• Nie Znaleziono Wyników

L'église des dominicains de Colmar comme l'image de l'homme et de la société

N/A
N/A
Protected

Academic year: 2021

Share "L'église des dominicains de Colmar comme l'image de l'homme et de la société"

Copied!
19
0
0

Pełen tekst

(1)

ROZPRAWY

Sz c z ę s n y Sk i b i ń s k i

L’ÉGLISE DES DOMINICAINS DE COLMAR COMME

L’IMAGE DE L’HOMME ET DE LA SOCIÉTÉ

L’église des dom inicains de Colm ar a été créée p ar la jonction de deux p arties principales: de l’ensem ble de trois nefs e t du choeur polygonal al­ longé1. La forme de chacun de ces deux fragm ents a été accentuée de fa­ çon différente. Le choeur a été construit comme une chapelle term in ée à l’E st p ar un chevet à cinq pans d’octogone, avec des contreforts de l’exté­ rie u r e t voûtée à l’in térieu r, pleine de lum ière s’in filtra n t p a r de nom ­ breuses fenêtres, a u début probablem ent en forme de vitraux. L’aspect de la n ef est réalisé p a r d’au tres moyens. Le choeur est rem placée p a r la nef et deux bas-côtés. La n e f assez som bre s ’ouvre s u r le choeur bien éclairé. Aux m urs lisses qui encerclent la n e f s ’oppose la stru ctu re formée p a r la nervure des voûtes et les piliers du m u r o riental qui ferm e le choeur. Avec le choeur voûté contraste la n ef couverte de p late faîte et les bas-cô­ tés couverts de pans de couvertures obliques, propres au type de l’in té ­ rie u r en forme de «grange» il. 1-4.

Le type grange consiste d an s la spécificité de la form ation de l’espace halle ou de l’espace pseudobasilical. Cet espace p eu t être décrit de façon la plus adéquate comme espace produit p a r l’encerclem ent des m urs ex­ térieu rs qui p o rtaien t une grande faîte bâtière. La g ran d e distance en tre les m urs exigeait un soutien supplém entaire dans la construction por­ teu se du toit p a r u n m ur elevé su r les piliers, ce qui donna de façon n a tu ­ relle une disposition à tro is v aisseau x avec une relatio n sp atiale spécifi­ que en tre la n e f et les bas-côtés. La fonction de sup po rter le toit au-dessus de to u t l’in térieu r a été accentuée p a r la h a u te u r plus grande des m u rs s é p a ra n t l’in té rie u r en trois vaisseaux des m urs encerclants.

1 R. R e c h t , L ’Alsace gothique de 1300 à 1365, C olm ar 1974, p. 127-134; le choeur a été elevé en tre 1283 e t 1291, les nefs après 1320 avec une p ause dans les années 1330-1346.

(2)

1. Colmar, D om inicains, Vue de la n e f vers l’est. (D’après N orbert N ußbaum , Deutsche Kir­

chenbaukunst der Gotik, Köln 1985)

Les arcades en tre la nef e t les bas-côtés sont aussi plus h au tes des m urs ex térieurs des bas-côtés. Vu cette proportion de la h a u te u r des m urs en­ cerclants et de ceux qui sont en tre les vaisseaux, les bas-côtés ne

(3)
(4)
(5)
(6)

v aien t être couvertes que d’une seule façon: p ar les pans de couverture to m b an t obliquem ent dans la direction des m u rs encerclants. La pu reté de la disposition de type «grange» a été p erturbée p ar la couverture de la n e f p a r une faîte plate en bois. C ette faîte a été introduite pen d an t la re s­ ta u ra tio n en 1894. Il n ’est pas exclu que cette disposition prim itive é ta it conçue comme un type grange, c’est-à-dire avec une n ef couverte p ar le comble ouvert. D ans cette optique la fonction des m urs en tre les nefs sou­ te n a n t la construction du toit a p p a ra îtra it de façon évidente.

In dépendam m ent du fait que la disposition de type «grange», de l’é­ glise des dom inicains de C olm ar é ta it conservée à l’é ta t p u r ou modifiée, il e st im p o rtan t de n o ter la m ise en valeu r de la différence entre le choeur voûté et la couverture en bois de la nef. Ce contraste est souvent retrouvé dans l’arch itectu re des cloîtres des ordres m endiants, e t il peut se m an ifester d an s les divers types des nefs sans voûtes: comme par exem ple une seule grande n ef chez les dominicains de Siene ou dans une basilique voisinante de Guebwiller. Le type «grange» à Colm ar n ’e st pas exceptionnel p a r son contraste avec le choeur voûté. Ce qui est exception­ nel, c’e st la référence à l’arch itectu re p u rem ent u tilitaire, voire aux g ranges m édiévales.

La présence du type «grange» à l’église des dom inicains de Colmar p eu t être envisagée de différents points de vue. D’abord ce type est conforme à la règle propre aux églises dom inicaines de n ’introduire des voûtes qu’au-dessus du choeur et de la sacristie2. M ais ce principe n ’était pas p a rto u t respecté, on p eut donc conclure qu’il n ’é ta it pas obligatoire. S ans doute ceux qui s’éta ien t décidés à introduire la couverture en bois d an s le corps des nefs d’une église dom inicaine ou franciscaine étaient plus près de l’esp rit des ordres m endiants que ceux qui avaient intro­ duits des voûtes dans toute l’église.

Le problèm e de la présence des couvertures en bois dans les églises des ordres m endiants se laisse expliquer de façon plus sim ple m ais pas assez suffisante p a r la m anifestation architectonique de leu r caractère ascétique. Ceci s’est m anifesté en p articu lier dans l’église parisienne, église d’une trè s grande im portance pour to u t l’ordre dominicain. Pour ses besoins on av ait ad ap té u n ancien hôpital sans y effectuer de grands am énagem ents. D ans sa p artie orientale, plus large, on a réussi à isoler u n choeur des moines à p a rtir des deux bas-côtés. L’église des fidèles em ­ b ra s s a it alors le re ste de la large n e f Sud et la n ef Nord. Ces deux nefs é ta ie n t couvertes de comble. L’acceptation de la forme d’u n hôpital ad ap­ té, la tran sfo rm atio n m êm e de l’hôpital en église, la façon u tilitaire d’a ­ m énager l’in térieu r, une telle arch itectu re ro m pait avec la trad itio n de

2 W. S c h e n k l u h n , O rdines studentes. Aspekte z u r K irchenarchitektur der D om inika­

(7)

l’architecture sacrée et su rto u t monacale. Si à P aris les dom inicains av aien t rep ris u n ancien hôpital, le u r église à Toulouse s’inspire déjà de la disposition parisienne. E n c ertain sens l’arch itecture h o sp italière joua un rôle dans la form ation d’une forme spécifique d’u n des types de l’a r­ chitecture des dom inicains. W olfgang S chenkluhn in te rp rè te ceci comme le processus de la laïcisation de l’arch itectu re ou p lu tô t celui de l’éléva­ tion des formes propres à l’arch itecture laïque au ra n g de l’architecture sacrée. Il m entionne au ssi les b âtim en ts des collèges, des universités m ais au ssi les b âtim en ts de service, av an t to u t les granges. Il considère comme critère le choix de ces formes dans les églises m en d ian ts l ’u t i l i ­ t é tra ité e de façon idéologique3.

M ais il est im possible d’expliquer de la même façon la forme de l’é­ glise des dom inicains de Bologne. D ans cette basilique avec u n tran sep t, u n choeur rectang ulaire avec deux chapelles à côté, le choeur, le tra n se p t et la p artie o rien tale de la n ef ont été couverts de voûtes il. 5. L a p artie occidentale de la nef, destinée aux fidèles, é ta it dépourvue de voûtes. Comme l’église n ’existe plus, il est donc difficile de déterm in er le genre de la couverture en bois. La p artie occidentale de l’église dom inicaine de Piacenza, im itation du tem ple bolonais, est formé selon le type «grange». C o n trairem en t à de l’église parisienne, à Piacenza, c’est la forme de

l’é-0 10 20m

5. Bologna, Dominicains. P lan et coupe longitudinale. Selon Wolfgang Schenkluhn

(8)

glise m onacale, trè s proche du type de l’église cistersienne, qui est le point de d é p a rt pour d’au tre s im itations. Les références à l’architecture u tilitaire n ’av aien t été in tro d u its que dans la p artie destinée aux fidèles4. A vant le m ilieu du XIIIe d an s l’arch itectu re des ordres m endiants de l’Europe c en trale com m ençait à se propager le nouveau type du long choeur voûté, au d ébu t rectan g u laire et plus ta rd polygonal ferm é du côté E s t5. La jonction du choeur riche en forme d’une chapelle avec une n ef as­ cétique, m êm e si elle est conforme aux consignes, ne se laisse plus expli­ quer p a r la m an ifestatio n des tendances ascétiques, car l’espace voûté ne serv ait plus q u ’à em bellir l’autel. Les moines se te n a ie n t aussi dans l’es­ pace voûté du choeur, ce sont donc les fidèles qui occupaient l’espace as­ cétique de la nef, séparé du choeur p a r la jubé.

L’ap p aritio n et la genèse du long choeur dans l’architectu re des ordres m en d ian ts a été déjà bien expliquée. Deux in te rp ré ta tio n s de ce problème s’opposent: l’une qui sou tien t la création évolutive du long choeur à p ar­ tir de l’allongem ent du choeur court e t l’a u tre qui suppose la reprise de la forme de chapelle de la disposition d’une cathédrale6. C ette question nous im porte moins, c’est la distinction formelle en tre le choeur réservé aux m oines et la n e f destiné aux fidèles. Même d an s les cathédrales la place réservée a u ch apitre e t à l’évêque n ’é ta it pas si form ellem ent dis­ tinguée comme d an s les églises des ordres m endiants. Quel é ta it donc la cause de la form ation si rad icalem ent différente de la p a rtie sacerdotale e t de la p artie pour les fidèles? S ans doute une au tre vision, radicale­ m en t différente du type cath édral, du sens de l’église en ta n t que b âti­ m en t e t en ta n t qu’institu tio n.

La différenciation principale à Colm ar est constituée p a r le choeur voûté et la n ef en forme de la «grange». D ans le choeur même il y a une d istinction e n tre sa p a rtie orientale (autel) e t sa p artie occidentale (moines). Le rôle p rép o n d éran t de la p a rtie orientale est m arqué par la ferm etu re polygonale et p a r la présence des baldaquins; p a r contre dans la p a rtie d estinée aux moines les voûtes ont été appuyées s u r les cor­ beaux. La p a rtie où se trouve l’au tel ne se distingue que de trè s peu de la p a rtie m onacale, ceci ne d é tru it pas l’u n ité du choeur, ce qui veut dire que la p a rtie m onacale du choeur ne p eut pas être considéré comme un pont e n tre l’au tel e t la nef. L’absence de la stru c tu re dans le m ur perm et de faire un ce rtain rapp roch em en t avec, privés de stru ctu re, les m urs de la nef, m ais l’action des voûtes et de la lum ière dans le choeur déterm ine de façon décisive son rap p o rt avec le sanctuaire.

4 Ibid., pp. 86s.

5 A. G r z y b k o w s k i, D as Problem der Langchöre in Bettelordens-K irchen im östlichen M itteleuropa des 13. J a h rh u n d e rts , Architectura, t. 13, 2 (1983), pp. 152-168.

(9)

L’arch itectu re m êm e im pose une in terp réta tio n : la forme riche corre­ spond à l’a u te l et aux moines qui p ratiq u en t la liturgie, la sobriété corre­ spond à la n ef où se tien n en t les fidèles. Mais ces religieux qui sont assis au m ilieu de ce choeur architeconiquem ent riche font de la m endicité parm i ceux qui se tro u v en t dans un espace «pauvre»; de quel droit peu­ vent-ils donc se d resser architectoniquem ent au-dessus de leu rs bienfai­ te u rs et pourquoi ces d ern iers y consentent-ils? La hiérarch ie trad itio n ­ nelle de la forme qui correspond à la formule: le riche a u riche, est soit m al p résen tée (le riche a u pauvre), soit les term es riche et p au vre ou as­ cétique dans le sens arch itectu ral ne saisissen t pas l’essentiel, cest-à-dire caractérisent de façon im propre la situ atio n formelle de l’église des domi­ nicains de Colmar.

L’arch itectu re est le dom aine de la création artistiq u e qui ne se réfère pas en principe à l’ordre de la n atu re. M ais il est connu qu’on trouve déjà dans la théorie an tiq u e de l’architecture des indications s u r les sources n atu re lle s de la forme architectonique dont la justification de la propor­ tion des colonnes dans les ordres qui se référen t aux proportions du corps hum ain, données p a r V itruve. M ais on p eu t toujours dire que l’architec­ tu re, co n trairem en t à d ’au tre s formes de l’a rt, est dépourvue de fonction m im étique. Si l’homm e qui crée une oeuvre architectu rale n ’im ite pas la n atu re , n ’im ite p as ce qui lui est en certain sens extérieur, il est donc n é­ cessaire de reco n naître q u ’il s’exprim e lui-mêm e à trav ers l’architecture. Si nous poursuivons nos recherches dans un tel cham p, nous p ratiq u e­ rons l’anthropologie de l’architecture. V itruve, m entionné au p ara v an t, a in tro d u it une telle in te rp ré ta tio n anthropologique des colonnes dans son oeuvre. E n p a rla n t de l’ordre dorique il a com paré les proportions solides de ce genre des colonnes au corps m asculin, les proportions plus sveltes de l’ordre ionien à celles du corps m û r fém inin et l’ordre corynthien aux proportions du corps svelte d’une fille7.

Nous pouvons p arv en ir au sens anthropologique de l’arch itectu re m é­ diévale p a r des voies trè s différentes, à trav e rs les in terp réta tio n s ecclé- siologiques sav an tes de l’époque e t à trav ers les in terp rétatio n s contem ­ poraines psychanalytiques. P our u n histo rien de l’arch itectu re le sens qui reste e st celui celui qui résu lte du contact direct avec des oeuvres archi- tectoniques. Commençons p ar l’explication du sens de l’église à Colm ar à p a rtir de l’opposition m atérielle, la plus concrète, en tre le choeur et la nef, voire en tre leurs couvertures: la voûte en p i e r r e du choeur et la couverture en b o is de la nef.

7 L a dém arche anthropologique de l’urbanism e e t de l’architecture est présentée p ar J. R y k w e r t, The Idea o f a Town. The Antropology o f Urban Form in Rome, Italy an d the

A ncient World, C am bridge (M asachussetts), London 1995; v. aussi The D ancing Column. On Order in Architecture, C am bridge (M assachusetts), London 1996.

(10)

Le bois e t la pierre sont deux élém ents principaux de construction, qui - au-delà de leurs valeu rs usuelles évidentes - sont à la source d’une pro­ fonde et large symbolique. Elle n ’a tte ig n a it sa plénitude que si les deux m a téria u x é ta ie n t présen ts dans une construction ou dans un ensemble de construction. Selon R ykw ert «la forme la plus prim itive qu’on connaît d’u n endroit sacré est le bois sacré e t la pierre sacré réunis dans un seul endroit, l’univers en m iniature: ce qui pousse e t m e u rt réu n i avec ce qui e st p erm a n en t et indestructible»8. C ette plénitude qui est réalisée p ar la jonction du bois avec la p ierre révèle la plus ancienne architecture égéenne. Même si elle e st en principe faite de pierre, elle adm et aussi d’im p o rtan ts élém ents en bois: au-dessus des piliers de l’étage le plus bas on d re ssa it des colonnes en bois dont l’usage ne s’explique pas seulem ent p a r les valeurs usuelles9. D ans la colonne elle-même, même si elle était seulem ent en pierre, son caractère organique p rim itif p ersistait toujours à trav e rs les décorations végétales ou dans un sens anthropologique que nous retrouvons chez Vitruve.

D ans la trad itio n jud aïq u e la réunion de la pierre e t du bois ap paraît d an s une im age profondém ent symbolique de l’arche, coffre en bois p ré­ p arée p a r de pieux juifs selon les consignes divines de la conservation des tables de pierre avec les dix com m andem ents. L’opposition bois/pierre dé­ signe d ’abord une opposition: divin/hum ain, fait p a r la m ain divine/ fait p a r la m ain hum aine. La v aleu r sacrée de la p ierre est soulignée de façon p articulière dans YExode (20,24): «Mais si tu me fais u n au tel de pierres, tu ne b â tira s pas en p ierres de taille, car en y p a ssa n t ton ciseau, tu les profanerais»10. L a pierre p a r la solidité du m a té ria u et la perm anence de sa forme prim itive révèle quelque chose qui dépasse la fragilité de l’être hum ain: la façon absolue d’ex ister11. Tailler, tran sfo rm er sa forme ce se­ r a it de la tr a ite r comme u n sim ple m atériau. Ce n ’est pas la pierre qui est l’objet du culte, le culte se réfère à ce que la pierre exprime et in ­ carn e12. Les rela tio n s e n tre le bois e t la p ierre qui se m o n tren t dans l’i­ mage de l’arche sont to u t de même plus compliquées qu’u n simple ra p ­ p o rt d’opposition. P ierre de Celles, abbé de l’abbaye de sa in t Rémy à Reims, in itia te u r de la reconstruction gothique de cette fam euse église,

8 J. R y k w e r t, O rnament ist kein Verbrechen. Architektur als K unst, Kôln 1983, p. 51. 9 T. W u j e w s k i, Sym bolika architektury greckiej, Poznan 1995, p. 45.

10 T outes les citations de la Bible d’après la Traduction oecuménique de la Bible, Al­ liance Biblique - Le Cerf, P aris 1982.

11 M. E l i a d e , T ra kta t o historii religii, W arszaw a 1966, p. 215 (Traité d ’histoire des

religions, P aris 1949).

12 L ’h isto ire de Jacob de la Genèse (28, 11-19) en est une exemplification parfaite: «Il fu t su rp ris p a r le coucher du soleil en un lieu où il p assa la nuit. Il p rit une des pierres de l’endroit, en fit son chevet et coucha en ce lieu. Il eu t un songe: voici qu’était dressée su r te rre une échelle dont le som m et touchait le ciel; des anges de Dieu y m ontaient e t y

(11)

donna une explication m ystique et m orale des tables de Moïse. L’arche, exécutée en bois S ethim où sont conservées les tables de pierre avec les dix com m andem ents, e st considérée comme une allégorie «du corps divin conçue dans les en trailles du sein virginal»13. D ans l’in terp réta tio n de P ierre de Celles l’opposition pierre/bois exprim e aussi l’an tith èse di­ vin/hum ain, esprit/corps e t p a r conséquent m asculin/fém inin. Mai il ne s’agit pas d’u n sim ple principe de coincidentio oppositorum u . D ans l’allé­ gorie du coffre en bois, P ierre de Celles voit le corps de l’hom m e qui dé­ tie n t ou voile son âme, m ais ce n ’e st pas la conception platonicienne du corps comme prison, cette vision e st plus proche des paroles de sain t P aul (I Cor. 15,46) «le sp irituel n ’est pas le prem ier, c’est ce qui est n a tu ­ rel; ce qui est spiritu el vien t ensuite».

Les m êm es conclusions, m ais dues à d’au tre s prém isses, sont l’oeuvre de S. F reud qui a bien saisi l’essence du bois en expliquant la symbolique de la maison: «Le peuple s’exprim e au ssi d’au tre m anière, en disant: elle a beaucoup de bois d evan t la m aison - pour nous aid er à constater que le bois re ste u n symbole fém inin, m ate rn el... Nous ne com prenons pas comment il est devenu le symbole du fém inin, de la m atern ité. La confrontation des langues peu t nous être utile. Le mot allem and Holz (bois) e st supposé de posséder la même origine que le mot grec Hyle dési­ g n an t la m atière, p ro d u it de b ase... Le term e m atière vient de mater, mère»15. Ce court tex te de F reud placé dans le chapitre «La symbolique dans le rêve» nous in tro d u it bien dans notre question, il m ontre comment la sphère symbolique organise ce qui découle de l’ordre n a tu re l, externe à l’égard de l’homm e et de l’ordre in tern e, psychique.

Si le bois présente un aspect m atériel et féminin, la pierre p a r rap p o rt à celui-ci e t p a r sa n atu re , p a r ses qu alités présen te u n aspect spirituel, descendaient. Voici que le S eigneur se te n a it près de lui e t dit: «Je suis le Seigneur, Dieu d ’A braham ton père e t D ieu d’Isaac. L a te rre su r laquelle tu couches, je la donnerai à toi et à ta descendance. T a descendance se ra pareille à la poussière de la terre. Tu te rép an d ras à l’ouest, à l’est, au nord e t au sud; en toi e t en ta descendance seront bénies to u te s les fa­ milles de la te rre. Vois! J e suis avec toi et je te g ard erai p arto u t où tu iras et je te ferai re­ v enir vers cette te rre car je ne t ’abandonnerai pas ju sq u ’à ce que j ’aie accompli to u t ce que je t ’ai dit.« Jacob se réveilla de son sommeil e t s’écria: »Vraiment, c’e s t le S eigneur qui est ici e t je ne le savais pas!« Il eu t p eu r e t s’écria: »Que ce lieu est redoutable! Il n’e s t a u tre que la m aison de Dieu, c’est la porte du ciel.« Jacob se leva de bon m atin, il p rit la pierre dont il av a it fait son chevet, l’érigea en stèle e t versa de l’huile au somm et. Il appela ce lieu Béthel. Béthel, m aison de D ieu, est en m êm e tem ps le nom divin e t une dénom ination de la pierre sacrée, bétyle; M. E l i a d e , op. cit., p. 227-228.

13 P. C e l l e n s i s , M osaici Tabernaculi M ystice et M oralis Expositio, P atrologia L atina, t. 202, ch. 1055.

14 Cf. C. G. J u n g , Psychologische Typen, in Gesammelte Werke, t. VI, O lten, F reiburg i. B. 1986.

15 S. F r e u d , Wstęp do psychoanalizy (Vorlesungen z u r E in fü h ru n g in der Psychoana­

(12)

m asculin. C et aspect a été très bien relevé p a r K arl Kerényi in te rp ré ta n t une stelle fu n éraire (phallique) de L isandre A lexandros dont la forme d an s le cas du tom beau fém inin p eut étonner. Il a dém ontré que la stelle phallique en p ierre vu sa forme et son m a té ria u constitue le symbole de l’âm e im m ortelle dont l’im m ortalité rep résen t acit l’aspect m asculin dans l’âm e fém inine16. E n général, la jonction de la pierre e t du bois symbolise la p lén itu de grâce à la réunion de deux aspects: du m atériel et du sp iri­ tuel, du fém inin e t du m asculin.

On p eu t se dem ander su r le sens du reto u r à ces significations archi- tectoniques de base d an s le cas de l’a rch itectu re gothique vers 1300. Ce re to u r est selon moi indispensable, car cette forme architectonique ne ré ­ su lte pas du développem ent «naturel» de l’arch itectu re gothique m ais de l’in te rp ré ta tio n symbolique rad icalem en t différente de l’église.

Il ne s ’ag it pas ici de d iscu ter la symbolique de l’église chrétienne. D ans les tra v a u x des exegètes du Moyen Age et des historiens de l’archi­ te c tu re qui se réfèren t à la m éthode iconologique c’e st l’in terp réta tio n de l’église m édiévale conçue comme l’im age de la Jé ru sa le m C éleste qui do­ m in e17. L a référence à cette m étaphore u rb an istiq u e est justifiée, ne se­ rait-ce que, p a r le tex te de la consécration d’une église «Urbs beata Hye-

rusalem». A dm ettons que cette in terp réta tio n est dans une certaine

m esure ad éq u ate à la forme cathédrale, m ais elle ne tra d u it pas la spéci­ ficité de la form e de l’église des dom inicains de Colm ar e t d’au tre s églises des ordres m en d ian ts. M ême si la form ule de consécration é ta it aussi chantée, évoquant le symbole de la Jé ru sa le m C éleste, c’est n ’est pas ce- lui-là qui décide de la forme essentielle de l’église.

D ans le term e ecclesia - église e st contenu en p rem ier lieu u n sens so­ cial; d an s le sens plus re stre in t, il s’ag it de la com m unauté chrétienne et d an s le sens plus larg e de l’église universelle. Le même term e désigne bâ­ tim e n t où se ré u n it la com m unauté, où se révèle la présence de Dieu. A tra v e rs le réseau des m étaphores architectoniques, l’église acquiert u n e dim ension anthropologique ce qui est confirmé p a r les textes évangé­ liques «Tu es P ierre, e t su r cette p ierre je b â tira i mon Eglise» (M ath. 16,18) ou p a r les paroles de sa in t Paul. D’au tre p art, les conceptions or­ ganiques de l’organisation sociale, héritées de l’an tiqu ité, com parent to u te la société aux p arties hiérarchiq uem en t ordonnées du corps de l’homm e. L a flexibilité des niveaux in terp rétatifs, e t p eu t-être la polyva­ lence du term e ecclesia, ajoutées à la recherche m édiévale de l’union du micro- et du macrocosme, font que ecclesia conçue au sens social et ecclesia

16 K. K e r é n y i , H erm es przew odnik dusz. M itologem źródła życia mężczyzny. W arsza­ w a 1993, pp. 58-60 (H erm es der S eelenfiihrer. D as Mythologem von m ânnlichen Lebens- sprung, E ranos-Jahrbuch, 1942, Zürich 1943.)

17 H. S e d l m a y r , Die E n tstehung der Katedrale, Zürich 1950; M. B ü c h s e l , „Ecclesiae sym bolorum cu rsu s com pletus”, Stadeł-Jahrbuch, 1983, pp. 69-89.

(13)

conçue au sens architectonique se retrouvent dans ecclesia anthropologique. Si sain t P aul dit en recourant aux m étaphores corporelles pour présenter les structures de l’église: «comme nous avons plusieurs membres en un seul corps et que ces m em bres n’ont pas tous la même fonction” (Rm. 12,4), ou: «à plusieurs, nous sommes un seul corps en C hrist, é ta n t tous membres les uns des autres», D urandus de Mende constate au XIIIe siècle que l’église matérielle, voire architectonique, imite dans la disposition de ses parties le corps h um ain18. Au XIVe siècle, le moine d’Avignon, Opicinus de Canistris inscrit à son tou r de u n schéma géométrique l’église19 dans la silhouette d’une femme personifïant Ecclesia.

Les m étaph ores corporelles renvoyant à l’organisation de la société ont été fort développés dans l’oeuvre de J e a n de S alisbury Policraticus. L’é ta t y est com paré au corps, le prince à la tê te, le sén at au coeur, les juges et les gouverneurs des provinces aux yeux, aux oreilles et à la la n ­ gue. Les officiers et les soldats peuvent être com parés aux m ains. A la hiérarch isatio n des p arties de la société correspond un corps h ié ra rch i­ quem ent organisé e t gouverné p a r la tête, siège de l’âm e20.

D ans les m étaphores ecclésiologiques l’Eglise est vue comme le corps du C h rist e t le C h rist e st vu comme la tê te de l’Eglise. D ans cette in te r­ p réta tio n anthropologique de Yecclesia persiste la réunion de l’aspect m a­ tériel, corporel et spirituel. D ans ce sens la relatio n en tre l’Eglise et le C h rist correspond a u rap p o rt en tre le corps et l’âm e, et selon les m é ta­ phores corporelles en tre le corps et la tê te où la tê te est le siège de l’âme.

Comme nous l’avons m entionné avant: le corps (le m atériel) et l’esp rit sont contenus d an s l’opposition fém inin/m asculin, ce qui est dit dans les paroles de sa in t Paul: «Car le m ari est le chef21 de la femme, to u t comme le C h rist est le chef de l’Eglise, lui le Sauveur de son corps» et «c’est ainsi que le m ari doit aim er sa femme, comme son propre corps. Celui qui aime sa femme, s’aim e lui-même». Si le ra p p o rt en tre le C h rist e t l’Eglise cor­ respond aux liens conjugaux, le C hrist prend dans cette relation la place d’un hom m e et l’Eglise celle d’une femme. C ette alégorie nous conduit di­ rectem ent a u Cantique des cantiques et aux significations que lui don­ n en t l’Ancien et le N ouveau T estam ent.

La rela tio n en tre le C h rist et l’Eglise é ta it riche en com m entaires et en in terp ré ta tio n s donnés au Cantique des Cantiques. L’Epoux est id en ti­ fié avec le C h rist et l’Epouse avec l’Eglise. Les in terp rétatio n s allégori­ 18 J. S a u e r , Sym bolik des K irchengebaudes un d seiner A u ssta ttu n g in der A u ffa ssu n g

des Mittelalters, Freiburg i. B. 1924, pp. 110-112; J. R y k w e r t, The Dancing Column, p. 39.

19 O. von S im s o n , The Gothic Cathedral, New York 1956, pp. 21-22.

20 J. Le G o ff, H ead or Heart? The Political Use o fB o d y M etaphors in the M iddle Ages, in: Fragm ents for a History o f the H um an Body, P a r t T hree, ed. Michel F eher, New York 1989, pp. 13-26.

(14)

6. V au le ran t (Seine-et-Oise), G range cistercienne (D’après W alter H orn, E rn e st Born, The

B arn o f the Cistercian Grange o fV aulerent, F estschrift U lrich Middeldorf, Berlin 1968)

ques chrétien nes pou rsu iven t les explications juives où le rap p o rt entre l’Epoux et l’Epouse est in terp rété comme celui de JAHVE avec le peuple élu. D ans la p résen ta tio n du C ouronnem ent Céleste M arie-Epouse est identifiée avec Ecclesia. D ans les descriptions de l’Epoux et de l’Epouse, l’a u te u r du C an tiqu e se réfère aux m étaphores architectoniques. L’une p arm i elles contenue dans les paroles de l’Epoux s’a d re ssa n t à l’Epouse: «ton abdom en est un m onceau de blé (Venter tu u s sicut acervus tritici)» (7,3). M ême si elle ne relève pas directem ent de l’architecture, nous p a­ r a ît trè s im portante. Le sens du term e acervus ren d plus riche le verbe

acervo (réun ir, ram asser, aggrandir). En ce sens acervus désigne un

am as, u n m eule. M ais chez C aton (Agr. 52) ce term e est utilisé dans le sens d’une construction architectonique effectuée en bois (acervum ligno-

ru m facito) pour couvrir le blé en tassé il. 6-8.

Le v en tre de l’Epouse com paré au m eule se référait au sens prem ier à deux fonctions principales de la femme: de la détentrice de la vie et de la donnatrice de la n o u rritu re. E n ce sens l’allégorie du blé ou de la grange contient deux aspects de la fém inité: la conservation de la semence et des grains. Si la n o u rritu re e t la sexualité qu’incarne cette vision de la

(15)

fémi-7. V aulerent, Vue in té rieu re de la grange (D’après W alter Horn, E rn e st Born, op. cit.)

n ité sont tra ité e s comme ennem i de l’esp rit22, elles possèdent dans le sens ecclésiologique une valeu r positive, elles servent à l’élargissem ent de l’Eglise. Le verbe acervo - ram asser, réu nir, aggrandir - fait explicite­ m ent appel aux connotations ecclésiologiques. Ainsi le rap p o rt le C hrist/l’Eglise exprim e la relation union/pluralité.

La com paraison du ventre de l’Epouse au m eule fait p enser à Policra-

ticus, à la com paraison anatom ique des com m erçants aux entrailles. Les

re p ré se n ta n ts de ce groupe, indispensables pour l’organism e, s’ils obéis­ sen t à l’avidité et au goût de s’enrichir et non à la morale, ils sont compa­ rés à l’estom ac vorace et aux in te stin s bouchés. Il fau t préciser que la condam nation de cette couche a lieu seulem ent a u m om ent où elle p er­ tu rb e l’harm onie de to u t l’organism e social23.

P a r ra p p o rt au systèm e compliqué de J e a n de Salisbury, h érité de la tra d itio n antique, il y a au Moyen Age des systèm es plus sim ples pour déterm iner la stru c tu re de l’organism e social. La façon bipolaire, typique

22 R. P r z y b y l s k i , Pustelnicy i demony, Kraków 1994, pp. 62s.

2'! R. S e n n e t , Ciało i kam ień. Człowiek i m iasto w cywilizacji Zachodu, (Flesh and

(16)

8. P arçay M eslay (Indre-et-Loire), V ue in té rieu re de la g range cistercienne (D’après W alter H orn, E rn e st Born, The P lan o fS t. Gall, Berkeley-Los Angeles-London 1979)

à l’organ isatio n m édiévale de la réalité , désignée p a r la formule ora

et labora divisan t la société en oratores e t laboratores. De la tra d i­

(17)

com battent24. La division de la société à l’in s ta r du corps s’est fort donc compliquée p a r ra p p o rt aux propositions b ip a rtites de J e a n de Salisbury. Mais le systèm e trip a rti, plus approprié à la description de la situation sociale, ne pouvait pas faire reculer le goût binaire bien enraciné d ans la trad itio n chrétienne. La façon b inaire de voir la réalité est u n procédé universel grâce auquel il est possible de retro u v er le principe universel de coincidentio oppositorum. Ce principe c’est av an t to u t l’opposition en­ tre l’e sp rit e t la m atière, en tre l’âm e e t le corps, en tre m asculin et fém i­ nin, seulem ent l’union de ces deux élém ents p eu t donner la plénitude. C haque existence est une composition de l’élém ent actif sp iritu el e t de l’élém ent p assif m atériel ou corporel25.

La disposition sp atiale de l’église des frères m en d ian ts et en p articu ­ lier celle de Colm ar résu lte selon nous de la revalorisation de l’idée de l’é­ glise dans sa forme architectonique. Les in terp rétatio n s symboliques de l’église m atérielle ont été bien developpé p a r les exegètes du Moyen Age. La p lu p a rt de ces in te rp ré ta tio n s re ste actuelle pour chaque église indé­ pen d am m en t de sa forme architectonique. Mais comme nous l’avons déjà vu, la disposition de l’église avec de la n e f de type «grange» e t le choeur voûté n ’est pas l’effet de l’évolution stylistique natu relle, m ais elle consti­ tu e une conception artistiq u e nouvelle de l’église ouvertem ent opposée au type cathédral. A la cathédrale gothique, connue comme la Jéru salem Céleste, s’oppose l’arch itectu re qui exprim e u n sens anthropologique et social de l’église. Le type de l’église, comme celle de Colmar, d ans sa dif­ férenciation en deux parties principales: la n ef et le choeur, correspond dans le sens anthropologique à l’im age de l’homme: «Ne savez-vous pas que vou êtes le tem ple de Dieu e t que l’E sp rit de D ieu h ab ite en vous» (I Cor. 3,16). C hacun des fidèles, dans sa stru ctu re spirituelle et corpo­ relle, rev it donc la relatio n qui existe en tre le C h rist e t l’Eglise. D ans le sens anthropologique le choeur à l’église correspond a u côté spirituel, voire m asculin de l’homme, la nef de type «grange» correspondent au côté corporel, voire fém inin26. Ainsi, l’église reste une im age de de l’homm e et de l’univers, de sa stru c tu re spirituelle et m atérielle.

Si l’église m atérielle reste une im age de l’homme, elle est égalem ent une im age de la société, de sa division b ip artite en oratores et labora-

tores. Les prem iers agissent dans le dom aine de l’esprit, vivent dans le

24 J. Le G o ff, S a in t Louis, P aris 1996, p. 642s.

25 K. P o m i a n , Przeszłość ja k o przedm iot wiary, W arszaw a 1968.

26 La terminologie médiévale (et non seulem ent médiévale) concernant les parties de l’é­ glise le m ontre d’une façon représentative. Chez Pierre de Celles le choeur s’appelle c a p u t, les nefs: v e n t e r , P.L., 202, ch.160. D ans Gesta abbatum Trudonensium de XTVe siècle, le choeur c’est de même: c a p u t , mais les nefs: u t é r u s , J. Sauer, op. cit., p. 111. Chez Hugues de S aint Victor le passage des nefs vers le choeur et plus loin dans le sanctuaire signifie le dé­ pouillem ent de la corporalité dans son sens sexuel: «sacrariam significat ordinem virginum, chorus ordinem continentium , navis ordinem conjugatorum», P.L.,177, ch. 902.

(18)

célibat et renoncent à toute propriété; ils rep résen ten t la sublim ation du sp iritu el e t d u m asculin. Le principe de pauvreté c’est labandon du m a té ­ riel. Les dom inicains et les franciscains su b sisten t grâce à l’aumône, les b âtim en ts, les parcelles qu’ils occupent ne sont pas leur propriété, ils ne font que les utiliser. Ce qui est nécessaire à l’existence est reçu comme l’aum ône de la p a r t de ceux qui agissent dans le domaine m atériel, pro­ ducteur, v isan t à la satisfaction des besoins corporels. Cette division en

oratores et laboratores qui possède une dim ension universelle, ecclésiolo-

gique, prend de l’im portance et de l’actu alité dans les villes où agissent les ordres m endiants. Ainsi la ville retrouve une stru ctu re qui est propre à to u te la société au sens ecclésiologique. La p lu p a rt de ses h ab itan ts est constituée p a r ceux qui s’occupent de la production, qui ag issen t dans le dom aine m atériel, qui sont l’estom ac ou les en trailles de l’organism e; les ordres m en dian ts sont la tête e t in carn en t l’aspect spirituel. S aint Bona- ven tu re, co ntrairem ent aux idées de sa in t François, sou ten ait que les franciscains ne devraien t pas s’occuper du tra v a il physique même pour satisfaire ses besoins vitaux; le sp iritu el ne dev rait pas e n tre r en rapport avec le m atériel. P a r l’union de l’élém ent spirituel qui ne pouvait aboutir à une telle sublim ation que dans les couvents citadins e t de l’élém ent m atériel qui est le principe même du fonctionem ent d’une ville, une sorte de p lénitude se réalise. La ville san s ordre m endiant est incomplète, seu­ lem ent les villes les plus pauvres en é ta ie n t privées.

La symbiose du sp irituel e t du m atériel pouvait donner la naissance à u ne nouvelle conception architectonique de l’église où la relation entre le choeur et les nefs correspond à la relation en tre deux groupes des cita­ dins. Les oppositions sp iritu el/m atériel, m asculin/fém inin p erm etten t de com prendre pourquoi ceux qui m ain tien n en t les frères m endiants ne s’opposent pas à le u r présence dans le choeur isolé et d’une qualité bien su p érieu re à celle de la nef. Les moines tien n en t à l’église la place de la tê te, siège de l’âm e; les fidèles se trou vent dans la nef, conçue comme le corps. B ern ard de C lairvaux désigne les fidèles comme populus carna-

lis27. La conscience de la plénitude, effectué après l’union de l’aspect spi­

ritu e l et corporel qui ne sont pas pour a u ta n t contam inés, perm et aux ci­

ta d in s d’accepter l’élévation architectonique des moines qu’ils

e n tre tien n en t.

Au début du X IIIe siècle sont créées les prem ières universités dont les plus im p o rtan tes sont les universités de P aris et de Bologne. Les ordres m en d ian ts dont les dom inicains p ren n en t la responsabilité de la faculté théologique, une des plus im p o rtan tes. Les facultés théologiques étaien t souvent fondées à la base du collège général des m endiants. Ainsi les

27 S ancti B e rn h a rd i Apologia ad G uillelm um sancti Theodorici abbatem , P.L., 182, szp. 895-918.

(19)

études m onacales se déroulaient au sein de l’un iv ersité28. Ainsi, la cité médiévale a incorporé a qui a p p a rte n a it au dom aine sp iritu el san s ap- parte n iz à l’u nivers monacal.

Le caractère sp iritu el des ordres m end ian ts, su rto u t des franciscains, prend un sens particu lie dans le contexte des prophéties de Joachim del Fiore où selon sa vision de l’histo ire le pouvoir p a sse ra dans son ultim e période, celle du Royaume du S ain t E sprit, aux m ains des m oines agis­ sa n t selon les consignes de l’Evangile éternelle. Les hommes pourront se consacrer à la vie contem plative, car la nécessité de trav a iller d isp araîtra et p ar conséquent la notion de propriété. Ce changem ent sera incarné p a r u n nouvel ordre qui renonce aux biens et respecte le principe évangé­ lique de pauvreté. Il e st clair que les visions de Joachim del Fiore avaient trouvé u n vif accueil parm i les franciscains. D ans les opinions de béguins la vision de la Nouvelle Eglise ecclesiae spiritualis é ta it opposée à l’Eglise Romaine désignée comme ecclesia carnalis29.

28 J. K ło c z o w s k i, W spólnoty chrześcijańskie. Grupy życia wspólnego w chrześcijań­

stwie zachodnim od starożytności do X V wieku, Kraków 1964, s. 333 nn.

Cytaty

Powiązane dokumenty

L’ćcart identique chez les femelles et les males est constatś seulement dans la longueur du profil du crane, tandis que les autres traits de mesurage dśmontrent entre les sexes

Comme la différence des temps d’arrivée se mesure avec une précision de quelques picosecondes (10 -12 ), le VLBI donne la position relative des antennes à quelques mm près et

Dans le cas du tremblement de terre à Liège en 1983, même si une ori- gine naturelle doit être envisagée, on peut aussi se poser la question du rôle qu’a pu jouer la

Pour les caract` eres d’ordre pair, nous ne pouvons ´ etablir un tel r´ esultat qu’en nous restreignant aux caract` eres pour lesquels les conducteurs de χ 2 restent born´ es

Zaskoczony spokojnym przeprowadzaniem akcji powrotu unitów do pra- wosławia papież Grzegorz XVI (1831-1846) nie podjął w zasadzie konkret- nych działań na rzecz powstrzymania lub

Nous croyons que ce qui décide du caractère inform atif de la dite note, et en consequence perm et d ’établir un rapport d ’équivalence entre l ’intention de l

A challenging signal processing problem is the blind joint space- time equalization of multiple digital signals transmitted over mul- tipath channels.. This problem is an abstraction

A titre illus- tratif, le nombre d’abonnés à la large bande fixe (Internet haut débit) est de 5 pour 100 habitants dans les pays en voie de développement contre 25 pour 100 habi-