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Au-delà de Jedwabne

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Academic year: 2022

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Au-delà de Jedwabne

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Krzysztof Persak

Au cours de l'été 1941, après l'attaque de l'URSS par l'Allemagne nazie, une vague de pogromes contre les populations juives a traversé les frontières, de la Lituanie à la Bessarabie. Les habitants des territoires qui avaient été occupés par les Soviétiques après 1939 (Lituaniens, Ukrainiens, Roumains) prirent part à ces pogromes. Dans le district de Lomza et dans la région de Bialystok, des Polonais ont également parti- cipé aux crimes contre les Juifs. Quoiqu'ils firent le plus grand nombre de victimes, les crimes [polonais] les plus connus contre les Juifs, ceux commis à Jedwabne et près de Radzilow, ne furent pas les seuls.

À la frontière entre la Mazovie et la Podlasie, des actes de violence anti-juive furent commis dans plus de vingt communes. L'ampleur de ces événements prouve qu'ils ne furent pas des incidents isolés mais bien des séquences d'un phénomène plus général.

Les historiens qui se sont mis à enquêter sur les meurtres à Jedwabne à la suite de la publication des Voisins par Jan T. Gross2 ont eu la surprise de découvrir que dans les premières années qui suivirent la fin de la Seconde Guerre mondiale, à Bialystok, Lomza et Elk, plus de soixante procès ont été menés contre des Polonais accusés d'avoir participé à des massacres de Juifs au cours des premières semaines de l'occupation allemande de ces territoires. Les recherches conduites par le Dr Andrzej Zbikowski révélèrent que plus d'une centaine de per- sonnes avaient été traduites en justice pour des actes de violence de différente sorte envers des Juifs. Les prévenus ont été accusés non seu- lement de vol et de dénonciation, de coups et de simples homicides,

l. Traduit de l'anglais par Olivier Ouzilou.

2. Les voisins: 10 juillet 1941. Un massacre de Juifs en Pologne, Fayard, Paris, 2002.

Traduit de l'américain, Neighbors: the Destruction of the Jewish community in Jedwabne, Po/and, Princeton University Press, 2001.

In: Archives et histoire dans le sociétés postcommunistes, eds. Sonia Combe et al., Paris 2009.

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mais également de participation à des massacres de masse. Pendant plusieurs décennies, les archives de ces procès sont restées à l'insu des chercheurs dans les archives de la Commission générale d'investiga- tion des crimes nazis en Pologne. Il est vraisemblable que d'autres documents, tout aussi inconnus des historiens, attendent d'être décou- verts dans des dépôts publics d'archives locales.

UN ÉPISODE EXPLORÉ

En ce qui concerne le massacre de masse de Jedwabne, cas de plus grande ampleur et le plus connu, vingt-deux hommes ont été accusés et dix d'entre eux ont été jugés en toute légalité au cours d'un procès qui s'est tenu en mai 1949. Dans d'autres localités, les auteurs de crimes ont été dans la plupart des cas jugés individuellement. Par exemple, en ce qui concerne Radzilow le massacre de masse des Juifs de Pologne a donné lieu à huit procès séparés. À Suchowola, quinze personnes furent accusées d'avoir pris part à des pogromes, à Goniadz, neuf personnes furent jugées pour ce même crime. Mais dans la plupart des cas, les criminels n'ont pas été jugés ensemble, mais individuellement.

Les preuves rassemblées dans les procédures légales attestent que seule une petite partie, sélectionnée au hasard, des auteurs d'actes contre les Juifs a été traduite en justice. Au cours de l'enquête sur le crime de Jedwabne, les témoins comme les suspects ont mentionné plusieurs dou- zaines de personnes ayant pris part aux pogroms. Mais pas un seul d'entre eux n'a été ne serait-ce qu'interrogé. La même chose s'est produite dans d'autres procès. Il arriva également que beaucoup de coupables témoi- gnent comme témoins de la défense, c'est-à-dire en faveur des accusés.

La solidarité de la communauté locale, qui protégeait ses membres, fut très symptomatique. On trouve dans les dossiers des procès des pétitions et des « attestations de loyauté » signées par des douzaines d'habitants des environs. Bien que lors des procès beaucoup de gens aient considéré les accusés en question comme « non coupables », personnes ne nia que des actions contre les Juifs impliquant des Polonais aient effectivement eu lieu et que d'autres coupables (souvent cités nommément) y aient pris part.

Les victimes juives intervinrent très rarement comme témoins dans ces procès. La majeure partie d'entre elles avait été tuée dans

!'Holocauste organisé par la machine meurtrière nazie. Les rares personnes qui avaient survécu et témoigné lors de la première phase des procès avaient quitté la Pologne avant le début du procès et leurs témoignages n'ont pas été pris en compte par le tribunal.

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Les documents trouvés jusqu'à présent montrent que vingt-sept Polonais ont été jugés pour leur participation aux massacres de Juifs commis durant l'été 1941 dans le district de Lomza et dans la région de Bialystok. Les peines allèrent de deux ans et demi à la prison à vie. Des peines ont été commuées de façon exceptionnelle par les tribunaux. La peine de mort a été décidée dans quatre cas mais elle n'a été appliquée qu'une fois: dans le cas de Wladyslaw Grodzki, le commandant de ce que l'on appelait « la Garde des Citoyens », et l'organisateur du pogrome de Jasionowka.

Tous ces procès ne constituent toutefois qu'une partie d'un pro- blème plus vaste de l'après-guerre et jusque-là inexploré, à savoir le recensement de ceux qui avaient collaboré avec les nazis. Peu de gens savent que des dizaines de milliers de coupables ont été traduits en jus- tice en vertu du décret du 31 août 1944 intitulé : « Sur le châtiment des criminels fascistes-nazis coupables de meurtres et de persécutions de la population civile et des prisonniers de guerre, ainsi que des traîtres à la nation polonaise ». Selon les statistiques du ministère de la Justice, environ 18 000 personnes parmi ces coupables ont été condamnées entre 1944 et 1960. Un quart d'entre eux était constitué de criminels de guerre allemands, mais la majorité étaient des citoyens polonais. Bien que durant la période stalinienne - de 1944 à 1956 - le décret d'août 1944 fut souvent détourné pour être utilisé contre les forces sou- terraines anticommunistes, au moins plusieurs milliers de détenus étaient d'authentiques collaborateurs [nazis]. C'est en vertu de ce décret qu'un tribunal communiste en Pologne a condamné à mort, parmi d'autres, le général Emil Fieldorf - dont le nom de guerre était

«Nil»-, l'un des soldats polonais les plus connus et commandant de la diversion au quartier général de l'armée polonaise clandestine (AK) pendant la guerre3.

LA HAINE, LA REVANCHE, LE PILLAGE

Aujourd'hui, soixante ans après les faits, il est difficile de donner une suite judiciaire aux participations individuelles à des actions anti- juives. Mais les dossiers de justice nous en apprennent beaucoup sur les mécanismes qui présidèrent au déroulement de ces événements. Pour un historien d'aujourd'hui, une des sources les plus importantes est le témoignage de Juifs devant la Commission historique juive à la fin de

3. L'Armia Krajowa (AK) officiellement crée en 1942, est liée au gouvernement polo- nais en exil, tandis que l'Armia ludowa (AL) est soutenue par l'URSS.

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la guerre. Le témoignage exceptionnel des membres (au nombre de six) de la famille Finkielsztejn de Radzilow, famille qui a survécu tout entière à la guerre et à !'Holocauste, est l'un des plus précieux. Il sem- ble qu'ils ne durent leur survie qu'au fait que deux semaines après le pogrome, ils aient accepté d'être baptisés dans une église catholique locale et qu'en tant que chrétiens, ils aient été davantage protégés de la dénonciation. Pendant les années qui suivirent, ils furent cachés au domicile de fermiers, dans un village proche de leur ville natale de Radzilow.

Le déclenchement de violences antijuives par des Polonais locaux s'est produit à un moment et dans un lieu exceptionnels. Après le retrait des forces d'occupation soviétiques, en l'absence d'autorités adminis- tratives locales, dans beaucoup de villes et de villages polonais, les gens organisèrent des Autorités polonaises temporaires nommées

«Garde des citoyens», qui étaient parfois armées. Durant les premières semaines de la nouvelle occupation allemande, ces autorités locales furent tolérées par l'administration militaire allemande. Les membres de la Garde des citoyens. [Polonais] provoquèrent des pogromes et y prirent part. L'idée de prendre une revanche sur ceux qui auraient col- laboré avec les Soviétiques servait généralement de prétexte pour les déclencher. Et tous les Juifs furent considérés comme l'ayant fait. Très souvent les acteurs de ces pogromes venaient à peine d'être libérés des prisons soviétiques. Par exemple, à Goniadz, les membres de la Garde locale des Citoyens arrêtèrent quarante « communistes », tous juifs.

Après trois jours de torture, ils les tuèrent tous dans un cimetière juif local, puis ils pillèrent leurs biens. Ces mêmes personnes avaient l 'in- tention de brûler vif les Juifs dans une école juive du centre de la ville, mais ils y renoncèrent à la suite des protestations des voisins, effrayés par le feu. Il est intéressant de constater que les Allemands exécutèrent certains pilleurs polonais, quelques jours plus tard. En dehors d'une prétendue revanche contre l'occupation soviétique, le pillage des biens juifs a été apparemment la raison principale de l'agression des Juifs locaux. Dans plusieurs témoignages sur les meurtres de masse de Juifs, y compris ceux de Jedwabne, Jasionowka, Kolno ou Suchowola, on apprend que des paysans sont venus de villages proches pour piller les biens des victimes juives. Ce genre de participation des villageois aux pogromes était typique avant la guerre dans cette partie de la Pologne.

Lors d'un pogrome qui eut lieu à Radzilow, en 1933, quatre auteurs qui ont été plus tard fusillés par la Police d'État venaient de l'extérieur de la ville.

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DES SCÉNARIOS DIFFÉRENTS

Le district de Lornza occupa une place spéciale sur la carte des excès antijuifs en Pologne dans la seconde moitié des années 1930. Ce fait est à relier à la forte popularité du Parti national (Stronnictwo Narodowe) et à son idéologie empreinte d'un fort antisémitisme. Dans les années 1930, dans les communautés de Wasosz et de Jedwabne, plus de 70 % des votants donnèrent Jeurs voix au Parti national. Il est intéressant de noter que le leader national et chef idéologique de ce parti, Roman Dmowski, passa la dernière année de sa vie à Drozdowo, soit à quelque dix miles seulement de Jedwabne. L'attitude de la popu- lation locale à l'égard des Juifs a été déterminée par l'antisémitisme diffus du Parti national. Mais les actions antijuives organisées l'été 1941 ne se seraient probablement pas transformées en massacres de masse, sans la permission, voire l'instigation ou l'exemple des Allemands. Dès le premier jour de l'occupation, les Allemands firent savoir que les Juifs n'étaient protégés par aucune loi. Les pogromes organisés par les Polonais se déroulèrent au même moment où les Allemands exécutaient des Juifs. Selon plusieurs ordres délivrés entre le 29 juin et le 2 juillet 1941, l'homme à la tête du Bureau de la sécu- rité du« Reich» allemand, Reinhard Heydrich, donna l'ordre suivant aux commandants des Unités d'opérations spéciales de sécurité:

Ne faites obstacle à aucune action d'épuration spontanée de groupes anti- communistes ou antijuifs dans les territoires nouvellement occupés. Au contraire : provoquez ces agissements sans laisser aucune trace et, si nécessaire, intensifiez-les et orientez-les dans la bonne direction.

Toutefois les événements qui se déroulèrent dans le district de Lomza et dans la région de Bialystok ne peuvent pas découler entièrement d'un scénario aussi simple. Dans certains lieux, les habitants, c'est-à-dire des Polonais des environs, prirent part aux actions antijuives organisées par les Allemands. À Suchowola, des Polonais ont noyé des Juifs dans un étang et ont brûlé vif un groupe de Juifs dans une maison juive. À Rajgrod, les hommes de la Gestapo incitèrent Jeurs accompagnateurs polonais à exécuter les Juifs en autorisant l'un d'entre eux à leur tirer dessus. Il est donc vraisemblable que les massacres de masse de Juifs à Radzilow et à Jedwabne aient été encouragés par la même unité spéciale de la Gestapo dirigée par Hermann Schaper. À Wasosz, les Allemands agirent avec encore plus de discrétion. On sait qu'avant Je pogrome, certains membres de la Gestapo s'étaient rendus dans Je village avec un interprète polonais, mais ce sont des Polonais qui se livrèrent ensuite au massacre de Juifs dans la nuit du 5 au 6 juillet 1941, et cela sans la

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participation des Allemands. On recense également des cas de pogromes spontanés, comme ceux qui se déroulèrent à Grajewo, à Wasilkow ou encore à Rutki, où l'arrivée de l'unité militaire allemande eut pour conséquence l'arrêt des violences. L'un des pogromes probablement les plus sanglants, celui de Szczuczyn, a été l'œuvre de Polonais eux- mêmes. Il eut lieu dans la nuit du 27 juin 1941, avant que Heydrich ne délivre les ordres mentionnés plus haut. Ce pogrome qui a fait 300 victimes (selon les rapports allemands et juifs, en cela concordants) fut organisé en l'absence des Allemands. Certains de ces meurtres de masse étaient d'origine purement criminelle. L'un des meurtres les plus cruels s'est produit dans le village de Bzury, où des Polonais provenant de Szczuczyn tuèrent vingt femmes juives dans une forêt environnante. Ces femmes juives travaillaient dans une ferme proche. Les bandits violèrent quelques femmes avant de les tuer et, après cela, ils volèrent leurs vêtements.

VÉRITÉ ET MÉMOIRE

La vérité sur la participation des Polonais dans les massacres de Juifs dans le district de Lomza et la région de Bialystok a été longtemps oubliée et c'est seulement la récente discussion à propos du « cas de Jedwabne » qui l'a rappelée, très douloureusement, à la conscience nationale polonaise4Mais personne ne peut échapper à la vérité. Pas seulement les habitants actuels de Jedwabne, mais également les habitants des autres communes où les Juifs ont été tués par les Polonais durant l'été 1941. Eux aussi sont confrontés à la mémoire de ces tragiques événements. La même chose eut lieu par exemple à Radzilow.

Des massacres en masse de Juifs y ont été accomplis le 7 juillet 1941, à l'initiative des Allemands, par les membres de la Garde des citoyens locale, avec la participation active d'un groupe d'habitants de la ville et des villages voisins. Ce massacre a été très bien documenté, mais une plaque commémorative sur l'obélisque érigée à la mémoire de ses

4. L'étude « Wokol Jedwabnego » (Autour de Jedwabne), éditée et publiée par l'Institut pour la mémoire nationale (IPN), en Pologne en novembre 2002, est composée de deux volumes (environ 1 600 pages en tout). Le premier volume(« Études») contient des articles de neuf historiens appartenant à l'IPN et à d'autres centres académiques, qui inscrivent la question des crimes commis à Jedwabne et dans d'autres communes comme partie intégrante de l'histoire de cette région de Pologne : ils décrivent les relations entre Juifs et Polonais dans cette région avant la Seconde Guerre mondiale, la politique allemande d'exterrnination des Juifs et les actes antijuifs commis par la population polonaise locale pendant la guerre et jusqu'aux procès et enquêtes d'après-guerre dont ils

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victimes maintient une vision faussée de l'événement. L'inscription sur la plaque n'identifie pas les auteurs, nï même la date du crime avec précision. Le texte indique seulement qu' « en août 1941, les fascistes ont assassiné ici 800 personnes de nationalité juive, et 500 d'entre elles ont été brûlées vives dans une grange. Paix à leur mémoire. »

font l'analyse. Le second volume (« Documents ») contient 440 documents issus des Archives d'État de Pologne, d'Allemagne, de Bélarus et d'Israël. On trouve dans ces documents des rapports du NKVD sur la situation à Jedwabne et dans ses environs, des témoignages de Polonais déportés par l'Union soviétique pendant la guerre, des rapports des services de renseignement de l'armée clandestine AK et de la Délégation du gouvernement polonais en exil, aussi bien que des rapports des Unités de police et militaires allemandes, des témoignages de Juifs qui ont survécu aux massacres en masse (principalement traduit du yiddish) et les dossiers sur les enquêtes et les procès concernant les crimes commis à Jedwabne et à Radzilow.

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