constante positive convenable) avec Q
j∩ E
16= ∅, satisfaisant les propri´ et´ es suivantes :
(2.3.5) on a E
1\E
2⊂ S
j≥0
Q
jet E
2∩ S
j≥0
Q
∗j⊂ E
1∩ E
2, (2.3.6) il existe un entier N tel que pour tout i de N,
la boule Q
∗icoupe au plus N boules Q
∗j, j 6= i, (2.3.7) pour tous j ∈ N et x ∈ Q
∗j, on a
δ
0r
j≤ d(x, E
2) ≤ δ
00r
jet d(x, E
1) ≤ δ
00r
j, o` u δ
0, δ
00sont des constantes positives convenables.
Pour cela, on obtient les Q
j, Q
∗jen ne conservant, dans un recouvrement de Whitney de R
n\E
2([CC], prop. 5), que les boules qui rencontrent E
1.
Dans 2.1, on peut clairement supposer, quitte ` a diminuer γ, que Ω con- tient S
j≥0
Q
∗j.
Soit λ > 0, quelconque. En appliquant ` a Q
j, Q
∗jet ` a la suite N une
construction de J. Bruna ([B], §2, voir aussi [CC], prop. 4), on produit alors
une fonction ϕ
λ,jde classe C
∞dans R
nsatisfaisant : (2.3.8) 0 ≤ ϕ
λ,j≤ 1, supp ϕ
λ,j⊂ Q
∗jet ϕ
λ,j≡ 1 sur Q
j, (2.3.9) pour tout multi-indice L et tout x de R
n, on a
|D
Lϕ
λ,j(x)| ≤ (C
0θ(T λ))
l+1l!N
l(h
N(Cθ(T λ)r
j))
−1,
o` u on a pos´ e C = 2δ
00/γ (γ est la constante figurant en (2.1.1)), o` u T est un param` etre, T ≥ 1, ` a d´ eterminer, et o` u C
0est une constante convenable, ne d´ ependant que de N et de la g´ eom´ etrie de E
1, E
2.
Observons maintenant que d’apr` es (1.6.5), (2.1.1) et (2.3.7), on a, pour x ∈ supp ϕ
λ,j,
h
N(Cθ(T λ)r
j) ≥ h
N(θ(λd(x, E
1∩ E
2))),
pour une valeur convenable du param` etre T. Compte tenu de (2.1.2), on obtient
(2.3.10) h
N(Cθ(T λ)r
j) ≥ bh
M(cλd(x, E
1∩ E
2)), pour tout x de supp ϕ
λ,j.
On pose alors ψ
λ,1= ϕ
λ,1, ψ
λ,j= ϕ
λ,jQ
j−1i=1
(1−ϕ
λ,i) pour j > 1, et enfin ψ
λ= P
∞j=1
ψ
λ,j. Des arguments similaires ` a ceux de [CC], prop. 6, joints aux propri´ et´ es (2.3.5), (2.3.6), (2.3.8) ` a (2.3.10), permettent de v´ erifier que ψ
λsatisfait les conclusions du lemme (quitte ` a remplacer λ par λ/c), avec Ω
1= S
j≥0
Q
jet Ω
2= Ω \ S
j≥0
Q
∗j.
On a alors un th´ eor` eme concernant l’extension simultan´ ee de deux jets de classe J
Msur E
1et E
2.
2.4. Th´ eor` eme. Soient E
1, E
2deux compacts de R
n, θ une fonction admissible et M, N deux suites fortement r´ eguli` eres telles que la condition (C) soit v´ erifi´ ee. Alors les propri´ et´ es (A) et (B) suivantes sont ´ equivalentes :
(A) Les compacts E
1et E
2sont θ-situ´ es.
(B) Quels que soient les jets de Whitney F
1, F
2satisfaisant (i) F
j∈ J
M(E
j), j = 1, 2, et
(ii) <
E1∩E2F
1= <
E1∩E2F
2,
il existe une fonction f de C
N(R
n) telle que l’on ait <
Ejf = F
jpour j = 1, 2.
P r e u v e. (A)⇒(B). D’apr` es 1.4, il existe deux fonctions f
1, f
2de
C
M(R
n), v´ erifiant <
Ejf
j= F
jpour j = 1, 2. Dans le cas particulier E
1∩
E
2= ∅ de la d´ efinition 2.1, on prend simplement f = ψf
1+ (1 − ψ)f
2, o` u
ψ est une fonction de classe C
Msatisfaisant ψ ≡ 1 au voisinage de E
1et
ψ ≡ 0 au voisinage de E
2(une telle fonction se construit facilement ` a l’aide
des r´ esultats de [B], §2).
Dans le cas g´ en´ eral, soit g := f
1− f
2. Alors g appartient ` a C
M(R
n) et est plate sur E
1∩ E
2. Par des arguments standard (voir par exemple [Dr], prop. 2.4) on a donc, pour tout multi-indice L,
|D
Lg(x)| ≤ C
l+1l!M
lh
M(Cd),
avec d = d(x, E
1∩ E
2), x quelconque dans R
n, C d´ esignant une constante positive convenable. Compte tenu de (1.1.6) et (2.1.3), il vient, quitte ` a augmenter C,
|D
Lg(x)| ≤ C
l+1l!N
l(h
M(BCd))
2.
On applique alors le lemme 2.3 avec λ = BC. Par la formule de Leibniz et (2.3.4), on v´ erifie alors que l’on a, toujours quitte ` a augmenter C,
|D
L(ψ
λg)(x)| ≤ C
l+1l!N
lh
M(λd) pour tout x de R
n\ (E
1∩ E
2) et tout multi-indice L.
Il s’ensuit que ψ
λg se prolonge en une fonction e g de classe C
Nsur R
n, plate sur E
1∩ E
2. On consid` ere alors f = e g + f
2. Compte tenu de (2.1.3), on a bien f ∈ C
N(R
n); en outre, sur l’ouvert Ω
j(j = 1, 2) construit en (2.3), on a f = f
jen vertu de (2.3.2) et (2.3.3). Il en r´ esulte <
Ejf = <
Ejf
j= F
j. (B)⇒(A). Supposons que E
1et E
2ne soient pas θ-situ´ es. Alors il existe une suite (x
j)
j≥0de points de R
ntelle que l’on ait d(x
j, E
1) + d(x
j, E
2) <
1
j
θ(d(x
j, E
1∩ E
2)). Soit π
jun point de E
1tel que l’on ait |π
j− x
j| = d(x
j, E
1). A l’aide de (1.6.4) et d’in´ egalit´ es ´ el´ ementaires on ´ etablit facilement que pour j assez grand, on a
(2.4.1) 0 < d(π
j, E
2) ≤ C
j θ(d(π
j, E
1∩ E
2)),
o` u C est une constante convenable. Modulo extraction, on peut alors sup- poser que (π
j)
j≥0converge vers un point de E
1∩ E
2.
Soient les boules B
j= B π
j,
14d(π
j, E
1∩ E
2)
et B
j∗= B π
j,
12d(π
j, E
1∩ E
2). Quitte `a extraire encore une sous-suite, on peut supposer que les B
j∗ne se coupent pas deux ` a deux. En utilisant de nouveau [B], §2, on montre qu’il existe ϕ
j∈ C
M(R
n) telle que l’on ait
0 ≤ ϕ
j≤ 1, ϕ
j≡ 1 sur B
j, supp ϕ
j⊂ B
∗jet
|D
Lϕ
j(x)| ≤ (C
0)
l+1l!M
l(h
M(d(π
j, E
1∩ E
2)))
−1pour tout multi-indice L et tout x de R
n, o` u C
0d´ esigne une constante convenable. On pose alors, pour η r´ eel positif ` a d´ eterminer,
φ(x) =
∞
X
j=0
h
N(θ(ηd(π
j, E
1∩ E
2)))ϕ
j(x).
Compte tenu de (2.1.2) et (1.1.6), il est facile de voir que φ d´ efinit une fonction de C
M(R
n), plate sur E
1∩E
2, pourvu que le param` etre η soit choisi assez petit.
Soit alors F
1:= <
E1φ. On a F
1∈ J
M(E
1). On pose F
2= 0 de sorte que l’on a aussi F
2∈ J
M(E
2) et <
E1∩E2F
1= <
E1∩E2F
2.
Supposons maintenant que l’on puisse trouver une fonction f de classe C
Ndans R
n, satisfaisant <
Ejf = F
jpour j = 1, 2. Comme F
2est nul, f doit ˆ etre plate sur E
2, d’o` u l’on tire facilement
(2.4.2) |f (x)| ≤ C
00h
N(C
00d(x, E
2)),
pour tout x de R
n. Or on a f (π
j) = φ(π
j) = h
N(θ(ηd(π
j, E
1∩ E
2))) par construction. Il en r´ esulte, d’apr` es (1.6.5) et (2.4.1), que pour une constante T convenable, T ≥ 1, on a
|f (π
j)| ≥ h
N(η
0jd(π
j, E
2))
avec η
0=(Cθ(T /η))
−1. Ceci contredit clairement (2.4.2) et ach` eve la preuve.
R e m a r q u e. L’inspection de ce qui pr´ ec` ede montre que le rˆ ole du lemme 2.3 consiste ` a produire des “multiplicateurs” pour les fonctions de classe C
Mplates sur E
1∩ E
2. Sur ces questions, on se reportera ` a [M] ou [T] dans le cas C
∞. Dans le cas des classes ultradiff´ erentiables, 2.2 am´ eliore, en un certain sens, un r´ esultat de A. Lambert [L], V.1.2, qui permet de traiter uniquement le cas M = N , θ(t) = t, sous des hypoth` eses techniques additionnelles.
2.5. Optimalit´ e du th´ eor` eme pr´ ec´ edent. Dans le sens (A)⇒(B) du th´ eor` eme 2.4, la perte de r´ egularit´ e li´ ee ` a la condition (C) est en g´ en´ eral la meilleure possible, comme on peut le voir en reprenant un exemple de W.
Ple´ sniak [P] :
Soit m un r´ eel, m ≥ 1. On pose E
1= {(x, y) ∈ R
2: 0 ≤ x ≤ 1, x
m≤ y
≤ 1} et E
2= [0, 1] × [−1, 0] dans R
2. Les compacts E
1et E
2sont clairement θ-situ´ es, avec θ(t) = t
m.
On consid` ere la fonction ϕ(x, y) = exp(−1/x) pour (x, y) dans E
1. Elle est de classe C
Mavec M
l= l
l(ou, indiff´ eremment, l!). En outre, comme E
1a la propri´ et´ e (P) de Whitney (voir (1.5)), cette fonction d´ efinit un jet F
1de J
M(E
1). On prend pour F
2le jet nul sur E
2. Alors F
1et F
2co¨ıncident (au sens des jets) sur E
1∩ E
2= {(0, 0)}.
Au vu de l’exemple 2.1(i), le th´ eor` eme 2.4 stipule qu’il existe alors une fonction f de C
Mm(R
n) satisfaisant <
Ejf = F
jpour j = 1, 2 et, en parti- culier, f |
E1= ϕ, f |
E2= 0.
Cependant, les arguments de [P], 1.9, montrent que toute fonction f, de
classe C
∞au voisinage de E
1∪ E
2et suppos´ ee satisfaire ces deux derni` eres
conditions, doit n´ ecessairement v´ erifier, pour une constante C convenable, sup
(x,y)∈R2
∂
lf
∂y
l(x, y)
≥ C
ll!l
mlpour tout entier l : ceci montre que le r´ esultat pr´ ec´ edent est optimal.
On peut donner un ´ eclairage g´ en´ eral sur l’exemple 2.5 en consid´ erant le corollaire suivant du th´ eor` eme 2.4. Ce corollaire g´ en´ eralise, pour certains ouverts Ω, la propri´ et´ e d’extension de fonctions de la remarque 1.5.
2.6. Corollaire. Soient θ une fonction admissible et M , N deux suites fortement r´ eguli` eres telles que la condition (C) soit v´ erifi´ ee. Soit Ω un ouvert born´ e de R
n. On suppose que l’on a Ω = Ω
1∪ Ω
2o` u Ω
1et Ω
2sont deux ouverts dont l’adh´ erence a la propri´ et´ e (P) de Whitney. Alors les propri´ et´ es (A
0) et (B
0) suivantes sont ´ equivalentes :
(A
0) Les compacts Ω
1et Ω
2sont θ-situ´ es.
(B
0) Toute fonction f de C
M(Ω) s’´ etend en une fonction e f de C
N(R
n) (c’est-` a-dire que l’on a e f |
Ω= f ).
P r e u v e. (A
0)⇒(B
0). Comme Ω
ja la propri´ et´ e (P), f |
Ωj
d´ efinit un jet F
jde J
M(Ω
j) pour j = 1, 2 et on a clairement <
Ω1∩Ω2
F
1= <
Ω1∩Ω2
F
2=
<
Ω1∩Ω2
f. D’apr` es 2.4, il existe e f dans C
N(R
n) satisfaisant <
Ωjf = F e
jpour j = 1, 2 et donc e f |
Ω= f .
(B
0)⇒(A
0). Soient F
1, F
2deux jets de J
M(Ω
1) et J
M(Ω
2) respective- ment, satisfaisant <
Ω1∩Ω2
F
1= <
Ω1∩Ω2
F
2. D’apr` es 1.4, il existe deux fonc- tions f
jde C
M(R
n) (j = 1, 2) telles que l’on ait <
Ωj
f
j= F
j. La condition de co¨ıncidence sur Ω
1∩ Ω
2montre que l’on peut d´ efinir une fonction f de C
M(Ω) par recollement en posant f = f
jsur Ω
j. Par hypoth` ese, il existe f dans C e
N(R
n) telle que l’on ait e f |
Ω= f , d’o` u l’on tire <
Ωj
f = F e
jpour j = 1, 2. D’apr` es 2.4, ceci impose que Ω
1et Ω
2soient θ-situ´ es.
3. Prolongement de fonctions
3.1. D´ efinitions. Soit θ une fonction admissible. Un compact E de R
nest dit θ-r´ egulier s’il existe une constante positive γ telle que deux points quelconques ξ et x de E puissent ˆ etre joints par un arc rectifiable σ contenu dans l’int´ erieur de E sauf peut-ˆ etre pour un nombre fini de points, et dont la longueur |σ| v´ erifie
(3.1.1) θ(|σ|) ≤ γ|x − ξ|.
Par exemple, pour θ(t) = t
m, m ≥ 1, la θ-r´ egularit´ e n’est autre que
la m-r´ egularit´ e de Whitney ([M], [T], [P]). En particulier, pour m = 1, on
retrouve la propri´ et´ e (P), voir 1.5. Par ailleurs, de (1.6.7) r´ esulte aussi le fait
que si le compact E est θ-r´ egulier, il est n´ ecessairement m-r´ egulier pour m convenable. A ce titre, si E est l’adh´ erence d’un ouvert born´ e Ω, il s’ensuit que toute fonction de C
∞(Ω) s’´ etend en une fonction de C
∞(R
n) (voir [M], [T]). On pr´ ecisera en (3.4) le lien entre les notions de compacts θ-situ´ es et θ-r´ eguliers.
Soient alors θ une fonction admissible et M , N deux suites fortement r´ eguli` eres. On dira que la condition (D) est v´ erifi´ ee s’il existe des constantes b, c, avec 0 < b < 1, 0 < c < 1, telles que l’on ait
(3.1.2) bh
M(l, ct) ≤ θ(t)
lN
lpour tout l de N
∗et tout t de R
+(voir (1.1.8) pour la d´ efinition de h
M(l, ·)).
R e m a r q u e s. (i) Comme la condition (C) (voir 2.1), la condition (D) implique
(3.1.3) sup
l≥0
(M
l/N
l)
1/l< ∞.
Il suffit pour le voir de prendre t = 1 dans (3.1.2), en remarquant que l’on a h
M(l, c) = c
lM
lpour l assez grand.
(ii) En observant, plus pr´ ecis´ ement, que l’on a h
M(l, t) = h
M(t) pour t ≤ M
l/M
l+1et h
M(l, t) = t
lM
lpour t > M
l/M
l+1, on v´ erifie sans difficult´ e que si t → θ(t)/t est croissante au voisinage de 0 et si la condition (C) est satisfaite, alors la condition (D) est ´ egalement satisfaite.
(iii) Si θ satisfait les hypoth` eses (2.2.1) et (2.2.2) au voisinage de 0 dans R
+et si M est une suite fortement r´ eguli` ere donn´ ee, il r´ esulte de ce qui pr´ ec` ede et de 2.2 qu’il existe toujours une suite N fortement r´ eguli` ere telle que (D) soit satisfaite.
Exemples. (i) Pour θ(t) = t
m, m ≥ 1, on v´ erifie ais´ ement, ` a l’aide de (1.1.2), que (D) est satisfaite avec N = M
m.
(ii) Le (ii) de la remarque pr´ ec´ edente, joint ` a l’exemple 2.1(ii), montre que si θ(t) = t
m(log(1 + 1/t))
−p, m ≥ 1, p ≥ 0, et si M
l= l!
α, α > 0, alors (D) est v´ erifi´ ee avec N
l= l!
mα(log l)
lp.
3.2. Th´ eor` eme. Soient θ une fonction admissible et M , N deux suites fortement r´ eguli` eres telles que la condition (D) soit v´ erifi´ ee. Soit Ω un ou- vert born´ e de R
n, d’adh´ erence θ-r´ eguli` ere. Alors, pour toute fonction f de C
M(Ω), il existe une fonction e f de C
N(R
n) telle que l’on ait e f |
Ω= f .
P r e u v e. On pose F
J= D
Jf pour tout multi-indice J . Vu le th´ eo- r` eme 1.4, il s’agit de montrer que F := (F
J)
J ∈Nnest un jet de J
N(Ω).
Compte tenu de (3.1.3), on a clairement l’estimation
(3.2.1) |F
J| ≤ C
j+1j!N
jpour une constante C convenable. Il suffit donc de v´ erifier la condition de
Taylor dans la d´ efinition des jets en 1.3.
Soient p un entier, L un multi-indice avec l ≤ p, ξ et x deux points de Ω. On consid` ere σ un arc rectifiable associ´ e ` a ξ et x par la d´ efinition 3.1.
Pour tout entier q avec q ≥ p, on a
(3.2.2) |F
L(x) − D
LT
ξpF (x)| ≤ |E
1| + |E
2| avec
E
1= F
L(x) − D
LT
ξqF (x) et E
2= D
L(T
ξqF − T
ξpF )(x).
A partir de [W], lemme 3, et par des arguments inspir´ es de [BBMT], 3.12, on obtient, quitte ` a augmenter C, l’estimation |E
1| ≤ C
q+1l!M
q+1|σ|
q+1−l. Avec l’in´ egalit´ e triviale |x − ξ| ≤ |σ|, on en d´ eduit
(3.2.3) |E
1| ≤ (C|σ|)
q+1M
q+1l!|x − ξ|
−l. Par ailleurs, on a
|E
2| ≤ X
J, p+1≤j≤q
1
J ! |F
J(ξ)D
L(x − ξ)
J|
≤ X
J, p+1≤j≤q l1≤j1,...,ln≤jn
1
(J − L)! C
j+1j!M
j|x − ξ|
j−l.
A l’aide du fait ´ el´ ementaire j! ≤ 2
j(j − l)!l! ≤ 2
j2
(n−1)(j−l)(J − L)!l!, on en tire
|E
2| ≤ C
q
X
j=p+1
2
−j(2
n+1C|x − ξ|)
jM
jl!(2
n−1|x − ξ|)
−l.
Clairement, le maximum pour p+1 ≤ j ≤ q+1 de l’expression (2
n+1C|x−
ξ|)
jM
jest atteint pour j = p + 1 ou pour j = q + 1.
Dans le premier cas, on obtient
|E
2| ≤ C X
qj=p+1
2
−j(2
n+1C|x − ξ|)
p+1M
p+1l!|x − ξ|
−l, d’o` u, compte tenu de (3.1.3),
(3.2.4) |E
2| ≤ C
p+1l!N
p+1|x − ξ|
p+1−l, quitte ` a augmenter C.
Dans le deuxi` eme cas, on obtient similairement
|E
2| ≤ C(2
n+1C|x − ξ|)
q+1M
q+1l!|x − ξ|
−l, d’o` u, en utilisant encore l’in´ egalit´ e |x − ξ| ≤ |σ|,
(3.2.5) |E
2| ≤ C(2
n+1C|σ|)
q+1M
q+1l!|x − ξ|
−l.
On choisit alors q = q(p, |σ|) comme le plus petit entier sup´ erieur ou ´ egal
`
a p tel que l’on ait
(2
n+1C|σ|)
q+1M
q+1= h
M(p + 1, 2
n+1C|σ|).
D’apr` es (3.1.2), pour |σ| ≤ 1/C
0avec C
0= 2
n+1c
−1C, on a h
M(p + 1, 2
n+1C|σ|) ≤ b
−1θ(C
0|σ|)
p+1N
p+1. Par (1.6.2) et (3.1.1), on a en outre θ(C
0|σ|) ≤ γθ(C
0)|x − ξ|. On obtient donc des constantes C
0, C
00positives (d´ ependant de f , θ, γ, M , N ) telles que l’on ait
(3.2.6) (2
n+1C|σ|)
q+1M
q+1≤ (C
00)
p+1N
p+1|x − ξ|
p+1pour |σ| ≤ 1/C
0.
Finalement, (3.2.2) ` a (3.2.6) montrent que quels que soient les points ξ et x de Ω satisfaisant |σ| ≤ 1/C
0, on a, quitte encore ` a augmenter C, (3.2.7) |F
L(x) − D
LT
ξpF (x)| ≤ C
p+1l!N
p+1|x − ξ|
p+1−lpour tout entier p et tout multi-indice L avec l ≤ p. Ceci termine la preuve (puisque pour |σ| > 1/C
0, |x−ξ| reste sup´ erieur ` a la constante γ
−1θ(1/C
0) et qu’alors l’in´ egalit´ e de Taylor (3.2.7) est une simple cons´ equence de (3.2.1)).
3.3. Remarques importantes. (i) La perte de r´ egularit´ e li´ ee ` a la condition (D) dans le th´ eor` eme 3.2 n’est pas optimale en g´ en´ eral, puisque (D) reste v´ erifi´ ee si l’on remplace N par une suite N
0telle que lim
l→∞(N
l0/N
l)
1/l= ∞.
(ii) Il importe ´ egalement de remarquer qu’´ etant donn´ es Ω un domaine born´ e de R
2, θ une fonction admissible et M , N deux suites fortement r´ eguli` eres telles que (D) soit v´ erifi´ ee, il n’est pas n´ ecessaire que Ω soit θ- r´ egulier pour avoir une propri´ et´ e d’extension de C
M(Ω) ` a C
N(R
n). K. Wach- ta [Wa] a donn´ e un exemple de domaine Ω
0de R
2tel que toute fonction de C
∞(Ω
0) s’´ etende en une fonction de C
∞(R
2) bien que le compact Ω
0ne soit pas Whitney-r´ egulier, c’est-` a-dire qu’il n’existe aucun m (m ≥ 1) tel que Ω
0soit θ-r´ egulier pour θ(t) = t
m. Reprenant cet exemple, on peut
´
egalement montrer, ` a l’aide d’arguments similaires ` a la preuve de 3.2, que toute fonction de C
M(Ω
0) s’´ etend en une fonction de C
M4(R
2), (D) ´ etant v´ erifi´ ee avec N = M
4, θ(t) = t
4, et ceci bien que Ω
0ne soit pas θ-r´ egulier.
La proposition suivante pr´ ecise la relation entre compacts θ-situ´ es et θ-r´ eguliers.
3.4. Proposition. Soient θ une fonction admissible et E
1, E
2deux compacts de R
n. Alors :
(i) Si E
1∪ E
2est θ-r´ egulier , les compacts E
1et E
2sont θ-situ´ es.
(ii) Si E
1et E
2sont θ-situ´ es avec E
1∩ E
26= ∅ et ont la propri´ et´ e (P) de
Whitney (voir 1.5), le compact E
1∪ E
2est θ-r´ egulier.
P r e u v e. (i) Soient Ω un ouvert born´ e de R
ncontenant E
1∪ E
2, x un point de Ω et x
jun point de E
jtel que l’on ait |x − x
j| = d(x, E
j), j = 1, 2. On a |x
1− x
2| ≤ d(x, E
1) + d(x, E
2). Or, par hypoth` ese, il existe un arc rectifiable σ joignant x
1` a x
2dans E
1∪ E
2et tel que l’on ait θ(|σ|) ≤ γ|x
1− x
2|, d’o` u
(3.4.1) θ(|σ|) ≤ γ(d(x, E
1) + d(x, E
2)).
Soit b x un point de E
1∩ E
2∩ σ. On note b σ le sous-arc de σ joignant x
1`
a b x. On a clairement d(x, E
1∩ E
2) ≤ |x − b x| ≤ |x − x
1| + |x
1− x|. En vertu b des propri´ et´ es des fonctions admissibles on a alors
θ(d(x, E
1∩ E
2)) ≤ θ(2)θ(λ)(θ(|x − x
1|/λ) + θ(|x
1− b x|/λ))
≤ aθ(2)λ
−1θ(λ)|x − x
1| + θ(2)θ(λ)θ(|x
1− x|), b o` u l’on a pos´ e λ = max(1, sup
x∈Ωd(x, E
1)+diam(E
1)). Enfin, on a |x
1− x| ≤ b
| b σ| ≤ |σ|, d’o` u θ(d(x, E
1∩ E
2)) ≤ aθ(2)θ(λ)(d(x, E
1) + θ(|σ|)). On conclut alors, ` a l’aide de (3.4.1), que E
1et E
2sont θ-situ´ es.
(ii) Soient ξ et x des points de E
1∪ E
2. Il suffira de consid´ erer le cas o` u l’on a x ∈ E
1, ξ ∈ E
2. On note x (resp. e e ξ) un point de E
1∩ E
2tel que l’on ait |x − x| = d(x, E e
1∩ E
2) (resp. |ξ − e ξ| = d(ξ, E
1∩ E
2)). On sait qu’il existe dans E
1(resp. E
1, E
2) un arc σ
1joignant x ` a x (resp. σ e
2joignant x ` e a e ξ et σ
3joignant e ξ ` a ξ), tel que l’on ait |σ
1| ≤ C|x − x| (resp. e
|σ
2| ≤ C| e x − e ξ| et |σ
3| ≤ C|e ξ − ξ|) pour une constante C convenable. On a aussi | x − e e ξ| ≤ | x − x| + |x − ξ| + |ξ − e e ξ|.
Soit σ := σ
1∪ σ
2∪ σ
3. Des in´ egalit´ es pr´ ec´ edentes r´ esulte, quitte ` a aug- menter C, la majoration |σ| ≤ C(|x − x| + |ξ − e e ξ| + |x − ξ|) et par cons´ equent, en vertu des propri´ et´ es des fonctions admissibles, θ(|σ|) ≤ C
0(θ(|x − x|) e + θ(|ξ − e ξ|) + θ(|x − ξ|)) pour une constante C
0convenable, ne d´ ependant que de la g´ eom´ etrie de E
1∪ E
2.
Or on a θ(|x − x|) = θ(d(x, E e
1∩ E
2)) ≤ γ
−1d(x, E
2) ≤ γ
−1|x − ξ|
(resp. θ(|ξ − e ξ|) ≤ γ
−1|x − ξ| ) puisque E
1et E
2sont θ-situ´ es. Enfin on a θ(|x − ξ|) ≤ C
00|x − ξ| d’apr` es (1.6.6). Il s’ensuit que l’arc rectifiable σ joint ξ ` a x dans E
1∪ E
2et satisfait θ(|σ|) ≤ C
0|x − ξ| quitte ` a augmenter C
0. Enfin σ est contenu dans l’int´ erieur de E
1∪ E
2sauf ´ eventuellement pour un nombre fini de points puisque c’est le cas pour σ
1, σ
2, σ
3. Ceci ach` eve le preuve.
3.5. Un lien avec les r´ esultats du §2. Si Ω est un ouvert satisfaisant les
hypoth` eses du sens (A
0)⇒(B
0) de 2.6, il r´ esulte de 3.4(ii) que Ω est θ-r´ egulier,
donc, d’apr` es 3.2, que la propri´ et´ e d’extension de C
M(Ω) ` a C
N(R
n) d´ ecrite
dans le sens direct de 2.6 reste valable si l’on remplace la condition (C)
par (D). Ceci peut aussi ˆ etre vu comme cons´ equence du r´ esultat g´ en´ eral
suivant, que l’on peut ´ etablir par des arguments identiques ` a ceux de la preuve de 3.2 :
On suppose que la condition (D) est satisfaite. Soient E
1, . . . , E
kdes compacts de R
net , pour 1 ≤ j ≤ k, des jets F
jde J
M(E
j) tels que l’on ait
<
Ei∩EjF
i= <
Ei∩EjF
jpour 1 ≤ i ≤ k, 1 ≤ j ≤ k, i 6= j. Alors, si les E
jsont θ-situ´ es deux ` a deux , il existe une fonction f de C
N(R
n) telle que l’on ait <
Ejf = F
jpour 1 ≤ j ≤ k.
Lorsque t → θ(t)/t est croissante au voisinage de 0 dans R
+, ce r´ esultat contient, en vertu de la remarque 3.1(ii), le sens (A)⇒(B) du th´ eor` eme 2.4 et, en cons´ equence, le sens (A
0)⇒(B
0) du corollaire 2.6. Mais il n’est plus question de r´ eciproque ici.
Il est ` a noter enfin que la preuve de 3.2 et du r´ esultat pr´ ec´ edent n’utilisent pas la forte r´ egularit´ e de M (mais seulement sa convexit´ e logarithmique (1.1.1)). La forte r´ egularit´ e de N n’est, quant ` a elle, utilis´ ee que dans l’´ etape finale qui consiste, via le th´ eor` eme 1.4, ` a ´ etendre le jet de classe J
Nobtenu.
3.6. A propos de la notion de fonction admissible. On commente pour conclure les hypoth` eses en 1.6.
Les conditions (1.6.1) et (1.6.3) garantissent la non-vacuit´ e des notions d’ensembles θ-situ´ es ou θ-r´ eguliers.
La condition (1.6.2) signifie que la d´ ecroissance de θ(t) quand t tend vers 0 n’est pas trop rapide, voir (1.6.7). Si on supprime (1.6.2), toute propri´ et´ e d’extension tombe g´ en´ eralement en d´ efaut, comme le montre l’exemple suivant :
On pose θ(t) = exp(−1/t), Ω
1= {(x, y) ∈ R
2: 0 < x < 1, exp(−1/x) <
y < 1} et Ω
2= ]0, 1 [× ] − 1, 0 [ dans R
2. Alors Ω
1et Ω
2sont θ-situ´ es.
En outre, si on pose ϕ(x, y) = exp(−1/x) pour (x, y) ∈ Ω
1et ϕ(x, y) = 0 pour (x, y) ∈ Ω
2, on d´ efinit ainsi une fonction de C
M(Ω) pour M
l= l
let Ω = Ω
1∪ Ω
2. Cependant il est classique ([Bi], 2.18) que ϕ ne peut mˆ eme pas s’´ etendre en une fonction de classe C
∞sur R
2.
R´ ef´ erences
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CNRS-URA 751
MATH ´EMATIQUES–B ˆAT. M2
UNIVERSIT ´E DES SCIENCES ET TECHNOLOGIES DE LILLE F-59655 VILLENEUVE D’ASCQ CEDEX, FRANCE
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