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Le Roman polonais du réalisme mûr et le modèle romanesque du réalisme classique

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Academic year: 2021

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Anna Martuszewska

Le Roman polonais du réalisme mûr

et le modèle romanesque du réalisme

classique

Literary Studies in Poland 6, 29-39

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A nna M artuszew ska

Le R om an polonais du réalisme mûr

et le m odèle rom anesque

du réalisme classique

Q ue le m odèle du réalism e classique ait m arqué de son em preinte sur le ro m an polo nais du réalism e m ûr des années 1876— 1895, que ce rom an soit trib u taire de l’héritage européen et ait subi l’influence des oeuvres d ’écrivains tels que, av ant to u t, Balzac, D ickens et Stendhal, ne fait aucun doute. Q u an d cependant on en vient à des analyses plus ou m oins détaillées, on voit surgir de nom breux problèm es pas faciles du to u t à résoudre. En effet il ap p a raît to u t d ’ab o rd que, q u o iq u ’on puisse parler, d ’une p art, d ’un m odèle de rom an européen du réalism e classique ou du grand réalism e, et, de l’autre, de rom an polonais du réalism e m ûr, ces m odèles toutefois ne sont pas sans com p o rter des antinom ies internes et on ne peut pas m ettre de signe d ’égalité entre les rom ans de Balzac, Stendhal et D ickens com m e entre ceux de Prus, O rzeszkow a, Lam et Sienkiewicz. Ainsi donc, les co m paraisons et co n fro n tatio n s doivent co m pter avec l’hétérogénéité des phénom ènes qui existent, q u ’on le veuille ou non, dans la conscience (dans celle su rto u t des historiens de la culture et de la littérature s’o ccu p an t des époques ultérieures) en ta n t que certaines entités notionnelles p o rta n t les nom s de rom an bourgeois, ro m an du grand réalism e, ro m an positiviste polonais des années quatre-vingt du X IX e siècle, etc. Secondem ent, il convient de se souvenir que le rom an p olonais des années 1876 — 1895 naît au m om ent où, sur le terrain européen, fon ctionne déjà et se développe très intensém ent le rom an n aturaliste: il subit de ce fait très fortem ent son influence, se cam pe sciem m ent en o pp o sitio n p ar ra p p o rt à lui to u t en subissant son em ­

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p rise 1. On ne s’éto nnera donc pas que de nom breux chercheurs se soient occupés et s’occupent des relations entre le ro m an positiviste ou ses créateurs choisis et le n a tu ra lism e 2, les historiens de la litté­ ratu re situant beaucoup plus rarem ent au centre de leurs p réoccupa­ tions les attaches, p o u rta n t évidentes, avec le rom an réaliste au sens strict. Le troisièm e problèm e capital qu an d on se penche justem ent sur ces dernières relations, est celui du type chronologique. Le modèle du rom an réaliste classique se form e en A ngleterre et en F rance dès les années trente du X IX e siècle, p ar la suite il n ’est q u ’enrichi. La génération littéraire sur laquelle il exerce une influence directe, ce sont les écrivains polonais actifs entre les insurrections nationales ( 1830 — 1863), a p p a rten an t surto u t aux représentants de ce q u ’on appelle le rom an « biederm eier »3 (principalem ent Kraszew ski et K orzeniowski, d on t les attaches avec l’oeuvre de Balzac, Stendhal et D ickens restent toujours à découvrir). Les relations entre le modèle du ro m an polonais du réalism e m ûr et le m odèle du réalism e européen classique p orten t donc non seulem ent un caractère direct et certaines convergences n ’ont nul besoin d ’être expliquées p ar l’em prise du deuxièm e m odèle cité sur le premier, celles-ci p o uvant aussi être interprétées en invoquant la spécificité évolutive du rom an polonais se tro uv ant co nstam m ent — depuis les Lum ières — sous une forte em prise du ro m an européen mais, en m ême tem ps, subissant des tran sfo rm atio n s définies dans son rythm e propre et a d o p ta n t certaines influences au tem ps qui lui était propre, conform ém ent à son cycle évolutif à lui.

1 Cf. J. Z. J a k u b o w s k i , Z d zie jó w n atu ralizm u w P o lsce (P a g e s d ’h isto ire du

n atu ralism e en P o lo g n e), W rocław 1951 ; J. N o w a k o w s k i , S pór o Z o lę w P olsce. Z d zie ­ jów p o z y ty w is ty c z n e j re cep cji n a tu ra lizm u fra n cu sk ieg o (L a Q u erelle su r Z o la en Pologne. P a g es d ’h isto ire de la ré cep tio n p o sitiv is te du n atu ralism e fra n ç a is), W rocław 1951;

J. K u l c z y c k a - S a l o n i , L ite ra tu ra p o lsk a lat 1876 — 1902 a in spiracja E m ila Z o li

(L a L itté ra tu re p o lo n a ise d e s années ¡876 — 1902 e t l ’in spiration d ’E m ile Z o la . E lu des),

W rocław 1974.

2 A ux travaux ci-d essu s cités il co n v ien t d ’ajouter su rtou t la m o n o g r a p h ie de

Z. S z w e y k o w s k i , T w ó rc zo ść B olesław a P rusa (L 'O eu vre de B o lesła w Prus), v ol. 1 — 2, P ozn ań 1947.

? Cf. M . Ż m i g r o d z k a : P o lsk a p o w ie ść b ied erm eieró w sk a (L e Rom an « b ie d e r ­

m eier » p o lo n a is), „ P am iętn ik L iterack i” , 1966, fasc. 2; P ro za fa b u la rn a w k ra ju (L a P ro se d ’affabu lation en P ologn e), [dans:] L ite ra tu ra k ra jo w a w o k re sie ro m a n ­ ty zm u 1831 — 1863 (L a L itté r a tu r e rom an tiqu e p o lo n a ise é c rite en p a y s dans les années 1831 — 1863), ss la dir. de M . Ja n io n , B. Z ak rzew sk i, M. D ern a lo w icz, v o l. 1,

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L e Rom an p o lo n a is du ré a lism e m û r 31

O n connaissait très bien en territoire polonais, au X IX e siècle, les oeuvres rem arquables a p p a rte n a n t au genre rom anesque réaliste classique en Europe. Sans p arler que le français, et progressivem ent aussi l’anglais, faisaient partie de «la bo nne éducation» non seulem ent de l’aristo cratie m ais aussi de la noblesse m oyennem ent fortunée, de l’intelligentsia et m ême de la bourgeoisie cossue: ainsi ces oeuvres pouvaient être connues dans l’original (et l’étaient souvent, su rtou t les ro m an s de Balzac); à cela il faut ajo u ter que les oeuvres les plus rem arquables de Balzac et de D ickens étaient tradu ites en polonais avec un décalage de quelques années à peine p ar ra p p o rt à la d ate de la p aru tio n de l’o rig in a l4. D an s les années quatre-vingt qui nous intéressent ici, paraissait chez S alom on Lew ental à Varsovie une nouvelle trad u ctio n , en huit volum es, des oeuvres de Balzac, et, parm i les trad u cteu rs, nous relevons des nom s, conn us d an s la littérature p olonaise: A ntoni Sygietyński, W aleria M arrené-M orzkow ska, H ajo- ta. Les plus illustres créateurs des rom an s du réalism e m ûr — Prus, O rzeszkow a et Sienkiewicz, et, a p p a rte n a n t en p artie à ce groupe, Kraszew ski — connaissaient plusieurs langues européennes, d o nt sur­ to u t le français. A p a rtir de leurs articles critiques ainsi que de leur correspondance, on p o u rrait m ettre au jo u r et docum enter très en détail la connaissance q u ’ils avaient des principaux rom ans et des principes théoriques fondam entaux du réalism e classique. Avec cela il est significatif que si, d ans les années soixante et au déb u t des années soixante-dix du X IX e siècle, le rom an ten ­ dancieux polonais est p atro n n é p ar V ictor H ugo et G eorge Sand alors que le nom de Balzac n ’ap p a raît en cette période q u ’occasion­ nellem ent (plus rarem ent que dans les années trente); dans les années quatre-vingt en revanche il est invoqué beaucoup plus souvent, parfois m êm e — com m e chez Sienkiewicz — en o ppositio n spécifique par

4 V. J. K u l c z y c k a - S a l o n i , D ick en s w P o lsce (D ic k e n s en P ologn e), „Przegląd H u m a n isty cz n y ” , 1970. fasc. 5; M . K o c i ę c k a , Z d zie jó w re c e p c ji D icken sa w P o lsce

X I X w. (d o r. 1 9 00) (P a g e s d ’h isto ire de la ré cep tio n d e D ick en s en P o lo g n e au X I X ‘ s. J u sq u ’en 1900), ib id e m , 1962, fasc. 5; W. K r a j e w s k a , R ecep cja lite ra tu ry a n g ie lsk ie j w P o lsc e w o k re sie m o d e rn izm u (1 8 8 7 —1 9 1 8 ). Inform acje. S ądy. P rze k ła d y (R é c e p tio n de la litté ra tu re an glaise en P o lo g n e à l ’époque du m odernism e. 1 8 8 7 — 1918. In form ation s. Ju gem en ts. T radu ction s), W rocław 1972; S. de K o r w i n - P i o t r o w s k a , B alzac en Pologne. E ssai de b ibliograph ie, Paris 1933.

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ra p p o rt au naturalism e entendu d ’une m anière critiq u e 5. A Balzac se réfère relativem ent souvent C hm ielow ski, il sert de référence à Prus et Orzeszkow a (tous deux cependant invoquent plus souvent D ickens), des écrivains d ’o rien tatio n s littéraires diverses le citent et écrivent sur lui des dissertations, p o u r ne citer que M arrené-M orzkow ska d ’une p art et Sygietynski de l’a u tr e 6.

La relation entre le rom an polonais du réalism e m ûr et le rom an du réalism e classique était le plus souvent rem arquée et analysée dans le contexte d ’oeuvres concrètes. Ainsi p.ex. a-t-on rem arqué l’influence de Bleak House de D ickens sur l’affabulation des Em ancypantki (Emancipées) de P r u s 7, du Bal de Sceaux de Balzac sur Lalka {La Poupée) du m êm e P ru s 8. O n a analysé assez en détail la signi­ fication de Dickens p o u r l’oeuvre précoce et ultérieure de P ru s 9. Plus rarem ent en revanche on m ettait l’accent sur la présence possible de dépendances plus générales. A vrai dire, la chose a été faite uniquem ent dans les travaux s’occu pan t du réalism e critique dans la littérature polonaise, d ont su rto u t l’étude de H an ry k M arkiewicz sur le réalism e critique dans l’oeuvre de P r u s 10. M arkiewicz cependant analyse ces relations principalem ent au plan de l’univers, entendu globalem ent, présenté dans le contexte idéologique; il attire beaucoup plus rarem ent l’atten tio n sur ceux de leurs aspects qui transparaissent dans la structure des oeuvres (il s’en occupe avant to u t sous l’angle de la création du héros, c ’est-à-dire de l’absence de héros p ositif d an s les

5 H. S i e n k i e w i c z , O natu ralizm ie, w p o w ie ś c i (D u natu ralism e dans le rom an), „ N iw a ” , 1881, v ol. II.

6 W. M a r r e n é - M o r z k o w s k a , B a lza c, je g o sta n o w isk o i po jęcia . Studium ( B a lz a c ,

sa p o sitio n e t se s co n cep ts. E tu de), „ B ib lio tek a W arszaw sk a”, 1876, v ol. I; A . S y g i e ­

t y n s k i , W spółczesn a p o w ie ś ć w e F rancji, I: G u staw F laubert (L e Rom an co n tem p o ra in

en France), „ A te n e u m ” , 1881, vol. II.

7 J. K u l c z y c k a - S a l o n i , Z d zie jó w D icken sa w P o lsc e : „ E m a n cyp a n tk i” a „B leak

H ouse" (H isto ire de D ick en s en P o lo g n e: « L e s E m a n c ip é e s» e t « B le a k H o u s e » ) ,

„Prace P o lo n isty c z n e ” Série V, 1947.

8 M . S t r z a ł k o w s k a , Z zagadn ień p o ró w n a w c zy c h : P rus i B a lza c (P ro b lè m e s de

littéra tu re s c o m p a ré e s: P ru s e t B a lza c), [dans:] K sięga p a m ią tk o w a ku c z c i S ta n isła w a P igonia (L e s O eu vres à l ’honneur de S .-P igoń ), K ra k ó w 1961.

y C ’est ce qu'a fait su rtou t S z w e y k o w s k i , op. cit.

10 H. M a r k i e w i c z , R e a lizm k r y ty c z n y w tw ó r c zo ś c i B olesław a P rusa (L e R é a lism e

critiqu e dan s l'oeu vre de B. P rus), [dans:] P o zy ty w iz m (P o sitiv ism e ), Ire partie, W ro ­

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L e Rom an p o lo n a is du ré a lism e mûr 33

oeuvres du réalism e critique). Le présent travail ad o p te un point de vue différent, la structure du ro m an étan t traitée com m e un po in t de départ p o u r l’étude de son idéologie.

Les principes situés à la base de la conception narrative du rom an polonais du réalism e m ûr se fon dent sciem m ent, d ’une part, sur la reconnaissance du rôle de l’observ atio n d an s la créatio n de l’univers présenté d ans les oeuvres (observation entendue à la m anière des sciences naturelles, traitée com m e un po in t de d épart pour l’exam en des sociétés, et cela en invo q u an t les philosophes et sociologues européens à l’enseigne du positivism e qui l’entendent de cette façon justem ent), de l’au tre sur la critique de la pro lifératio n du com m entaire n a rra tif au stade précédent, tendancieux, du rom an polonais. Le m ot d ’ord re pro g ram m atiq u e de la littératu re des années 1876—1895, écrite sous les auspices du réalism e m ûr, est le postulat de l’objectivité ou objectivism e m axim al de la n arratio n , celle-ci devant tendre vers la présentation scénique. A ce m om ent justem en t est invoqué Balzac en ta n t que m odèle litté r a ire 11. Ce po stu lat cependant n ’est en général pas réalisé au degré m axim al. Si on peut parler de la «transparence» de la n arratio n du ro m an polonais du réalism e m ûr, c ’est avant to u t au sens relatif, en le c o m p aran t au ro m an polonais de la période précédente. Son objectivité en effet n ’attein t pas encore les som m ets de l’objectivism e balzacien, elle se rapp ro ch e p lu tô t de la prose de D ickens non dépourvue d ’ém otion, qui, quoi q u ’il en soit, se trouve aussi dans le groupe d ’écrivains visant à supprim er l’excédent du com m entaire n a rra tif direct dans la prose é p iq u e 12. S auf que, relativem ent beaucoup plus rarem ent que chez Dickens, nous tro u v o n s dans le rom an polonais en question la n arratio n à la prem ière personne. Il convient cependant de relever ici le fait que le Bleak House de D ickens cité en Pologne à l’occasion des Em ancypantki de Prus possède une structure n arrative rare au X IX e siècle: on y voit s’entrem êler des fragm ents con duits du p oin t de vue du n arrateu r à la troisièm e personne et le jo u rn a l d ’une des héroïnes, com plém entaire, différent p ar le point de vue spécifique q u ’il repré­

11 Cf. P. C h m i e l o w s k i , M lo d e sily (L es Jeunes fo rc e s ), „ A te n e u m ” , 1880, v o l. 1. 12 C f. M . Ż m i g r o d z k a , P ro b le m n a rra to ra w te o rii p o w ie ś c i X I X i X X w ieku

(L e P ro b lèm e du n a rra teu r dans la th éorie du rom an au x X I X e e t X X e î.) , „P am iętn ik

L iteracki”. 1963. fasc. 2.

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sente; cette construction nous est conn ue com m e ap paraissan t dans le chef-d’oeuvre du genre rom anesque polo nais des années quatre-vingt, Lalka de Prus. C ependant m ême d an s les oeuvres où la n arratio n se fait à la troisièm e personne, le p oin t de vue du n arrateu r n ’est pas toujours pleinem ent objectivé, tro p souvent en effet il s’associe au poin t de vue spatial et tem porel du héros (surto ut du protagoniste), et là on peut assez souvent p arler du phénom ène que, dans son analyse de l’oeuvre de Stendhal, G eorges B lin 15 a appelé lim itation du cham p de perception. La co n struction de ce type est très caractéris­

tique de Stendhal et il se peut que la form e q u ’il a conférée à la n arratio n dans ses oeuvres ait eu quelque influence sur le rom an que nous analysons ici (elle ne s’accom pagne cependant pas, dans le rom an polonais, d ’un subjectivism e aussi m arq u an t du créateur, m a­ nifesté égalem ent dans la n arratio n ), q u o iq u ’il faille ajo uter q u ’elle ap p a raît aussi chez Balzac et chez Dickens, alors q u ’elle est très fréquente dans le ro m an naturaliste où elle constitue un des élém ents de transition de la n arratio n de l’au te u r à la narratio n p erso n n elle14.

D ans la création du tem ps et de l’espace nous avons surto ut affaire, dans le ro m an polonais du réalism e m ûr, à la tendance consistant à la fonder sur des références au tem ps et à l’espace existant hors de la littératu re, d an s la réalité vivante, sur des indicateurs géographico-historiques réels. D an s ce ro m an intervient plus rarem ent le système, si caractéristique de Balzac, de références aux localités authentiques, concrètes, avec leur localisation détaillée, et au tem ps strictem ent histo rique (avec des dates concrètes: jo u r, m ois, année), au trem en t dit le fait de traiter le m onde présenté dans l’oeuvre com m e une description d ’un segm ent tem poro-spatial extra-littéraire (il en est cependant ainsi dans Lalka). Le plus souvent en revanche o n a affaire d an s les rom ans polonais du réalism e m ûr à une création du tem ps et de l’espace plus caractéristique de l’oeuvre de D ickens et de S tendhal, fondée sur la v raisem b lan ce15. Les nom s des localités authentiq ues com posent com m e des pierres milliaires, traç an t une carte où sont situés des lieux fictifs dans

13 G . B l i n , S ten dh al e t les p ro b lè m e s du rom an , Paris.

14 C f. M . G ł o w i ń s k i , P o w ie ść m ło d o p o lsk a . Studium z p o e ty k i h isto r y c zn e j

(L e R om an de la Jeune P o lo g n e. E tu d e de p o é tiq u e h istoriqu e), W rocław 1969, ch ap . IV.

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L e R om an p o lo n a is du ré a lism e m ûr 35 lesquels se jo u e l’action, présentés cep endant de façon à ce q u ’ils puissent être considérés com m e existant réellem ent; les événem ents historiques concrets décrits dans le ro m an définissent le tem ps des événem ents fictifs. La spécificité du ro m an polo nais de cette période se définit cep end ant au regard du ro m an réaliste français et anglais par un phénom ène d ’un au tre o rd re, notam m en t le système, qui lui est p ropre, de valorisation du tem ps et de l’espace. Celui-ci consiste à valoriser l’espace du sol natal, su rto u t de la cam pagne polonaise, en ta n t que celui qui incarne les vertus et m oeurs anciennes, plus beau que les pays étrangers et les villes qui s’y trouvent, villes do nt la civilisation m ène à la perte des valeurs m orales et tend à la déshum anisation.

La créatio n du héros dans les rom ans polonais du réalism e m ûr se fait au m oyen de m éthodes pro ch es de celles utilisées dan s les rom an s du réalism e classique, su rto u t dans ceux de Balzac. L’a p p a ri­ tion du personnage est le plus souvent précédée de son p o rtra it physique, parfois aussi de sa biographie. Ce dernier phénom ène ce­ pendant n ’est pas si fréquent et si fo rtem ent ancré d an s l’histoire de l’époque, dans ses réalités particulières, com m e c ’est en général le cas de la Comédie humaine. C ette différence a avant to u t p o u r cause l’im possibilité de présenter le passé des héros du tem ps de leur je u ­ nesse, celle-ci ayant le plus souvent co rrespo nd u à l’Insurrectio n de Janvier 1863, cette im possibilité ven an t des interdictions de la censure. En effet, dans la création du personnage po sitif est le plus souvent inscrite sa jeunesse insurrectionnelle et son attitu d e p atrio tiq u e aux tem ps ultérieurs, rendue d an s la langue ésopique, avec des lacunes et allusions caractéristiques sur les années où le héros « faisait pénitence p o u r les élans de jeunesse », vivait « d an s les lointaines contrées blanches ».

D an s les m éthodes de création du héros on voit s’accroître, au regard du ro m an polonais antérieu r, le rôle de la caractéristique indirecte, caractéristiqu e et individualisation linguistique, du contexte spatial (assez essentiel est ici le co n tra ste entre les personnages inscrits, d ’une p art, dans la n atu re indigène, et, de l’autre, d ans la culture étrangère) des actes. Ce déplacem ent des accents de la caractéri­ stique directe à l’indirecte est spécifique de la voie évolutive de to u t le rom an européen depuis les Lum ières ju s q u ’au naturalism e, dans le rom an polon ais cette direction des changem ents est la m êm e, avec

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ceci toutefois q u ’ils interviennent en un tem ps relativem ent plus co u rt et, souvent même, dans l’oeuvre d ’un m êm e écrivain (p.ex. chez O rzeszkow a interviennent de grandes différences dans les m éthodes de création des personnages entre ses oeuvres de la fin des années soixante et celles des années quatre-vingt).

Parm i les personnages du ro m an polonais du réalism e m ûr se trouvent des représentants de toutes les classes sociales et leurs destins sont subordonnés à leur condition sociale. Il y a une tendance à créer des personnages représentatifs des groupes sociaux auxquels ils appartienn ent, des personnages typiques. N o tre rom an de ce tem ps ne parvient pas encore aux som m ets de la création de Balzac, le m aître consom m é de la création des personnages et situations typ i­ ques. O n n ’y voit pas non plus des personnages aux dim ensions de géants (tel V autrin de Balzac): en effet, le principe réaliste très conséquem m ent appliqué de la vraisem blance des personnages et de leurs actes favorise b eaucoup plus la mise en place de personnages m oyens que typiques. P arfois ces personnages sont présentés dans une perspective hum oristique (su rto u t dans l’oeuvre de Prus, Lam et Junosza), d ’une m anière qui rappelle nettem ent la vision du m onde de D ickens. A D ickens com m e à to u t le rom an antérieur, polonais, et européen, et à son didactism e non entièrem ent surm onté, le ro m an analysé doit sa tendance à créer des personnages nobles et dignes d ’une p art, vils et infâm es de l’autre. C ep end ant ce ne sont plus les considérations d ’ap p artenan ce à la classe ni la caractéristique de la sphère idéologique qui décident du caractère p ositif des héros: ce sont, de plus en plus, leurs souffrances qui leur confèrent l’hum anité, et leur liaison avec la nation, leur patriotism e. Le ro m an polonais de ce tem ps ne se m odèle pas toujo u rs sur l’optim ism e de D ickens: il arrive que les héros les plus nobles n ’aboutissent pas au succès.

La com position du ro m an polonais du réalism e m ûr est assez différenciée. U n grand rôle y incom be aux parties initiales des oeuvres, à com m encer p ar leurs titres. Parm i ces derniers cependant, il y en a relativem ent m oins que d an s les ro m an s de Balzac et de D ickens qui soient com posés des nom s et prénom s des héros (dans la Comédie humaine ce genre de titres se chiffre p ar environ un tiers de la to talité); il y en a b eaucoup plus en revanche qui suggèrent le sujet de l’oeuvre, ses principaux problèm es (p.ex. Placôwka — L ’Avant- poste, Bez dogmatu — Sans dogme, N iziny — Les Bas-fonds). Les

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L e Rom an p o lo n a is du ré a lism e m ûr 37 débuts des rom an s sont le plus souvent façonnés p ano ram iquem ent, com m e c ’est le plus souvent le cas de Stendhal et de Balzac (là cepend ant le p an o ram a spatial est en général associé à une co n­ densation du tem ps, enveloppant le passé du héros et de sa famille, chose qui intervient rarem ent dan s le ro m an polo nais des années quatre-vingt). O n voit aussi se m anifester des tentatives différentes d ’ab o rd er les débuts des rom ans, p.ex. la p résentation du m onde avec les yeux d ’un des personnages, l’entrée in médias res, ces tentatives venant sans nul doute su rto u t de la p ratiq ue du rom an n aturaliste con tem porain. Les dénouem ents du ro m an polonais analysé co m p o rten t le plus souvent une po inte idéologique: là en effet est adm inistrée « la justice » rom anesque, on y rappelle souvent explicite­ m ent la thèse du ro m an. C et élém ent de la com p osition du rom an du réalism e m ûr garde d ’assez fortes attaches avec la stru ctu re du rom an tendancieux d o n t il ne fait que se libérer lentem ent. Les schémas d ’affabulation sont en général fondés sur u n fragm ent de la biographie du p rotago niste (parfois, com m e c ’est su rto u t le cas de D ickens, c ’est le fragm ent initial, allan t de la naissance du héros ju s q u ’à son âge m ûr). Souvent ce fragm ent est consacré à la lutte de l’individu ou de la collectivité p o u r des valeurs essentielles (p.ex. l’am o u r o u les questions liées à l’existence natio nale com m e celle de garder la terre aux m ains des P olonais), d ’autres fois il se m ue en schém a balzacien de la perte des illusions. O n peut en déceler l’existence dans Lalka et Em ancypantki de Prus, d ans les Pierwotni (Les Prim itifs) d ’O rzeszkow a et dan s le ro m an de K raszew ski antérieur à ceux q u ’on vient de citer, M ętna woda (L ’Eau trouble). Les héros des oeuvres polonaises analysées parvienn ent cepen dan t aussi, après s’être défaits des illusions sur la civilisation (là o n peut p arler de réalism e critique et les com parer aux oeuvres de Balzac), à récupérer la foi en l’hom m e du m om ent o ù ils se sont trouvés sur le sol natal. D ans le thèm e, souvent repris dans les ro m an s des années 1876—1895, de « l ’enfant prodigue de la p a trie » , le mieux présenté dans A ustralczyk ( L ’Australien) d ’O rzeszkow a, on voit à la perfection com m ent le regard critique sur le m onde capitaliste p rend fin au m om ent où le héros parvient à son village natal que, d ans ce schéma, il ne concerne généralem ent plus. L a m anière bru tale de voir le m onde où règne un systèm e social antagoniste n ’attein t presque jam ais dans les ro m an s concernés les h au teu rs du criticism e

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de Balzac face aux ra p p o rts sociaux capitalistes (à l’exception de Lalka), rarem ent aussi elle « ra ttra p e » sous ce ra p p o rt les ro m an s de Stendhal et de D ickens, su rto u t ceux de la période « noire » de leur création.

Le principe du m im étism e repo san t à la base du rom an polo nais du réalism e m ûr en traîne diverses conséquences d ans la com position. D ’une p art, ce ro m an tend à m ultiplier les épisodes, à ra tta ch er lâchem ent les thèm es d ’affabulation, on y relève m êm e l’absence de dénouem ents nettem ent m arqués (il y a parfois des dénouem ents de type alternatif): ainsi a-t-on affaire à des phénom ènes qui in ter­ viennent égalem ent d ans le ro m an réaliste classique (chez Balzac cependant on ne trouve des dénouem ents « estom pés » que dans certains volum es de sa Comédie humaine, ceux-ci d ’ailleurs étan t traités séparém ent, détachés du cycle to u t entier, et chez D ickens ils n ’a p p a ­ raissent pas). D ’au tre p art cependant, le principe selon lequel le ro m an est un reflet de la vie et que cette vie n ’est pas un ensem ble de cas fortuits, m ais est orientée p ar le cours des processus sociaux, ceux-ci dépendant à leur to u r p.ex. de quelque fatalité ou m êm e de facteurs économ iques, cond uit à un déterm inism e spécifique d an s le ro m an où chaque thèm e doit tro uv er une solution et le détail est nécessaire p o u r une illustration pleine du problèm e. A traiter l’univers présenté dans la Comédie humaine de Balzac plus globalem ent, il a p p a raîtra q u ’en ce sens justem ent il est déterm iné. D ans les rom an s polonais du réalism e m ûr, cet univers déterm iné, les destins des héros conduits d ’une m anière conséquente vers une fin prévisible, se re n ­ co n tren t avant to u t d ans les rom an s d ’O rzeszkow a ayant p o u r sujet le m onde cam p agnard (p.ex. N iziny et Dziurdziowie).

Ainsi peut-on relever dans la stru cture du ro m an polonais du réalism e m ûr, écrits entre 1876 et 1895, de très nom breux traits caractéristiques non plus seulem ent du ro m an réaliste en général, m ais de ses réalisations les plus rem arquables, p o rta n t ici le nom de réalism e classique. D ’une m anière générale, ces ressem blances concer­ nent le plus les m éthodes selon lesquelles est façonnée la vraisem blance de l’existence de l’univers présenté dans ce rom an. C ’est à cette vraisem blance que sert l’illusion, créée p ar la n arratio n , de contact direct avec cet univers, le systèm e caractéristique de références au tem ps et à l’espace de la réalité extra-littéraire, la créatio n de héros en ta n t q u ’hom m es « p o u v an t exister » d ans cette réalité, la

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L e R om an p o lo n a is du ré a lism e m ûr 39 com position visant à restituer le «cours de la vie ». Le m odèle du rom an du réalism e classique, né d ans les années trente du X IX e siècle, a laissé son em preinte sur le ro m an polonais des années quatre-vingt du m êm e siècle, et il l’a fait directem ent et indirectem ent — en influençant le ro m an polonais antérieur à ces années et le ro m an naturaliste européen qui, à son tour, a m arqué les oeuvres qui lui étaient contem poraines quoique en principe trib u taires d ’une poétique différente. Il est donc difficile d ’affirmer en to u te certitude si les parallélism es et dépendances relevés dans la stru ctu re des oeuvres sont dus à des influences directes ou, au contraire, o n t été provoqués p ar les relations antérieures entre le ro m an européen et le ro m an polonais.

Le ro m an polonais du réalism e m ûr com p o rte ce pendant aussi certains traits spécifiques. Il ne surm onte pas ju s q u ’au b o u t le caractère tendancieux qui réside en lui égalem ent en ta n t que problèm e attaché su rto u t à la situation de la littératu re d an s les conditions d ’oppression nationale. A u m oyen de la langue ésopique, par-dessus la tête du censeur, ce ro m an présente au lecteur-patriote polonais les événem ents et problèm es actuels, relatifs à l’existence nationale. Il m et en scène les personnages positifs d ’hom m es lu tta n t, sinon p our l’indépendance, du m oins p o u r la dignité nation ale et la co n ­ servation de la polonité, et des personnages négatifs — ap atrides et cosm opolites. Il brosse des tableaux pessim istes de l’injustice sociale, mais traite d ’une m anière optim iste la possibilité de travailler p o u r le bien de la terre natale. Il valorise le tem ps et l’espace présentés, les personnages et les thèm es, en fonction de ces affaires nationales p our lesquelles il est m êm e p rê t parfois à ro m p re ju s q u ’à u n certain point avec la vraisem blance. Il se transform e alors en un beau conte dans lequel, com m e c ’est le cas de la légende de Ja n et Cecylia de N ad Niemnem (A u bord du Niémen), une dem oiselle de très noble extraction se m arie avec un paysan et tous deux travaillent p o u r le bien des générations futures, p o u r le bien de la n ation.

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