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Le développement de la pensée éthique du cardinal Karol Wojtyła

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Academic year: 2021

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Tadeusz Ślipko

Le développement de la pensée

éthique du cardinal Karol Wojtyła

Collectanea Theologica 50/Fasciculus specialis, 61-87

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C o lle c ta n e a T h e o lo g ic a 50 (1980) fa sc. sp e c ia lis TA D EU SZ ŚLIPKO SJ, W A R S Z A W A -K R A K Ó W

LE DÉVELOPPEMENT DE LA PENSÉE ÉTHIQUE DU CARDINAL KAROL WOJTYŁA

1. Introduction

a) L a p e n s é e é t h i q u e d u c a r d . K a r o l W o j t y ł a d e v a n t l e f a i t d e s o n é l e c t i o n a u p o n t i f i c a t

La pensée éthique du cardinal Karol W ojtyła, n'a été jusqu'ici dans la litté ratu re philosophico-éthique l'o b jet d'aucun exposé spé­ cial, englobé dans une monographie*. Jusq u 'à son élection au pon­ tificat le cardinal W o jty ła était quelqu'un qui participait aux tra­ vaux sur le développem ent de la pensée éthique polonaise, son com m entateur et son créateur, parfois son apologiste; c'est ce que pensaient aussi à son sujet les autres philosophes qui oeuvraient dans le même dom aine. Dans les écrits polonais consacrés à la phi­ losophie ap paraissaient les recensions de ses publications im por­ tantes, on le nom m ait dans les com ptes-rendus touchant l'état ac­ tuel de l'éthique en Pologne; par contre, nul n ’a en trepris d'essai de reconstruction des résultats qu'il a acquis en éthique, il n'a pas été essayé de les saisir dans une synthèse doctrinale convenable­ ment ordonnée et soum ise à une analyse approfondie. M algré les avancem ents du cardinal W o jty ła dans la hiérarch ie ecclésiastique cette synthèse en é tait seulem ent en devenir, continuellem ent se dégageaient des élém ents nouveaux et originaux; certains d 'en tre eux en étaien t à leurs débuts e t leur caractère définitif é ta it une question de temps. O n pouvait observer dans la foulée du

dévelop-* T e x te é la r g i d e la c o n fé r e n c e p r o n o n c é e le 2 a v r il 1979 à l'A ca d ém ie de T h é o lo g ie C a th o liq u e à V a r s o v ie p en d a n t la s e s s io n s o le n n e lle en l'h o n n eu r du Sain t-P ère J e a n P aul II. Pour u n ifo rm iser la n o m e n c la tu r e, l'au teu r e m p lo ie l'e x - p ression : „Card. W o jty ła " b ie n q u e le s é c r its p u b liés a v a n t 1958 p o rten t la s ig n a ­ ture „abb é W o jty ła " , et ju sq u 'en 1967 „M gr W o jty ła " .

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pem ent de la pensée éthique du cardinal, en faire des exposés frag ­ m entaires, mais ce n 'é ta it pas le m om ent d'en donner des cara cté­ ristiques d ’ensem ble.

Le 16 octobre 1978 la situation subit un changem ent radical. L’élection au pontificat du cardinal W o jty ła constitue un m om ent qui introduit une n ette césure dans l'ensem ble de sa production intellectuelle. C ’est un fait essentiel que le profil doctrinal du car­ dinal W o jty ła doit nécessairem ent adopter d 'au tres formes. Jean Paul II ne peut plus penser avec les mêmes catégories que le car­ dinal, et à plus forte raison que l'abbé W ojtyła. C haque parole prononcée en public a désorm ais une v aleu r qui concerne toute l ’Eglise. Ceci est plus que la philosophie, l’éthique ou même la théologie. C ’est l'expression de la m ission d ’en seig n er confiée par le C hrist qui, grâce à la surnaturelle assistance du Saint Esprit en fait un porte-parole de la vérité divine pour la com m unauté ecclé­ siale des fidèles, et finalem ent pour toute l’hum anité. Jean Paul II a donc cessé d ’ê tre un professeur d ’éthique pour devenir avant tout un m aître de la foi.

C ependant on ne peut pas dire q u 'av ec l'élection au pontificat du cardinal W o jty ła le monde de ses idées philosophico-éthiques se soit autom atiquem ent évanoui. Au contraire, ce m onde con­ tinue d 'ex ister et fonctionne dans les lim ites requises, mais d éjà sur le te rra in d ’une nouvelle réalité et conform ém ent à ses droits fondam entaux. C 'est pourquoi il sem ble to u t à fait fondé de je te r un regard rétrospectif sur la pensée éthique du cardinal W ojtyła, d'en p én étrer la substance et d 'en saisir les tra its essentiels. Ce qui dem ande certains trav au x d'approche. La ten tativ e de saisir la pensée éthique du cardinal W o jtyła dans son aspect évolutif depuis le début jusqu'à l'h eu re actuelle peut ê tre considérée com­ me un de ces travaux. Dans cette perspective on peut en trep ren d re avec un plus grand profit des recherches plus pén étran tes sur la teneur e t le sens de ses différents élém ents.

En précisant le su jet de cet exposé il v au t la peine d'en rap ­ peler les sources. Ju sq u 'à p résent il a été publié plusieurs b io g ra­ phies des écrits du card. W ojtyła. Deux d ’en tre elles sem blent p ar­ ticulièrem ent instructives, e t en outre elles sont facilem ent abor­ dables: l’une a été faite par T. Styczeń1 et l'au tre par B. Eychler2. La prem ière, sélective, tient com pte des écrits plus im portants d u point de vue scientifique ju sq u ’en 1970: la seconde englobe l’en ­ semble des écrits jusqu'en 1978. Pour des raisons com préhensibles

1 T. S t y c z e ń , Bib li o g ra fia w a ż n i e j s z y c h p u b l i k a c j i k a r d . К. W o j t y ł y (Bi­ b lio g ra p h ie d es é c r its p lu s im p ortan ts du card. К. W o jty ła ), d an s: L o g o s i E t h o s . éd. par K. K ł ó s a k , K rak ów 1971, p. 29— 30.

2 B. E y c h l e r , B ib li o g ra fia p r a c k a r d . K a r o l a W o j t y ł y za la ła 1949— 1978 (B ib lio g ra p h ie d e s é cr its du card. K arol W o jty ła pou r le s a n n ée s 1949— 1978), C h rz eścija n in w ś w ie c ie 11 (1979) n ° 74 op. 67— 91.

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nous prendrons comme base la liste de Styczeń en la com plétant sur les points indispensables par les données puisées dans B. Eychler.

b) L'é t h i q u e e t l a t h é o l o g i e m o r a l e d ’a p r è s l a c o n c e p t i o n d u c a r d . W o j t y ł a Du card. W o jty ła on dit d'o rd in aire qu'il est av an t tou t un th é ­ ologien m oraliste, e t non un philosophe d'éthique. Il est difficle d 'y contredire. M ais d 'a u tre p art un rapide coup d 'oeil sur les biogra­ phies abordables et une lecture même rapide de ses travaux mon­ tren t que parm i ses études hautem ent scientifiques ou même ses écrits de vulgarisation les réflexions philosophiques occupent une place im portante. Et on peut même dire d’un certain point de v u e qu'elles dépassent les élém ents théologiques et se recom m andent par une plus grande richesse et l'originalité du fond. L'affaire se complique donc e t il faut se dem ander si l'opinion qui en fait un théologien e st suffisamm ent fondée pour in terd ire la posibilité de parler d u card. W o jty ła comme d ’un philosophe de l'éthique. Et si cette possibilité existe, se pose alors une seconde question, à sa­ voir quelle place l’éthique occupe-t-elle dans son oeuvre et quelle est sa relatio n à la théologie morale. La déclaration que le cardinal lui-même a faite dans un de ses écrits dans lequel il traite précisé­ ment de la relatio n réciproque qui ex iste en tre l'éthique et la th é­ ologie m orale est décisive3. A près avoir fait la différence en tre la théologie m orale positive e t la théologie m orale spéculative, c.à.d. l’éthique théologique au sens strict, il définit cette d ernière comme ,,l’in terp rétatio n contenue dans l'E criture Sainte... de la m orale à l’aide d 'u n systèm e philosophique"4. C ette form ulation m éthodo­ logique p eut être reconnue comme un critère p erm ettant de ca­ ractériser la place de l'éthique philosophique dans la stru ctu re de la pensée m orale du card. W ojtyła. Son éthique philosophique est précisém ent ce „systèm e philosophique", dont use continuellem ent le cardinal dans ses recherches de théologie m orale. Les réflexions philosophiques du cardinal apparaissent donc toujours non seule­ m ent dans le contexte des réflexions théologiques, mais elles leur sont intim em ent et intérieurem ent ordonnées, serv en t à les expli­ quer et à les justifier. Il n 'est donc pas éto nnant qu'il m anque en tre elles une frontière n ette qui perm ette de d ésigner deux dom aines différents, l'éth iq u e et la théologie m orale et de traiter chacune d ’elles comme une p artie séparée et distincte dans l'oeuvre du car­ dinal. Au fond, c'est une seule stru ctu re doctrinale, et c'est la th é ­ ologie m orale. L'éthique philosophique n'en est q u ’une partie com­

3 K. W o j t y ł a , E t y k a a t e o l o g i a m o r a ln a (L’é th iq u e et la th é o lo g ie m o ­ rale), Z nak 1 (1967) p. 1077— 1082.

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posante intégrale. C 'est pourquoi on soutient à juste titre qu'en prem ier lieu le card. W o jty ła est un théologien m oraliste.

C ette constatation impose po u rtan t un nouveau com m entaire. Comme on le sait, l'éthique philosophique rem plit dans les rech e r­ ches m orales du card. W o jty ła le rôle d'un instrum ent de connais­ sance pour l’in terprétatio n des données révélées. Mais il ne faut pas oublier qu'il attribue à cet instrum ent un rôle caractéristique d'inspiration. Selon le cardinal les changem ents qui interviennent dans les conceptions philosophico-éthiques sont les principales for­ ces de propulsion pour le renouveau de la théologie m orale con­ tem poraine5. C 'est pourquoi, non seulem ent il suit avec beaucoup d'attention les processus du développem ent de l'éthique philoso­ phique, mais encore il s'y inclut consacrant beaucoup d'efforts à développer et à perfectionner ces conceptions; il les considère en effet comme singulièrem ent aptes à transform er la théologie morale. Il se consacre aux investigations sur l’éthique philoso­ phique avec un tel dévouem ent et une telle com pétence que ju s­ qu'à un certain point elles m asquent parfois leur point ultim e de référence, que d 'au tre s fois elles deviennent indépendantes. Alors, dans ce dernier cas, qui est relativem ent restreint, W ojtyła appa­ raît exclusivem ent comme un philosophe d'éthique, et non comme un m oraliste. En somme, sans aucun doute, la richesse des élém ents philosophiques dans les réflexions du card. W ojtyła concernant la morale, leur puissante influence sur ses conceptions théologico-mo- rales, la facilité d'iso ler de l'ensem ble théologicoo-m oral la couche philosophico-éthique e t son engagem ent personnel sur le te rra in de la philosophie de la m orale créent de nouveau un fondem ent justifié en faveur de l'opinion qu ’il e st un philosophe de l'éthique, ,,un philosophe de la m orale". Tout en donnant son accord à cette suggestion il ne faut cependant pas oublier que son éthique est m éthodologiquem ent orientée v ers la théologie m orale. On pourrait faire appel à une formule de com prom is sur ces deux con­ ceptions opposées; ce serait peut-être la définition la plus exacte de la position foncière du cardinal à l'égard des deux dom aines de la connaissance; il est un philosophe spécifique, „théologisant1'; ou encore que c'est un m oraliste, m ais un m oraliste „philosophant”. Son éthique exige une lecture dans le contexte théologico-m oral. Pour cette raison le rétrécissem ent de n o tre sujet aux élém ents philosophiques de la pensée éthique du cardinal dans le processus de développem ent signifie que l'im age que nous en présentons ne reproduit qu'un fragm ent ou une com posante de cette pensée, et non sa totalité.

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с) P r e m i è r e i n s p i r a t i o n p h i l o s o p h i q u e

L'exposé sur les étapes de l’évolution de la pensée éthique du card. W ojtyła doit com m encer par la présen tatio n de l'idée du monde q u ’il a ren co n trée dès les débuts de sa form ation philoso­ phique. Le card. W o jty ła fit ses études, dans les conditions d'oc­ cupation du pays, à la Faculté de Théologie de l'U niversité de Cra- covie. Comme dans to u t le pays, régn ait en m aîtresse la version traditionnelle du thom isme qui, justem ent à Cracovie, avait une position exceptionnellem ent forte. Elle avait e u ses débuts au mi­ lieu du XIXe s. avec M. M oraw ski SJ et fut poursuivie par le pro­ fesseur de l’U niversité Jagellone (Cracovie) l'abbé F. G abryl; cette ligne fut suivie par les autres rep résen tan ts à ce poste, les abbés K. M ichalski, W . W icher et parm i les contem porains, les abbés Г. Różycki et K. Kłósak. Ces savants av aien t form é leur credo phi­ losophique dans différents centres u n iv ersitaires (Louvain, Inns­ bruck, Rome) et avaient des positions différentes sur nom bre de problèmes. N éanm oins tous étaien t d'accord pour accepter un en ­ semble défini de thèses fondam entales qui constituaient le noyau du thom isme néoscolastique, appelé „philosophie éternelle". C 'était une philosophie en m ajeure partie du g enre „m anuel", adaptée aux besoins didactiques, e t pour cette raison, appauvrie quant au fond. Ce qui n 'a pas em pêché ses partisans de la développer avec le temps en une grande synthèse théorique, logiquem ent charpen­ tée e t term inologiquem ent uniform isée. En philosophie m orale cela donnait un systèm e rationnel, mais nullem ent étran g er à l'ex p é­ rience dans ses postulats m éthodologiques, adm ettant l'existence d'un ordre m oral objectif orienté vers les fins dernières de l'hom me et com prenant les norm es d'action universellem ent obligatoires et immuables. Dans la pensée de ce système, elles form ent ce qu'on appelle le d ro it n atu rel et indiquent les bases m orales de toute l’activité raisonnable de l’homme.

C 'est dans ce clim at intellectuel que naissait le m onde des con­ ceptions philosophiques du cardinal d u ran t la période „scolaire" de sa vie. Il est difficile de donner une réponse exhaustive sur la ques­ tion si ce m onde n 'éta it que la „copie" de la connaissance reçue ou si dès les débuts déjà apparaissaient des réflexions critiques et autonomes, ceci par m anque de données biographiques du cardinal. Mais il faut reco n n aître que cette réponse ne semble pas nécessaire à l’élaboration du sujet qui nous intéresse. U s'agit en effet de re ­ créer l'évolution de la pensée philosophico-éthique du card. W o j­ tyła. Sans doute s'insère-t-elle dans la form ation u n iv ersitaire et jusqu’à un certain point est-elle dépendante de celle-ci, mais elle a commencé à se développer seulem ent après ses études. A titre provisoire, pour des raisons que nous donnerons plus loin, on peut distinguer trois périodes: 1951— 1954, 1955-^-1959 et 1960— 1978.

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Le cardinal a com mencé à publier ses écrits dès 1949, mais c'é­ taient des trav au x théologiques ou des oeuvres poétiques. Ce n ’est qu'après 1951 que com m encèrent à p araître des ouvrages de plus en plus précis e t im portants par les accents philosophico-éthiques. En font partie trois articles publicitaires6 et l'étude philosophique sur l'éthique de M. S cheler7. Parmi ces écrits particulièrem ent ins­ tructif sem ble l'article In styn kt, miłość, m ałżeństw o (Instinct, am our et m ariage) publié en 1952. L’au teu r lui-même explique de quoi il s'agit. Selon l'opinion commune, la p u reté dans le dom aine sexuel a un sens négatif: il est associé à une purification, une libé­ ration de la souillure. L'auteur entreprend de m ettre en relief les aspects positifs de la pureté. Comme il souligne, il faut m ontrer dans ce b u t ,,le sens hum ain de la pureté". Et dans sa conviction ce sens résu lte ,,de la réflexion même sur la fin de l'instinct sexuel, sur la régularité in térieure de l'expérience personnelle de l'ap p ar­ tenance de l'homme et de la femme e t sur l'institution du m a­ riage"8.

L'instinct, comme le dit l’auteur, ne possède de lui-même au ­ cune qualification m orale précise; on peut juger sa valeur un iq u e­ ment sur la base de la fin qui est la propagation de la vie, c:à.d. la conservation de l'espèce. Propager la vie v eu t dire donner n ais­ sance à un nouvel organism e hum ain dans lequel Dieu verse l'âm e. ,,C'est ainsi que nous devons raisonner et juger, écrit le cardinal, du mom ent que nous supposons le caractère substantiel de l'âm e et son union substantielle avec un corps organique,,9.

L'instinct est accom pagné du plaisir, qui a pour but de servir les fins de l’instinct. Mais le plaisir a égalem ent ses propres fins. Elles sont liées au désir de la chair et s'im posent à l'hom me dans l'expérience directe; pour cette raison elles lui m asquent les fins de l’instinct. C 'est seulem ent grâce à la réflexion que l’homme peut attein d re le bon ordre des fins, en im prégnant sa volonté et ainsi s ’ouvrir la voie vers la v ertu'm orale.

6 K. W o j t y ł a , T a je m n i c a i c z ł o w i e k (Le m y stè r e et l'h om m e), T y g o d n ik P o w sz e c h n y 7 (1 9 5 1 ) n ° 51— 52, p. 1— 2; i d. , I n s t y n k t , m ił o ś ć , m a ł ż e ń s t w o (In­ stin ct, am our, m a ria g e), T y g o d n ik P o w sz e c h n y 8 (1952) n ° 42, p. 1— 2; i d., R e ­

l ig ijn e p r z e ż y w a n i e c z y s t o ś c i (Le v é c u r e lig ie u x d e la p u reté), T y g o d n ik P o ­

w s z e c h n y 9 (1953) n ° 6, p. 1— 2.

7 K. W o j t y ł a , S y s t e m e t y c z n y M a k s a S c h e le r a j a k o ś r o d e k d o o p r a c o ­

w a n i a e t y k i c h r z e ś c i j a ń s k i e j (Le sy s tè m e é th iq u e de M ax S c h e ler com m e m o y e n

d 'élab orer l ’éth iq u e c h r étien n e ), P o lo n ia S acra 6 (1953— 54) nos 1— 2, 4, p. 143— 161.

8 K. W o j t y ł a , R e li g i jn e p r z e ż y w a n i e c z y s t o ś c i , T y g o d n ik P o w sz e c h n y 9 (1953) n ° 6, p. 1.

9 K. W o j t y ł a , I n s t y n k t , m iło ś ć , m a ł ż e ń s t w o , T y g o d n ik P o w sz e c h n y 8 (1952) n ° 42, p. 1.

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M ais l'in stin ct ne devient un vécu typiquem ent hum ain qu'au niveau de l'am our qui „enracine tout (ce — TS) vécu dans la pro­ fondeur spirituelle de l'hom m e". Mais l'au teu r voit le sens le plus profond dans l’expérience de ,,1'appartenance de l'hom me et de la femme". Par l'effet de cette expérience l'hom me est en quelque sorte arraché à son „moi" e t attiré (trahitur) par une autre personne pour s'y attach er spirituellem ent par un acte d'affirm ation p erson­ nelle e t réciproquem ent être accepté par un acte semblable. Ainsi compris l'am our n 'est pas seulem ent „un instinct élevé à une puis­ sance spécifiquem ent hum aine" ni „une sublim ation de la concu­ piscence"10. Il est une réalité spirituelle différente, une force m ora­ le, dont la noblesse intérieu re finalem ent „explique et justifie to u ­ te... relation sexuelle"11 des personnes qui s'aim ent dans le m ariage. B eux idées se tro u v e n t donc à la base de la conception esquissée ici par le cardinal de la p ureté pré- et m atrim oniale: la finalité de l’instinct e t l’ap partenance des p arten aires de l'am our. Mais on sait que la notion de la structu re sexuelle de l’homme était un prin­ cipe établi depuis longtem ps dans la pensée éthique chrétienne et qu'elle était universellem ent reconnue comme la base de la doctri­ ne sur la pu reté sexuelle. Sur ce point donc l'au teu r a bénéficié des ressources du tréso r traditionnel d ’idées. N éanm oins cette affir­ m ation doit être accom pagnée d ’une courte „glose". Dans l'éthique thom iste, et dans celle de saint Thomas, la finalité de l’instinct se réalise au plan de l'ê tre dans la sphère de la référence de l'instinct à la procréation. Chez le card. W ojtyła cette conception prend un aspect un peu différent. Dans la stru cture du vécu entre un élém ent de réflexion, la prise de conscience de son but. Sur ce point donc se m anifeste déjà le rôle accru de l'élém ent „conscience" en com­ paraison de la tradition thom iste.

Ceci ap paraît d ’une m anière en co re plus plastique dans la con­ ception de l’am our comme élém ent intégral de la vertu de pureté. A vant tout, le fait de recon n aître à l'am our le rang d^m principe éthique définissant le caractère „hum ain" de l'instinct et consti­ tu ant la force créatrice de la p ureté sexuelle signifie que le card. W ojtyła est en tré dans le monde d'idées qui alors se frayait à pei­ ne le chem in sur le terrain de la doctrine éthique chrétienne. Entré dans ce monde, il a im m édiatem ent indiqué deux directions d ’après lesquelles il avait l'intention de l'in terp réter. La prem ière n ’en était que la continuation et l'approfondissem ent de la tendance an té­ rieurem ent signalée, à souligner le rôle de l’élém ent de conscience dans la continuation des phénom ènes éthiques. Dans la théorie de l'am our cela ap paraît dans l'acceptation par le card. W ojtyła de l'idée du vécu total d e cet am our par les sujets. En effet, dans une

10 A r t . cit., p. 2. 11 Ibid.

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telle expérience to tale de l'am our, e t non dans le seul acte de la volonté uniquem ent com pris rationnellem ent, il voit la m atière dont surgit la v éritab le réalité de l'am our. Par contre, le fait que le card. W ojtyła com prend l’am our comme l’acte de ,,l’appartenance de la femme” indique une deuxièm e direction de sa com préhension philosophique de l’am our. Tout sim plem ent la perspective de l'am our esquissée ici e st une perspective personnaliste. La personne hum aine y apparaît non seulem ent comme le su jet qui vit l’amour, mais aussi comme le centre de sa gravité axiologique, dont la digni­ té et la gran d eu r illum inent toute cette expérience de la lum ière de la noblesse m orale.

Il se pose cependant une question: qui e st à l’origine des te n ­ dances chez le card. W ojtyła à la nouvelle in terp rétatio n de la pu­ reté sexuelle? Les références exacte de l’article In styn kt, miłość,

m ałżeństw o, e t su rto ut l'article sous le titre S ystem e ty c zn y M aksa Schelera jako środek do opracowania e ty k i chrześcijańskiej (Le

systèm e éthique d e M ax Scheler comme m oyen d ’élaborer une éth i­ que chrétienne) perm ettent de supposer que ce sont les études sur l'éthique du phénom énologue allem and qui ont servi au cardinal de stim ulant intellectuel. Il n 'est pas nécessaire pour le mom ent d'en en trep ren d re une analyse détaillée. Il suffit de souligner que c'est là q u ’il com mencé ses analyses philosophiques dont les résu l­ tats définitifs furent p résentés à l'époque suivante. C’est pourquoi nous en p arlerons plus loin. Par contre, en ce qui concerne la ques­ tion posée, il im porte de souligner l'éloge qu'y a fait le card. W o j­ tyła de la m éthode phénom énologique, dans laquelle l'étude de la conscience e s t l’instrum ent cognitif essentiel de la pensée philo­ sophique e t la source de découvertes les plus im portantes. On ne peut non plus douter de l'orientation personnaliste de l'éthique de Scheler. M algré une position critique à l'en co n tre de nom breux points de vue de Scheler, le cardinal, sur ces points, restait sous son influence et ten tait d ’enrichir au m oyen d'élém ents qu’il y puisait la théorie dù thom isme traditionnel.

On ne peut pas attrib u er à ces articles une signification décisive quand on dessine le profil philosophique des écrits du card. W oj­ tyła. Mais déjà y apparaissent certains traits caractéristiques de ses ouvrages. On est frappé avant tout par le fait que la problém a­ tique de l'am our et e n général de l’éthique sexuelle, et égalem ent son in térêt pour la phénom énologie de Scheler ap partien n en t dès le d ébut aux élém ents dom inants de la pensée éth iq u e du cardinal. Du prem ier coup apparaît égalem ent son personnalism e éthique qui s'oppose à la conception de la m orale sexuelle surtout dans les catégories de la finalité de la stru ctu re sexuelle de l'homme: e t enfin, on constate l'o u v ertu re à de nouvelles sources d'inspiration philosophique et des tentativ es allant de pair pour les nouer en un ensem ble doctrinal avec la traditionnelle éthique thom iste.

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3. Les réalisations des années 1955— 1959

a) L e s o u v r a g e s e t l e u r v a l e u r

Il y a une in terru p tio n dans la publication des ouvrages du card. W ojtyła d uran t les années 1955— 1956, m ais nul affaiblissem ent de sa pensée éthique. La preuve en est le nom bre d'ou v rag es qui ont vu le jo u r e n 1957: 16 tranches de Elem entarz e ty c z n y (A bécé­ daire éthique) im prim ées dans le „Tygodnik Powszechny"; 4 au­ tres tranches s'y ajo u tero n t en 1958, et 6 articles e t exposés publiés dans différents périodiques scientifiques ou de vulgarisation. On peut adm ettre q u ’une p artie de ces écrits d aten t de la période de silence. La série ainsi inaugurée est com plétée p ar sa thèse d’habi­ litation: O cena m ożliw ości zbudowania e ty k i chrześcijańskiej p rzy

założeniach sysfem u M aksa Schelera (Evaluation de la possibilité

de construire une éthique chrétienne sur les postulats du systèm e de M ax Scheler), publié en 195912. On p eu t donc considérer cette année comme é ta n t le term e de la 2e période de l’évolution de la pensée éthique du cardinal. Q uelle est la caractéristiq ue de cette période et quels sont les apports de l’au teur dans le dom aine phi- losophico-éthique?

De ce point de vue, l'Elem entarz e ty c z n y est le moins instructif Il se compose de 20 articles d'o rien tatio n plutôt populaire; ces a r­ ticles sont indépendants quant à la m atière; chacun a son titre. Leur liste faite d'une m anière sélective m ontre qu'ils sont centrés sur des problèm es éthiques essentiels: le problèm e de l’éthique scien­ tifique, sur l'origine des norm es morales, la n atu re et la perfection, le droit naturel, l'hum anism e et la finalité de l'hom me, le problèm e de la gratuité, l'attitu d e face au plaisir, les valeurs, l’idée et l'h u ­ milité, la justice et l'am our, le problèm e de la lutte, etc... Comme points de dép art l’au teu r prend le plus souvent les objections ren ­ contrées dans l’opinion courante ou dans la litté ratu re faites à l'éthique chrétienne; le canevas en e st l'argum entatioon dans la­ quelle l'au teu r développe le sens authentique des idées correspon­ dantes de cette éthique comme réponse aux objections faites. Les explications se développent en général dans le cadre de la d o ctri­ ne traditionnelle, les élém ents philosophiques étan t intim em ent mêlés aux élém ents théologiques. Le cardinal insiste sur les fonde­ ments objectifs de la morale, sur leur liaison avec la conception réaliste de l’être e t de l’homme, sur la conception „perfectioriste" de l'aspiration de l'hom m e au bonheur, sur la prim auté des valeurs morales, sur le rôle fondam ental de la justice e t de l'am our. Bien que ces argum ents, par suite de leur caractère abrégé e t l'intention apologétique n ’aient pas de grandes am bitions d'être des décou­ vertes, ils peuv ent cependant servir de poteaux indicateurs

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n an t la direction dans les grands principes éthiques du cardinal. M ais si on veut saisir la contribution personnelle du cardinal au d é­ veloppem ent de la pensée éthique chrétienne, c'est à d 'au tres sour­ ces qu ’il faut s'adresser.

Par cela même le centre de gravité de n otre étude se déplace en direction des écrits de caractère savant. Deux d 'en tre ces écrits constituent la suite des recherches du cardinal sur le m ariage abordé surtout du poiiit de vue théologique13. Bien plus irnportafis pour l'o eu vre philosophique du cardinal sont les écrits où il pré- sente les résultats de ses trav au x de com paraison en tre les élé­ m ents choisis de l'éth iq ue de K ant e t dé Scheler d'une part, et de saint Thomas d 'au tre part. Ils ont été partiellem ent utilisés dans la thèse' d ’habilitatioh dont il a été question et avec celle-d ils Composent la sérié consacrée aux fondem ents dé l’éthique. M algré cela, semble-t-il, l’im portance de tous ces écrits en tant que sour­ ces utiles à notre sujet n ’est pas la même. L’exposé: O cena m o żli­

w ości zbudowania e ty k i chrześcijańskiej p rzy założeniach system u M aksa Schelera (Evaluation de la possibilité de construire une éth i­

que chrétienne sur les postulats dé M ax Scheler) est orienté vers la reconstruction de la conception éthique de Scheler du point de vue de son aptitude à in terp réte r les valeurs m orales de la Révélation. Le véritable objet de la recherche dans cet exposé est donc la p en ­ sée étrangère, la Révélation, e t conséquem m ent les affirm ations Cor­ respondantes de l'éthique chrétienne n 'y rem plissent que le rôlé de critère com paratif. Elles ont été introduites dans le courant des réflexions dé l'au teu r sous form e de thèses toutes faites reconnues vraies et sûres sans réflexion approfondie préalable. C et exposé peut donc serv ir de p reu v e de l'art analytique de l’auteur, de sa connaissance des régions de la philosophie m orales qui se tro u v en t en dehors du christianism e: sa contribution à l’enrichissem ent du contenu de la doctrine chrétienne est nulle ou presque. De ce point de vùe les articles e t les exposés publiés dans les revues scientifi­ ques sont une source autrem ent prom etteuse.

b) L a c o n c e p t i o n d u v é c u é t h i q u e

Dans ces réflexions com portant plusieurs aspects deux idées, semble-t-il, absorbent particulièrem ent la pensée du cardinal: la conception du vécu et celle du bien m oral qui lui est liée.

Le problèm e du v écu m oral est exam iné sous un double aspect. Dans le prem ier l'au teu r se penche sur l’influence causative de l’action du su jet sur le vécu éthique, en d ’au tres mots la causalité de ce vécu; dans le second, il considère l’influence causative du vécu éthique sur la valeu r m orale parallèle, et donc sur la causalité de la valeur.

13 K. W o j t y ł a . M y ś l i o m a ł ż e ń s t w i e (P en sé e s su r le m a ria g e), Znak 9 (1957) p. 595— 604q i d., P r o p e d e u t y k a s a k r a m e n t u m a ł ż e ń s t w a (P ro p éd eu tiq u e du sa c r a ­ m en t de m a ria g e), A te n e u m K a p ła ń sk ie 56 (1958) fa se. 294, p. 20— 33.

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Le problèm e du cara ctère de cause du vécu éthique suppose une interprétation déterm inée de la volonté de l'hom me. Le card. W o j­ tyła appliquant la m éthode com parative prend en considération deux conceptions im portantes actuellem ent: I. Kant et M. Scheler. Elles p ren n ent appui sur des conceptions philosophiques de l'homme différentes (dans ses analyses le cardinal pousse jusqu'au plus pro­ fond): mais toutes deux sont d ’accord pour nier la participation causative de la volonté dans la réalisation du vécu éthique. Kant le fait au nom des postulats transcendentaux de sa philosophie: se­ lon lui, la volonté e st de l'ordre noum énal. On peut dire q u ’elle s'identifie à la raison pratique, se soum ettant passivem ent à l'ordre de l’im pératif catégorique14. Par contre Scheler s'est appuyé sur l'ém otionnalism e et sous sa pression il a reconnu comme source du vécu éthique le vécu ém otionnel et non l'acte de la volonté de la personne qui agit cau sativem ent13. Dans ces deux conceptions le vécu éthique trou v e sa „causalité" en dehors de la volonté, dans l’ém otion ou éventuellem ent dans le motif de l'obéissance. Fina­ lem ent il devient un „sentim ent", une „catégorie de la raison", et la volonté se perd comme source de la force causale individuelle, propre et personnelle de l ’homme. ■

Dans la discussion avec les conceptions de K ant e t de Scheler le cardinal développe la théorie du vécu éthique comme acte hu­ m ain: Dans ce but il m et à profit d'abord les résu ltats obtenus par la psychologie contem poraine élaborée p a r N: Ach, mais il rem on­ te égalem ent à ce qui a été fixé par Saint Thomas.-En s'appuyant sur eux il dém ontre que la genèse du v écu éthique est intim em ent lié à la conception de la volonté qui en fait une organisation de l’homme dynam ique et autonome, dans laquelle son „moi" (con­ scient) apparaît comme la cause efficace de l'actio n "10. Sans doute, la volonté agit sous l'influence des motifs, mais son action revêt toujours en fin dé com pte l'aspect d'une décision personnelle, prise par elle-même. G râce à quoi, conclut le cardinal, ,,1e vécu éthique se trouve d ’une m anière im m anente dans chaque action humaine, dans laquelle le seul „moi" personnel a conscience de sa causa­ lité"17. A l'ém otionnalism e de Scheler et à l'apriorism e de Kant W ojtyła oppose l'activism e dynam ique de l’éthique chrétienne. Il revient souvent sur cette idée soulignant à l'occasion sa valeur théorique. Il en fait aussi la p ierre angulaire de ses réflexions u lté­ rieures.

C ette fois elles se concentrent sur la relatio n qui intqrvient

14 K. W o j t y ł a , Z a g a d n i e n ie w o l i w a n a l i z i e a k t u e t y c z n e g o (Le p rob lèm e d e la v o lo n té d a n s l'a n a ly s e d e l'a c te éth iq u e), R oczn ik i F ilo z o fic zn e 5 (1955— 57), fase. 1, p. 11— 114.

15 A r t . cit.i p. 118. 16 A r t . cit., p. 117. 17 A r t . cit., p. 118.

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dans le vécu éthique en tre l'acte du vécu et la valeu r m orale vécue dans cet acte, déterm inant le bien ou éventuellem ent (dans le cas d ’une anti-valeur) le mal m oral de l’acte. De la m anière dont le problèm e sera résolu, le cardinal fait dépendre la réponse, positive ou négative, à la question: en quel sens l’homme est-il cause de valeurs m orales e t par là-même de son propre bien moral? Ces rem arques, qui m ontrent l’im portance du problèm e, expliquent l’engagem ent du cardinal dans la recherche de la solution.

Conform ém ent à la m éthode admise, le cardinal en tre d ’abord en discussion avec les conceptions de Kant e t de Scheler. Il d é­ m ontre que la position de ces philosophes sur no tre sujet e st seule­ m ent la dérivée logique de leur négation de l’influence active de la volonté sur la constitution du vécu éthique. C’est pourquoi au nom des mêmes principes de départ ils professent que l’homme n ’est pas capable de réaliser d’une m anière causative les valeurs m orales dans les actions entreprises. La relation de l ’homme aux valeu rs m orales se constitue de nouveau sur le te rra in de leur „sentim ent" ém otionnel (Scheler), ou de l’obéissance en v ers le principe form el de l’im pératif (Kant). A l’en contre de ces concep­ tions le card. W o jty ła vise à exposer l’idée de la personne comme étan t créatrice causale de la valeur morale. „La valeur, dit-il, ... est par natu re av an t to u t l’oeuvre de la personne elle-m êm e accomplie causativem ent dans son rôle personnel, e t non seulem ent u ne m a­ tière objective sentie dans cet ê tre " 18. G râce à quoi la personne hum aine in terv ien t en créatrice dans le dom aine du bien et du mal moral. Réalisant p ar la force de sa rationalité son action spécifique, c.à.d. les actes, elle réalise en même tem ps l’incarnation des é lé ­ m ents du bien ou du mal moral.

Le cardinal com plète sa théorie sur la relation causative de l’homme aux v aleu rs m orales par son explication de la n atu re de la conscience e t de l’obligation. N ous aurons en core l’occasion de revenir sur ce sujet. On p eu t donc pour le m om ent se lim iter à la constatation que, selon le cardinal, la conscience précisém ent est le tém oin authentique de la participation active de l’homme à l’ac­ com plissem ent du bien et du mal p ar les actes rationnels p erson­ nels et que c’est là que commence l’expérience de l’obligation comme d ’un ordre intérieu r de réaliser ce bien et d’év iter le m al19. Mais l’activité de la personne hum aine en ta n t que sujet du vécu éthique ne s'arrê te pas là. Dans le bien ou le mal de ce vécu

18 K. W o j t y ł a , P r o b l e m o d e r w a n i a p r z e ż y c i a o d a k t u w e t y c e na t l e p o ­

g l ą d ó w K a n t a i S c h e l e r a (Le p ro b lè m e d e la sé p a r a tio n du v é c u de l ’a c te à la

lu m ière d e s c o n c e p tio n s d e K ant et d e S ch eler ), R o czn ik i F ilo z o fic zn e 5 (1955— 57) fa se. 3, p. 137.

19 K. W o j t y ł a , O c e n a m o ż l i w o ś c i z b u d o w a n i a e t y k i c h r z e ś c i j a ń s k i e j p r z y

z a ł o ż e n i a c h s y s t e m u M aksu S c h e le r a (E v a lu a tio n d e la p o s s ib ilité d e co n str u ire

u n e éth iq u e c h r é tie n n e sur le s p o stu la ts du s y s tè m e d e M ax S ch e ler ), Lublin 1959, p. 74— 91.

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l'homme découvre à son tour la source de sa p ropre valeur morale, et ceci grâce au fait que le bien ou le mal réalisé dans l'acte d e­ vient sa p ropre participation. En d 'au tres mots, la personne hu­ maine par la réalisation de la valeur ou de l'anti-valeur de l'acte se rend elle-m êm e „valable", „bonne" ou „non valable", „m au­ vaise". Le m onde des valeu rs m orales créé p ar la personne dans son action rationnelle se transform e de cette m anière en dotation de la' personne elle-même; de la sphère des actes il passe dans la sphère du sujet de ces actes et s'y en rac in e20.

c) L a c o n c e p t i o n d u b i e n m o r a l

L'idée du cara ctère causatif de la volonté hum aine et par elle de l'hom me dans l'accom plissem ent du vécu éthique, e t à plus forte raison de la participation causale du su jet dans la réalisation des valeurs m orales, c.à.d. du bien ou du m al des actes mêmes et de la personne qui les fait am ène à la fin à poser la question rela tiv e­ m ent aux fondem ents ontiques de ce bien: de quelle m atière sont- ils? des vécus subjectifs du sujet qui les fait ou des élém ents d e natu re objective?

Face à cette altern ativ e le cardinal se déclare en faveur de la conception objective du bien et du mal. Déjà dans Elem entarz

e ty c zn y cette idée a reçu, une expression rem arquable, mais un dé­

veloppem ent plus large se trouve dans les écrits com paratifs dont nous parlons. V ient en tête sa conception du rôle de la raison dans la déterm ination du bien moral. A nalysant les conceptions de H u­ me, Kant e t Scheler21 il dém ontre que dans to u tes ces théories la raison e st privée de la capacité de rem plir une fonction n orm ative réelle, déterm inée q u ant au fond du point de v u e axiologique. II en est ainsi p ar suite des fondem ents purem ent ém otionnels ou form els de ces théories. Ce sont les im pressions de plaisir, l'ém o­ tion de l'am our ou la forme a priori de l'im pératif catégorique qui sont les forces créatrices du bien m oral. C 'est seulem ent sur le terrain de la th éo rie réaliste e t objective du bonum honestum (bien honnête) élaborée par saint Thomas que la raison retro uv e la force de l'influence norm ative sur l'action de l'hom m e. Lui appartien t en effet la capacité de déterm iner „ce qui est objectif e t ce qui en tant que bien d evrait ê tre la finalité de la volonté"22. O r cet acte

20 K. W o j t y ł a , Z a g a d n i e n ie w o l i w a n a l i z i e a k t u e t y c z n e g o (Le p ro b lèm e de la v o lo n té d a n s l'a n a ly s e d e l'a c te é th iq u e ), R o czn ik i F ilo z o fic z n e 5 (1955— 57) fa se. 1, p. 133— 134.

21 К. W o j t y ł a , W p o s z u k i w a n i u p o s t a w p e r i e k c j o i y z m u w e t y c e (A la r ech erch e d e s fo n d em e n ts du p e r fec tio r ism e d a n s l ’é th iq u e ), R oczn iki F ilo z o fic z n e 5 (1955— 57) fasc. 4, p. 303— 317; i d ., O k i e r o w n i c z e j lu b s l u ż e b n i c z e j r o li r o z u ­

m u w e t y c e (Sur le r ô le d e d ir ec tio n ou de se r v ic e d e la ra iso n en éth iq u e). N a t l e p o g l ą d ó w T o m a s z a z A k w i n u . H u m e ' a i K a n t a (A la lu m ière d e s c o n c e p tio n s

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de „déterm ination” n 'est pas exclusivem ent un acte de connais­ sance; il a une répercussion pratique: il contient aussi en soi „la déterm ination de la norm e”. La déterm ination de la norme, comme le constate le cardinal, signifie ,,le fait de conduire les actions de l'hom me vers la réalisation du bien qui e st la finalité propre de sa nature raisonnable”23. C 'est la capacité propre au seul homme, car elle est liée à sa „capacité de saisir par la raison l'essence même du b ien ”24. L'intellect saisissant l'essence du bien em brasse tous les biens et leur relation à la natu re rationnelle de l'homme comme les fins de son action. L'ensem ble de ce procesus se réalise dans la sphère de la raison pratique intim em ent liée dans son ac­ tion à la volonté. Donc la raison à trav ers son union organique avec les élém ents de la volonté devient l a , force créatrice du bo­ num honestum , c.à.d. du bien m oral25; c'est là; sa fonction norm ative authentique.

Le problèm e des fondem ents ultim es de ce bien est l'au tre im­ plication de la th éo rie du bonum honestum et de l'activité créatrice de norme de la raison. En-effet jusqu'à présen t on disait de ce bien uniquem ent qu'il avait un caractère objectif. Il reste cependant à expliquer sur quoi repose ce caractère objectif du. bien honnête et à quelles sources il puise la réalité qui lui e st propre: Le cardi­ nal n 'év ite pas ce problèm e. Il semble que ce sont ses· études sur le problèm e du „perfectiorism e” en éthique qui contiennent le plus de données capables de renseigner sur sa pensée à ce sujet26. Dans ces écrits, de nouveau sur le canevas de la discussion avec les rer présentants de l'éthique m oderne, su rto ut avec Kant et Scheler, le cardinal expose la thèse que la solution la plus profonde e t la plus légitim e du problèm e de l'objectivité du bien moral, c'est la doc­ trine d'A ristote e t de Saint Thomas sur l'identité de ce bien avec l'être. Résum ant les derniers résu ltats de l’analyse de leurs arg u ­ m entations sur ce point il formule égalem ent sa propre convic­ tion: ,,Le bien c ’est l'être qui reste en relation avec un au tre être; cet au tre être tend vers lui pour sa propre perfection. Est bien ce qui perfectionne l'être à un point de vue, ce qui l'actualise, ce qui dans le cadre de sa n atu re accroît en quelque sorte son existen­

22 K. W o j t y ł a , O k i e r o w n i c z e j l u b s ł u ż e b n e j r o li r o z u m u w e t y c e , R o czn i­ k i F ilo z o fic z n e 6 (1958) fasc. 2, p. 31.

23 Ib id.

24 K. W o j t y ł a , O m e t a l i z y c z n e j i f e n o m e n o l o g i c z n e j p o d s t a w i e n o r m y

m o r a l n e j (Du fo n d em e n t m é ta p h y siq u e et p h é n o m é n o lo g iq u e de la norm e m orale)

R oczn ik i T e o lo g ic z n o -K a n o n ic z n e 6 (1959) n ° 1— 2, p. 108.

25 Le ca rd in a l e m p lo ie p lu tô t le s m o ts la tin s b o n u m h o n e s tu m .

26 B ien q u e le ca rd in a l a d o p te n ettem e n t le term e „perfectiorism e" , e t r eje tte le term e e m p lo y é o rd in a irem en t „p erfectio n ism e" , dan s le s lis te s d 'o u v ra g e s et dan s le s n o te s on e m p lo ie à tort et fréq u em m en t „ p e r fe c tio n is m e ” au lie u d e „per­ fectiorism e" .

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ce"27. Sur cette in terp rétatio n existentielle du bien comme être perfectionnant un au tre être dans son existence, le cardinal appuie d'autres thèses, su rto u t la conception . de la m esure (perfection) des êtres e t de leur hiérarchie; le point culm inant et le couronne­ m ent de cette conception est l'idée du bien comme perfection de la nature raisonnable de l'hom me dans sa relatio n de m odèle à la plénitude absolue de l'Etre et du Bien,-c.à.d. de Dieu28.

Le fait de lier le bien m oral à l'ord re objectif de hêtre crée la possibilité d 'attrib u e r au bien m oral les qualités· de la vérité; cette idée em brasse et p énètre à un certain degré toute la pensée éthique du cardinal W ojtyła. C 'est pourquoi surgissent souvent sous sa plum e des expressions comme ,,la vérité du -b ien " ou encore ,,1e bien véritable". Suivant cette ligne il exprim e finalem ent la con­ viction que ,,l'essence de la vie m orale c’est le fait de v itr e la v érité concernant le bien réalisé dans l'a c te et la réalisation dans cet acte du bien soumis au critère de la raison, e t donc placé.dans la lum ière de cette v érité"29. On peut vo ir dans cette p hrase l'union en une seule idée fondam entale du v éritable bien m oral de l’acte hum ain à deu x notions essentielles, différenciées auparavant, et traitées séparém ent: la notion du vécu éthique et du bien: moral. Dans les opinions du cardinal sur les fondem ents de l’éthique cette idée rem plit le rôle de joint de l’ensem ble. C ’e st dans cette idée aussi que s'exprim e la tendance évolutive essentielle de sa pensée éthique: c'est l'affirm ation de l'éthique objective, réaliste et en même tem ps dynam ique, qui adm et la réalisation causale du v é ri­ table bien-moral.

d) A u t r e s o p i n i o n s

Les opinions du cardinal W o jtyła sur les fondem ents de l’éth i­ que se sont façonnées sur le terrain d ’un dialogue continu, et même de la confrontation avec les représentan ts des courants m odernes dom inants de la philosophie morale; il a accordé le plus d 'a tte n ­ tion à M. Scheler, lui consacrant même une m onographie p articu ­ lière. La position essentielle du cardinal, comme nous l'avons déjà eu l'occasion de le constater, se m anifeste dans la négation des po­ stulats fondam entaux de l'éthique de Scheler30. M ais cette négation

27 K. W o j t y ł a , W p o s z u k i w a n i u p o d s t a w p e r t e k c j o r y z m u w e t y c e , R ocz­ n ik i F ilo z o fic z n e 5 (1955— 57) fa sc. 4, p. 308. 28 K. W o j t y ł a , O m e t a f i z y c z n e j i f e n o m e n o l o g i c z n e j p o d s t a w i e n o r m y m o r a ln e j, R o c zn ik i T e o lo g ic zn o -K a n o n icz n e 6 (1959) n ° 1— 2, p. 100— 110, 118— 124. 29 A r t . cit., p. 121— 122.

30 O n p eu t a jo u ter en p a ssa n t qu'on tr o u v e p r e sq u e en m êm e tem p s u n e é v a lu a tio n d e s c o n c e p tio n s de S ch eler, tou t à fait in d ép en d a n te , m ais id e n tiq u e à c e lle du card in al; c ’e s t c e lle d e H elm u t D a h m (RFA), dan s sa th è s e de d o c to ­ rat, p u b liée e n s u ite so u s le titre de: V l a d i m i r S o l o v i e v u n d M a x S c h e ler . Ein

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n 'était pas radicale au point de ne pas lui p erm ettre de puiser chez le penseur allem and des élém ents de sa doctrine et de les in tro ­ duire dans le m onde de sa propre pensée éthique. On ne peut pas en découvrir (du moins théoriquem ent im portants) dans la m atière essentielle de la v ersion de l’éthique; p ar contre, comme le cons­ ta te clairem ent le cardinal lui-même, ces élém ents se tro u v en t dans la conception de la m éthode de l'éthique, av an t to u t dans la con­ ception de l’expérience éthique. Et cet élém ent est devenu l'o b jet de recherches p én étran tes du cardinal d u ran t la période suivante; c ’est pourquoi nous en p arlerons en tem ps et place requis.

4

.

Etat des conceptions en 1960— 1978

« a) L e s p u b l i c a t i o n s

L’année 1959 est reconnue comme une ligne de dém arcation en tre la 2e et la 3e périodes de form ation de la pensée éthique du card. W ojtyła. Ceci pour la raison q u ’après la publication en 1959 de l’ouvrage Ocena m ożliw ości zbudow ania e ty k i chrześcijańskiej

p rzy założeniach M aksa Schelera (Evaluation de la possibilité de

construire une éthique chrétienne sur les postulats du systèm e de M ax Scheler) in terv ien t un changem ent notable dans les recherches du cardinal. A lieu en quelque sorte la renaissance de la problém a­ tique sexologique. Il est vrai qu'elle n 'av ait jam ais quitté son cham p de vision, ce que prouvent les écrits publiés e n 1957 et 1958*®*. Mais le fait im portant sur ce te rra in fut le livre: M iłość i odpow ie­

dzialność (L'amour et la responsabilité) qui p aru t en I960 et fut

deux fois réédité en peu de tem ps31, en plus des traductions e n langues étran g ères. Des idées glanées sur le cham p de cette o eu v re fournissent encore quelques écrits moins im portants im primés plus tard 32, bien que l'un d'eux, sous le titre de O znaczeniu m iłości

oblubieńczej (De la signification de l'am our de fiancé)33 doive ê tre

considéré comme un com plément intégral de l'aspect norm atif de

M iłość i odpowiedzialność. A côté de cela un groupe thém atique B e tr a g z u r G e s c h i c h t e d e r P h ä n o m e n o l o g ie im V e rs u c h e in er v e r g l e i c h e n d e n Im

t e r p r e t a t i o n , M ü n ch en -S a lzb u rg 1971.

30a K. W o j t y ł a , M y ś l i o m a ł ż e ń s t w i e (P e n sé e s sur le m a ria g e), Znak 9 (1957) p. 595— 604; i d., P r o p e d e u t y k a s a k r a m e n t u m a ł ż e ń s t w a , A te n e u m K a p ła ń ­ s k ie 56 (1958) n ° 294, p. 20— 33.

31 L ublin 1960, 2e é d it., K rak ów 1962, 3e édit. L on d res 1965.

33 К. W o j t y ł a , Z a g a d n i e n ie k a t o l i c k i e j e t y k i s e k s u a ln e j . R e l l e k s j e i ' p o ­

s t u l a t y (P rob lèm e d e l ’éth iq u e s e x u e lle c a th o liq u e . R é fle x io n et p o stu la ts), R o czn i­

k i F ilo z o fic z n e 13 (1965), fa sc. 2, p. 5— 25; i d., N a u k a E n c y k l i k i ,,H u m a n a e v it a e "

o m ił o ś c i (La d o c tr in e d e l ’e n c y c liq u e „H um anae v it a e ” sur l'am ou r), A n a le c ta

C r a c o v ie n s ia 1 (1969) p. 341— 356; i d., R o d z i c i e l s t w o a c o m m u n io p e r s o n n a r u m (La p a te r n ité -m a te rn ité et la c o m m u n io personarum ), A te n e u m K a p ła ń sk ie 84 (1975) n ° 1, 17— 31.

33 К. W o j t y ł a , O z n a c z e n iu m i ł o ś c i o b l u b i e ń c z e j (De la s ig n ific a tio n d e l ’am our d e fia n c é) R o czn ik i F ilo z o fic zn e , fa sc. 2, p. 162— 174.

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séparé est constitué par les études du dom aine de la m étaéthique qui m éritent l'in térêt avant tout pour cette raison q u ’elles sont la continuation e t l'approfondissem ent des trav a u x commencés an té­ rieurem ent sur tous ces thèmes. D 'autres écrits du cardinal sont consacrés aux problèm es qui ne sont pas liés par le sujet en un ensem ble thém atique. On peut donc les om ettre: seront l'o b jet d ’un exam en plus précis les conceptions du cardinal sur le problèm e de l'éthiq u e sexuelle et de la m étaéthique.

b) L a t h é o r i e d e l ' a m o u r

Comme il déjà été dit, le point culm inant de la problém atique sexuelle est constitué par la m onographie M iłość i odpow iedzial­

ność (L'amour et la responsabilité). Dans cet exposé le card. W o j­

tyła a fait e n quelque sorte la synthèse des énoncés an térieu rs sur cette m atière. Au centre des réflexions se trouve l'am our ,,de fian­ cé" (qui trouve son accom plissem ent dans l'am our m atrim onial) comme réalité fondam entale de la relation réciproque de l’homme e t de la femme. Il suffit de souligner les élém ents essentiels (d'après l’auteu r de cet article) de l'argum entation du cardinal, d 'au tan t plus que M iłość i odpow iedzialność appartien t à ses écrits des plus connus.

A la base de la théorie de l'am our dans la conception du card. W ojtyła se trouve la distinction de trois aspects qui indiquent trois plans analogiques de ses analyses: les plans m étaphysique, p sy ­ chologique et éthique. Du point de vue de notre sujet il faudrait se concentrer sur ce troisièm e, sur le plan de l'éthique. N éanm oins le cardinal a organisé le courant de son raisonnem ent de telle m a­ nière que les im plications éthiques de l'am our p ren n en t leurs ra ­ cines dans le fond m étaphysique e t psychologique. Et donc nous donnons au moins quelques précisions sur ce point, ce qui semble s'im poser.

C 'est le devoir de l'analyse m étaphysique de l'am our d'esquis­ ser les élém ents les plus généraux et les plus essentiels de cette expérience. Tirant profit des précisions introduites dans cette m a­ tière par la tradition philosophique chrétienne, le cardinal expose d ’abord trois couches fondam entales de l'am our. Ce sont: la „com­ plaisance'’ (amoi complacentiae) dans laquelle se réalise „l'engage­ m ent de la pensée à l'égard de cette (deuxièm e — TS) personne en tant que bien "34; la „concupiscence" (am oi concupiscentiae), c.à.d. la tendance de la volonté v ers l'au tre personne en tan t que m oyen p erm ettan t de com bler e n soi une privation („désir du bien pour soi-m êm e'')35, et enfin la „bienveillance" (amor

benevolen-34 K. W o j t y ł a , M ilo ś ć i o d p o w i e d z i a l n o ś ć (L’am our e t la r e s p o n s a b ilité ), K rak ów 1962, p. 63.

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tiae) exprim ant ,,le reto u r altru iste de la volonté et des sen ti­

m ents”36, reto u r qui consiste à d ésirer le bien d'une au tre personne

com m e objet de l'am our. C ependant ces traits caractérisen t l'am our

au plan individuel, dans la m esure où il exprim e la disposition d ’une personne (qui aime) à l'égard d'une au tre (qui est aimée). L'am our ,,de fiancé” se réalise cependant dans la relation in terp erso n n elle et tend à fonder une com munauté, un ,,nous” spécifique. Il attein t son but quand il devient ,,am our réciproque”, mûri, plénier, d u ra­ ble, transform é e n amitié. Tous ces élém ents, vus du point de vue individuel e t interpersonnel, se tro u v en t à la base de l'am our ,,de fiancé”, mais ne g rav en t pas encore le trait dans lequel cet am our attein t sa form e foncièrem ent spécifique. Le cardinal voit ce trait ,,dans l'abandon de sa propre person ne”37, abandon spécifique, spi­ rituel (l’homme lui-même comme sujet de l'am our est „incom m u­ nicable” en raison de son individualité — alteri incom m unicabilis, néanm oins v éritab le et parfait, car il est serviable e t charitable).

L'analyse générale (m étaphysique) de l'am our révèle non seule­ m ent la structu re élém entaire de l'am our, m ais — ce qui est plus im portant — dévoile aussi la spécificité la plus profonde de l'am our ,,de fiancé” qui, dans les relations sexuelles, constitue la m atière fondam entale de. la com m unauté interhum aine. Les résultats obte­ nus à cette étape sont com plétés par l'au teu r au cours de réflexions centrées sur l’aspect psychologique de l'am our ,,de fiancé”. Elles l'ont conduit à distinguer deux élém ents: la sensualité et la senti­ m entalité. En les séparant il indique en même tem ps leur caractère limité: la sensualité est orientée vers la valeu r du „corps”, et la sentim entalité possède un caractère subjectif, restrein t au fait de vivre dans l'am our „soi-même pour soi-m êm e”. Ceci crée le terrain sur lequel le cardinal pose le postulat de l'intégration, c.à.d. de l'unification de l'am our en le fondant sur les élém ents spirituels de la liberté e t de la vérité. Car ,,l’am our est toujours une affaire in té­ rieu re e t une affaire de l'e sp rit”38, ou bien il cesse d 'être am our. Il doit découler d 'u n libre engagem ent de la volonté dans le bien de la personne aimée, mais ce bien doit être un ,,bien v éritab le”, e n ra ­ ciné dans la réalité objective et en tiran t sa valeur.

La constatation du lien intérieu r en tre l'am our „de fiancé" et la v érité objective de cet am our établit un pont dans la conception du cardinal W o jty ła en tre l'aspect psychologique e t l'aspect éthique de l'am our. C ependant ce passage signifie en même tem ps l'assem ­ blage e t l'unification à un niveau supérieur des élém ents dévelop­ pés antérieurem ent. L'analyse éthique de l'am our ,,de fiancé” doit p résen ter l'am our comme une vertu. M ais la v ertu de l’am our se façonne dans le monde des v aleu rs m orales, qui est une catégorie

36 O p. cit., p. 72. 37 O p. cit., p. 84. 33 Op. cit., p. 106.

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spéciale de la sphère de l'action humaine, qui dans .la théorie du cardinal se fonde sur le monde des êtres. En effet, elle est ancrée dans le bien objectif (qui, comme on le sait, s'identifie à l'être) e t sa réalité axiologique e st créée à partir d'élém ents contenus dans ce bien.

Le cardinal lui-même constate que ,,1e prem ier d'en tre eux et le plus im portant semble ê tre l'affirm ation de la personne"39, c.à.d. la reconnaissance de sa valeur exceptionnelle comme être raison­ nable qui ,.possède la perfection spirituelle qui lui est pro p re"40. Il ne s'agit pas ici d'ignorer les au tres valeu rs qui se trouvent dans la personne, avant tout la valeur sexuelle. L'essence de la chose consiste ici dans le fait de savoir introduire ces valeu rs dans la valeur principale de la personne qui est le prem ier e t propre term e de la relatio n de la volonté engagée en elle.

C ette condition une fois réalisée, ,.alors seulem ent on p o u rra penser à l'union des personnes et à leur ap p artenance"41. C ette phrase est un écho des prem iers énoncés du cardinal sur l'am our ,,de fiancé". M ais m aintenant ils apparaissent dans un large con­ texte e t constituent le point de départ de propositions éthiques nouvelles. Dans la conception du cardinal ils se ram ènent à ce fait de rendre app aren te l'idée du choix e t de la responsabilité. L'ap­ partenance en effet implique l'abandon de la personne qui aime à la personne qui est aimée, mais aussi l'acceptation de cette p er­ sonne aimée. Et ceci signifie la reconnaissance de sa valeur en tant que personne et la prise sur soi de la responsabilité m orale la con­ cernant. M ais le fait de prendre sur soi la responsabilité d 'une autre personne et ceci authentiquem ent e t non seulem ent à moitié libère en l'hom me la principale force de l'am our: „donner la volonté, cré­ er le bien, ren d re h eu reu x "42. „C’est un tra it „divin" de l’am our"43, conclut le cardinal, et en même tem ps la source d'où découlent les formes d'am our fondam entales. Parm i lesquelles la m aîtrise de la concupiscence de la chair, le subjectivism e et l'égoïsm e sentim en­ tal pour créer le terrain sur lequel se développe „le sens plénier de la p u reté "44: en son fond et en quelque sorte sur son noyau apparaît de nouveau la valeur de la personne. „II est impossible de concevoir la p u reté sans la v e rtu de l'am our de la p erso n ne"45, souligne le cardinal indiquant l'idée centrale de l'éthique sexuelle qu'il développe. Dans cette idée, comme il l’explique dans un au tre contexte46, se réalise le „droit du don”. Ce droit exige qu'on

main-39 Op. cit., p. 110. 40 Ibid. 41 Op. cit., p. 116. 42 Op. cit., p. 127. 43 Ibid. 44 Op. cit., p. 158. 45 Op. cit., p. 160.

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.tienne dans les lim ites de la reten u e et de la m aîtrise de soi la sp h ère im pulsive de sa propre sensualité et sensibilité jusqu'au mom ent où se constitue ,,la situation objective" qui p erm ette de tran sm ettre le don de l’am our à une au tre personne dans la vie com m une sexuelle. C ette situation objective est créée par le m a­ riage: e n lui le droit du don collabore avec ,,le droit d'absorption de la pudeur p ar l'am our"47, mais e n même temps s’ouvre une nou­ velle réalité m orale qui dépasse le cercle de la relation in terp er­ sonnelle de l'am our. C 'est la réalité d ’une union interpersonnelle stable, c.à.d. l’institution sociale du m ariage.

Dans les réflexions du card. W o jty ła se placent au prem ier plan les aspects du m ariage: la monogamie e t l'indissolubilité, la valeur institutionnelle, la fécondité et la paternité-m aternité, e t enfin les normes de la vie m atrim oniale commune et le problèm e de la v ir­ ginité. La to talité de ces réflexions est toujours pénétrée de la même idée de l’affirm ation de la personne et de son exceptionnel­ le valeur. A l’aide de cette idée il m ontre les vraies dim ensions éthiques de chacun des aspects cités du m ariage: c'est elle égale­ ment qui établit l'idée principale définissant le sens du m ariage; ,1e m ariage est l'institution de l'am our e t non seulem ent celle de la fécondité. La vie commune m atrim oniale... est en soi... un acte d’am our ,,de fiancé", c'est pourquoi l'in ten tio n et l'attentio n de­ vraien t ê tre dirigées vers l'au tre personne, vers son v rai bien"48. Ces paroles p erm ettent de tire r une seconde conclusion. Toutes le s directions des réflexions sur l'am our ,,de fiancé" e t l'am our conjugal sont réunies e t placées au niveau correspondant par l’idée principale de la personne. La valeu r de la personne hum aine selon sa conception e st toujours supérieure à to utes les valeu rs qui sont réalisables dans le sphère de la vie sexuelle. C 'est pourquoi elle ne peut ê tre soum ise à aucun de ces buts. Ce qui est la norm e fon­ dam entale dans ce monde des idées c'est l'affirm ation de la valeur personnelle du p artenaire de l'am our dans leur appartenance réci­ proque avec toutes les conséquences éthiques qui en découlent. Dans la term inologie du cardinal cela s'appelle ,,norm e p erso n n a­ liste".

La norm e personnaliste constitue dans la pensée éthique du card. W o jty ła avant to ut une catégorie éthique dans laquelle se concentrent e t se transform ent e n valeu r m orale tous les élém ents essentiels mis en relief au cours des analyses m étaphysiques et psychologiques de l'am our. M ais en outre elle contient en soi de form elles im plications anthropologiques. L’auteu r a conscience de cet état de choses. C 'est pourquoi en guise d'introduction à la pro·

48 K. W o j t y ł a , O z n a c z e n iu m ił o ś c i o b l u b i e ń c z e j , R o czn ik i F ilo z o fic z n e

22 (1974), fasc. 2, p. 162— 164.

47 M iło ść i o d p o w i e d z i a l n o ś ć , op. cit., p. 172. 48 Op. cit., p. 227.

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