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Histoire de l’anarchie de Pologne, et du démembrement de cette république. T. 4

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HISTOIRE

D E

L’ANARCHIE

d e

POLOGNE

E T

D U D E M E M B R E M E N T

D E C E T T E R E P U B L I Q U E , P A R

CL - R U L I T I È P

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E.

S u ivie des Anecdotes sur la R é vo lu tio n de R u ssie , en 1 7 6 2 , par le même auteur.

T O M E Q U A T R I E M E .

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H I S T O I R E

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P O L O G N E .

L I V R E X I I ( i ) .

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e s d a ï i q u ’on fortifiait les D ard an elles et que ces tra v a u x précipités éloignaient le p éril qui avait m enacé la capitale, on chercha des se­ cours pour la continuation de la guerre. L e di­ van g o u v e rn é , sous un prince religieu x, p ar les décisions des gens de l o i , a va it ju sq u ’ alors

fer-f (I) Intitulé: Seconde partie du livre n , dans le manuscrit de Rulhière.

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H I S T O I R E

mé r oreille à toute proposition d’ alliance. S o i­ g n e u x d’ écarter tout ce qui aurait rendu lu gu erre plu s anim ée et la p a ix plus d ifficile, ce» interprètes des livres sacrés avaient soutenu que la loi m ahom étane défend tout recours à des é tra n g e rs, lorsque les M usulm ans peuvent se suffire à eu x - mêmes. R am en és p ar l ’épouvante à une plus saine p o litiq u e, ils décidèrent que le mom ent était ven u où les m axim es religieuses perm ettaien t de rechercher des secours étran­ gers. On proposa donc un traité d’ alliance au x cours d eV ie n n e et de V ersailles ; et dans les des­ sein de form er plus prom ptem ent une nouvelle e sc a d re , on sollicita de la Fran ce la vente de quelques v a is s e a u x ; on lui offrit pour p rix de cette com plaisance la restitution des lie u x saints a u x cath o liq u es, et d’ autres objets auxquels le gouvernem ent français a v a it , dans les anciens tem ps, attaché une gran de im portance. M a is a cette même époque un nouveau désastre ache­ v a d’ accabler re m p lie ottoman.

D e s trois autres entreprises que les R u sses avaien t faites, 1’ une par la G é o r g ie , l’ autre p ar les em bouchures du T a n a is , l ’ autre par le p ay s des T artares ; la p re m iè re , il est v r a i, avait en­ tièrem ent échoué. L a G é o rg ie , située au m i­ d i du M o n t - C a u c a se , est d ivisée entre deux

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D E Î D I . O G N E , 3

so u v erain s, tributaires l’un des Persans et l’ au­ tre des T u rcs. C elu i qui dépend de la P erse a v a it , depuis que ce royaum e était déchiré p a r des guerres c iv ile s , cherché la protection des R u sses : m ais on ne lui avait donné jusqti* alors que de perfides seco u rs, trop faibles pour l’ af­ franchir d’ un jo u g étranger, suffisans pour l ’ as­ servir peu à peu au jo u g nouveau qu’ on espé­ rait lui im poser. On n’avait même permis à au­ cun G éorgien de s’ instruire en R u ssie dans les arts m ilitaires. C e fu t p ar cette contrée q u ’ une arm ée de trois ou quatre m ille R u s s e s , con­ duite p ar un général étranger, et ne doutant pas de se faire joindre par le troupes géorgiennes, entreprit d’ attaquer les provinces de la T u rq u ie asiatique , et de s’ avancer en face de Constanti- nople sur 1 autre rivage du B osphore. M a is cette petite arm ée était totalement dépourvue d’ ar­ gent , de m unitions et d’ artillerie. C es peuples ne se trouvèrent point en état d’ en seconder le s e ffo rts, il ne fu t possible ni d’ emporter les m oindres fo rteresse s, ni même d’ ébranler la fi­ délité de l ’autre royaum e soumis à la P o rte O t­ tomane ; et le pacha de T rëbisond e, quoique ré ­ vo lté lu i-m ê m e contre le grand - seigneur, en se üéfendant d’ un côté contre les T urcs * repoussa

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4 H I S T O I R E

de l 'a u t r e , la petite année russe qui se hasarda dans son gouvernem ent.

L a flotte qu’ on arm ait dans le port d’ A z o f à l’ em bouchure du T an aïs , et q u ’on d evait con­ duire au travers des P a lu s -M é o tid e s jusques sur la m er N o i r e , p ou vait être plus dangereuse pour 1' em pire ottom an et pour la ville mcmc de C o n stan tin op le, que l’ autre flotte am enée de si loin ju sques sous le feu des D ard an elles. E n e f­ fet toute sûreté de cet em pire tenait au soin qu’il avait eu de dom iner seul sur tous les rivages de la m er N o ire . S i les navigateurs 1’ ont redoutée dans tous les s iè c le s , et si de fréquens naufra­ ges ont toujours ju stifié leur e ffro i, il fau t ce­ pendant rem arquer que ses eau x se versent avec im pétuosité dans le Bosphore sur lequel Cou- stantinople est b â tie ; que les vents du nord, or­ dinaires en ces clim ats, peu vent, en moins de soi­ xante heures, amener de ses extrém ités a l ’entrée de ce d étro it, et q u ’ à peine en a-t-on franchi le p a ssa g e , le sérail et la ville même de Constan- tinople se présentent en point de vu e dans un, lointain. D e u x faibles forteresses défendent cet­ te entrée ; m ais les vaisseaux entraînés par la double force du courant et du vent p euvent traver­ ser aisém ent le feu de ces m auvais châteaux, et v e ­ n ir en peu d’heu.tes m ouiller au pied du sérail.

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D E 3? 0 E 0 G N E.

A in si, cette violence des courans, et cette cons­ tance des vents du nord, obstacles que la nature s’ est plu à réunir pour la défense des D ard an elles, se réunissent au contraire pour favoriser les n a ­ vires qui arrivent de cet autre côté, et leur faci- iter 1* accès de cette capitale. U n e foule d’ é v e - nemeiis attestent la grandeur de ce péril. C ’ était p ar cette m e r , et en sortant des em bouchures du B o risth è n e , que les anciens R u sses ven aien t su r des flottes de d eu x m ille barques m enacer autrefois cette m étropole de 1’ em pire d’ O rient. L e s Génois , dans le temps où ils étaient m aî­ tres de quelques ports sur ces riva g e s, ont m algré la faiblesse de leu r républiqu e fait trem bler les em pereurs grecs. L e s Cosaques de l’ U k rain e, avant qu’ ils fussent contenus p ar les forteresses bâties a u x embouchures du B o risth è n e , et depuis ce temps encore, quand ils se furen t rendus m aîtres de la ville d’A z o f , se sont fait redouter jusque» dans les mers du sérail. C es fam eu x em pereurs ottom ans, véritables fondateurs de cet em pire, les M ahom et - second et les Sélh n , occupés d’ as­ surer de toutes parts leu r domination no u velle, avaien t eu soin de ne laisser sur les bords de cette m er, aucun peuple qui ne fû t soum is. M a is depuis la fin du dernier siècle, la liberté d’y navigu er était devenu l’ objet de l’ am bition des R u sses. D e u x fois

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H I S T O I R E

ils s’ étalent emparés de cette même ville d’A z o f, d eu x fois ils avaient été obligés de restituer cette conquête. On avait enfin stipulé que cette ville serait rasée et son port détruit. M ais l ’in croyable négligence que portaient aujourd’ hui les m i­ nistres turcs dans toutes les parties de l’ admi­ n istra tio n , avait laissé les R u s s e s , au commen­ cem ent de cette g u e rr e , s’ emparer de ces ru i­ nes , occuper ce port pour la troisièm e fo is, et aussitôt ils y avaient fait descendre tout ce q u i restait encore de leurs anciens arméniens su r le T an aïs. L e s eau x de ce fleu ve, répandues hors de ses r iv a g e s , dans ces lieu x depuis long­ tem ps in h a b ité s , se trouvèrent par tout si bas­ ses , et leur lit si encom bré de sable et de v a ­ s e , que les navires y dem eurèrent enfoncés. O n ne connaissait plus les sondes des différens passages. L e vice - am iral qui devait conduire cette expédition, revin t à Petersbourg, se plain­ dre qu’ il n’ a v a it trou vé n i a g rè s, ni cordages, n i m unitions de guerre , ni aucun homme assez intelligent pour le seco n d er; et les espérances q u ’ on a va it fondées sur cet arm em ent furent re­ m ises à 1’ année suivante, si la guerre durait en­ core.

M a is l ’ entreprise sur le pays des T artares ou­ v r it enfin a u x R u sses un accès vers cette m er j

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D E r O t o C î ï E .

?

Accès plus commode pour leu r n a v ig a tio n , et bien plus dangereux pour l ’ empire otto m an , que ne P eût été leu r établissem ent sur les P a ­ lus - M éotides. C a r les T u r c s , en restant m aî­ tres du détroit qui com m unique de ces P alus avec la mer, et. en s’ y fortifiant, comme ils 1 ’ a- vaien t fait au ^commencement de ce s iè c le , au­ raient pu rendre la possession d’ A z o f inutile ; m ais celle des rivages q u’ occupaient les T a r- tares allait assurer au x R u sses des avantages in a p ré c ia b les, et qui pourraient égalem ent ou satisfaire ou accroître leur ambition. P c nom de liberté fut em ployé pour séduire les T a rta re s, comme il l ’avait été pour séduire les G recs. M a is tout était différent entre ces d eu x nations.

C e peuples pasteurs et b e lliq u e u x , connus en E u ro p e sous le nom de Petits Tartares, qui

occupaient alors toutes les côtes septentriona­ les de la m er N o ir e , sont un reste des arm ées de G engis-K an ; et de nos jours encore, ils avaient

.pour souverains les descend ans du fils aîné de ce conquérant. Ils sont issus de cette race an­ tique qui habite , de temps im m ém orial , de vastes plaines au centre de P A s ie , d’ où ses es- sains innom brables ont si souvent inondé le monde. O n sait, et nous avons déjà eu occasion de le rappeler à nos le c te u rs, que toutes les na-,

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H I S T O I R E

tions ta rta re s, dans leu r barbarie p rim itiv e , re ­ gardent Y habitation des villes comme une dé­

gradation de l ’ espèce hum aine, et n’ ont point d’ autre habitation que des te n te s, d’ autres ri­ chesses que leurs tro u p e a u x , d’ autres rem parts que leur courage. R app elo n s encore ici que la nécessité de conserver toujours autour d’ eux u ne im m ense étendue de pâturages , ne leu r laisse souffrir aucun v o is in , et q u e , m algré la fainéantise habituelle de cette vie pastorale, ils sont dans un état perpétuel de guerre contre toutes les nations qui les approchent. Ils doivent en effet s*environner de so litu d e s, où ils puis­ sent nourrir d’ innom brables tropcau x , et changer de campement suivant les différentes saisons de 1” année. Ils ne com battent q u ’ à che­ v a l ; et ce fu t dans tous les siècles la plus rapide cavalerie connue dans l’ un ivers. L e u rs plus nom breuses arm ées sont autant de troupes lé­ gères , qui ne traînent jam ais avec elles ni ba­ g a g e s , ni v iv r e s , ni m u n itio n s; qui traversent à la nage les fleuves les plus im p é tu e u x , fran ­ chissent les m ontagnes les plus escarpées , aussi prom ptes dans leurs fuites que dans leurs incur­ sions ; form ées à une subordination sévère par le respect de chaque troupe pour son c h ef parti­ c u lie r, et de ccù:V -ci pour leur ch ef suprêm e ;

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D E P O L O G N E . 9

observant dans leurs retraites sim u lés, dans leurs attaques tu m ultueu ses, dans cette incon­ cevable prom ptitude avec laquelle elles se dis­ persent ou se rassem b len t, un ordre que nos plus savantes disciplines n’ ont point encore at­ teint. L a dévastation suit leurs armées ; et ils se vantent ,,q u e l’ h erL - ne doit plus croître où ,, ils ont passé en ennem is.“ L e u r vie errante ne leu r permettant pas d’ être partages , comme nous le som m es, en citoyens d’ une même ville, en habitans d’une même province, ils le sont en tribus. U n T a rtare regarde comme sa patrie la borde vagabonde dans laquelle il est né. C es bordes ou tribus obéissent de génération en g é ­ nération au x mêmes fam illes ; et chacune de celles - ci reconnaît pour ch ef le plus v ie u x de sa lign ée. L e s traditions généalogiques tiennent ainsi à tous leurs usages ; et dans leurs su b d ivi­ sions n o m breu ses, le T artare le plus grossier n ’ ignore point la tribu originaire dont sa horde est issue. D a n s leu r extrêm e ignorance, un in­ stinct naturel et conform e a leurs m o e u rs, les porte à aim er la géo grap h ie: c’ est le sujet ord i­ naire de leurs entretiens. L e u rs connaissances en ce genre ont étonné les hommes les plus v e r­ ses dans cette science. D e s traditions fideîem ent transm ises conservent parm i eux le souven ir tU

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,1 0 H I S T O I R E

tous les pays qu’ ont parcourus leurs a n cêtre s; et chacun d e u x , sans se tromper jamais sur le but auqu el il veu t a ttein d re, peut traverser sans route et; sans indication précise , comme sans gîte et sans v iv r e s , les plus immenses solitudes. Cette race d’ hom m es, si m ultipliée et si ancien­ ne, est rem arquable par «les traits particuliers, un, visage large et plat, des y e u x bridés par les pau­ pières , m ais vifs et b rilla n s, les dents du plus éclatant émail. Q uelques tribus, séparées depuis plusieurs m illiers d’années , ont des traits plus rem arquables encore, et quelques-unes des traits h id eu x, tels qu’autrefois les H uns, et aujourd’ hui les E a s - K i v e s et les Kalm oulks.

G e n g is - K a n avait assujetti presque toutes les tribus ta rta re s; et devenu le seul souverain d’ un peuple si n o m b re u x , que de telles moeurs ren ­ daient si form idable avant l ’ invention de 1’ artil­ lerie , il étendit facilem ent ses conquêtes sur une grande m oitié du continent de l ’ E u ro pe et de l ’ A sie ,, détruisant toutes les villes qui avaient été fondées dans les contrées originaires des T a rtares , et ne laissant de villes que dans les p ays qu’ il regard ait comme esclaves. L ’ héritage du fds aîné de ce conquérant fu t une vaste do­ m ination , depuis les frontières de la P ologn e ju squ ’ à l’ orient de la m er Caspienne ; elle n ’ a v a it

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D E P O L O G N E . tx

point cl’ autre capitale que la m obile résidence d u lta n , connue dans cer climats sous le nom de la horde dorce, a cause de 1 espece de faste

que lui donnaient les dépouilles de tant de na­ tions v a in c u e s , et les ornemens d’ or que por­ taient ces T artares grossiers sous leur tentes de fe u tre s , et sur le u rs vâtem ens de p eaux de bre­ bis. On se souvient encore dans ces contrées q u ’ ils s’ étaient plu à réduire l ’orgneil m oscovite a u x hum iliations les plus abjectes. L o rsq u e les en vo yés du Iran arrivaien t à M oscou pour cher­ cher le trib u t, consistant en oiseau x de proie, en fou rm es choisies et en quelque m odique somme d’ argent, le grand-duc sortait de sa ville à leu r rencon tre, à pied, la tête n u e , tenant en anam un vase rem pli de lait de ju m e n t, boisson la plus agréable à toutes les nations tartares ; et pendant que l ’ envoye b u v a it , si quelque goutte tom bait sur la crinière du ch ev a l, le prince rus­ se était obligé de l ’ essuyer avec sa langue. D e s guerres intestines dém em brèrent cet em p ire; et dans ce même temps les M oscovites, ayant reçu de l’E u ro p e 1er armes à f e u , inconnues à toutes les nations a sia tiq u e s, parvin rent à secouer le jo u g , et s’ em parèrent ensuite des royaum es de C asan et d’ A stra c a n , qui avaient fait une des plus belles parties de cet empire tartare.

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h i s t o i r e

P a r ces congétes des M oscovites, les T artares de la C rim ée ou ancienne T a u r id e , ceu x des plaines lim itrop h es, ceu x qui habitent au pied du m ont Caucase et dans ses vallées, se tro u v è­ ren t séparés entièrem ent des immenses contrées au centre de 1’ A s ie , qui avaient vom i tant d’in­ ondations de barbares sur tous les pays civilisés. C es nations ainsi séparées des plaines, appelées la

G r a n d e Tcrtarie furent désormais nommées en

E u ro p e les Petits Tartares

Pend an t que cette grande révolution s’ opé­ rait dans le N o rd , la ville de Constantinople tom­ ba au pouvoir des T u r c s , et l ’ em pire grec fu t entièrem ent éteint. L e s T u rcs , trop p revoyan s alors pour ne pas assurer de toutes parts leur n o u velle conquête, ne tardèrent pas à s’em parer de tous les rivages de la mer Nom e. L e s Petits T a rta re s , toujours en proie à de sanglantes dis­ sen sio n s, erraient sur tous les bords septentrio­ n a u x de cette mer. M a is tout changeait pour cette nation p ar le voisinage des Tu rcs. L a loi m usu lm ane, depuis lo n g -tem p s em brassee p ar ces T a rta re s, ordonne q u’il n’y ait qu’un seul représentant de la divinité dans tous les p ays qui ne sont pas séparés par des mers ou par des em pires infidèles : ainsi leu r assujétissem ent à l’ em pereur ottom an, désorm ais reconnu pour le

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successeur ries califes , devenait pour eu x un point de leur religion. M ahom et I I conçut, avec autant de grandeur que de p ré v o y a n c e , le pro­ je t de les réunir une seconde fois sous un seul han. ,, Il c ra ig n it, disent les historiens turcs, ,, que les M oscovites , dont la puissance com- ,, m ençait à s’ accro ître , ne continuassent à ,, profiter de ces longues division s des tribus „ tartares „ ; et il vo u lu t form er à 1’ empire ot­ toman un b o u lcvart contre l’ ambition de ces chrétiens septentrionaux.

I l ren vo ya donc en Crim ée avec de puissans secours , un prince nommé M en g li - G u erai, qui a v a it déjà régné sur quelques tribus. L a capitu­ lation signée entre ces d eu x p rin c e s, a été jus- q u ’ à ces derniers te m p s, la base de la subordi­ nation des T artares. V o ic i ce m onument bar­ bare tel qu’ il existait dans les archives de Crim inée.

M en g li-G u era i ju re pour lui et ses successeurs à p e rp é tu ité , une soum ission et une fidélité in- vio ab le à la porte. Il consent que les k a n sd a la pe­ tite T a rta rie soient mis sur le trône par le grand seigneur, et prom et que lu i et ses successeurs fe ­ ront la p aix et la guerre pour les intérêts de l ’ empire o tto m an , au x conditions suivantes : ,, L e grand - seigneur ne placera jam ais sur lu

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1 4 H I S T O I R E

u trône de T a rta n e , qu’ un prince de la fa-

„ m ille de G en gis-K an et de la branche de „ Guerai, L a Porte ne pourra jam ais pour quel- „ que raison que ce soit, faire mourir un kan „ ni aucun prince de la maison Guerai. L es „ états du kan et m êm e toutes les terres que „ les princes de son sang posséderont ailleurs, „ Seront inviolables pour ceux qui viendront „ s’ y ré fu g ie r. Dans les m osquées en T a rtarie, „ on fera pour le kan , la prière publique après „ celle pour le grand-seigneur. Q uelque chose „ que le kan dem ande à la Porte par u n e 'r e - „ q u ête, il ne sera jam ais refusé

L es T artares m algré cette capitulation, se pré­ tendaient libres. Selon e u x , elle n’ obligeait vé­ ritablem ent que leur prince. L e grand seigneur ne p ouvait exercer dans leur gouvernem ent que la portion d ’autorité accordée par eux à la fa ­ m ille de G engis-K an et ccdce par cette fam ille à l’em pereur turc. Q uoipu’il en soit, le kan sou­ tenu d ’ une telle allian ce, soumit à sa dom ina­ tion toutes les hordes qui erraient dans une étendue de plus de trois cents lie u e s, depuis les em bouchures du D anube jusques d.ms les val­ lées septentrionales du mont C au case, mais plus les T artares réunis sous un même prince rede­ vinrent fo rm id a b le s, plus la politique ottom ane

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prit soin de m ultiplier les noeuds qui les lu i at­ tachaient. L ’ em pereur S e lim , que les vicissi­ tudes de sa vie avaient réduit à fuir en C rim ée avant de parvenir au trôn e, avait appris tous les progrès des armes moscovites dans les ré­ gions voisines du pôle. I l a va it vu par lui-m cm e quelle serait la faib lesse de l’ em pire ottom an, si un peuple am bitieux déjà m aître de fleu ves qui tom bent dans la mer N oire et de vastes forer s , parvenait à s’ em parer d’ un port sur cette m er. „ 11 avait égalem ent rem arq u é, disent les „ historiens tu rcs, que les moeurs des T artares „ les rendront toujours redoutables, que ce „ pourrait être des voisins dangereux pour les „ T u rcs eux m êm es; mais qu’en resserrant au „ contraire le lien qui unissait les deux nations, „ iis pourraient rendre les plus im portans ser- ,, vices à cet em p ire, et tenir toujours les M os- „ covites, ces nouveaux conquérons du nord, „ éloignés de tous les rivages de la m er N oire u. D ans ce double dessein, il augm enta les hon­ neurs que l’ empirer ottoman rendait aux princes tartares. Il leur fixa des pensions annuelles. I l en fixa égalem ent pour tous les grands de T a r- tarie ; mais il obligea les kans d’envoyer à Cons- tantinople un de leurs ènfans en orage. A ces nouvelles p ro p o rtio n s, les ï a r tares crurent leur

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16 H I S T O I R E

liberté m enacée et la gloire de la maison de G en grs-K an flétrie. „ Ils craignirent, disent en- core les mcmes h istoriens, que leurs jeunes princes envoyés à C o n sta n tin o p le , ne per- „ dissent dans cette cour corrom-pue la sim plicité

|

,, des moeurs tartares “ . L e s uns proposèrent de prendre les arm es pour recouvrer leur liberté, les autres de retourner en A s ie chercher d’au­ tres pâturages ; mais les principes de leur reli­ gion p ré v a lu re n t, et leu r assem blée générale adhéra enfin à ce que Selim avait proposé.

D epuis cette époque, les T u rcs ont succes­ sivem en t donné à presque tous les princes de la maison de Gengis-Ivan de riches dom aines aux environs de C on stan tin op le, et le gouvernem ent s’ est fait un point de politique d attirer par cet appât, et de tenir sous ses y e u x presque tous ces princes. C eux-ci qui d’abord étaient venus dans cette capitale comme otages , ne tardèrent pas à y venir à l’ envi pour se procurer de pareilles possessions, et se concilier la bienveillance de l'em pereur et de ses favoris ; d’ où il arriva par laps de temps, que les T urcs au lieu d’avoir cgard pour la nomination d’ un k an , au droit ré e l, au voeu de ces p eu p les, au choix indiqué par le dernier k a n , s’ accoutumèrent à choisir par fa­ veur et par caprice.

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Toute-D E P O L O G N E . 17

T outefois dans cette nom ination du k a n , il ctait difficile de déterm iner quel était précisé­ m ent le droit qui donnait cette couronne. E lle appartenait invariablem ent à la maison de G en- gis Ivan : l’ usage im m ém orial des T artares la donnait au plus vieux de la plus ancienne bran ­ c h e ; mais il fallait que ce droit, à chaque ch an ­ gem ent , fût reconnu par l’assem blée générale des T a rta re s, ce qui form ait une sorte d’ élec­ tio n ; ensuite le traité particulier de la maison de G e n g is - K a n donnait à l ’em pereur turc un droit de confirmation ou d’exclusion ; mais toutes ces questions étaient en quelque sorte éludées, tous ces droits contraires étaient conciliés par le soin qu’ avaient les empereurs turcs de désigner p eu r kan le plus vieu x de quelque branche p uis­ sante.

L e kan n’ ctait dans sa nation que le c h ef du gouvernem ent et le général de l’ armée. L a sou ­ veraineté résidait dans une grande assemblée, composée prem ièrem ent des princes de la m ai­ son ré g n a n te ; ces princes au nom bre de plus de trois cents, occupaient, au choix du kan, les places ïde séraskiers ou généraux, qui étaient au nom bre de s i x ; secon dem en t, du plus ancien de chaque branche des maisons n o b le s; quel­ ques-unes descendaient des anciens conquérans

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i8 Ï I I t i ' ï ’ O l R E

de la Crim ée, et à ce titre possédaient de grandes prérogatives héréditaires: troisièm em ent, du c h e f de chaque tribu é lo ig n é e ; enfin, du seul c h e f, c’ est •«-dire, du plus vieux d’ une dernière classe de noblesse composée de toutes les fa ­ m illes nouvellem ent illustrées par les emplois du gouvernem ent civil j car les nobles ou mir-

sas des prem ières m aiso n s, dédaignaient toutes les charges , celle m cm e de grand v isir, et vi­ vaien t toujours dans leurs terres, ou pour m ieux dire , dnns les pâturages échus à leurs ancêtres et possédés héréditairem ent. Ils ne servaient l ’é­ tat que pendant la gu erre . et leur occupation pendant la p a i x , était la chasse et les soins économiques. Si quelquefois iis venaient faire leu r cour au k a n , c’ était avec toutes les m ar­ ques de leur propre puissance, et un cortège aussi nom breux que celui du prince. Ils ressem ­ blaien t à presque route l ’ancienne noblesse eu­ ro p éen n e, au tem ps ou elle conservait encore quelques restes des m oeurs qu’elle avait prises dans les forets de la Germ anie. L es charges de loi comme celle de m u p h ti, de g ra n d -ju g e de l’a rm ée, de secrétaire d’ c ta t, enfin les prem ières dignités du gouvernem ent civil n’e x i­ geaien t pas la n o blesse, mais les fam illes éle- rces par ces d ign ités, et qui depuis n’ avaient

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D E P O L O G N E . *9

point déroge par l’agriculture ou par le com­ m erce, composaient cette troisième classe, dont un seul m em bre avait droit de suffrage dans l ’assemblée nationale. L ’ armce servait sans au­ cune sold e; elle était uniquem ent composée des troupes que chaque c h e f de tribu et de horde am enait avec lu i, et qui toutes avaient dans l ’ordre de bataille leur rang invariable. C ette nation ayant conservé tous ses anciens usages, il est très vraisem blable que sa constitution poli­ tique et m ilitaire étoit encore de nos jours une im age fidèle de tous les gouvem em ens qui sub­ sistent depuis tant de m illiers d’années dans ces vastes contrées de l’A s ie , sur lesquelles nous avons si peu de notions ; rem arque im portante en ce qu’ elle nous représente comme de véri­ tables républiques de pasteurs libres et con­ fédérés pour leur défense m u tu elle, ces mêmes peuples que nous avons seulem ent conuus ju s­ qu'ici comme des conquérans barbares.

L e kan ne pouvait donc faire ni la paix ni la guerre , ni exercer aucune législation sans le concours du plus grand nombre des chefs. L ’ex- trcm e m odicité de ses revenus ne lui perm et­ tait pas d’acheter les suffrages. M ais l ’em pereur turc le laissait ordinairem ent le dispensateur des pensions destinées aux grands de T a rta n e . L e

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kan recevait ces bienfaits d ’ une main pour les répandre de l’a u tr e , et par-là il tenait de sa fidélité à l ’ em pereur turc un crédit plus grand que son autorité réelle. Il résulte de tous ces d éta ils, que le k an des T artares n’était pas, comme on le croyait com m uném ent en Europe, au rang des princes tributaires de l ’em pire otto m an , ni les T artares au rang des peuples assujétis. C e prince très-redouté, comme ch ef d’ une arm ée n om breu se, était très-pauvre com m e souverain. Q uelquefois il envoyait v o ­ lontairem ent au grand-seigneur et au m inistère turc un présent des plus belles esclaves géor­ g ie n n e s, circassiennes, russes ou polonaises, enlevées dans les incursions. C e t em pereur lui d onnait le nom d e fr è r e , lui payait deux m ille hom m es pour sa g a rd e , et prenait un soin per­ pétuel d ’acheter la fidélité de tous les grands. L a foi des traités, les principes de re lig io n , et tout ce que peut l ’intérêt sur des peuples pau­ v r e s et qui chérissent leurs m oeu rs, se réunis­ saient pour attacher cette nation à l’em pire otto­ m an- D e u x autres noeuds les y attachaient encore. Ils avaient laissé toutes les forteresses de leur pays entre les m ains des Turcs. jC'eux' ci possédaient de nos jo u rs , comme au temps de M ahom et I I , toutes les villes de ces contrées.

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D û P O L O G N E ,

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Il n ’y avait dans la dépendance im m édiate des Tartares que de faibles bourgades habitées dans chaque province par leurs anciens possesseurs J et en cela les moeurs de ces peuples nomades s’ étaient trouvées d ’accord ave c la politique ottom ane. Enfin, et c’est le dernier noeud qui sem blait rendre cette union in d isso lu ble, sans autres armes que le sa b re , la lance et les flè­ c h e s; et par le m anque de to*us nos a rts, tota* ïem ent dépourvus d’armes à f e u , ils en retrou­ vaient à la guerre tous les avantages dans leur société d’armes avec un peuple qui de bonne heure en avait adopté l ’ usage. U n corps d’in­ fan terie turque se jo ign ait souvent aux armées tartares, et toujours un corps nom breux de T artares servait de concert avec les arm ées ottom anes. Us cam paient à quelque distance des T u r c s , suivaient leur propre discipline, et n’obéissaient qu’4 leurs propres chefs. Us continuaient de tenir la cam pagne dans les plus rudes h iv e rs, après le licenciem ent de l ’ arm ée ottom ane ; supportant avec une incroyable pa­ tience la fa im , la s o if, les intem péries des sai­ sons; se nourrissant de la c h a ir, du sa n g , et quelquefois m êm e de la sueur de leurs ch e­ vau x, mais plus souvent d’une farin e de m illet r ô t i, dont chaque soldat portait avec lui pour

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22 il X s O I IV K

sa subsistance pendant quarante jours ; ne’ for­ m ant jam ais d’ entreprise sans l’avoir concertée dans un conseil de g u e rre , parce que leur ma­ nière de com battre e x ig e le plus parfait accord au m ilieu de son désordre apparent. Cinq ou. six m ille attaquaient l ’ ennem i en fro n t, autant en queue, autant sur les ailes. S ’ils ne pouvaient enfoncer, ils se retiraient en se dispersant, et se ralliaient avec une facilité surprenante. A ceux- ci d’ autres su ccéd aient, sans relâche ni jour ni nuit \ des corps détachés tom baient sur les

équipages et les co n v o is, em pêchaient la cava­ lerie ennem ie d ’abreuver et de fo u rra g er, et les. plus grandes arm ées, en leur faisant la guerre, continuellem ent sous les armes sans pouvoir co m b attre, étaient bientôt détruites par la fa ­ tigue et la disette.

T a n t que les Turcs firent trem bler l ’Europe, les T a rtares partagèrent leurs succès. Pendant trois siècles ils ont bridé l ’am bition naissante des M oscovites, rendu le czar trib u taire, brûlé u ne fois la ville de M oscou, et rem pli d’esclaves ru sses tous les marchés de l’A sie. C e t odieux trafic était d evenu le principal objet de leurs guerres? et soit par les dévastations que ce trafic en traîn e, soit pour donner plus d’étendue à leurs pâtu rages, ils furent bientôt environnés

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de so litu d es, où toute autre arm ée que la leu r aurait p éri, et qu’ eux seuls pouvaient encore franchir. Enfin ce furent eux qui sauvèrent l ’empire ottoman dans cette guerre désastreuse qu’ il soutint à la fin du dernier siècle. L e kan réparant seul tous les m alheurs précédens, battit dans le cours d’ une m cm e cam pagne les A lle ­ m an d s, les Polonais et les M oscovites; et ayan t refusé le trône de C o n stan tin op le, que lui of­ fraient les janissaires révo ltés, lui seul ram ena dans les armées ottomanes la confiance, la cou* corde et la soum ission. T outefois ce fut pendant le cours de cette guerre que commença le ré v o ­ lution consommée sous nos y e u x , et qui vient d ’ anéantir presque totalem ent cette m alheu­ reuse nation. C e fu t alors que les Russes ten­ tè re n t, pour la seconde fo is , de conquérir la C rim ée. M ais ils perdirent leur arm ée dans les solitu d es, qui du côté des te rre s, d éfendaient plus sûrem ent l’abord de cette presque île , que la mer n’en défend les rivages. A la suite de ce revers > Pierre 1er. prenant en m ain les rênes de son é ta t, et ayan t conduit ses troupes aux embouchures du Tana'ïs, hors de toutes les atteintes des T a rta re s, s’ y em para sur les T u rcs de la forteresse d’A z o f , et aussitôt il e n v o y a proposer au kan de l’aider à recouvrer l ’

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indc-h i s t o i n e

pendance de sa couronne et de sa nation. C e tte insidieuse proposition fut rejetée avec dédain. M ais les R u sse s, contenus pendant trois siè­ cles au - delà dés solitudes dévastées par les

1 artares, com m encèrent alors à brider ceux- ci et à les repousser vers les côtes de la m er N o ir e , par des lignes fortifiées et des redoutes avancées dans ces déserts. L es arts m ilitaires se perfectionnaient en R u ssie; et les T artares abandonnés à e u x -m ê m e s et toujours réduits par la sim plicité de leurs m oeurs aux seules arm es a n tiq u e s, après avoir perce plus d’ une fois ces lig n e s , et combattu à forces égales avec ces anciens e n n e m is, ne purent les repousser au-delà de ces solitudes. C ’était une des plus grandes affaires qui eût du occuper la pré­ vo ya n ce du divan. M ais les m inistres turcs a va ie n t perdu tout souvenir de l’ancienne po* litique des M ahom et et des Selim ; et dans cet oubli des anciennes m a x im e s, dans l’ ignorance où étaient les em pereurs et leurs visirs de la position géographique de leurs différentes pro­ vinces et de leurs fro n tières, aucun n’e n v isa ­ geait dans ses véritables conséquences ce dan­ g e re u x envahissem ent. Ils laissèrent subsister les forteresses ru s s e s , quand la paix se rétablit entre les deux empires. Les perpétuelles re ­

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D E P O L O G N E . 25

présentations que les kans de C rim ée faisaient parvenir à Constantinople ne les y rendirent qu’ importuns et odieux. Ils eurent le sort de

tous ceux qui prédisent aux nations aveu­

glées la ruine prochaine dont elles sont m e­ n acées, et qui passent toujours dans l’ opinion de ceux qui gouvernent et de ceux qui jo uis­ sent des désordres p u b lic s, pour des esprits ch agrin s, inquiets et m ême dangereux. D e là naquit bientôt une dissension ouverte entre les kans de T artarie et les m inistres ottomans. E n vain dans les années su ivan tes, le kan des T artares obtint du grand - seigneur la tête du v is ir , qui en signant la paix du P r u t h , né­ glig ea encore ce grand intérêt. C ette punition ne fit qu’ envenim er l ’interm inable querelle entre les kans et les visirs. Ceux-ci, seuls orga­ nes de toutes les a ffa ire s, et courtisans assidus, avaient trop d’ avantages sur des princes éloi­ gnés , retenus à la frontière où ils veillaient aux véritables intérêts de l’empire. L a déposition des kans était donc bien plus fréquente que le châtim ent des visirs.

C e p e n d a n t, le danger de ces établissem ens nouveaux ne tarda pas à se faire sentir ; et dès l ’ année 1 7 3 7 j les R u sses, à la fa v e u r de ces fo rteresse s, s’ avancèrent dans le pays des T

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H I S T O I R E

tares ; et avant toute déclaration de guerre, surprirent ces peuples dispersés dans les pâtu- ra g e s , et com m encèrent l’ attaque de la T u r­ quie par le massacre de ces infortunés pasteurs. M unick dans la cam pagne suivante , avec toutes les précautions dignes de son expérience et de son g é n ie , parvint à traverser ce q u i restait encore de solitudes entre la Russie et la C rim ée. S ans cesse inquiété sur cette route par des ap* p âlirions subites de Tartares?, il enseigna aux Russes à s’ en garantir par l’ ordre de leurs m ar­ c h es, par la disposition de leur a rtillerie , par le ram part am bulant de leurs chevaux de frise, p ar la chaîne de leurs communications. 11 sut m êm e se prccautionner contre l’incendie géné­ ral des herbes dans les p laines, incendie dont les anciennes armées russes avaient souvent été les victim es ; tous ces artifices de barbares fu _ rent vaincus par le véritable art de la guerre. M u n ick montra la faiblesse des boulevards qui défendaient la presqu’ île. II m ontra même pour y p én étrer, des chem ins nouveau x, au travers des marais qui bordent une partie de ses côtes. C e t hom m e im p érieu x, le prem ier général russe qui eut pénétré en C rim é e , aussitôt qu il fut entré dans cette presqu’ île , en vo y a proposer au kan et à la nation tarrare de reconnaître le

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D E P O L O G N E , 27

czar pour so u v erain ; et cette proposition ayant été rejetée, il porta le fer et le feu dans tous les lieux où il put atteindre les 1 artares abandon­ nés par les T u rc s , dont une autre guerre oc­ cupait les principales forces et qui défendirent m al les forteresses de ce pays. Les T artares suffi­ rent encore seuls à sa défense,* etM u n ick perdit la plus grande partie de ses troupes par l’excès des fatigues, par la disette, par les flèches de ces escadrons fugitifs q u i, paraissant se présenter sans cesse à une b a taille, et s’y refusant tou­ jo u rs, saisirent enfin l’ occasion de détruire un grand détachem ent de cette armée. Dans les com pagnes suivantes, d’autres forteresses tu r­ q u es, dans les autres provinces tartares, fu ­ ren t égalem ent m al défendues. Toutes les con' crées soumises au k a n , souffrirent horriblem ent dans cette guerre, Les T artares firen t, il est v r a i , p ayer cher leurs souffrances, d outes les provinces lim itrophes furent aussi . dévastées. L e s armées russes étaient presque détruites à la fin de chaque cam pagne; mais ces armées re ­ crutées par la population d ’ un grand em pire, étaient facilem ent rem ises sur p ie d , et l ’ événe­ m ent général de cette guerre fut un extrêm e af­ faiblissem ent de la nation tartare.

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|H I3 T O I E E

1 7 3 8 » les intérêts des T artares furen t encore indignem en t sacrifies par T urcs. N on-seulem ent deu x provinces de la Circassie furent soustraites à l ’obéissance du k a n , et déclarées libres à des conditions qui devaient bientôt fournir aux Russes les m oyens de s’ en rendre m aîtres; mais les lim ites de tous les autres p ays qui entourent la petite T a rta rie , furent indiquées d’ une m a­ n ière v a g u e , et les confuses indications de ce traité donnèrent lieu aux Russes d’établir cette province dont nous avons plus d’ une fois parlé sous le nom de la N ouvelle-Servie. E lle longeait dans une gran de étendue la rive droite du Ro- ïisth cn e ; elle ferm ait ainsi aux T artares les plus faciles passages par lesquels ils avaient coutume de traverser ce fleuve à la n a g e , pour commu­ niquer avec la Pologne et m êm e avec la M ol­ d a vie ta r ta re , et il ne leur restait plus pour ces com m unications que les plus basses parties de cette con trée, où ce fleuve en approchant de la m er est grossi par d’autres fle u v e s, et coule dans un lit im m ense. L es réclam ations, les p la in te s, les prédictions des kans à ce sujet, fu ren t n églig ées, ainsi que leurs fréquens avis sur les dangers dont l’ oppression de la Pologne m enaçait égalem ent et la T a rta rie et l ’E m pire O ttom an. Si quelque visir y prêtait l ’oreille,

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D E Ï O L O G N E . 2 9

«ne ‘.négociation s’engageait alors avec la R ussie et pendant sa d u ré e , les vicissitudes de la cour ottom ane faisaient passer le suprême pouvoir dans les mains d’ un autre visir, à qui toutes ces affaires étaient encore inconnues. L es kans s’indignaient d ’avoir sans cesse de nouveau x m ém oires à p roduire, de n ouveau x visirs à e n ­ d o ctrin e r: leur mépris pour la cour ottom ane s’en augm en tait; et pour m e servir de leur propre e x p re ssio n : „ I l s ne concevaient pas „ q u e le sabre des roi s e 'f û t changé en plum e‘c.

L es em pereurs tu rc s, du fond de leur sérail, 11e vo yaien t dans une si gran de affaire qu’ une im portune dissension entre les kans et les visirs; et l’ unique m oyen qu’ils eussent im aginé pour ram ener la co n co rd e, sans aucun soin de leur p a rt, était de perm ettre à chaque nouveau visir la nom ination d’un nouveau kan.

M ais on cherchait vainem ent à placer sur le trône de T artarie des kans plus patiens et plus faciles. I l s’ en fallait bien que la corruption de la cour ottom ane eût pénétré parmi ces T a r ­ tares. Si leurs princes étaient exposés à s’am ol­ lir dans leurs maisons de plaisance aux en viron s de C o n stan tin op le, un autre usage balançait cet inconvénient. Presque tous les Hls des kans et des sultans en c h arg e , étaient kélevés en

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Cir-H I S T O I R E

cassis, chez les beys tributaires qui briguaient à l’envi cet h o n n eu r, et q u i. toujours canapés aux pieds du C au case, entretenaient dans ces m ontagnes une guerre perpétuelle, et accoutu­ m aient ces jeunes princes aux fatigu es, aux pé­ rils , aux moeurs antiques de leur nation.

Les kans eux m êm es, avant de parvenir au trô n e , avaient m ené une vie privée. Q uelques- uns a v a i e u t éprouvé les vicissitudes de la for­ tu n e, et reçu les leçons du m alheur. L e trône sur lequel ils étaient m ontés, ne les en garan­ tissait pas. Ils pouvaient retourner vers une condition p rivée, et il n’ y en avait aucun qui n ’ eût connu par lui-même le voeu général de la nation.

L a grande influence que les vieillard s, chefs des fam illes et des h ordes, ont sur les opinions de ce peuple , influence qui est sans doute la véritable cause de la perpétuité de ses moeurs, e n treten ait, dans les esp rits, le souvenir de leur ancienne g lo ire , le souvenir de l’ancien asservissem ent du peuple russe. Les plus vieux racontaient qu’ ils avaient vu dans leu i jeunesse les ambassadeurs russes apporter le tribut de P ie r r e - le G ra n d , lu i-m ê m e . C eu x d un âge m oins a v a n c é , avaient vu l’invasion des Russes dans les provinces

' £ so u m ! 'J I M ?

les pâturages

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vastes, les fe m m e s , les en fan s, les troupeaux égorgés et toute la génération présente avait été nourrie dans ce mépris et cette horreur du nom russe.

Si la cour de Russie cherchait de son coté à séduire les k a n s, à endorm ir leur vig ila n c e, à aigrir leurs m écontentem ens, à les exciter à la révo lte, comment ces princes eussent-ils prêté l’ oreille à ces insinuations? Com m ent dans leurs m écontentem ens m cm e auraient-ils pu rompre les liens multipliés qui les attachaient à l ’Em pire O ttom an? L a Russie cherchait non moins vain e­ m ent à se faire; un parti dans la nation. Si la pau­ vreté générale de ces T artares sem blait au pre­ m ier coup d’oeil les rendre plus accessibles à de sourdes pratiques, si le manque absolu de tous nos arts leur faisait attacher un grand prix à des choses qui nous sem blent à pein e de quelque v a le u r, il faut observer que la pauvreté est moins facile à corrompre que la richesse. L es besoins du lu xe sont sans bornes, et au contraire l ’habitude de la pauvreté m et à l’abri de tous les faux besoins. E n un mot tous les événem ens ont prouvé que les T artares ne pouvaient être déta­ ches de l’ E m p ire Ottoman que par l’entier aban­ don où les T urcs les ont laissés ; et encore a t 011 vu aptes cet ab an d o n , la plus grande partie de

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32 H I S T O I R E

cette m alheureuse nation d éserter son pays e n ­ vahi par les R usses, et venir chercher de nou­ velles terres sous la protection de l ’em pereur T u rc.

I l est aisé de sentir que la durée d’ une situa­ tion si bizarre avait produit plusieurs e ffets, qui dans cette nation elle^m êm e, préparaient le n ­ tem ent sa ruine. Depuis un demi-siècle, les Turcs s’ étaient é t u d ié s à ne placer sur ce trône que des princes incapables de ré g n e r, et abrutis par un usage im m odéré de l ’ opium. L es T artares, environnés de forteresses e n n e m ie s, m enaient une vie plus p a isib le ; toujours propres aux tra­ vaux de la guerre par la dureté de leurs moeurs, ils avaient perdu l’ habitude des grandes fatigues et celle des périls. L e sim ple peuple de la pres­ qu’île com m ençait à s’adonner au com m erce. L e s tribus e rra n te s, devenues plus sédentaires dans leurs cam pem ens, com m ençaient a donner

q u e l q u e soin à l’ agriculture. L a crainte natu­ re lle de perdre leurs récoltes ou leurs avances, les attachait au sol ou aux rivages qu’ ils habi­ ta ie n t; et c’était déjà une révolution dans leurs m oeurs. T o u te la noblesse, à qui ces deux occu­ pations sont in terd ites, vivait dans une perpé­ tu elle oisiveté; et les principaux mirsas, désoeu­ vrés eux-m êm es, avaient à leur suite une foule

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r

I) E. P O I - O G N E , 33

de sujets plus désoeuvrés encore, et qui n* ayan t plus pour ressource le pillage des contrées v o i­ sines et la vente des esclaves, croupissaient dans la fainéantise et la m isère.

L e s fréquentes dépositions des kans avaient causé entre les différentes tribus des ressenti- n i c n s de parti. L e u r riv a lité natu relle se chan­ geait en esprit de faction ; une tribu restant plus attachée à un k an dépose et a u x g én érau x qu elle a v a it eus dans cette b ra n c h e , et les successeurs cherchant à se faire aim er dans une autre tribu.

T e l était l ’ état général de cette nation, dont l ’ ancienne renom m ée épo u van tait encore les IVusscs. C rim - G u e ra i pendant tout son règne* avait fa it trem bler cet empire ; et a pein e ce- k a n , place d’abord, sur le trône par le so u lève­ m ent de ces peuples , y fu t - il rem onté pour la seconde fois , nous avons v u com bien son in v a ­ sion dans la N o u v elle - S e rv ie jeta au loin la terreu r dans les provinces russes. N o u s avons v u C atherine ren o uveler alors auprès de ce prince l ’ insidieuse proposition de 1 aider a se rendre in d épen d an t; et sa m ort im p ré v u e , si violem m ent suspecte de p o iso n , calm er dans ce m êm e temps les alarm es de l ’ im pératrice. A pres cette m o rt, et pendant la prem ière cam pagne , le sceptre ava it été confié à uit

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34 h i s t o i r e

fav o ri du v isir, égalem ent inconnu aux T artares et aux T urcs j et pendant tout le cours de cette cam p agn e, l’horrible indiscipline des troupes ottom anes, dont les T artares avaient constam ­ m ent été les victim es, avait achevé d’ ulcérer leu r nation- L es T u r c s , euvoyc's pour defendre la C rim é e , s’y étaient liv rés à toutes sortes de b rigan d ages, et le long séjour de la grande arm ée ottom ane dans les environs de ben d er, y avait détruit toutes les habitations tartares. D ans ces dispositions g é n é ra le s , les Russes par­ vin ren t enfin à saisir le fil de quelques intrigues, dont le succès encore incertain allait être su­ bordonné aux succès de leurs arm es.

L e s deu x armées russes se m irent en m ouve­ m ent à la fin de ju in i/ 'jo . L ’ une, des frontières

de P o lo g n e , ou elle a va it h ive rn é , s’ avança en M o ld avie pour em pêcher l ’arm ée ottom ane de passer le D anube , et couvrir par cette position les sièges que l’autre arm ée allait entreprendre. (Celle-ci s’ avança de la N o u velle-Servie dans la M o ld avie ta rtare, afin de s’ y em parer des villes fo r t e s , gardées par des garnisons turques. C e que les T artares eux«m êm es a vaien t tant de fois p ré d it, sur le danger dont les fortifications de la N ouvelle Servie m enaçaient l’E m p ire ottom an, et sur le danger non moins grand de laisser les

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D E P O L O G N E . 33

Ktisses subju guer la Pologne et se fra y e r un double passage vers cet empire , fut alors vérifié par la m arche instantanée de ces deux arm ées. C a th e rin e , dans l’ivresse de sa présomption, avait d ’abord eu d ’ autres desseins. E lle a va it conçu le projet tém éraire d ’e n v o y e r ses arm ées au-delà du D an u b e, et de les faire m archer directem ent vers C o iistan tin o p le, sans prendre gard e qu’ elles eussent laissé derrière elles ces nom breux essaims de T a rta re s, q u i, depuis les em bouchures de ce fleuve en rem ontant vers le nord et en suivant la côte de la m er N oire, erraient alors dans ces vastes plaines, et auraient p u , au m oindre revers des Russes, leur ferm er toute retraite et achever leur destruction. De plus Sages c o n se ils, et surtout ceux du roi de P ru sse , l’avaient ram enée à cet autre dessein, m oins éclatant et d’ une exécution plus sûre. T o u s les avantages qui d evaien t,résulter d ’ une entreprise directe contre le pays des T artares, a va ie n t servi de m otif ou de prétexte à la fac­ tion des m inistres russes pour em brasser ce d esse in , en opposition du projet d é fa ir e sou­ le v e r la G rè c e ; projet que tout le parti des favoris suivait dans le m êm e tem ps avec tant de bruit et d’o sten tatio n , et si peu de m oyens réels.

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L ’arm ée qui était destinée aux différens sièges, était com posée de trente m ille hommes de troupes réglées, et de trente m ille C o saq ues, Zaporoves et K alm oucks. E lle était com m andée par le frère du m inistre P a n in e , général peu connu à la g u e r r e , m ais ennem i déclaré de tout favori. L e crédit passager de son frère, sous E lisabeth , aisé­ m ent écarté d’auprès de cette princesse par d’autres f a v o r i s , et l ’ autorité de ce m êm e m i­ nistre sous le règne p résen t, toujours balancée par la faveu r d’Orlof, avaient entraîné le général dans ce rôle d’ opposition contre tout crédit qui dom inait auprès du souverain ; ce qui lui don­ nait dans cette cour despotique, une grande réputation de droiture, d’intégrité et de ferm eté, et le faisait passer pour un esprit républicain. Son arm ée , que les soins des m inistres avaient abondam m ent pourvue de tout ce qui pouvatt en assurer les succès, n ’é p ro u ve, en sortant des frontières Russes, aucun obstacle que la disette absolue de b o is , la disette fréquente d’e a u , les hauteurs escarp ées, les descentes rap id es, la p rofondeur des ravin es et les fanges des m arais; m ais ni T u rcs ni T artares n e cherchèrent à profi­ ter des avantages que le terrain leur eût offerts et du désordre où ces difficultés jetèrent sou vent l’armée russe pendant sa marche. Aucun ennem i

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DE. P O L O G N E . 3? ïie se présenta sur sa route. E lle entra ainsi clans la M o ld a vie T artare, nomm ée autrem ent la B e s ­ sarabie , ou le B u d z ia c , province située entre les em bouchures du B oristh eh e et les em bou­ chures du D a n u b e , cjui laissent entre elles u n espace de cinquante lie u e s , d ivisé en deux parties égales par le cours du fleuve N iester.

A son app ro ch e, les T artares reculèrent leurs

différens campemens. D a n s cette contrée bab i taient ceu x q u i, depuis quelques a n n é e s, se li vraien t au x tra va u x de l ’ agriculture. Us avaient récem m ent partagé en propriétés particulières ces grandes plaines qui' précédem m ent étaient des pâturages communs t leurs différentes tri­ bus. Ils vendaient leurs récoltes au x peuples voisins , amassant toujours et ne dépensant r ie n , vêtus des p eaux de leu r brebis , se nour­ rissant de la chair de leurs c h e v a u x , et du la it de leurs jum ens. D a n s 1* abondance de tout ce qui suffit grossièrem ent au x prem iers besoins de la v i e , ils ne retiraient encore de V agriculture

que le plaisir d’ un gain légitim e , sans avo ir abandonne , au m ilieu cle cette richesse non vc lle , leu r antique sobriété. Attachés â la bran- clie du Crim - G u e r a i, que leu r soulèvem ent a va it autrefois placé sur le trône, ils craignaient le nouveau lian, choisi dans la branche que leurs

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38 H I S T O I R E

révoltés avaient détrônée. Les séraskiets, qu’ ils a im a ie n t, venaient d’ être destitues. Us s’atten­ daient à l ’envoi d’autres seVaskiers, qui leur étaient encore inconnus. Aucun concert n’avait pu se form er entre eux et ces chefs. Il n’y avait non plus aucun concert form é entre eux et une garnison étrangère dans ces clim ats, venue des bords de l ’ E uphrate pour défendre B en d e r, et q u i, sans liaison dans les contrées vo isin es, ne songeait qu’ à vaincre ou m ourir dans les rem- parts où elle était enferm ée. Panine leu r avait e n vo y é de secrets ém issaires; et ceu x-ci, sui­ vant l’ usage asiatique conservé chez ces T artares, abordant les chefs de trib us, des présens à la m a in , leur dirent ,, que les Russes faisaient la „ gu erre aux seuls T u r c s ; que la czarine „ voulait rendre aux T artares leur ancienne „ indépendance, et la libre élection de leurs „ k a n s ,‘ que s’ ils ne s’ arm aient point contre les „ R usses, les Russes ne com m ettraient contre „ eux aucune h ostilité; qu’au lieu de ravager „ leurs ch am ps, d’ enlever leurs moissons et s? d égorger leurs bestiaux , l’ arm ée Russe achc* „ t e r a it d’eux tous ses viv re s, et qu’ ils avaient * „ à choisir entre leur fortune et leur ru in eu.

On confiait à chaque c h e f en p articu lier, que la plupart des autres avaient déjà prêté l ’ oreille

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D E r o L O C H E , 39

à ces propositions ; et une des plus grandes habiletés de celui qui conduisait ces intrigues, fut de sem er la défiance entre ces fam illes - errantes et dispersées. Par une singularité re ­ m arqu able, c’était ce m ême l a r t a r e q u i, dans un dessein bien opposé, avait fait éclater la guerre entre les deux em pires, ce m êm e Yacou- icaga que nous avons vu a ttire r, dans la petite ville frontière dont il était go u ve rn e u r, une incursion des R usses, en accroître le désordre, et m e ttre , de sa propre m a in , le feu à sa ville, afin de rendre irréparable cette violation du territoire ottoman. C e T a r t a r e , sans noblesse et sans fo rtu n e , issu d’ une horde étrangère par­ la it, com m e sa langue n a tu relle , toutes les la n ­ gues de ces contrées î toujours m clé dans les plus im portantes affaires de ce p a y s , toujours e m p lo yé , pendant le règne de C rim -G u e ra i, soit dans les provinces russes, soit dans les pro­ vinces polon aises, pour en reconnaître la situa­ tion , espion adroit et a u d a c ie u x , ayant traité avec tous les hommes en place dans ces pro­ v in c e s, parvenu à se faire choisir pour secré­ taire interprète du k a n , enveloppé ensuite dans la disgrâce de son m aître, d ev en u , en allum ant cette g u e rre ,5 l’ instrum ent de son rap p el, et, par la constante faveur de ce p rince, toujours

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o H I S T O I R E

accrédité auprès des tribus «le la Bessarabie y

qui avaient été ses tribus favorites. .Le bruit que lu i seul était 3’ auteur de cette guerre géné­ ralem ent odieuse au x T u rcs et entreprise sous de m alh eu reu x a u sp ice s, com m ençant à se ré ­ pandre, il sentait qu’ il avait tout à craindre de leu r ressentim ent. J.1 n ’a va it trouvé aucun accès auprès du no u veau k a n , ennem i de la branche a laquelle il s’ était donné. S ’il avait toujours été Jidèle à son prém icr m aître, il n ’ a va it réellem ent aucune patrie ; et, toujours près d’a rriver à une haute fo rtu n e , toujours renversé de ses espé­ rances, il em b rassait, sur scs v ie u x jo u rs , avec une nou velle a rd e u r, en se donnant a u x R u sses et en travaillant à la défection des T a rta re s , 1 ’ espoir d’ une élévatio n qui lu i avait si souvent échappé.

L ’ année russe n ’ éprou va donc aucun retard ni rnéme aucune inquiétude dans sa m arché, ju s­ qu’ à la v u e de B e n d e r , q u e lle venait assiéger. E lle lit un grand détachem ent pour cou vrir son flanc gauche, m asquer la v ille d’ O czakof qu’ elle d evait assiéger e n su ite , et contenir les T artares de Crim ée. C eu x-ci, au nombre de cinquante m il­ le , rencontrèrent ce détachem ent à la sortie de leur p resq u ’île. L e nouveau kan était à leur tête. H s’ était rendu directem ent de Constantinoplc en

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Crim ée. L e s R u sse s avaient eu soin de publier dans l ’ E u ro p e e n tière, par tous les organes qui leu r étaient vendus , qu’ils étaient entrés en né­ gociation avec lu i; et ce bru it reven an t de tou­ tes parts au x T u rcs , les a va it mis en défiance contre uir prince q u i les servait avec fidélité. I l repoussa le détachem ent russe, et prenant par le B a s-N ie ste r, su ivi de scs cinquante m ille T a r ­ tares , il traversa ce fleuve à la n a g e , et se re n ­ dit dans la M o ld a vie turque pour faciliter a l ’ arm ée ottom ane, qui devait ve n ir au secours de B en d e r et des autres places assiégées, le pas­ sage du D a n u b e , et se joindre à cette année.

.L’investissem ent de B en d er fu t form é, le 16

ju ille t, après que les R u sses eurent repoussé dans les faubourgs la garnison qui se porta avec une extrêm e bravoure contre les troupes avan ­ cées, et qui avait d abord obtenu quelque av an­ tage. B e n d e r , ainsi n o m m é, d on. mot turc qui signifie passade, et qui se nommait autrefois

T iz è n e , est bâti dans un coude que form e le fleuve N iester, et où il est facile de le traverser- U n e ancienne vo ie ro m ain e, qui conserve en­ core de nos jours le nom de voie trajane, et qui part en eflet du pont que l’ em pereur T ra jan avait construit sur le D a n u b e , vien t se term i­ ner, après avo ir traversé toute la M o ld a v ie , a ce

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passage du fleuve N ie ste r: ce qui paraît ind i­ quer cette ville com m e l’ancien séjour d’ une co­ lon ie rom ain e, ou du moins d’ une légion éta­ blie dans ce lie u , que son assiette re n d . propre à la dci’ense de toute la contrée. U n vieu x châ­ teau de pierre occupe le centre de la ville. T o u t le reste est bâti en bois. L e s fortifications, m al-entendues et dirigées p ar des ingénieurs ig n o ran s, avaient été réparées des le com m en­ cem ent du régne a ctu e l, et mises dans le m eil­ leu r état dont elles fussent susceptibles. Les m unitions de guerre et de bouche y étaient en abondance ; et le sultan ava it pris soin d’y faire p a s s e r, dès la fin de la cam pagne d ern ière, un nom breux corps d ’ A ra b e s , d’ une fidélité et d ’ une bravoure éprouvées. C e s étrangers conte­ naient les jan issaires bourgeois de c e tte ville, que la crainte d’être em portés de vive force, de voir leurs m aisons écrpsées sous les bom bes, leu rs cam pagnes ru in é e s, leurs fem m es tom bées au p ouvoir du vain queur, aurait pu engager à se rendre. C eux-ci, en effet, étaient entrés en in ­ telligen ce avec le général ru s s e ; m ais le jour que leur sédition é cla ta , les Russes ne se trou­ vèrent point en ctat de l ’ a p p u y e r , comme ils l ’a vaien t prom is. L e s m utins furent hachés en pièces par les A ra b e s ; et les R u sses apprirent

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D E f O L O G S E . 43

avec chagrin que pour se rendre m aîtres de la place, ils devaient l'assié g e r dans les form es. La peste était dans cette v ille , dont Us venaient

tenter la conquête. Beaucoup d’habitans en

avaient fui par la double crainte de la conta­ gion et du sicge. L e s m archands, tous ceux des bourgeois qui n’étaient pas ja n iss a ire s , s ’étaient retirés à O c za k o f, et la plupart des troupes, soit pour évitet !a con tagio n , soit pour se ren ­ ferm er d’ autant plus tard dans des ouvrages trop é tro its, campaient dans des retranchem ens hors des m urailles. U n grand nom bre de M o l­ d a ves, sujets du kan des T a rta re s, s’y étaient cependant je t é s , la plupart de connivence avec les Russes, et résolus de rep asser durant le sicge, pour apporter aux R u sses les nouvelles de tout ce qui se passerait dans la ville.

On attaqua et on se d éfendit des deux côtés a v e c une extrêm e bravoure, m ais ave c une égale ignorance dans l’ art d’attaquer et de défendre les places. L es R u sses envoyaient sur la ville beaucoup de b o m b es, dont la plupart éclataient ou s ’ éteignaient en l ’air. L eu rs boulers p assaient de l’autre côté de l’e n c ein te , et rerom baient dans l’autre partie de leur camp. L e s T u rcs ti­ raient non m oins inutilem ent sur les travail­ leurs. M ais les sorties étaient vives et

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meurtrie-44 H I S T O r i V E

rcff. L e s transfuges m oldaves domnant avis de to u t ce q u ’on préparait dans la p lace, chaque sortie était p révue par les assiég ean s, et ne de­ ven ait sanglante que par 1’ intrépidité des assiè­ ges. jDes troupes de fem m es suivaient toujours la g a rn iso n , arm ées de longs crochets pour at­ tirer à elles les cadavres dont elles enlevaint les têtes : et les combattons qui leur laissaient ce s o in , étaient animés au carnage par la certitude de la récom pen se, sans être distraits du com bat par le soin de se l ’assurer. X.es R u sses en avan ­ çant leurs tra n c iié es, se trouvèrent au m ilieu d 'u n cim etière rem pli de corps, fraîchem ent en­ terrés , et qui portaient tous les sym ptôm es de la peste. L ’ obéissance 1’ emporta sur 1’ épouvan­ te ; et la tranchée traversa ce cim etière. On ne

s’ aperçut pas que cet accident eut porté la con­ tagion dans ? arm ée. M a is elle ne tarda pas à sc m anifester parmi ces tranfuges m oldaves qui sortaient successivem ent de la ville ; le soin qu’ on

a va it e u , par la m éfiance d’ une double trahi­ s o n , de leu r assigner des quartiers éloignés du camp , servit à rallentir ce funeste progrès. Pend an t que le fléau qui désolait la ville assié­ gée , com m ençait à environner les assiégeans, on apprit que 1’ arm ée ottomane avait réussi à passer le D an u b e, et que la seconde armée russe

Obraz

table  force.  D e  gouvernem ent  britannique  rap­
table  cause ;  et  la  plupart  n’a va ie n t  cédé  à  la  violence  qui  leur  ava it  imposé  un  tel  roi,  qu’avec  la  résolution  de  saisir  et  de  chercher  toutes  les  occasions  de  le  précipiter  du  trône
table  arm ée  qui  fû t  alors  en  E u ro p e ,  et  amassé  un  trésor  au  m ilieu  de  la  ruine  générale  de  tous  les  autres  so u v erain s;  il  lui  dem ande  s’il  fau t  ren o n cer,  pour  une  vaine  p rod igalité,  et  pour  de  futiles

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