Le fantastique contemporain est un genre littéraire en perpétuel mouvement. Au XX
esiècle, qui est considéré comme « l’âge des métamorphoses »
1du fantastique, il a tellement évolué au niveau thématique et formel que, pour le distinguer du fantastique du XIX
esiècle, plusieurs théoriciens ont commencé à utiliser le terme « nouveau fantastique » ou bien le « néofantastique »
2.
Parmi les écrivains qui ont considérablement contribué à son évolution il y a Anne Duguël – une écrivaine
3belge.
1
A. Komandera : Le conte insolite français au XX
esiècle. Katowice, Wydawnictwo Uniwersytetu Śląskiego, 2010, p. 50.
2
Parmi ces théoriciens se trouvent, entre autres, Jean-Baptiste Baronian (Cf. J.-B. Baronian : Un nouveau fantastique. Lausanne, L’Âge d’Homme, 1977), Jacques Finné (Cf. J. Finné : La littérature fan- tastique. Essai sur l’organisation surnaturelle. Bruxelles, Université de Bruxelles, 1980), Lise Morin (Cf. L. Morin : La nouvelle fantastique québécoise de 1960 à 1985. Entre le hasard et la fatalité. Québec, Nuit Blanche, 1996), Jacques Goimard (Cf. J. Goimard : Critique du fantas- tique et de l’insolite. Paris, Agora Pocket, 2003), Nathalie Prince (Cf.
N. Prince : Le fantastique. Paris, Armand Colin, 2008) et Katarzyna Gadomska (Cf. K. Gadomska : La prose néofantastique d’expression française aux XX
eet XXI
esiècles. Katowice, Wydawnictwo Uniwer- sytetu Śląskiego, 2012). Nous en reparlerons dans la première par- tie du présent travail.
3
Compte tenu de la thématique féminine de cette étude, nous
avons décidé d’utiliser, en parlant de la femme, la forme féminine
de certains mots, à savoir : l’écrivaine, l’auteure et la protagoniste.
Son œuvre représente sans doute l’une des facettes les plus intéres- santes et les plus originales du néofantastique.
Anne Duguël est le pseudonyme d’Anne Liger-Belair (1945–2015), écrivaine belge contemporaine. Elle est l’auteure de livres pour adultes et pour la jeunesse qu’elle publie sous le pseudonyme de Gudule. Elle a commencé à écrire dans les années quatre-vingts du XX
esiècle et, en tant qu’écrivaine du fantastique, elle s’est fait vite ap- précier par la critique littéraire. Il est à souligner que Duguël a reçu plusieurs prix prestigieux du domaine de la littérature fantastique parmi lesquels il faut mentionner : le prix Gérardmer-Fantastica, le prix Ozone, le prix Masterton et en 2016 le Masterton d’honneur pour l’ensemble de sa carrière
4.
Toutefois, jusqu’alors aucun ouvrage critique à caractère monogra- phique portant sur l’œuvre de cette écrivaine reconnue n’a été écrit.
C’est la raison pour laquelle la présente étude essaie de présenter et de caractériser la spécificité et l’originalité de la prose néofantastique duguëlienne, qui s’accomplit, selon nous, surtout dans sa féminité.
L’objectif de notre travail consiste donc à tenter de vérifier si Duguël n’introduit pas une nouvelle catégorie de néofantastique qui pourrait être désigné comme le néofantastique féminin. Étant limitée par le cadre de notre étude et le fait qu’Anne Duguël est une écrivaine prolifique, nous ne pouvons ni présenter l’œuvre complète de l’au- teure ni l’analyser d’une manière exhaustive. C’est pourquoi, nous nous sommes concentrée sur ses textes les plus représentatifs qui illustrent le mieux la féminité de son œuvre. Nous sommes toutefois consciente que le choix des textes analysés est tout à fait arbitraire et qu’il est possible de proposer une autre solution.
Soulignons que notre étude se caractérise par un certain éclectisme méthodologique. Ce syncrétisme théorique nous semble pertinent, car il permet de mieux présenter la complexité du néofantastique du- guëlien. Nous nous servons donc non seulement des études critiques du genre néofantastique
5(nous nous référons en particulier à des
4
Le portrait et l’œuvre d’Anne Duguël sont présentés d’une manière plus dé- taillée dans le chapitre 1.
5
Étant donné que les études critiques consacrées au néofantastique sont peu
nombreuses, nous citons certaines études plus fréquemment que les autres,
théoriciens du genre en question tels que : Roger Caillois, Katarzyna Gadomska, Denis Labbé, Joël Malrieu, Gilbert Millet, Nathalie Prince, Anne Richter, Tzvetan Todorov, Valérie Tritter ou bien Louis Vax), mais aussi des études mainstream, par exemple dans les do- maines : de la critique littéraire féministe (Élisabeth Badinter, Simone de Beauvoir, Judith Butler, Hélène Cixous, Béatrice Didier, Shulamith Firestone, Krystyna Kłosińska), de la réception de l’œuvre littéraire (Wolfgang Iser, Vincent Jouve) et de la poétique de l’œuvre littéraire (Gérard Genette, Algirdas Greimas, Philippe Hamon).
Pour analyser l’aspect féminin de l’œuvre néofantastique du- guëlienne sous différentes perspectives, nous divisons notre étude en trois parties.
La première a un caractère introductif au néofantastique d’Anne Duguël. Pour montrer à quel point il est difficile de définir ce genre littéraire, nous y présentons et analysons, entre autres, les définitions classiques du fantastique de Pierre-Georges Castex, Louis Vax, Roger Caillois et Tzvetan Todorov ainsi que les définitions contemporaines de Gilbert Millet, Denis Labbé, Joël Malrieu et Nathalie Prince. Nous nous penchons aussi sur les différences entre le fantastique classique et le néofantastique, et nous caractérisons des genres voisins du fantastique, comme la science-fiction, la féerie, le merveilleux, la fantasy, le récit policier, ce qui nous permet de montrer la complexité du (néo)fantastique
6. Ces réflexions théoriques consacrées au fantas- tique nous semblent essentielles pour l’analyse de l’appartenance de l’œuvre duguëlienne au néofantastique.
Dans la même partie, nous présentons également les portraits des plus grandes écrivaines françaises et belges du fantastique du XX
esiècle, à savoir : Marianne Andrau, Yvonne Escoula, Pierrette Fleutiaux, Marie-Thérèse Bodart, Jacqueline Harpman, Monique comme par exemple les ouvrages de G. Millet et D. Labbé (Cf. G. Millet, D. Labbé : Les mots du merveilleux et du fantastique. Paris, Belin, 2003 ; G. Millet, D. Labbé : Le fantastique. Paris, Belin, 2005), N. Prince (Cf. N. Prince : Le fantas- tique…) ou bien K. Gadomska (Cf. K. Gadomska : La prose néofantastique d’expres- sion française aux XX
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esiècles…).
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