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Chappe d'Auteroche et son Voyageen Sibérie

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Academic year: 2021

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A C T A U N I V E R S I T A T I S L O D Z I E N S I S

FOLIA LITTERARIA 33, 1992

R é m i F orycki

C H A PP E D’AUTEROCHE ET SON V O Y A G E EN SIB E R IE

„Le v o y a g e est un dram e" A sto lp h e de C u stins

1. LES W ELCHES EN SCYTHIE

J u s q u ’au X V IIIe siècle une am b igu ïté fo n d am e nta le d e m eu rait dans l’opin ion française au su je t de la R ussie: p o u r les u ns, les Russes n ’é ta i-en t que des T a rta rs à dem i civilisés, p o u r les a u tre s la R ussie é ta it u n pays qui sem blait annoncer l’avèn em en t de la gloire et de la sagesse s u r terre. Il est c u rie ux d ’ob se rv e r com bien le v aste em pire du N ord séd uisait les im aginations occidentales. Il „o ffrait aux intel lectuels, aux am bitieux, aux m ilitaires, aux m ystiques, aux av e n tu rie rs de toutes sortes, so uvent c o n train ts de jo u e r u n p e tit perso n na ge dans le u r patrie,

ce décor p restig ieux de gran d e u r et de rê v e d ont les am ours prop res m a -lades av aien t beso in ” 1. Cet ex pansio nnism e c iv ilisa te u r des O ccidentaux en R ussie p rend naissance à l’époque où les encyclopédistes salu en t avec enthousiasm e l’a v è n em e n t de C ath erin e II, av ec laquelle ils n o u e n t im -m éd ia te-m en t des relatio ns en d ivers do-m aines. Les -m aîtres p e n seu rs fran çais, fascinés p a r les possibilités illim itées q ue l’em pire ru sse o ffre au x étran g ers, d irig en t leu rs regard s vers cette „C ité-N ouvelle” e t cette „société a u tre ” où ils e sp èren t ré a lise r u n idéal q ue Thom as M ore a v ait appelé l ’île d ’Utopie. „C’est à l ’esp rit q u ’il est rése rv é d ’éta blir la m eil-leu re législation, de ren dre, p a r con séquent, les hom m es les plus h e u re u x q u ’il est possible” — enseigne H elvétiu s dans De Z ’Esprit (1758). La façon d’attein d re un tel o b jec tif d iffère d’un ph ilosophe à l’au tre. N éan

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m oins tous sont com me hypnotisés par le pouvoir illim ité dont disposent les tsars, p ouv oir capab le de ch an g er l’„ irraiso n n ab le ” cours de l’histoi-re. La puissance créatrice d ’u n V oltaire, d ’un D iderot, d ’un d ’A lem bert (mais au ssi celle de C happe d ’A uteroche, de R ulhière, de Masson) est surpassée p a r le geste absolu d e l’autocrate. L’utopie réfo rm a tric e de P ie rre I" ne va t-elle pas ju sq u ’à m odeler le visage de ses su jets (un o uk ase oblige à co uper les barbes)? Le tsa r c o n stru it to u t: l’hom m e, la ville, l’espace, l’histoire. Il fait to u t et il voit tout. Que cela exlue le dé-v elop pem ent organique, peu im porte. L ’essentiel, c’est que le poudé-vo ir soit to tal: „h eu reu sem e n t Sa M ajesté Im périale p e u t to u t”2, s’ex tasie D iderot qui, en m êm e tem ps, se p lain t q u ’en F ran ce o n ne puisse plus rien . Selon le p ro m o te u r de VEncyclopédie, les Russes, grâce à le u r re

-tard cu ltu rel, pe u v en t réu ssir plus v ite à civiliser le pays. La Russie se révèle comm e un espace vierge, com parable au P a rag u ay des jésu ites; les intellectuels français l’o n t rep résen té e com m e une page (carte) blanche.

P o u r les F rançais éclairés, les Scy th es n ’o n t d ’h isto ire que p a r ra p -p o rt à la co rru -p tio n de la civ ilisatio n occidentale. „C’est le double m ou-v em en t qui ry th m e la d ialectiqu e des Philosophes, et donne sa form e à leu r philosophie de l ’histoire: constatation de la barb arie, puis de son agg ravation p a r le ch ristian ism e ” 3. P a r ra p p o rt à la b a rb arie des Russes (V oltaire parle p lu tô t des S cythes m ythiques), la b arb a rie chré-tien n e des W elches est totale. Il s’ag it ici de deux m odèles opposés: d un côté la conception de la c i v i l i s a t i o n prêchée p ar „l’in te r-n atio r-n ale” des p h i l o s o p h e s , de l ’a u tre le paradigm e de la c i v i -l i s a t i o n c h r é t i e n n e . „C et euro péocen trism e co n q u éran t, -laïcisé ou m issionnaire, va tra n sm e ttre a u siècle su iv an t sa confiance en une croisade civilisatrice, q ui assim ile ou exclut le sauvage ou le b arb are, dans la m esure où il renonce, ou au c o n tra ire s’attach e à sa d iffé re n -ce”4.

2. LE C A S DE VO LTAIRE

P o u r V oltaire, le ts a r ré fo rm a te u r (P ierre le G rand, C ath erin e II) in tro d u it la civilisation dans son em pire, seul au m ilieu d ’un peuple b arb are. La volonté créa trice n ’a p p a rtie n t plus à D ieu m ais au despote

2 D. D i d e r o t , M é m o ir e s p o u r C a th e r in e II, P aris 1966, p. 11.

3 P. M i c h e l , Un m y t h e r o m a n ti q u e — L es B ar ba r e s (1789— 1848), Lyon 1981, p. 35.

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éclairé. L ’histoire est réalisée p ar un seul: l’initiative v ien t d ’en haut, le peuple reste m in eur: ,,Les éto n n ants progrès de l’im p ératrice C ath erin e II et de la nation russe sont une p reu v e assez forte que P ierre le G rand a bâti su r un fondem ent ferm e et d u rab le ”5. L’a u te u r de Candide voit en C atherin e un philosophe p lu tôt q u ’un personnage politique. Il va ju sq u ’à accepter l’esclavage politique pourvu q u ’o n le laisse lib re su r le plan intellectuel. Il rêve d’une rép ubliqu e de philosophes dont le p rin -cipe se ra it g ara n ti p a r la „souveraineté in tellectu elle” . Il est pro fo ndé-m en t convaincu que tou t pou voir politique d o it a p p a rten ir au seul ndé-m o-n arq u e et q u ’u o-n „c o o-n trat social” e o-n tre le prio-nce et le peuple ru io-n e rait la puissance de l ’E tat. Trop de liberté p eu t po usser le pays vers l’a n a r -chie; affaibli et rongé p ar le désordre inté rieu r, un tel pays d ev ient une proie facile p ou r les nations plus fortes qui, d ’après la do ctrine du M achtstaat (Pufendorf), le so u m e tten t et lui im posent leu r loi. Les conquêtes effectuées p ar P ie rre le G rand, E lisabeth et C atherine II p ro u -ve nt que l’on ne p eu t c rée r un im m ense em pire que p a r la sub ordin a-tion du peuple. P o u r V oltaire, la Russie est la seule puissance capable de réaliser une telle politique de conquête, salu taire pour le „genre h u m ain ”.

Dans la ren con tre de l’utopie et de l’idée de progrès, l’espace im agi-naire s’oppose a u tem ps de l’histoire. P o u rta n t, l’h istoire p eu t a p p a ra ître aussi comm e „une prom esse de l’u to p ie” . Il su ffit de tro u v e r une tech ni-que d ’écriture, d ’in v e n te r un discours, p ou r o u v rir devan t les m asses le m irage d ’u n av e n ir prom etteur. Le v rai m aître de cette technique est ju stem e n t V oltaire — po rte-parole de C ath erin e II. Sa conception du progrès, liée à l’idée de la mission civilisatrice de la Russie, produ it une vision falsifiée de l’histoire. V oltaire (comme C ath erine II dans Y A n

ti-dote) nie l’h éritag e b a rb are et a sia tiq ue de l’ancienne Russie po ur

assig-n er à l’occideassig-ntalisatio assig-n voulue p a r P ie rre Ier la v ale u r fo assig-ndatrice d ’uassig-ne g rande puissance européenne. Selon lui, la réform e de P ierre le G rand déterm ine „l’am o nt et l’aval” de l’h istoire russe, m arq u e son poin t zéro: l’ancien régim e asiatiq ue s’en va et laisse place à la Russie m oderne européenne«. „Je suis, écritil à C atherin e II, plus vieux que v o tre em

-5 V o l t a i r e , O e u v r e s h is to riq u es , P aris 19-57, p. 339.

11 Dan s c e tte p e r s p e c tiv e il paraît peu pr obab le q ue V o lta ir e ait forgé la fa m eu se for m ule dont parle A. de C ustin e: „Je n e re p r och e p as a u x R u sse s d ’ê tr e c e q u'ils sont; c e que je b lâm e e n e ux , c ’e st la p r é te n tio n d e par aître c e q u e n ou s som m e s [...] V oilà d e s h om m es p erdus pour l'état s a u v a g e et m an qu és pour la c iv ilis a tio n , et le terr ib le m ot de V o ltair e ou de D iderot, ou b lié en F ran ce, m e r ev ie n t à l'esprit: 'Les R u sse s son t pou rris a va n t d ’être m ûrs'. V oir A. d e C u s t i n e , L e ttr e s d e R u s -sie, éd. P. N ora, Paris 1975, pp. 110— 111.

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pire, en d a ta n t sa nouvelle fondation d u c réa te u r P ierre le G rand dont vous perfectio nnez l’o u v rag e”7. P a r to u t un systèm e de m anip ulation s et superch eries il est u n faiseu r de l ’histo ire russe, com me on est faiseu r de rim es8. Il va sans d ire que la tsarin e pro fite larg em en t de cette falsi-fication. Le péché origin el de V oltaire est non seulem ent d ’europ éani-ser la Russie, m ais aussi d ’en faire une île heu reuse et civilisée. C epen-dant, p en ser n ’est pas faire, e t le discours histo riq ue de V oltaire est m arq ué p a r une ru p tu re profonde p a r rap p o rt à la réalité sociale. C’est bien dans ce point q u ’a p p araît la divergence en tre la vision in te l-lectuelle de V oltaire et la pulsion scopique de Chappe d ’A uteroche. D ans

Lum ières de l’utopie B ronisław Baczko pose la question suivante: „L’u

-topie est-elle une vraie lum ière ou bien une flam m erole?”9 Si elle est une vraie lum ière la faute est à d ’A uteroche, m ais si elle est une flam -m erolle -c’est la faute à Voltaire.

3. LE M AITRE A OBSERVER

Issu d ’une fam ille d’ingén ieurs et d’astronom es français, l’abbé Jean Chappe d ’A uteroche fu t chargé d ’o b serve r en Sibérie le passage de V énus devan t le Soleil. Le récit de son voyage en Russie, où s’exprim e l’expérience oculaire d ’u n o b serv ateu r professionnel infatigable, consti-tue l’o uv rag e in au gu ral p ar excellence qui fraye le chem in aux fu tu rs stratèges et m issionnaires. D o nnant à voir p a r une m aîtrise m im étique entrem êlée de l’a rt de l’espace, le livre de Chappe d’A utero che donne aussi à penser. Un m élange de ru se et de savo ir-faire du v o y a g e u r qui cherche à d évo iler la réalité cachée d errière les façades et les m as-ques, s’y m êle avec le dram e de 1’ o b s e r v a t e u r m al v enu dans le pays des apparences où la progression linéaire de l’exp lorateur est trop souvent entrecoupée p a r les a rrê ts ou les m arches en arrière . A tra vers le Voyage en Sibérie, étra n g e palim pseste où la tran sp a re n ce est l’o b stacle, on devine une image floue, certes, m ais p assion n an te de la ré a -lité q ui se dérobe et qui fuit. L ’oeil du lecteu r y est encouragé — grâce aux tables, gravures, cartes etc. — à ab so rb er l’horizon m y thiq ue et cul-tu re l de l’Em pire des tsars. C happe d’A uteroche déploie to ute l’in telli-gence du d é c o u v r e u r p ou r rend re visible le pays tra versé; il v eut „re n d re à la lu m ière” ce colosse „aveugle de naissance” .

7 V o l t a i r e , C o r r e s p o n d a n c e , t. 8, Bibl. de la P lé iad e , P aris 1983, p. 245. 8 R. P om eau c on sid è r e le s A n e c d o t e s sur P ie rr e le G r an d com m e un c on te ph ilo sop h iq u e et V o lta ir e com m e un „ h istor ien jou rnaliste".

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O u tre l’o b se rv a tio n a stro n om iq u e, il e ffe ctu e le n iv elle m e nt de la ro u te de P aris à Tobolsk. Or, qu e sign ifie ici le „n iv e lle m en t”, sinon u ne a ctivité c osm ograph ique où la vo lo nté du c arto g ra p h e est d ’a r ri v e r à une c a rte b lan ch e (tabula rasa) pour que la tâch e du m ission naire p u is-se s ’e x e rc e r sans c o n tra in te ? La pulsion v o yag euis-se de l’abbé C happe is-se m an ifeste donc com m e u n a r t de m a îtrise r l’espace, science des r e p é ra -ges et in tu itio n des chem ins. D ans son discours, il donn e u n sens au m icrocosm e où év o lu en t les choses e x trao rd in a ire s et les hom m es b a r-bares avec leu rs gen res de vie d iffé ren ts. D ans son besoin de voir, il in carn e l ’im age de ces jeun es héros du X V IIIe' siècle q u e le u r seu le e x p é-rien ce in s tru it p eu à peu. Il se form e p a r ses sen sation s, se laisse am en e r p a r elles à la co enen aissaen ce des choses et à la coenscieence de lu im ê -m e. C’est dans ce sens q u ’il se rév è le aussi u n v ra i s p e c t a t e u r q u i essaie de p é n é t r e r l’im p én étrab le , afin de d é c h iffre r l’énigm e du dom aine des tsars. D ’a u tr e p a rt il em ploie tous les m oy ens possibles p o u r qu e l’o b s erv a tio n so it p a rfa ite . Ceci sup pose bien s û r u n m on de q u i se p rê te à la vue. Or, l ’h y p o th èse de la s o u v e rain eté de la vision in s ta n ta n é e se h e u rte en Russie à l’a n tith è s e de la v isib ilité im m éd iate:

Q uoi! il ne su ffisa it pas de nou s v e n ir conte r q u e v o u s nou s d o n n iez tou s le s fo s s ile s , le s pr ofils d es r iv iè r e s et d e s m on tagn es? — ir o n ise C ath er in e II dans son A n t i d o t e — v o u s illu m in e z e n c or e v o s C artes en c ou ran t la poste? v o u s don ne z au x m o n ta gn es d es te in te s a n a lo g u e s à le u rs d iffé r e n te s hauteurs? V o ilà ce qui s'ap p e lle faire va loir le s c h ose s . Je la is s e là v o tr e o b se r va tion astro n om iq u e du p a ss ag e de V é nu s; je la cr ois très e x ac te ; v o u s a v e z l'o e il e x c e lle n t, v o u s v o y e z tout dans un c lin d 'ooil, rien n e v o u s é ch a p p e on c our ant la p o ste 10.

Selon l’im p é ra tric e, la vision in sta n ta n é e de l’astro n o m e fra n ça is ne p e u t ê tr e q u ’in tu itiv e ; elle est p lu tô t u n a cte d e se n tim e n t p ersonn el. Évide m m e nt u ne telle co nnaissance ne p e u t pas s’a p p liq u e r a u m o nd e p h y sique et hum ain . La raison n ’exig etelle pas p lu tô t un langage qui e n chaîne soig ne usem en t les faits a u x faits? P o u r p ro cé d e r à u ne d escrip -tion ratio nn elle, il f a u t re n o n c e r au re g a rd in sta n ta n é :

„On doit d on c être ju ste m e n t en gar de c on tre le s V o y a g e u r s b ilie u x , p r év en u s, peu instruits, qui ne se d on nan t p as la p ein e , ou n'ayant pas le te m p s d 'étud ier, d'e xam in er, d'approfondir et de com parer le s lois, le s u s a g e s, le s cou tum es, le s m oe urs d'un p a ys q u 'ils parcourent précipitam m en t, n e s'arrêtent qu'à l ’ê c o r c e des c h o se s, ju ge n t in d isc r ète m en t du c ar ac tèr e de tou te u n e N a tion , et de p lu sieu r s N a tio n s, qui p is e st, par de s c o n te s de B o n n e s , par d e s a ve n tu r e s tr iv ia le s, ar rivé es dans un e h ôte lle rie , un e p lac e p u bliqu e, ou dan s u n e c oter ie p articu liè re d e q u elq u e s artisans de c e tte N ation " 11.

10 A n t id o te ou e x a m e n du m a u v a is l iv r e s u p e r b e m e n t im prim é... , c h ez M arc-M i- ch e l R ey, A m sterd am 1771, pp. 7— 8 (I).

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S ’il est v ra i q u e la p réfé ren c e in té rie u re e t in stru c tiv e de C happ e va à ce m ode de c o nn aissan ce im provisé, il est cla ir d ’a u tr e p a r t q u e la raiso n ne p eu t p ro c éd e r a u tr e m e n t q u ’en én o n çan t la longue série des causes et des e ffets successifs q u i se lie n t les u ns au x a u tre s p o u r fo

r-m er le ré c it d u voyage. L ’abbé se situ e — ce q u e C a the rin e lui o b jecte — à chev al en tre l e r é c i t d u v o y a g e e t l e r é c i t g é o -g r a p h i q u e . Il voyage aussi bien p o u r d é co u v rir q u e p o u r v isiter; il s’ag it p o u r lui de tra n s m e ttre u ne in form atio n, de „re c o n n a ître o cu- la ire m e n t” le m o nde et d ’é p ro u v e r s u r soi les ém o tio ns prom ises p a r u n d ép a y sem e n t a tte n d u , d ’en tir e r u n e jou issan ce q ui s ’e x a lte d an s l’é c ri-tu re du récit. Il essaie de c o n q u é rir la Russie p a r le regard , m ais le m onde des a u to c h to n es se p rê te m al à la v ue d e l ’in tru s é tr a n g e r :

[...] il ne m'a pas é té p o s sib le de tout voir. Les R u sses son t d 'ailleu r s si m éfian ts en gé n é r al, q u e lorsq u'on le s in terr oge , m êm e sur d e s c h o s e s in d iffér e n te s au G ou ve rn e m en t, ils r ép on d en t toujou rs, D i e u l e s a i t , e t l ' i m p é r a t r i c e 11.

A rm é de d iffére n te s pro thè se s de l’oeil, C happe d ’A u tero ch e v a à la ren c o n tre d e la ré a lité ru ss e q u asim en t in saisissable e t im p ercep tible. G râce à l’u tilis atio n d ’in stru m e n ts op tiq ues, il essaye de d ép a ss er l’u n i- diim ensionnalité de l ’espace. O u tre le b aro m ètre, il em ploie le th e rm o m è -tre, le ch ron o m è-tre, la lu n e tte , le téléscope, la m o n tre , la p en d u le etc,; po ur ses o bserv ations astron om iqu es, il doit m êm e d resser un o b se rv a -toire à Tobolsk q ui e st im m éd iatem en t l ’o b je t d ’u ne a d m ira tio n sans b o rn es e t d ’une h a in e faro u ch e de la p a rt des a u to ch to n es. Il désire to u t v o ir d ans un pays où to u t v o ir est considéré com m e u n crim e de lèse- -m a jesté. L ’espace, la fro n tiè re, la c arte g éographiqu e y c o n stitu en t un lieu sacré, u n tabou.

Le réc it de voyage de C happe viole ce systèm e im m obilisé; il m e-nac e l’o r d re sacré des choses cachées de l’em pire des a u to c ra tes.

4. PO INT DE RÊVERIES, MESSIEURSI

Q uel é ta it le v é ritab le b u t du voyage de C happe d’A utero c he en R us-sie? U ne m ission sc ien tifiqu e? A en cro ire C ath erin e II — c e rta in e m e n t pas:

Les g e n s, qui vo u s ont c onn u e n R u ssie, dise n t que v o tr e c a p a c ité n e s'é te n d pns m êm e ju sq u'à la c o m p ositio n d ’u n au ssi gr os liv r e , q u e lq u e m al é c r it qu'il soit; ils c r o y e n t qu e c'est l'e n v ie et l ’an im osité qui se so n t s e r v ie s de v otr e nom pour

ls J. C h a p p e d ' A u t e r o c h e , V o y a g e en Sibérie , c h e z D ebure , Paris 1763, p. 237.

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p ub lier c e q ue la p a s sion leur dic tait, ou c e q u 'e lle s tr o u va ie n t d'u tile à le u rs v u e s afin d ’en im pose r au p u b lic sur le c om p te d e c e tte R u ssie , sur la q u e lle le s y e u x d e tou te l ’Europe son t fix é s m algré le s p e in e s q u 'e lle s s e d on n e n t. Les en n e m is d e sa g loir e tâ c h e n t d e la r ep ré se n ter te lle q u 'ils s ou h aiter aie n t q u e c e p a y s fût, m ais n on tel qu'il es.t, c 'e st-à-d ir e, flo r issa n t et p u iss an t19.

Selon l’im p ératrice il ne s’agit plus ici d ’un récit du voyage, m ais d ’un com plot contre la sainte R ussie:

Je m e cr ois en droit [...] d e m ettre au gran d jour le s in te n tio n s d e l’A b b é C h ap pe et co n so r t (...) Sou s p r é te xte d e la p u b lica tio n d e l'o b s e r v a tio n du p a s s a g e de V é n u s sur le d isq u e du S o le il, ils s e son t m is à so n d e r à leur fa ç o n le s so u r c e s d e n otr e p u is sa n c e , c 'e st-à -d ire , à d é cr ire d 'un e m an iè re o d ie u s e la form e de n otre G ou ve r n em e n t, le g é n ie e t le c ar ac tè re d e s p e u p le s 14.

E videm m ent il y a de quoi être fâché! La colère de la tsa rin e est si vive q u ’elle est ten tée de „ fe rm er son in -q u arto et de le je te r au feu ” . On recon n aît ici cette violence hau taine du caractère sanguin de C athe-rin e II; indignée p ar l ’audace des F rançais qui avaient osé g uillotiner la fam ille royale, elle ordonna plus tard de faire d isp araître de l’E rm itage tous les bustes des encyclopédistes. C eux-ci fu ren t retirés un p ar un -le d ernier, celui de V oltaire, ne fu t enlevé q u ’après qu elques hésitations. Ce geste im périal m it fin à la longue fam iliarité de la tsarin e avec les philosophes W elsches et leurs p roductio ns intellectuelles.

5. EN GUISE DE C O N C L USIO N

En 1769 C happe d ’A uteroche fu t de nouv eau chargé de l’o b servation du passage de V énus s u r le disque d u Soleil — cette fois-ci en C alifor-nie. Voici le tém oignage de Cassini (célèbre astronom e) su r sa m ission tragiq ue en A m érique:

Il ré gn ait d e p u is q u e lq u e tem p s au v illa g e de S a n -Jo se p h u n e m alad ie c o n ta g ie u s e , qui av a it e n le v é d éjà un tie r s d e s h ab ita n ts lor sq u e M. C h ap pe y ar riva [...) M. C hap pe m oin s se n s ib le au d an ge r de sa v ie qu'au m alh eu r de m anq uer son o b s e r v a tio n ou d e la faire in c o m p lète , sig n ifia qu'il r e ste r ait à S an -Jo sep h q u oi q u'il dû t en arriver [...] M. C h app e v it la m ort s'a pp roc h er a v e c la fe rm e té e t la sé r é n ité d'un vra i P h ilos o p h e. Le but de son v o y a g e é ta it rem pli, le fruit d e so n o b se r v a tio n assuré ; il n e vit p lu s rien à r egr etter , et m ourut c o n te n t18.

A la nouvelle de son décès, la réac tio n de C atherine II fu t ferm e: „Le proverbe Russe dit: ’le brochet est m ort, m ais les d en ts re s te n t’.

13 An tid ote . .. , p. 75 (I). 14 I bid e m , pp. 167— 168.

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L ’ab bé est m ort, m ais il n ’en fa u t pas m oins co m b a ttre son liv re ” 16. A insi donc le duel continu a e t fau te d e co m b attan t on lu tta co ntre son fantôm e.

U n ive r sité d e V ar so v ie P olo gn e

Ré m i Fo ry c ki

CHAPPE D'AUTEROCHE I JEGO P O DRÛ Z DO ROSJI

W roku 1768 uk azała się książ ka k się dz a C happe d A u te r o c h o V o y a g e e n Sibérie, w któr ej autor op isu je s w o je w r aże n ia z p odróży na S yb e rię, gd zie w y r u s zy ł w ce lu o b se r w ac ji zać m ien ia Słoń ca. Jak się w yd aje, je st on p ier w sz y m podróżn ikie m , któr y p rz e d staw ił obraz im perium c arów w sp osób o b ie k ty w n y . M ożna by o k r eślić je g o u w agi jak o próbę an a liz y so c jo lo g ic z n o -etn o g r a fic z n e j, g d y ż uk azał m. in.: d e sp otyzm , p r aw os ła w ie , n ie w o ln ic tw o , k o n d yc ję katorż ników , różn orod ne o b y c z a je (np. łaźn ię r osy jsk ą, ce re m o n ię zaślub in, św ię ta , p otr aw y), folklor, fan atyz m r eligijn y, c hor ob y w e n e ry c z n e , śm ie r te ln ość n ie m o w lą t, tyra nię panów r o syjsk ic h , str a sz liw y alk oh olizm , n ie r ó w n o śc i s p o łe c z n e , trudn e p rob le m y n a r od ow o śc io w e, dy sk r y m in a cję k obiet... Sp i-sy w a n e z dnia na dzień r e fle k sje , b ę d ąc e ż yw y m z apise m o b ser w ac ji, w z b u d ziły g n ie w K ata rzyn y II, która p ostan o w iła p ise m n ie o d p ow ie d zie ć na „zn iew agi", jak ie sp ad ły na n aród r osyjsk i. W ten sp osó b p o w stał A n tid ote ( 1771 ), rip osta Im peratorow ej, w któr ej żadna str onic a książ k i „n ie zn o śn e go księdza" n ie z osta ła pom in ięta m ilc z e -niem . G łów n y zarzut, z jakim sp o tk ał się pod różn ik fr an cusk i, to je g o r ze kom a stro n-n ic z oś ć i d y sp o z y c y jn-n o ść w o b e c w r o g ów Rosji. K atarz yn-n a sfor m u łow ała c o ś w rodzju „ sp isk o w e j te or ii'1 p r z ec iw k o „ Ś w ię te j R u si”: je j koronn ym argum entem b y ł z a-rzut, że autor V o y a g e en S ibé rie zam iast tra ktow ać Rosjan „ u n iw e r saln ie ”, tj. jak E u r op ejc zyk ów , w d aje się n ie p o tr z e b n ie w s z c z e g ó ły i z b ęd ne op isy, n ie g o d n e p r a w -d z iw e g o filoz ofa.

R ó w n o cz e śn ie u k az a ły się w H olan dii i Francji an o n im o w e b rosz ur y p ię tn u jąc e „natrętnego" p odróżnika fr an c u sk ie go (np. L e ttre s d'un S c y t e franc et lo y a l, A m sterdam 1771). Cała intry ga sk ie r ow an a p r z ec iw k o r elac ji C happe'a zb ieg a się z k a m p a n ii an ty p o ls k ą oraz z im pe rialnym i zaku sam i R osji na Bałk an ach i w A z ji. R e lacja C hap-pe'a z p od róży do R osji dala p och op nie ty lk o do in te le k tu a ln e g o sporu o u n iw e r s a lne z asa d y h u m an istyc zn e, ale r ó w n ie ż stała się w y g od n y m p r e te k ste m do r oz p ra w ie -nia się z „dekaden ckim " i z gn iły m Zachodem .

Z d er zen ie dw ó ch m entalności: z a ch od n io e u r op e jsk iej i b iz an ty jsk iej stan ow i je -den z k lu c z ow yc h aspfektów sporu C h ap p e ’a z K atarzyną. Od tej c h w ili w s z e lk ie pró-by k r yty c zn e go sp ojrz enia na R osję (np. R ulhière'a, M asson a, M ic h e le ta, C ustine'a, M ic k ie w ic za) s p o tyk a ją się z taką sam ą, ostrą, re ak cją w ład z r o syjsk ic h .

M im o n ie zr oz u m iałe go m ilc ze n ia b ad ac zy i k r y ty k ó w w o k ół k sią żk i C happe'a d ’A u te r o ch e, jej a k tu a ln o ść (s z c ze g ó ln ie w k o n te k śc ie w y s tą p ie ń C ustine 'a, G ide'a c z y G rosm anna) jest z ais te z du m ie w ając a.

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