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La notion de public et le problème de lien social

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Janusz Lalewicz

La notion de public et le problème de

lien social

Literary Studies in Poland 9, 85-96

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Janusz Lalewicz

La N o tio n de public et le problèm e

de lien social

1. Deux notions de public

A. L 'une des notions fondam entales de to utes disciplines s’occu­ pant de co m m un ication de type m assif ou de diffusion — la th é o ­ rie de la sociologie ou l'histoire de la com m unication de masse, de la com m unication artistique, littéraire, etc. ainsi que de la p ro p a ­ gande et de la publicité — est la n o tio n de récepteur collectif ou de la collectivité assum ant dans le processus de com m unication le rôle de récepteur, de public. C om m e dans ces consid ératio ns il s'agit de notion et n o n d ’appellation, ce term e est traité com m e un équiva­ lent de tous autres term es utilisés dans diverses disciplines et diffé­ rentes écoles p o u r désigner une telle collectivité, n o tam m en t les term es de: récepteur, lecteur, récepteurs, lecteurs, auditoire (ce que l’on peut considérer com m e l’équivalent du term e audience particulièrem ent répandu dans les travaux anglo-saxons), etc. C ette diversité de nom s découle en partie sim plem ent de la variété des trad itio n s term ino ­ logiques — la term inologie d an s ce dom aine n ’est pas fixée, com m e on le sait — souvent cependant elle im plique une façon différente de com prendre et de décrire ce récepteur collectif. U ne de ces différences — l’op position de deux m odes d ’entendre la structure sociologique de la collectivité des récepteurs — sera justem en t l’objet de ce propos.

Il n ’est en effet pas difficile de rem arquer que le public est entendu dans la littératu re de l’objet soit com m e un ensem ble de récepteurs individuels, soit com m e une certaine entité — un groupe social. Et q u an d on parle des « ré a c tio n s» ou « c o m p o rte m e n ts »

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du public, on considère, respectivem ent, soit des généralisations statistiques des com po rtem ents individuels des récepteurs, soit des phénom ènes ou « com p ortem en ts » collectifs au sens strict.

D ans la prem ière des approches citées — que nous app elle­ rons dans la suite de ce prop os distributionnelle — la caractéristique du public se ram ène à deux points:

1) la caractéristique des élém ents de l’ensem ble — des récepteurs individuels — que l ’on généralise parfois p ar l’introdu ctio n d ’une certaine co nstruction notionnelle: le récepteur m oyen, typique ou représentatif de la collectivité donnée;

2) la caractérisation à certains égards de la totalité de l’ensem ble, n otam m ent la déterm ination de sa g randeu r et, éventuellem ent, la rép artitio n en sous-ensem bles distingués en fonction de certains critères im p o rtan ts du point de vue des recherches (par exem ple l’âge, le sexe, l’instruction ou le status social des récepteurs).

Pour ce qui est de la deuxièm e approch e — appelée dan s la suite intégrationnelle — la caractéristique du public c ’est, indépen­ dam m ent du caractère de l’ensem ble des récepteurs, servant en q u el­ que sorte de substrat aux phénom ènes collectifs, la d éterm inatio n de tout ce que la collectivité donnée représente en plus à l’échelon du groupe: les opinions, attitu d es et conduites réceptrices com m unes aux m em bres de cette collectivité — autrem en t dit collectives.

B. L ’opposition de ces deux m anières de com prendre le récepteur collectif peut être, com m e il est aisé de s’en rendre com pte, in ter­ prétée et justifiée à deux plans: soit com m e une opposition de deux types d ’objets de recherche — des collectivités considérées, soit com m e une opposition de deux m odes de définition et d ’analyse du m ême objet. Et il ne fait pas de do u te que l’utilisation de la prem ière ou de la deuxièm e notion dépend, dans des cas particuliers, tan t des principes théoriques et m éthodologiques de la discipline ou de l’école données, que du genre des objets étudiés. L ’ap pro che inté­ grationnelle s’im pose naturellem ent dans l’analyse d ’une collectivité relativem ent peu nom breuse d ’auditeurs d ’une conférence ou de sp ecta­ teurs d ’une pièce de théâtre, réunis en un lieu et réagissant ensem ble au spectacle ou au discours, alors q u ’il serait difficile de traiter la collectivité nom breuse et dispersée de tou s les lecteurs de la litté ra ­ tu re d ’une société donnée au trem en t que com m e un ensem ble au sens logique.

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P ar ailleurs cependant il est difficile de ne pas voir que la notion intégrationnelle du public est plus souvent utilisée dans la réflexion théorique et philosophique sur la culture et la com m unication, ou dans la théorie du théâtre, alors que dans les recherches sur la lecture, la com m unication de masse ou la p ropagande, et d ans d ’autres recherches m enées avec les m éthodes sociologiques, on em ploie en règle générale la notion distributionnelle. Il en découle nettem ent que le public est entendu d ’une m anière intégrationnelle surto u t dans les réflexions découlant de la trad itio n philosophique ou de la ré­ flexion culturelle « hum aniste », alors que d an s les recherches liées à la perspective épistém ologique de la sociologie em pirique — y com ­ pris son phénom énalism e radical et le nom inalism e propre aux scien­ ces form ées conform ém ent aux trad itions positivistes, caractéristique aussi des sciences sociales dans les pays anglo-saxons fortem ent entachées du béhaviorism e am éricain — ou utilise généralem ent, sinon exclusivem ent, l’approch e distributionnelle.

C. C ette rép artition des em plois des deux notions dans les diffé­ rents dom aines des recherches n ’est pas resté sans influencer le m ode et le degré de leur élabo ration théorique. La notion distributionnelle de public est une notion beaucoup plus précise et o p ératoire en tan t q u ’instrum ent de recherche que la notion intégrationnelle quelque peu vague et spéculative, qui reste toujours une notion plus p h ilo ­ sophique que scientifique. C ependant l’aban d o n de l’appro che inté­ grationnelle de la réception collective en tan t q u ’instrum ent de re­ cherche insuffisam m ent efficace, au profit de l'appro che distribution- nelle théoriquem ent bien définie et vérifiée dans les recherches em pi­ riques, ne serait q u ’apparem m ent justifié. La n o tio n intégrationnelle du public est indispensable p o u r décrire et éclaircir de nom breux phénom ènes du dom aine de la réception, que l’on ne saurait traiter com m e une som m e ou une m oyenne des phénom ènes de niveau individuel, étant donné q u ’ils présentent des traits distincts — et des conditionnem ents distincts — au niveau de la collectivité.

Des exemples éloquents de tels phénom ènes sont fournis par l'analyse diachro niqu e du succès du livre. En ad m ettan t que le public est uniquem ent un ensem ble de lecteurs et le fonctionnem ent du public — une somme, une m oyenne ou une dérivée des co m p o rte­ m ents individuels, et se p rêtan t à l'explication en ta n t q u ’indi­ viduels, des lecteurs qui le com posent, on ne saurait com prendre

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com m ent et pourquoi quelque livre com m ence à un certain m om ent de susciter un intérêt général (dans la collectivité donnée), devient un objet de discussions vivantes tant dans la presse et dans la vie scientifique que dans la vie de société — pour, après un certain tem ps, être élim iné de la circulation, un intérêt égalem ent universel passant à d 'a u tres livres. Si nous ne voulons pas adm ettre quelque conform ité m iraculeuse des intérêts et des ap préciatio ns individuelles des lecteurs ni une synchronisation non m oins surnaturelle des ch a n ­ gem ents de ces intérêts et appréciations individuels, il nous faut ad m ettre que nous avons affaire à des com p ortem ents collectifs — des com portem ents du public en tan t q u ’en tité — ap pelan t une expli­ cation p ar référence aux m écanism es fo n ctio n n an t au niveau de la collectivité et non à celui des individu1. Les intérêts com m uns et l'o p in io n com m une ne peuvent se form er et se m aintenir sans une certaine intégration du groupe, sans possibilité de transm ission et d'échanges, de con certatio n et de propag atio n des opinions au sein de ce groupe. C ’est p ourqu oi l’approche intégrationnelle du public devrait, semble-t-il, être précisée et rendue o p érato ire p lu tô t que rejetée parce q u ’elle est imprécise.

2. Le public en tant qu’ensemble de récepteurs

A. La notion distributionnelle du public ne pose pas de problèm es théoriques essentiels. Il convient toutefois de se pencher sur les m anières de distinguer les récepteurs considérés dans les diverses recherches sociologiques, pour pouvoir établir quelles collectivités sont définies com m e public. Secondem ent, il faut considérer sous certains ra p p o rts la caractéristique structurelle de telles collectivités, car cette caractéristique indique les possibilités et les con dition s de form atio n des ra p p o rts sociaux qui peuvent tran sfo rm er l’ensem ble des récepteurs en public au sens intégrationnel.

Les critères à p a rtir desquels sont distingués les ensem bles des récepteurs pris en con sidératio n dans divers types de recherches, peuvent être répartis dans trois groupes:

1) P ar référence à l’objet de la réception, c’est-à-dire du message reçu ou de la classe des messages, on distingue des ensem bles tels que: les spectateurs d ’un spectacle théâtral donné ou les aud iteurs d 'u n e ém ission radiophonique. les lecteurs des Fleurs du M a l, les

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lecteurs de V. H ugo, les lecteurs d ’un rom an à suspense, les lecteurs de la collection de vulgarisation scientifique « O m ega » ou les lecteurs des oeuvres d ’affabulation.

2) Q uan d on parle de public théâtral ou ra diop ho niqu e, des récepteurs des ém issions télévisées ou de la presse illustrée, des lecteurs de livres ou des récepteurs des textes éphém ères, on consi­ dère des collectivités de récepteurs distinguées p ar référence à un certain système de com m unication, c ’est-à-dire un certain m edium ou un certain réseau de diffusion.

3) Par référence à la structu re de la société à laquelle a p p a rtie n ­ nent les récepteurs étudiés — ses divisions de classe, ses couches, ses divisions professionnelles, locales, etc. — on distingue des collectivités telles que: public bourgeois, ouvrier, rural et récepteur jeu ne ou lecteurs instruits.

Parfois les collectivités étudiées sont, évidem m ent, distinguées à p a rtir d 'im e com binaison de nom breux critères des différents groupes (p. ex. les jeunes lecteurs de la presse d 'in fo rm a tio n générale des localités de la banlieue de Varsovie).

O n considère com m e public certaines seulem ent des collectivités ainsi distinguées. On n ’appelle plu tô t pas public l’ensem ble de lecteurs de D an te ou l'ensem ble des lecteurs de la Divine Comédie — q u o i­ que de tels ensem bles soient l’objet de considératio ns des historiens de la literatu re étudiant la réception de telle oeuvre ou de tel au te u r — ni aucun au tre ensem ble co n stitu an t u niquem ent des co n ­ structions logiques auxquelles ne répond pas une réalité socio-histori­ que. N ous p arlons de public qu an d nous avons affaire à des ré­ cepteurs ap p a rten an t à une même société et com posant une collecti­ vité hom ogène sous certains ra p p o rts sociologiquem ent pertinents (ce qui exclut p ar exem ple l’ensem ble des lecteurs de la littérature, aux yeux bleus).

Q uoiqu e dans les recherches sur différentes form es de co m m u ni­ cation directe on appelle public p a r exemple l’aud itoire d ’un discours ou les spectateurs d ’un spectacle, dans les con sidératio ns ayant p o u r objet la diffusion il semble o p p o rtu n de réserver ce term e à des collectivités relativem ent stables; les récepteurs d ’une ém ission radio- phonique ou les lecteurs d 'u n feuilleton d 'u n hebdom adaire, sont des ensem bles tro p éphém ères, fortuits et non au to n o m es dan s leur fonctionnem ent po ur pouvoir les considérer com m e un public.

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B. La collectivité considérée com m e un public au sens distribu- tionnel est toujours, d ’une certaine m anière, structurée.

T ou t d ’abord en effet, c ’est une partie d ’une certaine société, et de ce fait agissent en son sein to u tes les divisions et to us les ra p p o rts sociaux propres à cette société.

Secondem ent, une certaine stru ctu ra tio n de l’ensem ble des récep­ teurs est im posée p ar la caractéristique de la technique donnée de diffusion et par la constru ctio n du réseau de diffusion. Ainsi p a r exemple l’auditoire d ’un discours est un ensem ble q u an titativ em en t peu im p o rtan t d ’auditeurs réunis ensem ble en un lieu et ay an t en tre eux un con tact direct, alors que l’aud itoire ra d io p h o n iq u e est un ensem ble plusieurs fois plus grand et spatialem ent dispersé. Les auditeurs radio phoniques com posent d onc une collectivité d isp er­ sée — un ensem ble d ’hom m es écou tan t le com m un iqu é sim u ltan é­ m ent, m ais isolés les uns des autres au plan de la com m unication. D ans le cas de la presse dispraît égalem ent la sim ultanéité de la réception ; les lecteurs de la presse form ent une collectivité dispersée spatialem ent et tem porellem ent.

Si cependant on peut traiter la réception du jo u rn a l ou de l’h eb d o ­ m adaire com m e sim ultanée à l’échelle du calendrier, la réception du livre — vu le m ode de fonctionnem ent du réseau de d istribu tio n d ’une part, et la perm anence du message livresque de l’au tre — est tem porellem ent dispersée égalem ent à cette échelle. Les lectures particulières — et les lecteurs particuliers — form ent des ensem bles tem porellem ent et spatialem ent beaucoup plus dispersés que dans le cas des m oyens de co m m unication de masse.

Les oeuvres littéraires (égalem ent les philosophiques), qui se m aintiennent dans le circuit de la lecture p en d an t de nom breuses générations, créent une situation encore plus com pliquée. L ’ensem ble des lecteurs du texte donné doit être considéré non pas tan t com m e une collectivité dispersée dans le tem ps, m ais com m e un ensem ble de telles collectivités (publics au sens distrib ution nel) dispersées tem porellem ent à l’échelle historique.

Il n'est pas difficile de voir les dépendances existant entre une telle stru ctu ra tio n de l’ensem ble des récepteurs, déterm inée p a r la caractéristique du sub strat social et p ar les prop riétés d u système de diffusion donné, et la possibilité d ’intégrer cette collectivité, c'est- à-dire de form er en elle (ou à p a rtir d ’elle) un public au sens

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intégrationnel. L ’auditoire de l’o ra te u r form e naturellem ent un tel public intégré, alors que l’ensem ble des lecteurs d ’un livre est, de p a r sa nature, une collectivité dispersée — un ensem ble de lecteurs indi­ viduels ind épendants les uns des autres et com m unicativem ent isolés. Ils ne peuvent form er une collectivité intégré de lecteurs que d an s le cas oü quelques relations sociales nouvelles, indépendantes des relations com m unicatives im pliquées naturellem ent p ar la réception, les unissent.

3. N otion intégrâtionnelle du public

A. D ans la prem ière partie de cette esquisse étaient énum érés des exem ples de phénom ènes de com m unicatio n d o n t l’analyse et l'explication appellent l’in tro d u ctio n du concept de co m po rtem ent co l­ lectif et, chose qui s’ensuit, de la notio n de collectivité intégré, se co m p o rta n t en tan t q u ’entité irréductible à la fonction arith m éti­ que ou statistique de ses com posantes. P o u r préciser cette acception intégrationnelle du public, il faut élim iter les cas où l’on a affaire au niveau de la collectivité à quelque phénom ène qui est quelque chose de plus q u ’une généralisation statistique des phénom ènes relevés au niveau des individus, et ensuite définir les con ditio ns d ’ap p a ritio n et de fonctionnem ent de tels phénom ènes collectifs.

D ans le cas de collectivité telles que les spectateurs au théâtre ou le public de l’o rateu r, oü les traits de la collectivité sont évidents et relativem ent faciles à expliquer, ces problèm es peuvent ne pas sem bler particulièrem ent im p o rtan ts sous le ra p p o rt théorique. L ’im portance théoriq ue et p ratiq u e des questions sur les m écanism es intég ran t les collectivités des récepteurs est en revanche très nette dans le cas des publics dispersés, tels que le public rad io p h o n iq u e ou littéraire, qui ne sont pas p ar n ature des groupes intégrés et qui dans certaines conditions spécifiques seulem ent acquièrent le ca ractè­ re de tels groupes. Aussi semble-t-il utile de considérer les co n d i­ tions et les m écanism es d ’intégration du public sur l’exem ple du public p ar n atu re le plus dispersé, n o tam m en t le public littéraire.

B. L ’unité d ’attitu des, d ’opinions et de com p ortem en ts des récep­ teurs fo rm a n t le public donné est généralem ent expliquée de deux m anières.

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source d 'u n ité des attitu d es et des opinions réceptrices, ce qui unit les récepteurs en ta n t qu 'h o m m es a p p a rte n a n t p a r ailleurs à un groupe ou une catégorie sociale: à la m êm e collectivité locale, à la même classe sociale, au m êm e groupe professionnel, à la co m m unauté de religion, à la m ême génération. Il semble cependent que ce genre de com m unauté n ’est pas la condition suffisante p o u r form er un public intégré. Ce qui unit les hom m es en ta n t q u 'h a b ita n ts d ’une région, travailleurs d ’une entreprise, m em bres d 'u n e organisation, ne les unit pas nécessairem ent com m e lecteurs. De m êm e la co m m unauté de situ ation et d ’expérience d ’hom m es ap p a rten an t à la même couche ou classe, à la m ême génération ou au m êm e grou pe professionnel, quoiqu'elle form e, à n ’en pas douter, une m entalité sem blable à cer­ tains égards, ne suffit pas p ar elle-même p o u r créer des intérêts et habitudes com m uns dans la sphère de la p articip atio n à la culture, une opinion com m une et des com portem en ts identiques. Le fait d'être paysan, artisan, catholique ou m arxiste, ne déterm ine pas les m odes de lecture et les opinions littéraires aussi directem ent et uni­ voquem ent q u ’on puisse considérer les lecteurs rurau x, catholiques, etc. com m e des publics littéraires au sens intégrationnel. c’est-à- dire attrib u er à des ensem bles de lecteurs ainsi distingués une co m ­ m unau té d 'a ttitu d es envers la littératu re en général et une com ­ m u nauté de réactions aux phénom ènes littéraires particuliers. O n ne saurait rendre com pte des goûts, des opinions et des com portem ents des lecteurs si, en plus de la situatio n sociale et de l’expérience des récepteurs, on ne prend pas en co nsid ératio n leur équipem ent culturel, leurs expériences et les modèles littéraires qui, directem ent, form ent les m odes de lecture ainsi que les in terp rétatio n s et les appréciations des lectures.

P ar ailleurs, dans les travaux se référant à l’ap p ro ch e sém ioti- que de la culture, l’unité des co m p ortem ents et des opinions des lecteurs dan s le cadre des publics particuliers, s’explique ju stem ent par la ressem blance de leur équipem ent culturel, consu dans différents trav au x plus ou m oins largem ent: la ressem blance des « n o r m e s » ou des « codes de réception », la ressem blance de la cultu re littéraire (au sens proposé p ar Janusz Sławiński), ou enfin la ressem blance des norm es ou codes tan t littéraires q u ’esthétiques, cognitifs, idéolo­ giques, etc. Il est cependan t évident que la ressem blance de fo rm a ­

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tion littéraire ou culturelle peut expliquer uniquem ent une ressem blan­ ce générale des habitudes et des goûts, sans pouvoir expliquer la com m unauté d ’intérêts et opinions concrets, ni la coïncidence dia- chronique des attitu d es et des com po rtem ents des lecteurs. La res­ sem blance de com pétence et la com m unauté des références littéraires, idéologiques, etc. ne suffit pas p o u r créer une opinion littéraire com ­ m une — et non seulem ent ressem blante à certains égards, des réactions com m unes — et non seulem ent de genre sem blable — à des phénom ènes culturels concrets. La co m m un auté de com p ortem en ts et d'opinio ns appelle une consonance, et donc une transm ission et une circulation incessantes, parm i les m em bres du groupe, des inform ations, des intérêts et des appréciations, une form ation des goûts et des opinions en com m un, et non seulem ent su r des principes

semblables.

C. C ette dernière rem arque indique un élém ent essentiel de la form ation des com portem ents collectifs. L’on sait que la condition de la form ation et du fonctionnem ent d 'u n groupe social en tant que groupe est la co m m unication entre ses m em bres. L ’existence de relations de com m unication est égalem ent la cond itio n de tran sfo r­ mer la collectivité dispersée des lecteurs en un public intégré, possédant une opinion com m une et p artic ip a n t en co m m un à la vie littéraire. La lecture a, p ar n ature, un caractère individuel car elle arrache le lecteur à la p articip ation à la vie sociale, l'engageant d ans une m anière solitaire de vivre le texte lu. Le texte lu et l’expérience de la lecture ne peuvent de ce fait devenir p o u r une collectivité des lecteurs une affaire com m une — un objet d ’intérêts com m uns, de réac­ tions et d ’appréciation s com m unes — que dans la m esure oü ils de­ viennent un objet de com m un ication entre eux. La con dition de form er dans une collectivité données des opinions et c o m p o r­ tem ents de lecture com m uns c'est l'existence dans cette collectivité d 'in tera ctio n s com m unicatives qui rép o n d raien t aux con dition s sui­ vantes:

1 ) elles créeraient des ra p p o rts de com m unications stables, inté­ g rant la collectivité donnée — au tre m en t dit elles form eraient un réseau de com m unication inter-groupe,

2) l'objet irréductible et stable de cette co m m u nicatio n inter­ groupe seraient les textes littéraires et leur lecture.

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Le ra p p o rt de com m u n icatio n en tre les lecteurs est la c o n d itio n de les unir en une c o l l e c t i v i t é i n t é g r é , alors que l’a p p a ritio n , dans les contacts de co m m unication qui les unissent, des lectures littéraires en tan t que thèm e stable, est la co n d itio n de les asso cier en collectivité e n t a n t q u e l e c t e u r s .

D. D ans les civilisations pré-industrielles des attitu d es et des opinions littéraires com m unes se form aien t d ans différentes sp/ières de la co m m unication inter-group e non institu tio nn alisée: d an s le ca d re des co ntacts de société, intellectuels, etc. D ans la cu ltu re c o n te m ­ poraine, la situation est plus com plexe, to u t d ’ab o rd du fait de l’ap p a ritio n de la presse et de toutes so rtes de m oyen de c o m m u ­ nication de masse qui on t créé une nouvelle plate-form e de fo rm a ­ tion, d ’échanges et de diffusion de l’opinion littéraire, seco nd em ent à cause de la forte in stitu tio n n alisatio n de la vie culturelle et de la p articip atio n à la culture.

a) Le rôle de la presse et des m oyens de diffusion de m asse est assez com pliqué. E tan t p o u r les lecteurs une source nouvelle,

supplém entaire, d ’inform ation et d 'o p in io n s sur la littératu re, les mass'

media com plètent et développent leur culture littéraire et leurs ex périen­

ces de lecture. C epend an t, en diffusant l'opinion in stitu tion nelle et p ro ­ fessionnelle du milieu des spécialistes, ils influencent et, p o u r une g rande part, rem placent l’opinion créée sp o n tan ém en t d a n s les c o n ­ tacts non institutionnels. Ainsi, d ’une p art, ils c o n trib u e n t à la diffusion et à l’un iform isation des intérêts, des g oûts et des ap p ré c ia ­ tions du public, et, de l'a u tre , élim inent dan s une certain e m esure le besion et le sens des échanges d ’opinions en tre les lecteurs, et, p ar là m ême, la possibilité de se form er parm i eux des op in ion s com m unes et des com p o rtem en ts com m uns.

Les recherches sur la p ropagand e, l’opinion pu bliq ue et l’efficaci­ té d ’action des m oyens de diffusion de m asse nous a p p ren n en t ce p endant que les idées propagées p ar les m ass m edia ne sont pas to u t sim plem ent intégrées (ou rejetées) p ar les récepteurs, m ais deviennent p lutôt un stim ulant p o u r la collectivité do n n ée qui crée sa p ro p re opinion d ans le cad re des contacts in ter-gro upe. A n a lo g i­ quem ent, le savoir et les opinions sur la littératu re p ro p a g és p ar la presse, form ent les opinions des collectivités p articu lières de lec­ teurs d ans la m esure ou ils sont intégrés d an s les échanges d ’o p i­ nions inter-groupe. O n p eu t donc su pposer que, d an s les collectivité

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où ne fo nctio nn ent pas une telle diffusion et un tel échange d ’opi­ nions intégran t les lecteurs, la réception des m oyens de diffusion de masse com plète principalem ent et actualise et devéloppe la culture individuelle des lecteurs, alors que là où de tels ra p p o rts de co m ­ m unication intégrant la collectivité existent, elle influence — d ’une m anière com plexe — la fo rm atio n des goûts et opinions com m uns chez les lecteurs.

b) Les institutions de particip atio n à la culture créent des co n ­ tacts de com m unication, généralem ent occasionnels, m ais dans nom bre de milieux assez nom breux et assez universels p o u r com p ter avec eux, dans le cadre desquels s’accom plissent la diffusion et les échan­ ges d ’opinions. Très souvent ces con tacts visent en m êm e tem ps à orienter les intérêts des lecteurs et à diffuser une idéologie littéraire définie. Ils m ettent de ce fait en place des m écanism es d ’intégration de la collectivité des lecteurs, et form ent plus ou m oins ses com ­ portem ents et opinions.

E. La lecture et la com m unication sur la littératu re sont to ujo u rs — sau f le m ilieu des professionnels — une certaine com p osan te secon­ daire de l’activité hum aine, tan t au niveau des individus q u ’à celui de la collectivité. Aussi les liens unissant les hom m es en tan t que lecteurs ne créent une com m unauté d ’opinions et de co m p ortem en ts q u ’à un plan de la vie sociale, généralem ent secondaire et plus ou m oins distant du plan de l’activité fon dam en tale, p a r exemple dans la vie de société ou d an s la sphère de l’activité ludique. C e­ pendant les m odes de distinction des différentes sphères de la vie sociale et de leur association fonctionnelle varient suivant les cul­ tures et les groupes sociaux, au résultat de quoi les échanges d ’opinions littéraires sont attrib u és à différentes sphères de la vie de la société et y jo u en t des rôles diversifiés.

Les élites de cour, dans certaines sociétés féodales, peuvent être un exemple de collectivités où les liens intégrant le groupe englobent l’ensem ble de la vie sociale, y com pris le plan de la p articip ation à la culture. D ans ce cas, la collectivité des lecteurs est un public au sens intégrationnel du seul fait q u ’elle constitue un groupe social cohérent.

Le public th éâtral co ntem p o rain en revanche peut être une illustra­ tion d ’une situation à certains égards opposée. Les liens unissant les spectateurs de th éâtre en ta n t que spectateurs de théâtre sont

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occasionnels et limités à une sphère étroite de leur vie individuelle et collective. C ette sphère, la seule où ils peuvent form er une certaine com m unauté d'idées et d ’attitu d es, est de ce fait séparée des autres sphères de leur activité, et la co m m u nau té ainsi form ée n ’a pas d ’im p ortance spéciale p o u r les dim ensions de leur p artic ip a­ tion à la vie sociale p ar lesquelles ils se définissent en tan t que m em bres de la société.

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