VOL. LXV 1993 FASC. 2
MINORATION AU POINT 1 DES FONCTIONS L ATTACH ´ EES ` A DES CARACT ` ERES DE DIRICHLET
PAR
PIERRE B A R R U C A N D (PARIS)
ETST ´ EPHANE L O U B O U T I N (CAEN)
Il est connu (voir [1], [3]) que lorsque χ varie parmi les caract` eres de Dirichlet non quadratiques, nous avons |L(1, χ)|
−1= O(Log(f
χ)).
Nous montrons ici qu’en se restreignant aux caract` eres d’ordre impair donn´ e, nous avons |L(1, χ)|
−1= o(Log(f
χ)). Il serait ´ evidemment bien plus satisfaisant de parvenir ` a prouver un tel r´ esultat sans restreindre χ ` a varier parmi des caract` eres d’ordre fix´ e.
Pour les caract` eres d’ordre pair, nous ne pouvons ´ etablir un tel r´ esultat qu’en nous restreignant aux caract` eres pour lesquels les conducteurs de χ
2restent born´ es (mais sans avoir ` a exiger que l’ordre de χ soit fix´ e).
1. Cas des caract` eres d’ordre impair. Dans toute la suite, χ d´ esignera un caract` ere de Dirichlet primitif, non quadratique et non princi- pal. Nous noterons f
χson conducteur. Il existe (voir [1], [3]) une constante effective c > 0 telle que pour tout tel χ nous ayons
|L(1, χ)| ≥ c Log(f
χ) , i.e. nous ayons
|L(1, χ)|
−1= O(Log(f
χ)) .
Si χ est de plus d’ordre 3 et si K est le corps cubique cyclique totalement r´ eel de conducteur f
χet de discriminant d(K) = f
χ2dont le groupe des caract` eres est engendr´ e par χ, alors en remarquant que la fonction zˆ eta de K se factorise en ζ
K(s) = ζ(s)L(s, χ)L(s, χ) = ζ(s)|L(s, χ)|
2pour 0 < s < 1, nous en d´ eduisons que cette fonction zˆ eta est n´ egative ou nulle sur ]0, 1[. Il en r´ esulte (voir [2]) que l’on a
Res
1(ζ
K) = |L(1, χ)|
2≥ 2 + o(1)
e Log(d(K)) = 1 + o(1) e Log(f
χ) .
Il existe donc une constante effective c > 0 telle que pour tout caract` ere
primitif d’ordre 3 nous ayons
|L(1, χ)| ≥ c pLog(f
χ) .
Le mˆ eme raisonnement montrerait ´ egalement que si n ≥ 3 impair est fix´ e, alors il existe une constante effective c
n> 0 telle que pour tout caract` ere χ d’ordre n et de conducteur f
χpremier, au moins un des caract` eres ψ
i= χ
i, 1 ≤ i ≤ n − 1 (qui sont tous de conducteur f
ψi= f
χ) v´ erifie
|L(1, ψ
i)| ≥ c
n(Log(f
ψi))
1/(n−1).
Malheureusement, nous ne savons pas pour n ≥ 5 montrer que cette in´ egalit´ e est satisfaite pour i = 1, i.e. pour ψ
i= χ. N´ eanmoins, nous avons
Th´ eor` eme 1. Il existe une constante effective c > 0 telle que pour tout caract` ere primitif χ d’ordre n impair nous ayons
|L(1, χ)| ≥ c
(Log(f
χ))
cos(π/n).
En cons´ equence, pour n ≥ 3 impair et fix´ e, lorsque χ varie parmi les carac- t` eres de Dirichlet primitifs d’ordre n nous avons
|L(1, χ)|
−1= o(Log(f
χ)) .
Pour obtenir ce r´ esultat, nous reprenons la preuve de la minoration de
|L(1, χ)| que nous donnions dans [3]. Nous remarquons qu’elle se d´ ecompose en trois ´ etapes :
(i) On se donne c
1> 0 et on pose s
0= 1 + 1
c
1Log(f
χ) ;
(ii) On montre qu’il existe c
2> 0 ne d´ ependant que de c
1tel que
|L(1, χ)| ≥ c
2|L(s
0, χ)|;
(iii) On remarque que
|L(s, χ)| ≥ Y
p
1
1 + 1/p
s= ζ(2s) ζ(s) ≥ 1
ζ(s) ≥ s − 1
s , s > 1 .
Nous nous proposons ici d’amender la minoration de cette troisi` eme
´
etape. Il est clair que le Th´ eor` eme 1 d´ ecoule du r´ esultat suivant :
Lemme A. Pour tout caract` ere de Dirichlet (non n´ ecessairement primi- tif ) d’ordre n ≥ 3 impair nous avons
|L(s, χ)| ≥ ζ(2s)
ζ(s)
cos(π/n), s > 1 .
P r e u v e. Nous avons
|L(s, χ)|
−2= Y
p
1 − 2α
pp
s+ 1 p
2so` u α
p=
12(χ(p) + χ(p)) v´ erifie donc α
p≥ − cos(π/n). D’o` u
|L(s, χ)|
−2ζ(s)
−2 cos(π/n)≤ Y
p
1 + 2 cos(π/n)
p
s+ 1
p
2s1 − 1 p
s 2 cos(π/n). Le lemme d´ ecoule alors de ce que pour A > 1 la fonction f
Ad´ efinie par
f
A(x) =
1 + 2x
A + 1 A
21 − 1 A
2xv´ erifie
f
A(cos(π/n)) ≤ f
A(1) =
1 − 1
A
2 2, et ce parce qu’elle est d´ ecroissante sur [0, ∞[, puisque l’on a
f
A0f
A(x) ≤ 2
A + 2 Log
1 − 1
A
≤ 0 .
2. Cas des caract` eres d’ordre pair. Si χ est d’ordre pair, et mˆ eme en excluant le cas des fonctions L attach´ ees ` a des caract` eres quadratiques pour lesquels on ne dispose comme seule minoration au point 1 que du r´ esultat ineffectif de Siegel, il ne semble pas possible d’amender (` a ordre de χ fix´ e) la majoration
|L(1, χ)|
−1= O(Log(f )) en
|L(1, χ)|
−1= o(Log(f )) .
N´ eanmoins, soit par exemple χ d’ordre 4 et soit ψ le caract` ere quadra- tique primitif et non principal induisant χ
2. Soit de plus K le corps quar- tique cyclique de conducteur f
χ` a groupe des caract` eres engendr´ e par χ. La fonction zˆ eta de K se factorise en ζ
K(s) = ζ(s)L(s, ψ)L(s, χ)L(s, χ) pour 0 < s < 1. Mˆ eme en supposant que cette fonction zˆ eta est n´ egative ou nulle sur ]0, 1[, il en r´ esulterait seulement (voir [2]) que l’on aurait
Res
1(ζ
K) = L(1, ψ)|L(1, χ)|
2≥ 2 + o(1)
e Log(d(K)) = 2 + o(1)
e Log(f
ψf
χ2) ≥ 2 + o(1) 3e Log(f
χ) . D’apr` es le Lemme C ci-dessous, nous en d´ eduirions l’existence d’une con- stante effective c > 0 telle que pour tout tel caract` ere quartique nous ayons la minoration suivante :
|L(1, χ)|
2≥ c
Log(f
ψ) Log(f
χ) .
Nous nous proposons de g´ en´ eraliser ce r´ esultat sans hypoth` ese sur le signe de ζ
Ken prouvant
Th´ eor` eme 2. Il existe une constante effective c > 0 telle que pour tout caract` ere χ primitif non quadratique, d’ordre pair et tel que χ
2soit de conducteur f
χ0divisant donc f
χ, nous ayons
|L(1, χ)| ≥ c
(Log(f
χ0))
1/4(Log(f
χ))
3/4.
Si f
0= f
χ0est fix´ e et si χ varie parmi les caract` eres primitifs non quadra- tiques d’ordre pair pour lesquels χ
2est de conducteur f
0, alors nous avons
|L(1, χ)|
−1= o(Log(f
χ)) .
Plus pr´ ecis´ ement , sous ces hypoth` eses il existe une constante effective c > 0 telle que l’on ait
|L(1, χ)| ≥ c (Log(f
χ))
√2/2
.
La preuve de ce r´ esultat d´ ecoule des trois lemmes suivants. En effet, les Lemmes B et C, le choix s
0= 1 + 1/(c
1Log(f
χ)) et la majoration ζ(s
0) ≤ s
0/(s
0− 1) donnent la majoration
|L(1, χ)|
−1≤ c
3|L(s
0, χ)|
−1≤ c
4(Log(f
χ0))
a2/a1(Log(f
χ))
1/(2a1). Pour obtenir le premier r´ esultat qui dans tous les cas est un amendement de celui que nous connaissons d´ ej` a:
|L(1, χ)|
−1≤ c
5Log(f
χ) ,
nous chercherons au Lemme D la plus grande valeur de a
1> 1/2 telle que les hypoth` eses du Lemme B soient satisfaites avec de plus la contrainte a
2/a
1+ 1/(2a
1) ≤ 1 (car f
χ0≤ f
χet peut lui ˆ etre ´ egal).
Pour obtenir ` a f
0= f
χ0fix´ e un r´ esultat optimal, nous chercherons au Lemme D la plus grande valeur de a
1> 1/2 telle que les hypoth` eses du Lemme B soient satisfaites.
Lemme B. Si a
1> 0 et a
2> 0 sont deux r´ eels tels que la fonction f (x) = 4a
2x
2+ 2a
1x + 1 − 2a
2soit positive ou nulle sur [−1, 1], alors il existe une constante M > 0 telle que pour tout caract` ere χ non quadratique et primitif nous ayons
ζ(s
0)|L(s
0, χ)|
2a1|L(s
0, ψ)|
2a2≥ M, s
0> 1 , o` u ψ est le caract` ere pair non principal et primitif induisant χ
2.
P r e u v e. Partons du produit infini du terme gauche de cette in´ egalit´ e
`
a prouver. Pour chaque p premier, le facteur correspondant F
p(s
0) de ce
produit infini s’´ ecrit
F
p(s
0) =
1 − α
pp
s0+ O
1 p
2s0−1
, o` u
α
p= 1 + a
1(χ(p) + χ(p)) + a
2(ψ(p) + ψ(p)) ,
de sorte que si tous ces α
psont positifs ou nuls, alors ce produit infini est minor´ e pour une constante A > 0 convenable par le produit infini
Π(s
0) = Y
p≤p0
F
p(s
0)
·
Y
p>p0
1 1 − A/p
2s0,
o` u p
0est par exemple choisi tel que p ≥ p
0implique p
2s0> 2A pour s
0≥ 1.
Puisque ce second produit infini est absolument convergent pour <(s
0) >
1/2, il reste minor´ e par une constante strictement positive sur s
0≥ 1.
Puisque chaque F
p(s
0) est minor´ e pour s
0≥ 1 par F
p(s
0) ≥ 1
1 − 1/p
s01
1 + 1/p
s0 2a1+2a2≥
p p + 1
2a1+2a2, nous avons le r´ esultat d´ esir´ e.
Montrons donc finalement que chaque α
pest positif ou nul.
Si χ(p) = 0, cela r´ esulte de α
p≥ 1 − 2a
2= f (0) ≥ 0.
Si χ(p) 6= 0, alors en d´ efinissant θ
ppar exp(2iπθ
p) = χ(p), en remar- quant que ψ(p) = exp(4iπθ
p) et en posant x = cos(2πθ
p), cela r´ esulte de f (x) ≥ 0.
Lemme C (voir [4], Proposition 2). Il existe une constante c > 0 telle que pour tout caract` ere ψ primitif modulo f
0, pair et non principal nous ayons
|L(s
0, ψ)| ≤ c Log(f
0), s
0≥ 1 .
Lemme D. La plus grande valeur de a
1> 1/2 telle qu’il existe a
2> 0 tel que f (x) = 4a
2x
2+ 2a
1x + 1 − 2a
2soit positive ou nulle sur [−1, 1] est a
1= 1/ √
2 et on a alors a
2= 1/4.
La plus grande valeur de a
1> 1/2 telle qu’il existe a
2> 0 tel que f (x) = 4a
2x
2+ 2a
1x + 1 − 2a
2soit positive ou nulle sur [−1, 1] et tel que l’on ait a
2/a
1+ 1/(2a
1) ≤ 1 est a
1= 1/ √
2 et on a alors a
2= 1/4.
R ´ EF ´ ERENCES
[1] E. L a n d a u, ¨ Uber Dirichletsche Reihen mit komplexen Charakteren, J. Reine Angew.
Math. 157 (1927), 26–32.
[2] S. L o u b o u t i n, Lower bounds for relative class numbers of CM-fields, Proc. Amer.
Math. Soc., to appear.
[3] S. L o u b o u t i n, Minoration au point 1 des fonctions L et d´ etermination des corps sextiques ab´ eliens totalement imaginaires principaux , Acta Arith. 62 (1992), 109–124.
[4] K. U c h i d a, Imaginary abelian number fields of degree 2
mwith class number one, in:
Proc. First Internat. Conf. on Class Numbers and Fundamental Units of Algebraic Number Fields, Katata 1986.
151, RUE DU CH ˆATEAU DES RENTIERS D ´EPARTEMENT DE MATH ´EMATIQUES
75013 PARIS, FRANCE U.F.R. SCIENCES
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