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De l'existence et de l'institut des Jésuites

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(1)

P O U S S I E L G U E - R l i S A N D , L I B R A I R E

rue H anlefeu ille, 9.

DE L ’EXISTENCE

ET

DE L’I N S T I T U T

D E S .JESUITES,

DE LA COMPAGNIE DE JÉSUS.

P A R I S ,

(2)
(3)

DE L ’EXISTENCE

ET DE L’INSTITUT

D E S JÉ S U IT E S .

(4)

P A R IS, IM PRIM ERIE DE POÜSSIELGÜE, r u e d u C ro is sa n t, 12.

(5)

DE L’EXISTENCE

ET

DE L’I N S T I T U T

I J E S J É S U I T E S ,

P A R I S ,

P O U S S I E L G U E - R U S A N D , L I B R A I R E , r u a H a u le f e u ille , 9.

Tcmpus est loquendi, quia jam prœtcriit tempus lacendi Ultcrius enim tacere, , diftidenti» signum est, non modestiœ ratio,

(S. II ilar .)

\ 8 4 4

(6)

CMCi

s

£) b l l Ç j

B iblioteka Jagiellonska

1001384843

(7)

L a prudence a ses lois ; elle a ses bornes.

Dans la vie des h om m es, il est des circonstances où les explications les plus précises deviennent une haute obligation qu’il faut rem plir.

Je l ’avouerai : depuis surtout que le pouvoir du faux semble reprendre parm i nous un empire qui paraissait aboli, depuis que des haines vieillies et des fictions surannées viennent de nouveau cor­

rompre la sincérité du langage et dénaturer les droits de la justice, j ’éprouve le besoin de le dé­

clarer : Je suis un Jésuite, c ’est â dire un R eligieux de la Com pagnie de Jésus.

Cette déclaration, je la dois à m oi-m êm e ; je la

dois à m on m inistère, à mes frères dans le sacerdoce,

à la jeunesse, à tous les fidèles qui m ’honorent de

leur co n fian ce; je la dois à l ’Église, à Dieu.

(8)

Je n ’apprends rien au plus grand nombre ; mais je satisfais au besoin de m a conscience, au besoin de m a position et de m a liberté.

Il y a d ’ailleurs en ce m om ent trop d ’ignom inie et trop d ’outrages à recueillir sous ce nom , pour que je ne réclam e point publiquem ent ma part d’un pareil héritage.

Ce nom est mon n o m ; je le dis avec sim plicité;

les souvenirs de l’Évangile pourront faire com pren­

dre à plusieurs que je le dise avec joie.

Jésuite, je ne l ’ai pas toujours é té ; j ’ai suivi pen­

dant quelques années une autre carrière; elle m ’a laissé de précieux souvenirs et des amis fidèles; je m ’en honore.

Avant de me faire prêtre et Jésuite, j ’étais hom m e de m on tem ps, je le suis encore ; Français, je n ’ai pas cessé de l ’être.

En me faisant R eligieu x, je n ’ai entendu ni abdi­

quer ma patrie, ni violer ses lois, ni renoncer à mes droits ou à mes devoirs de citoyen.

J’ai eu des préventions contre la Com pagnie de Jésus ; Pascal et les traditions parlem entaires m ’a­

vaient trom pé com m e bien d ’autres.

Et je dois le dire, c ’est en quelque sorte malgré

m oi que je connus la vérité sur les Jésuites. Je n ’ai

point à raconter ici ni par quelle voie il plut à la

(9)

divine Providence de me faire passer a lo rs, je ne veux point occuper le public de mon histoire ; ni quel fut ce travail intérieur de la conscience, dont Dieu a le secret, dont le souvenir est ineffaçable dans mon âme et qui en m ’apportant la lumière amena un changem ent si entier dans m on existence.

Mais ce que je puis bien déclarer, c ’est que ma conviction fut formée et ma décision prise alors dans la situation la plus com plètem ent libre de toute influence ; il n ’a guère été jam ais dans ma nature d’en accepter aucune.

Ce que je puis encore affirm er, c ’est que ce fu­

rent les choses q u ’on m éconnaît, q u ’on défigure et q u ’on attaque le plus dans les Jésuites, qui me dé­

term inèrent à me faire l ’un d ’eu x. Je m ’expliquerai sur ces choses.

O ui, l’esprit qui me parut animer la Société de Jésus, l ’obéissance m êm e qu’elle professe, l ’apos­

tolat qu’elle exerce, les doctrines q u ’elle embrasse eurent sur ma vie cette im m ense influence.

Je sentis que Dieu m ’appelait là ; j ’y entrai.

Et aujourd’h u i, quoique l ’opinion soit étrange­

m ent égarée; quoique certains mots prononcés avec

mépris exercent quelquefois sur des esprits d’ailleurs

éclairés une tyrannie incroyable, je n ’en essaierai

pas moins défaire entendre la voix de la libre vérité.

(10)

8

-

L ’aveuglem ent des préventions ne s’arrête pas devant les plus énormes folies. Dans un certain langage que plusieurs parlent de sang-froid, tout prêtre dévoué est un Jésuite, tout catholique de bonne foi, un Jésuite!

Ce nom est heureux pour la haine : il dispense de là vérité ; il rem place la justice.

Au besoin il aurait la terrible puissance d ’am eu­

ter les passions populaires et peut-être de déchaîner de nouveau les révolutions. On le sait trop ; et n ’est-ce pas pour cela q u ’on veut imposer la peur de ce nom ; la peur qui fut toujours une lâche et m auvaise conseillère?

Il est évident au reste que c ’est le clergé tout en­

tier, et avec lu i la religion et l ’Église q u ’on attaque sous notre nom ; je dois au c le rg é , je dois à tous de dégager les positions.

Ne voir dans l’Eglise de France que la dom ina­

tion et le despotisme des Jésuites est une supposi­

tion si absurde q u ’elle ne peut être avancée par un hom m e sérieux.

Il y a cependant quelque chose de plus in con ­ cevable encore que cette supposition elle-m êm e : c ’est la crédulité qui l ’accepte.

Cette im putation n ’est pas nouvelle, Fénélon la

signalait de son tem ps : « On ne veut voir, disait-

(11)

« il, que les seuls Jésuites dans tout ce qui s’est

« fait sans eux. Ecoutez le parti ( janséniste ) : les

« Jésuites ont fait les censures des facultés de théo-

« logie dont ils sont exclus. Ils ont présidé aux

« assemblées pour régler les délibérations de l ’Eglise

« de France. Ils ont conduit laplum e detous les évê-

« ques dans leurs m andem ents. Ils ont donné des

« leçons à tous les papes pour com poser leurs brefs;

« ils ont dicté les constitutions du S a in t-S iè g e .

« L ’Eglise entière devenue im bécile m algré les

« promesses de son époux, n ’est plus que l ’organe

« de cette com pagnie pélagienne. Il ne faut plus

« écouter l ’Eglise, parcequ’elle est conduite par

« les Jésuites, au lieu de l’être par le Saint-Esprit.

« N ’est-ce pas ainsi que les protestants ont récusé

« le concile de T ren te, com m e un tribunal suborné

« par les cabales de leurs ennem is? Les Jésuites

« doivent servit l ’Eglise et lui obéir, loin de la gou-

« verner (1). »

Et cependant au siècle de Louis X IV on eût pu ce se m b le , avec quelque apparence , attribuer une large part d ’influence à la Société de Jésus en France.

Le peut-on aujourd’hui de bonne foi ?

(1) F é n é lo n , In stru ction p a sto ra le su r le système de Jansénius.

OEuYres c o m p lè te s , 1 . 15, p . 120 . P a ris , L e b e l, 1823.

(12)

Que se passe-t-il donc?

Quelques F ran çais, quelques prêtres, deux cent six, je l ’affirm e, pour toute la France ( 1 ) , libres dans l ’intérieur de leur conscience de choisir le genre de vie et les habitudes qui leur co n vien n en t, ont choisi les trois vœux de pauvreté, de chasteté , d ’o­

béissance, et l ’institut d elà Com pagnie de Jésus que le concile de Trente a déclaré p ie u x , pium eorum institution (2).

Il n ’y a , il ne peut y avoir ici ni infraction d’au­

cune l o i , ni assurém ent aucun danger pour l ’état.

11 y a l’exercice de la liberté de conscience, in ex­

plicable autrem ent.

Et bien que je ne vienne pas dans cet écrit dis­

cuter la question légale de notre existence, ( 3 ) je ne puis m ’em pêcher de dire ce que le bon sens ne perm et pas de taire, et ce que la bonne foi ne perm et

pas de récuser.

(1) D eu x c e n t six p r ê tr e s d issé m in é s d a n s v in g t d io cè se s : v o ilà to u te la S o ciété d e J é s u s e u F ra n c e . L e s n o v ic e s , le s frè re s n e s o n t p a s c o m p ris d a n s c e n o m b re .

IL e s t v ra i q u e tro is c e n t q u in z e J é s u ite s fra n ç a is s o n t e m p lo y é s d a n s le s p a y s é tra n g e rs à l ’e n s e ig n e m e n t e t a u x m issio n s.

(2) Conc. T rid e n t., se s s . 25, cap . 16.

(3) M. d e Y a tim e s n il, m o u a n c ie n c o llè g u e , c o n s u lté p a r m o i, m ’a a d re s s é u n m é m o ire q u e je p u b lie a v e c l ’e x tr a it d’un tra v a il a n té r ie u r s u r la p o sitio n lé g a le d es a sso c ia tio n s re lig ie u s e s en F ra n c e . L a q u e s tio n p le in e m e n t e t sa v a m m e n t tr a ité e y e s t r é s o ­ lu e d ’u n e m a n iè re p é re m p to ire .

— -10 -

(13)

11

Catholique et Français, jouissant de tous les droits de citoyen, assuré de la liberté de conscience par la loi fondam entale, j ’ai éprouvé un jour le besoin de me rapprocher de la perfection évangélique, au­

tant q u ’il pouvait m ’être donné de le faire.

L a profession religieuse m ’apparut com m e la voie de perfection que je ch erchais; approuvée par l ’E­

glise, elle avait en m êm e tem ps à mes yeux cet au­

tre caractère d ’être du domaine exclu sif de la cons­

cience.

Mais, m e disait-on, les vœ ux qui constituent le religieux ne sont pas reconnus par la loi. Que m ’importe ? L a loi ne s’occupe pas de ces vœ ux; on peut les faire, elle les ign ore; les violer, elle de­

meure indifférente.

Mais les proscrire, elle ne le peut pas sans armer le pouvoir de l ’inquisition et de l ’intolérance les plus odieuses.

Interdire à des hom m es q u ’on proclam e libres le fait tout intérieur et privé de la vie religieuse, c ’est tom ber dans une contradiction flagrante, c ’est at­

tenter à la liberté de conscience dans ce q u ’elle a de plus intim e et de plus sacré.

Aux yeu x de l ’é ta t , des hom m es, des prêtres

réunis dans des habitudes com m unes et purement

religieuses, peuvent n ’avoir sans doute aucun droit

politique ou civil de corporation ; et nous ne récla-

(14)

mons rien à cet égard : mais ces prêtres réunis, qui du reste n ’exercent au dehors d ’autres fo n d io n s que celles q u ’ils tiennent com m e tous les autres prêtres de la juridiction épiscopale, sont légalem ent in atta­

qu ab les; ou bien la liberté religieuse est un m e n ­ songe , et le droit public des Français, la lo i fondam en­

tale une déception : car alors les paroles ont perdu leur vrai sens, etles mots n ’exprim ent plus les idées.

La charte a-t-elle prononcé la liberté de cons­

cien ce, oui ou non?

L a perfection évangélique est-elle un droit de la conscience , oui ou non ?

Eh bien ! la vie religieuse n ’est que la perfec­

tion évangélique : c ’est l ’enseignem ent solennel de l’Église, com m e la liberté de conscience est la promesse solennelle de la charte.

Si je veux donc, moi Français, être en France re­

ligieux b én éd ictin , dom inicain ou jé su ite , de quel droit m ’en em pêcherez-vous?

Je ne vous dem ande ni existence publique et re­

connue, ni la m oindre part de la fortune de l ’état;

je dem ande seulem ent à respirer com m e vous l ’air libre de la patrie. Je prétends, dans ma vie privée et dans m a co n scien ce, pouvoir faire des vœux et suivre avec mes frères, dans une habitation et une p aix com m unes, des règles approuvées par l ’Église catholique.

— 1 2 —

(15)

— 13 —

Et en quoi, je vous prie, cette liberté gêne-t-elle la vôtre? G êne-t-elle une liberté quelconque?

Mais en A ngleterre, en B elgique, aux États-Unis, là où la liberté de conscience est une réalité, les reli­

gieu x, les Jésuites, com m e d’ autres, ont publique­

m ent des collèges et des établissements nom breux de tout genre ; personne ne pense qu ’il soit juste et

légal de les bannir.

Pourquoi le ferait-on en France, où ils ne pos­

sèdent , où ils ne réclam ent m êm e pas une aussi large part du droit com m un ?

Heureusem ent pour l ’honneur du pays, aucune des lois aujourd’hui en vigueur ne saurait les at­

teindre et les frapper dans le droit sacré de leur existence personnelle et de la liberté de leur cons­

cience.

Q u oi! c ’est ce m ode si légitim e,si sim ple, si pai­

sible, si obscur d ’existence , qui soulève les plus violentes tem pêtes de l ’opinion! E st-ce sérieux ? Que s’est-il donc passé ?

Q u’avons-nous fait, q ü ’avons-nous dit, nous prê­

tres de la Com pagnie de Jésus? D ’où vient ce bruit?

D ’où naissent tant d ’orages? Com m ent donc som ­

m es-nous devenus de nouveau l ’objet de tant de

h a in e s, le but de tan t d ’attaques, la cause de tant

de craintes ?

(16)

— 14 -

Vous qui appelez sur n ous, sur des prêtres, sur des Français, sur des citoyens libres et dévoués, toute la rigueur des proscriptions, nous connaissez- vous? Nous avez-vous v u s , nous avez-vous enten­

dus?

Quelle parole sortie de notre bouche a com prom is la tranquillité publique et le respect dû aux lois ? Cependant nos deux cents voix ont retenti dans un grand nombre de chaires, depuis les cités les plus populeuses ju sq u ’aux plus hum bles ham eaux.

O ù sont les autorités civiles qui nous accusent?

Où sont les autorités ecclésiastiques qui nous co n ­ dam nent ?

Un fait répréhensible et positif est-il im puté à l ’un d ’entre nous ?

Des préventions, des susceptibilités, des présom p­

tions ne suffisent pas ; elles ne sauraient tenir lieu ni des faits, ni des preuves; et la culpabilité d ’une société ne peut avoir une expression pratique et juste que dans les fautes de ceux qui la com posent.

A ceux-ci, aux individus, appartiennent l’action, le crim e, la vertu.

Quels sont parm i nous les coupables?

L a vie, l ’influ ence politiques nous sont étrangères s serviteurs de l ’É glise, nous vivons pour elle et pour­

suivons avec elle, dans tous les tem ps, dans tous les

(17)

-r- 15 —

lieu x, sous tous les genres de gouvernem ent, l’œuvre du ministère évangélique.

On nous transform e en ennem is des libertés et des institutions de la France ; q u ’en sait-on? P o u r­

quoi le serions-nous ?

Et quand nous sommes les seuls m en acés, ou m êm e les seuls e x clu s des bienfaits d ’une législation libérale, com m ent nous traduire en oppresseurs?

L e ridicule n ’est-il pas ici égal à l ’injustice?

Une polém ique ardente s ’est élevée pour réclam er la liberté d ’en seign em en t promise par la charte ; nous devons partager et nous partageons à cet égard l ’opinion unanim e de l ’épiscopat français et du clergé : qui peut nous le reprocher? Cependant nous sommes restés sim ples spectateurs du débat.

Nous nous taisons; n ’im porte, notre calme est sé­

ditieux, notre silen ce conspire.

Aujourd’hui com m e autrefois les Jésuites ont tout fait, tout inspiré, tout d icté contre l ’U niver­

sité.

Les auteurs des livres se nom m ent, ils sont con­

nus. Parceque leurs attaques déplaisent, ils ont pris de faux nom s ; les vrais auteurs sont des Jésuites.

Mais si le soleil luit pour tout le m onde, est-ce

que la justice et le bon sens s’éteignent quand il

s’agit de nous ? Oui réellem ent, dans un grand

(18)

-

16

-

nom bre d ’esprits, et il y a longtem ps que cela dure.

Je viens dans cet écrit en appeler aux homm es réfléchis, et leur proposer de résoudre enfin sérieu­

sem ent eux-m êm es les questions qui s’agitent toutes les fois que notre nom est prononcé.

Il faut que ces questions soient résolues : nous en avons besoin pour nous, pour ces jeunes hom m es qui viennent frapper au seuil de nos dem eures, et dem andent à partager notre existence. Nous devons leur dire, et ils doivent savoir si réellem ent nos lois excluent du sol de la patrie les Français catholiques qui em brassent la vie religieuse.

Q u ’on nous le déclare la m ain sur la conscience, la m ain sur la charte ; plus de déclam ations, plus d ’injures ! quelque chose de sérieux enfin ; ce sera peut-être une solennelle in ju stice; nous plaindrons le pays, nous ne nous plaindrons pas. Nous saurons nous exiler encore, et nous irons chercher la jo u is­

sance de nos droits de citoyens et la liberté de nos consciences chez les sauvages de l ’Am érique ou parm i les païens de l’Inde et de la Chine.

Nous sommes déjà trois cent quinze jésuites

français hors de France ; nous y serons plus nom ­

breux. Toute la terre est au Seigneur que nous

servons.

(19)

- 17 —

Je dirai donc ce que nous som m es; on l ’ignore : je l ’expliquerai avec précision.

Quatre ch o ses'n ou s feront bien connaître : L ’esprit que nous puisons dans le livre des E xer­

cices spirituels de S. Ignace ;

L ’obéissance que ses constitutions nous im po­

sent;

L,’apostolat que la Com pagnie exerce dans les m issions ;

L es doctrin es q u ’elle em brasse.

Je parle de ce que je sais ; rien dans ma vie n ’est plus certain ni m ieux connu pour moi que ce que je vais dire, et ce sera la simple vérité. Les hom ­ mes peuvent la repousser; D ieu la voit et me juge (1).

(!) Ce n ’e s t p o in t u n e a p o lo g ie q u e je ta is . Si l ’on d é s ira it c o n ­ n a ître l a ré p o n s e p é re ra p to ire a to u te s le s a c c u s a tio n s , soit a n c ie n ­ n e s , so it n o u v e lle s c o n tre la S o c ié té d e J é s u s , on la tro u v e ra it d an s le s o u v ra g e s s u iv a n ts : Instruction p a sto ra le de M. de Beaumont, a r chevéquede P aris, su r les atteintes portées, e tc .,a v e c les témoignages d ive rs r é u n is d a n s le liv re in titu lé : L 'E g lise, son au torité, ses in s ­ titu tion s. e tc .... P a ris , D e b éc o u rt, 18-44. — Apologie des Jésuites, p a r C é ru tti.—L a vérité prou vée p a r les f a its , p a r le P. R o zav en . — Vie de S. Ignace p a r le P. B o u h o u rs.—Do cuments historiqu es, critiqu es, etc., concernant la Compagnie de Jésti';. — Réponse a u recueil des asser­

tions.

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(20)

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(21)

DE L ’EXISTENCE

E T DE L’I N S T I T U T

D E S J E S U I T E S .

C H A P I T R E P l i n i E .

LES EXERCICES SPIRITUELS EN USAGE DANS LA COMPAGNIE DE JÉSU S.

Le livre des Exercices spirituels est un m anuel de

retraite, une m éthode de m éditation, et en même

temps un recueil de pensées et de préceptes propres

à diriger l ’âme dans le travail de la sanctification

intérieure et dans le choix d ’un état de vie. Ce livre

n ’est pas fait pour être lu , mais pour être mis en

pratique; aussi ne peut-on réellem ent l’apprécier

avec quelque ju stice qu’après avoir passe par

l ’école de l ’expérience.

(22)

Ces religieux Exercices ont été naguère étran­

gem ent défigurés; on s’est com plètem ent mépris sur le sens, le but et l ’économ ie des enseignements q u ’ils co n tien n en t; je rendrai à tout cela son véri­

table caractère.

Le livre des Exercices spirituels (1) est l ’ouvrage d ’un soldat, non moins étranger aux sciences hu­

m aines q u ’aux études sacrées. Ignace de L oyola est blessé au siège de Pam pelune en i 5 2 i. Dans l ’état d ’inaction forcée où l ’a réduit sa blessure, il dem ande à ceux qui l’entourent des rom ans pour se distraire. Il y avait peu de livres sans doute dans le m anoir de ses pères ; on lui apporte la vie de Jé- sus-Christ et des S ain ts; il la lit. Son âme en est tou chée; une vive lum ière brille à ses regards ; il quitte le château paternel. Pèlerin et m endiant vo­

lontaire, le guerrier converti veut une solitude où il puisse librem ent, loin du com m erce des hom m es, étudier et sonder s<m âme en conversant avec Dieu.

L a grotte de Manrèze lu i sert d’asile. L à , parmi les rigueurs de la pénitence, s’arm ant du courage persévérant de la prière, il lutte et il cherche. Il subit des épreuves cruelles qui bouleversent tout

<(i) E x e rc ilia s p ir ilu a lia .—In s titu tu m S o c ieta lis J e s u , 2 v o l. in - fo l. ; P ra g æ , 1757, t. 2 , p . 384.—C’e s t l a m e ille u r e éd itio n d e l’In s ­ titu t, e t c e lle q u e je c ite ra i to u jo u rs .

- 20 -

(23)

-

21

son être. P âle, exténué par les m acérations, pros­

terné sous la cendre et le cilice, il semble anéanti.

Une m ain puissante le relève et le conduit au grand jo u r des illustrations divines, jusque dans les ré­

gions les plus élevées de la charité apostolique.

A lors, retournant pour ainsi dire en arrière et com ptant tous ses pas, Ignace mesura la carrière parcourue ; il constata un admirable enchaînem ent de vérités et de luttes intérieures qui épurent l ’âm e, qui la placent en présen ce de la volonté divine,trop souvent m éconnue, et la rendent à Dieu généreuse et dévouée.

Ignace à M anrèze, après en avoir éprouvé la vertu pour lui-m êm e, pensa q u ’il serait utile de re­

tracer pour les autres la suite de ces vérités et l ’éco­

nom ie de ces voies : c ’est ainsi que fu t com posé le livre des Exercices spirituels.

Ces Exercices ne sont pas notre Institut ; ils ne

font pas m êm e, à proprem ent parler, partie de nos

règles; m ais, j ’en conviens, ils en sont l ’âme et

com m e la source. O u i, les exercices ont créé la

S ociété; ils la m aintiennent, la conservent et la

vivifient; ils sont destinés à former en nous le

chrétien généreux. Plus tard les constitutions font

le Jésuite; les missions le m ettent à l ’œ uvre; les

doctrines le guident et l ’inspirent. \

(24)

-

22

-

Je sens que je vais nécessairem ent parler une langue étrangère pour un grand nombre. J ’ai à ex­

poser le travail intérieur de la régénération véri­

ta b le ; j ’ai à raconter cette transform ation d ’une âme qui passe du monde à D ieu, et qui se revêt d ’une vie surnaturelle m algré l ’entraînem ent des inclinations de la nature.

Non seulem ent j ’ai lu , mais j ’ai pratiqué ce livre des Exercices. Depuis vingt et un ans il est sous mes yeu x ; il fut, il est encore le trésor de m a vie ; je l ’étudie, je le m édite sans cesse avec bonheur, avec am o u r; j ’ai fait, ce livre à la m ain, les exercices q u ’il indique.

Je ne pourrais exprim er ce q u ’ils m ’apportèrent de lum ière, de liberté, de paix intérieure. Je ne me flatte pas cependant de posséder la science ca­

chée dans ce petit livre; j ’ai encore besoin , pour l ’acquérir, de m éditations prolongées et recueil­

lies ( i ) , et je ne m ’étonne assurém ent pas q u ’il ait été le livre inconnu et ferm épo u r plusieurs.

(l) S. Ig n a c e d é s ira q u e so n liv re fût s c ru p u le u s e m e n t e x a m in é

à R o m e. Le p a p e P a u l I I I n o m m a d e s c e n s e u rs . A p rè s u n d o u b le

e x a m e n e t u n d o u b le ra p p o rl, le 31 ju ille t 1548, il p u b lia la b u lle

p a sto ra lis offlcii. On y lit, e n tr e a u tr e s : « A y a n t re c o n n u q u e c es

e n s e ig n e m e n ts e t c e s e x e rc ic e s so n t r e m p lis d e p iè lé e t d e s a in ­

te té , tr è s u tile s e t tr è s s a lu ta ir e s p o u r l'é d ifica tio n e t l ’a v a n c e m e n t

spirituel des fidèles... De n o tr e s c ie n c e c e rta in e , et par l ’autoritè

(25)

- 23 -

Ce furent ces exercices suivis et m édités avec constance qui donnèrent à l ’Eglise saint Charles Borrom ée, saint François-Xavier, saint François de Borgia et une foule d’autres. Saint François de Sales, dont la piété ne doit pas faire oublier le gé­

nie, disait de ce livre qu’il avait sauvé autant d ’â­

mes q u ’il renferm ait de lettres.

J’adjure les hom m es du monde sérieux et réflé­

ch is, et m êm e les autres, de lire attentivem ent la rapide analyse que je vais en faire. Ils y trouveront, j ’ose le croire, quelque chose qui va bien aux in ­ telligences élevées et aux cœurs généreux.

Le livre des Exercices est partagé en quatre se­

maines : je suivrai cet ordre.

p o n tific ale, e n v e r tu d es p r é s e n te s , n o o s a p p ro u v o n s , lo u o n s e t co n firm o n s le s d lts e x e rc ic e s e t to u t le u r c o n te n u . »

» N os ig itu r qui E x e rc itia e t d o c u m e n ta h u ju sm o d i... p ie ta te ac s a n c tita te p le n a et ad æ d iû c a tio n e m e t s p irilu a le m p ro fec tu m flde- liu ra v a ld e u lil i a e t s a l u b r i a e sse et fo re c o m p e rim u s ... D o c u m en ta e t E x e rc itia præ dicta ac om nia et singu la in eis contenta, a u c lo r i- ta te p ræ d ic ta , te n o re p ræ se n tiu m , e x c e rta sc ie n tia n o s tra a p p ro - b a m u s , c o U au d a m u s ac p ræ s e n lis s c rip ti p a tro c in io co m m u n im ü s.»

In siitu lu m Socielalis Jesu, t. 2, p . 387.

J e n e sa c h e p as q u ’il y a il d’a u tre e x e m p le d’un liv re a u ssi fo r­

m e lle m e n t a p p ro u v é p a r u n e b u lle d es so u v e ra in s I’o n tifcs.

(26)

I .

Prem ière semaine des Exercices.

L e sujet des m éditations, leur distribution dans le cours d ’une jo u rn ée, les avis et les pensées qui doivent diriger les divers exercices : voilà ce qui arrêtera d ’abord notre attention.

Les graves souvenirs de la foi s’em parent d ’une âme : cela arrive encore, grâce au c ie l; la lumière de Dieu n ’est pas éteinte dans le m on de; elle va quelquefois chercher ceux qui l ’attendent le m oins.

Un hom m e faisait fausse route dans la v ie ; il s’égarait dans des voies tortueuses à travers les folles opinions et les passions désordonnées. L ’am ­ bition, les vives affections de la jeunesse, peut-être le succès lu i ont prodigué toutes leurs jouissances;

il les a épuisées. Triste m ain ten an t, il s’assied au bord du chem in, com m e le voyageur las et déçu.

T o u t à coup il se n tie besoin de trouver quelque

chose de m eilleur, de s ’élancer au devant de ce

bien-être dont l’absence le désole. Il cherche

Dieu ; il voudrait le ressaisir, se placer près de lui

afin de relever son âme abattue et de calm er les

(27)

25 -

angoisses q u ’elle éprouve en présence des redou­

tables jugem ents de la conscience.

Pressé d ’un indéfinissable désir, il brise ses liens.

A l ’une de ces heures que Dieu connaît et m arque du sceau de ses attentions infinies, disciple nou­

veau du repentir, il s’enfuit dans la solitude où le Seigneur l ’appelle pour parler à son cœur. Durant un tem ps il a résolu de vivre inconnu, cach é, loin de ces illusions qui le fascinèrent, loin de ce tu ­ m ulte qui l ’étourdit. Noble effort ! généreuse en­

treprise! car rien n ’est difficile com me de s’arra­

cher à l ’agitation, au bruit et à toutes ces puissantes entraves q u ’on déplore et qu’on aim e !

Aussi le début est-il pénible : mais bientôt on sent que le bonheur com m en ce, qu’après tan t de fluctuations cruelles on a cessé d ’être ballotté: c ’est l’orage qui a jeté dans le port. On sent aussi q u ’on vient de trouver l ’am i nécessaire, l ’am i désintéressé qui m anquait, le père d’une nouvelle existence : on entend la voix"de Dieu dans le prêtre éclairé qui conseille et qui dirige. C ’est lui qui apprend à m anier les armes spirituelles des Exercices, qui les distribue à propos pour les com bats qui se pré­

parent.

Le généreux transfuge va donc poser sa tente

dans la solitude pour trente jours, et accom plir la

(28)

grande ceüvïë des exercices qui régénèrent et trans­

form ent : com m e tant d’autres avant lu i, il va re­

naître à la vie pure, forte et dévouée.

L a fin de l’entreprise est du reste proposée sans détour : je lis en titre : « Exercices spirituels pour • apprendre à se vaincre soi-même et pour régler à l'avenir tout l ’ ensemble de sa vie, sans prendre conseil d ’ aucune affection désordonnée. »

Je me souviens eftcore de l’impression que pro­

duisirent sur moi ces paroles, quand je les lus pour la prem ière fois ; j ’y vis tous les engagem ents de m on avenir. But im m ense, me disais-je, vue gé­

néreuse d ’une philosophie supérieure qui s’applique à fonder dans une âme le souverain empire de la vérité, de la grâce et de la vertu !

Vient ensuite le cours de cet apprentissage in té­

rieur et spirituel qui rem plit quatre semaines. Mais il faut bien le com prendre, et c ’est ce qui échappe aisém ent à une lecture superficielle : toutes ces formes nécessaires d ’exam en,^ de m éditation, de contem plation, de prière v o c a le -o u m entale, et les autres opérations q u ’on nom m e Exercices spiri­

tuels, sont des m ouvem ents pieux et réguliers qui doivent achem iner l ’âm e vers le grand but ; et ce

(l) E x e r d tia .-I n s titu t. S oc. J., i. 2 , p. 393.

(29)

_ 27 •—

but, je le répète, e’est d ’arracher toutes les mau­

vaises passions qui ont troublé et déshonoré la vie, et de m arquer à chacun l’état qui lui convient en Ce m onde pour l ’accom plissem ent libre des éternel­

les destinées { 1). Et ce sera faire alors un noble ouvrage : ce sera replacer la créature dans toute la dignité véritable qui peut lui appartenir ici-bas.

Dans ce dessein si digne des réflexions et des efforts d ’un chrétien et d’un sage, S. Ignace pose d ’abord le principe de tout bien moral. L ’homm e est créé de Dieu pour Dieu : roi de l’univers, dans tout ce qui est sujet à son em piré, il ne doit am bitionner et choisir que des appuis pour s’élever jusqu’à Dieu et atteindre sa fin sublim e. Toutes les créatures qui l ’environnent et le servent lui-m êm e n ’ont pas d ’au­

tre destination à remplir. Il faut donc ici appeler à son aide toute l’énergie de la volonté, tous les élans de la prière, pour dem ander, pour conquérir ces m oyens salutaires (2).

Plus j ’avance, plus je m ’aperçois que je parle un langage qui conviendrait m ieux aux enseignements de la chaire. Mais p uisqu’on a voulu marquer du sceau du ridicule ce livre des Exercices, il faut bien

( 1 ) E x e rc ilia .—A n u o t. p rim a .—Ia s litu t. S o c ., t. 2, p . 390.

(2) Ibid.,595.

(30)

-

28

-

que je dise ce qui s’y trouve de sérieux et d’élevé.

L ’âme ainsi replacée par un violent et généreux effort sous la loi éternelle de tendance vers D ieu;

l ’âme désormais soumise et dévouée, com m e il est ju ste, aux volontés du Créateur, doit entreprendre un grand combat.

Un m al ennem i, un tyran nous opprim e, celui qui asservit le prem ier hom m e, qui ravage encore l ’hum anité : le p éché, scission volontaire entre la créature et son auteur par l ’infraction des lois di­

vines; révolte funeste, qui entraînant l’âme loin de la m ajesté et de la beauté infinie, dégrade et souille ses plus nobles facultés.

Pour briser ce joug, et aussi pour expier le trop long règne du m al, l ’athlète des Exercices spiri­

tuels s’armera de son hum iliation m êm e et de ses plus douloureux souvenirs. Le flam beau des ju sti­

ces divines à la m ain, il descendra dans les profon­

deurs de sa co n scien ce; il parcourra d ’un regard scrutateur les traces honteuses im prim ées par l ’in i­

quité sur tout son être dans le cours des années écoulées. Il viendra soulever, pour ainsi dire, les unes après les autres, et peser au poids du sanc­

tuaire les puissances avilies de son âme (1).

(i) E x e rc ttiu m ... se c u n d u m tr è s a n im æ p o te n tia s . — In s titu t.

S oc. t. 2, p . 396.

(31)

- 29 -

C ’est ce que S. Ignace a nom m é dans son li­

vre l ’Exercice des trois puissances de l’ âme, ou la m éditation proprem ent dite. L a m ém oire, l ’in telli­

gence, la volonté ont successivem ent leur fonction et leur devoir à rem plir; en sorte que tou t l ’être spi­

rituel et m oral de l ’hom m e soit replacé dans la sainteté et la justice de la vérité, com m e parle S. Paul.

L ’âme com m ence à considérer dans de rapides préludes les traits hideux du m al qui doivent exci­

ter le vifbesoin de la réparation pénitente. Puis la réflexion patiente, sem blable à la charrue qui laboure un cham p, exerce tour à tour chacune des facultés par la vue sévère des caractères et des châtim ents d ’un m al q u ’on m éconnut longtem ps, par l ’action des motifs im périeux qui nous pressent de le haïr et de le déplorer.

Telle est la m éditation de S. Ignace ( 1 ) , com m e elle se trouve dans le livre des Exercices.

Elle se fait le jour, elle se fait la nuit. Elle par­

tage régulièrem ent le cours des heures, et laisse au repos ou au loisir silencieux les intervalles néces­

saires. Ce m ystérieux com bat, quand on l ’accepte p lein em en t, dem ande une constante énergie: ce­

ci) E xercitia. — In stitut., Soc. t. 2, p. 397.

(32)

pendant un sage et intelligent régulateur veille près du com battant; il consulte et m énage la mesure des forces. L ’action intérieure et les fatigues des exercices ne doivent jam ais la dépasser, on le conçoit.

Dans les lim ites d ’une juste discrétion, S. Ignace veut donc q u ’au m ilieu de la n u it, com m e autrefois les illustres pénitents du désert , le solitaire des E xercices soit appelé du som m eil à la lutte. Sous la religieuse impression de l ’obs­

curité et du silence le plus profond, une heure s’écoule lentem ent dans le travail de la pensée et des affections qui pressurent et purifient l’âme. H eu­

reuse nu it que celle qui s ’ajoute ainsi aux jours les m ieux rem plis ! Elle portera des fruits abondants de lum ière et de paix.

L e m atin , au second réveil, la prem ière heure qui nous rend à nous-m êm es doit nous rendre à Dieu et aux lois austères de la m éditation. Deux autres heures dans le courant du jour doivent m û­

rir encore les pensées et faire croître les sentim ents de la nuit et du m atin.

Ce labeur est aim é : je m e souviens cependant q u ’il appelle quelquefois la fin du jo u r; la fin du jour tarde quelquefois à venir. C ’est que la vie de l ’esprit fatigue la chair. Et p o u rtan t, le soir venu,

— 30 -

(33)

- 31 -

on est con ten t; on sent que la journée a été bonne, et on se repose dans la joie de la conscience.

Il va sans dire que la loi qui préside à tout dans le cours des exercices, c ’est la belle loi de la solitude et du silence ; elle doit être toujours reli­

gieusem ent gardée : ( i ) la solitude et le silence, ces deux grandes choses qui touchent de si près à D ieu , qui sem blent nous donner quelque idée de la nature m êm e d iv in e , et nous plonger plus avant dans son im m ensité pour y retrem per nos âmes am ollies ! L a solitude est la patrie des fo rts , le silence leur prière. Là Dieu parle et agit en eux ; il les enfante aux généreux desseins, aux éner­

giques entreprises.

L ’hom m e captif de la chair et du sang a horreur de la solitude et du silence ; les hommes du m onde le savent, et com bien de fois ne m ’en ont-ils pas fait l ’aveu? Ce que leur pèse la solitude, ils le sentent;

c ’est q u ’ils y retrouvent Dieu ; c ’est q u ’ils s’y re­

trouvent eux-m êm es, et leur vie entière est un long effort pour y échapper. Je raconte ici ce que j ’ai vu trop de fois : déplorables faiblesses de l’âme pour lesquelles le souvenir de m a délivrance m ’inspire un plus profond et plus tendre intérêt.

(i) Ib id ., a n n o t. 20», p . 595 ; ad d it. 7», 8% 9a, In s titu t. Soc. t. 2,

p. 400.

(34)

- 3 2 -

Si ^ .|jo{ *1 an* 1 > aepqai m m

Seconde semaine.

Telle est donc la phase première des Exercices.

J ’en résum e ici les faits.

Déjà l ’âm e, placée par la méditation sous le regard de Dieu a été fortem ent exercée au m ilieu des trav au x, des pensées et des douleurs qui purifient et qui réparent; elle a conçu une hor­

reur profonde du m al qui la dégrada et un juste mépris d ’elle-m êm e et du m onde. C ’est un pas im m ense qui a été fait ( i ) .

Alors J é su s-C h rist se présente à ses regards com m e un roi vaillant et glorieux ; et pendant tous les jours de la sem aine qui com m ence, ce divin Sauveur, les m ystères de sa vie seront l ’objet que le livre des Exercices offrira constam m ent à la m é­

ditation.

Jésus-Christ apparaît donc d ’abord sous le voile d ’une parabole m ilitaire qui rappelle le guerrier et l ’apôtre. S. Ignace fut l ’un et l ’au tre; et l ’on m éconnaît com plètem ent son esprit, si l ’on ne

( 1 ) E xercitia.—5“m e x e r c ., 1 . h e b .—In stitu l. S o c., t. 2, p. 399 .

(35)

- 33 -

sait pas voir dans ses Exercices et ses Constitutions la forte union de ces deux caractères. L ’apôtre de la Com pagnie de Jésus doit apporter dans les com bats où son Dieu l ’appelle la discipline, la franchise et l ’abnégation m ilitaire. Le jésuite est soldat, et c ’est peut-êlre pour cela que nous rencontrons de si vives et de si généreuses sym pathies dans les rangs de ces guerriers sans peur, mais aussi sans reproche, qui conservent, avec la piété m agnanim e des p reu x, l ’antique héritage de la valeur française.

On se persuade trop souvent que la piété affaiblit les co u rages; n on , non, elle le fortifie, elle les exalte, et la foi a des m éditations où les plus n o­

bles im ages de la vie du soldat se présentent au cœur qui s’en nourrit.

Jésus-Christ, ce divin héros, et com m e le nom m e quelque part Bossuet, ce divin capitaine, apparaît sous la figure d ’un roi m archant à la conquête des régions infidèles, et dem andant des soldats co u ­ rageux qui se dévouent à suivre ses traces et à par­

tager ses fatigues. Celui qui recule quand Jésus- Christ appelle est un lâche, dit S. Ignace (i),ig n a v u s miles cestimandus.

(i) E x erc itia. — C o n lem p tafio r t g n i J e s u C lirisli, In s titu t, Sot'., 1 .2 , p . 402.

:

î

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M aintenant le livre des Exercices veut que l ’âme solitaire , durant les heures consacrées à la m é­

ditation, se tienne constam m ent placée près du modèle divin. Tous les adorables m ystères de la carrière évangélique se déroulent successivem ent à ses regards. Ces m ystères devront être pour elle com m e s’ils étaient actuellem ent présents. (1)

S. Ignace veut q u ’on se recueille assez profon­

dém ent par le secours de la prière, pour s’isoler quelques instants de toute la vaine fantasm agorie du m onde, et s ’établir dans le sein m êm e des réa­

lités divines toutes vivantes.

E n effet (et cette observation que je fais ici expli­

que non seulem ent le secret et la puissance des E x er­

cices de S. Ignace, mais encore nous révèle l ’écono­

mie et la raison d elà liturgie et des fêtes sacrées du christianism e ;) les faits de l ’hom m e-Dieu opèrent toujours la rédem ption du m onde ; ce ne sont pas sim plem ent des souvenirs et des histoires du passé;

leur vérité, leur puissance infinie vit et dure, prête à guérir, prête à régénérer en tout tem ps l ’âme do­

cile.

O n n ’a pas compris ces choses. Des hom m es - 34 —

( 1 ) Exercitia. — Iustilut, S o c ., t. 2, p. 403.

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étrangers à ces voies intérieures et à leur lan­

gage n ’y ont vu q u ’un triste et froid m écanism e, propre seulem ent à arrêter l ’élan de l ’inspiration religieuse. A h iq u e n ’ont-ils éprouvé, com m e il me fut donné de l ’éprouver un jour, tout ce q u ’au m ilieu de cette économ ie salutaire des E xercices, l ’âme ressent de sainte et généreuse liberté.

A ce jour bienheureux, je sentis que je n ’étais plus asservi à un funeste et tyrannique arbitraire ; j e retrou­

vais l ’onction et la lum ière divine de la grâce dans l ’or­

dre qui m ’était tracé; j ’avais enfin un guide pour le grand voyage. C ’est lu i, c ’est le m inistre de Jésus- Clirist dont l ’expérience paternelle tem père, modifie aubesoin la form e, la nature des exercices e tle u rd u - rée suivant les dispositions et les f -rces; car l ’âme est toujours gouvernée, mais seulem ent pour être m ieux remise entre les mains de son conseil sous l ’action divine : et l ’on n ’a pas voulu com prendre que si des règles, des méthodes sont tracées, elles sont le m oyen, non le b u t; q u ’elles n ’enchaîn en t pas, mais q u ’elles aident et dirigent.

L ’âm en ’en demeure p asm oin slibresousla m ain de Dieu. Sa liberté se fortifie, s’élève, et ceux qui se plai­

gnent du jo u g q u ’on luiim pose, ne voient pas que c ’est uniquem ent la digue pour ne pas tom ber dans les flots du torrent : car se précipiter parm i les profon-

- 35 -

(38)

— 36 -

deursdes choses divines, s’aventurer dans les vastes déserts de la contem plation sans règle, sans appui, pour ne suivre que l ’élan spontané et le caprice de l ’inspiration, c ’est accepter tous les dangers des illu­

sions extrêmes et des plus désastreuses folies. (1)

III.

E le c tio n o n c h o ix «l’u n é ta t «le v ie .

Il ne faut pas croire que le livre des Exercices ait élé fait pour occuper saintem ent les loisirs de l ’esprit. C ’est surtout pour se décider et pour agir. Ce n ’est pas seulem ent pour réparer le passé, c ’est pour fixer l’avenir , c ’est pour décider le temps et l ’éternité. Ce n ’est pas un pur délassem ent con­

tem platif. Le guerrier de Pam pelune qui avait em ­ prunté au métier des armes plus d ’une id é e, en a transporté une ici : les soldats ne font Yexercice que pour se préparer à la guerre.

Voilà pourquoi au m ilieu de la sainte carrière une

(1) E x e rc itia . — A d d it., 4 a. — N o lan d . 3uln n * h e b d .— C o llo q . d e

I n c a r n . — A n n o t., 13», 17», d8n. — I n s titu t. S o c., (. 2, p , 400, 4Û4,

408 , 392 .

(39)

- 37 -

grave délibération doit s’ouvrir, en présence des di­

vins exem ples de Jésus-Christ, qui fixent le beau idéal de la perfection pour tous, etpour ceux qui sont appelés à la vie d ’apôtre, et pour ceux qui sont appe­

lés à la vie du monde et de fam ille ; c ’est le tem ps ar­

rivé de ce que le livre des Exercices nom m e l ’élec­

tion , c ’est à dire le choix d ’un état de vie. L ’âme libre encore doit donc m ûrem ent considérer quel gènre de vie il lui convient d ’embrasser en vue de la gloire de Dieu et d e l’éternel avenir. Elle considère fidèlem ent le divin Rédem pteur ; elle s’interroge et

prie toujours.

Telle est cette grande affaire du choix d ’un état de v i e ; c ’est le centre des E xercices, c ’est le foyer où tout vient aboutir,et le nœud puissant auquel se rattachent nos espérances et nos destinées.

Que d ’existences aventureuses et m anquées dans le m onde! Que l ’histoire en serait longue et triste !

N on , elles ne furent point délibéréeset choisies aux pieds du souverain m aître de la vie, à la source des re­

ligieuses pensées. Ah! si com patissant pour soi-même et généreux envers le Créateur, on daignait arracher au tourbillon qui em porte, quelques heures et quel­

ques journées recu eillies, avant de courir tête bais­

sée dans les fonctions si diverses de l’ordre social ;

(40)

s i, jeune en co re, on n ’acceptait une déterm ination de son avenir q u ’en présence de celui qui prodigua son sang et sa vie pour le salut de tous ; alors on com prendrait la haute mission de tout chré­

tien , de tout hom m e éclairé dans ce m onde : m agistrat, gu errier, hom m e d ’é ta t, p è re , épo u x, littéra teu r, savan t, p o n tife , prêtre ou religieu x, on m archerait sous l'étendard de la f o i , prudent et dévoué pour rem édier aux m a u x , pour accroître les biens com m uns : et ce serait le christianism e réalisé à sa plus haute puissance pour le bonheur de l ’h u ­ m anité ; m ais on ne sait plus guère ni d élib érer, ni choisir , ni p rie r , et la désolation couvre la terre.

Ce fut à la vue de cette indifférence lam entable de la plupart des hom m es que S. Ignace résolut de placer au centre des Exercices cette délibération décisive. Et pour m ieux y parvenir, il dem ande à ceux qui se font ses disciples de réaliser ce qu’il accom plit lu i-m êm e, et de faire la m éditation que lui inspira dans la grotte de Manrèze le souvenir récent de la carrière des armes et des brûlantes es­

pérances q u ’elle lu i offrait.

Il y a là devant vous deux cam ps, deux éten­

d ard s, deux chefs, deux armées , deux esprits. Sa­

tan , le prince du m onde apparaît dans Babylone.

Le bru it, l ’agitation, le trouble, un faux éclat l ’en-

— 38 -

(41)

- 39 -

vironnent. Sur son drapeau, en traits enflam m és, sont gravés ces mots ; Richesse, honneur, orgueil.

Et il ordonne à ses ministres de faire partout briller l ’éclat de ses prom esses, et d ’établir au loin l ’em ­ pire de ses puissantes illusions. J ésu s, assis dans une hum ble p la in e , auprès de Jéru sa lem , offre à tous les regards la touchante et divine image de la paix et de la douceur. On lit sur son étendard : Pauvreté, opprobres], humilité. Noble et courageuse devise ; et Jésu s-C hrist dem an de à ses soldats d ’en propager au loin la puissance et les bien­

faits. Il faut donc choisir : saint Ig n a c e , dans le calm e constant qui n ’abandonne jam ais ses e n ­ seignem ents, avertit q u ’il faut prier, conjurer in ­ stam m ent M a rie, pour q u ’elle nous range et nous retienne sous la bannière de son fils. E n ­ suite on devra choisir. C ’est ce qu’on nom m e la m éditation des deux étendards. D ’un côté s’offrent les jouissances qui donnent la m o rt, de l ’autre les sacrifices qui apportent la vie (1).

Une plainte douloureuse s’échappe souvent de ma conscience : pourquoi de jeunes courages n ’o- sent-ils presque jam ais affronter dans le silence de

(1) K x e r c ilia .— I n s tit u t., S o c . t. 2 , p . 406 e t 407.

(42)

la retraite le com bat des affections et des pensées, afin de conquérir la sécurité, le bonheur que donne seule une vocation divine connue et em brassée, quelle qu ’elle soit? Et je dirai toujours : Si le m onde est agité par tant d’inquiétudes, par tant de tirail­

lem ents en sens contraire , c ’est parceque beau­

coup de natures fortes et ardentes ne sont point à la place que la Providence leur avait m arquée.

Et qui donc se recueille en son cœur pour chercher à la connaître ?

Mais les E xercices réservent pour ce m om ent un m agnifique spectacle. Ils nous présentent le plus noble et le plus bel usage de la liberté hum aine : c ’est la situation la plus élevée pour l ’hom m e ; rien n ’est plus solennel dans une existen ce, et Dieu lui-m êm e n ’a pas eu de but plus divin. C ’est le but m êm e de la création. Dieu ne place jam ais une âme ici-bas sans décider q u ’il y aura pour elle un m om ent qui la verra faire bien ou faire m al la grande option. Et quand cela se fait bien, c ’est la plus sublim e prérogative exercée; c ’est l ’élection de Dieu par la créature.

L ’âme donc à ce m om ent des Exercices est pla­

cée dans la vive présence de Jesus-Christ et de son E va n g ile , en présence de la fin suprême de tout hom m e voyageur ici-bas , en présence de

-

40

(43)

- 41 —

tous les états et de tous les m oyens légitimes.

Elle est libre, soumise néanm oins au travail in­

térieur d ’une double action et d’influences enne­

mies. Que de troubles quelquefois et de violents orages! que de com bats et d ’alternatives! c ’est com m e une mer agitée ; les flots m ontent, les flots baissent. Un balancem ent im m ense com m e le b a­

lancem ent d ’un m onde se fait sentir. Et l ’âme est réellem ent entre deux m ondes, entre deux éter­

nités.

C ’est chose adm irable d ’observer com m ent Ignace dans son invincible assurance conduit son disciple à travers tous les écueils et l ’établit dans un port tranquille.

L ’action de l ’esprit de Dieu est diverse : tantôt c ’est l ’aigle qui fond et qui enlève, tantôt c ’est la colom be qui se repose et charm e doucem ent.

Une grâce puissante vient-elle saisir et terrasser Saul persécuteur sur le chem in de Damas ; il n ’y a plus guère de délibération possible ; « P a u l, hier S au l, lève-toi; va porter mon nom devant les na­

tions. d L ’âme obéit.

L ’action divine par des attraits doux et constants in clin e-t-elle vers un choix clairem en t m o n tré;

on avance dans le c a lm e , ce sera un avenir béni

du Seigneur.

(44)

Mais ces signes privilégiés n ’apparaissent-ils pas dans leur indubitable é cla t; la raison éclairée de la foi devra rem plir alors sa fonction la p lu s haute

et sa m ission la plus auguste sur la terre.

Q uand l ’âme est tra n q u ille , q u ’elle possède en paix toutes ses p u issan ces, elle balancera elle pesera les m otifs o p p osés, consultant Dieu dans la prière. Elle se placera sur le lit de m ort, aux pieds du souverain J u ge ; ou bien près d ’un inconnu q u i, rencontré pour la prem ière fois dans la vie, exposerait ses doutes, dem anderait la solution, appellerait tout le désintéressem ent du plus libre conseil.

L a lum ière se fait ainsi ; le choix se déterm ine ; il im m ole sur l’autel du sacrifice toutes les répu­

gnances de la nature. J é su s-C h rist a va in cu , et le disciple fid èle, vainqueur avec lui , chante et célèbre son triom phe en dévouant au Seigneur ses forces, ses travaux et sa vie tout entière ( i ) , ou dans l ’apostolat du m onde ou dans la m ilice con­

sacrée.

0 D ieu! je vous bénis et vous rends grâces : c ’est ainsi que vous avez fixé ma vie et assuré pour ja­

mais m a bienheureuse existence.

— 42 —

(1) E x e rc ilia .—In stitut. S o c ., t ., 2. p. 407-410.

(45)

— 43 —

IV.

Troisième et quatrième semaine*

La grande œuvre de l ’élection est accom plie;

la vie est fixée. Mais ce q u ’il faut bien rem arq u er, et ce que S. Ignace n ’avait garde d ’oublier, c ’est que quelque état q u ’on ait em brassé, la croix, la croix et ses épreuves doivent être contem plées dans leur réalité la plus vive et la plus présente. R ien n ’est plus nécessaire ni plus sage. Q uel te m p s, quel lieu , quel état furent jam ais exem pts de souffran­

ces ? L es croix sont partout; quand on les fuit on les trouve. Les plus heureux sont ceux qui les em brassent. L a terre n ’est-elle pas une im m ense Calvaire? Il faut savoir com m e le fils de D ie u , se réduire par obéissance à l’état de m ort vo­

lontaire, pour ressu sciter, pour vivre de sa vie, pour agir, parler en son nom avec puissance ( 1 ) , pour se dévouer à sa suite dans la carrière élue, à tous les travaux de l’ab n ég a tio n , de la m ortifica-

(1) Ibid., t. 2, p. 410-414.

(46)

tion et de l ’apostolat. Et alors que reste-t-il? Une seule chose, qui com prend et résum e tous les exer­

cices, qui assure et féconde l ’avenir créé par leur vertu : l ’am our divin.

L a philosophie a bien peu la conscience de la dignité de sa m ission parm i les hom m es, quand elle néglige dans ses hautes spéculations de se join­

dre à la foi pour célébrer le devoir, la puissance et le bonheur de l ’am our de Dieu.

Les plus grands génies du paganism e l ’avaient au m oins pressenti : Socrate et Platon voulaient qu’on s ’attachât à ce qu’ils appellent tô xaAoi/, qui signifie tout ensem ble le beau et le bon, c ’est à dire le parfait. Platon exprim e adm irablem ent la gran­

deur et l ’héroïsm e de cet am our, quand il fait dire à Socrate dans son festin « qu’il y a quelque chose

« de divin dans celui qui aim e que l’am our en

« fait un Dieu par la v e rtu .... que ceux qui ai-

« m ent veulent seuls m ourir pour un autre. » ( i) L a philosophie profondém ent chrétienne de Leib- n itz renferm e sur ce point une sublim e doctrine :

« Ces pensées sont excellentes, dit-il en parlant de

( 1 ) F é n é lo n .— T ém o ig n ag e d e s p a ïe n s s u r le p u r a m o u r.—OEu

v r e s c o m p lè te s , 1 .18, p . 522, P a r is , L e b e l, 1825.

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« la Providence, que D ieu est un père com m u n;

« et cette idée nous doit moins effrayer que celle

« d’un m onde orp helin , abandonné au hasard. (1)

« ... S ’il y en a qui jugent autrem ent, tant pis

« pour eux ; ce sont des m écontents dans l ’état du

« plus grand et du m eilleur de tous les m onarques,

« et ils ont tort de ne point profiter des échantil-

« Ions q u ’il leur a donnés de sa sagesse et de sa

« bonté infinies, pour se faire connaître non seu-

« lem ent adm irable, m ais encore aim able au-delà

« de toutes choses. » (2)

Enfin, dans la préface du même ouvrage, voulant établir les fondem ents de la solide dévotion, L eib - nitz rappelle que Jésus-Christ vint apporter la loi d ’a m o u r, et il en donne les véritables caractères :

« L ’am our est cette affection qui nous fait trouver

« du plaisir dans les perfections de ce q u ’on aime ;

« et il n ’y a rie n de plus parfait que D ieu, rien qui

« doive charm er davantage. P our l ’aim er, il suffit

« d ’envisager ses perfections; ce qui est aisé p arce-

« que nous trouvons en nous leurs idées. Les p er-

« fections de Dieu sont celles de nos âm es; mais il

( 1 ) P e n s é e s de L cib n ilz , 1 .1, p . 232; P a ris , 1825.

(2) l b i d . ,

p .

2 6 4.

(48)

« les possède sans bo rn es,il est un océan dont nous

« n ’avons reçu que des gouttes L ’ordre, les

« proportions, l ’harm onie nous enchantent...

« Dieu est tout ordre il fait l ’harm onie univer-

« selle ; toute la beauté est un épanchem ent de ses

« rayons. » (1)

Je n ’ai pas besoin de citer F énélon, dont le génie ém inem m ent philosophique et la tendre piété su­

rent parler si bien la langue du pur et noble am our de Dieu. (2)

Le soldat élevé tout à coup dans la grotte de Manrèze à la plus haute philosophie, à celle de la sa in teté, n ’avait garde d ’omettre cette dernière consom m ation et ce couronnem ent des vertus par la divine charité. Il indique, suivant son usage, plutôt q u ’il ne développe ; il ouvre une riche veine, raconte quelques faits, et livre l'âm e à ses pensées.

Mais quelle ébauche sublim e dans cette contem ­ plation finale pour obtenir l ’amour ! ( 3 )

Deux principes féconds et pratiques sont posés ; l ’am our consiste dans les œuvres ; l ’amour consiste dans la com m unication réciproque des biens. Dieu

( 1 ) P e n s é e s d e L eib n ilz , t. 2. p . 338 e t 339.

(2) F é n é lo n .— S u r le p u r a m o u r, 1 . 18 . p . 307; P a r is , L e b e l, 1823.

( 3 ) E x e rc itia .—I n s titu t. S o c. t. 2 , p . 414 e t 415.

(49)

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m êm e va nous servir de régulateur et de mesure.

Ce que Dieu fait, ce q u ’il nous donne, nous devons nous efforcer de le faire et de le donner pour lui : c ’est justice.

L ’âme se transporte au m ilieu des a n g e s, afin de m ieux contem pler avec eux ce que le S eign eur, dans son am our pour l ’hom m e, lui prodigue d ’iné­

puisables richesses.

« Je vous ren d s, ô m on D ieu, je vous consacre

« et vous livre par un juste retour tout ce que je

« suis, tout ce que j’ ai : ma liberté, mes souvenirs,

« m a pensée, mes affections; car vous m ’avez tout

« donné. »

D ieu v it, Dieu habite dans les créatu res; il vit et habite en m o i; il crée en moi sans cesse la v ie , le sen tim en t, l ’in telligen ce; il m ’a fait son tem ple auguste où brille sa divine im age ; je vivrai donc de sa vie et je vivrai pour lu i, uni sans cesse à son im m ensité toujours présente.

D ieu opère, il travaille pour m oi dans toutes les créatures; sa m ain s’ouvre, et par son action il rem ­ plit de ses bienfaits tout ce qui respire. Donc je tra­

vaillerai, j ’agirai à m on tour, je dépenserai toutes m es forces pour D ieu, et ce sera la correspondance

légitim e de l’am our.

L a carrière est finie ; trente jours sont écoulés ;

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