VOL. LXIII 1992 FASC. 1
SUR LES OUVERTS DES CW-COMPLEXES ET LES FIBR ´ ES DE SERRE
PAR
ROBERT C A U T Y (PARIS)
M. Steinberger et J. West ont prouv´ e dans [7] qu’un fibr´ e de Serre p : E → B entre CW-complexes a la propri´ et´ e de rel` evement des homo- topies par rapport aux k-espaces. Malheureusement, leur d´ emonstration contient une l´ eg` ere erreur. Ils affirment que certains ensembles (not´ es U et p −1 U ×U ) sont des CW-complexes car ce sont des ouverts de CW-complexes.
Ceci est g´ en´ eralement faux, et notre premier objectif dans cette note est de donner des exemples d’ouverts de CW-complexes n’admettant aucune d´ ecomposition CW. Malgr´ e cela, le th´ eor` eme de Steinberger et West est vrai, et notre deuxi` eme objectif est de montrer comment leur d´ emonstration peut ˆ etre rectifi´ ee.
1. D´ ecompositions CW des ouverts d’un CW-complexe. Il est connu que tout ouvert d’un complexe simplicial est triangulable. Dans cette section, nous ´ etudions le probl` eme analogue pour les CW-complexes : Si U est un ouvert d’un CW-complexe X, U admet-il une d´ ecomposition CW?
Nous donnons deux exemples montrant que ce n’est en g´ en´ eral pas le cas.
Le premier est un complexe d´ enombrable de dimension deux, le deuxi` eme un complexe de dimension trois ayant une cellule de dimension z´ ero, une de dimension deux et une de dimension trois. Ces exemples sont minimaux pour ce qui est de la dimension et de la finitude locale. En effet, si X est de dimension un, il est triangulable, donc U aussi; d’autre part, nous montrons ci-dessous que U est d´ ecomposable quand X est un complexe localement fini de dimension deux. Le lecteur d´ esireux de se convaincre que la g´ eom´ etrie des CW-complexes diff` ere de celle des complexes simpliciaux pourra aussi consulter [6].
Nous ne ferons aucune distinction formelle entre un CW-complexe et l’espace topologique sous-jacent. Par une cellule d’un complexe, nous en- tendrons toujours une cellule ouverte.
Exemple 1. Soit I = [0, 1], et soit {x n } ∞ n=1 une suite de points de ]0, 1[
dense dans I. Pour tout n = 1, 2, . . . , soit B 2 n une copie du disque unit´ e de
R 2 , de bord S n 1 , et soit ϕ n : S n 1 → I l’application constante ϕ n (S n 1 ) = x n . Soit X le complexe d´ enombrable de dimension deux obtenu en attachant B 2 n
`
a I via ϕ n pour n = 1, 2, . . . Soit ψ n : B n 2 → X la projection correspondante.
Notons E n = ψ n (B n 2 \S n 1 ); la fermeture de E n est donc ψ n (B n 2 ) = E n ∪{x n }.
Pour tout n, soit a n un point de E n . Soit A = {a n | n = 1, 2, . . .}; c’est un ferm´ e de X. Notons U l’ouvert X \ A.
Affirmation. U n’admet aucune d´ ecomposition CW.
Supposons le contraire. Pour 0 ≤ i ≤ 2, soit U i le i-squelette de cette d´ ecomposition. Nous avons alors
(a) I est contenu dans U 1 .
Car aucun point de I n’a dans X un voisinage hom´ eomorphe ` a un disque ouvert.
(b) U 1 est connexe.
Car U est connexe.
(c) Pour tout n ≥ 1, U 1 ∩ E n 6= ∅.
Supposons le contraire; alors E n \{a n } ⊂ U 2 \U 1 . Soit e 2 une 2-cellule de U rencontrant E n \{a n }. Puisque e 2 est ouverte dans U 2 \U 1 , e 2 ∩(E n \{a n }) est ouvert dans E n \{a n }, donc, par invariance du domaine, dans e 2 . Puisque la fermeture de E n \{a n } dans U est ´ egale ` a ψ(B n 2 \{a n }) = (E n \{a n })∪{x n } et que x n ∈ U 1 , e 2 ∩ (E n \ {a n }) = e 2 ∩ ψ(B 2 n \ {a n }) est ferm´ e dans e 2 . Par connexit´ e, e 2 = E n \ {a n }, ce qui est absurde, E n \ {a n } n’´ etant pas un disque ouvert.
(d) Pour tout n ≥ 1, x n appartient ` a U 0 .
Puisque U 1 ∩ E n 6= ∅ et que U 1 est connexe, U 1 contient un arc simple J dont une extr´ emit´ e est x n et l’autre un point de E n . Puisque la fronti` ere de E n est r´ eduite ` a {x n }, J \ {x n } est contenu dans E n , donc l’ensemble I ∪ J est une triode de sommet x n contenue dans U 1 . Par suite, x n n’a dans U 1 aucun voisinage hom´ eomorphe ` a une 1-cellule, donc x n appartient ` a U 0 .
D’apr` es (d), {x n } ∞ n=1 est un ferm´ e discret de U , contrairement au fait que cet ensemble est dense dans I ⊂ U .
Exemple 2. Soit Σ la 2-sph` ere qui est le bord du cube [−1, 1] × [0, 2] 2 ⊂ R 3 . Soit L le sous-ensemble de Σ d´ efini comme suit : L = S ∞
n=0 L n , o` u L 0 = [−1, 1] × {0} × {0}, et, pour n ≥ 1, L n = {(x, y, 0) ∈ R 3 | x 2 + (y − 1/n) 2 = 1/n 2 }. Soient a = (−1, 0, 0) et b = (1, 0, 0). Il est facile de construire une surjection continue h de [−1, 1] sur L telle que h −1 (a) = {−1} et h −1 (b)
= {1}.
Soient B 3 la boule unit´ e de R 3 , S 2 son bord et B
◦3 = B 3 \ S 2 . Soit
π : S 2 → [−1, 1] la projection π(x, y, z) = z, et soit ϕ = h ◦ π : S 2 → L;
c’est une surjection continue telle que ϕ −1 (a) = {(0, 0, −1)} et ϕ −1 (b) = {(0, 0, 1)}.
Σ peut ˆ etre consid´ er´ ee comme un CW-complexe ayant une 0-cellule et une 2-cellule. Formons un complexe X de dimension trois en attachant B 3
`
a Σ via ϕ. Soit ψ : B 3 → X l’application caract´ eristique correspondante.
Soient K = {0} × {0} × [−1, 1] ⊂ B 3 et A = ψ(K); A est un ferm´ e de X tel que A ∩ Σ = {a, b}. Soit U l’ouvert X \ A.
Affirmation. U n’admet aucune d´ ecomposition CW.
Supposons le contraire. Pour 0 ≤ i ≤ 3, soit U i le i-squelette de cette d´ ecomposition. Posons Σ 0 = U ∩ Σ = Σ \ {a, b} et L 0 = L \ {a, b}. Nous avons alors
(a) L 0 n’est pas triangulable.
Car aucun voisinage du point (0, 0, 0) dans L n’est contractile (chaque tel voisinage peut ˆ etre r´ etract´ e sur un cercle L n , n grand).
(b) Σ 0 est contenu dans U 2 .
Puisque U est localement une surface en tout point de Σ 0 \ L 0 , Σ 0 \ L 0 ⊂ U 2 . Puisque U 2 est ferm´ e dans U , il contient la fermeture Σ 0 de Σ 0 \ L 0 . (c) Si une 2-cellule de U rencontre Σ 0 , elle est contenue dans Σ 0 .
Soit e 2 une 2-cellule de U rencontrant Σ 0 . Alors e 2 est ouverte dans U 2 , donc e 2 ∩ Σ 0 est ouvert dans Σ 0 . Par invariance du domaine, e 2 ∩ Σ 0 est ouvert dans e 2 . Puisque Σ 0 est ferm´ e dans U , e 2 ∩ Σ 0 est aussi ferm´ e dans e 2 , donc e 2 ∩ Σ 0 = e 2 .
(d) L 0 est contenu dans U 1 .
Pour −1 < t < 1, soit C t le cercle S 2 ∩ π −1 (t). Alors ϕ(C t ) est un point de L 0 et nous devons prouver qu’il est dans U 1 . Si nous param´ etrons C t de fa¸ con naturelle, nous obtenons un chemin ferm´ e s C t (s), s ∈ I, qui est essentiel dans B 3 \ K. Soit T un voisinage compact de C t dans B 3 \ K. En utilisant le fait qu’aucun ferm´ e de dimension un ne s´ epare localement R 3 , il est facile de construire une suite de chemins ferm´ es ω n : I → B 3 v´ erifiant (1) ω n (I) ⊂ (T \ S 2 ) \ U 1 .
(2) d(ω n (s), C t (s)) < 1/n quels que soient s et n (d est la distance eucli- dienne).
(3) ω n est homotope ` a C t dans B 3 \ K.
Alors, ψ(ω n (I)) rencontre U 2 car, dans le cas contraire, il serait contenu dans une 3-cellule e 3 de U , laquelle est contenue dans ψ( B
◦3 ) d’apr` es (b).
Mais alors, ω n = ψ −1 ◦ (ψ ◦ ω n ) serait homotope ` a z´ ero dans ψ −1 (e 3 ) ⊂
◦