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Karol Wojtyła, théologien éminent, contemporain, polonais

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Stanisław Olejnik

Karol Wojtyła, théologien éminent,

contemporain, polonais

Collectanea Theologica 50/Fasciculus specialis, 11-33

1980

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C o lle c ta n e a T h e o lo g ic a 50 (1980) fasc. s p e c ia lis

S T A N IS Ł A W OLEJNIK, W A R S Z A W A

KAROL WOJTYŁA, THÉOLOGIEN ÉMINENT, CONTEMPORAIN, POLONAIS

En autom ne 1974 se tenait à Rome le Synode des Evêques, le plus im portant conseil du pape; il réunissait les représen tan ts de toutes les conférences episcopales du monde. Les débats avaient pour objet les affaires essentielles de l'Eglise, à savoir l'évangéli- sation du m onde contem porain. On p eu t dire sans ex ag érer que le rôle le plus im portant était reven u au cardinal polonais Karol W oj­ tyła, déjà reconnu comme le plus grand théologien du Collège Cardinalice e t du groupe des m em bres du Synode des Evêques. Car c’est à lui que fut confié le rôle difficile de p rép arer et de p résenter au synode le rap p o rt théologique qui devait introduire dans l'ob­ jet des travaux, c.à.d. le rap po rt qui devait servir de base à la discussion des trav au x du synode dans sa deuxièm e partie, partie théologique. Le cardinal-théologien s'acquitta de sa tâche d'une m anière parfaite.

Son rap p o rt e st assez étendu, e t su rto u t universel dans la m a­ nière dont il présente les affaires de l'évangélisation du monde. Il s’y tro u v e un contenu im portant de théologie contem poraine. A la base de cet exposé synthétique se trouve l'ecclésiologie, et surtout la m ission de l'Eglise de prêch er l'Evangile au m onde et de lui p orter la rédem ption du Christ. L'ordre du C hrist qui donne à la mission de l'Eglise la portée universelle et aussi à l’échelle des temps, est le point d e dép art de la réflexion, non seulem ent p u re ­ ment théorique, mais dirigée v ers l'action. Dans cette mission, à côté de l'annonce de l’Evangile, se tro u v e le baptêm e et les autres sa­ cram ents avec l'Eucharistie au centre. Ce qui est le but de l’évan- gélisation, to u jo u rs e t partout, c'est la foi, indispensable au salut. Le rôle responsable du cardinal polonais ne s'est pas lim ité au rap ­ port. Un acte p eu t-être moins im portant, mais sous un certain

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aspect nullem ent plus facile, était la récapitulation de la discussion plénière. Q uand on lit ce tex te à la lum ière des réponses très di­ verses d es m em bres participant à la discussion plénière du synode, on est saisi d'adm iration pour l'esp rit de synthèse du cardinal, pour sa singulière capacité d'éco u ter attentivem ent les interventions et de saisir ce qui unissait e t ce qui distinguait ces représen tan ts de toutes les Eglises locales oui m enaient un dialogue de pensée com­ pétente, p én étran te et profondém ent engagée. On y rem arque, dans sa m eilleure édition, ce que nous avions le bonheur d'observer tant de fois pendant les réunions en Pologne, plus ou moins officielles, qu’il présidait e t dont il tirait les conclusions. Ici il a réussi à ra ­ m asser en h u it points le contenu essentiel des déclarations tout en signalant le facteur du pluralism e, de la diversité des déclara­ tions. Et ces points, dans leur titre et leu r développem ent, ont l'aspect de la conjonction de deux p arties qui se com plètent et qui parfois font contraste.

La m éthode appliquée par le cardinal W o jty ła dans cette réca­ pitulation de la discussion peut être aussi utile dans ce cas. Essay­ ons donc de p o rter notre regard sur lui et sur sa réflexion théolo­ gique e n nous serv an t de la conjonction de quelques qualités oppo­ sées en apparence, en réalité com plém entaires. C ette m anière de caractériser non seulem ent intéressera, m ais perm ettra de m ieux m ettre en évidence la richesse et la profondeur de l'oeuvre d'un grand théologien, e t aujourd'hui plus que théologien parce que v i­ caire de Jésus-C hrist.

L'oeuvre de K arol W ojty ła est im portante; elle compte quelaue 400 écrits imprimés. La plus grande p artie en a le caractère théolo- qique, parce qu'elle est une réflexion, conduite plus ou moins m é­ thodiquem ent, sur le contenu de la foi et à p artir de la foi. Il est tentant, mais nullem ent facile, d'esquisser son caractère, de faire le com pte de ses réalisations, de m o ntrer les principaux courants et surtout d ’en rech erch er les sources et les inspirations. Pour celui qui écrit la tâche est peut-être plus facile, car il suit avec intérêt cette oeuvre depuis ses débuts.

Le hasard a voulu que, lorsqu'en 1950 l'abbé Karol W ojtyła con­ fia aux ,.C ollectanea Theologica" son article sur les problèm es de la foi dans les ouvrages de saint Jean de la Croix, je commençais à y trav ailler en tant que secrétaire de la rédaction. Je me rappelle les oppositions qu'il fallait vaincre pour publier cet exposé qui dépassait les dim ensions im posées à ce genre de périodique et sur un thèm e aussi spécialisé. C 'est alors q u ’en tre nous se sont créés ces liens de cam araderie qui, avec le temps, se sont transform ées en liens d'am itié approfondis par la com m unauté de vocation e t les préoccupations scientifiques. Ces dizaines d'années de relations étroites avec K arol W ojtyła, avec sa pensée et sa production thé- ologiquess m e faciliteront la présen tatio n des qualités essentielles

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de ses publications théologiques. Je désire faire davantage e t p ré­ senter le théologien lui-même, Karol W ojtyła.

1. Philosophe et cependant théologien

C 'est un fait connu que dans la personne de Karol W ojtyła nous avons un rem arquable philosophe contem porain. De nom breux traités: M iłość i odpowiedzialność (L'amour et la responsabilité)1 et

Osoba i czyn (La personne e t l'acte)2 le m ontrent sous cet aspect.

Dans le prem ier il apparaît en philosophe de la m orale ou de l'éth i­ que, dans le second en rep résentan t de l'anthropologie (philosophie de l'homme). Il n 'est pas dans mon intention de le présen ter dans le rôle du philosophe. Me référan t à ses oeuvres je voudrais sou­ ligner qu'il e s t devenu quelqu'un de plus qu'un philosophe. Il a passé n ettem en t et résolum ent la b arriè re de la pensée philoso­ phique par la référence à la Révélation, en puisant aux sources de la v érité com m uniquée d'en haut. Il a enrichi de l’intuition de la foi la curiosité intense de l'esp rit essay an t de parvenir aux ultimes raisons des choses e t de l'homme, au plus profond sens de la vie hum aine et au C réateur de l'homme.

D 'ailleurs, il me semble qu'il en était ainsi dès le com m ence­ ment. Ce qui en a décidé, c'est dans une certaine m esure sa for­ m ation intellectuelle et spirituelle au sém inaire e t d urant ses étu ­ des universitaires. Mais peu t-être cela venait davantage du fond de son âme qui ne se satisfaisait pas de la philosophie, même la plus profonde. Dés le début il a passé le seuil de la philosophie dans sa réflexion sur Dieu, quand il L'a nommé ,,Père" et sur l'homme, quand il a com mencé à le nomm er son „prochain".

Il est v rai que dans la prem ière période de son activité de p ro ­ fesseur et d'écrivain Karol W ojtyła était avant to u t philosophe. M ais la philosophie ne limite pas le cadre de sa pensée et de sa production. Q uand il fait le cycle de cours plus populaires à C ra­ covie, il passe parfois les limites de la philosophie. Ce qui trouve son ex pression dans ses ouvrages de spécialiste en tan t que p ro ­ fesseur de l'U niversité C atholique de Lublin (KUL). Il y a une p re u ­ ve irréfutable. Dans les ouvrages de K arol W ojtyła s'entrem êlent, s'en trelacen t et se com plètent deux courants philosophiques, le th o ­ misme et la phénom énologie. La confrontation de la pensée th o­ miste avec la phénom énologie, il la réalise au plus h au t niveau dans le cercle de l’oeuvre de M ax Scheler dont il fait l'o b jet d'une analyse critiq u e3. Or, même ces recherches analytico-critiques sont

1 Cf. K. W o j t y ł a , M i ł o ś ć i o d p o w i e d z i a l n o ś ć . S tu d iu m e t y c z n e (L'amour et la res p o n s a b ilité . E tud e éth iq u e), Lublin 1959 (éd. II: K rak ów 1962).

2 Cf. К. W o j t y ł a , O s o b a i c z y n (La p e r s o n n e et 1’a cte), K ra k ó w 1969. s C f. К. W o j t y ł a , O c e n a m o ż l i w o ś c i z b u d o w a n i a e t y k i c h r z e ś c i j a ń s k i e j

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-nettem ent orientées vers la théologie. En effet, le but essentiel qui le guidait quand il p ortait son attention sur Scheler et par lui sur la phénom énologie é ta it l'exam en pour savoir si et dans quelle m e­ sure éventuellem ent la pensée de Scheler pouvait s’avérer utile à la théologie, c.à.d. propre à exprim er le contenu de la m orale chrétienne. Le résu ltat de l'analyse a conduit le chercheur à une conclusion en principe négative, bien que non entièrem ent n ég a­ tive. D ém ontrant les faiblesses les plus im portantes de l’éthique de Scheler, W ojtyła garde la pleine com préhension, et même de l'e sti­ me pour la m éthode phénom énologique. Il y aura toujours recours, on p ourra l'o bserv er dans ses ouvrages p o stérieu rs les plus no­ toires. M ais ce n ’est pas le sujet de n otre étude.Il convient seule­ ment de signaler le courant de la pensée théologique du professeur de l’éthique au KUL, ce courant qui perce déjà dès les débuts, e n ­ core que ce soit d ’une m anière peu visible. Ce courant devait s'élar­ gir et s'approfondir quand le professeur W o jty ła devint évêque et encore devantage d urant le concile e t sous son inspiration.

2. L'analyste avec les dons de synthèse

Tous ceux qui essaient de se fam iliariser avec les ouvrages du professeur, puis de l'évêque e t du cardinal W ojtyła sont frappés avant tout par son travail d ’analyste. Il est un analyste rem arquable, vraim ent incom parable; curieux dans l'investigation des n u an ­ ces des notions sém antiques, ingénieux à découvrir les aspects de la vérité, perspicace à poser les questions qui font avancer les p ro ­ blèmes. Il sait poser le problèm e et développer le détail de la p ro ­ blém atique qu'il traite avec une attention m inutieuse. Il p énètre le fond de la vérité, il éclaire l’aspect de l'affaire dans les successions sinueuses d'analyses subtiles. Ses exposés constituent une riche mosaïque d ’exam ens avec une pensée singulièrem ent nuancée.

C ette caractéristique ne s’applique pas uniquem ent à ses o uv ra­ ges philosophiques où il est m oraliste e t philosopho-anthropologue, mais aussi à ses trav au x de théologie. On p o u rrait le prouver par de nom breux exem ples, mais les dim ensions de cet exposé limi­ tant cette possibilité, nous nous en contenterons de deux. Prenons d ’abord le contenu de l'ouvrage Integralny rozw ój i eschatologia (Le développem ent intégral e t l'eschatologie)4. Le problèm e qui y est posé concerne l’anthropologie et e st d'ailleurs situé dans le cadre du thèm e anthropologique de tous les articles qu ’il contient. Chez W ojtyła cependant c'est une anthropologie théologique dans son orientation eschatologique. P artan t de l'an aly se d ’un tex te con­ struire u n e éthique- c h r étien n e sur le s p o s tu la ts du s y s tè m e de M ax S ch eler), Lu­ b lin 1959.

4 Cf. C o llo q u iu m S alu tis. W r o c ła w s k ie Stu d ia T e o lo g ic z n e , n ° 7, W r o c ła w 1975, p. 133— 145.

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ciliaire (Gaudium et spes, 22), il passe au plan de la christologie et exam ine ,,le fait de Jésus-C hrist" dans lequel il recherche la solu­ tion du problèm e de l'homme. Ensuite il esquisse la vision p erson­ naliste de la m ort élaborée par la philosophie contem poraine de l'homme, mais enrichie et dépassée par la v érité chrétienne. La v é ­ rité sur „l’accom plissem ent ultime de l'hom m e" est liée à la v érité du Royaum e de Dieu. Dans son analyse l'A uteur tien t com pte de la relation de la n atu re et de la grâce; q uan t à l’oeuvre de la cré­ ation, il la lie à l'économ ie de la rédem ption. Le développem ent intégral de l'hom m e est enraciné dans le m ystère pascal. A la fin de ses analyses il parv ien t à lier deux courants apparem m ent di­ vergents. Suivant la pensée du concile (Gaudium et spes, 39) „il unit le développem ent à l'eschatologie de l'hom me dans l'Eglise et dans le m onde"5.

Comme deuxièm e exem ple illustrant la m anière de conduire l'analyse théologique nous pouvons p ren d re son livre U podstaw

od now y (A la base du renouveau)6. On a rappelé que le concile

a été une im portante source d'inspiration dans les ouvrages de th é­ ologie de l'arch ev êq ue de Cracovie. Cela vaut la peine d 'ajo u ter que le concile est devenu, dans ses docum ents, l'ob jet de sa ré ­ flexion théologique et avant tout l'o bjet de recherches analytiques nom breuses e t profondes. Dans le livre cité nous avons précisém ent une analyse de ce type. En fait il est tou t en tier un recueil d 'a n a ­ lyses de tex tes conciliaires, enrichis de la réflexion concernant la réalisation du concile.

Ce serait cependant une inadvertance que de saisir la pensée théologique du cardinal Karol sur le plan uniquem ent analytique et de le m ontrer uniquem ent comme un m aître incom parable de l'analyse. Il y av ait des savants par ailleurs rem arquables à qui m anquait „l’esp rit de synthèse". N ous en connaissons et nous re­ grettons qu'ils ne réussissent pas à lier en des systèm es ferm es des recherches par ailleurs rem arquables, alors que les résultats de leurs analyses parfois profondes s'éparpillent en désordre. Il en est autrem en t avec W ojtyła. Il est v rai qu'il ne craint pas de guider sa pensée dans les broussailles des problèm es, dans les m éandres et les ram ifications des sens e t des significations, des aspects et des références, mais il ne la perd jamais. Au contraire, on voit bien qu'il sait la d iriger v ers un but précis. Il sait parfaitem ent unir tout en un to u t in térieurem en t organisé.

A utrefois, il y a très longtemps, en 1963, j'ai essayé dans une longue recension de son livre M iłość i odpowiedzialność (L'amour e t la responsabilité), à l'occasion de la parution de la deuxièm e

5 Cf. ib id ., p. 142.

6 Cf. K. W o j t y ł a , U p o d s t a w o d n o w y . S fu dium o re a l iz a c j i V a t i c a n u m II (A la b a se du r e n o u v e a u . E tud e sur la réa lisa tio n d e V a tic a n II), K ra k ó w 1972.

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ΤΊ

sidérer comme un traité scientifique, mais comme une étude de travail. C ependant c'est une réflexion qui p o rte loin et concerne la réalisation du concile en Pologne. C ette réflexion n 'est pas une re ­

cherche de m oyens concrets et pratiques, ni un exam en de l'o rg a­ nisation ou de la technique de l'action p our réaliser les décisions conciliaires. En effet, il ne s'agissait pas pour l'A u teu r de savoir comment d ev ait être réalisé le concile, m ais ce que signifiait réali­ ser le concile et ce qu'il fallait en principe réaliser. Dans l'o u v ra­ ge nous trouvons l'analy se des textes conciliaires concernant le renouveau de l'Eglise. L’A uteur rem onte aux fondem ents mêmes de ce renouveau, c.à.d. aux intentions les plus profondes du con­ cile, m ontrant les directions de la réflexion des pères conciliaires et les résu ltats de celle-ci.

Est caractéristiqu e ce déplacem ent de l'accen t de la question „com ment" à la question „quoi", et avec cela l'approfondissem ent de la réflexion parle le fait de rem onter aux sources m êm es de la pensée de l'Eglise analysée et de la réflexion que l’A uteur traite „d'étude de trav ail". Ce déplacem ent caractérise l’im portance de la réflexion pastorale elle-m êm e et la personnalité de l'A uteur, pasteur de l’Eglise diocésaine, différente de la disposition pratique générale des pasteu rs qui souvent ne voient ni la nécessité ni le sens de l'approfondissem ent de la réflexion au niveau théologique quand il s'agit de leur fonction pastorale.

4. Le penseur et le connaisseur

La récollection dirigée en 1976 au V atican par le cardinal W o j­ tyła e n présence du pape Paul VI et de ses collaborateurs est une expression rem arquable de la réflexion découlant de la foi m é­ thodiquem ent approfondie, c.à.d. de la théologie. Dès qu'elle fut term inée on l'a jugée comme une série de réflexions ,,à un très haut niveau théologique”. C ette recollection a été publiée chez nous9; on a donc la possibilité de s'assu rer que l'appréciation n'en- a pas été exagérée.

La préface e n a été écrite par le cardinal W yszyński. Il esquisse les valeu rs d'âm e de l'ém inent conférencier qui lui ont perm is de rem plir d 'une m anière rem arquable la m ission confiée par Paul VI. Il parle aussi de la foi du cardinal K arol qui ,,a m anifesté son a r­ deur apostolique"10. C 'est ,,une foi vive, rendue subtile p ar ses études personnelles, p ar ses réflexions e t par sa prière, libre de toute dialectique p rofessorale"11. Par ces dernières paroles le

pri-9 Cf. K. W o j t y ł a , Znak, k t ó r e m u s p r z e c i w i a ć s i ę b ę d ą (Le s ig n e a u q u e l ils s'o p p o sero n t). R e k o l e k c j e w W a t y k a n i e . R z y m — W a t y k a n S to lic a A p o s t o l s k a

5— 12. III. 1976, P o zn a ń -W a rsz a w a 1976.

10 Ibid., p. 5. “ Ibid.

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édition, de m o ntrer la valeu r analytique de l'ouvrage. J'av ais alors écrit: „Le livre tout en tier est un recueil d'analyses subtiles, une riche m osaïque d'études, à la pensée parfois très nuancée. Les lie et les assem ble une seule idée qu'on peut appeler idée ou principe du personnalism e. D'une position définie avec précision l'A uteur exam ine toutes les affaires abordées dans son étude: de la position de l’ê tre et de la dignité de la personne hum aine"7. Sans doute, le livre dont il e st question dans cette recension ne se trouve pas dans le courant de l’acquis théologique de Karol W ojtyła, m ais la m anière de conduire la pensée qui s'y m anifeste et la science de la synthèse d e ses résultats tro u v en t leur application égalem ent dans ce courant.

3. Le pasteur et le théologien

Non seulem ent en philosophie, mais égalem ent dans le do­ maine de la théologie Karol W o jtyła savait recourir et recourait volontiers aux problèm es fondam entaux, et donc intem porels. Il écrivait avec goût e t connaissance sur les thèm es qui touchaient aux fondem ents objectifs e t m éthodiques de la théologie, surtout dans sa fonction norm ative. C 'est donc un théoricien et de valeu r supérieure.

C ependant il n'a jam ais été un théoricien enferm é dans la sphè­ re de l’abstraction, détaché de la vie. En théologie m orale il a sans doute écrit sur les thèm es fondam entaux quant à son objet, m ais la théologie m orale elle-même, e t donc sa réflexion en ce domaine, est nettem ent orientée vers la vie et possède un caractère norma- tivo-pratique. Agenda, ce qu'il faut faire, voilà l'o b jet spécifique de la théologie m orale et la raison de son existence comme discipline théologique distincte. C 'est à quoi s'em ployait et c'est cette th éo ­ logie que faisait l'abbé W ojtyła, futur évêque et cardinal. Mais quand il fut devenu évêque, en raison de ses obligations pastorales spécifiques, il élarg it le champ de ses préoccupations scientifiques et l'o b jet de ses publications au dom aine de la théologie pastorale.

Le concile V atican II développe et approfondit le courant p a­ storal de ses ouvrages. Les thèm es des trav au x conciliaires év eil­ laient sa réflexion théologique. Et puisque V atican II avait un ca­ ractère nettem en t pastoral, ce qui e st visible non seulem ent dans la constitution sur l’Eglise dans le m onde contem porain, m ais aussi dans tous les autres docum ents conciliaires, c'est ce caractère que possèdent les écrits de l’évêque, puis du cardinal W ojtyła.

Son livre U podstaw odnow y (A la base du renouveau)8 est une expression rep résen tativ e de ce courant théologico-pastoral de ses ouvrages. Dans l'introduction l'A u teu r dit qu'il ne faut pas le con­

7 A te n e u m K a p ła ń sk ie 66 (1963) p. 86.

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mat a caractérisé non seulem ent la foi d u conférencier, mais éga- lemment sa théologie dans ses traits essentiels, c.à.d. la réflexion sur la foi et son facteur nécessaire. La rem arquable réflexion th é ­ ologique du cardinal W ojtyła est libre de ,,la dialectique professo­ rale", découle de ses études profondes et de ses réflexions p er­ sonnelles.

N ous ne trouvons pas dans les ouvrages de Karol W ojtyła trop de facteurs érudits. Souvent même il n 'en tien t nullem ent compte, comme on peut s'en rendre compte d ’après les références à la lit­ térature de la question. Il voulait ê tre pen seu r et non pas érudit. Cela ne veut pas dire qu'il ne tienne aucun compte de la pensée d ’autrui, qu'il n 'en ait pas tiré profit e t qu'il ne l'ait pas citée. Il im porte de rem arquer que même dans le livre qui contient la r é ­ collection au V atican, nous rencontrons souvent des renvois aux sources ou affiliations de la réflexion qui s'y déroule.

Ses ouvrages théologiques se caractérisen t par l'absence de „dialectique professorale" p eu t-être d avan tag e encore pour la ra i­ son que nous n 'y rencontrons pas de passion polém ique. N ous sa­ vons qu'en général les savants p rou ven t la v érité de leurs thèses et l'originalité de leurs positions p ar la polémique, par le rejet des opinions des au tres savants, opinions, cela arrive, „coupées en deux" e t parfois caricaturées. Ils le font souvent dialectiquem ent, faisant la synthèse de positions extrêm es qui leur sont opposées. La passion polémique, à côté de la soif de l'originalité anime, comme toute passion, l'apatheia stoïque des gens de la science, obscurcissant — ce n 'est pas rare — la clarté des résultats de leurs recherches scientifiques. De cette passion Karol W ojtyła e st libre. Dans ses recherches sur la v érité il doit parfois p rendre une posi­ tion d'appréciation et de critique; mais nous ne trouvons pas de discussions polém iques dans ses ouvrages.

Bien qu'il ne fût pas un éru d it théologique, il connaissait ce qui se passait dans la théologie actuelle. Il a fait de sérieuses études d é théologie dans sa jeunesse de prêtre; ensu ite il a toujours é tu ­ dié, approfondissant plus d'un problèm e depuis la base, surtout les difficultés et les controverses qui surgissaient. Il p ren ait en main beaucoup de publications, il en lisait quelques-unes, bien choisies. Il lisait beaucoup, étonnam ent beaucoup. Et pour avoir le temps de lire — la plum e à la m ain pour p ren d re des notes — il devait souvent organiser son temps, surto u t quand s'accum ulaient les obli­ gations e t les occupations extérieures, d ’abord de l'évêque, ensuite de l'adm in istrateu r du diocèse e t enfin de l ’homme d 'état de l’Egli­ se universelle.

On est étonné de son exceptionnelle diligence à tirer parti de son tem ps et sa singulière ingéniosité à se le m énager pour la lec­ ture. Il ne gaspillait pas son temps, il savait utiliser des mom ents que beaucoup de personnes, su rto ut très occupées, considèrent

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comme perdus. Il n 'y a pas si longtemps, la cardinal Karol reven ait de Zakopane (je lui tenais com pagnie dans sa voiture). Je n'ai pas été étonné — car je connaissais bien son habitude — de le voir, au bout d ’un q u art d'heure de conversation, déplier un pupi­ tre ingénieusem ent installé dans sa voiture, allum er une-lam pe sur pied et se plonger dans la lecture. Plongé dans sa lecture il sem blait indifférent à la difficulté de la route, désagréable e t én erv an te par suite d'un épais brouillard.

Il a un don exceptionnel de concentration quand il lit, même dans des conditions extérieu res défavorables. Il sait par ailleurs passer facilem ent des occupations ex térieu res, dont il ne se d ispen ­ sait pas comme archevêque de C racovie e t qu'il abordait toujours volontiers, à la lectu re sérieuse, à l'étud e attentive.

Il n 'est pas de mon devoir de caractériser ici n o tre pape actuel ni de faire le bilan des charism es dont Dieu l'a doté. M ais en liaison avec sa vocation théologique il im porte de souligner encore le don rare qu'il possède de la double attention. Beaucoup de personnes ont eu l'occasion de le constater de près. C ette qualité de la pensée que le cardinal av ait rem arquée en soi et sav ait exp lo iter lui p e r­ m ettait de p articiper pleinem ent à de difficiles trav au x de groupe et en même tem ps de poursuivre sa réflexion sur d'au tres sujets, avec la lectu re d ’un livre difficile inclusivem ent. Pendant de la­ borieuses sessions de „commissions" ou de „conseils" dirigées p ar l'ancien m étropolite de C racovie qui suivait sérieusem ent leur d é ­ roulem ent, on pouvait facilem ent co nstater avec quelle diligence il em ployait ce m êm e tem ps à faire une lectu re nullem ent facile.

5. Le maître sachant écouter

W o jty ła é ta it un connaisseur de la théologie, bien qu'il n 'eû t pas l'am bition d 'ê tre „sur le cham p" au co urant de toutes ses affai­ res. Ce qui l’intéressait le plus, c’étaien t ses problèm es fondam en­ taux et les tra its essentiels des recherches. Il s'attaq u ait avec une com pétence et une ard eu r singulières, on le sait, aux problèm es de théologie m orale et il ne laissait personne le dev an cer dans ce domaine. Il connaissait la nouvelle théologie d'après les publica­ tions et plus d 'u n e fois il étonnait p a r l'in té rê t qu'il m anifestait pour les problèm es théologiques sujets de discussion. C ependant il ne s'engageait pas lui-même dans les querelles et les discussions, adoptant une attitu d e d istante à l'ég ard des positions qui se d es­ sinaient. Je pense que c'était de sa p art le signe d'un grand respect pour les p en seurs e t pour le grand effort de connaissance dont le fruit é ta it le pluralism e d'attitu de e t d'opinions.

Karol W o jtyła connaissait la théologie contem poraine, parce qu'il lisait énorm ém ent. La W ti

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passion de sa vie, mais non la seule. Le désir du contact personnel, de la rencontre des personnes, de la discussion... e t du fait d'écou- ter était tou t aussi grand, et p eu t-ê tre même plus grand. Le m é­ tropolite de C racovie était tout le tem ps en contact avec la th éo ­ logie polonaise par le contact v iv an t avec ceux qui la rep résen ­ taient. Il les ren co n trait souvent à diverses occasions, plus ou moins officielles.

Il serait d'un grand in térêt d 'an aly se r plus à fond ses m érites dans le développem ent de la théologie dans la Pologne d'après- -guerre. Mais cela élargirait sérieusem ent le cadre de cet exposé sans liaison d irecte avec l'obligation de le m ontrer comme théolo­ gien. Il faut donc nous contenter de la constatation générale qu'il était un mécène, un organisateu r et un prom oteur de la théologie polonaise; il a contribué à un degré ém inent à en relev er le n iveau après l'anéantissem ent causée par la guerre. Il pouvait le faire notam m ent p arce que, étan t évêque, puis cardinal, il se sentait égalem ent théologien e t avait des contacts vivants avec tous les centres de la pensée théologique en Pologne. Il éprouvait et ép ro u ­ ve encore to u t ce q u 'ép ro u v en t les m eilleurs d ’en tre eux. Et il éprouvait pour la raison qu'il écoutait, qu'il savait écouter. Il écoutait avec attention, avec patience e t en m anifestant son in ­ térêt; il encourageait à p arler avec sincérité et courage; il n 'a ja ­ mais découragé personne; il ne savait pas pérorer, il interv en ait rarem ent et avec délicatesse quand l'exposé dépassait considéra­ blem ent le tem ps im parti. Il p ren ait une p art active aux discus­ sions, parfois très spécialisées, sans écra ser les discutants de son au to rité et de ses déclarations.

On p o u rrait apporter beaucoup de p reuves qu'il était un m aître sachant écouter. N ous nous contenterons ici de quelques faits d'im portance dans la vie théologique en Pologne. Il s'agit en p a r­ ticulier de l'organisation, tous les 5 ans, du Congrès des théologiens polonais. Les deux d ern iers fu rent prép arés sous le p atro n at — si ce n 'é ta it qu'un patronat! — sous l'oeil vigilant, avec la colla­ boration personnelle très en g ag é e du cardinal W ojtyła qui était alors présid en t de la Commission Episcopale pour les Etudes ch ré­ tiennes. Des centaines de personnes, principalem ent des profes­ seurs de centres théologiques de no tre pays v in ren t au symposium de trois jou rs de toutes les études ecclésiastiques; seul un petit nom bre d ’en tre eux, qui avait participé directem ent à sa p ré p a ra ­ tion savait la p a rt à l'élaboration du program m e qui était celle 'de l'organisateur. Celui qui écrit ces phrases, membre de la commis­ sion, a observé cette affaire et p o u rrait le prouver dans les d étàiih M ais nous avons un m eilleur exem ple qui illustre ce dont il s’agit.

En 1972 la section des m oralistes polonais av ait décidé de pré-

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soins, en présence de beaucoup d'invités, eirangei^^^^W H pW B · C’est sur moi, p résid en t de la section, que reposait l’essentiel du poids de la réalisation de cette décision. Le C ongrès eut lieu les 17— 19 IX 1974 à C racovie. Les actes de ce congrès furent publiés1* et on peut y tro u v er égalem ent la contribution du m étropolite de C racovie dans son discours inaugural où il parle des sujets des débats. Dans son discours d'introduction aux débats, le président de la section qui était en même tem ps l'o rg anisateu r du congrès a rappelé la contribution du cardinal W o jty ła dans la p réparation de cet im portant congrès. C 'est m aintenant l'occasion d ’en dévoiler quelque chose pour m ontrer com ment trav aillait ce grand théolo­ gien et m aître des théologiens polonais, av an t de devenir le m aître de tous les théologiens dans l'Eglise, et même du peuple de Dieu.

Le program m e final du congrès devait ê tre p réparé im m édia­ tem ent après Noël dans le foyer p resby téral de Zakopane. C 'est là que fut convoquée la commission p rép arato ire élargie, c.à.d. un groupe de plus d'une dizaine de personnes venues de to utes les régions de Pologne. Q uelques-uns ne v in ren t pas, en v o y an t ou non les raisons justifiant leur absence. A cette même époque vint à Za­ kopane le cardinal W o jtyła p asser quelques jours d'un repos m é­ rité e t nécessaire; il s'arrêta, comme toujours, non loin du foyer, chez les U rsulines de Jaszczurów ka. Je savais bien qu'il s'in tére s­ sait d irectem ent à la p rép aration du congrès; p ren an t mon courage à deux mains, je suis allé l’inviter à nous aider. Le m étropolite de C racovie vint e t participa aux deux journées de session intense. Il écoutait, p ren ait la parole, tira it les conclusions. Le program m e du congrès fut alors élaboré. Dans une telle situation il est difficile de s'éto n ner que le cardinal W o jty ła ait donné et ait pu donner une introduction rem arquable concernant les sujets à tra ite r àù congrès.

Son contact avec la théologie vivante, c.à.d. avec les théolo­ giens n 'éta it pas limité au te rrito ire polonais, mais s'étendail à l'étran g er. Il était connu des grands théologiens d'Europe e t or l'appréciait surto u t pour ses contacts cordiaux, et aussi pour l'in ­ té rêt qu'il m anifestait à les écouter. Depuis des années nous ren dent visite de nom breux théologiens. Presque toujours ils se ren dent à C racovie. Et là ils étaien t reçus p ar un rem arquable centr« d'études théologiques e t directem ent par son grand prom oteur. I p arlait avec eux, les recev ait chez lui, écoutait; or, il sait rem ar quablem ent écouter, comme p arler et discuter. Ces rencon tres de théologiens étran g ers avec le m étropolite de Cracovie dans sa ré

12 Cf. T e o l o g i a m o r a ln ą w o b l i c z u a k t u a l n e g o s t a n u e t o s u p o l s k i e g o (La thi o lo g ie m o r a le en fa c e d e l'éta t a c tu e l de l'eth o« p o lo n a is ). A k t a K o n g r e s u Teoli

g ó w M o r a l i s t ó w P o ls k ic h o d b y t e g o w K r a k o w i e 17— 19. IX. 1974, éla b . p;

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îaissau une im pression ineffaçable. J'ai eu plus d'une fois l’occasion de les en tendre parler, en Pologne e t à l’étranger, de ces rencontres; toutes les appréciations, presque sans ex cep­ tion, étaien t positives. Ils confirm aient égalem ent dans leurs écrits; les mots enthousiastes du professeur R. Coste, théologien m oraliste de Toulouse, que nous lisons dans son long rap p o rt sur sa visite

en Pologne en sont une confirm ation éclatan te. '

Karol W o jty ła ren co n trait volontiers les théologiens non seu le­ ment en Pologne, mais aussi en dehors de la Pologne. Les p rem iè­ res rencontres im portantes avaient eu lieu d u ran t ses études de spécialisation faites à l'étranger. Ensuite il y e u t le concile et les contacts très viv an ts avec les théologiens à Rome, su rto u t avec les ex p erts officiels et officieux, nom breux dans la Ville Eternelle.

6. Contemporain dans la ligne de la tradition

Bien que dans ses ouvrages théologiques le cardinal W o jty ła manie très bien l'abstraction, sa théologie n ’est pas abstraite au sens ordinaire de ce mot; elle n ’est pas coupée de la vie. Incon­ testablem ent il a le „sens m étaphysique", et une bonne „école" de la m étaphysique, m ais depuis des années déjà ce courant m éta­ physique n 'ap paraît guère; il est une couche plutôt dissim ulée de sa réflexion théologique. C 'est plutôt la couche des principes et elle ne constitue pas l'objet de ses recherches. Les principes m é­ taphysiques qu'il puisait dans saint Thom as d'A quin étaien t to u ­ jours à la base de sa pensée, jam ais contestés. Mais dès le début il visait plus loin et il était aidé en cela p ar un oeil sensibilisé à la réalité du m onde et de l'homme, e t égalem ent à une ex p é­ rience riche et large de la vie.

Thom as d'A quin, un des grands maîtr'es de ses études, l'a sen­ sibilisé à la nécessité des références m étaphysiques; s'est encore lui qui a aiguisé sa perception réaliste du monde et de la vie. M ais Il n’a pas réussi à l’enferm er dans le cercle de l'expérience mé- liévale qui lui était propre. Karol W o jty ła se réfère à l'expérience le l'hom me contem porain e t s’ouvre à la pensée des penseurs l'au jo urd ’hui. La pensée thom iste exclusivem ent essentialiste et ationnelle ne suffisait pas e t ne pouvait suffire à sa riche person- lalité de théologien; il devait la com pléter. Et il le fit d'une ma- ière rem arquable et de deux côtés: au m oyen de recherches sur i théologie m ystique et même en un sens en p én étran t dans son ourant, et par ses préoccupations de la phénom énologie e t du ersonnalism e. Il a fait l'expérience de la phénom énologie sur un onnaisseur, M. Scheler, m ais il l'av ait égalem ent plus près, dans ; centre de la pensée cracovienne', chez le professeur Ingarden, ont il faisait grand cas, non sans raison. Son in térêt pour la my- ique chrétienne a rencontré un objet de rech erch e rem arquable

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dans un grand m aître, Saint Jean de la Croix. M ais cet in térêt était né quelque p art dans les profondeurs de son âme contem plative et poétique.

La contem poranéité du cardinal W ojty ła ne consiste pas dans le dépassem ent du cadre thom iste, bien qu'il soit une condition incontestable de son o uv erture au monde contem porain de la vie et de la pensée. Déjà quand on le dit théologien on constate im­ plicitem ent qu'on peut le dire „contem porain”. En effet, c’est un trait essentiel de sa réflexion que de te n ir com pte des besoins de l'homme im planté dans une situation concrète de la vie contem ­ poraine et cela e n tre actuellem ent dans la définition de la théolo­ gie. M ais le degré de sensibilisation à la contem poranéité et la facilité de faire face à ses problèm es peut ê tre différente suivant les théologiens. En K arol W ojtyła elle se tro uv e à un degré im­ portant.

C 'est visible au prem ier coup d'oeil qu'on je tte sur la biblio­ graphie de ses ouvrages théologiques. Elle ne contient pas de m a­ tière vieille e t anachronique; W ojtyła aborde uniquem ent les th è ­ mes vivants, qui in téressen t les cercles de penseurs contem porains. Il ne s'agit d'ailleu rs pas uniquem ent de la thém atique, du choix des problèm es. La contem poranéité de W o jty ła se tro u v e dans la m anière d 'éclairer cette thém atique e t de résoudre les problèm es théologiques. L'argum entation dont il se sert n 'est pas seulem ent objectivem ent correcte; elle semble attein dre l’homme contem po­ rain, destin ataire de sa pensée. Les thèm es et les problèm es ont peut-être été suggérés par ses études, e t certainem ent par les d é ­ bats du concile dont il est débiteur, comme il lé rappelle dans l'in ­ troduction du livre U podstaw o dnow y (A la base du renouveau). Le fait qu'il touche l’homme ne peut venir de la seule lecture ou de la participation à des débats. C ette réussite pro v ien t d'une large et profonde connaissance du monde, de la com préhension et d ’une grande intuition de l'hom m e d ’au jo u rd ’hui.

Le désir et l'am bition p ar ailleurs légitim es d 'être ,,un théolo­ gien, un écrivain contem porain” peut devenir un cauchem ar pour un savant et un grand- danger pour sa production. Par suite des changem ents im portants et violents que nous constatons dans la réalité pluraliste des recherches scientifiques, l'effort de „saisir dans la foulée" ce qui se passe conduit à des conceptions fragm en­ taires, nullem ent approfondies e t même très superficielles. C 'est ce qui fait v iv re le journalism e et c’est, dans le m eilleur cas, la m atière de la publicité scientifique. Le désir d ’être au niveau de la contem poranéité com prise au sens de ce qui est proche par le temps pousse sur les chemins non battus e t em brouillés, sur la voie défoncée de la pensée. Il n'y a là ni repos ni distance. Or, cette poursuite des courants d'idées trop rapidem ent changeants peut égalem ent s'em parer du théologien. Il v eu t être „dans le

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vent"; il n'a pas le courage d'aller ,,contre le courant", il est sou­ cieux de conform er sa pensée ,,dans le courant" du „style actuel", pour ne pas dire de la „mode". Le cardinal W o jty ła était libre de cette préoccupation. Non seulem ent il n'écriv ait pas conform ém ent à la mode, m ais il ne s’intéressait nullem ent à la mode.

Parmi les nom breux savants étran g ers qui passent rapidem ent à l'A cadém ie de Théologie C atholique il y en a qui essaient de nous m o ntrer les courants nouveaux e t les plus nouveaux de la théologie de l'occident. L'un d 'en tre eux, un m oraliste allem and d’ailleurs ém inent, a essayé, dans une synthèse de deux heures, de nous faire l'esquisse du développem ent de la théologie m orale allem ande d 'ap rès-guerre. Il a classé les courants de pensée chan­ geants en une suite caractéristique de périodes de cinq ans. Nous avons e u la possibilité de suivre les m éandres de cette théologie qui passe pour une des principales du m onde e t de constater quelle vitesse il fallait développer pour pouvoir suivre le courant de la pensée théologique contem poraine.

Le professeur, et plus tard l'évêque W ojtyła, bien qu'il ait énorr m ém ent lu, pensait qu'il n 'éta it pas nécessaire de confronter sa pensée à la position des autres. Il n 'a jam ais eu de prédilection pour la fabrication des renvois .11 ne p ren ait pas de livre en main uniquem ent pour pouvoir le citer. Il avait beaucoup de livres, mais il opérait un choix pour les lire attentivem ent et toujours avec le sens critique. Le livre lui é tait un prétexte, p eu t-être un canevas pour sa réflexion indépendante et pour sa création p e r­ sonnelle et originale. Lui-même, dans une conversation privée, a un jour caractérisé le genre de son oeuvre: je ne suis pas un savant, je suis plutôt un penseur, je recherche non pas la connais­ sance, mais la sagesse. C ette réflexion, il Ta faite il y a longtemps, alors qu'il é tait professeur. Ensuite, à l'époque du concile, il est d evenu égalem ent un théologien savant. M ais il n 'a jam ais voulu être un savant-érudit. Il e st resté un penseur. Il est d ev en u un théologie: savant et penseur.

Le concile a approfondi le co urant de l'érudition dans l'évêque W ojtyła par les contacts suivis avec les théologiens qui étaien t à sa disposition. C 'est là qu'il a p u e t su avoir un contact plus proche avec ce qui était nouveau, contem porain en théologie; n ou­ veau d'ailleurs au sens am bivalent: réellem ent progressiste et donc durable, ou prétendum ent progressiste et donc uniquem ent ép h é­ m ère. Le concile était d'ailleurs pour tous les théologiens de bonne volonté un stim ulant e t un encouragem ent à se couper de ce qui était désuet e t anachronique e t une indication et une inspiration du fait qu'il fallait en trep ren d re le ren ou v eau de la théologie et en rech erch er des voies contem poraines. W o jty ła p rit très à coeur cet encouragem ent et dans ses écrits il devint théologien conci­

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liaire. Le concile resta jusq u’à la fin la source e t l'inspiration de sa réflexion théologique.

O n peut illustrer par nom bre d'exem ples la fraîcheur et la mo­ dernité de la pensée théologique de K arol W ojtyła. Il suffit cepen­ dant de se référer à la récollection vaticane, aux thèm es qui y sont touchés et, ce qui est plus im portant, à la m anière de les dévelop­ per. Si quelqu'un n 'en était pas convaincu, la richesse de la réfle­ xion théologique éparpillée à , trav e rs ses nom breux articles d e­ v rait le convaincre.

C ependant, pour ne pas parler en l'air, il convient de citer un exem ple éloquent, concernant le problèm e de la foi, essentiel en théologie. W o jty ła parle de la foi à plus d 'u n e reprise, ayant n e t­ tem ent conscience du changem ent qui est in terv enu dans la com­ préhension (de la conception e t de la réalité) de la foi sur l’axe des conciles V atican I et V atican II. Il donne le Sens du glissem ent significatif du sens, en analysant le contenu essentiel de la cons­ titution Dei V erbum . Il se sert de la com préhension existentialiste et personnaliste du concept „foi", vo yan t en elle l'attitu d e de l’homme en tier d evan t la Réalité rédem ptrice, la réponse de toute la personnalité de l'hom me à la Parole de Dieu.

Ce théologien si m oderne, qui lie sa réflexion pénétran te aux affaires v ivantes du m onde et de l’Eglise d'aujourd'hui, aux besoins e t aux m isères de larges sphères d 'être s vivants, ne fait jam ais de geste révolutionnaire de m épris ou de h arg n e pour le passé, pour la tradition théologique. Il est de ,,bon ton" dans la théologie occi­ dentale de d ire du mal, ou au moins de froncer les sourcils avec

colère ou encore de faire la m oue d ev an t ce qui était aup arav an t — j'écris „du moins", car des m ots sévères, carrém ent hostiles, qui m anifestent le dédain pour ce qui nous a été légué sont affaire courante. N ous ne rencontrons nulle p art chez W ojtyła une atti­ tude pareille; nous ne trouverons chez lui aucun mot, ne disons pas de condam nation, mais même de désapprobation polém ique pour la pensée élaborée par des générations de théologiens. Sur ce point il est peut-être l’expression la plus rem arquable, en quel­ que sorte le symbole de la théologie polonaise actuelle. N ous con­ naissons ce qui était, e t dans beaucoup de cas nous nous en sé­ parons, mais sans aucun geste de scandale pharisaïque, e t encore moins de dédain gratiné. N ous évitons p lutôt d ’en parler, nous dé­ passons les su jets non m ûris ou anachroniques de la tradition, nous ne les attaquons pas de front. De cette référence critique, maiij non agressive, élective à la pensée théologique traditionnelle, Ka roi W o jty ła était une expression rem arquable et sur ce point i peut servir d'exem ple.

La dialectique de pensée hégélienne, procédant p ar antithèse n ’a q u ’une efficacité lim itée en théologie. Et l'opposition exagéré« de ce qui nous semble souhaitable à ce qui é ta it jusqu'à présen

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év id en t ou consacré et par là intouchable produit trop souvent des fruits amers, même em poisonnés. W ojtyła, en grand théolo­ gien, s'en rendait compte. C 'est pourquoi il n'opposait pas d irec te­ m ent et avec véhém ence le n o uveau à ce qui avait été. Il perfec­ tionnait, éclairait et enrichissait de sa pensée les conceptions et les com préhensions antérieures.

7. Pour une pensé difficile cherchant une expression claire

Les goûts et les aptitudes littéraires de Karol W ojtyła sont actuellem ent connus de tous. Ses ouvrages littéraires (publiés sous un pseudonym e) sont traduits en plusieurs langues e t divulgués par les mass media. On voit que non seulem ent il s'exprim e en une ex cellen te langue polonaise, m ais même en ce dom aine il a des am bitions de créateur.

Ce genre de goût pour la création est sans doute né le prem ier, avant tous les autres. N ous savons q u ’après le b accalau réat il choisit précisém ent les études polonistiques à l'U niversité Jagel- lone. Il aim ait la beauté de la langue polonaise, il lisait avec pas­ sion les oeuvres littéraires, il goûtait la poésie. Il a essayé ses dons d ’au teu r au th é âtre rhapsodique chez K otlarczyk et avec lui, p ré­

cisém ent dans ce th éâtre où la b eauté de la langue des ch efs-d 'œ u ­ vre litté raires é tait prédom inante et presque le seul élém ent de l'art théâtral. Et ensu ite il a vécu du th éâtre. Il discutait avec v i­ vacité des spectacles de C racovie. Or, il faut rappeler que dans les années de l'après-guerre, C racovie était red ev en u e ce qu'elle était au tem ps des dém em brem ents, la prem ière ville th éâtrale de Pologne, V arsovie se relev an t à peine de ses ruines pour ensuite attirer peu à peu les m eilleurs acteu rs et régisseurs. Q uand W o j­ tyła arriv ait à V arsovie il s ’y in téressait aux pièces jouées pour les connaître autrem ent que p ar ouï-dire.

Il v au t la peine de rappeler to utes les dém arches astucieuses qu'il lui fallut faire pour pouvoir assister d'une loge du T héâtre N ational aux D ziady (Les Aïeux) de M ickiewicz dans la scénogra­ phie de Dejmek.

Les dons et les goûts litté raires ne se ren co n tren t pas souvent avec la passion du penseur. Une telle ren co n tre est cependant pos­ sible et l'o rien tation de la „chaude lave de la parole" vers le cou­ rant profond d'une pensée p én étran te nous a donné le rem arquable cycle d'A snyk Nad głębiam i (Au-dessus des profondeurs) ou les œ u v res géniales de Norwid. C ’est à N orwid qu'on p o u rrait le mieux com parer W o jty ła comme écrivain, surtout d u rant la p re ­ mière période de sa production littéraire. On sait en effet que Nor- vid est beau et profond, mais que sa langue n ’est pas facile.

W ojtyła est l’homme des grandes passions e t c'est pourquoi il ranche sur la m oyenne des gens. La passion littéraire était seu le­

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m ent une de ses passions. Sa passions de la connaissance m ain te­ nait l’intuition dans le cadre de la recherch e et im posait à sa p en ­ sée créatrice les sévères exigences de la précision. Comme profes­ seur d'université — jusqu'à la fin il estim ait à un haut prix cette vocation — il p en sait et devait penser avec une précision scienti­ fique. Penser avec précision et s'exprim er dans une langue claire n 'est pas chose commune. Les élans littéraires sont sévèrem ent éliminés par les exigences de précision de la langue scientifique.

A ujourd'hui nous suivons avec sym pathie et adm iration le d é­ veloppem ent et l'évolution de la m anière avec laquelle présen tait

les problèm es difficiles de la théologie pendant les tren te années le professeur, puis le professeur e t l'évêque et enfin le cardinal W ojtyła. Peu à peu, sans doute sous l'influence des exigences p a­ storales, il se libère de la langue d'une érudition difficile et com­ pliquée. A yant conscience du sérieux et de la profondeur de la réflexion, on dirait qu'il craignait que les p hrases em ployées ne pussent p o rter ni tran sm ettre to ut le poids de sa pensée. C ’est pourquoi il ten ta it d'en rendre possible la com préhension au m oy­ en de p ériphrases compliquées, de larges com plém ents form ulés en propositions subordonnées, et aussi de reto u rs de pensée. M ême ceux qui étaie n t rom pus à la réflexion précise devaien t faire un grand effort pour ne pas se p erdre en suivant les sentiers irrég u ­ liers, non b attus de son investigation. M ais le tem ps arriv a où il surm onta avec succès les com plications du style. Dans ses o u v ra­ ges théologiques sont restés la réflexion profonde et le souci d'une expression précise de la pensée, et se sont ajo u tées l'intelligibilité et la clarté de l'énoncé. Il n 'est pas difficile de déceler les sources de cette m étam orphose; elle se tro u v e dans le fait qu'il a traité avec beaucoup de sérieux sa fonction prophétique d ’évêque de Cracovie; à cette fonction il a consacré, avec une grande g én éro ­

sité, les fruits de ses ouvrages de théologie e t de pastorale. La récollection v aticane e st un rem arquable résu ltat de l'évolution du style de son écritu re qui exprim e la réflexion théologique. Ici sa p ensée est claire, vraim ent cristalline si on tien t com pte de ce qui

lui était dem andé.

8. Le mystique engagé dans le monde

W ojtyła s’occupait de la théologie m ystique avec prédilection e t com pétence. Il a étudié Saint Jean de la Croix, un des plus grands m ystiques et son travail sur ce m ystique espagnol fut ré ­ com pensé par le doctorat en théologie. C ’était un excellent ex e r­ cice de théologie m ystique. M ais il ne s'a rrê ta pas là. Il a aussi étudié d 'au tre s grands m aîtres de la branche de la connaissance théologique si différente parce q u ’elle s'appuie sur une expérience spécifique. Il fut fasciné p ar la figure du trap p iste Thom as M erton,

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brillant d'une lum ière subtile. W o jty ła adm irait le m agnifique art de cet écrivain rem arquable de notre tem ps. Un jour W ojtyła ex­ prima son étonnem ent du fait que ce soit aux Etats-Unis, dans un monde d'activism e e t de m atérialism e pratique n 'ay an t aucune tra ­ dition théologique ni à plus forte raison m ystique q u 'ait pu se ré ­ véler cet écrivain révélan t la profondeur de la vie m ystique d'une m anière m oderne et attrayante.

Un au tre exem ple peut attester le penchant du cardinal pour la vie m ystique et les écrits de cette bran ch e de théologie. Il s'agit de la soeur Faustine Kowalska, m oniale polonaise d 'av an t la d er­ nière guerre; nous devons à son ex p érien ce m ystique la dévotion à la Divine M iséricorde qui se développe à nouveau après une pé­ riode de difficultés. L 'intérêt que W ojtyła a porté à ses écrits lui a perm is de découvrir en elle une profondeur insoupçonnée et de situer soeur Faustine, semle-t-il, dans le groupe des grandes re p ré ­ sentantes de la m ystique à l'échelle de l’Eglise entière.

L 'archevêque lui-même n'a rien écrit sur la m ystique. M ais la m ystique se trouve à la base même de ses ouvrages théologiques. C ependant, pour ne pas susciter de m alentendus, il convient d ’ajo u ­ ter que nous com prenons la m ystique d'une m anière plus large que dans le sens de la contem plation su rnatu relle de Dieu qui était le privilège de quelques saints, p.ex. François d ’Assise. Je ne sais rien sur de tels états du cardinal Karol, seul lui-même p o u rrait en dire quelque chose. C ependant la vie contem plative au sens large du mot, c.à.d. l’esprit de prière, une certaine intuition de Dieu, un contact très proche avec lui, était l'apanage de Karol W ojtyła.

Q uiconque avait un accès plus facile pouvait sans difficulté observer de quelle m anière il p riait e t com bien de tem ps il con­ sacrait à la prière. L’abbé Jan Zieja rappelle q u ’il a reten u sa pre-, m ière ren co n tre avec le pape actuel, car elle s'était faite dans la chapelle des U rsulines de Powiśle à V arsovie, quand il a vu le p ro ­ fesseur du KUL W o jty ła p rosterné les bras en croix. D 'ailleurs chacune des religieuses qui y est restée assez longtem ps p o u rrait dire bien des choses sur la p rière du professeur, et ensuite de l’évêque, sur la foi de ce qu'elle a vu.

La p rière contem plative du cardinal K arol s'appuie sur les m ê­ mes bases que chaque p rière authentique, c.à.d. sur la foi, l'e sp é ­ rance et la charité. Elle s'écoule des m êm es sources de grâce que chaque contact v iv an t avec Dieu. Ces bases et ces sources de la contem plation de la v érité divine en W ojtyła, chacun p eu t les d é ­ couvrir, m êm e celui qui ne Ta jam ais rencontré personnellem ent, en lisant quelques-uns de ses ouvrages théologiques, et surtout, à mon avis, le livre Znak, którem u sprzeciwiać się będą (Le signe auquel ils s'opposeront). La m atière de la récollection au V atican apparem m ent si éloignée des dispositions personnelles, est en ré a ­

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lité une m anifestation assez tran sp aren te, nullem ent intentionnelle, de la profondeur de la religion et de la p rière du cardinal13.

C 'est cette couche de la récollection, cette base que le cardinal W yszyński, toujours perspicace, a attein tes quand il a écrit la p ré ­ face à l'édition polonaise du texte. Nous y lisons que, appelé par le pape Paul IV à diriger les ex ercices au V atican ,,d est avec une pleine confiance e t un plein abandon au Saint Esprit que l'évêque de C racovie a en trep ris cette mission honorable. Il y a introduit sa foi, l’acquis d 'u n e p rière fervente e t son expérience de pasteur. Enrichi de ces dons, il a pu rem plir la mission confiée, apportant l'optim ism e de l'hom m e fort dans sa foi (...). M gr K arol a porté la Bonne N ouvelle avec une hum ilité franciscaine et la profondeur de l'am our. Une foi vive, rendue subtile par ses études personnelles, par la réflexion et la prière (...) est devenue la m anifestation de l'ardeur apostolique qui seule p eut aujourd'hui ren o uveler la face de la te rre de D ieu"14.

W ojty ła n 'a pas composé d ’oeuvre ascético-m ystique. Ce qui ne v e u t pas dire que ses écrits ne soient pas illum inés p ar des aperçus d u dom aine de la théologie de la vie in térieure, e t su rto ut de la question de la foi. Ce courant est très n et dans la récollection va- ticane, su rto ut dans la m éditation des trois prem iers m ystères du rosaire, dans la m éditation de l’H eure sainte consacrée à la p rière de Jésus au jardin des oliviers, enfin dans la m éditation du chem in d e la croix. Dans la m éditation sur l'Eucharistie, sur la Passion e t sur le ro saire nous trouvons non seulem ent l'expression de l'âm e contem plative du cardinal W ojtyła, mais, on peu t le suppo­ ser, la base religieuse la plus profonde de tous ses écrits th éo lo ­ giques.

Znak, któ rem u sprzeciw iać się będą (Le signe auquel ils s'oppo­

seront) est un des derniers tém oignages de la réflexion du penseur m éditatif de C racovie. M ais le courant de la contem plation l’ac­ com pagnait, le rem plissait, saisissable bien avant, en réalité to u ­ jours. Sa m éditation du matin, longue, très longue, était une ré ­ flexion contem plative de la v érité sur Dieu dans le C hrist et sur l’homme.

Q ue le lecteur me pardonne d 'ajo u ter ici un aveu personnel Il y a quelque 25—30 ans, quand K arol W o jty ła n 'était pas encors évêque et n 'a v ait qu'une seule cham bre à sa disposition, à côté dr professeur Różycki, il m ’a été donné d 'ê tre le tém oin de ce qu'i faisait, quand e t comment il priait et même com ment il n o tait dan ses soliloques les réflexions les plus profondes de la foi, et don de natu re théologique. Il faut reco n n aître bienheureuse la pauvre té du professeur W o jty ła qui a donné l'occasion à un au tre proies

13 Cf. Znak, k tó r e m u ..., op. cit., 94 s.

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seur, passant la n u it plus d 'u n e fois rue K anonicza à Cracovie, de se ren dre com pte, avec une grande ém otion, quelle était la source la plus profonde, non avouée, de sa pensée théologique féconde et inventive. Sur le prie-D ieu il y avait l'E criture Sainte et un carnet avec une feuille en hors-texte; cette feuille était comme un poteau indicateur d irig ean t v ers de nouvelles réflexions. W o jty ła rep o r­ tait sur ses notes de professeur et sur ses réflexions philosophiques cette page écrite sous l’inspiration de la Bible. Elle peut servir de symbole du fait que le professeur d 'éthique du KUL dépassait les limites de la philosophie dès les prem iers écrits. C ’était égalem ent le dépassem ent de la théologie elle-m êm e e n direction de la con­ tem plation de la vérité.

9. Le théologien polonais de l'Eglise universelle

Les contacts du cardinal W o jty ła avec le monde e t avec dif­ férents cen tres de la pensée théologique, ses trav au x au concile et dans les synodes des évêques, avec sa connaissance de plusieurs langues, la lectu re atten tiv e des trav au x théologiques les plus im­ portants, tout ceci a contribué à form er l'attitu d e de sa pensée ouverte. Les horizons de sa pensée étaient larges, il n 'y a pas l'om ­ bre d 'étroitesse. C 'est la pensée d'un Européen, dans le bon sens de ce term e. En ce qui concerne l'Eglise, la pensée du professeur, plus tard du dignitaire é ta it engagée avec com pétence dans la ré­ flexion concernant l’Eglise e t les problèm es de l'Eglise universelle. Il restait cependant to u jou rs polonais et se considérait comme tel, un professeur m oraliste polonais, un évêque et un cardinal p o ­ lonais.

Dans ses écrits théologiques égalem ent ap paraît nettem ent sa polonité. Sans d oute il y abordait souvent les problèm es de l'Eglise en général et les problèm es hum ains universels; même alors c’était m e oeuvre polonaise, la réflexion d'un théologien polonais. La po- Lonité de ses écrits théologiques ne se lim itait pas à la langue, bien ju e ce polyglotte l’ait toujours aimée comme sa langue m aternelle 3t l’ait m aniée adm irablem ent. C ette polonité s'exprim e dans le contenu qui concerne to u te notre réalité ou se réfère à celle-ci.

Le courant polonais dans les écrits destinés exclusivem ent aux Polonais e s t norm al. M ais il n ’est pas certain que ce soit la même :hose dans la réflexion théologique destinée aux personnes étran - fères à notre n ationalité e t au cercle de la cu ltu re polonaise. Ceci ist frappant et nous rem plit d 'u n e joie et d 'u n e fierté fort com- »réhensibles. Et q u ’il e n est ainsi, on p eu t se ren d re com pte en Itudiant avec attentio n le contenu de la récollection au V atican. I e s t in téressant d 'y découvrir ce qui y est polonais.

I

Ce n 'est p eu t-être pas trè s im portant, m ais c’est agréable de

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ses fam iliers e t des em ployés de la C urie Romaine le cardinal W o j­ tyła cite à plusieurs reprises des théolqgiens polonais15. Il se réfère égalem ent aux oeuvres polonaises ne touchant pas à la science, p.ex. aux cantigues anciens e t au chant religieux contem porain. Le noël Bóg się rodzi16 e st un cantique. Il rappelle égalem ent, en un au tre endroit, un des cantiques chanté par la jeunesse Gdy w jasną, pogodną, cichą noc (Quand dans la n u it claire, sereine et calme) dont il cite huit vers.

Un courant de ce qu 'a v écu le m étropolite de C racovie cons­ titue un au tre thèm e polonais dans le Znak, któ rem u sprzeciwiać

się będą. Ainsi d ev an t l'auditoire de la chapelle de Sainte M athil­

de au V atican il dépeint ce qu'il a vécu dans la cathédrale du W a­ wel comme jeun e garçon, pendant la liturgie de l’office des tén è­ bres du m ercredi de la sem aine sainte17. Dans sa conférence sur le sacerdoce il rappelle souvent les fréq uen tes conversations qu’il avait avec les sém inaristes de Cracovie, à qui il accordait la faci­ lité de quelques m inutes de conversation. Leurs réponses à la question posée, à savoir comment et quand s'est éveillée leur v o ­ cation, sont le point de dép art d'une réflexion approfondie de l'évêque de C racovie18. Et encore un aveu de ce genre. En faisant la recension du livre: Kim jest dla m nie Jezus Chrystus? (Jésus- -Christ, qui est-il pour moi?) qui est le résu ltat d ’une en q uête m e­ née par le „Tygodnik Pow szechny’’, il exprim e son in terprétation des réponses19.

La référence au bienheureux M axim ilien Kolbe dans l'argu m en­ tation théologique sur le lien intime en tre la charité et le salut, même dans le contexte des camps de concentration, ce „symbole de l’en fer” sur la terre, même avec l’indication d ’Auschwitz, peut ne plus être un élém ent de polonité, puisque le Père M axim ilien est devenu, en un sens, une valeur e t une propriété de l’Eglise universelle20.

Parfois les exem ples de cet ouvrage ont un caractère de réfé­ rence à la réalité polonaise, surtout religieuse. Ainsi dans la m é­ ditation sur la V isitation dans le cadre des m y stères joyeux du

ro-15 Cf. ibid., p. 19, 121, ro-150.

16 En m a rg e d e c e n o ë l il fait la r é fle x io n su iv a n te : „C ’e st un c a n tiq u e parm i tant d ’a u tres, e t p ou rtan t e n un s e n s il e s t u n iq u e, qu an d il s ’a g it d’exp rim er la c o n c en tra tio n sur le M y s tè r e d e D ieu In carn é. C ’e s t un m y s tè r e qui un it en so i les co n tra ires: la lu m iè r e et l'é p a iss e u r d e la n u it, l ’in fin i d e D ieu et la lim ite de l ’h om m e, la g lo ir e et l ’h u m ilia tio n , l'im m o rta lité et la m o r ta lité, la D iv in ité et la p a u v re té d e l ’h o m m e ” (ibid., p. 37 ss.).

17 Cf. ibid., p. 67 ss. 18 Cf. ibid., p. 100.

19 „C om m e é v ê q u e et c o m m e p a steu r, c ’e st a in si q u e j'ai lu c e livre"; „Et p récisém en t dan s leu r s in c é r ité le s d é c la r a tio n s m o n tre au le c te u r qui e st é v ê q u e et p asteu r le s r ic h e s s e s d e la g r â ce d e D ieu , c e q u ’e s t l'am ou r du C h rist, am our qui d é p a s se to u te c o n n a is s a n c e (Eph. 3, 19)” (ibid., p. 82).

Cytaty

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