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Les funérailles de Joachim Lelewel. Proscrit polonais

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FUNÉRAILLES

I>E

JOACHIM LELEVEL

P R O S C R I T P O L O N A I S

PARIS

E. D E N T U , L I B R A I R E - É D I T E U I i

PA LA IS-R O Y A L, 13 ET 1 7 , GA LERIE D’O hLÉA N S.

(2)

LES FUNÉRAILLES

DE

JOACHIM L E L E W E L

(3)

PARIS

I M P R I M E R I E D E L. T I N T E R L 1 N E T C"

R u s N euve-des-B ons-E nfants, 3.

(4)

L E S

FUNÉRAILLES

D E

JOACHIM LELEWEL

P R O S C R I T P O L O N A I S

P A R I S

E. D E N T U , L I B R A I R E - E D I T E U R ,

PA LA IS-R O Y A L, 13 E T 17, G A L E R IE D’ORLÉANS

1 8 6 1

Tous droits réservés

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a u ,

W J & o w i l c u i C t f M W i\o

f c u o . s q .

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LES FUNÉRAILLES

DE

JOACHIM LELEWEL

Encore un Polonais émigré mort sur la terre étrangère ! Nous venons d’accompagner à sa dernière demeure Je véné­

rable Joachim Lelewel. Ancien professeur à l’Université de Vilna, ancien député à la Diète de Pologne, ancien ministre de l’instruction publique, ancien membre du Gouvernement natio­

nal à Varsovie, puis proscrit, il a passé dans l’hospitalière ville de Bruxelles les longues années de l’exil. Venu depuis peu de jours à Paris pour y consulter les médecins, il y est mort dans la Maison municipale de santé de M. Dubois, rue du Faubourg- Saint-Denis, n° 200, le mercredi 29 mai 1861 à sept heures du matin.

Aujourd’hui samedi 1er juin, le convoi est parti de la maison mortuaire à midi, et s’est dirigé vers l'église Saint-Yincent de Paul, où le service a été célébré. L’église était pleine de monde.

Après les prières, le cercueil a été enlevé par les jeunes gens et

reporté sur leurs épaules jusqu’au char funèbre ; et l’on est

allé au cimetière Montmartre. En l’absence de parents, le deuil

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était conduit par MM. le comte Jean Ledochowski, Léonard Chodzko, le colonel Guinardet le gendre de M. Gendebien, de Bruxelles. Le cortège était ouvert par l’École polonaise, par ces jeunes fils d’émigrés si nationalement élevés, qui grandis­

sent dans l’amour de la patrie, qui sont toujours associés à tou­

tes les fêtes douloureuses de la Pologne, et qui se pressaient en ce jour autour du cercueil de l’homme dont le souffle a si long­

temps animé la jeunesse polonaise, dont les écrits éclaireront les générations, à qui il laisse pour héritage le précieux exemple d’une vie austère, patriotique et studieuse.

Une foule considérable suivait : non l’émigration seulement, mais encore un grand nombre d’amis de la Pologne, Français et étrangers.

Joachim Lelewel était, parmi ses compatriotes, le représen­

tant de l’idée démocratique ; mais

011 ne voyait à son convoi

aucune distinction de partis. Tous les cœurs polonais l’ont pleuré.

Ceux qui calomnient la Pologne sur ses prétendues divisions, comme ceux qui calomniaient hier l’Italie, eussent pu voir com­

bien l’amour de la patrie unit profondément tous les enfants de la Pologne.

C’est un membre de l’institut, M. Louis Wolowski, ancien représentant du peuple à l’Assemblée nationale française, qui avait été chargé de prendre la parole pour glorifier, au nom de la science, le savant historien, le patriote intègre ; et il l’a fait avec talent.

Comme homme politique, Lelewel s’était surtout attaché à trois choses : l’affranchissement des paysans, l’entière liberté religieuse, et le développement de l’idée démocratique.

Il a reçu de Dieu, avant de mourir, cette récompense devoir les paysans polonais sur le point d’arriver tous à la propriété, la confraternité cimentée entre les chrétiens et les juifs, à Varsovie, par un sacrifice commun, et les volontés nationales triomphant déjà presque partout en Europe.

Le rapprochement qui semblait si difficile des Polonais chré­

tiens avec les juifs, un seul instant a suffi pour l’accomplir. Un

même miracle, demain, consommera définitivement l’égalité

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entre les paysans et les nobles ; et cette triple union des nobles, des paysans et des juifs fera la force de la Pologne.

C’est une belle parole que celle de ces gentilshommes polo­

nais, qui ont dit : « Quoi que fassent les Russes pour les paysans, nous ferons le double. »

C’est un sentiment vrai que celui de ces israélites qui, en en­

tendant parler des concessions qu’allait leur faire l’Empereur de Piussie, ont dit entre eux : « Qu’importent des concessions

in ex trem is? L’intérêt des Polonais et des juifs, en Pologne, est

le même. »

Sur la tombe de Lelewel, un rabbin de Paris, le jeune et élo­

quent M. Astruc, est venu prononcer un discours, pieux hom­

mage au zélé défenseur de la cause israélite en Pologne ; et un prêtre polonais y ajouta la prière des morts pour l’historien-phi- losophe. Éclatante consécration du grand principe de liberté religieuse auquel Lelewel avait consacré sa vie.

Autre fait bien significatif : l’assistance avait été fortement émotionnée par la pensée qui avait inspiré le rabbin. L’émotion redoubla lorsqu’on entendit un ouvrier français témoigner hau­

tement les sympathies des masses françaises pour la Pologne ; car on sentit que ces mots venaient du cœur, que ce qu’une seule bouche exprimait des millions de cœurs le sentaient. A la chaleur de l’étincelle, on comprit de quel immense foyer elle avait jailli.

Si l’Empereur Napoléon, lorsqu’il expliquait à son ambassa­

deur en Angleterre pourquoi il envoyait les soldats de la France en Syrie, a dit : « Je sens comme le peuple qui m’a mis à sa tête, et je ne vois pas comment résister à l’opinion publique de mon pays, * à combien plus forte raison le pourra-t-il dire pour la Pologne?— Et c’est là un des grands motifs pour les Polonais d espérer; car on sait ce que le peuple français sent pour la Po­

logne, et il n’y a pas de circonstance où l’on ne puisse voir éclater ce bon cœur.

En vérité, les temps approchent ; il y a des signes. C’en fut

un déjà lorsqu’au jour de sa défaite, l’impitoyable Empereur

Nicolas tombait frappé de mort. Cette catastrophe ne prophéti­

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sait-elle pas la décadence de l’empire, que nous voyons s’accom­

plir. C’est un signe aussi que cette mort mystérieuse du vice-roi Gortschakoff, devenu fou au lendemain des massacres de Var­

sovie du 8 avril. La folie du lieutenant, troublé des ordres qu’il a reçus de son Empereur et qui ne peut plus les exécuter sans en perdre la raison, montre que l’obéissance passive est tuée même chez l’ennemi de la Pologne.

Gortschakoff est mort le lendemain du jour où est mort Lele­

wel ; mais si l’un, dans son exil et dans sa pauvreté, a été conduit à sa dernière demeure par une foule nombreuse et ac­

compagné de regrets universels, l’autre, dans sa puissance, n’a eu qu’un cortège de soldats, et il a été descendu dans la tombe poursuivi par la malédiction des Russes comme des Polonais.

DISCOURS DE M. LOUIS WOLOWSKI,

M EM BR E D E liN S T IT Ü T .

Ce concours si nombreux des personnes qui ont voulu rendre un d ern ier hommage à Joachim Lelewel, suffit p o u r m o n tre r combien est grande la perte que nous avons faite. Devant cette tombe e n t r ’ou - verte, dans ce m oment où les dissidences secondaires s’effacent, où les passions expirent, la justice de la postérité commence. Elle doit accroître encore la gloire de celui que nous pleurons, et dont la m ort va étendre un deuil patriotique dans les vastes limites de l’ancienne Pologne.

G rand par le cœ ur et p ar la pensée, Lelewel n ’a connu que deux passions auxquelles il est toujours demeuré fidèle : l’a m our de la patrie et de l’étude. Il savait les allier dans un noble enthousiasme ; car les veilles du savant se confondaient avec les méditations du pa­

triote ! Le monde connaît en lui un des plus illustres défenseurs de l’indépendance de la Pologne, un des plus fermes soutiens de ses droits que ses profondes investigations avaient contribué à mettre en lum ière;un des chefs éminents de la révolution de 1830, qu’il a servie

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comme député in fluent, comme ministre de l’instruction publique, comme membre du gouvernem ent national ; un savant de premier o rdre, idole de la jeunesse, guide assuré de l’âge m û r ; mais ce q u ’on ne sait pas assez, c’est que ce fut aussi le plus simple et le plus mo­

deste des hommes, que cet érudit poussé dans les ardeurs de la lutte sut unir à «ne stoïque fermeté la naïveté de l’enfant, que cet an ti­

quaire avait toutes les vertus antiques.

Nous la voyons encore cette ligure au sourire doux et triste, qui ne s’était jamais épanouie ù la jo ie, car elle était assombrie p a r le reflet des douleurs de la patrie ; ce regard méditatif qui semblait noyé dans les lointains horizons; silencieux, souvent é tr a n g e r à ce qui l ’enteurait, plongé dans le passé, peu communicatif, il a pu être mé­

connu par ceux qui, s’arrêtan t à la surface, n ’avaient point sondé les profondeurs de son âme. Il était réservé, on le supposait dissim ulé;

on l'accusait d’être défiant, lui que la timidité portait à se défier tou­

j o u r s de lu i-m ê m e ; d ’être orgueilleux, lui indifférent à la fo rtu n e et aux h o n n e u rs, animé seulement de cette noble fierté qui le ren d ait soucieux de son indépendance personnelle, comme il avait tout sa­

crifié à l’indépendance de sa patrie ; d ’être ambitieux, alors qu’il s’appliquait à ne jamais éclipser ceux q u ’il ren co n trait engagés dans les mêmes voies, à ne faire obstacle à personne ; lui voué à une exis­

tence de cénobite, qui semblait avoir fait vœu d’humilité et de pau­

vreté volontaire, l r ; qui aimait à s’effacer autant que d ’autres aimaient à se produire,

La renommée est venue le chercher, c a r ses jo u r s étaient trop uti­

lem ent occupés p o u r q u ’il consacrât une heu re, p o u r q u ’il fît un pas afin d ’aller au devant d ’elle. Il avait coucentré ses pensées sur ce q u ’il y a de plus grand en ce m onde, la patrie, la science, la liberté ; et p our s’y vouer tout entier, il avait renoncé aux joies du foyer do­

mestique : sa famille, c’était la Pologne ; ses enfants, c’étaient les générations nouvelles auxquelles il inspirait l’a m o u r de la patrie en le ur dévoilant les splendeurs du passé ! Ce profond érudit, cet ar­

chéologue é m in e n t,c e numismate exercé, savait se plier au langage le plus familier, afin d’initier les enfants aux premiers linéaments des annales nationales. Armé d’une science aussi vaste que sûre, il savait c om m uniquer à la jeunesse l’enthousiasme qui l ’anim ait, et c e p e n ­ dant, juge sévère p o u r lui-m êm e, il s’accusait de s’exprim er sans charm e, de n ’avoir rien de ce qui séduit, de ce qui invite à lui. Si la grâce était absente, il possédait mieux ; il avait cet a m o u r profond

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du pays qui lui donnait comme une seconde vue p our pénétrer les mystères du passé, il avait le courage que rien ne trouble, le dévoue­

ment que rien ne lasse. Chronologie, généalogie, géographie, politi­

que, histoire, jurisp ru d en ce, annales, manuscrits, m onum ents, m o n ­ naies, arm es, coutumes, diplômes, m œ urs, costumes, il avait tout interrogé, tout compris ; au souffle de son imagination se ranimaient toutes les reliques du passé, de ce monde éteint dont il était devenu l ’hôte familier.

Un labeur infatigable, acharné, l’avait rendu maître de tous les se­

crets de l’histoire. Enfant, il avait p our jouets, des livres, des ma­

nuscrits ; il passait les journées et les nuits à les interroger, à les déchiffrer. Levé le prem ier, il entendait sans cesse au collège la voix du surveillant : allez vous coucher, m in u it a sonné. A dix ans, il était déjà historien. 11 obéissait à une vocation irrésistible, en se vouant à l’étude des annales nationales de l’antiquité et du moyen âge. Lors­

que, jeune hom m e, il fut appelé à une suppléance du cours d’histoire de l’Université de W ü n a ; dès son début il produisit une immense impression sur la jeunesse. J ’aperçois ici quelques anciens élèves de Lelewel qui pourraient dire l'enthousiasme do n t ils étaient pénétrés;

au milieu d ’eux était une autre gloire de la P o l o g n e , Adam Mickiewicz. Tout le monde sait les vers inspirés au poëte par les le­

çons du professeur, ce magnifique hommage offert par le génie à la science et au patriotisme.

Inquiet de l’ascendant conquis par Lelewel, le gouvernem ent l’ac­

cusa de conspirer, lui qui ne fit jamais partie d ’une société secrète.

Conspirer à quoi b o n ? Alors, comme aujourd’hui, une seule pensée dominait tous les esprits, et tous n’avaient qu’une âme. Q uand il en est ainsi, il est superflu de chercher à s ’en tendre, de se co n certer, de lier des complots, on est p rê t et l’on attend.

Aucune parole amère ne doit s’échapper auprès de la tombe de celui qui ne con n u t point la haine ; mais nous ne saurions le nier : le gouvernement avait raison de le craindre, de le persécuter. C’é­

tait en effet un grand coupable. Il inspirait aux Russes eux-mêmes une invincible sympathie. « Nous nous battons p o u r votre liberté et pour la n ô tre, » leur disait-il.

Des recherches patientes, des investigations fécondes, condui­

saient à de véritables découvertes ce je u n e hom m e qui, animé d’un zèle pieux, devenait un savant accompli p o u r d ém ontrer et revendi­

qu er les droits de son pays. T o u t pivote en lui a u to u r de cette idée

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unique : il veut dégager l’élément national de la Pologne dans le mouvement général du monde ; il ne s 'arrête pas à ce que d’autres ont dit : l’originalité des aperçus égale, chez lui, la liberté du ju g e­

ment. Lui conspirer! Il avait d’autres armes, d’une force autrem ent souveraine, dont l’effet dure toujours : il enseignait l’histoire, qui dévoile la grandeur du passé, et le droit, qui affirme l’avenir de la Pologne.

Singulière rencontre ! Cet antiquaire sagace avait des aspirations nouvelles. Il suivit les idées hardies. Soldat dévoué de la démocratie m oderne, il la saluait comme le moude de l’énergie individuelle, de la grandeur morale, et non comme un triste reflet de l’envie ; il ne voulait pas, comme cela avait eu lieu dans la démocratie ancienne, la liberté p o u r quelques-uns au prix de l’esclavage du plus grand nom ­ bre ; il ne voulait pas d ’ilotes, et il appelait de ses vœux l’émancipa­

tion des paysans, leu r avènement à la liberté et à la propriété.

Véritable républicain p a r l ’austérité de la vie, la simplicité et la pureté des m œ urs, le désintéressement et l’abnégation, p ar le respect du droit, seul fondement de la liberté, et par la pratique sévère du devoir, ce Spartiate au milieu du dix-neuvième siècle, c ru t à la R é ­ publique, car il supposait que les autres lui ressemblaient. Si c’était une illusion elle était au moins noble et généreuse, comme les aspira­

tions de son âme !

Il savait gravir sans se plaindre l’âpre sentier du devoir. Quand éclata la grande révolution de 1830. il se présenta au p re m ie r rang p o u r servir la patrie. Comment il le fit, un mot suffit p o u r le dire : son nom ligure en tête des listes de proscriptions dressées p a r l’e m ­ p e re u r Nicolas, en tête de ce véritable livre d 'o r de la Pologne, à côté des noms du vénérable prince Adam Gzartoryski, qui prolonge dans l’émigration l’exemple de toutes les vertus civiques; du comte Jean Ledochowski, son digne collègue à la Diète nationale, que je me reproche d ’empêcher si longtemps de p re n d re la parole, lui qui a tant le droit de p arler d ’un compagnon de lutte glorieuse et qui le fera mieux que je ne le puis faire ; à côté d’anciens défenseurs de la même cause q u ’il vient de rejoindre dans un monde meilleur, des noms de Roman Soltyk, de Luszczewski. E t vous me perm ettrez de rappeler ici le souvenir de mon père, qui, né comme Lelewel en 1786, repose comme lui sur la terre hospitalière de France. Ils prient m aintenant ensemble le Tout-Puissant d’abréger les souffrances de la Pologne.

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Le devoir, Lelewel sut l’accomplir j u s q u ’au b o u t ; et, ne pouvant rester en Pologne que si elle était libre, après la chute de ses espé­

rances il s’achemina vers l’exil. Il n ’hésita pas, et il le raconte lui-même dans l’écrit consacré au récit de sa vie : « J ’ai quitté p o u r toujours ma mère, ma famille en tière, ma bibliothèque, mes collec­

tions, les matériaux réunis pendant le cours de dizaines d ’années de travail, mes moyens d ’existence et le sol de la patrie. »

Il quitta ainsi to u t ce q u ’il aimait : sa m ère, ses frères, son pays, et, trop fier p o u r rien accepter de personne, il affronta le labeur le plus rude afin de pourvoir aux nécessités de l’existence. Il travaillait j o u r et nuit, et produisait ces œuvres qui suffiraient p o u r faire vivre son nom , ces admirables travaux de num ism atique, d’archéologie, de géographie du moyen âge, qui o n t valu à Lelewel l’estime du monde savant. Rien ne l’arrêtait : il gravait lui-même les cartes, les mé­

dailles. Habitué à se contenter de p e u , jadis, lorsque ses ressources avaient augmenté, ses besoins étaient toujours restés les mêmes. J a ­ mais il ne fit entendre une plainte ni éclater un désir d’être plus riche, si ce n ’est quand il aurait voulu a c q u é rir un vieux livre ou une médaille rare.

Mais enfin il fallait v iv re: malgré la constance de ses efforts il y parvenait à peine. Le misérable réduit placé à Bruxelles, ru e du Chêne, au-dessus de Y estam înet de V arsovie, et la chambre plus étroite encore de la rue des É peronniers, p o u rra ie n t redire ses lon­

gues souffrances. C ependant rien de moins exigeant ni de plus sobre.

« Il me faut, écrivait-il, et ce n ’était pas une figure de rhétorique, un morceau de pain, du papier, de l ’encre, une petite chambre. On p e u t se passer de chauffage, mais non de lumière. » Il travaillait la nuit!

Eh bien ! cette cruelle détresse, il la supportait avec calme et cou­

rage, décidé à ne rien devoir qu’à lui-même. Une ingénieuse et déli­

cate protection avait voulu lui faire accepter le poste de conservateur d ’un cabinet de médailles. « Nous en parlerons, répliqua-t-il, quand vous aurez des médailles, »

Cet hom m e ém inent, cet homme dévoué, ce patriote intrépide est m o r t ; mais au moins il a éprouvé une consolation suprême. Il a vécu assez p o u r voir que ses leçons étaient toujours vivantes^dans le cœ ur des générations nouvelles. Il y a quelques mois, Bruxelles, qui envie en ce m om ent à Paris l’ho n n eu r de recueillir la dépouille m o r ­ telle de Lelewel, la bonne et hospitalière Bruxelles, est venue devant

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l’humble demeure du proscrit lui rep o rter l’hommage du grand triom ­ phe moral rem porté à Varsovie.

II a vécu assez p our voir ouvrir aux paysans affranchis les voies de la propriété et pour saluer l’idée de la Pologne plus grande, plus éclatante que jamais, affermie p a r le m artyre, comme l’a chanté une femme inspirée : « La Pologne n ’est pas m orte puisque l’on m e u rt p o u r ^ lle . »

E t lui aussi il est m ort p o u r elle, elle qu’il a si tendrem ent aimée.

Il a tout souffert, tout bravé, l’exil, la misère, et il a consenti à ce dernier sacrifice, de reposer loin d’elle.

H o n n eu r à la mémoire de Joachiin Lelewel ! !1

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Le comte Jean Ledochowski, collègue de Lelewel à la Diète de Pologne, s’est associé aux nobles sentiments exprimés par M. Wolowski et a demandé, à l’assistance recueillie, en polonais, de s’unir à lui pour prier Dieu d’abréger pour ceux qui survivent les souffrances d’un exil déjà si long.

DISCOURS DE M. LE RABBIN ASTRUC,

VICAIRE DU G R iN D 'R A B B IN DE PA R IS.

Messieurs,

Il n ’était pas possible q u ’aux regrets dont vous avez entendu la chaleureuse expression, une voix juive ne vînt pas ajouter son tribut de reconnaissance en faveur de Joachim Lelewel. Cette voix, c’est celle de Y A llia n ce Israélite universelle, qui apporte par mon organe, au bord de cette tombe, un solennel hommage à celui dont nous re ­ grettons tous ici la perte.

Les juifs, Messieurs, ne sont point ingrats; ils ressentent vivement les bienfaits dont on les comble, et jamais ils n’oublient une noble parole ou une généreuse action, quand même cette parole et cette action eussent été commandées envers eux p a r une stricte justice.

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Joachim Lelewel, grâce à ses travaux historiques, avait reconnu sans peine les qualités de la race hébraïque, objet de tant de persécutions depuis dix-huit siècles. Il avait vu que parto u t les juifs ne demandaient q u ’îi s’incorporer dans les sociétés dont ils étaient les membres n atu ­ rels ; mais que p arto u t des lois exceptionnelles, des mesures oppres­

sives leu r défendaient l’accès du droit com m un, et avec cette autorité puissante que donne au savant la possession du vrai, Lelewel ne crai­

gnait pas de rendre aux israélites le témoignage public q u ’ils avaient le droit d ’attendre de son impartialité. P roscrit lui-m êm e, exilé loin de sa patrie, il exhortait solennellement ses concitoyens à ouvrir leurs bras aux juifs, ces proscrits d’un au tre genre, et à traiter en frères ces hommes do n t ils étaient séparés p a r des préjugés d’un autre âge.

Bien plus, Messieurs, Lelewel n’hésita jamais ù consacrer sa plume à la défense de ceux q u ’il avait jugés dignes de sa sympathie. Il y a deux ans à peine, en 185 9 , on vit se renouveler à Varsovie, contre les juifs, des attaques qui pouvaient avoir les plus déplorables consé­

quences. Lelewel y répondit avec son courage et son énergie accou­

tum és ; et ne croyez pas que cet homme d’élite, que cet apôtre élo­

quent de la liberté religieuse, ne formait p o u r les juifs que des vœux stériles et s’en ten ait à une polémique trop souvent impuissante ; il avait fait ses preuves. En 1831, la volonté du pays lui avait confié le soin le plus précieux qui puisse être donné à un hom m e, celui de p résider à l’éducation de la jeunesse. Lelewel, ministre de l’instruc­

tion publique, lit tom ber toutes les b arrières qui défendaient aux israélites l’accès des Universités polonaises. Il provoqua l’abolition d ’une loi odieuse qui frappait d ’un impôt l ’entrée des juifs dans c e r ­ taines villes du royaume. Cet homme de c œ u r était convaincu, p a r l’exemple de la plus grande et de la plus libérale nation du monde, que les juifs régénérés au nom de la justice, au nom de l’humanité, devaient être infailliblement p o u r leur patrie des fils dévoués, des défenseurs ardents.

0 Lelewel, à ton heure d ernière, en cet in stant où l’homme voit passer devant lui tous les événements de sa vie, ton noble cœ ur a dû sentir une bien douoe, une bien légitime satisfaction ! Tu as pu le dire que tes conseils avaient été entendus, et que tes concitoyens avaient accepté le glorieux héritage de tes grands sentiments, et comme le p atriarche de la Bible, tu as pu, de ton lit de m o rt, envoyer une suprême bénédiction à tes enfants de Varsovie, à ces jeunes

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hommes chrétiens et juifs, séparés hier encore p ar tan t de haines, et réunis au jo u rd ’hui dans une fraternelle et patriotique étreinte.

Sois donc béni à ton to ur, et ton souvenir, pieusement conservé p ar tes concitoyens, restera à jamais dans le cœ ur des israélites du monde et de tous les amis de l’humanité.

— lo —I °

DISCOURS DE M. CHABAUD,

O U VR IER FER B L A N T IE R , P R É S ID E N T DE L’ UM ON D ES OU V R IERS DU T O U R DE FR ANC E.

Un nom bre considérable d ’ouvriers de Paris o n t désiré q u ’une pa­

role fût prononcée p ar un de leurs camarades sur le cercueil du grand citoyen que vient de p erd re la Pologne.

J e viens en leur nom , Messieurs, mêler nos regrets aux vôtres : c a r vos douleurs sont nos douleurs, comme vos joies seront nos joies.

C’est une profonde am ertum e p o u r les Français de voir tant de Polonais émigrés m ou rir sur la te rre étrangère, avant que la grande réparation ait eu lieu.

Car nous avons une dette envers la Pologne : nous ne l’avons pas oubliée. Nous voudrions pouvoir nous en acquitter bientôt...

demain : le plus tôt vaudra le mieux.

Quand le professeur Lelewel dit à la veille de l’insurrection du Belvédère : Allez, jeunes gens, faites votre devoir ; tous furent des héros. Mais nous, en F ra n c e , si nous n ’avons pas fait le nôtre alors, c’est que ceux qui nous gouvernaient ont enchaîné notre courage.

S’il ne fut pas donné au P atriarche de la démocratie polonaise de re n tre r dans sa patrie libre, ce fut du moins la consolation de son heure suprêm e d’apercevoir l’aurore du retour.

Cette fois nos communes espérances ne seront pas trom pées:

nous ne saurions vous dire combien tous les ouvriers ont été émus des derniers événements de Varsovie.

Nous ne pouvons connaître, dans nos ateliers, les difficultés diplo­

matiques : tout ce que nous savons et pouvons dire de tout cœ ur et hautem ent, c’est que le j o u r où l’E m p e re u r Napoléon fera un appel

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p our i’in dépendance de la Pologne comme il en a fait un p o u r l’indé­

pendance de l’Italie, il trouvera tontes les masses françaises prêtes à tous les sacrifices. II n ’y a pas un travailleur français qui ne donnât avec b o n h e u r sa vie p our la Pologne : car la Pologne c’est encore la F rance.

— 16 —

M. le colonel Charles Rozycki a ensuite prononcé quelques paroles polonaises empreintes d’un haut sentiment religieux et qui ont d’autant plus impressionné, que le colonel, à peine remis d’une grave maladie, avait failli précéder Lelewel dans la tombe.

La foule s’est retirée silencieuse et émue.

fin

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EAUX D’ABONNEMENT, 1 3 , QUAI VOLTAIRE, A PARIS

E T A L A L I B R A I R I E D E S T C , P A L A I S - R O Y A L Paris... Trois mois, 4 4 fp. — Six mois, 8 6 fr. — Un an, D é p a r te m e n ts . Trois mois, * 5 fr. — Six mois; 2 9 fr. — Un an, 5 © fr.

E tb a h g e b ... L e port en sus, suivant le pays.

REVUE

R E C Ü E I L

LITTÉRAIRE, POLITIQUE, SCIENTIFIQUE ET PHILOSOPHIQUE

Paraissant D EU X PO IS P A R M OIS, le 1 " e t le 18 Par livraison de 14 feuilles grand in-8" (224 pages d’impression)

D ir e c te u r ■ ÎM. AUGUSTE LACAUSS1DK

La Revue Européenne a rapidement conquis une place importante dans la presse périodique, parmi les recueils les plus estim és; elle doit la faveur qui l ’a accueillie dès son origine au concours assidu, au talent consacré des hommes ém inents qu'elle compte parmi ses collaborateurs, autant qu’à cette portion notable du public qu’intéres­

sent les travaux de l’esprit et les hautes investigations de la science.

Confiée aux soins d’une direction libérale, éclairée par l’expérience du passé, la Revue Européerme a cherché son originalité à une égale distance des sentiers frayés et des innovations bruyantes; elle a voulu tenir compte de tous les élém ents, accueillir les hardiesses heureuses, tout en m aintenant la tradition et la règle.

A côté des noms les plus autorisés, elle a groupé d’autres noms ou plus jeunes ou * uveaux, à qui n ’avait m anqué jusqu’ici que l’occasion de se proauire.

Quelques-unes des études philosophiques, littéraires, politiques otv économiques qui ont paru dans la Revue sont devenues des livres recherchés.

Le m ouvement des esprits, les besoins du temps présent, les événe­

ments contemporains constatés, su ivis, expliqués par des voix dont nul ne conteste l ’autorité : tels sont les éléments qui forment dans la Revue Européenne un ensem ble.de publications du plus haut intérêt.

La chronique politique de la quinzaine, soigneusement étudiée, présente aux lecteurs un avantage que chacun peut apprécier, celui 0js pouvoir résumer avec exactitude la situation, en puisant ses ren­

seignements aux sources les plus directès et les plus authentiques.

Chacune des livraisons de la Revue contient, ;

Des travaux de litte* *ure, d’histoire, de philosophie et de science;

Un courrier p olitique et littéraire des principaux e n tr e s de

l’étranger ; "

Une chronique m usicale, des théâtres et des salons;

Un bulletin financier ;

Des articles ou un Bulletin ae Dlbliograpaie

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Biblioteka Sleska w Katowicacri

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I i’E m p e r l n r N a p o l é o n I I I e t l e » P r i n c i p a u t é s R o u m a i n e s . Broch. in-8. 1 50

C h e r b o u r g e t l ’A n g l e t e r r e . Brochure in-8... ... ..2 •

M . d e i n o n t a l e m b e r t . Brochure in-8...;... ... ..1 50 I , 'A u t r i c h e e t l e p r i n c e R o u m a i n . Brochure in-8... ..1 »

l a p o l i t i q u e N a p o l é o n i e n n e e n I t a l i e . Brochure in-8... ..1-50 Q u e v e u t l ’A u t r i c h e . Brochure in-8 ... ..1 50. l i e R o i d e N a p l e s e t l ’i n d é p e n d a n c e I t a l i e n n e . B rochure, in-8... ..1 50 l a T o s c a n e e t s e s O r a n d s - R u c s A u t r i c h i e n s . Volume grand in-8... ..3 *

l a Q u e s t i o n d e C u b a . Brochure iu-8... ... ..1 50 n e l ’A b o l i t i o n d e s M a i s o n s d e . l e u d a n s l e s P r i n c i p a u t é s A l l e m a n d e s . B rochure in-8... ... ... .1 > 1 C o n t e s K o s a k s d e M i c h e l C z a y U o w s k l , a u j o u r d ’h u i S a d y - P a c h a , tra- | duits par W . M... 1 vol. grand in-18jésus... ... ..3 »

n e l a R r o c h u r e d u D u c d ’A u m a l e . Brochure grand in-8... ..» 50

L a V r a i e R é p o n s e a u d u c d ’A u m a l e . Brochure grand in-8... > 5 0 N o t e à l ’E m p e r e u r s u r l a R r o c h u r e d u D u c d ’A u m a l e . Broch. g r. In -8 ....» 50

l e P r o c è s c o n t r e l e d u c d ’A u m a l e e t l a R a r o n n e d e l ' e n c h è r e » . Bro­ chure grand in-8... ..1 •

a M . I i o u l s v c u l l l o t . — W a t e r l o o . B rochure grand in-8...1 »

L e P e u p le , l ’E m p e r e u r e t l e s A n c i e n s p a r t is . Brochure grand in-8... .1 »

L ’É m a n c i p a t i o n i s r é l i t e e n R o u m a n i e . Brochure grand in-8...1 »

L e s f u n é r a i l l e s d e o a c h l m l e l e w e l , p r o s c r i t p o l o n a i s . In-8... ..» 50

r I --- ’ l a P r u s s e e n « *>««», par Edmond Ab o d t. Brochure in-8... 1

L e s P r ê t r e s ii m a r i e r , par Ca yc a. Brochure grand in-8... I L e M a r t y r e d e l a v é n é t i e , par M. Charles dbla Va renne. Grand in-8... 1

I M i l l e a n s d e g u e r r e , par Ma ry Lafon. Brochure in-48... 2

j V a r s o v i e . — L e t t r e il 8 . M . l ’e m p e r e u r A l e x a n d r e I I , par VlLBORT. In-8.. 1

j L a H o n g r i e e t l a C r i s e e u r o p é e n n e , par Ho r n. Grand in - 8 .. ... I J C o n s t a n t i n o p l e v i l l e l i b r e , par Dio n yse Ra t t o s. Grand in-8... ... 1

| L a d u e r r e e t l a P a l * , par P .- J Proudhon. 2 vol. in-18... ., ... 7 j

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