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La Pologne et la catholicité

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LA POLOGNE

E T _ ■

LA CATHOLICITE

P A R HENRI LASSERRE D e u x i e m e e d i t i o n *

P A R I S

E . D E N T U , M B R A 1R E - E R 1T E U R | D O U N IO L , L 1B R A IR E -E R IT E U R P ala is-R n y al, 1 5 , galerie d'O rleans ! 29, rue de T ournon

1862

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LA POLOGNE

E T P A R HENRI LASSERRE D e u x i e m e e d i t i o n '

P A R I S

E . J IE N T U , L IB R A IR E - E D IT E U R j D O U N IO L , U B R A IR E -E D IT E U R P a la is-R o y a l, 1 3 , galerie d’O rleans I 2 9 , rue de T ournon

1862

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L A POLOGAE

E T

Les evenements qui se passent en Pologne depuis bientót une annee, et qui commencent a troubler si profondement la diplomatic des grands Etats de 1’Europe, preoccupent a un puissant degre la conscience de la Chreliente.

Ce vaste mouvement national qui s'accomplitla Croix a la main, qui se traduit par des processions, qui a pour chefs des eveques et non des generaux, qui n’oppose au massacre que des hymnes et des prieres, presenle au monde un spectacle qu’aucun age n’avait encore vu.

On regarde, on s’etonne, on admire, on s’alarme. Les bons et les mechants s’interrogent :

Cette patience qui va jusqu’a la mort, est-ce le Martyre ? Mais les martyrs ne s’inquietaient ni de nationalite, ni de politique;

Ce mouvement qui tend a 1’independance et a la liberie de la 1 La prem iere edition cle celle hro ch u re a ćte publice e t ep u isee b llo m e il y a quelques se - m aines. N ous la reim prim ons en F ra n c e sa n s cbangeinents n o ta b ies. N ous avons dii cependai a jo u te r quelques considerations sur ce rtain s faits ncuveaux qui s o a tsu rv e n u s en Pologne la publication de ce tra y a il d a n s la capitale de la C hreliente.

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patrie, est-ce la Revolution ? Mais la Revolution blaspheme, et les Polonais ne cessent de prier; la Revolution atfaąue, et les Polonais ne se defendent meme p as; la Revolution tue, et les Polonais se laissent tuer.

Qu’est-ce donc cependant que ces evenements etranges ? Qu’est-ce que celte ąuestion polonaise, que plus d’un croyait morte, et qui surgit tout a coup au milieu des affaires, deja si compliquees, du monde politique et du monde chretien?

Tel est le probleme que nous youlons etudier, telle est la cause que nous voulons instruire, d’abord devant la raison des poli— tiques, ensuite et surtout devant la raison Catholique, c’est-a-dire devant la raison de 1’homme, eclairee, epuree et vivifiee par 1’esprit meme de Dieu.

La conscience chretienne est juge en supreme ressort dans ces grands proces qui s’agitent parfois entre les peuples et les souve- rains. Elle seule est competente, elle seule prononce la decision de la justice et de la Yerite : les revolutions, dont 1’impiete de nos jours invoque a cbaque instant le sanglant arbitrage, ne donnent et ne peuvent donner que l’aveugle et ephemere solution de la force ou de la ruse.

La Conscience, ii est vrai, n’a pour faire executer ses arrets ni canon ni armees : mais elle a lc bras meme de Dieu, qui agit avee lenteur, qui agit dans le secret des choses, mais qui agit infailli- blement, et qui dirige les evenements vers le terme qu’il a marque. Avoir raison devant elle c’est etre assure du triomphe. Quelqu’un I’a dit avec une grandę verite : « Meme en ce monde, Dieu nest jamais vaincu : c’est toujours a Lui qu’appartient ledernier succes; et c’est la justice quigouverne le monde, quoique le sol de Fhistoire soit en quelque sorte couvert par le cadavre des justes immoles. » Examinons donc, en Chretien et devant les Chretiens, le solenne! debat qui s’agile presentement entre la Nation Polonaise et le Gou- yernement Russe ; examinons-le, quant au droit et quant aux faits, quant au fond et quant a la formę.

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I

La question de droit dans les affaires de Pologne peut etre con- sideree sous deux aspects diflerents :

Au point de vue du droit absolu, rien ne peut couvrir Tiniąuife du partage de la Pologne contrę leąuel 1’Eglise Catholiąue pro- testa des Porigine avec un si ferme courage, par la bouche de Cle- ment XIV et de Pie VI. La situation est toujours la meme, le temps n’y a rien modifie: contrę ce vol d’une Nation la revendication est eternelle. Le fait qu’on dit accompli n’est pas accompli pour etre dominant; il n’est que le fait brutal. Aucune de ses brutalites ne peut changer 1’esseuce des choses et rendre juste cc qui est injuste : sans quoi, pour legitimer lecrime, il suffirait de le commettre; sans quoi, pour se faire absoudred’un vol, la premiere condition serait de ne point restituer. Non ! non ! Piniąuite ne s’efface pas par les annees. C’est tout le contraire, elle s’aggrave et se multiplie en se prolongeant.

Au point de vue relatif de la diplomatie et des gouvernements, la question ne se resout pas aussi aisement, et le droit de la Pologne doit etre considere, non plus d’aprcs les principes superieurs et immuables de la justice, que tout le monde comprend, mais d’apres le texte des traites internationaux qui forment ce qu’on est conyenu d’appeler « le droit public Europeen »; traites qu’on invoquesouvent et dont fort peu de gens connaissent exactement les dispositions precises.

Quant au premier et au plus eleve de ces deux aspects de la ques- tion polonaise, nous n’avons a presenter aucune consideration : l’evidence ne se demontre point. Et d’ailleurs la conscience du monde cbretien pense, en I8G2, ce qu’elle pensait en 1772 et 1793, lors de la protestation du Saint-Siege. La conscience cbretienne participe en quelque sorte du caractere immuable du Dieu dont elle est l ’expression. La sagesse eternelle qui 1’inspire et qui

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lui montre la yerite, la preserye de cette mobilite, signe de Fer- reur, qui fait changer d’un jour a Fautre les yaines opinions de Fesprithumain.

Nous youlons nous restreindre a demontrer que la Pologne est demeuree jusqu’ici dans le droit legał, dans le droit des traites et des concordats, et que c’est le Gouvernement Russe et non pas elle qui a yiole tous les pactes, toutes les conyentions et toutes les lois.

Remontons tout d’abord aux traites de 1815.

Nous examinerons ensuite plus specialement le cóte religieux de la question; mais il est necessaire auparayant d’en determiner bien nettement le cóte politique.

II «

Les trois grandes monarchies qui s’etaient jadis emparees de la Pologne etaientpreponderantes au Congres de Yienne; etelles pla- cerent les autres Puissances dans Falternative, ou de subir ce fait accompli, ou d’exposer le continent a une conflagration universelle. Toutefois, FEurope, forcee materielleraent de maintenir le partage, se sentit egalement forcee par le cri de la conscience publiąue, de faire dans son oeuvre injuste une part a la justice, et de donner, sinon dans Fensemble, du moins en quelques details, une certaine satisfaction aux droits imprescriptibles de cepeupleque, d’un autre cóte, on sacrifiait aux pretendues necessifes de la politique.

En acceptant ou en subissant le partage de la Pologne, FEurope ne voulut, ni liyrer entierement, ni livrer sans conditions, cette na- tion malheureuse aux trois Puissances co-partageantes.

Avant d’apposer sa signature au bas de Facte qu’il lui semblait impossible de dechirer, elle stipula, en fayeur desPolonais, diyerses

1 N ous em pruntons to u t ce p arag ra p h c !| un e publication intitulee : La Prusse et les Traites

de Vienne, d ans laąuelle n ous nous som m es p roposć d’etab lir, les te ste s officiels en m ain , la

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clauses destinees a sauvegarder leurs droits les plus necessaires, les plus legitimes, les plus sacres. Elle se resigna bien a placer la Pologne sous la dependance politiąue des trois maisons souveraines de Russie, de Prusse et d’Autriche; mais elle ne voulut nullement incorporer les proyinces polonaises a ces trois Etats, et ne preten- dit, en aucune sorte, aneantir, par une impossible fusion avec trois peuples differents, une nationalite de vingt millions d’hommes. Tout au contraire, elle exigea expressement pour ces provinces, une xie distincte, separee, nationale, pour employer le terme menie dont se servit le Congres. Elle consentit a briser 1’unite politiąue de la Pologne; mais elle entendit maintenir son unitę nationale et saiwegarder dans l’avenir la liberte civile de ses habitants, leur re- ligion, leurlangue, leur propriete, et, en un mot, tout ce qui, en dehors de 1’independancc politiąue, constitue la vie d’un pays. Dans la pensee du Congres, la Pologne devait cesser d’etre un Etat, tout en demeurant une Nation; ou plutót elle devait se partager en trois Etats distincts, mais cmlement federes, ayant chacun son autono­ mie personnelle, son gouvernement national, et meme son existence politiąue sous le sceptred’un souverain etranger.

Telles sont les conditions au prix desąuelles 1’Europe consentit a accepter le partage de la Pologne. Elle le modifia profondement, et par une distinction, toute diflerente, des territoires, et par la creation d’un droit public specialement stipule pour les proyinces polonaises, leąuel droit public devait etre comme leur cliarte et leur constitution garantie par 1’Europe.

La Russie s’engageait particulierement a former de cette partie de la Pologne qu’elle recevait du Congres un Pioyaume separe, jouissant d’une constitution distincte et administre par ses na-

tionaux.

li t

Ce seul expose demontre que le Gouvernement Russe a viole, dans Pesprit et dans la lettre, toutes les stipulations du grand traite Europeen de 1815.

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a-t-elle ete, meme pour un seul jour, pleinement executeef Ou est maintenant, ou est depuis plus de trente annees cette constitution elle-meme? Ou est radministratioń par Ies nationaux? Ou est la librę communicalion commerciale entre toules les provinces de 1’ancienne Pologne, garantie par Part. 14 de 1’Acte generał de Yienne? Ou est surtout, ou est la plus sacree de toules les libertes, la liberte d’etre Catholiąue? Tous ces droits, garantis par les traites, sontfoules aux pieds par la Russie : le monde entier en est temoin.

La-dessus les diplomates de Saint-Pelersbourg s’ecrient que la Pievolution est en Pologne. Et, en un point, ils ont raison.

Oui, depuis bienlót un demi-siecle il y a contrę le droit legał, contrę le droit public, contrę le droit des traites, une revolution et une revolte permanente en Pologne. C’est la revolle du Gouver- nement Russe qui \e u t briser par la Yiolence ou la ruse la cliarle solennelle que lui a imposee PEurope. Yoila le fond meme de la question. La Russie viole les clauses des contrats Europeens; la Pologne demande qu’ils soient respectes. De quel cóte tombe donc le reproche de se placer dans une situation revolutionnaire et Paccusation de sortir de la legalite?

Pour s’auloriser a tout Yioler, le Gouvernement Russe invoque Pinsurrection polonaise de 1830. Ce pretexte, fait pour tromper les esprits inattentifs, est un mensonge de la Russie, et ne pourrait d’ailleurs changer Petat de la question. D’un cóte, la constitution duroyaume de Pologne etait deja violee dans tous ses articles avant 1830, et c’est precisement a cause de cette infraction au pacte commun, longtemps et inutilement inyoąue par les Polonais, qu’a eu lieu le soulevement. Et, d’autre part, le fait des Polonais ne pouyait liberer la Russie des engagements qu’elle avait pris et des traites qu’elle aYait signes, non aYec eux, mais aYec PEurope. Tout au plus, Pinsurrection aurait-elle pu fournir au GouYernement Russe un motif pour demander aux autres parties contractantes de reviser ensemble les Traites; mais, en aucun cas, elle ne lui donnait le droit de s’en affranchir de sa propre autorite.

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La constitution une fois abolie, et les slipulations des traites de Yienne mises completement a neant, les Russes songerent que, malgre la terreur qu’ils inspiraient alors au continent, la conscience publique avait lesyeux sur eux, et qu’ilsnepouvaientlaisser ainsien face de 1’Europe, officiellement et indefiniment, la Pologne sous 1’arbitraire de la soldalesque.

Apres avoir traite la nalion en pays conquis, apres avoir trans- porte tout un peuple de pretendus coupables en Siberie, apres avoir conflsąue le patrimoine de milliers de familie, la Russie publia donc, avec grandę ostentation, un Slalut organigue pour le royaume de Pologne. Dans cette espece de constitution qui etait la violaiion la plus flagrante de 1’Acte de Yienne, FEmpereur supprimait le titre de seconde capitale donnę a Yarsovie, remplaęait le Vice-Roi par un Lieutenant, changeait les minisleres en commissions dependantes des minislres de Saint-Petersbourg, abolissait Farmee Polonaise; ordonnait que les jeuncs gens soumis au recrutement fussent incor- poresdans Farmee russe, interdisait le costume national, etc., etc. : mais, en meme tcmps, ce « Statut » assurait au pays une certaine autonomie; et quelques libertes des plus necessaires etaient laissees aux Polonais. On devine combien avait du etre restreinte cette part de liberie, puisque ce codę politique etait Foeuvre de 1’empe- reur Nicolas, de Fempereur Nicolas, irrite par une revolulion qui avait un instant triomphe.

Eh bien! des dispositions un peu favorab!es de ce « Statut orga- nique, » aucun article n’a ele encore execitle.

C’est le temoignage irrevocable et textuel du conseiller d’Etat russe Tymowski dans son rapport officiel a Fempereur Alexandre, en datę de 1801.

Quel a donc ete le regime du royaume de Pologne depuis 1830 jusqu’a present? L’etat de siege le plus rigoureux et pas autre chose; Fetat de siege exerce par les Cosaques.

Encore une fois, qui est hors de Yetat legał? qui est revolution- naire, ou de la Pologne qui reclame qu’on execute les traites et les ois, ou de la Russie qui ne respecte ni les stipulations convenues

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avec 1’Europe, ni les statuts qu’elle a faits elle-mśme suiyant son bon Youloir ?

Certes, il est bon de demander aux peuples de demeurer dans la legalite; mais ne doit-on pas avoir la meme exigence vis-a-vis des gouyernements?

On embarrasserait singulierement ceux qui Yont criant partout que la Pologne se met hors de Fetat legał, si on leur demandait de montrer les aetes internationaux qui reglementent la situation de la Pologne et de faire Yoir les articles actuellement yioles par les Polonais. « Yioler Fetat le g a ł» ne veut rien dire, ou cela veut dire « Yioler la loi. » Or nous mettons au dęli le plus absolu de produire cette loi.

IY

Tel est, dans sa Yerite, Fetat de la question polonaise au point de vue politique. Nous avons voulu Fetablir clairernent, et debarrasser d’abord cette question des divers sophismes dans lesquels on essaie de Fenyelopper. Toutefois, la n’est point le but principal quo nous nous proposons. La Religion domine laPolitiquedetoute la hauteur qui separe le ciel de la terre, et au-dessus du droit de se posseder elles-memes, il existe pour les Nations un droit anterieur et supe- rieur, un droit imprescriptible, un droit qui est en meme temps un devoir, le droit de posseder Dieu; c'est-a-dire le droit pour tous ses membres d’etre Chretiens et Catholiques.

Or ce droit, le premier et le plus sacre de tous, est precisement celui quexiole le plus outrageusement le Gomernement Russe, dont la conduite rappelle en ce moment non-seulement les perseeutions des Empereurs scbismatiques de Byzance, mais encore les san- glantes immolations des Neron et des Diocletien.

En admcttant un instant toutes les raisons dc yindicte que le Gouvernement Russe ose alleguer; en admettant que, malgre la situation faite et garantie a la Pologne par FEurope reunie a Yienne, ce Gouvernement ait le droit de Iraiter cette Nation en pays conquis et de lui appliquer les plus dures lois des guerres barbares; en concedant tout, en un mot, dans le domaine politique, la question religieuse n’en resfe pas moins entiere.

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La conduite de la Russie vis-a-vis du Catholicisme ne se peut. justifier aux yeux de qui que ce soit.

La liberie de 1’Eglise catholique en Pologne a ele garantie au moment de tcus les partages par les declaralions solennelles et rei- terees des pnissances co-partageantes. Or, si Fon peut comprendre qu’a la suitę d’une insurrection on retire a un peuple telle ou telle de ses libertes politiques, il est absolument impossible de concevoir qu’on enleye a des Chretiens la liberie de leur religion, a titre de chatiment pour un crime quelconque. Cette idee monstrueuse ne pouvait venir qu’a une puissance scbismatique, au sein de laquelle la religion est avilie au point de ne plus etre qu’un simple moyen de gouvernement ou plutót de police. Que les Polonais fussent consi- deres comme crimincls et egares dans leur revolte, ou simplement comme infortunes dans leur defaite, le sens chretien ne faisait-il pas un devoir a la Russie de leur laisser, avant toutes choses, la pleine liberte de leur croyance et de leur culte? Si quelqu’un a sur- tout besoin de la vie religieuse, c’est le coupable pour revenir au bien, c’est le malheureux pour y puiser la patience de supporter ses douleurs.

Mais FEmpereur de Russie, avant d’etre un Gouvernement, est un Schisme. II est clief de secte, pontife de Ferreur, ennemi de 1’Eglise; il yeut non-seulement s’emparer injustement des terri- toires, ce qui est de la politique (de la politique paienne, il est vrai), mais il veut encore asseryir les consciences, ce qui est de la Religion.

Le Catholicisme respecte tous les gouYcrnements 5 et le principe d’autorite n’a jamais trouve d’appui plus solide que dans cette religion sainte, qui veut que Fon soit soumis aux maitres, meme facheux. Mais le Catholicisme est en meme lemps Fennemi absolu de Ferreur, parce qu’il est la verite eternelle : et voila pourquoi il est persecule, dans tous les siecles et dans tous les pays, par les souverains qui sont autre chose qu’un gouvernement, et qux representent, soit le paganisme, soit le schisme, soit Fheresie, soit quelqu’un de ces mille systemes que la folie de Forgueil pretend edifier. Si ces souyerains n’elaient que souYerains, ils ai- meraient FEglise, parce qu’elle consolide et affermitleur pouYoir;

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n

mais ils sont sectaires, et ils la haissent parce qu’elle condamne leur erreur, leur sysleme, Ieur orgueil; parce qu’ils la sentent plus forte; parce que, en un mot, elle est la verite et qu’ils sont le mensonge.

Jamais les premiers chretiens iFetaient entres dans une conspi- ration; jamais ils n’avaient manque a leurs deyoirs envers FErnpe- reur. On ne voyait point de sujets plus soumis ni de citoyens plus devoues. Et cependant, tant que le paganisme occupa le tróne, les chretiens furent immoles par millions sur toute la surface de Fu- nivers.

Quand les empereurs, sans etre paiens, furent schismatiques, la persecution recommenęa. C’est une histoire eternelle. Ce qui se passe entre le Gouvernement Russe et la Pologne n'en est que la continuation.

Si les Polonais sont persecutes dans leur religion, ce n’est pas parFEmpereur qui n’a rien a craindre du Catholicisme, c’est par le Pontife du sclusme qui se sent faible contrę la yerite. La puissance du souyerain est ici au seryice du sectaire.

Si donc quelqu’un est coupable de youloir meler et confondre en­ semble la Politique et la Religion, ce ne sont pas les Polonais, mais les Russes.

Les Russes font a la fois de la Politique un instrument religieux, et de la Religion un instrument politique. « II faut, disait Fempereur Nicolas, decatboliciser la Pologne pour la depoloniser. » Et, en s’exprimant ainsi, il ne presentait que la moitie de son idee et le commencement de son dessein.

Si la puissance du Czar est toute au seryice du Pontife schisma- tique, le Schisme a son tour seconde merveilleusement, en effet, non point seulement dans ses propres Etats, mais beaucoup plus loin, 1’ambition insaliable de Fautocrate. Voila Fidee tout entiere.

Le Schisme est comme le point d’appui et le pivot de la politique enyabissante de la Russie. C’est par le Schisme que 1’Einpereur qui se dit « orthodoxe » yeut gagner successivement tous les peuples slaves de FAutriche et de la Turquie; et ensuite, ayant deja pris ce deyeloppement immense, le bras au nord et le bras au midi,

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ehser-— 13 ehser-—

rer PEurope catholiąue jusqu’a ce qu’elle soit etoufflśe, et que Saint- Petersbourg remplace Romę. Voila le dessein eomplet <.

Or, par ou PAutocrate orthodoxe peut-il commencer Pexecution da plan formidable qu’il a conęu contrę la religion Catholique et contrę la liberie de PEurope, sinon par la Pologne, qu’il tient deja en sa puissance, qu’il gouverne par le knout et la baionnette, a qui il refuse toute vie, a qui il defend comme un crime de rever (c’est le mot officiel), de rever cette existence nationale que les traites lui ont pourtant garantie; par cette Pologne qu’il considere, en un mot, comme une vaste prison dont il est le geólier, et dont la porte ne s’ouvre que sur la Siberie?

L’accusation portee par la Russie contrę les Polonais, de faire de la Religion un instrument politique, ne pouvait, en de telles cir- eonstances, emaner que d’un Gouvernement qui, suivant Pexpres- sion d’un diplomate illustre, a eleve le mensonge a la hauleur d’une institution.

Jamais les Polonais n’auraient pu songer a faire de la Religion un instrument politique, et cela pour trois raisons bien manifestes :

D’abord, la religion Catholique a toujours ete, s’il est possible, plus cruellement et plus constamment persecutee en Pologne, que les tendances patriotiques elles-memes, comme le prouvent si bien les reclamations incessantes de la Papaute, et notamment celles que n’a cesse de faire depuis son ayenement notre Tres-Saint Pere Pie IX, et celles qu’enumerait deja le Saint-Siege en 1842, lorsqu’il prononęait cette phrase caracteristique, eternellement vraie en Rus­ sie : « On ne parait pas tant youloir punir dans les sujets le delit « de revolte, qu’accabler et eteindre la religion a laquelle ils sont « attaches. » Et, par eonsequent, la Religion aurait eu moins de facilite d’action que toute autre force nationale.

1 Ceci u’e st pas une vaine hypolhfese, c’e st dćj& de 1’h isto ire , h isto ire lam entable et te rri­ ble d o n t le m onde chretien conuall plus d’u a douloureux c h a p itr e !_ Au m om ent m ćm e ou no u s ćerivons, les R u th e n es G recs-U n is de la G allicie, depuis lo nglem ps travailles p a r la p ro p ag an d ę « orthodoxe » qui a hab ilem en t exploite a son pro fit le sou lev em en t m orał du p a js fi la suitę des m assacres de 1846, so n t p eu t-e tre b la reille de dev en ir sch ism atiąues et p a r su itę R u sse s, c’e s t- i- d ir e d’etre p erd u s religieusem cut p our l’£ g lise e t p o litią u em en t p o u r l’A u trich e.

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En second lieu, cette persecution terrible a reveille et porte au plus haut degre le sentiment religieux de la Pologne, l’exal- tant au point de lui faire comprendre et pratiąuer la resignation surhumaine des martyrs. Or, quand on croit en Dieu de la sorte, on ne cherche pas a avilir au rang d’instrument son nom sacre et sa religion sainte. Et, quant a murmurer le mot d’hypocrisie, qui l’o- serait? L’hypocrisie ne va pas jusqu’au martyre.

Enfln, et faut-il 1’ajouter? le passe tout entier de la Pologne pro- teste contrę une pareille accusation. Qu’on relise page par page sa longue et hero'ique histoire : de tous temps, la Pologne a sacrifie ses interets politiąues a la gloire de 1’Eglise. Aussi les souverains Pontifes 1’ont-ils constamment consideree comme l’avant-poste de defense et le rempart du Catholioisme. Jadis, lorsque cette nation etait debout et puissante, les annales de 1’Eglise nous montrent a cliaque instant les Legats et les Nonces de R.ome, courant en Pologne pour demander des secours contrę l’invasion de 1’Orient, tantót paien et tantót schismatique. « La Pologne, dit un ecriyain chre- tien, la Pologne etait catholique non-seulement en theorie, mais en fait. Elle voulait, par une yolonte qui ne se dementit jamais durant liuit siecles d’existence, etre, en tant que nation, enfant soumis de 1’Eglise, et fidele au point de preferer toujours le bien de la Chre- tiente au sień propre. Elle le prouva lorsque Ilenri, lils de sainte Hedwige, refusa de se soumettre aux Tatars, et s’en alla avec ses cheyaliers chercher une mort certaine pour arreter la hordę de Batu-Khan qui se ruait sur 1’Europe : lorsque, sous ELienne Batory, elle deposa ses armes yictorieuses en Russie, sur un simple desir du Saint-Siege, qui esperait, par ce bienfait, ramener le Sehisme a 1’unite : lorsqu’a 1’heure du danger elle enyoyait ses troupes a la maison d’Autricbe contrę les protestants, bien que cette maison, redouteede tous, fut pour son independance un danger permanent: lorsqu’elle deliyrait Yienne par le sabre de Sobieski; et tant et tant d’autres fois encore. Son histoire, si pleine des fautes indiyiduelles des Polonais contrę leur pays, fut, sous le rapport du deyouement le plus entier a 1’Eglise, irreproehabie jusqu’a la fin. Meme au dix- huitieme siecle, malgre le debordement generał de corruption, quand la France, qu’elle aimait cependant a prendre pour modele,

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croyait commencer une ere de gloire et de bonheur en inaugurant le culte de la deesse Raison, la Pologne basait sa regeneration sur la confession de sa foi, en inserant comme article fondamental de la Constitution du 3 mai 1791 que la religion catholiąue demeure- rait a jamais religion de FEtat. Le devouement a 1’Eglise a toujours ete le but haulement avoue de l’existence de la nation, sa raison d’etre dans la conscience publiąue. Cela s’appelait yulgairement

stuzye chrzcscijanslion, seroir la Chrśtiente, et se pratiąuait dans la

direction de la politiąue exterieure, la Pologne regardant comme un saint devoir de se poser en barriere infranchissable contrę le Mahometisme et contrę le Schisme. La noblesse, si ombrageuse, si impatiente du moindre joug, s’inclinait cependant a\ec amour sous la boulette du pasteur des pasteurs; Ies demeles, les luttes avec le Saint-Siege, qui souillent 1’histoire des autres peuples, n’eurent jamais lieu en Pologne, car les velleites d’usurpations sur les droits de FEglise de quelques-uns de ses rois, ou d’orgueilleuse reYolte de quelque parli gangrenę par les idees de FOccident, etaient bientót reduites a neant par le poids de 1’opinion generale. Organisee des 1’origine par les Ev6ques, auxquels elle dut sa civilisation primitive, sur le principe de fideiile aclive envers FEglise, la Pologne ne s’en ecarta jamais. »

Un tel passe sert de commentaire et de certificat au present; un tel passe pour le cas oii la Providence rendrait un jour a la Pologne son rang parmi les nations, un tel passe est aussi le signe prophe- tique du role qu’elle remplirait dans l’avenir, et qu’elle aurait sans doutc rempli dans les temps actuels, si les temps actuels ne Feussent trouyee sous le joug etranger.

C’est le souvenir de ce passe, c’est le spectacle de ce present; c’est peut-etre aussi le pressentiment de cet avenir qui olfensent certains liberaux modernes; c’est lii ce qui les porte a une secrete hostilite ou a une inimitie declaree contrę la nation polonaise. « La Pologne, a dii recemment Fun d’eux, le trop celebre Proudhon, la Pologne est le dernier et le plus solide bouleyard du Catholicisme, et a ce titre, si elle cxistait encore comme Nation, il la faudrait supprimer. » Erudimini qui judicatis lerram!

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le mai, » et la phrase de ce politiąue sauvage qui propose de sup- primer une Nation Catholiąue, il y a unitę absolue.

La haine de Timpiete ne se meprend pas sur le caractere du mou- ■yement polonais. L’amour maternel de 1’Eglise et la clairvoyance du sentiment Catholiąue ne s’y trompent point non plus.

Y

On insiste pourtant, et, en presence de ce mouvement, une mul- titude d’agents russes et peut-etre nieme ąueląues hommcs de bonne foi s’efforcent de demontrer ąue les Polonais « eombattent aujour- d ’hui par la religion pour leur nationalite; » et cela parce qu’on les voit lutter en ce moment « pour l’une et pour 1’autre, ce qui est bien d ’une absolue necessite, puisąue le Czar epuise en ce moment sa puissance a les etouffer toutes deux.

Si le Gouvernement Russe ne cherchait a detruire que la natio­ nalite, on ne defendrait que cette derniere; si au contraire le pays, au milieu d’institutions nationales, avait a subir une persecution purement religieuse, c’est sa religion seule qu’il defendrait. Mais, le Gouvernement Russe voulant detruire ensemble, et a la fois, et l’une par 1’autre, la religion et la nationalite, la Pologne est bien obligee d’accepter la lutte dans les conditions ou on la lui presente, et d’unir dans la defense ce que la Russie unit dans Pattaąue.

— « N’importe! ajoute-t-on, les Polonais parlent plus de religion quede nationalite, et celanepeutetrequ’unmasque.» — Oui, certes, une telle accusation pourrait avoir de la portee contrę des gens qui ne feraient de la religion qu’une affaire secondaire ; mais, pour ceux- ci, elle a toujours ete 1’affaire principale, et ils n’ont jamais, nous venons de le voir, compris leur histoire autrement. Quel que soit en ce monde leur amour profond pour la palrie terrestre, ils estiment a un plus liaut prix la patrie eternelle; et ils la defendent avec un plus inebranlable courage, et aussi, ne craignons point de le dire, avec une plus certaine esperance. L’experience leur a appris que

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les Puissances qui devraient, au nom des traites, maintenir les droits de la Pologne et lui servir d’appui contrę ses oppresseurs, se sont jusqu’ici peu inquietees des maux qu’elle souffre et l’ont laissee se debattreaux mains de ses bourreaux. Mais ces Polonais, ces Catho- liques, savent en nieme temps et aiment a se repeter que le jugement de la Chretiente, que celui de tout homme ayant une conscience, n’est pas soumisa ces considerations, souvent si tristes, d’ambition, d’interet ou de peur qui dirigent trop frequemment, helas! la poli- tique des gouYernements lnimains. Ils savent qu’ils ont pour eux tous les esprits Yraiment eleves et tous les coeurs Yraiment droits, tous ceux qui aiment la Justice et qui ont foi en Elle, sacliant qu’elle est, non pas une abstraction morte, mais un etre vivant et tout- puissant qui s’appelle Notre-Seigneur Jesus-Christ. Ils savent, en un mot, qu’ils ont pour eux toutes les ames catholiques aupres des- quelles le malheur n’est pas un titre de moins, mais au contrairc un titre de plus. Yoila ce que sait la catholique Pologne. Yoila pourquoi elle est assuree que ses interdts religieux seront courageusement defendus dans 1’ordre morał par tout ce qui est cliretien en ce monde, tandis qu’elle ignore si ses droits politiques seront proteges dans 1’ordre materiel par les puissants de la terre, et que, sur ce point comme sur toutes choses, elle s’abandonne a Dieu.

VI

Le reproche que l’on fait a la Pologne relativement a ses doublcs reclamations religieuses et politiques se reproduit de cent faęons diverses: — « Pourquoi donc ne pas ceder sur la question nationale ; pourquoi ne pas se borner a demander les droits religieux? Pour- quoi tout vouloir? s’ecrie-t-on. Pourquoi meler le sacre au pro- fane P » — Pourquoi ? mais parce que le sacre a son cote profane, comme 1’ame a son corps, comme toute substance a sa formę, comme la Religion a 1’Eglise. C’est la condition memc de la vie ici-bas.

Du reste, ce n’est pas d e Y a n t le monde Catholique et conservateur

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qu’il faut decharger la Pologne de ces vaines accusations dont les ennemis de la verite sont si prodigues, de notre temps, sous toutes les latitudes. Le Saint-Siege ne subit-il pas lui-meme de semblables ealomnies? ]N’a-t-on pas dit que le Saint-Pere fait descendre la question peligieuse dans 1’arene de la politicjue, parce qu’il veut conserver sa Souverainete, sa propriete, son independance, son do-, maine temporel, en un mot, qui lui est, sinon dogmatiquement, du moins moralement et rationnellement necessaire pour le sou- tien et l’exercice de sa Papaute spirituelle? N’a - t - o n pas crie dans tous les carrefours demagogiques et dans tous les cabinets anti-chretiens qu’il fait le malheur de 1’Italie parce qu’il ne veut pas cederP... Que repond-il cependant a toutes ces clameurs de la Revo- lution? Precisement ce que nous repondons nous-memes aux argu- ments du Schisme russe. L’erreur et la \erite sont absolument les memes sur les bords de la Yistule et sur les rives du Tibre.

De meme qu’ausommet de la Chreliente la souverainetepolitiquo est necessaire au chef de 1’Eglise pour qu’il puisse exercer librę— ment, ababri del’arbitraired’un roi ou d’un empereur, son devoir de Papę yeillant sur la doctrine, son devoir devoir de Pere veillant sur les enfants ; de meme, dans le vasle troupeau confie aux soins de ce Pasteur supreme, 1’independance politiąue est necessaire aux peu- ples, membres de la Catholicite, pour qu’ils puissent exercer librę— ment, a 1’abri de 1’arbitraire d’une autre nation, leurs devoirs de fideles croyants et de fds de 1’Eglise. La sourerainete politiąue garantit seule pour le Pontife la liberte de gouyerner les fideles ; 1’independance politiąue garantit seule pour les Nations Catho- liques la liberte d’etre soumis au Pontife, la liberte d’ctre soumis a Dieu.

Etre souyerain, c’est pour le Papę l’unique moyen d’etre libro dans l’exercice du pouvoir chretien ; etre independant, c’est pour les peuples 1 u iiquc moyen d’etre libres dans l’exercice de 1’obeis- sance.

La liberte du corps est necessaire pour l’exercice exlerieur de la liberte de Vame.

Cela est vrai pour le chef, cela est vrai pour les membres ; cela est vrai pour les inuividus, cela est vrai pour les nations.

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Certes, nous savons que ceci n’est pas d’une necessite absolue, et que Dieu peut permettre qu’il en soit autrement.

Le Papę peut ne pas etre souyerain ; mais toutes les fois qu’il ne l’a pas ete, il s’est trouve en butle a la perseculion, et n’a exerce son droit de Pontife supreme qu’au prix d’un martyre tantót san-

glant, tantót plus ou moins deguise.

Les peuples catholiques pemenl demeurer catholiąues sans etre politicpiement indópendants; mais toutes les fois qu’ils ont ete po- litiquement sous le joug etranger et surtout sous le joug du paga- nisme, du schisme ou de 1’heresie, ils ont ete persecutes et n’ont exerce leur droit de catholiquesqu’au prix d’un martyre tantót san- glant, tantót plus ou moins deguise.

Les deux questions sont idenliques. 11 n'y a pas une raison qui s’applique a l’une sans s’appliquer aussi a 1’autre.

Or, si j pour le chcf comme pour les membres, c’est par le martyre qu’a ete conquise la liberie chrelienne; si le martyre en est encore et toujours la derniere ressource et l’inviolable sanctuaire, qui ose- rait dire que cet etat de souffrance, de peril et de lulle est 1’etat nor- mal et 1’organisation meme de la societe catholiąue, l’etat normal dala liberie du Pasteur, 1’etat normal de la liberie des Fideles?

Nous croyons que ces choses sont yraies partout, mais elles sont certainement yraies en Pologne, ou la cause de la Nation et celle du Catholicisme sont trop etroitement unieś pour pouvoir ólre jamais separees. La Pologne ne peut ni exiger les libertes nationales en abandonnant sa religion ; ni, comme le conseillent quelques chre- tiens timides et ignorants de la queslion, parler de religion sans reclamer en meme lemps, du moins dans une certaine limite, la vie politiąue, c’est-a-dire cette existence nalionale qui, au point de vue des traites, est Yćtal legał de la Pologne, lequel etat legał est mensongerement remplace j>ar ce systeme d’oppression, d’arbitraire et d'asservissement que la Piussie se plait a decorer devant 1’Europe du nom de legalite.

Ceidcs, ce n’est pas la conscience de 1’Europe cathaUqqe qpju-; exigera de la Pologne une abdication nalionale qui ferait une ; aposlasie, une apostasie lbrmelle quant au fond, quoiqu^iirdirećte quant a la formę.

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Nous reyiendrons a celte ąuestion de legalite. C/est sur cetle ąuestion qu’insiste le plusie Gouvemement Russe 5 et nous ne nous- lasserons pas de le refuter et de le poursuivre dans tous les so- phismes derriere lesąuels il pretend abriter les actes epouvantables qu’il co mm et en Pologne.

V II

Certaines personnes font un crime au Clerge polonais d’etre, comme on dit, dans le mouYcment, d’y tenir la premiere place et d’en avoir pris la direction.

Prefererait-on que ce Clerge eutlaisse le mouvement alui-meme, sans prendre ii lacbe de le prescryer de tout exces reyolutionnaire et de le maintenir dans les yoies, admirablement pacifiquese( absolu- mentcbreliennes, qu’ila gardees jusqu’ici? Prefererait-on,d’un autre cóte, que ce Clerge fut reste spectateur froid et indiflerent de ces yastes massacres deChretiens en prieres, executes a tantde reprises diflerentes depuis le mois de feyrier dans les rucs ou sur les places, ctjusque dans les Eglises de Yarsoyie? Fallait-il attendre, pour eleyer la yoix, que les Catboliques Romains de la Pologne eussent subi le sort des Grecs-unis? Fallait il attendre que, comme alors, des tćmoins, ou plutót des marlyrs, yinssent apprendrc a la Chre- tiente que cette partie de 1’Eglise catbolique qui existait jadis en Pologne ayait ete par la yiolence precipitee en masse dans le schisme ?

Non ! non ! ce dernier malheur etait un enseignement trop recent et trop douloureux pour qu’on leput oublier, et leyrai role du clerge est celui-la meme qu’il a rempli. II devait, comme il l’a fait, se dresser debout la Croix a la main pour defendre FEglise yiyante, et non point apparaitre apres la lutte terminee, pour enseyelir FEglise morte. Les speculateurs qui jugenl les questions morales au point de yue de la liausse ou de la baisse, peuyent avoir un autre avis et donner un autre conseil; mais la conscience Calholique ne peut qu’applaudir a la conduite du clerge de Pologne, et la Chretiente tout entiere que s’en glorifier et s’en rejouir.

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Contrę le Clerge, de meme que contrę les citoyens, on fait en- tendre 1’eternelle accusation, sous formę d’eternel conseil: « Que le clerge du moins ne sorte pas de la voie legale! Qu’il respecte la legalite et pour Iui-meme et pour la nation !... » Mais, encore une fois, la legalite ce sont les traites, la legalite c’est le Concordat de 1847, la legalite, c’est avant tout la loi de Dieu qui ne permet pas a un clerge Chretien de se soumettre aux prescriptions du Schisme persecuteur, aux ordres du senat ou du synode russe, a ces ordres mortels pour le Catholicisme, contrę lesquels FEglise elle-meme ne cesse de reclamer par 1'auguste voix de son Clief!

II faut bien se penetrer de cette verite sur laquelle les Russes voudraient jeter un voile epais; c’est que la situation ne datę pas des evenemenls de cette annee, mais qu’elle remonte a 1’origine meme de la domination russe en Polognc. Pour ne pas aller au dela de la periode contemporaine, la persecution constatee tout recemment avec tant de douleur et d’eloquence dans le Bref admirable adresse par Sa Saintete a Mgr Fijałkowski, Archeveque de Yarsovie, quel- ques jours avant la mort de ce saint prelat, la persecution du Catho­ licisme et des calholiques n’est aujourd’hui que ce qu’el!e etait il y avingt ans, lorsque Gregoire XVI prononęa la terrible allocution de 1842; que ce qu’elle etait il y a quatorze ans, lorsque notre Tres- SaintPere Pic IX, en signant le Concordat de 1847, deplorait, dans les augustes paroles qui en sont lc preambule, la guerre d’extermi- nation qui etait faite a notre sainte Religion dans les provinces polonaises par le Gouvernement Schismatique de la Russie.

La Russie in\oque la politique et le mouxement national pour justifier ses perseeutions religieuses et renyahissement des eglises. On pourrait la croire si elle persecutait maintenant pour lapremiere fois : mais le passe nous inslruit sur le present. II n’y avait aucune agitation nationale lorsqu’elle rasait la presque totalitedcscouvents; lorsqu’elle s’emparait d’une multitude d’eglises lorsqu’elle trans- portait en Siberic des milliers de pretres, convaincus d’avoir essaye de convertir les infideles, convaincus d’avoir empecbe quelqu’unede leursouailles depasserau Scbisme; convaincus d’avoir precbe sur la temperance, et organise des societes contrę l’ivro- gnerie. Ce sont la les crimes politiques du clerge polonais.

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Que, par impossible, le mouvement national cessat tout a coup et fut commenon avenu, voila la situation telle qu’elle efait aupa- ravant, et telle qu’elle serait encore desormais. Un clerge chretien, charge du salut des ames, doit-il se resigner a cette bassesse et a cette apostasie ?

Oui, certes, nous en convenons, et la chose est d’ailleursevidente, le mouyement national est en ce moment Yoccasion de la persecution religieuse qui a lieu en Pologne, de l’envahissement des eglises et de 1’emprisonnement des pretres 5 mais il n’en est pas la cause. Cette persecution, nous venons de le dire, etait anterieure au mouvement: elle est dans la naturę meme des Gouvernements Scbismatiques. Elle est inscrite dans les ukases et dans les lois de 1’Empire. En un mot, au point de vue de la Russie, 1’elal legał, c’est

la persecution.

La Papaute ne 1’ignore point, elle qui, au temps passe, lorsqu’un souverain de Russie se portait comme candidat au tróne de Pologne, ordonnait dans la Chretiente des prieres publiques pour conjurer le malheur d’une telle election.

La Papaute ne 1’ignore point, elle qui, au moment du partage, fit entendre non-seulement la prolestation de la conscience Calho- lique, mais encore le cri d’alarme du Pasteur qui voit la bete feroce s’e!ancer sur le troupeau.

Non! PEglise ne 1’ignore point. Tendre mere, elle a ressenti, une par une, toutes les douleurs de ses fils, les Chretiens de Pologne^ et, a vingt reprises ditTerentes, elle a eleve la voix contrę les per- secutions continuelles du Gouvernement Russe, persecutions moins terribles pourtant, en aucune epoque, que celles dont la Catbolicite tout entiere a en ce moment le doulourcux speclacle.

L’figlise ne se mepreud point sur ce que les Russes appellent « 1’etat legał.» Les gouvernements de la terre peuvent se contre- dire ou faillir a leurs traditions ; clairvoyants la veille, il peuvent etre ayeugles le lendemain; il n’en est point de meme de PEglise. Elle voit aujourd'hui ce qu’elle a vu hier ; elle ne devie jamais de sa ro u te ; son langage ne varie point; et sans s’inquieter des cla- meurs des meebants, sans s’effrayer de la puissance et de la rapa- cite de ces « loups deyorants, » dont parle Notre-Seigneur, elle

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ne se preoccupe que de la justice et de la verile, et elle continue, a 1’heure presente, l’oeuvre qu’clle a commencee dans les siecles qui ne sont plus, agissante et pourtant immuable comme Dicu mćme qu’elle represente, semper agens, sernper guietus.

VIII

Presentons cependant au lecteur un tableau rapide et fidele de cet « etat legał » que certains esprits, bien intentionnćs d’ail- leurs, conseillent de venerer avec un feticliisme si absolu. Pour ne pas remonter trop haut, il ne sera question que des lois et des ukases posterieurs au « statut organique » de 1832.

« Commenęons d’abord par citer le decret du senat dirigeant, du 10 mars 1832, par lequel il est formellement interdit de publier ou de recevoir, dans les Etats imperiaux, aucune espece deRescritou de Bulle Apostolique. Semblablement, d’apres un ukase presąuedu meme jour, les peines les plus severes sont remises en yigueur con­ trę les pretendus coupables qui travailleraient a des conversions du culte dominant a la Religion Calholique romaine. En outre, 1’ukase du 20 aout de la meme annee, confirme et explique par celui du 26 aout 1833, assujettitlaPologne aux lois en yigueur dans 1'cmpire russe, qui exigent pour les mariages mixtes, comme une condition absolue, la promesse formelle d’elever tous les enfanls a naitre dans la religion grecque; et, par ce meme ukase, il est dispose que de pareils mariages, contractes devant le seul cure catholique, doiyent etre regardes comme non \alides, jusqu’a ce que la ceremonie ait eu lieu devant le pretre grec russe.

.« Bien plus, un autre ukase de 1833, remettant en yigueur les ordonnances, depuis iongtemps tombees en desuetude, de l'impe- ratrice Catberine II, dispose, dans le but evident, et qui n’a ete que trop atteint, de supprimer un nombre immense de paroisses catho- liques, qu’il n’y aura desormais d’eglise et de pretre que la ou les catholiques formeront une population agglomeree de 400 habi- tants....

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« Citons encore Fukase du 28 mars 1836, par leąuel il est interdit aux pretres latins, soit d’entendre les confessions sacramentelles des personnes qui neleur sont point particulierement connues, soit d’admettre jamais de telles personnes a la communion eucharisti-que...Citons Fukase du mois d’aout 1839, quidefend, souspeine de destitution, a tous les ecclesiastiques catholiques des provinces orientales de 1’empire, de baptiser les enfants nes de mariages mix- tes, et, pareillement, d’admettre jamais a la communion quiconque a, une seule fois, participe au rit greeo-russe; un tel acte ayant la vertu, d’apres le gouvernement imperial, dincorporer a FEglise grecque ceux qui 1’accomplissent, de telle sorte qu’ils ne peuvent plus, en aucune maniere, cesser d’en faire partie.

« Citons 1’ordre souverain du 16 decembre de la meme annee, qui, remettanten yigueur plusieurs anciens ukases, interdit formel- lement de batir des eglises catholiques, si ce n’est en certains lieux et sous certaines conditions; qui limite le nombre des paroisses et le nombre des cures; qui enjoint aux membres du clerge catholique romain, tant seculier que regulier, de ne sortir, sous aueun pre- texte, de leur domicile, sauf dans certains cas rigoureusement de- termines; qui, entin, defend aux cures d’accorder jamais lessecours spirituelsaux habitants d’autres paroisses, n’exceptant de cette re­ gle que quelques cas particuliers, pour lesquels meme sont impo- sees diverses prescriptions. Citons le decret par lequel sont etablis de nouveaux reglemenls, et un nouvel ordre de justice contrę les personnes accusees d’avoir cherche a propager la religion Catholi- que au prejudice de la religion dominantę, et qui liyre a la merci des lribunaux criminels de Fempire les ecclesiastiques catholiques accuses de ce pretendu forfait; pendant que, d’autre part, des hon- neurs, des distinctions, des recompenses de toute espece sont pro- digues aux membres du clerge russe qui se sont efficacement em- ployes a obtenir la preyarication des catholiques.

« Citons la defense formelle, promulguee le 20 janyier 1840, de prononcer jamais a Fayenir le mot d’Eglise Grecque-unie, et de mettre aueun empeebement aux mariages entre Grecs russes et Grecs catboIiques, ayec la clause expresse et toujours en yigueur, que les mariages celebres en presence seulement du pretre catholi- que sont declares non yalides.

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« Citons encore Pukase imperial da 21 mars de la meme annee, qui deerete la conflscalion des biens contrę quiconque abandonnera la religion dominantę, sans prejudice d’autres peines etablies par les lois preexistantes; le tout accompagne d’autres prescriptions fort severes sur le meme sujet.

« Constatons, en dernier lieu, que, dans certains gouvernements de laLithuanie et de la Russie Blanche, il n’est pas permisaux cures d’exercer le grand ministere de la parole, de remplir le devoir sacre qui leur est impose de precher et d’instruire le peuple : la seule li­ berie qui leur soit laissee est de reciter successivement certains sermons approuves et determines. Dans le reste des anciennes pro- \inces polonaises, toute predication, avant d’etre prononcee, doit etre soumise a la censure de ce qu’on anpelleles doyennes. En eon- sequence de ces dispositions souveraines, des ordres du ministere des affaires interieures ont exile dans les districts de la grandę Rus­ sie, pour y vivre a demeure sous la surveillance la plus rigoureuse de la police, des pretres dont le seul crime est d’avoir exhorte leurs paroissiens respectifs a demeurer fermes dans la foi de leurs peres, sans avoir soumis a Pexamen prealable de la censure le texte de ces exliortations, etc., etc. »

Mais, dira-t-on peut-etre, tout cela est exagere! tout cela est faux! tout cela est impossible!...

Ali! qu’on se gardę bien de tenir un pareil langage! Ce serait un yeritable blaspheme; car les paroles que Pon vient de lirę ne sont point les nótres, ce sont celles du Saint-Siege Apostolique lui- meme, faisant entendre solennellement son infaillible voix a la Ca- tholicile. Ce tableau de la « legalite Russe, » c’est celui-la meme que, en 1842, le papę Gregoire XVI, de \eneree et sainte memoire, presentait au monde Chretien.

Or, dans les details de ce tableau, dans ces details navrants que nous avons reproduits, qu’y a-t-il maintenant de change? Rien, ab- solument rien. LeBrefde notre Tres-SaintPere Pie IX a Mgr Fijał­ kowski est la pour Pattester. 11 n’est ni moins expiicite, ni moins concluant que PAllocution de Gregoire XVI.

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IX

Revenons cependant aux faits d’aujourd’hui móme. Veut-on sa- voir (pour le cas ou, non content d’explicalions si claires, on tente- rait de chercher encore quelque disputc), veut-on sayoir comment le Gouvernement Russe entend ouvrir a la Nation et au clerge ces pretendues « voies legałeś, » dans lesquelles on conseille aux Polo- nais de marcher toujours?

Lorsque le dernier Lieutenant de 1’Empereur, le generał Lam­ bert, arriya a Yarsoyie, il annonęa officiellement qu’il etait muni de pleins pouYoirs pour ameliorer l’e(at malheureux de la Pologne et pour apporter a la siluation tous Ies remedes qui seraient juges ne- cessaires. Dillerentes proclamations apprirent a la Nation polonaise que toute demande serieuse, toute enquete presentee legalement serail acceptee et prise en consideration.

Sur cette assurance, et meme sur une inyilation expresse qui leur fut faite, Ies E\eques se reunirent; et, penetres des maux de leur Eglise, penetres aussi du devoir de leur charge, ils presente- rent au Lieulenant de 1’Empereur une adresse dans laquelle ils de- mandaient purement et simplement ce qu’avait stipule notre Tres- Saint Pere Pie IX dans le Concordat de 1847, et ce que, dans le preambule qui precede cetacte, il avait considere comme necessaire et de droit chretien. Quant a la question politiquc, les Eveques, se renfermanl absolument dans le domaine religieux, n’en disaient pas un seul mot.

Que fit le generał Lambert ? Des qu’il comprit de quoi il s’agis- sait, il s’emporta a la faęon russe, et refusa, malgre toutes ses de- clarations, d’accepter le document et meme de le prendre en main, declarant que cela depassait ses pouvoirs.

Et cependant il ne s’agissait ici que de Religion. Et cependant rien n’e(ait plus legał que cette demarche collective de 1’Episcopat, se rendant en corps cliez le represenlant du Souverain pour de- mander des libertes, non-seulement legitimes en elles-memes, mais encore cent fois promises a 1’Europe entiere et a PEglise catholique

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en particulier. Et si le generał Lambert ne se croyait point autorise a decider sur le fond meme de la ąuestion, ne devait-il pas du moins transmettre a 1’Empereur cette suppliąue des Evćques polonais ?

Le Gouvernement Russe est donc singulieremenl renu a parler des « voies legałeś » lorsqu’il accepłe de la sorte des moyens si eyidemment legaux.

Ce mot de « legalite » avec łequel ił essaie de tromper ła con- scienee du monde a servi, d’ailleurs, de tous temps aux persecu- teurs de TEglise. C’est au nom des « lois de 1’Empire » qu’on jetait aux betes de Tamphilheatre les Chretiens qui refusaient de bruler de l’encens devant la statuę de l’Empereur. C’est au nom de « la Conslitution de la republique » que la faction revolutionnaire en- voyait a Techafaud, vers la fin du siecle dernier, les prelres inser- mentes et les Chretiens qui recueiilaient, comme on disait alors, ces « suppóts de la superstition. » C’est au nom des droits de la mo­ narchie que, en Autriche, lejosephisme a pretendu asservir TEglise et fouler aux pieds Fautorite des fiveques et celle du Saint-Siege. Et n’est-ce pas encore au nom de Tordre legał que la politique de notre temps s’empare du bien des Eglises, supprime les Couvents, brise les associations de bienfaisance, emprisonne les prelres et les prćlats, interdit toute communication enlre les Eveques et le Saint-Pere, et se livre contrę la Religion a des attaques de toute naturę?

Citons cncore un exemple de la faęon dont le Gouyernement du Czar comprend Tordre legał.

Des qu’on a parle du denier de Saint-Pierre, les pieux habitants de la Pologne s’en sont emus profondement, et se sont occupes de recueillir cette aumóne sacree. Le Gouyernement, loin de le soullrir, a emprisonne un grand nombre de ces chretiens fideles et les a enyoyes dans le fond de la Russie et jusque dans les deserts de la Siberie.

Pour avoir place des billets de la loterie du Saint-Pere, on a exile mćme des femmes, de saintes femmes que nous pourrions nommer ici.

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naturę qu’onvient, tantót balbutierencorece motdeżej/aWeettantót denoncer quelquesPolonais comme reyolutionnaires... Eh! comment, au contraire, ne le sont-ilspas tous? D’un cóte,licence completed’intro- duire et de faire circuler tout ce que 1’impiete revolutionnaire vomit de plus bom bie en Europę; et de Tautre, defense aux pretres de communiquer ayec le Saint-Siege : Defense au clerge de parler du Papę : Defense a tout le monde de s’occuper de la Papaute : De­ fense aux journaux de traiter la question au point de vue catho- lique : Defense de faire entrer en Pologne des lirochures ou liyres ecrits suivant les saines doctrines de notre Religion sainle. Sur ce point-la defense en tout et defense partout.

Et c’est a un pareil etat de choses que le clerge polonais devrait souscrire suivant les conseils des prudents de ce monde-'... Ah! certes, nous ne le croyons pas; et, Dieu merci, il ne le croit pas non plus!

II s'est lui-meme accuse noblement, dans 1’adresse dont nous avons parle, d’avoir ete faible et d’avoir trop longtemps attendu.

« LeCode penal de 1847, disent les Evóques dans ce courageux document; le decret royal du 6-18 mars 1817; la propagandę orthodoxe dugouyerne- ment, ainsi que ses diflerents rescrits, causent le plus grand dommage a la religion Catholiąue et romaine et rendent impossible a 1’autorite ecclesiasti- que l’exercice de son ministere en paralysant son influence. Sous la pression et mfime 1’arbitraire d’un des membres du Gouyernement, cetle autoritea ete souyent forcće de faire des appels humiliants a des agents inferieurs; et des lors, consideree eomme un instrument ou comme un rouage administratif du gouvernement, elle est tombee dans un abaissement deplorable.

» Les soussignes. Lvśques et administrateurs des dioceses, gardiens des droils de la sainte Eglise catholiąue, pleins du sentiment de la responsabilite terrible qu’ils assumeraient devant Dieu s’ils restaient plus longtemps indiffe- rents a la foi de Jesus-Christ, a la liberte de sa sainte Eglise et au salut des fi- deles confles a leur gardę,

» Prient Yotre Excellence, comme Lieutcnant du Roi, de prdsenter a Sa Majeste Imperiale et Royale cette tres humble suppliąue, en leur nom et au nom de tout le clerge et de tous les fideles. Ils declarent en meme temps que, nonobslant toute acceptation qu’eux-m6mes ou leurs preddcesseurs auraient pu faire contrę leur conscience etles deroirs episcopaux, des rescrits contraires aux saintes lois de 1’Eglise, ils ne garderont pas dayantage un silencecoupa- b le ; ils le doiyent d’autant moins que deja cette condescendance a prodnit les plus tristes fruits et que ses effets ont atteint la personne d’un des Evóques. Nous accomplissons donc undevoir de conscience en formulant les demandes suiyanles... »

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Suivent, comme nous Favons dit, ces memes demandes que fai- saient deja au Gouvernement Russe le Papę Gregoire XVI, en 1842, et notre Tres-Saint Pere Pie IX, en 1847; ces memes reclamations que, depuis cette derniere epoque, Sa Saintete n’a cesse d'adresser, inutilement, helas! au cabinet schismalique de Saint-Petersbourg, ainsi que 1’atteste si eloąuemment le Bref du Saint-Pere a 1’Arche- v6que de Varsovie.

Ceci nous dispense de citer ici dans son entier le document emane des Eveques. La Chretiente les connait dans Ieur texte, puisqu’elles ont etc publiees par tous les journaux, et dans leur esprit, puis- qu’elles ne font que reproduire ce que 1’Eglise elle-meme a stipule.

X

Abordons maintenant la ąuestion nieme de ces evenements ex- traordinaires dont la Pologne est le theatre depuis bientót une an- nee, et que des ennemis ou des aveugles s^fforcent de denaturer. Le caractere de ces evenements est lei, qu’il nous semble de la plus haute importance de le faire parfaitement ressortir aux yeux du monde Chretien. C’est pour nous un devoir bien plus encore dans Pinteret Catholique que dans 1’interet Polonais.

Pour bien comprendre le principe de ce qui se passe maintenant en Pologne, il faut penetrer jusqu’au coeur menie du Christianisme, et exposer une doctrine si ancienne et si oubliee de la plupart des hommes, qu’elle parait au premier abord toute nouvelle. Nous sup- plions donc le lecteur de nous preter toute son attention.

Dans le divin discours qu’il prononęa sur la montagne, Notre- Seigneur apporta a la terre une doctrine qui- elait non-seulement differente des enseignemenls bumains, mais qui ćtait meme tout 1’oppose de la sagesse du monde. Par un renyersement complet de toutes les idees recues jusqu’a Lui, il declare bienlieureux ceux que de tous lemps on avait consideres comme infortunes; ceux qui sont pauvres, ceux qui pleurent, ceux qui soulfrent persecution pour la justice... Dans tous les siecles on avait pense que la conquele de ce

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monde ne se pouvait faire que par la guerre, par la lutte armee, par la brutale puissance du glaive, et que les doux, les pacifiques, ceux qui ne se defendent pas, qui n’opposent pas le fer au fer et la force a la force, etaient a jamais y o u ć s a la merci des yiolents, a 1’escla-

vage et au malheur. Et voila qu’en face des legions romaines par- tout Yictorieuses, Yoila qu’en presence de l’asservissement de l’uni- Yers sous le sceptre des Cesors, Jesus-Clirist promet a la douceur 1’empire de la terre : Beali mites, quia possidebunt terram. Plus loin il prononce ces paroles, si merveilleusement au- dessus du sens liu- main : « Yous avez entendu qu’il a ete d i t : OEil pour oeil et dent pour dent. Mais moi, je y o u s dis de ne pas resister au mechant. Et

si quelqu’un y o u s frappe sur la joue droite, presentez-lui 1’aulre; et

a celui qui veut-disputer avec y o u s un jugement et y o u s enlever

volre tunique, abandonnez-lui meme le m anteau...» Le lexte entier de ce Sermon sur la Montagne est le plus absolu dementi qui se puisse donner aux tendances naturelles de la sagesse humaine.

L’histoire a confirme ce discours de Notre-Seigneur, lequel etait non-seulement un enseignement divin, mais encore une prophelie manifeste.

La Religion Chretienne a Yaincu 1’Empire romain prćcisement parce qu’elle ne s’est point defendue, parce qu’elle a verse toujours son propre sang et jamais celui de ses ennemis; parce qu’clle n’a ni combattu ni maudit ses bourreaux, mais qu’elle a pardonne les mechants et les injustes, tout en detestant la mecliancete et l’in- justice; parce qu’elle a toujours y o uIu etre seulementla force morale

et 1’amour, et jamais la force pliysique et la liaine; parce que, en un mot, elle a eu des millions de martyrs et qu’elle n’a pas eu un seul soldat.

!Ieureux ces doux! ils ont possede la terre.

Toutefois, osonsledire, laproplietie de Notre-Seigneur n’a eu encore que la moitie de son accomplissement; car le precepte qu’il nous a donnę n’a ete jusqu’ici applique qu’a moitie.

4 Eaisons hien comprendre notre pensee.

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Lorsąue 1’eternelle Verite daigna s’incarner dans un corps mortel et se faire entendre a la te rre , elle apporta a la race humaine des enseignements d’un ordre absolu; nous youlons dire qu’ils elaient applicables a tout : aux iastitutions comme aux indiyidus, aux nalions comme aux particuliers, aux gouvernements et a la yie publiąue, comme aux eitoyens et a la vie priyee.

Or, si, en considerant Thistoire de EEglise, on voit łe Chris- tianisme yaincre le monde par 1’application individuelle que firent des preceptes que nous avons ciles ces millions de martyrs qui se laissaient immoler dans le Cirque; on ne rencontre pas un seul Gouvernement, ni une seule Nation qui ait proclame comme les martyrs le neant radical de la force materielle , et qui ait pris pour devise la parole de notre Divin Maitre: Beali miles, quia i)ossidebunt

ierram.

A ce point de vue la poliliąue est demeurec paienne. Tous les Etats se sont appuyes sur 1’Epee et non sur la Croix, sur la force materielle et non sur la force morale desarmee. Tous les peuples, de leur cole, lorsqu'a surgi entre eux et leurs souverains quelque grave demeie ou quelque profond dissentiment, ont eu egalement recours aux conspirations, aux souleyements, a la Reyolution, c’est-a-dire a la Force.

Jamais un peuple ne s’est leve et n’a dit a son Gouvernement, ainsi que les Martyrs ledisaient aux Empereurs rom ains: « Tous me persecutez, mais jesais qu’il e s le c rit: « Soyez soumisayosmaitres, merne facheux. » Je ne combattrai donc pas contrę y o u s, quoi que vous me fassiez et quelque dur que me soit yotre joug. Tout ce qui m’appartient, je le laisserai prendre sans resister. Si yousmefrap- pez sur la joue gaucbe, je tendrai encore la droite, et si yous eleyez des pretentions sur la tunique, je yous abandonnerai encore le man- teau, c’est-a-dire : si yous youlez yous emparer de mes biens et de ma liberie, je yous mettrai encore a meme de prendre ma vie. Mais, si je ne veux point yous combattre, ó Cesar, je ne dois ni ne

veux dayantage ceder ce qui appartient a Dieu. Je ne puis obeir a

des ordres impies; je ne puis abandonner de mes droits ce qui m’en est neeessaire pour accomplir mes deyoirs. Si yous me defendez de me reunir dans mes Eglises et de prier le Ciel pour qu’il me secoure, je n’obeirai pas, et je remplirai tous les temples, et je supplierai Dieu

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de venir au secours de son p e u p le m a is si y o u s venez avec vos sol-

dats me chasser de cet asile sacre, je ne resisterai pas, et j’irai prier dans les rues et sur les places. Si vous me defendez, pour quelque raison que ce soit, d’elever mes enfants dans la religion du vrai Dieu, je n’obeirai pas : je les baptiserai et je leur donnerai le pain de la •yie; mais si vous envoyez vos satellites pour nPemprisonner, sivous allezmemejusqu’am ,enlevermes enfants, je comprimerai les elansde mon ame, je ne resisterai point, et jem ebornerai a invoquer la jus- tice et la misericorde de Dieu. Si vous etes 1’etranger et que y o u s

mepreniez mon independance, si y o u s etes le tyran et que y o u s me

reduisiez en esclavage, je ne me leverai pas contrę y o u s le glaive a

la main, mais rien ne m’empechera d’inYoquer Dieu, de le prier d’a- voir pitie de moi, de le supplier de me rendre la liberte, comme le faisait jadis le peuple Juif en Egypte, sous Pharaon, et a Babylone, pendant la captiYite; comme le faisait la population catholique de Milan, lorsqu’elle se rassemblait par multitudes immenses autourde son illustre ev6que saint Ambroise, du temps de la persecution des Ariens, et que ce grand Saint faisait entendre a 1’Imperatrice Justine et a 1’Empereur Theodosedesparoles qui semblaient marquer a l’a- vance, pour le jour ou les Nations et les Etats seraient constitues en dehors de 1’Empire romain, 1’attitude que doivent aYoir les peuples chretiens aux prises avec l’iniquite des puissants dc la terre... Et ainsi, ó Cesar, non-seulement je lasserai Yotre tyrannie par ma pa~ tience, mais je y o u s yaincrai infailliblement. Un jour Yiendra ou cette

patience aura fait tomber les armes des mains de y o s soldats, et ou y o u s ne trouverez plus d’instruments pour commettre l’iniquite et

persecuter les enfants de Dieu. Un jour Yiendra ou les bourreaux eux-memes se reuniront au peuple fidele, et ou y o u s y o u s ecroule-

rez de Yous-meme, sans qu’on y o u s ait une seule fois combattu,

sans que la main d’un seul juste se soit levee contrę y o u s. Un jour yiendra ou y o u s ne serez plus possible ni Yis-a-Yis du monde, ni

meme a vos propres yeux. Et ainsi s’accomp!ira, non plus parmi les individus, mais parmi les Nations et les Peuples, cette parole duFils de Dieu, qui place dans la douceur le secret d’une irresistible puis- sance, et qui lui promet 1’empire du monde : Beati mites, quia pos~

sidebunt terram. Et moi, peuple chretien, j’en ai compris la raison

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