Alina Nowicka-Jeżowa
Le Lyrisme mélique vieux polonais et
ses liens européens
Literary Studies in Poland 15, 57-79
A lina N ow icka-Jezow a
Le Lyrisme m élique vieux p olonais et ses liens
européens
L ’Italie qui c o n n u t un épanouissem ent culturel aux X V Ie et X V IIe siècles jo u a d ans la vie de l'E u ro p e un rôle actif, prim ordial. La m usique, la littératu re, l ’art nés d an s la Péninsule A pennine étaient conn us et adm irés dans tous les milieux artistiques, aussi bien dans le m o nde ro m an que d ans les pays géographiquem ent et linguistiquem ent éloignés.
L ’inspiration italienne exerça son influence sur la culture française '. En tém oigne la connaissance — très répand ue parm i les gens cultivés — de la langue italienne, intérêt m anifesté à l’égard de la m usique italienne d a n s les cours apparentées aux M édicis2, ainsi que la réaction favorable des milieux littéraires aux oeuvres du Tasse, de G . B. M arin o et des auteu rs italiens de pastorales. Le rôle réel des influences italiennes en F rance, leur rayon d ’action n ’ont pas encore été étudiés systém atiquem ent. O n sait p o u rta n t que ces in fluences o n t agi dans un m ilieu élitaire, q u ’elles n ’o n t été ni exclusives, ni carré m e n t d o m inantes d ans l’ensem ble de la culture, qu'elles o n t subsisté; en effet, elles été opposées à la d octrin e classique. P a r co n tre, elles o n t alim enté, su rto u t à l’époque du B aroque, des c o u ra n ts artistiques com m uns à to u te l’E uro pe du tem ps, mais non acceptés p ar le m odèle officiel de la culture française.
1 L 'état d e s rech erch es sur l ’« ita lia n ism e» fran çais a été résu m é par C . R i z z a , « E tat présent d es é tu d e s sur les ra p p o rts fra n co -ita lien s au X V I I e s.», (dans:J
L 'Ita lia n ism e en Franee au X V I T s. A c te s du h u itiè m e co n g rè s G ren oble —C h a m b éry, 1 9 6 6 , Paris 1969.
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La littératu re et l'a rt italiens on t trouvé un grand no m bre d ’enthousiastes en Allem agne. En suivant l’itinéraire traditio nn el des étudiants, des fervents de la m usique, de la peinture, de la poésie p arta ien t en Italie. P arm i eux des personnages typiques: H ans Leo H assler — m usicien et poète, élève d ’A. G abrieli — ainsi que G eo rg P hilipp H arsd ö rfer — a d o ra te u r de M arin o et im itateur de la p asto rale italienne3. D e nom breux com positeurs italiens venaient en A llem agne, de m êm e que des N éerlandais éduqués en Italie. Ces liens o n t favorisé l ’épanouissem ent de la vie m usicale d ans les cours allem an d e s4 en m êm e tem ps q u ’ils o nt inspiré des trad u c tio n s de la poésie lyrique de P étrarq u e, de M arin o et des livrets d ’o p é ra s 5.
Les influences italiennes o n t a ttein t l’A ngleterre sur la vague de la m ode m ondaine qui avait cou rs d ans l’en to urag e d ’E lisabeth I 6. En tém oigne la trad u c tio n du Courtisan par T ho m as H oby (1561), trad u ctio n qui fut reçue com m e un m anuel des bonnes m anières de la noblesse. F ondé sur l’au to rité de B althazar C astiglione, le type de l’aristo crate co u rtisan suscita un intérêt p o u r la littératu re et p o u r la m usique italiennes. C ela s ’avéra extrao rd in airem en t d u ra b le : n ’en voyons p o u r preuve que les déclarations des puristes du X V IIe siècle que m écontentait un tel état de choses ou bien tel rép erto ire de chansons de dam es au X V IIIe siècle7. Bien sûr, on ne p eu t ram ener les liens culturels anglo-italiens à des affinités de dilettan tes de boudoirs. Ces liens concernaien t aussi les artistes, p articu lière m ent les com positeurs qui, en cultivant les form es italiennes, y on t découvert leur p ro p re expression artistique.
3 C ette oeu v re a été c o m m e n té e par J. M i t t e n z w e i , « D ie P eg n itzch ä fer und der h ö fisch -feu d a le A b g e sa n g » , [dans:] D a s M u sik a lisch e in d er L ite r a tu r, H a lle 1962, pp. 42 —54.
4 O. H a z a y , E n tw ick lu n g d e r P o e sie d e s G esan ges u n d d ie w ertvollen L ie d e r
d er G e sa m tlite ra tu r, L eip zig 1915, p . 258.
5 A . D e i l a C o r t e , G . P a n n a i n , S to r ia d ella m u sica, v o l. 1: D a l M e d io e v o
a l S eicen to , T o r in o 1952, p. 6 51.
6 L. F ö r s t e r , The Ic y Fire. F ive S tu d ie s in E uropean P e tra rc h ism , C a m b rid g e 1969, p. 50.
7 J. P l a y f o r d a critiq u é la m o d e ita lien n e d a n s la m u siq u e a n g la ise d a n s sa p réfacé à M u s ic k ’s D e lig h t on the C ith ren (1666) et l ’on le v o it au ssi d a n s le S p e c ta -
to r du 2 X I 1711 — cf. The M u sic L o v e r ’s M iscella n y, éd. E. B lo m , L o n d o n 1935,
pp. 392 — 393; C . C a l c a t e r r a , In tro d u ctio n à: P. R o l l i , L irich e con un s a g g io
su la m elica ita lia n a seco n d a m e tà d e l C in qu ecen to a l R o lli e al M e ta sta sio ,
L e L y ris m e m éliqu e vieux p o lo n a is 59
Le rayonnem ent culturel de l’Italie a touché aussi les contrées orientales de l’E urope. P arm i les nom breuses m anifestations de ce ra y o n n e m e n t8, no us ne citerons que le développem ent de la poésie p étra rq u isan te à D ubrovnik, l’entente culturelle, si fertile et durable qui relia l ’Italie à la H ongrie, ou encore, enfin, l ’intérêt vivace — en dépit de con ditions politiques défavorables — de la noblesse tchèque p o u r la m usique et p o u r la littératu re italiennes, intérêt qui s ’exprim a n o tam m en t dans des chansons d ’am o u r p o p u laire s9. Sans con stituer le m oins du m onde la to talité des liens qui existaient entre pays d ’E u rope et l’Italie, les faits que nous venons de citer instruisent sur l ’étendue et le caractère universel de l ’action culturelle de la Péninsule A pennine. Ces faits exprim ent — répé tons-le — une action, une influence, m ais non une hégém onie in- trasigeante, une d ictatu re de l’Italie dans le dom aine des arts, de la m usique, de la littérature. Ils tém oignent d ’une co m m u nau té de vie culturelle d ans l’E uro pe d ’alors, d ’u n large rayo nn em ent des co u ran ts qui co m posaient le visage artistique de la R enaissance et du B aroque, et de la disponibilité to u jo u rs vive de centres géograph iq uem en t éloignés p o u r la réception et l’assim ilation de nouveaux stim ulants artistiques.
D ans cet échange culturel européen, la P ologne p rit, elle aussi, u ne p a rt active. C ette Pologne qui, aux X V T —X V IIe siècles en treten ait des ra p p o rts ravivés avec les pays slaves, la H ongrie, la F rance, les Pays-Bas, et m êm e avec l ’Espagne et l’A ngleterre, no ua une relation p articulièrem ent étroite et durable avec l’Ita lie 10. C ette relatio n pesa to u t p articulièrem ent sur n o tre culture. Elle l ’enrichit de valeurs nouvelles, inspira divers dom aines de la vie artistique.
8 I. N . G o l e n i s h t c h e v - K u t u z o v , O d ro d zen ie w ło sk ie i lite ra tu r y sło w ia ń sk ie
w iek u X V i X V I {L a R e n a issa n ce italien ne e t litté ra tu re s sla v es), trad. par W . R.
S liw o w sc y , W arszaw a 1970, pp. 1 3 4 — 136, en d o n n e b ea u co u p de preuves. Cf. au ssi E. A n g y a l , S w iat sło w ia ń sk ie g o b a ro k u {L e M o n d e du B aroqu e sla v e), trad. p ar. J. P r o k o p iu k , W arszaw a 1972.
9 En té m o ig n e n t les textes ra ssem b lés d a n s les recu eils: S m u tn i k a v a le fi o lâsce.
Z c e s k è m ilo stn é p o e z ie 17 s to le ti, éd. Z. T ich a , P ragu e 1968, pp. 15 — 22; R u ie , k te r o u ź sm r t za w rè la . V ÿ b o r z c e s k é p o e z ie b a ro k n i d o b y , éd. Z. T ich a, P rague
1970.
10 C es lien s et leurs effets cu ltu r els et littéraires o n t été ab o n d a m m en t c o m m e n té s à la co n fé r e n c e : « L itera tu ra sta r o p o lsk a a literatury eu ro p ejsk ie» (La L itté ratu re v ieille p o lo n a ise et littératu res e u ro p éen n es), V a rso v ie, 27 — 29 o cto b re 1975.
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C ette relation devint le signe d ’une union avec l'E u ro p e et l'indice d ’une alliance pour la création de biens spirituels universels.
En ce qui concerne l'aspect scientifique, la pro b lém atiq u e po- lono-italienne a suscité depuis longtem ps l'atten tio n des historiens. C ultivée depuis près d ’un siècle, cette pro b lém atiq u e a bénéficié d ’une place privilégiée dans n o tre c o m p a ra tistiq u e 1’. Les travaux en ce dom aine ont souvent péché, il est vrai, par leur partialité dans la perception et p ar la surestim ation du rôle des inspirations venues du sud. C epen dan t, ces travaux ont eu une réelle im portance p o u r la fo rm ation d ’une synthèse historico-littéraire de la R enaissance et du B aroque. Ils ont prouvé, incontestablem ent, que la Pologne était un p arten aire ac tif des pays européens. T o u t en m o n tran t la dette contractée p a r la P ologne envers les pays rom ans, ces travaux ont perm is de souligner l'originalité, la p articu larité de la trad itio n nationale. Ils on t co n stitu é une o p po sition scientifique favorable à la description du processus de la création , au X V IIe siècle, du sarm atism e, qui rivalisait avec le m odèle de la culture c o sm o p o lite ,2. Ces travaux on t aussi ap p o rté une riche m oisson de mises au p oin t particulières. P arm i les co nsid ératio ns de caractère analytique, on retien d ra les études sur la poésie éro tiq ue qui p ré sentèrent incontestablem ent n o tre poésie lyrique am oureuse com m e étan t form ée sous l'influence directe des exemples de P étrarq u e et de M arino.
La m eilleure p reuve de l ’im p o r ta n ce du rôle que la p o é sie lyrique rom an e jo u a d an s le d év elo p p em en t d e n otre littérature — écrivit M . B rahm er, voici cin q u a n te ans — c'est la suite c h r o n o lo g iq u e d es n o m s d es quatre prin cip au x au teurs de l ’A n cien n e P o lo g n e : K o c h a n o w sk i. S zarzyń ski, Z im o ro w ic, A n drzej M orsztyn. C ette
11 C f. T. U l e w i c z . « Z w ią zk i k u ltu ra ln o -litera ck ie P olsk i z W ioch am i w w iekach średnich i ren esan sie» (Les Liens cu ltu relles et littéraires de P o lo g n e et l’Italie en M o y en A g e et R en a issa n ce), [dans:] L ite ra tu ra sta r o p o lsk a w k o n te k śc ie e u ro p e jsk im , W rocław 1978; J. L e w a ń s k i , «L iteratu ra w ło sk a a literatu ra p olsk a w X V II w ieku» (La L ittérature italien n e et littérature p o lo n a ise en X V IIe s.), ibidem .
i: H. B a r y c z . « Ita lo filia e ita lo fo b ia n ella P o lo n ia del C in q u e- e S eicen to » , |d an s:] Ita lia , Venezia e P olon ia tra U m an esim o e R in a sc im e n to , W rocław 1967, p. 158, caractérise en ces term es les p o sitio n s ad verses à p r o p o s de la cu lture italien n e: « o g g i v e d ia m o (italofilia e ita lo fo b ia ) q uasi corne d u e sim b o li, due p e r s o n ificazioni. l’una d élia fioritura d ella civ iltà p o la cca . I’altra del su o tra co llo cu ltú r a le , d ella sua u n io n e id eale c o lle c o n q u iste d e ll’O ccid en te più civ iliz z a to e dél su o rinchiudersi in una sfera di p r e su n z io n e e di m eg a lo m a n ia n a zio n a le» .
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suite m o n tre é lo q u em m en t q u e les progrès de ce d év elo p p em en t résultent ju ste m ent de l ’influence rom a n e, d è s lors que c elle-ci, a a u g m en té grad u ellem en t en ch acu n de ces écrivain s l?.
On a aussi souvent exprim é un tel jugem en t en s’en référant à l'oeuvre des écrivains polonais les plus rem arquables de cette é p o q u e 14 d an s le d o m aine des ch an sons lyriques po pu laires — chants, danses, padovani. Leur origine italienne a été rappelée n o tam m ent p ar A. B rückner, B. N adolski, J. Łoś, J. K rzyżanow ski, J. D ü rr-D u rsk i, T. U le w ic z 15. Il faut considérer ces hypothèses avec plus de précision.
La chanson italienne est parvenue en Pologne p ar beaucoup de chem ins qui ont créé des liens avec la vie sociale, littéraire et m usicale de l'Italie.
Bien des possibilités de pén étratio n de la poésie m élique italienne sur le terrain polonais ont été occasionnées p ar les voyages qui étaient en recrudescence. Les jeunes P olonais voyageaient en masse, ils p artaien t p o u r les écoles de Venise, de P adoue, de R om e. Ils y acqu irent une connaissance pratiq u e de la langue aux cou rs o rg a nisés p ar la « n a tio n » 16. Ils p uren t donc p articip er à la vie de
1 ' M. B r a h m e r , P e tra r k iz m w p o e z ji p o ls k ie j X V I w ieku (P étra rq u ism e dans
la p o é sie p o lo n a ise en X V I e K ra k ó w 1927, p. 120.
14 Les étu d e s de E. P o r ç b o w i c z , A n d rze j M o r sz ty n . P r ze d sta w ic ie l b aroku w p o e z ji p o ls k ie j (A . M . L e R e p ré se n ta n t du B aroqu e dan s la p o é s ie p o lo n a ise), K ra k ó w 1893, et de B r a h m e r , op. c it., c o n stitu e n t d es travaux fo n d a m en ta u x sur les affinités ita lien n es du lyrism e vieu x p o lo n a is. Les n om b reu x b e so in s a ctu els de la recherche en ce d o m a in e so n t in d iqu és par T. U l e w i c z . «P isarze p o lscy wieku X V I w kręgu h u m a n isty czn y m P adw y i W en ecji» (L es E crivain s p o lo n a is en X V Ie s. d a n s le cercle h u m a n iste d e P a d o u e et V en ise), Ruch L ite r a c k i, 1967, n o . 1, p. 11. A . B r ü c k n e r , « C ech y literatury szlach eck iej i m iejskiej w ieku X V II» (Les T raits cara ctéristiq u es d e la littérature n o b ilia ire et b o u rg eo ise en X V IIe s.), [dans:]
K s ię g a p a m ią tk o w a ku c z c i B. O rze c h o w ic za , v ol. 1, L w ó w 1916, p. 164; J. Ł o ś ,
« Z arys rozw oju w ersyfikacji p o lsk iej» (L ’E sq u isse du d év elo p p em en t d e la versification p o lo n a ise ), ibidem , vol. 2, p. 25; B. N a d o l s k i , « M iło sn a liryka m ieszczańsk a X V II w iek u » (L irique d ’am our de b o u r g e o isie en X V IIe s.), K u rier L ite ra c k o -N a u k o
w y. 1937. no. 17; J. K r z y ż a n o w s k i . « R ep ertu a r d aw n ych p io sen k a rzy » (Le R éper
toire d es an cien s c h a n so n n ie r s). |d a n s:] P a ra lele. W arszaw a 1961. p. 178; J. D ü r r - - D u r s k i , D a n ie l N a b o ro w sk i, Ł ó d ź 1966, p. 160; U l e w i c z , « P isa rze p o lscy w ieku X V I» , p. 11.
16 H . B a r y c z , « P a d w a sie d e m n a sto w ie c z n a w życiu in telek tu a ln y m P olsk i» (P a d o u e de X V IIe s. d a n s la vie in te le ctu elle d e P o lo g n e ), [dans:] S p o jrzen ia w p r z e s z ło ś ć p o lsk o -w ło s k ą , W ro cła w 1965, pp. 365 — 379.
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leur nouveau milieu. Les liens des étu d ian ts polo nais avec la p o pulatio n locale étaient, com m e l’attestent les docum ents, assez vifs, mais parfois peu rangés et c o r re c ts 17. Les «écoliers» en tra ien t en co n tact avec la pègre locale, ils étaient les hôtes fréq uen ts des tavernes, p articip aient à des fêtes, étaient les spectateurs passionnés des représen tations théâtrales des fêtes, des m ascarades, des cortèges de toutes sortes qui avaient souvent lieu d an s les rues des villes italie n n es,x. En p re n an t p a rt à ces m anifestation s, les P olonais faisaient connaissance avec des oeuvres p opu laires versifiées, des oeuvres d o n t la diffusion était essentiellem ent orale. Ces textes simples, anecdotes fugitives, satires, chanso n n ettes, c ’était p o u r eux l’accès le plus facile à cette langue étrangère. Les P o lon ais n o u vellem ent arrivés étaient particu lièrem en t sensibles à ces ch anso ns d ’am o u r qui leur appren aien t les principes de Yars amandi. Sans do u te ont-ils transm is, une fois rentrés au pays, ces textes d ’am ou r, gardés en m ém oire, à leur milieu littéraire et s ’en sont-ils servis d ans leur p ro p re activité litté r a ire 19.
O n peut égalem ent supposer q u ’à cette « im p ortation » de la chanso nnette italienne p rire n t p a rt les Italiens qui résidaient dans
17 Les sp éc ia liste s d e l ’h isto ire d es v o y a g e s p o lo n a is en Ita lie o n t attiré l'a tte n tion sur la p a rticip a tio n d es P o lo n a is à la vie d es v illes ita lien n es, m ais ils ont a p p récié de d iverses fa ço n s les m oeu rs de n o s étu d ia n ts. C f. S. W i n d a k i e w i c z .
P a d w a (P adou e), K ra k ó w 1891, p. 3; B a r y c z . «P a d w a sie d e m n a sto w ie c z n a » , p. 378.
U n d o cu m e n t in téressan t sur cette q u e stio n est c o n stitu é par le m a n u scrit d e la Bibl. C za rto ry sk i, réf. IV 4 34, d an s leq u el (f. 339 — 340) se tro u v en t d es o e u v r e s qui tém o ig n en t du m o d e de vie a ssez libre d es v o y a g eu rs p o lo n a is (pu b lié par A . S a j- k o w s k i d a n s l ’a n th o lo g ie W ło sk ie p r z y g o d y P o la k ó w . W iek X V I — X V I I I (L e s Aven
tu res italien nes d es P o lo n a is), W arszaw a 1973, pp. 38 — 39.
18 La p a rticip a tio n d es P o lo n a is à la v ie c u ltu r elle des. villes ita lien n es, et p a rticu lèrem en t leur intérêt p ou r le théâtre a été p résen té par B a r y c z , « P ad w a sie d e m n a sto w iecz n a » , pp. 358 — 359, 378, 380 — 381, a in si q u e par M . B r a h m e r ,
Z d zie jó w w ło sk o -p o lsk ich sto s u n k ó w ku ltu ra ln ych (D e l ’h isto ire d e ita lo -p o lo n a is liens cu ltu rels), W arszaw a 1939, pp. 3 5 —36. C es p r o b lè m e s so n t ég a lem en t c o m m e n té s par
S a j k o w s k i , op. c it., pp. 45, 1 6 3 — 174.
19 Les « ita lien s» o n t o c c u p é d e h au tes p o sitio n s d a n s la hiérarchie de l ’a d m in i stra tio n , de l ’E glise, d a n s les scien ces. B e a u c o u p d ’en tre eux se so n t e ssa y é s à une a ctiv ité d ’écrivain in d ép en d an t. C f. B a r y c z , « P a d w a sie d e m n a sto w ie c z n a » , p. 384. J. K r z y ż a n o w s k i , « N ie z n a n e “ ta ń c e ” z p o ło w y w. X V I » (Les D a n se s in c o n n u e s d e la m o itié de X V Ie s.), P a m ię tn ik L ite r a c k i, 1938, pp. 30 — 31, a attiré l ’a tten tio n sur le rôle a c tif d e s a n cien s étu d ia n ts de l ’U n iv e r s ité d e P a d o u e d a n s l’a cclim a ta tio n d es c h a n so n s ita lien n es en P o lo g n e .
L e L y ris m e m éliqu e vieu x p o lo n a is 63 n o tre pays où ils s’acclim ataient facilem ent: des diplom ates, des artistes, des artisans du livre, des acteurs a m b u la n ts20.
U n rôle plus im p o rtan t que celui des colpo rteu rs accidentels fut joué, dans cette transm ission de l’inspiration italienne, p ar les écrivains «officiels» qui étaient liés à la culture italienne. Les poèm es de J. K ochanow ski, de J. Sm olik, de J. Szlichtyng ou de J. A. M orsztyn circulaient d an s le m onde de la chanson et ils façonnèrent la réception des lecteurs nobles et bourgeois. Ils étaient aussi un exemple — souvent ab u sif — de poésie populaire. G râce à eux, des chansons et des danses anonym es reçurent le cachet de la m ode littéraire «im portée».
En d ehors des contacts extra-littéraires (scientifiques, artistiques, diplom atiques) et littéraires, la voie de la poésie chantée italienne fut ouverte p ar les liens m usicaux qui unissaient la Pologne à l’Italie. Ces liens étaient p articulièrem ent vifs, q u o iq u ’ils n ’aient pas m o nopolisé la vie m usicale polonaise. La vie m usicale assez exubérante de la C racovie d ’alors était ouverte aux m ultiples influences eu ro péennes. C ette com binaison d ’influences exige un com m entaire plus circonstancié. En effet, elle explique le m écanism e de la transm ission de la poésie m élique.
L ’épanouissem ent rem arq uable de la m usique et de l ’édition m u sicale survient au X V Ie siècle, lo rsq u ’à C racovie ont paru (en grand nom bre com parativ em en t à la p ro d u c tio n européenne dans ce d o m aine) des éditions m usicales qui d énotaien t un niveau élevé. C onsidération s théoriques, oeuvres à destination liturgique, co m p o sitions laïques de ch an t, de d a n s e 21... Les textes en ont été consignés dans des tab latu res m anuscrites du X V Ie siècle. Le m anuscrit de Jan de L ublin (1548) a fixé des chansons allem andes, françaises, anglaises et italienn es22. U ne ta b la tu re p o u r luth de C racovie, un
20 B r a h m e r , Z d zie jó w w ło sk o -p o lsk ich sto su n k ó w k u ltu ra ln ych , pp. 142 — 159, a d éco u v ert d e s traces du séjour de c o m é d ie n s italien s en P o lo g n e au X V I I e siècle. C f. aussi A . S a j k o w s k i , «T eatr Jana K a zim ierza » (Le T h éâtre de Jean C asim ir),
P a m ię tn ik T e a tra ln y , 1964, c. 3.
21 C f. A . C h y b i ń s k i , S to su n k i m u zy c zn e P o ls k i z Francją H' X V I stu leciu
(L es R e la tio n s m usiques de P o lo g n e e t F rance en X V F s.), P o z n a ń 1928.
22 T abulatu ra o rg a n o w a J an a z L ublin a, éd . K . W ilk o w sk a -C h o m iń sk a , K rak ów 1964. Le c o n te n u de la tablatu re de Jan de L ublin a été an alysé par. A . C h y b i ń s k i , «T a b u la tu r a o r g a n o w a Jana z L u b lin a » , K w a rta ln ik M u z y c z n y , 1911, c. 1 - 4 , pp. 9 - 3 5 , 2 1 7 - 2 5 2 , 2 9 7 - 3 3 6 .
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peu plus récente que la précédente, tab latu re connue trad ition nellem ent sous le nom de tab latu re Strzeszkow ski a consigné les com positions
Ich reu und Klag, Lever est bon, L e content est riche, Or viens, Un Gai Berger. Susanne. un jour. D ans le m anuscrit découvert par
J. G olos (m anuscrit faisant partie des collections de la B ibliothèque Jagiellonne, réf. 24) on a noté 19 textes de G . G asto ldi, L. M arenzio, O di Lasso, T. C ré q u illo n 23. Des oeuvres m éliques laïques ont été aussi colportées sous une form e im prim ée. L 'in ven taire de la librairie de Z. K essner en 1602 a enregistré des com positions d ’O. di Lasso, d ’I. de V ento, de F auteur de m adrigaux anglais P. Philips ainsi que d ’artistes allem ands: C. E rbach, H. H assler, L. Lechner, H. P ra e to riu s 24.
L ’infiltration de la m usiqu e étrangère dans le m onde polon ais n ’était pas unilatérale. A l’étranger, on connaissait bien les oeuvres de Jak u b P olak, de W. D lugoraj, de M . Zielenski, de M. Miel- czewski, m ais aussi des m otifs de chansons, de danses populaires qui furent exploités p ar d ’ém inents artistes néerlandais, français, allem ands (à preuve: les tab latu res de Lôffelholtz, de B esard, de J. Van den Hove). Des traces de connaissance de la m usique polonaise sont égalem ent sensibles d an s les pays slaves.
Au sein des influences m utuelles qui lièrent la culture m usicale de la Pologne à celle de ses partenaires, les relations po lono-italiennes ont pris un relief particulièrem ent net — nous l ’avons m entionné plus haut. Ces relations se signalèrent extérieurem ent n o tam m en t p ar l ’influence croissante — à d ater des tem ps de la reine B ona — des m usiciens italiens qui étaient encouragés par des honoraires élevées et m êm e p ar l’espoir d 'u n anoblissem ent. P arm i ces nouveaux arrivés qui occupaient les plus hautes fonctions des chapelles de cour, citons des artistes de l’envergure de L. M arenzio, V. Gigli,
23 C es sou rces o n t été c o m m e n té e s d a n s les travaux de J. G o l o s . «T e m a ty m u z y czn e w p o lsk iej poezji m ieszcza ń sk iej» (L es T h èm es m usiq u es d a n s la p o é sie p o lo n a ise d e b o u rg eo isie). M u z y k a . 1965. n o. 1, p. 45: Z. S z w e y k o w s k i , « R o z k w it w ie lo g ło so w o śc i w X V I w iek u » (L ’E p a n o u issem en t de p o ly p h o n ie en X V I e s.), [dans:] Z d zie jó w p o ls k ie j k u l tu ry m u zy c zn e j, vol. 1: K u ltu ra s ta ro p o lsk a , K ra k ó w 1958, pp. 8 8 - 8 9 .
24 L 'activité de la librairie de Z. K essner (m ss. W A P C ra co v ie. réf. 226. f. 1 7 1 6 — 1751) a été m en tio n n é e d a n s C ra c o v ia im pressoru m , éd. J. P ta śn ik , L w ó w 1922, p. 105.
L e L y r is m e m éliqu e vieu x p o lo n a is 65 A. Pacelli, A. Stabile, A. O rgas et, au X V IIe siècle, un m aître de chapelle des W aza qui eut la vie longue: M . S cacchi25. Les oeuvres de la danse et les oeuvres vocales occupaient une place im po rtan te dans le réperto ire des m usiciens italiens qui officiaie p o u r les spectacles et les am usem ents de la C o u r. C ’étaient des courantes, paduanes, villanelles, exécutées en langue italien, m ais avec le tem ps en p o lo n a is26. L ’activité des m usiciens italiens en Pologne d oit être reconnue com m e un m aillon im p o rtan t des liens de la chanson italienne et de la chan so n polonaise.
Les observations rassem blées ici nous am ènent à conclure que le clim at cosm opolite de la vie m usicale — dans lequel l’inspiration italienne a jo u é un rôle de prem ier plan — a favorisé, ainsi que l’intensité des liens polono-italiens d ans le dom aine littéraire, les voyages — la diffusion de la connaissance de la chanson italienne en Pologne. En m êm e tem ps sont nées des co nd ition s d ’une action de l’inspiration italienne sur la m usique p olonaise et sur la poésie m élique polonaise. C epen dant, si cette prem ière conclusion ap p a raît com m e indiscutable, le problèm e de l’influence réelle de la littéra ture vocale italienne sur les oeuvres des auteurs polonais est com plexe et prête à discussion. O bservons-la d ans le dom aine des faits littéraires.
La possibilité d ’une action de la poesia per musica italienne a été déterm inée p ar l’étendue sociale de sa réception. Il est difficile de définir cette étendue avec précision. On sait que les chansons italiennes on t été exécutées à la co u r ro y a le 27, ce qui — étan t
25 Z. S z w e y k o w s k i , K u ltu ra w o k a ln a sze sn a sto w ie c z n e j P o ls k i (L a C u ltu re
vocale d e P o lo g n e en X V F s.), K r a k ó w 1957, pp. 20, 2 6; Z. L i s s a , J. M. C h o m i ń s k i , « M u z y k a p o lsk ie g o o d r o d z e n ia » (La M u siq u e de la R en a issa n ce p o lo n a ise ), [dans;] O d ro d ze n ie »' P o lsc e , v ol. 5, W arszaw a 1958, p. 86; H. F e i c h t , « M u z y k a w o k resie p o lsk ie g o b a ro k u » (La M u siq u e d an s B aroqu e p o lo n ais), [dans:] Z d zie jó w p o ls k ie j k u ltu ry m u zy c zn e j, v o l. 1, pp. 1 6 0 — 161; K. T a r g o s z - K r e t o w a , T ea tr d w o r sk i W ła d y sła w a IV (L e T h éâ tre de cou r de L a d isla s
IV ), K ra k ó w 1965, p. 108.
26 N o u s n o u s en référon s à l ’o p in io n d es au teurs d e la thèse: « M u z y k a p o lsk ie g o o d r o d z e n ia » (p. 83) q u i o n t su ivi les p ro cessu s m en tio n n és d a n s une p ersp ectiv e m u sic o lo g iq u e .
27 A u ssi b ien les sp éc ia liste s de la m u siq u e de ch a n t que ceux de la littérature d ésig n en t la c o u r ro y a le c o m m e le m ilieu naturel d es in flu en ces italien n es. Cf. L i s s a , C h o m i ń s k i , op. cit., p. 51; B r a h m e r , P e tra r k iz m w p o e z ji p o ls k ie j, p. 120.
66 A lin a N o w ic k a -J e ż o w a
d onné la connaissance rép andue de l ’italien et l’abon dance des écrivains en ce lieu — a favorisé la p én é tratio n des influences é t r a n gères dans le répertoire des ch an so n s populaires, répertoire de ch ants et de danses consigne dan s les livres im prim és à C racovie. Quelle était p o u rta n t l’étendue sociale et territo riale de la p én étratio n de ces chansons italiennes d ans les provinces? Les sources connues ne do n n en t pas de réponses sûres. N o u s supposons que le lyrism e «im porté» d ’Italie était co n n u dan s les co urs des m a g n a ts28 et m êm e parm i les nobles, puisque W espazjan K ochow ski a décelé des échos de m élodies italiennes dans les ch an ts du rossignol des m ontagnes de Święty K rz y ż29.
Des préso m ptio ns fondées sur des prém isses sociologiques tro u vent une confirm ation d an s les textes de chansons et de danses populaires colportés sur l’im m ense étendue de la R épublique, textes qui étaient aussi bien connus des cours reculées que des milieux bourgeois.
Les recueils de padovani vendus sur les m archés contienn en t des traces nom breuses, q uoique dispersées, de liens directs avec le lyrisme m élique italien. Ces p arentés sont signalées notam m ent p ar des rém iniscences lexicales, p a r la form e m asculine du m ot «soleil»-'0 dans la chan so n Ju ż się słoneczne promienie skróciły (V II-19)31 et aussi p a r les refrains «fa, la, la» de ballet d ans les textes M iałem tę dobrą wolą zalecać się Grecie (VII-28) et A laeta
vita po polsku (IV -18) ainsi que l ’invitation à la danse
«runda-2S C f. R . P o l l a k , « Z p r o b le m ó w k u ltu ry ok resu p o ren esa n so w eg o » (P rob lèm es d e la cu lture de p o st-R e n a issa n c e ), [dan s:] O d renesansu do b a ro k u , W arszaw a 1969, pp. 20 — 21. D e l'in térêt m a n ifesté par les m a g n a ts p ou r la p o ésie p e r m usica tém o ig n en t d es recu eils d e c h a n so n s ita lien n es q u i leur o n t été déd icacés. C f. le relevé de ces so u rces: M . P e r z , « Z e stu d ió w w b ib lio tek a ch i archiw ach w ło sk ich (Les E tudes d a n s b ib lio th è q u e s et arch ives ita lien n es). M u z y k a . 1970. no. 2. p. 100. 29 W. K o c h o w s k i , « A w iz y d o jed nej osie ro cia lej K lelijej», [dans:] L ir y k a
p o ls k ie u’ n iep ro zn u ją cym p ró żn o w a n iu n a p isa n e, K ra k ó w 1674, p. 14.
30 La rém in iscen ce m e n tio n n é e du fran çais ou d e l'italien a été d éco u v erte par K r z y ż a n o w s k i , « R ep ertu a r d a w n y ch p io sen k a rzy » , p. 180.
31 C ’est d e cette fa ç o n que n o u s lo c a liso n s les textes qui p ro v ien n en t de K . B a d e c k i , P o ls k a lir y k a m ie szc za ń sk a . P ie śn i — ta ń ce — p a d w a n y (L a L yriq u e
p o lo n a ise de b o u rg eo isie. C h an sons — d a n ses — p a d o u a n es), L w ó w 1936: le prem ier
ch iffre (rom ain) d ésig n e le n u m é r o du recueil d a n s l ’im pression a n cien n e, le secon d (chiffres ro m a in s o u arabes) la p o sitio n du texte d a n s l’a n cien n e im pression.
L e L y r is m e m éliq u e vieu x p o lo n a is 67
-rynela» qui se faufile d an s la Runda abo wiwat (X V II-X IX ). On peu t ra tta ch er au réperto ire italien les incipit qui servent de titres aux oeuvres polonaises: A laeta vita po polsku ainsi que Quella
bella (X I-X X II) em pruntés aux ballets de G. G a sto ld i32. Parm i
les textes rem arq uables qui d é n o ten t les intérêts et les sym pathies italianisants d ’au teurs inconnus de padovani, m en tion no ns le ch an t
C óż mam czynić, pacholiczek utrapiony (Que dois-je faire, insupportable garçonnet?, V I-III) qui fixe p o u r la prem ière fois dans la poésie
polonaise le m ythe du pays de l’am our et de la belle n atu re :
Z a w io z ę cię, m iła, G d z ie ś n igd y nie b yła,
W cu d z e stron y. D o d rzew r o zm a ity c h , O w o c ó w o b fity ch ,
U lu b io n y c h .
G d zie o liw n e d rzew a sw oję b u jn o ść m ają. G d z ie cy try n y , p o m a r a ń c ze przypadają. T am r o z k o sz y tw oje,
K asiu , serce m oje, B ę d z ie sz m iała.
T a m n a k a sz ta n o w e , d rzew a ja ło w c o w e P o g lą d a ła .
[Je te c o n d u is, m a d o u c e , / où ja m a is tu ne fus, / en p ays étrangers / aux arbres d e to u te s so r tes, / gén éreu x en tes fruits p référés, / aux p a y s d es o liv iers ab o n d a n ts, / des citro n n ie rs, d es o r a n g e r s ... / Là, tu auras to u s tes plaisirs, / C ath erin e, m on co eu r. / Là, tu co n te m p le r a s /' d es ch â ta ig n ier s, / des genévriers.]
D ’autres preuves peuvent égalem ent être fournies p ar les sour ces m anuscrites, m usicales et littéraires.
Les m usicalia des X V Ie et X V IIe siècles n ’o n t pas été étudiées systém atiquem ent à ce jo u r. L a bibliothèque de Sigism ond III et de L adislas IV, dispersée après l’invasion suédoise ainsi que les collections bourgeoises qui cachent sûrem ent beaucoup de surprises atten d en t un dépouillem ent m u sicologiqu e33. C ep en d an t les ta b la
32 C f. G o ł o s , op. c it., p. 45.
' 33 Les étu d e s d es so u rc es m u sic o lo g iq u e s sur les ch a n ts et les d an ses vieilles p o lo n a ise s so n t très d y n a m iq u e s d a n s c e s dernières an n ées. D e s p u b lic a tio n s en ce d o m a in e , il faut m en tio n n er en tre au tres ces éd itio n s et th è ses: T ańce p o lsk ie
z V ieto ris co d e x . D ru g a p o ło w a X V I I w ieku (D a n se s p o lo n a ise s da n s V.c. T d m o itié du X V I I e s.), éd . Z. J. S tę szew scy , K r a k ó w 1960: T ańce p o ls k ie ze zbioru A nny
68 A lin a N o w ic k a -J e ź o w a
tures relativem ent peu nom breuses connues à ce jo u r contiennent des inform ations intéressantes sur la sym biose des chansons polonaises et italiennes. D ans la tab latu re de Ja n de Lublin, on a noté, à côte d ’oeuvres de provenance italienne, des incipit de ch an so nn ettes p o lonaises: Radem tem u, D ziw ny sposób, Z akłułam się tarnem, Księże
Marcinie, Szew czyk idzie po ulicy, szyd ełka nosząc, A leć nade mną W enus7'4. Le recueil bien co n n u d e M ikołaj Strzeszkow ski a fixé
les prem iers m ots de chansons italiennes chantées alors dans toute l’E uro p e: Vorrei che tu cantassi una canzona, Donna leggiadra
e bella, L a bella, O s ’io potessi, donna, Non dite m a i c h ’io habbia sorte, Dolce mio amore et, avec ceux-ci, des fragm ents d ’oeuvres
trad uites qui tran sfo rm en t ou rem placent les textes d ’origine. Au ch an t O s ’io potessi co rrespo nd ici un poèm e O, okrutna a niezbędna
miłości, dawno narzekają. Les chansons et les danses de la tab latu re
Strzeszkowski sont représentatifs d ’un réperto ire de poèm es érotiques populaires, ils tém oignent donc des parentés génétiques de la c h a n sonnette polonaise et de la poésie m élique ita lie n n e 35.
Parm i les m anuscrits littéraires qui m o n tren t les liens de la chanson italienne et de la polonaise, il faut citer les copies des recueils de la bibliothèque des C zartory ski (réf. IV 362, IV 1888). Ils contiennent divers italica, très différents p a r leur niveau artistique respectif. P arm i eux, d ’habiles poèm es érotiques m éliques: Z włoskiego.
Spoinie raz m iłość z śmiercią nocowali (De l ’italien. Il arriva que l ’Amour passe la nuit avec la M ort) ainsi que Już j a stąd odejść m uszę (Déjà j e dois quitter ce lieu, m an uscrit IV, 1888, f. 108, 225):
S zir m a y -K r e c ze r (D a n se s p o lo n a ise s d e co llectio n de A. S .-K .), éd. K. H ła w iczk a ,
K ra k ó w 1963; M u z y k a ii da w n ym K ra k o w ie (L a M u siq u e da n s ancienne C ra co vie), éd. Z. S zw ey k o w sk i, K r a k ó w 1964; M u z y k a sta r o p o lsk a {L a M u siqu e vieille p o lo
naise), éd. H. F eicht, K ra k ó w 1966. Les sp éc ia liste s de la m u siq u e an cien n e ne
co n sid èr en t p as le d ép o u ille m en t c o m m e term in é et ils p o stu len t une reprise m éth o d iq u e d es étu d e s sur la m éliq u e a n cien n e ainsi q u ’un p rogram m e d ’étu des sy stém a tiq u es d a n s les b ib lio th èq u es su é d o ise s et d a n s les arch ives p o lo n a ise s.
, '1 Cf. B. N a d o l s k i , «O n o w ą syn tezę literatury p olsk iej w ieku X V I» (Pour la n o u v elle sy n th èse d e la littérature p o lo n a ise d e X V I e s.), [dans:] K się g a p a m ią tk o w a
ku u czczen iu c z te rd z ie sto le c ia p r a c y n a u k o w ej p r o fe s o ra d ra J u liu sza K lein era, Ł ód ź
1949, p. 189; K r z y ż a n o w s k i , « N a s z najd aw n iejszy “ta n ie c ” m ieszczań sk i. Pieśń o szew czyk u » (N ô tr e la plus vieille “d a n se ” b o u r g e o ise ), [dans:] P a ra lele, p. 190. 35 Le co n te n u d e la tablatu re S tr zesz k o w sk i a été c o m m e n té d'u n p o in t de vu e d ’h istorien d e la littérature par K r z y ż a n o w s k i , « N ie z n a n e “ta ń c e ” z p o ło w y w. X V I» , pp. 28 — 33.
L e L y ris m e m éliqu e vieu x p o lo n a is 69
Już ja stąd o d ejść m uszę.
Lecz tu z o sta w ia m z sercem sm u tn ą d u szę. N ie u m rę, nie, b o m iło ść mi zab ran ia, Z ab ran ia d la d a lsz e g o k o ch a n ia .
Ja o d c h o d z ę w zd ych ając,
N a d zieję p ew n ą tw ej p o ciech y m ając, N ie u m rę, n ie, b o le ść tylko czu ję, U czu ję, b o cię z serca m iłuję. Idąc w d a lek ie kraje
N ie z a p o m n ę cię, p ó k i d u ch a staje, N ie um rę, nie, p o m n ią c na cię w k ło p o c ie , W k ło p o c ie , n ajm ilszy mój ż y w o cie.
[D éjà je d o is q u itter ce lieu, / m ais j'y laisse avec m on c o e u r u n e â m e triste. / Je ne m ourrai p as, n o n , car l ’a m o u r m e le d éfen d , / m e le d éfen d p ou r un p roch ain a m o u r . / Je m 'en vais, so u p ira n t, / gardant au co eu r l ’esp o ir certain de ta c o n s o la tio n . / Je n e m ourrai p a s, n o n , je se n s ju ste u n e s o u f f r a n c e ,/c a r je t ’aim e du fo n d d u c o eu r. / A lla n t vers les pays l o i n t a i n s ,/j e ne t ’ou b lierai pas, tant q u e je garderai l ’esprit, / Je ne m ourrai p as, n o n , m e so u v en a n t de to i en grand so u c i, / en grand so u c i, ô m a p lu s chère.]
P arm i les sources m anuscrites, une place particulière est occupée par le m anuscrit Historiae lagellonicae (1630) des collections de la Biblio thèque N a tio n ale (réf. III 3044), le seul brouillon de d ilettante connu à ce jo u r qui traduise en m êm e tem ps des chansons italiennes. N ous y trou v o n s des indications de notes, p arm i lesquelles se distinguent, p a r sa très grande beauté artistique, la m élodie Śm ier
telne gw iazdy lubo raczej oczy (f. 151/148r) ainsi que des textes
m éliques italiens Quello b e l’amor, D ’una gravezza aima ridente, Ferma
el passo, A m or poiché non giovano (f. 166/163r)36. Plusieurs oeuvres
figurant en po lonais sont pourvues de rem arqu es du trad u c teu r: « D ’italien en polonais», « P ad o u an e trad u ite de l’italien en p o lo n ais» ...
Les in form atio ns d ’auteur ne sont d ’ailleurs ni scrupuleuses ni com plètes. N o tre au teu r ne révèle pas que des cent quatre-vingt- -dix poèm es m éliques notés dans ce m anuscrit, la p lu p art sont liés directem ent ou indirectem ent à la poésie lyrique italienne, et q u ’un groupe assez im p o rtan t est co nstitué de p araph rases et de trad u c tio n s de m adrigaux de M arino.
36 D a n s la m anu scrit: Q u ella [!] b e l a m o r, D ’una g v a n e za [!] a im a ridente. L ’au teur a c o m m is de n o m b re u ses erreurs en écrivan t les term es italien s. Les feu illets du m anu scrit so n t c o m p té s d o u b le s, c ’e st p o u r q u o i n o u s lo c a liso n s les tex te s par d eu x ch iffres.
70 A lin a N o w ic k a -J e ż o w a
Des exem plaires de trad u c tio n s de m adrigaux de G . B. M arino se tro uvent égalem ent dans un recueil qui est an térieu r d ’une dizaine d ’années au précédent. C ’est la recueil B aw orow ski (II, E 24). L ’auteur en est P io tr K o stk a de Sztem berk, dilettante am ateur de littératu re italienne du X V IIe siècle37.
Les oeuvres m éliques reliées génétiquem ent au lyrism e italien d én o ten t divers degrés de dépendance à l ’égard des textes originaux. Les poèm es de P io tr K ostka sont des trad u ctio n s assez fidèles qui ren den t bien l’esprit des m adrigaux de M arino q u o iq u ’ils ne reprennent pas la stylistique raffiné de ceux-ci. P arm i les poèm es érotiques de M ikolaj G rodzinski, nous tro uv on s des textes trad u its de l’italien ainsi que des p arap h rases libres (174/171 r) :
P ie ścid łeck o m o je, V ezz o setta e b ella M on am our. O tw ó rz serce tw oje! P a rg o letta m ia, O uvre to n coeu r. C zyli m ię m iłujesz, C o m e sei m 'b e lla M ’aim es-tu
C zy ze m ną żartujesz? Se tu fo sse p ia ; ou te ris-tu de m o i? In d o lo r an im a m ia!
K o stk a com m e G rodziński se sont servis d ’interm édiaires latins, ce qui m ontre les difficultés de. leurs trauvaux de tradu ctio n. A yant à leur disposition des possibilités limitées, ces auteurs n ’on t p as créé d ’oeuvres de valeur artistique exceptionnelle. L eur m éthode conséquente et le bu t hien précis de leurs travaux littéraires les situent cep endant p arm i les trad u c teu rs m éritants, précurseurs de la trad u ctio n de la littératu re de M arino. Les liens qui existent entre les oeuvres de ces poètes et la poésie italienne o n t un caractère de filiation et devraient être décrits d ans la catégorie des d épen dances intertextuelles.
La dette d ’autres au teurs polonais à l ’égard de la poésie vo cale rom ane est plus difficile à définir. Les oeuvres consignées d ans les répertoires m usicaux sont vraisem blablem ent, com m e le suppose une spécialiste du recueil Strzeszkow ski, «des textes de su bstitu tio n, qui ont un au tre contenu que celui des textes ita liens prim ordiales qui on t été consignés dans la tab latu re avec
37 Les p o è m e s de P iotr K o stk a so n t m e n tio n n é s par J. L e w a ń s k i , P o ls k ie
p r z e k ła d y Jan a B a p ty s ty M a rin a (T ra d u c tio n s p o lo n a ise s d e J. B. M ), W rocław 1974,
L e L y ris m e m éliqu e vieux p o lo n a is 71 un son altété, to u t com m e c ’est arrivé p o u r d ’autres textes é tra n gers»38.
Les liens qui unissent le lyrisme m élique italien et les padovani anonym es de la fin du X V Ie et du X V IIe siècles ont un ca ractère particulier. Ces dernières sont b eaucoup plus autochtones que les poèm es de K o stk a et de G rodzinski. D es réminiscences italiennes extérieures, perceptibles à l’oeil nu* (réminiscences que nous avons citées plus hau t), trahissent, il est vrai, un lien direct de ces oeuvres avec la poésie lyrique ro m an e; elles ne p rouvent pas, néanm oins, de filiation intertextuelle bien définie. Le caractère insaisissable de ce type d ’em p ru n ts s ’explique p ar le caractère non officiel de ces chansons, danses, padovani qui se sont développées en m arge de la vie littéraire.
C ependant, il est un tra it de ressem blance effective, générale, entre le lyrism e p o pulaire m élique polonais et l'italien : ce sont des traits com m uns, des tendances analogues d an s les changem ents survenus au sein des conventions thém atico-stylistiques. Ceci m érite une déclaration particulière.
La langue p oétiqu e du lyrism e italien p er musica im itait les exemples littéraires du jo u r, et p articulièrem ent donc ceux qui avaient un po uv oir absolu depuis les années soixante du X V Ie siècle: le m odèle p étra rq u isan t, cultivé à l ’école de B em b o 39. A u sein de la littératu re de deuxièm e ordre, le pétrarq uism e a perdu aussi bien les traits de l’idéalism e sublim é du Canzoniere que ceux de l’aristocratism e de la poésie esthétisante de B em bo: il a été dévalué et banalisé en une usage générale. Avec le tem ps, et su rtou t dans la deuxièm e m oitié du X V Ie siècle, le cano n poétique tra ditionnel s ’est mêlé le plus souvent aux inspirations antiques et aux contenus hédonistes qui en étaient proches. P ar suite de quoi sont ap p aru s des poèm es érotiques étrangers à l’esprit du p é tra r quism e classique, des poèm es au style affecté et banal dénom m é petrar-
chismo corruto. A côté de cela, les oeuvres qui p olém iquaient avec
M . S z c z e p a ń s k a , « N ie z n a n a k ra k o w sk a ta b u la tu r a ...» (In co n n u e tablature de C ra co v ie), [dans:] K s ię g a p a m ią tk o w a ku c z c i p ro f. A . C h yb iń sk ieg o , K ra k ó w
1950, p. 200.
Pour le p ro cessu s d es c h a n g e m e n ts au sein de la p o é sie p étrarq u isan te en Italie, n o u s en référons à M . A u r i g e m m a , L irica , p o e m i, e tr a tta li civili
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le m odèle p étrarq u isan t-b em b o isan t ont jo u i d ’une certaine p o p u larité 4().
A la fin du X V Ie siècle et au déb u t du X V IIe, le lyrisme érotique po pu laire était soum is aux influences de l'école p oétique m éridionale qui était différente p a r sa thém atiqu e, son style, son tem péram ent. Le principal représen tan t de cette école — m ais non le prem ier — fut G . B. M arino , reconnu com m e le codificateur du nouveau goût littéraire. La dictatu re poétique q u ’exerça le m aître napo litain a clô turé l ’époque de l ’érotism e « platonisant», m ais elle n ’a pas com plètem ent aboli la trad itio n post p étra rq u isan te qui était cultivée p ar les poètes archaïsants et qui, en vertu de la loi d ’inertie, ne s ’éteignait pas d ans la p ro d u c tio n des poètes dilettantes.
La vie littéraire de la chanson vieille polonaise, qui tient dans un laps de tem ps assez court, se form a, en bien des aspects com m e son hom ologue italien. Son d éb u t littéraire réel fut lancé p a r le lyrism e de J. K ochanow ski qui a form ulé la gram m aire poétique de la poésie érotiqu e polonaise pétrarq u isan te 41. Les exemples de ce lyrism e am oureux de C zarnolas qui enfonce sa source dans la poésie italienne, les générations suivantes en ont usé et abusé. Les auteurs de padovani du X V Ie et du X V IIe siècles les ont imités, m édiocrem ent le plus souvent. Ils en ont im ité les form ules courantes, m ais hors de leurs contextes philosophico-psychologiques, sans leur expression lyrique. Ils n ’on t m êm e pas senti la richesse intellectuelle et artistique de la trad itio n poétique pétrarq uisan te, réduisant celle-ci à une pose, au com plim ent courtois. «H élas, la M use polonaise s ’éduque tro p brièvem ent auprès de la M use de P étrarqu e — a écrit R o m an P ollak — p o u r affiner de cette façon sa sensibilité artistique, p o u r perfectionner son expression; c ’est q u ’elle est tro p p ortée sur la nouveauté elle reçoit en bloc ces innovations italiennes» 42.
40 Les c h a n g em en ts c o m p le x e s d e la p o é sie ita lien n e après la crise du pétrar q u ism e so n t c o m m e n té s par H . F r i e d r i c h , E pochen d er italienischen L y r ik , F ran k furt am M ain 1964, pp. 571 —583; F o r s t e r , op. c it., p. 119; R . P o l l a k , « U w a g i o se icen ty zm ie» (R em arqu es sur le se icen tism e), P rze g lą d W sp ó łc ze sn y , 1925, no. 43, p. 197.
41 La d ép en d a n ce de la c h a n so n p o p u la ir e du X V I Ie s. à l'égard de la p o é sie d e J. K o ch a n o w sk i a é té c o m m e n té e par. J. K o t a r s k a , P o e ty k a p o p u la rn e j lir y k i
m iło sn ej X V I I w ieku w P o lsc e (P o é tiq u e de la p o p u la ire lyriq u e d 'a m o u r de X V I I e s. en P o lo g n e ), G d ań sk 1970, pp. 36 — 95.
L e L y ris m e m éliq u e vieux p o lo n a is 73 D ans leur recherche d'effets nouveaux, les auteurs anonym es de chansons d ’am o u r s ’efforçaient d ’accorder les acquis poétiques reçus p ar héritage avec la p oétique du style nouveau, affecté et rh étorique. Ils o n t donc in tro d u it dans leurs poèm es des excla m ations pathétiques, des lam entation s éplorées, ils on t forcé la pantom im e des larm es et des pâm oisons am oureuses. Ces dém arches n ’ont pas favorisé le m oins du m onde l ’approfondissem ent de l ’ex pression lyrique, m ais elles on t rem pli des fonctions d ’ornem ents oratoires. Souvent d ’ailleurs, les descriptions des souffrances de l’am an t et les ap o stro p h es sublim es à la dam e voilent des allusions aux m oeurs am oureuses véritables, ce qui co nférait du p iq u an t à ces chansons. T outes ces innovations caractérisaient le processus de la récession et de la décom position du p étrarqu ism e polonais.
La co nvention p étra rq u isan te m aniérée a p rov oq ué une réaction littéraire polém ique. Les oeuvres qui exprim aient cette convention to u t com m e la littératu re an tip étra rq u isan te en Italie — on t opposé à l’idéalism e de la poésie éro tiq u e traditionnelle un naturalism e, une sensibilité b rutale. La vision de l ’am an te angélique y a été rem placée p ar des p o rtra its de fem m es de la plèbe, de jeunes filles vénales et infidèles, et des descriptions vulgaires d ans leur laideur ont expulsé l’esthétique du beau h a rm o n ie u x 43.
La vague de l’antip étrarq u ism e d ans la poésie italienne a p ré p aré le terrain du m arinism e. D an s l’atm osphère de la vie litté raire polonaise, ce c o u ra n t n ’avait guère de chance de se dévelop per plein em en t44. En d istin g u an t ici une époque m ariniste du lyrisme am oureux, nous désignons essentiellem ent les oeuvres m éliques d ’artistes officiels com m e J. A. M orsztyn, ainsi que les expériences poétiques de P. K o stk a et de M. G rodziński. Les textes populaires d ’auteurs anonym es qui se ten aient un peu en re trait de l’«avant-garde» littéraire ne furent pas a u ta n t soum is à l’invasion du nouveau style q u o iq u ’on puisse y déceler b eauco up d ’élém ents de celui-ci.
43 U n c o m m e n ta ir e p lu s particu lier d e la p o é sie p o lo n a ise antip étrarq u isan te se tro u v e co n te n u d a n s J. K o t a r s k a , « A n ty p e tra rk izm w p oezji sta ro p o lsk iej» (A n tip étra rq u ism e d a n s la p o é sie v ieille p o lo n a ise ), [dans:] L ite r a tu ra sta ro p o lsk a
i j e j z w ią z k i eu ro p e jsk ie.
44 P o l l a k , « U w a g i o se icen ty zm ie» , pp. 2 0 2 —2 04, ex p liq u e le peu d e d é v e lo p p em en t du m a rin ism e en P o lo g n e par la d ifféren ce d e situ a tio n h isto riq u e et de tem p éram en t d e n o tr e p o é sie . L es c a u se s so c ia le s et littéraires des résistan ces q u ’a ren co n trées en P o lo g n e l ’in v a sio n du m a rin ism e so n t ég a lem en t p rises en c o n si d éra tio n par L e w a ń s k i , P o ls k ie p r z e k ła d y J a n a B a p ty s ty M a rin a , p. 172.
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Ici sont ap parus des m otifs érotiques typiques de la poésie m ari- niste, tels le sommeil de la femm e observé p ar l’am an t, les caresses prodiguées à un anim al fam ilier, la blessure d ’une m ain, d ’une bouche de jeune fille, les jeux frivoles de C u p id o n 45. Ces m otifs sont ap p aru s dans une m outure poétique m odeste qui ne se peut co m parer à la stylistique raffinée des poètes nap olitain s; ils im itaient cependant certains traits de la m anière en vogue. P arm i ces traits, les plus caractéristiques sont ces élém ents de surprise conceptuelle, ces m étaphores ornam entales et com pliquées, l’ab on dance des syno nym es ainsi que les constructions typiques du m arin ism e46.
Les changem ents survenus d ans le lyrism e m élique polon ais — changem ents que nous venons d ’évoquer de façon brève et sim pli fiée — étaient en réalité plus com plexes. Ils étaient m arqu és par la trad itio n du M oyen Age, p ar les inspirations antiques ainsi que p ar les influences de la chanson populaire. Les conventions décrites ici dans une perspective diachronique se sont m aintes fois rencontrées non seulem ent dans des oeuvres d ’une seule et m êm e époque, m ais aussi à l’intérieur de ces textes eux-mêm es. L ’exam en de tous ces facteurs qui distinguaient chansons, danses, padovcmi ne nie cepen d a n t à conclure que le développem ent des lyrism es m éliques polonais et italiens se fit p ar des voies com m unes.
C om m ent faut-il interpréter l’énoncé co m p aratiste de ces obser v ations? A la lum ière de la conception m éthodologique d ’H. M a r kiewicz, ces observations peuvent tém oigner de filiations ou de parallélism es qui uniraient ces deux aires littéraires. Les études génétiques, traditio nnellem ent privilégiées dans le co m paratism e po- lono-italien se heurten t ici ce pendant — n ous l ’avons déjà dit — à des difficultés. Elles m ènent à des mises au p o in t particulières
45 La c h a n so n Ś lic zn a D yja n n a w p ię k n y m m ieszk a n iu (X III, 16) b âtie sur le m o tif du jeu avec l ’oiseau s ’a sso c ie au m adrigal d e G . B. M arin o U c e lle tto fu g ito d i m an o a lla sua n infa (R im e II, X X X I X ) et les p a d o v a n i b â tie s sur
d ’autres m o tifs p eu ven t être c o m p a rées aux c h a n so n s ita lien n es: In bianco le tto
all'a p p a rir de! gio rn o (A. E i n s t e i n . The Italian M a d rig a l, v ol. 1. P rinceton , N e w Jersey, 1949,p. 456), S e p e r lieve f e r ita (G . D i V e n o s a , S ä m tlic h e M a d ri
ga le für f ü n f S tim m e n , v o l. 2, hrsg. W . W eism an n , H am bu rg 1962, p. 3), A m o r p e r suo d ile tto (L. T o r e h i, L 'a r te m u sica le in I ta lia d a l s. X I V a l X V III, v o l. 1,
Bari 1968, pp. 3 0 5 - 3 1 2 ) .
46 C es form es o n t fait l ’ob jet d ’un c o m m e n ta ir e d e F r i e d r i c h , o p . c it., pp. 545 - 567 , 636 - 647.
L e L y ris m e m éliqu e vieux p o lo n a is 75 et dispersées, qui ne co nduisent pas à la reconstruction d ’un tableau com plet. B eaucoup plus appropriée à ces textes méliques anonym es est la m éthode de recherche de parallélism es interlittéraires. C ette m éth od e ne conteste pas l’existence de liens directs, mais elle les évite, en co n sta ta n t des ressem blances générales et des différences d ans le m atériau a n a ly sé 47. Elle révèle de plus larges horizons cognitifs. En effet, si, à travers le prism e des liens que Paris, Londres, Leipzig ou P rague nouèrent avec l’Italie, on peut distinguer une co m m u n au té européenne de vie culturelle, dans la perspective des analogies lyriques italo-polonaises, il ap p a raît une «europanéité» au sein des chants, des danses, des padovani vieilles polonaises.
En saisissant ainsi les relations polono-italiennes en catégories de filiation (dans les trad u c tio n s et aux paraphrases) et de convergen ces (dans la littératu re m élique anonym e), nous interprétons ces p arentés perçues com m e un sym ptôm e d ’ap p arten an ce de n otre lyrisme m élique au m onde culturel européen. C et aspect de l’existence littéraire de n o tre m élique a été évité en général dans les études européennes qu i n ’ont pas bien perçu la présence de la chanson d ’a m o u r dans le d om aine slave.
U n signe direct des liens qui ra tta ch en t le lyrism e m élique vieux p olon ais aux form es des chants qui se développaient alors en E urope de l’ouest, ce sont les définitions en term es de genres qui les accom pagnent. La p lu p art des term es attestés dans les titres de nos chansons, ce sont des appellations étra n g ère s48: sara bande (Choć powiadają, żeś ty je s t pani, X I, 1), co u ran te (Spo
kojna wojna ubogiej miłości, X I, XV) ron d e (Z wesołej ochoty dla przyjaciela, X II, X IX ), sérénade {Już słońce padło, ju ż horyzont ciemny**), lam en tatio n {Panny lam ent, mss C zart. III 2783, 54-S()),
47 H . M a r k i e w i c z , «Z ak res i p o d zia ł literatu rozn aw stw a p o ró w n a w czeg o » (Le S p h ère et d iv isio n de co m p a r a tistiq u e ). Rue h L ite r a c k i, 1969. c. 2. p. 61. 48 N o u s fa iso n s a b stra ctio n ici d es term es qui ap p a ra issen t le p lu s so u v en t: ch a n so n , d a n se, p a d o v a n i qui se ra p p o rta ien t de façon gén érale (et de façon in te rch a n g ea b le ) à to u t le répertoire m éliq u e p o p u la ir e sa n s d ésign er p ou rtan t les varian tes d e g en res qui s ’y d istin g u en t.
49 J. A . M o r s z t y n , U tw o r y ze b ra n e (O eu vres ch oisies), éd . L. K u k u lsk i, W arszaw a 1971, p. 182. Le texte d ’u n e autre sérén ad e de M orsztyn (D o b ra n o c , d zie w c zę
m o je) figure à la p. 273.
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padovani (M oją notą paduana z włoskiego: N ie bądź twarda ja k skała, mss. G rodziński 184/18 lv), ritorta villanesca appelée aussi willanka {Pomnisz, Amarillado, gdy swa z sobą w chłodzie51, ainsi
que W ucho m i septala, mss G rodziński 12/12v), m adrigal (B rw iczki
przypraw ne, przyjem na s z tu k a 52).
La p lu p art des term es cités sont des appellations étrangères, principalem ent italiennes et n ’ont pas de co rresp o n d an ts d ans le pauvre fonds des appellations polonaises des genres, qui n ’étaien t guère spécialisées. Leur carrière atteste sans aucun d o u te une am ple connaissance des form es de la poésie lyrique m élique rom ane, ainsi que le fait q u ’on ten ta bien de greffer ces form es en terrain po lo n ais; c ’est donc un argum ent supplém entaire à l’ap pu i du bien fondé de la co n fro n tatio n des genres m éliques p olon ais et italien.
P arm i les term es attestés d ans les sources polonaises du X V IIe siècle, on accordera une atten tio n particulière au m adrigal et à la «villanesca» (canzona alla villanella), appelée aussi en p o lo n ais
willanka. Ces form es revêtent une im portance exceptionnelle p a r
leur longévité, p ar l’extension européenne de leur p ro d u c tio n ainsi que p a r leur h au t ra n g artistique. A u X V Ie siècle, ces genres o n t dom iné à un tel p oint le dom aine de la poésie éro tiq u e m élique italienne q u ’en p erd an t leurs déterm in ants extrêm es en ce qui c o n cerne le genre, ils se sont assimilés aux p rincipaux co u ran ts de cette littérature. Le m adrigal, en acco m p agn ant la vie de cour, a accepté les canons de l ’am our courtois, et, en même tem ps, les form es conventionalisées de son expression littéraire. L a villanelle, née de la poésie burlesque, a exprim é une opp osition aux form ules qui déform aient l ’image de la vie et elle a am assé des nouveautés poétiques qui b attaien t en brèche les schém as tra d itio n n e ls53. U n
du X V I I e s., entre autres d a n s le m anu scrit d e la Bibl. C za rt., réf. IV, 1888, 3 3 2 /1 7 2 v.
51 C e texte, en d iverses réd a ctio n s, se tro u v e d a n s le S u m m a riu sz d e H. M orsztyn (no. 205), d a n s le W ir y d a rz de J. T. T rem b eck i (I, 171), d a n s le recueil Z w e so łej o ch o ty (V II, 35) ainsi q u e d a n s le m anu scrit d e la B ibl. C zart, (réf. IV, 1888, 1 8 6 /1 93v). La p a te rn ité d e c ette oeu vre prête à d isc u ssio n ; o n l ’attrib u e à H . M orsztyn ou à J. S zlich tyn g.
52 K o c h o w s k i , op. c it., livre III, n o . X , p. 145.
53 N o u s a ttiro n s l’atten tio n sur l ’o p p o sitio n fo n d a m e n ta le m adrigal — villa n elle .. En fait, les rap p orts de récip rocité de c e s d eu x genres é ta ien t p lu s c o m p liq u é s : les m adrigaux étaien t p aren ts de la légère c a n z o n n e tta , tand is q u e la v illa n elle su ivait la m anière du lyrism e de c o u r .
L e L y r is m e m éliqu e vieux p o lo n a is 77 prosessus de polarisatio n sem blable des m odèles littéraires et m on dains dans les chansons d ’am our s’est accom pli dan s le lyrisme vieux polonais. A côté de poèm es co rresp o n d an t aux représentations en vogue de l ’am o u r co urtois sont nées des oeuvres qui créaient un m odèle de com portem en t inverse, «populaire».
L ’analyse qui co m pare ces deux dom aines — la chanson po lo naise et la ch anson italienne — révèle de nom breuses analogies réelles d an s la versification, dans la co n stru ctio n de l ’énoncé, d an s la situ ation lyrique ainsi que dans la créatio n des héros et du m onde représenté. D es convergences réelles se dessinent en ou tre dans la conception idéologique et esthétique qui influe sur l’oeuvre, dans l’in to n atio n ém otionnelle elle-même. L ’expressivité des liens qui unissent textes polo nais et italiens d én otent une affinité proche de la to p iq u e et de nom breuses parentés d an s la technique p oétique, p aren tés qui s ’extériorisent p ar exem ple dans la m éthode de stylisation de la villanelle54. T outes ces convergences p erm ettent de parler de con stitu tio n , sur le terrain du lyrisme m élique polonais, de la convention du m adrigal et de la villanelle.
Les ressem blances qui relient les oeuvres polonaises aux m adrigaux et villanelles eu ropéennes ne doivent ce pendant pas voiler les diffé rences qui se dessinent et dans les déterm in an ts extérieurs, ex tralit téraires des genres, et d ans leur régularité interne.
La différence la plus sensible est désignée p a r le statu t social et littéraire différent du m adrigal en Italie et en Pologne. Là-bas, la poésie du m adrigal était le fait des plus ém inents com positeurs et écrivains. C hez nous, on co lp o rta it les textes de ces chansons, le plus souvent dans des éditions de deuxièm e ordre, frappées p ar la censure et exclues de la poésie officielle. En Italie, les m adrigaux étaient forts d ’une trad itio n de trois siècles; en Pologne, ils étaient une créatio n relativem ent jeune. D ans le dom aine rom an (italien et français) les poèm es érotiques tou rn és en m adrigaux étaient caractérisés p ar la m arqu e élitiste de la cultu re de co u r; d an s les conditions de la vie m o ndain e et littéraire de la Vieille
54 U n c o m m e n ta ire b e a u c o u p p lu s p articu lier de la p o é tiq u e du m adrigal vieux p o lo n a is et du ch a n t v illa g e o is se trou ve c o n te n u , en c o m p a g n ie d ’une p lu s a m p le b ib lio g r a p h ie du sujet, d a n s m es travaux M a d r y g a ły sta r o p o lsk ie (M a d rig a u x vieux p o lo n a is), W rocław 1978; W ila n k i s ta r o p o lsk ie (V illa n elles vieilles p o lo n a ise s) (en co u r s d ’im p ressio n ). C et article se fo n d e sur d es p a ssa g es de ces