ROZPRAWY
Sz c z ę s n y Sk i b i ń s k i
L’ÉGLISE DES DOMINICAINS DE COLMAR COMME
L’IMAGE DE L’HOMME ET DE LA SOCIÉTÉ
L’église des dom inicains de Colm ar a été créée p ar la jonction de deux p arties principales: de l’ensem ble de trois nefs e t du choeur polygonal al longé1. La forme de chacun de ces deux fragm ents a été accentuée de fa çon différente. Le choeur a été construit comme une chapelle term in ée à l’E st p ar un chevet à cinq pans d’octogone, avec des contreforts de l’exté rie u r e t voûtée à l’in térieu r, pleine de lum ière s’in filtra n t p a r de nom breuses fenêtres, a u début probablem ent en forme de vitraux. L’aspect de la n ef est réalisé p a r d’au tres moyens. Le choeur est rem placée p a r la nef et deux bas-côtés. La n e f assez som bre s ’ouvre s u r le choeur bien éclairé. Aux m urs lisses qui encerclent la n e f s ’oppose la stru ctu re formée p a r la nervure des voûtes et les piliers du m u r o riental qui ferm e le choeur. Avec le choeur voûté contraste la n ef couverte de p late faîte et les bas-cô tés couverts de pans de couvertures obliques, propres au type de l’in té rie u r en forme de «grange» il. 1-4.
Le type grange consiste d an s la spécificité de la form ation de l’espace halle ou de l’espace pseudobasilical. Cet espace p eu t être décrit de façon la plus adéquate comme espace produit p a r l’encerclem ent des m urs ex térieu rs qui p o rtaien t une grande faîte bâtière. La g ran d e distance en tre les m urs exigeait un soutien supplém entaire dans la construction por teu se du toit p a r u n m ur elevé su r les piliers, ce qui donna de façon n a tu relle une disposition à tro is v aisseau x avec une relatio n sp atiale spécifi que en tre la n e f et les bas-côtés. La fonction de sup po rter le toit au-dessus de to u t l’in térieu r a été accentuée p a r la h a u te u r plus grande des m u rs s é p a ra n t l’in té rie u r en trois vaisseaux des m urs encerclants.
1 R. R e c h t , L ’Alsace gothique de 1300 à 1365, C olm ar 1974, p. 127-134; le choeur a été elevé en tre 1283 e t 1291, les nefs après 1320 avec une p ause dans les années 1330-1346.
1. Colmar, D om inicains, Vue de la n e f vers l’est. (D’après N orbert N ußbaum , Deutsche Kir
chenbaukunst der Gotik, Köln 1985)
Les arcades en tre la nef e t les bas-côtés sont aussi plus h au tes des m urs ex térieurs des bas-côtés. Vu cette proportion de la h a u te u r des m urs en cerclants et de ceux qui sont en tre les vaisseaux, les bas-côtés ne
v aien t être couvertes que d’une seule façon: p ar les pans de couverture to m b an t obliquem ent dans la direction des m u rs encerclants. La pu reté de la disposition de type «grange» a été p erturbée p ar la couverture de la n e f p a r une faîte plate en bois. C ette faîte a été introduite pen d an t la re s ta u ra tio n en 1894. Il n ’est pas exclu que cette disposition prim itive é ta it conçue comme un type grange, c’est-à-dire avec une n ef couverte p ar le comble ouvert. D ans cette optique la fonction des m urs en tre les nefs sou te n a n t la construction du toit a p p a ra îtra it de façon évidente.
In dépendam m ent du fait que la disposition de type «grange», de l’é glise des dom inicains de C olm ar é ta it conservée à l’é ta t p u r ou modifiée, il e st im p o rtan t de n o ter la m ise en valeu r de la différence entre le choeur voûté et la couverture en bois de la nef. Ce contraste est souvent retrouvé dans l’arch itectu re des cloîtres des ordres m endiants, e t il peut se m an ifester d an s les divers types des nefs sans voûtes: comme par exem ple une seule grande n ef chez les dominicains de Siene ou dans une basilique voisinante de Guebwiller. Le type «grange» à Colm ar n ’e st pas exceptionnel p a r son contraste avec le choeur voûté. Ce qui est exception nel, c’e st la référence à l’arch itectu re p u rem ent u tilitaire, voire aux g ranges m édiévales.
La présence du type «grange» à l’église des dom inicains de Colmar p eu t être envisagée de différents points de vue. D’abord ce type est conforme à la règle propre aux églises dom inicaines de n ’introduire des voûtes qu’au-dessus du choeur et de la sacristie2. M ais ce principe n ’était pas p a rto u t respecté, on p eut donc conclure qu’il n ’é ta it pas obligatoire. S ans doute ceux qui s’éta ien t décidés à introduire la couverture en bois d an s le corps des nefs d’une église dom inicaine ou franciscaine étaient plus près de l’esp rit des ordres m endiants que ceux qui avaient intro duits des voûtes dans toute l’église.
Le problèm e de la présence des couvertures en bois dans les églises des ordres m endiants se laisse expliquer de façon plus sim ple m ais pas assez suffisante p a r la m anifestation architectonique de leu r caractère ascétique. Ceci s’est m anifesté en p articu lier dans l’église parisienne, église d’une trè s grande im portance pour to u t l’ordre dominicain. Pour ses besoins on av ait ad ap té u n ancien hôpital sans y effectuer de grands am énagem ents. D ans sa p artie orientale, plus large, on a réussi à isoler u n choeur des moines à p a rtir des deux bas-côtés. L’église des fidèles em b ra s s a it alors le re ste de la large n e f Sud et la n ef Nord. Ces deux nefs é ta ie n t couvertes de comble. L’acceptation de la forme d’u n hôpital ad ap té, la tran sfo rm atio n m êm e de l’hôpital en église, la façon u tilitaire d’a m énager l’in térieu r, une telle arch itectu re ro m pait avec la trad itio n de
2 W. S c h e n k l u h n , O rdines studentes. Aspekte z u r K irchenarchitektur der D om inika
l’architecture sacrée et su rto u t monacale. Si à P aris les dom inicains av aien t rep ris u n ancien hôpital, le u r église à Toulouse s’inspire déjà de la disposition parisienne. E n c ertain sens l’arch itecture h o sp italière joua un rôle dans la form ation d’une forme spécifique d’u n des types de l’a r chitecture des dom inicains. W olfgang S chenkluhn in te rp rè te ceci comme le processus de la laïcisation de l’arch itectu re ou p lu tô t celui de l’éléva tion des formes propres à l’arch itecture laïque au ra n g de l’architecture sacrée. Il m entionne au ssi les b âtim en ts des collèges, des universités m ais au ssi les b âtim en ts de service, av an t to u t les granges. Il considère comme critère le choix de ces formes dans les églises m en d ian ts l ’u t i l i t é tra ité e de façon idéologique3.
M ais il est im possible d’expliquer de la même façon la forme de l’é glise des dom inicains de Bologne. D ans cette basilique avec u n tran sep t, u n choeur rectang ulaire avec deux chapelles à côté, le choeur, le tra n se p t et la p artie o rien tale de la n ef ont été couverts de voûtes il. 5. L a p artie occidentale de la nef, destinée aux fidèles, é ta it dépourvue de voûtes. Comme l’église n ’existe plus, il est donc difficile de déterm in er le genre de la couverture en bois. La p artie occidentale de l’église dom inicaine de Piacenza, im itation du tem ple bolonais, est formé selon le type «grange». C o n trairem en t à de l’église parisienne, à Piacenza, c’est la forme de
l’é-0 10 20m
5. Bologna, Dominicains. P lan et coupe longitudinale. Selon Wolfgang Schenkluhn
glise m onacale, trè s proche du type de l’église cistersienne, qui est le point de d é p a rt pour d’au tre s im itations. Les références à l’architecture u tilitaire n ’av aien t été in tro d u its que dans la p artie destinée aux fidèles4. A vant le m ilieu du XIIIe d an s l’arch itectu re des ordres m endiants de l’Europe c en trale com m ençait à se propager le nouveau type du long choeur voûté, au d ébu t rectan g u laire et plus ta rd polygonal ferm é du côté E s t5. La jonction du choeur riche en forme d’une chapelle avec une n ef as cétique, m êm e si elle est conforme aux consignes, ne se laisse plus expli quer p a r la m an ifestatio n des tendances ascétiques, car l’espace voûté ne serv ait plus q u ’à em bellir l’autel. Les moines se te n a ie n t aussi dans l’es pace voûté du choeur, ce sont donc les fidèles qui occupaient l’espace as cétique de la nef, séparé du choeur p a r la jubé.
L’ap p aritio n et la genèse du long choeur dans l’architectu re des ordres m en d ian ts a été déjà bien expliquée. Deux in te rp ré ta tio n s de ce problème s’opposent: l’une qui sou tien t la création évolutive du long choeur à p ar tir de l’allongem ent du choeur court e t l’a u tre qui suppose la reprise de la forme de chapelle de la disposition d’une cathédrale6. C ette question nous im porte moins, c’est la distinction formelle en tre le choeur réservé aux m oines et la n e f destiné aux fidèles. Même d an s les cathédrales la place réservée a u ch apitre e t à l’évêque n ’é ta it pas si form ellem ent dis tinguée comme d an s les églises des ordres m endiants. Quel é ta it donc la cause de la form ation si rad icalem ent différente de la p a rtie sacerdotale e t de la p artie pour les fidèles? S ans doute une au tre vision, radicale m en t différente du type cath édral, du sens de l’église en ta n t que b âti m en t e t en ta n t qu’institu tio n.
La différenciation principale à Colm ar est constituée p a r le choeur voûté et la n ef en forme de la «grange». D ans le choeur même il y a une d istinction e n tre sa p a rtie orientale (autel) e t sa p artie occidentale (moines). Le rôle p rép o n d éran t de la p a rtie orientale est m arqué par la ferm etu re polygonale et p a r la présence des baldaquins; p a r contre dans la p a rtie d estinée aux moines les voûtes ont été appuyées s u r les cor beaux. La p a rtie où se trouve l’au tel ne se distingue que de trè s peu de la p a rtie m onacale, ceci ne d é tru it pas l’u n ité du choeur, ce qui veut dire que la p a rtie m onacale du choeur ne p eut pas être considéré comme un pont e n tre l’au tel e t la nef. L’absence de la stru c tu re dans le m ur perm et de faire un ce rtain rapp roch em en t avec, privés de stru ctu re, les m urs de la nef, m ais l’action des voûtes et de la lum ière dans le choeur déterm ine de façon décisive son rap p o rt avec le sanctuaire.
4 Ibid., pp. 86s.
5 A. G r z y b k o w s k i, D as Problem der Langchöre in Bettelordens-K irchen im östlichen M itteleuropa des 13. J a h rh u n d e rts , Architectura, t. 13, 2 (1983), pp. 152-168.
L’arch itectu re m êm e im pose une in terp réta tio n : la forme riche corre spond à l’a u te l et aux moines qui p ratiq u en t la liturgie, la sobriété corre spond à la n ef où se tien n en t les fidèles. Mais ces religieux qui sont assis au m ilieu de ce choeur architeconiquem ent riche font de la m endicité parm i ceux qui se tro u v en t dans un espace «pauvre»; de quel droit peu vent-ils donc se d resser architectoniquem ent au-dessus de leu rs bienfai te u rs et pourquoi ces d ern iers y consentent-ils? La hiérarch ie trad itio n nelle de la forme qui correspond à la formule: le riche a u riche, est soit m al p résen tée (le riche a u pauvre), soit les term es riche et p au vre ou as cétique dans le sens arch itectu ral ne saisissen t pas l’essentiel, cest-à-dire caractérisent de façon im propre la situ atio n formelle de l’église des domi nicains de Colmar.
L’arch itectu re est le dom aine de la création artistiq u e qui ne se réfère pas en principe à l’ordre de la n atu re. M ais il est connu qu’on trouve déjà dans la théorie an tiq u e de l’architecture des indications s u r les sources n atu re lle s de la forme architectonique dont la justification de la propor tion des colonnes dans les ordres qui se référen t aux proportions du corps hum ain, données p a r V itruve. M ais on p eu t toujours dire que l’architec tu re, co n trairem en t à d ’au tre s formes de l’a rt, est dépourvue de fonction m im étique. Si l’homm e qui crée une oeuvre architectu rale n ’im ite pas la n atu re , n ’im ite p as ce qui lui est en certain sens extérieur, il est donc n é cessaire de reco n naître q u ’il s’exprim e lui-mêm e à trav ers l’architecture. Si nous poursuivons nos recherches dans un tel cham p, nous p ratiq u e rons l’anthropologie de l’architecture. V itruve, m entionné au p ara v an t, a in tro d u it une telle in te rp ré ta tio n anthropologique des colonnes dans son oeuvre. E n p a rla n t de l’ordre dorique il a com paré les proportions solides de ce genre des colonnes au corps m asculin, les proportions plus sveltes de l’ordre ionien à celles du corps m û r fém inin et l’ordre corynthien aux proportions du corps svelte d’une fille7.
Nous pouvons p arv en ir au sens anthropologique de l’arch itectu re m é diévale p a r des voies trè s différentes, à trav e rs les in terp réta tio n s ecclé- siologiques sav an tes de l’époque e t à trav ers les in terp rétatio n s contem poraines psychanalytiques. P our u n histo rien de l’arch itectu re le sens qui reste e st celui celui qui résu lte du contact direct avec des oeuvres archi- tectoniques. Commençons p ar l’explication du sens de l’église à Colm ar à p a rtir de l’opposition m atérielle, la plus concrète, en tre le choeur et la nef, voire en tre leurs couvertures: la voûte en p i e r r e du choeur et la couverture en b o is de la nef.
7 L a dém arche anthropologique de l’urbanism e e t de l’architecture est présentée p ar J. R y k w e r t, The Idea o f a Town. The Antropology o f Urban Form in Rome, Italy an d the
A ncient World, C am bridge (M asachussetts), London 1995; v. aussi The D ancing Column. On Order in Architecture, C am bridge (M assachusetts), London 1996.
Le bois e t la pierre sont deux élém ents principaux de construction, qui - au-delà de leurs valeu rs usuelles évidentes - sont à la source d’une pro fonde et large symbolique. Elle n ’a tte ig n a it sa plénitude que si les deux m a téria u x é ta ie n t présen ts dans une construction ou dans un ensemble de construction. Selon R ykw ert «la forme la plus prim itive qu’on connaît d’u n endroit sacré est le bois sacré e t la pierre sacré réunis dans un seul endroit, l’univers en m iniature: ce qui pousse e t m e u rt réu n i avec ce qui e st p erm a n en t et indestructible»8. C ette plénitude qui est réalisée p ar la jonction du bois avec la p ierre révèle la plus ancienne architecture égéenne. Même si elle e st en principe faite de pierre, elle adm et aussi d’im p o rtan ts élém ents en bois: au-dessus des piliers de l’étage le plus bas on d re ssa it des colonnes en bois dont l’usage ne s’explique pas seulem ent p a r les valeurs usuelles9. D ans la colonne elle-même, même si elle était seulem ent en pierre, son caractère organique p rim itif p ersistait toujours à trav e rs les décorations végétales ou dans un sens anthropologique que nous retrouvons chez Vitruve.
D ans la trad itio n jud aïq u e la réunion de la pierre e t du bois ap paraît d an s une im age profondém ent symbolique de l’arche, coffre en bois p ré p arée p a r de pieux juifs selon les consignes divines de la conservation des tables de pierre avec les dix com m andem ents. L’opposition bois/pierre dé signe d ’abord une opposition: divin/hum ain, fait p a r la m ain divine/ fait p a r la m ain hum aine. La v aleu r sacrée de la p ierre est soulignée de façon p articulière dans YExode (20,24): «Mais si tu me fais u n au tel de pierres, tu ne b â tira s pas en p ierres de taille, car en y p a ssa n t ton ciseau, tu les profanerais»10. L a pierre p a r la solidité du m a té ria u et la perm anence de sa forme prim itive révèle quelque chose qui dépasse la fragilité de l’être hum ain: la façon absolue d’ex ister11. Tailler, tran sfo rm er sa forme ce se r a it de la tr a ite r comme u n sim ple m atériau. Ce n ’est pas la pierre qui est l’objet du culte, le culte se réfère à ce que la pierre exprime et in carn e12. Les rela tio n s e n tre le bois e t la p ierre qui se m o n tren t dans l’i mage de l’arche sont to u t de même plus compliquées qu’u n simple ra p p o rt d’opposition. P ierre de Celles, abbé de l’abbaye de sa in t Rémy à Reims, in itia te u r de la reconstruction gothique de cette fam euse église,
8 J. R y k w e r t, O rnament ist kein Verbrechen. Architektur als K unst, Kôln 1983, p. 51. 9 T. W u j e w s k i, Sym bolika architektury greckiej, Poznan 1995, p. 45.
10 T outes les citations de la Bible d’après la Traduction oecuménique de la Bible, Al liance Biblique - Le Cerf, P aris 1982.
11 M. E l i a d e , T ra kta t o historii religii, W arszaw a 1966, p. 215 (Traité d ’histoire des
religions, P aris 1949).
12 L ’h isto ire de Jacob de la Genèse (28, 11-19) en est une exemplification parfaite: «Il fu t su rp ris p a r le coucher du soleil en un lieu où il p assa la nuit. Il p rit une des pierres de l’endroit, en fit son chevet et coucha en ce lieu. Il eu t un songe: voici qu’était dressée su r te rre une échelle dont le som m et touchait le ciel; des anges de Dieu y m ontaient e t y
donna une explication m ystique et m orale des tables de Moïse. L’arche, exécutée en bois S ethim où sont conservées les tables de pierre avec les dix com m andem ents, e st considérée comme une allégorie «du corps divin conçue dans les en trailles du sein virginal»13. D ans l’in terp réta tio n de P ierre de Celles l’opposition pierre/bois exprim e aussi l’an tith èse di vin/hum ain, esprit/corps e t p a r conséquent m asculin/fém inin. Mai il ne s’agit pas d’u n sim ple principe de coincidentio oppositorum u . D ans l’allé gorie du coffre en bois, P ierre de Celles voit le corps de l’hom m e qui dé tie n t ou voile son âme, m ais ce n ’e st pas la conception platonicienne du corps comme prison, cette vision e st plus proche des paroles de sain t P aul (I Cor. 15,46) «le sp irituel n ’est pas le prem ier, c’est ce qui est n a tu rel; ce qui est spiritu el vien t ensuite».
Les m êm es conclusions, m ais dues à d’au tre s prém isses, sont l’oeuvre de S. F reud qui a bien saisi l’essence du bois en expliquant la symbolique de la maison: «Le peuple s’exprim e au ssi d’au tre m anière, en disant: elle a beaucoup de bois d evan t la m aison - pour nous aid er à constater que le bois re ste u n symbole fém inin, m ate rn el... Nous ne com prenons pas comment il est devenu le symbole du fém inin, de la m atern ité. La confrontation des langues peu t nous être utile. Le mot allem and Holz (bois) e st supposé de posséder la même origine que le mot grec Hyle dési g n an t la m atière, p ro d u it de b ase... Le term e m atière vient de mater, mère»15. Ce court tex te de F reud placé dans le chapitre «La symbolique dans le rêve» nous in tro d u it bien dans notre question, il m ontre comment la sphère symbolique organise ce qui découle de l’ordre n a tu re l, externe à l’égard de l’homm e et de l’ordre in tern e, psychique.
Si le bois présente un aspect m atériel et féminin, la pierre p a r rap p o rt à celui-ci e t p a r sa n atu re , p a r ses qu alités présen te u n aspect spirituel, descendaient. Voici que le S eigneur se te n a it près de lui e t dit: «Je suis le Seigneur, Dieu d ’A braham ton père e t D ieu d’Isaac. L a te rre su r laquelle tu couches, je la donnerai à toi et à ta descendance. T a descendance se ra pareille à la poussière de la terre. Tu te rép an d ras à l’ouest, à l’est, au nord e t au sud; en toi e t en ta descendance seront bénies to u te s les fa milles de la te rre. Vois! J e suis avec toi et je te g ard erai p arto u t où tu iras et je te ferai re v enir vers cette te rre car je ne t ’abandonnerai pas ju sq u ’à ce que j ’aie accompli to u t ce que je t ’ai dit.« Jacob se réveilla de son sommeil e t s’écria: »Vraiment, c’e s t le S eigneur qui est ici e t je ne le savais pas!« Il eu t p eu r e t s’écria: »Que ce lieu est redoutable! Il n’e s t a u tre que la m aison de Dieu, c’est la porte du ciel.« Jacob se leva de bon m atin, il p rit la pierre dont il av a it fait son chevet, l’érigea en stèle e t versa de l’huile au somm et. Il appela ce lieu Béthel. Béthel, m aison de D ieu, est en m êm e tem ps le nom divin e t une dénom ination de la pierre sacrée, bétyle; M. E l i a d e , op. cit., p. 227-228.
13 P. C e l l e n s i s , M osaici Tabernaculi M ystice et M oralis Expositio, P atrologia L atina, t. 202, ch. 1055.
14 Cf. C. G. J u n g , Psychologische Typen, in Gesammelte Werke, t. VI, O lten, F reiburg i. B. 1986.
15 S. F r e u d , Wstęp do psychoanalizy (Vorlesungen z u r E in fü h ru n g in der Psychoana
m asculin. C et aspect a été très bien relevé p a r K arl Kerényi in te rp ré ta n t une stelle fu n éraire (phallique) de L isandre A lexandros dont la forme d an s le cas du tom beau fém inin p eut étonner. Il a dém ontré que la stelle phallique en p ierre vu sa forme et son m a té ria u constitue le symbole de l’âm e im m ortelle dont l’im m ortalité rep résen t acit l’aspect m asculin dans l’âm e fém inine16. E n général, la jonction de la pierre e t du bois symbolise la p lén itu de grâce à la réunion de deux aspects: du m atériel et du sp iri tuel, du fém inin e t du m asculin.
On p eu t se dem ander su r le sens du reto u r à ces significations archi- tectoniques de base d an s le cas de l’a rch itectu re gothique vers 1300. Ce re to u r est selon moi indispensable, car cette forme architectonique ne ré su lte pas du développem ent «naturel» de l’arch itectu re gothique m ais de l’in te rp ré ta tio n symbolique rad icalem en t différente de l’église.
Il ne s ’ag it pas ici de d iscu ter la symbolique de l’église chrétienne. D ans les tra v a u x des exegètes du Moyen Age et des historiens de l’archi te c tu re qui se réfèren t à la m éthode iconologique c’e st l’in terp réta tio n de l’église m édiévale conçue comme l’im age de la Jé ru sa le m C éleste qui do m in e17. L a référence à cette m étaphore u rb an istiq u e est justifiée, ne se rait-ce que, p a r le tex te de la consécration d’une église «Urbs beata Hye-
rusalem». A dm ettons que cette in terp réta tio n est dans une certaine
m esure ad éq u ate à la forme cathédrale, m ais elle ne tra d u it pas la spéci ficité de la form e de l’église des dom inicains de Colm ar e t d’au tre s églises des ordres m en d ian ts. M ême si la form ule de consécration é ta it aussi chantée, évoquant le symbole de la Jé ru sa le m C éleste, c’est n ’est pas ce- lui-là qui décide de la forme essentielle de l’église.
D ans le term e ecclesia - église e st contenu en p rem ier lieu u n sens so cial; d an s le sens plus re stre in t, il s’ag it de la com m unauté chrétienne et d an s le sens plus larg e de l’église universelle. Le même term e désigne bâ tim e n t où se ré u n it la com m unauté, où se révèle la présence de Dieu. A tra v e rs le réseau des m étaphores architectoniques, l’église acquiert u n e dim ension anthropologique ce qui est confirmé p a r les textes évangé liques «Tu es P ierre, e t su r cette p ierre je b â tira i mon Eglise» (M ath. 16,18) ou p a r les paroles de sa in t Paul. D’au tre p art, les conceptions or ganiques de l’organisation sociale, héritées de l’an tiqu ité, com parent to u te la société aux p arties hiérarchiq uem en t ordonnées du corps de l’homm e. L a flexibilité des niveaux in terp rétatifs, e t p eu t-être la polyva lence du term e ecclesia, ajoutées à la recherche m édiévale de l’union du micro- et du macrocosme, font que ecclesia conçue au sens social et ecclesia
16 K. K e r é n y i , H erm es przew odnik dusz. M itologem źródła życia mężczyzny. W arsza w a 1993, pp. 58-60 (H erm es der S eelenfiihrer. D as Mythologem von m ânnlichen Lebens- sprung, E ranos-Jahrbuch, 1942, Zürich 1943.)
17 H. S e d l m a y r , Die E n tstehung der Katedrale, Zürich 1950; M. B ü c h s e l , „Ecclesiae sym bolorum cu rsu s com pletus”, Stadeł-Jahrbuch, 1983, pp. 69-89.
conçue au sens architectonique se retrouvent dans ecclesia anthropologique. Si sain t P aul dit en recourant aux m étaphores corporelles pour présenter les structures de l’église: «comme nous avons plusieurs membres en un seul corps et que ces m em bres n’ont pas tous la même fonction” (Rm. 12,4), ou: «à plusieurs, nous sommes un seul corps en C hrist, é ta n t tous membres les uns des autres», D urandus de Mende constate au XIIIe siècle que l’église matérielle, voire architectonique, imite dans la disposition de ses parties le corps h um ain18. Au XIVe siècle, le moine d’Avignon, Opicinus de Canistris inscrit à son tou r de u n schéma géométrique l’église19 dans la silhouette d’une femme personifïant Ecclesia.
Les m étaph ores corporelles renvoyant à l’organisation de la société ont été fort développés dans l’oeuvre de J e a n de S alisbury Policraticus. L’é ta t y est com paré au corps, le prince à la tê te, le sén at au coeur, les juges et les gouverneurs des provinces aux yeux, aux oreilles et à la la n gue. Les officiers et les soldats peuvent être com parés aux m ains. A la hiérarch isatio n des p arties de la société correspond un corps h ié ra rch i quem ent organisé e t gouverné p a r la tête, siège de l’âm e20.
D ans les m étaphores ecclésiologiques l’Eglise est vue comme le corps du C h rist e t le C h rist e st vu comme la tê te de l’Eglise. D ans cette in te r p réta tio n anthropologique de Yecclesia persiste la réunion de l’aspect m a tériel, corporel et spirituel. D ans ce sens la relatio n en tre l’Eglise et le C h rist correspond a u rap p o rt en tre le corps et l’âm e, et selon les m é ta phores corporelles en tre le corps et la tê te où la tê te est le siège de l’âme.
Comme nous l’avons m entionné avant: le corps (le m atériel) et l’esp rit sont contenus d an s l’opposition fém inin/m asculin, ce qui est dit dans les paroles de sa in t Paul: «Car le m ari est le chef21 de la femme, to u t comme le C h rist est le chef de l’Eglise, lui le Sauveur de son corps» et «c’est ainsi que le m ari doit aim er sa femme, comme son propre corps. Celui qui aime sa femme, s’aim e lui-même». Si le ra p p o rt en tre le C h rist e t l’Eglise cor respond aux liens conjugaux, le C hrist prend dans cette relation la place d’un hom m e et l’Eglise celle d’une femme. C ette alégorie nous conduit di rectem ent a u Cantique des cantiques et aux significations que lui don n en t l’Ancien et le N ouveau T estam ent.
La rela tio n en tre le C h rist et l’Eglise é ta it riche en com m entaires et en in terp ré ta tio n s donnés au Cantique des Cantiques. L’Epoux est id en ti fié avec le C h rist et l’Epouse avec l’Eglise. Les in terp rétatio n s allégori 18 J. S a u e r , Sym bolik des K irchengebaudes un d seiner A u ssta ttu n g in der A u ffa ssu n g
des Mittelalters, Freiburg i. B. 1924, pp. 110-112; J. R y k w e r t, The Dancing Column, p. 39.
19 O. von S im s o n , The Gothic Cathedral, New York 1956, pp. 21-22.
20 J. Le G o ff, H ead or Heart? The Political Use o fB o d y M etaphors in the M iddle Ages, in: Fragm ents for a History o f the H um an Body, P a r t T hree, ed. Michel F eher, New York 1989, pp. 13-26.
6. V au le ran t (Seine-et-Oise), G range cistercienne (D’après W alter H orn, E rn e st Born, The
B arn o f the Cistercian Grange o fV aulerent, F estschrift U lrich Middeldorf, Berlin 1968)
ques chrétien nes pou rsu iven t les explications juives où le rap p o rt entre l’Epoux et l’Epouse est in terp rété comme celui de JAHVE avec le peuple élu. D ans la p résen ta tio n du C ouronnem ent Céleste M arie-Epouse est identifiée avec Ecclesia. D ans les descriptions de l’Epoux et de l’Epouse, l’a u te u r du C an tiqu e se réfère aux m étaphores architectoniques. L’une p arm i elles contenue dans les paroles de l’Epoux s’a d re ssa n t à l’Epouse: «ton abdom en est un m onceau de blé (Venter tu u s sicut acervus tritici)» (7,3). M ême si elle ne relève pas directem ent de l’architecture, nous p a r a ît trè s im portante. Le sens du term e acervus ren d plus riche le verbe
acervo (réun ir, ram asser, aggrandir). En ce sens acervus désigne un
am as, u n m eule. M ais chez C aton (Agr. 52) ce term e est utilisé dans le sens d’une construction architectonique effectuée en bois (acervum ligno-
ru m facito) pour couvrir le blé en tassé il. 6-8.
Le v en tre de l’Epouse com paré au m eule se référait au sens prem ier à deux fonctions principales de la femme: de la détentrice de la vie et de la donnatrice de la n o u rritu re. E n ce sens l’allégorie du blé ou de la grange contient deux aspects de la fém inité: la conservation de la semence et des grains. Si la n o u rritu re e t la sexualité qu’incarne cette vision de la
fémi-7. V aulerent, Vue in té rieu re de la grange (D’après W alter Horn, E rn e st Born, op. cit.)
n ité sont tra ité e s comme ennem i de l’esp rit22, elles possèdent dans le sens ecclésiologique une valeu r positive, elles servent à l’élargissem ent de l’Eglise. Le verbe acervo - ram asser, réu nir, aggrandir - fait explicite m ent appel aux connotations ecclésiologiques. Ainsi le rap p o rt le C hrist/l’Eglise exprim e la relation union/pluralité.
La com paraison du ventre de l’Epouse au m eule fait p enser à Policra-
ticus, à la com paraison anatom ique des com m erçants aux entrailles. Les
re p ré se n ta n ts de ce groupe, indispensables pour l’organism e, s’ils obéis sen t à l’avidité et au goût de s’enrichir et non à la morale, ils sont compa rés à l’estom ac vorace et aux in te stin s bouchés. Il fau t préciser que la condam nation de cette couche a lieu seulem ent a u m om ent où elle p er tu rb e l’harm onie de to u t l’organism e social23.
P a r ra p p o rt au systèm e compliqué de J e a n de Salisbury, h érité de la tra d itio n antique, il y a au Moyen Age des systèm es plus sim ples pour déterm iner la stru c tu re de l’organism e social. La façon bipolaire, typique
22 R. P r z y b y l s k i , Pustelnicy i demony, Kraków 1994, pp. 62s.
2'! R. S e n n e t , Ciało i kam ień. Człowiek i m iasto w cywilizacji Zachodu, (Flesh and
8. P arçay M eslay (Indre-et-Loire), V ue in té rieu re de la g range cistercienne (D’après W alter H orn, E rn e st Born, The P lan o fS t. Gall, Berkeley-Los Angeles-London 1979)
à l’organ isatio n m édiévale de la réalité , désignée p a r la formule ora
et labora divisan t la société en oratores e t laboratores. De la tra d i
com battent24. La division de la société à l’in s ta r du corps s’est fort donc compliquée p a r ra p p o rt aux propositions b ip a rtites de J e a n de Salisbury. Mais le systèm e trip a rti, plus approprié à la description de la situation sociale, ne pouvait pas faire reculer le goût binaire bien enraciné d ans la trad itio n chrétienne. La façon b inaire de voir la réalité est u n procédé universel grâce auquel il est possible de retro u v er le principe universel de coincidentio oppositorum. Ce principe c’est av an t to u t l’opposition en tre l’e sp rit e t la m atière, en tre l’âm e e t le corps, en tre m asculin et fém i nin, seulem ent l’union de ces deux élém ents p eu t donner la plénitude. C haque existence est une composition de l’élém ent actif sp iritu el e t de l’élém ent p assif m atériel ou corporel25.
La disposition sp atiale de l’église des frères m en d ian ts et en p articu lier celle de Colm ar résu lte selon nous de la revalorisation de l’idée de l’é glise dans sa forme architectonique. Les in terp rétatio n s symboliques de l’église m atérielle ont été bien developpé p a r les exegètes du Moyen Age. La p lu p a rt de ces in te rp ré ta tio n s re ste actuelle pour chaque église indé pen d am m en t de sa forme architectonique. Mais comme nous l’avons déjà vu, la disposition de l’église avec de la n e f de type «grange» e t le choeur voûté n ’est pas l’effet de l’évolution stylistique natu relle, m ais elle consti tu e une conception artistiq u e nouvelle de l’église ouvertem ent opposée au type cathédral. A la cathédrale gothique, connue comme la Jéru salem Céleste, s’oppose l’arch itectu re qui exprim e u n sens anthropologique et social de l’église. Le type de l’église, comme celle de Colmar, d ans sa dif férenciation en deux parties principales: la n ef et le choeur, correspond dans le sens anthropologique à l’im age de l’homme: «Ne savez-vous pas que vou êtes le tem ple de Dieu e t que l’E sp rit de D ieu h ab ite en vous» (I Cor. 3,16). C hacun des fidèles, dans sa stru ctu re spirituelle et corpo relle, rev it donc la relatio n qui existe en tre le C h rist e t l’Eglise. D ans le sens anthropologique le choeur à l’église correspond a u côté spirituel, voire m asculin de l’homme, la nef de type «grange» correspondent au côté corporel, voire fém inin26. Ainsi, l’église reste une im age de de l’homm e et de l’univers, de sa stru c tu re spirituelle et m atérielle.
Si l’église m atérielle reste une im age de l’homme, elle est égalem ent une im age de la société, de sa division b ip artite en oratores et labora-
tores. Les prem iers agissent dans le dom aine de l’esprit, vivent dans le
24 J. Le G o ff, S a in t Louis, P aris 1996, p. 642s.
25 K. P o m i a n , Przeszłość ja k o przedm iot wiary, W arszaw a 1968.
26 La terminologie médiévale (et non seulem ent médiévale) concernant les parties de l’é glise le m ontre d’une façon représentative. Chez Pierre de Celles le choeur s’appelle c a p u t, les nefs: v e n t e r , P.L., 202, ch.160. D ans Gesta abbatum Trudonensium de XTVe siècle, le choeur c’est de même: c a p u t , mais les nefs: u t é r u s , J. Sauer, op. cit., p. 111. Chez Hugues de S aint Victor le passage des nefs vers le choeur et plus loin dans le sanctuaire signifie le dé pouillem ent de la corporalité dans son sens sexuel: «sacrariam significat ordinem virginum, chorus ordinem continentium , navis ordinem conjugatorum», P.L.,177, ch. 902.
célibat et renoncent à toute propriété; ils rep résen ten t la sublim ation du sp iritu el e t d u m asculin. Le principe de pauvreté c’est labandon du m a té riel. Les dom inicains et les franciscains su b sisten t grâce à l’aumône, les b âtim en ts, les parcelles qu’ils occupent ne sont pas leur propriété, ils ne font que les utiliser. Ce qui est nécessaire à l’existence est reçu comme l’aum ône de la p a r t de ceux qui agissent dans le domaine m atériel, pro ducteur, v isan t à la satisfaction des besoins corporels. Cette division en
oratores et laboratores qui possède une dim ension universelle, ecclésiolo-
gique, prend de l’im portance et de l’actu alité dans les villes où agissent les ordres m endiants. Ainsi la ville retrouve une stru ctu re qui est propre à to u te la société au sens ecclésiologique. La p lu p a rt de ses h ab itan ts est constituée p a r ceux qui s’occupent de la production, qui ag issen t dans le dom aine m atériel, qui sont l’estom ac ou les en trailles de l’organism e; les ordres m en dian ts sont la tête e t in carn en t l’aspect spirituel. S aint Bona- ven tu re, co ntrairem ent aux idées de sa in t François, sou ten ait que les franciscains ne devraien t pas s’occuper du tra v a il physique même pour satisfaire ses besoins vitaux; le sp iritu el ne dev rait pas e n tre r en rapport avec le m atériel. P a r l’union de l’élém ent spirituel qui ne pouvait aboutir à une telle sublim ation que dans les couvents citadins e t de l’élém ent m atériel qui est le principe même du fonctionem ent d’une ville, une sorte de p lénitude se réalise. La ville san s ordre m endiant est incomplète, seu lem ent les villes les plus pauvres en é ta ie n t privées.
La symbiose du sp irituel e t du m atériel pouvait donner la naissance à u ne nouvelle conception architectonique de l’église où la relation entre le choeur et les nefs correspond à la relation en tre deux groupes des cita dins. Les oppositions sp iritu el/m atériel, m asculin/fém inin p erm etten t de com prendre pourquoi ceux qui m ain tien n en t les frères m endiants ne s’opposent pas à le u r présence dans le choeur isolé et d’une qualité bien su p érieu re à celle de la nef. Les moines tien n en t à l’église la place de la tê te, siège de l’âm e; les fidèles se trou vent dans la nef, conçue comme le corps. B ern ard de C lairvaux désigne les fidèles comme populus carna-
lis27. La conscience de la plénitude, effectué après l’union de l’aspect spi
ritu e l et corporel qui ne sont pas pour a u ta n t contam inés, perm et aux ci
ta d in s d’accepter l’élévation architectonique des moines qu’ils
e n tre tien n en t.
Au début du X IIIe siècle sont créées les prem ières universités dont les plus im p o rtan tes sont les universités de P aris et de Bologne. Les ordres m en d ian ts dont les dom inicains p ren n en t la responsabilité de la faculté théologique, une des plus im p o rtan tes. Les facultés théologiques étaien t souvent fondées à la base du collège général des m endiants. Ainsi les
27 S ancti B e rn h a rd i Apologia ad G uillelm um sancti Theodorici abbatem , P.L., 182, szp. 895-918.
études m onacales se déroulaient au sein de l’un iv ersité28. Ainsi, la cité médiévale a incorporé a qui a p p a rte n a it au dom aine sp iritu el san s ap- parte n iz à l’u nivers monacal.
Le caractère sp iritu el des ordres m end ian ts, su rto u t des franciscains, prend un sens particu lie dans le contexte des prophéties de Joachim del Fiore où selon sa vision de l’histo ire le pouvoir p a sse ra dans son ultim e période, celle du Royaume du S ain t E sprit, aux m ains des m oines agis sa n t selon les consignes de l’Evangile éternelle. Les hommes pourront se consacrer à la vie contem plative, car la nécessité de trav a iller d isp araîtra et p ar conséquent la notion de propriété. Ce changem ent sera incarné p a r u n nouvel ordre qui renonce aux biens et respecte le principe évangé lique de pauvreté. Il e st clair que les visions de Joachim del Fiore avaient trouvé u n vif accueil parm i les franciscains. D ans les opinions de béguins la vision de la Nouvelle Eglise ecclesiae spiritualis é ta it opposée à l’Eglise Romaine désignée comme ecclesia carnalis29.
28 J. K ło c z o w s k i, W spólnoty chrześcijańskie. Grupy życia wspólnego w chrześcijań
stwie zachodnim od starożytności do X V wieku, Kraków 1964, s. 333 nn.