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Le topos et quelques lieux communs des études littéraires

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Academic year: 2021

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Janina Abramowska

Le topos et quelques lieux communs

des études littéraires

Literary Studies in Poland 13, 23-50

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J a n in a A b ram ow ska

Le Topos et quelques lieux communs

des études littéraires

A la m ode, en expansion, extrêm em ent fluctuant dans sa signi­ fication. C ’est ce choix de caractéristiques qui déterm ine la situation actuelle du term e «topos». O n rem a rq u era aisém ent que ce sont là des tra its qui se co n d itio n n en t l’un l ’autre. L a fluctuation des élém ents résulte ju stem en t de la carrière particulière du term e et — il fa u t bien l’avouer — en fait, d ’une nouvelle perspective des études, perspective avec laquelle cette carrière a p artie liée.

L ’ob jet de ces considérations, ce seront quelques causes et quelques effets de cet é tat de choses. Les uns et les autres doivent m ener à une réflexion sur la façon de co n stru ire un objet d ’études littéraires et su r les contextes de cet objet. C ar il est u n fait: le concept de to p o s fonctionne sur une base constituée p ar plusieurs langages d ’étude. Il en resuite incontestab lem ent beaucou p d ’incom préhen­ sions et de désagrém ents. Existe-t-il aussi une chance d ’intégration ? C om m en ço n s p ar le début. C om m e on le sait, à cette nouvelle vie d ’un term e rh éto rique à dem i oublié, le d éb u t a été donné p ar le re m a rq u a b le livre d ’E rn st R o b e rt C u rtiu s qui tra ite de la littératu re latine d an s l’E u ro p e du M oyen A g e 1. U n m érite q u ’on ne peut assez estim er. Il faut p o u rta n t se rap p eler que c ’est C urtius, précisém ent, qui a revêtu cette créatu re réanim ée d ’une dissension schizophrén ique qui a décidé de ses destinées ultérieures, destinées intéressantes, m ais aussi to rtu e u se s2. C ’est aussi ce chercheur qui

1 E. R . C u r t i u s , E u ropäisch e L ite r a tu r u n d la tein isch es M itte la lte r , Bern 1948. 2 H o r s d e P o lo g n e , le term e a été repris su rto u t sur le terrain germ an iq ue. La rich esse, m a is aussi le caractère c o n fu s d e cette p ro b lém a tiq u e des étu des sur la to p iq u e o n t é té illu strés au m ieu x par le recu eil T oposforschung. Eine D oku m en

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a lié, de façon risquée, une m éthode p hilologique restaurée et les élém ents des anciennes théories rhétoriqu es avec une concep tio n cul­ turelle prise aux p ro fo n d eu rs de la psychologie, en assim ilant l’h o n n ête locus à l ’archétype.

Q u oiq ue C urtius lui-m êm e n ’ait cessé d ’être un philologue qui g ard ait en m ém oire l ’aspect linguistique de la top iq ue, la théorie de Ju n g l’aidait q u an d m êm e p o u r expliquer la persistance du phénom ène (cette explication se ra p p o rte à peine à une p artie des exem ples invoqués dans son livre). Et ju stem en t, l’archétype s’est révélé, dans la double n a tu re du topos, l’élém ent le plus fo rt et le plus a ttira n t. B eaucoup de spécialistes on t repris seulem ent cette in spiration , en p erd an t to u t à fait l’élém ent rh étoriq ue. C ’est vrai, l’intérêt p o u r la rh étorique, qui se déploie depuis peu, a do nné lieu à des trav aux sur l’histoire ancienne de ce concept, m ais la con tin uité a été souvent interrom pue. L a p lu p a rt des u tilisateu rs du term e co n ­ sidèrent o p p o rtu n de citer to u te la définition de C u rtiu s et puis de l’o ub lier bien vite. Les au tres affirm ent carrém ent q u ’entre l’ancienne conception du to p o s et l’actuelle, il n ’y a, à vrai dire, rien de co m m u n 3.

En réalité, deux co n n o tatio n s sont com m un es: la répétitivité et la trad itio n . C ependant ces traits servent des objets fo rt divers. Le «topos» est devenu un m o t-fo u rre-to u t, qui co nfo n d toutes sortes d ’élém ents répétitifs: m ots-clés, images, m otifs, thèm es, ju s q u ’aux schém as narratifs et aux types de personnages. D es différences sont restées ignorées en ce qui concerne le degré de com plexité, le niveau du texte sur lequel se situe le phénom ène, et aussi les frontières de tem ps et d ’espace de cette répétitivité (la création d ’un seul au teur, un co u ran t, la littératu re européenne, la cu ltu re h um ain e en général?).

Les Ausdruckkonstanten de C u rtius — c’est-à-dire les «m oyens co n stan ts d ’expression» sont à m ainte reprise trad u its com m e des

ta tio n , hrsg. v o n P. Jeh n , F r a n k fu rt/M 1972. A v e c les in co n sé q u e n c e s d e C u rtius

p o lé m iq u e n t entre au tres l’éd iteu r d e ce recueil ainsi q u e E. M ertn er et E. U . G ro sse. V o ir au ssi L. B o r n s c h e u e r , T o p ik . Z u r S tru k tu r d e r g e sellsch a ftlich en E in bildu n gs­

k ra ft, F ra n k fu rt/M 1976, p. 138.

3 H éla s, c ’est p lu s u n e im a g e d e c o n fu sio n q u e d es p r o p o sitio n s de cla ssem en t que ren ferm en t d eu x o u v ra g es d ’in fo r m a tio n : A . M i k l a s i ń s k a , « T o p ik a a cią g ło ść literatu ry» (Les T o p o s et la c o n tin u ité de la littératu re), Ż y c ie L ite r a c k ie , 1973, n o . 15; B. H a d a c z e k , « T o p o s » , P o e zja , 1975, no. 5.

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L e T opos e t lieu x com m u n s 25

«constantes d ’ex p ression» 4. D e cette façon, non seulem ent le «topos» se détache de ses significations prim itives, m ais il devient carrém ent an to n y m e de ses co rresp o n d an ts en d ’autres langues, à com m encer p ar locus communis. A lors que ce locus com munis fait penser à un calque stylistique, à la banalité de pensée, q u ’il désigne un caractère secondaire, une m ultiplication de clichés et de schém as, b ref ce qui est, p a r excellence, «conventionnel», «topos» s’associe à quelque chose de m ystérieux et de fascinant, à quelque réalité psychique collective, pas to u t à fait définie, à une stru ctu re de l’im aginaire à l’égard de laquelle il a à rem plir des fonctions com m e qui d irait exploratrices.

C hose rem arquable: sur le terrain polonais, la division des positions ne sem ble pas dépendre seulem ent d ’une différence de conception scientifique, m ais aussi de l’époque de la littératu re qui est étudiée. A lors que les représentants de l’histoire de la littératu re vieille polonaise et de la poétique historique considèrent, de façon plus ou m oins conséquente, l’élém ent rh éto riq u e du phénom ène to p iq u e 5, les spécialistes de la littératu re rom antiqu e, p a r co ntre, et, plus encore, ceux de la littératu re du XXe siècle, vont particulièrem ent dans le sens de l’archétype, de l ’im age b ac h elard ien n e6, ou, to u t sim plem ent, du thèm e, fortem ent caractérisé p a r son lien avec la trad itio n

m éd iterran ée n n e7.

L’exem ple de Jarosław M arek Rym kiewicz n ’est pas une d éro ­ gation à la règle, m ais bien une confirm ation de celle-ci. En effet, m êm e q u an d il écrit à p ropos de N aborow ski ou de M orsztyn, il n ’occupe pas la position d ’un historien, m ais celle d ’un critique,

4 V o ir.J . R y m k i e w i c z , M y ś li różn e o ogrodach (P en sées d iv e rse s sur les ja rd in s), W a rsza w a 1968, p. 6; R. P r z y b y l s k i , E t in A rca d ia ego. W arszaw a 1966, p. 6. > V o ir p. ex. T. M i c h a ł o w s k a , M ię d z y p o e z ją a w y m o w ą (E ntre la p o ésie

e t l ’éloqu en ce), W rocław 1970; M . K o r o i k o , T ) p ro z ie K a za ń se jm o w ych P io tra S k a rg i (D e la p ro s e d e P. S k a rg a ), W arszaw a 1971.

ft C ’est ainsi que M. C i e ś l a sem b le co m p ren d re le to p o s lo rsq u ’elle an alyse l’oeu vre m ystiq u e d e S ło w a ck i, au sy m p o siu m o rg a n isé par IBL P A N les 10 et 11 / X I I / 1979 à V arsovie. V o ir le c o m p te-ren d u paru d an s B iu letyn P o lo n isty c zn y , 1980, n o . 4.

7 V o ir entre autres R y m k i e w i c z , op. c it.; P r z y b y l s k i , op. c it.; B. P i c a l a , « T o p o s arkadyjski we w spółczesn ej poezji p o lsk iej» (Le T o p o s d ’A rcad ia d ans la p oésie, p o lo n a ise co n te m p o r a in e ), B iu letyn P o lo n isty c zn y , 1973, n o . 4 7; H. K i r c h n e r , « T o p o s m ło d o śc i w p rozie Ja ro sła w a Iw a szk iew icza » (Le T o p o s de la jeu n e sse d a n s la p ro se d ’Iw a szk iew icz), P o e zja , 1980, no. 2.

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et bien plus: sa conception du topos, com m e de to u t le phénom ène de la trad itio n , est étro item ent liée à la co nception des «renouvelle­ m ents» qui est à la base du program m e p o étiq ue de cet auteur. Le classicisme de Rym kiewicz s’appuie sur un p arad o x e: il tente d ’u n ir le supra-tem porel à la variabilité historique. Ce paradoxe est lui-même transféré à la théorie du topos. R ym kiew icz insiste très fo rt sur la variabilité, et même sur le «retou rn em en t» des signifi­ cations «conventionnelles», p ar m anque de relativisation des tran sfo r­ m ations poétiques. Cela se relie chez lui à une ignorance de l’aspect «élocution» de la topique — le to p o s ainsi co m p ris p o u rrait être articulé non pas nécessairem ent en poésie, m ais égalem ent à l’aide de codes d ’autres arts.

Il vaut la peine de s ’arrêter plus longtem ps à Rym kiewicz, et ce, en raison aussi de l ’agressivité et du caractère suggestif de ses argum ents. L ’au teu r des Pensées diverses sur les Jardins polém ique avec C urtius, rep ro ch an t à l’au teu r de la co nception de la «topique historique» une appréhen sio n a h isto riq u e 8. M ichał G łow iński, le créateu r de la définition des «fossiles c o u ra n ts» 9 est l’objet d ’une attaq u e plus forte encore, et ce, p o u r des causes sem blables. Il s’agit ici de la mise en question de la stru ctu re «garantie» que soulignent ses deux prédécesseurs, et donc aussi de la im po rtan ce du topos. P ar contre, Rym kiew icz voit en Spitzer un allié q u ’intéres­ sait vraim ent le m ouvem ent de la pensée.

T o ute cette structure se m et p o u rta n t à éclater et la co n tro ­ verse se fait s’avère sim ple apparence qu an d nou s considérons que chacun des auteurs a en tête un objet différent. P o u r C urtius, ce sont, d ’un côté, transférés to u t vifs en littératu re, les topoi au sens rhéto riqu e étroit, au caractère discursif (par exem ple, les topiques d ’exordes), et, de l’autre, certains m otifs présentés, répétés et articulés de façon frap p an te et identique dans des textes divers. P o u r G łow iński, le topos, c’est, avant tout, une question de co nv en tion littéraire. Spitzer, enfin, cultive, au fond des choses, sa p ro p re histoire des idées, m ais les variantes dans la façon de co m p ren d re les fon dam en ­ taux patterns o f thought constituent p o u r lui une prém isse vers la

8 R y m k i e w i c z , op. c it., p. 8.

9 Ibidem , p. 9. M . G ł o w i ń s k i u tilise c ette d éfin itio n d a n s l ’article « M a sk a D io n iz o sa » (Le M a sq u e de D io n y so s ), T w ó rc zo ść , 1961, n o. 11, p. 74.

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çaisie des changem ents culturels conçus com m e une to talité 1(). P en dan t ce tem ps, Rym kiewicz appelle «topos» une image com plexe, aux co n n o tatio n s riches, im age qui rem plit en littératu re — m ême dans la littératu re d ’une seule époque — des fonctions très diverses, une im age diversem ent articulée.

Ainsi donc, to u te la querelle sur la n atu re du phénom ène, sur le caractère de sa stru cture et de sa signification exige d ’ab o rd une identification plus étro ite de l’objet. En ten tan t d ’en trep ren d re cette tâche, on n ’est pas seulem ent dirigé p a r le souci de la précision à attein d re, d ans le langage scientifique, p a r un souci d ’exploitation plus que jam ais économ ique des ressources de ce langage. Il s’agit aussi d ’une réelle p roblém atique de recherche, p ro blém atiqu e qui, à la faveur du délayage des. significations d ’un term e, n ’est pas suffisam m ent perceptible.

D ifférem m ent de Rym kiewicz, j ’estim e que le top os poétique a conservé, dans ses d ébuts antiques, m ais aussi plus tard , des liens étro its avec la rh étorique com prise au ta n t com m e une p ra tiq u e de la persuasion que com m e une théorie définie de la com m unication verbale. P ou r cette raison, il me sem ble nécessaire de rap peler quel­ ques-uns des élém ents de la conceptio n rhéto riq u e du top os 1 •, m ais d ’une m anière qui ne soit pas systém atique et inform ative, p lu tô t de m anière sélective, en ten an t com pte avant to u t des po in ts qui ont une im portance p o u r la description du top os dans la langue de la poétique.

Il se trom p erait, celui qui penserait que sur le terrain de la rhétorique, le «topos» possédait le statu t d ’un te rm e -n o m 12 au dom aine indiscutable et bien défini. Là aussi, les significations ont changé, en liaison étroite, du reste, avec l’évolution de la langue

10 L. S p i t z e r . C la s sic a l a n d C hristian Id e a s o f W o r ld .H a rm o n y , B altim ore 1963. 11 U n riche c h o ix d ’in fo r m a tio n sur ce th è m e est co n ten u d ans J. M . L e c h n e r ,

R enaissance C o n ce p ts o f th e C o m m o n p la ces, N e w Y o rk 1962. V o ir aussi B o r n s c h e u e r , op. c it., pp. 26 — 9 0 ; B. E m r i c h , « T o p ik und T o p o i» , [dans:] Toposforsch un g\

J. Z . L i c h a ń s k i , « R e to r y k a ja k o przed m iot i n arzęd zie bad ań literatury sta ro p o lsk iej» (La rh étoriq u e c o m m e l’o b je t et l ’in s tr u m e n t...), [dans:] P ro b le m y lite ra tu r y sta r o ­

p o lsk ie j, Série 3, W rocław 1978.

12 La d ifféren ciation entre term e-n o m et term e propre, je la reprends à

J. S ł a w i ń s k i , « P ro b le m y literatu rozn aw czej te r m in o lo g ii» (Les p ro b lèm es de la ter­ m in o lo g ie littéraire), [dans:] D zie ło — j ę z y k — tra d y c ja , W arszaw a 1974, p. 205.

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dans son ensemble. M aintes fois, m ême chez un m êm e au teu r, sont apparues diverses conceptions difficilement conciliables. A insi, Aris- tote a intro duit une distinction entre topiques dialectique et rh éto ri­ q u e , en se référant aux deux fonctions du to p o s: m oyen de ra iso n ­ nem ent et m oyen de persuasion. D ans la p ratiq ue, ces deux fonctions ne se laissaient pas nettem ent séparer, la rh é to riq u e s’est to ujo u rs alim entée à la dialectique et elle a utilisé celle-ci p o u r ses fins propres, elle a donc absorbé aussi les topoi dialectiques. M ais les conceptions ultérieures ont, elles aussi, conservé cet aspect peu clair, hérité de l’au teu r des Topiques, en ce qui concerne le degré de schém atism e et de com plexité du phénom ène. T andis que d an s les Topiques, le «topos» se rap p ro ch e de la «catégorie» - est to po s, p ar exemple, le but, et aussi la cause, le genre, l’espèce, la m ention du nom bre, de la qualité - d an s la Rhétorique, le to po s est co m p ris com m e un schéma d ’argum en tatio n et, plus précisém ent, com m e une sorte d ’enthym ène. Ici est égalem ent introdu ite une deuxièm e division (m aintenue aussi p a r les théoriciens latins) en tre les topoi généraux (c’est-à-dire ceux qui concernent tou s les genres o rato ires) et les

topoi particuliers — ceux qui ne concernent que quelques-uns de ces

genres. M ais peu im porte ici. Le «topos», dans la théorie d ’A ristote, c ’est toujou rs une sorte de «syntagm e vide», no n un «lieu» rem pli, m ais qui exige d ’être rem pli. Bien sûr, c’est un «lieu» d an s la langue, dans son o rdonnance tan t linéaire (de disposition) q u ’essentiellem ent inform ative et d ’a rg u m e n ta tio n 15. La tâche de l’orateu r, c’est de substituer des données concrètes à des données variables. A insi donc apparaissent au prem ier plan des relations logiques, de com position, elles sont entre ce qui est général et ce qui est particulier, entre le to p o s en tan t que p artie et la langue en ta n t que totalité, d o n t la mise en ord re est, à son tour, étro item en t liée à un systèm e conceptuel subordon né, qui copie l’ordre du m onde.

Les théoriciens rom ains, à com m encer p ar C icéron, l’a u te u r de

Rhetorica ad H erennium, et p ar Q uintilien, présentent une con ceptio n

du topos beaucoup plus prag m atiqu e, plus p roche de la p ratiq u e

^ L 'argu m en tation , telle q u e la c o n ç o it A r isto te , c o n stitu e aussi une in te ra ctio n de c o m m u n ic a tio n , ce sur q u o i R. B. D o u g l a s s a ttire à ju ste titre l ’a tten tio n (« A ry sto teleso w sk a kon cep cja k om u n ik acji retoryczn ej» — A r isto te lie n n e c o n c e p tio n de la c o m m u n ic a tio n rh étoriq u e, trad, par W. K rajka, P a m iętn ik L ite r a c k i, 1977, fasc. 1, p. 206).

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L e T opos e t lieu x com m u n s 29

ora to ire . Le locus com munis évolue graduellem ent d ’un schém a a rg u m e n ta tif à l’argum ent lui-m êm e, et, donc à une pensée générale,

déterm inée, qui peut devenir une prém isse d ’arg u m e n tatio n ou le m oyen de gagner les faveurs du public (captatio benevolentiaè). C icéron attire l’atten tio n sur la co n stru c tio n du discours à p a rtir des

ingrédients topiques (il co m pare le topos à une lettre d an s un

m ot). Q uintilien est le créateu r du concept sedes argum entorum , c ’est-à-dire d ’un ensemble de to p o s dans lequel l’o ra te u r découvre ses m atériau x propres p o u r les m o n ter ensuite aux en d ro its app ro p riés de son argum ent. A p p a raît donc, d ’un côté, la conception d ’un ré p erto ire de lieux com m uns, tandis que, de l’a u tre côté, le statu t du to p o s est défini dans le texte com m e un discours au to n o m e, com m e un «discours dans le d is c o u rs» 14.

Il vaut la peine de s’arrêter encore à la m étap h o riq u e spatiale liée au co n cep t de «lieu». C om m e je l’ai dit précédem m ent, le locus désigne su rto u t un lieu du discours, une p artie d ’un to u t, m ais il faut se rappeler que la rh é to riq u e d ’alors était un art du discours vivant, prononcé de m ém oire et im provisé dan s une certaine m esure. D ’ou ces deux aspects: le discours et le répertoire, qui tro uv ent leur place prim itive et se co nfo ndent d an s l’espace m ental du locuteur. Elles ne sont pas non plus dénuées d ’im portance, les techniques de «m ém oire artificielle» qui reposent sur l ’associatio n d ’élém ents de la pensée avec des points co rresp o n d an ts de l’espace r é e l ,5. L ’évolution de la p ratiq u e et, avec elle, de la théorie rhétoriq ues repose sur l’au g m en ta tio n progressive du rôle d ’enregistrem ent. Le sedes argu­

m entorum se déplace sur des notes, des copies, un com pendium .

Ce processus culm ine à l’époque de la R enaissance lorsque, grâce à l’im prim erie, naît une m ultitud e de ces p ublicatio ns auxiliaires.

A cela se relie la croissance d ’un processus parallèle qui est l’im p o rtan ce donnée à la rhéto riq u e, non plus au niveau de l ’in­ vention, m ais au niveau de l’éloquence 16. Le to p o s n ’est plus seule­

14 V o ir L e c h n e r , op. c it., p. 26.

>-s V o ir F. A . Y a t e s , S z tu k a p a m ię c i, trad. par W. R a d w a ń sk i, W arszaw a

1977.

19 L es d iscu ssio n s p o lo n a ise s sur ce th èm e, p ou r le X V Ie siècle, o n t été c o m m e n té e s par L i c h a ń s k i , op. c it., p. 136. V oir au ssi B. O t w i n o w s k a , M o d e le

i s ty le p r o z y w d ysk u sja ch n a p rz e ło m ie X V I i X V I I w iek u (L es M o d è le s e t sty le s de la p r o s e ...) , W rocław 1967.

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m ent un argum ent, m ais aussi un ornem ent, un m oyen d ’une pratique d ’am plification. D ans les consid érations sur les top os ap paraissen t des co m paraisons avec les fleurs, les étoiles, les b ijo u x 17 le topos est appelé habit de la pensée, et la to p iq u e en tan t que to talité est co m parée à l’étalage d ’un m archand I8.

Le florilegium de la Renaissance est a u ta n t un p ro to ty p e d ’encyclo­ pédie q u ’un ensem ble de sentences et de citations. Il classe ce q u ’on sait du m onde et, en m êm e tem ps, il fo u rn it des m odes to u t prêts, déjà éprouvés d ’expression. Le niveau res et le niveau verha se p én ètren t particulièrem ent fort. S im ultaném ent, l’acquis des écrivains les plus appréciés de l’A n tiq u ité (Térence, Sénèque) est, dans une certaine mesure, dém on té; des fragm ents particuliers, des sentences su rto u t, assem blés en recueils séparés, com m encent à fon ctio nn er h ors de leur contexte; beaucoup de leurs utilisateurs ne so n t jam ais / en co n tact avec les oeuvres entières d o n t ces to u rn u res p ro vien­

nent. La citation conserve, il est vrai (et encore pas to ujou rs) la m arq u e de son origine et, avec elle, la m arq u e d ’une au to rité qui n ’est p as tant, d ’ailleurs, celle de l’au teu r que l ’au to rité de l’A ntiq u ité en général; en m êm e tem ps, cependan t, la citation devient une p ro p rié té com m une. Cela a partie liée avec des singularités connues de la com préhension de l’originalité et de l’im itatio n sur lesquelles je reviendrai encore. E ntre-tem ps, il faut se rap p eler que les nom breux cento ns et les gwa.v/-plagiats ap p a rtien n en t ju stem en t à la littératu re «topique».

A rrêto ns-nous, p o u r finir, à encore un aspect de la définition de «com m un», n o tam m ent à l’aspect com m unication. Le locus com-

munis suppose l’existence d ’une co m m u n au té d ’utilisateurs dans laquel­

le p ren n en t place, avant tout, les orateurs-ém etteurs, qui s’en servent consciem m ent com m e d ’un outil de persuasion. La co m m un auté co m p ren d cepen dant aussi des récepteurs et la co m préhension est assurée grâce au fait que ces derniers aussi connaissent le code to p iq u e

17 D e n om b reux e x em p les so n t cités par L e c h n e r , op. cit., p. 135. 11 faut rem arquer q u e ces m êm es c o m p a r a iso n s fon t partie de la to p iq u e de la d esc rip tio n é lo g ie u se (de d esc rip tio n s d ’objets d ivers, le p lu s so u v en t du v isage fém in ).

18 C h o se rem arquable: cette m êm e c o m p a r a iso n qui exp rim e une d iv ersité, m ise en ordre, d ’ob jets parm i lesq u els l ’a ch eteu r c h o isit selon ses g o û ts et ses b eso in s, a été u tilisée par K o c h a n o w sk i à p r o p o s de l’e n se m b le de ses o e u v r e s d a n s la p o è m e « N a m e fraszk i» (Sur m es fraszk i, III, 39).

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L e T o p o s e t lieu x com m uns 31

derrière lequel se trouve une certaine vision du m onde, un système de valeurs et de norm es reconnu universellem ent.

N o u s gardo ns to ujo u rs présent à l’esprit que la rh éto riq u e était l’a rt de la persuasion. L ’o ra te u r en justice se d o n n ait p o u r b u t d ’ob te­ nir telle sentence, pas une au tre, dans une affaire concrète, ce qui im pliquait la persuasion des juges (et, d an s une certaine m esure, du public) à p ro p o s d ’une faute ou d ’un préjudice. L ’o ra te u r p oli­ tique prenait la paro le afin d ’ex to rq u er d ’un certain g ro upe d ’hom m es (le sénat, un rassem blem ent p o p u la ire ...) des décisions bien d éterm i­ nées, souvent personnelles. C ’est p o u rq u o i to u s ces genres de discours 19 se distinguent p ar un fo rt assertorism e, p ar une stru cture claire, parfois carrém ent simplifiée, des raisonnem ents et des valeurs. Les raisonnem ents particuliers sont appuyés, en règle générale, sur une référence à des ju gem ents généraux, m ais ces m êm es argum ents généraux servent souvent à argum enter des thèses contradictoires. Ce dilem m e a été perçu dès le déb u t p ar les théoriciens de l ’A n ti­ quité. Les uns, com m e A ristote, ont essayé de découvrir le fin fond de la vérité une g aran tie face aux ab us des sophistes dans les règles de la rh étoriq ue elle-même. Les autres, se re n d an t com pte de la stérilité de tels efforts, reconn uren t que la to piqu e co nstitu ait sim plem ent une technique, un outil, d o n t l’usage, convenable ou non, dépendait du degré de responsabilité m orale des u tilisate u rs20.

R evenons cependant au topos dans sa fonction d ’argum ent. P our rem plir sa tâche, il devait être, non tan t révélateur q u ’irréfutable, inopposable à un ju gem ent général. A ristote a vu dans le topos une construction proche d ’u n enthym ène, c ’est-à-dire un syllogisme in­ com plet, d o n t l’une des prém isses m anque (une prém isse supposée, une prém isse évidente). A p p a raît ici une p aren té du to p o s avec ce que nous appelons stéréotype, c’est-à-dire avec une conviction p ro ­ fondém ent enracinée d ans la conscience collective, quoique non argu- m entée et m êm e non «prouvable».

19 E n rh éth oriq ue, on d istin g u e trois gén éra d ic e n d i: gen u s d em o n stra tivu m , genus

d elib era tivu m , gen u s iudicale. V oir au ssi l’u tile « S ło w n ik p o ję ć i term in ó w reto ry czn y ch »

(Le D ictio n n a ire d es term es rh étoriq u es) de M . K o r o l k o , [dans:] A n d rze j F ry c z

M o d rze w sk i. H u m an ista, p is a r z , W arszaw a 1978.

20 C i c é r o n (O ra to r 15, 48) co m p a ra it le locus com m u n is à la g lèb e d ’où p eu v en t naître tan t les m a u v a ises q u e les b o n n e s herbes. V o ir E m r i c h , op. c it., p. 262.

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32 Jan in a A b ra m ó w s k a

La n atu re du to p o s en ta n t que source de persuasion est d onc p aradoxale: fortem ent axiologisée et caractérisée p ar son asserto- rism e21, il se révèle n eu tre et am bivalent, prêt à servir tou s les buts. Des traits tels que le bien-fondé, la vérité peuvent se ra p p o rte r seulem ent à l’ensem ble du texte de l’orateu r.

Im aginons q u ’un jeu n e hom m e ait com m is un délit. Au tribu nal app araissent deux o ra te u rs: l’accusateur et le défenseur. Le prem ier argum ente: les jeunes gens sont dirigés p ar la passion, ils n ’en ­ ten dent pas' la raison, ni les conseils sensés des aînés, il faut dès lors pu n ir sévèrem ent ce jeune hom m e, car seule, la p eur du châtim ent peut reten ir ses com pagnons du m êm e âge d ’accom plir de sem blables délits. Le deuxièm e persuade les juges de la légitim ité d ’une douce sentence, il rappelle que ce jeu n e hom m e déraiso nn able est to u t sim plem ent com m e tous ceux de son âge. Q u an d il au ra attein t la m atu rité, il com m encera à se co m p o rte r raison nab lem ent et p o u rra devenir un citoyen vertueux, de valeur. O n peut facilem ent re m a rq u er que les deux o rateu rs se sont servis du même arg um ent, du to p o s de la jeunesse déraisonnable. C et argum ent fait partie de ce q u ’on appelle les topos q u a n tita tifs 22: de l’observation de nom breux cas, on a déduit une norm e et un cas concret est présenté com m e con fo rm e à cette norm e. Ce m êm e to pos, qui est attesté aussi en p o ésie2*, peut servir q u e lq u ’un qui désire, p ar exemple, incliner le sénat à élire un can d id at déterm iné p o u r le poste de consul. Si ce ca n d id a t est dans la force de l’âge, l’o ra te u r argu m en tera q u ’a l’inverse des jeunes blancs-becs qui n ’on t aucun poids, celui-ci possède la m atu rité du jugem ent et l’expérience nécessaires à l’a rt de gouverner. Il peut cepen dan t arriver q u ’il faille ju stem en t recom m an d er un hom m e jeun e. A lors, l’o ra te u r en appelle au topos q u alita tif «jeune hom m e — ho m m e d ’âge», affirm ant que, dans ce cas, il y a exception à la règle: l ’âge jeune est ici lié à un niveau intellectuel et m oral p ro p re aux gens m ûrs.

21 A p r o p o s de l ’a sserto rism e du to p o s, L e c h n e r a écrit a b o n d a m m e n t (op.

c it., p. 87).

22 A p r o p o s des to p iq u e s de q u a n tité et de q u alité, v oir C h. P e r e l m a n et L. O l b r e c h t s - T y t e c a , T ra ité de ¡ ’a rg u m en ta tio n , v ol. 1, P aris 1958, pp. 1 1 5 — 125. 24 Par exem p le ch ez K o c h a n o w sk i d a n s la fra s z k a « N a m ło d o ś ć » (Sur la je u n e sse , I, 82) et d a n s le prem ier ch a n t du O d p ra w a p o stó w g re c k ic h (R en vo i d es A m b a s­

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L e T opos e t lieu x com m u n s 33 En dépit des apparences, la base de ces deux topos est un m êm e stéréotype, un stéréotype qui n ’est pas contesté p ar les récepteurs, qui est donc, du point de vue des b u ts de persuasion, efficace. A une seule co n d itio n : q u ’il soit appliqué dans le cadre d ’une culture patriarcale, où l’au to rité des aînés ne do n n e pas lieu à dis­ cussion, où le respect des aînés est au to m atisé p a r l’éducation. N ous savons bien q u ’il n ’en est pas toujo u rs ainsi. P eut-être que ce stéréo­ type se brise habituellem ent aux époques de crise. L ’ap p a ritio n sou­ daine (apparition notée p a r C urtius), dans l’A n tiq u ité tardive — des to p o s «g am in—hom m e d ’âge», «gam ine—fem m e âgée»24 — et leur m ultiplication — atteste sans d o u te d ’un certain rejet des anciennes relations entre générations. U n stéréotype vraim ent nouveau, appuyé sur une règle opposée, qui expose le rôle p o sitif de la jeunesse dans la vie sociale, ap p a raît seulem ent dans le rom antism e.

O n peut donc dire, à la suite de G łow iński, que le topos cesse d ’être une form e de p en sée25, m ais il en est ainsi à une co n d itio n expresse: que derrière lui se tienne, acceptée de façon générale, une des idées centrales de l ’époque donnée.

A v a n t d ’essayer de définir le to p o s dans la langue poétique, je dois, une fois encore, dire clairem ent ce q u ’est, p o u r m oi, le topos. Et donc, d ’abo rd, il n ’est aucun des grands thèm es totalisan ts, aussi an tiq u es fussent-ils, qui se répètent d ans l’une ou l’au tre série de textes — je ne voudrais pas parler ici du «topos de la jeunesse», ni du «to p o s de la révolution». Ensuite, il n ’est pas identifiable à tous les sujets, images, m ythes — il n ’y a donc pas de to po s du jard in , du s a n g 26, de D ionysos ou de N arcisse27. Le phénom ène d o n t nous nous occupons ici constitue to u jo u rs une entité signifiante de m oindre com préhension.

24 C u r t i u s , op. cit. 25 G ł o w i ń s k i , op. cit.

26 V o ir I. J a r o s i ń s k a , « T o p o s rew olucji w literaturze p olsk iej» (Le T o p o s de la rév o lu tio n d an s la littérature p o lo n a ise ), [dans:] L ite ra tu ra p o ls k a w obec

re w o lu cji, W arszaw a 1971. L ’au teur e n g lo b e so u s la fo rm u le « to p o s du san g» au

m o in s d eu x to p o s (b ib liq u es!) différen ts: le sa n g en tant que sacrifice et le sa n g en tant q u e m a léd ic tio n (qui reto m b e sur la tête de q u elq u 'u n ), et elle parle de d iverses c o m b in a is o n s n on to p iq u es du m o t «san g».

27 V oir G ł o w i ń s k i : op. c it.; « N a r c y z i j e g o o d b icia » (N a rcisse et ses réflechis- se m en ts), T w ó rc zo ść , 1980, no. 10. D a n s ces d eu x essa is rem arq u ab les, le term e « to p o s» est u tilisé a v ec p réca u tio n et pas du to u t c o m m e un sy n o n y m e de « m y th e» .

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34 Janina A b ra m o w sk a

Beaucoup de chercheurs acceptent que le trait qui distingue le topos poétique du to pos rhétorique, c ’est sa m étaph oriqu e. C ’est que, de toutes façons, on ne peut objecter que sur le terrain de la poésie, le to pos en appelle souvent à des m écanism es sém antiques qui lui sont spécifiques, «et, d ’ab o rd , à la m étap h o risa tio n ; mais, à to u t prendre, il n ’y a pas ici de difference fondam entale. L a topique, telle que je la conçois, est ap p aru e en poésie com m e le résultat, précisém ent, de la rh éto risatio n de celle-ci. Si nous voulons classer d ans un ensem ble com m un la topique d ’exorde, «m odeste», la des­ cription élogieuse d ’un pays et le to p o s deus ridens, nous devons accepter que l’é l é m e n t r e p r é s e n t é d a n s l e t o p o s e s t f a c u l t a ­ t i f et a u s s i s e c o n d a i r e p a r r a p p o r t à u n c o n t e n u m e n t a l d é t e r m i n é 28. Si le topos contient une image, c ’est une im age inter­ prétée, souvent à l’aide de m écanism es de sym bolisation sociale et d ’allégorèse. C ela concerne en particulier les top os d o n t le fo nd e­ m ent est constitué p a r un m o tif m ythique ou p ar un m o tif m ulti- signifiant com m e le pré, la rose, la route. La «to pisation» d ’un tel m o tif consiste en la stabilisation d ’une des significations, à l’exclu­ sion des autres qui existent potentiellem ent ou en m a rg e 29.

T o ut com m e, dans la rhétorique, le topos, qui était en principe appliqué au plan inventio, ne pouvait être considéré sans son lien avec la problém atiqu e de la disposition et de l’élocution, de m êm e, dans la poésie, il reste un m oyen d ’expression. Il e s t le r é s u l t a t d ’u n e p é t r i f i c a t i o n d ’u n m o t i f t r a d i t i o n n e l - 50, qui est to u ­ jo u rs lié à une certaine signification, à une certaine app lication ainsi q u ’à une form e verbale reconnaissable, «à demi-finie».

P arler de la topique, c ’est une activité con ditionnée p a r une certaine

28 Sur la structure c o n c e p tu e lle du to p o s o n t écrit, entre au tres, A . O b e r m a y e r , «Z um T o p o sfo r sc h u n g der m o d ern en L iteratu rw issen sch aft», [dans:] T oposforschung. V oir. E. S a r n o w s k a - T e m e r i u s z , «W kręgu bad ań tem a to lo g ic z n y c h » (Les R ech er­ ch es th é m a to lo g iq u e s), [dans:] P ro b le m y m e to d o lo g ic zn e w spó łczesn eg o lite ra tu ro żn a w -

stw a , K ra k ó w 1976.

29 C ’est purquoi les sp éc ia liste s de la to p iq u e d ésig n en t les divers to p o s par d es fo rm u les qui co n tie n n e n t au m o in s deux ex p ressio n s: le lieu agréab le, le p o è te ivre, la m ère-patrie, sa p ie n tia -fo rtitu d o , N a r c isse en tant q u e vanité.

ł,) Le m o tif en tant q u e gen u s p ro x im u m du to p o s est aussi repris p ar W K a y s e r , D a s sprach lich e K u n stw erk . E ine Einführung in d ie L ite ra tu rw is se n ­

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L e T opos e t lieu x 'communs 35

façon de p arle r de la littérature. C ela suppose l’existence d ’un système situé entre l ’œ u v re littéraire et la «vie», la «réalité», d ’un subcon­ scient collectif, d ’un im aginaire, d ’une conscience née d ’une expérience existentielle ou historique, p a r exem ple de classe, de génération etc. Ce système a un caractère littéraire et, au b o u t du com pte, on peut le ram ener à des conventions d ’in terp ré tatio n largem ent com pri­ ses. Il se com pose d ’une série de sous-systèm es tels que les m odèles de genres, les schèmes narratifs ou de com position, les styles, les constructions poétiques, les thèm es et les m o tifs31, et, justem ent, la topique. La sphè,re de répétitivité est donc large, et, ce qui est plus im p o rtan t, elle est différenciée. Réelles sont les relations réci­ p ro qu es des sous-systèm es distincts qui, on le rem arque aisém ent, se croisent à un certain degré et même, s’interpénétrent. Cela concerne aussi la to p iq u e 32 qui se situe à la f r o n t i è r e d e l’e n s e m b l e d e s t h è m e s et d e s m o t i f s e t d e l’e n s e m b l e d e s s t y l e s , e n r e l a t i o n é t r o i t e a v e c l a c o m p o s i t i o n e t le g e n r e .

Le to p o s constitue donc aussi bien un élém ent du texte q u ’une entité d ’un répertoire, et son étude exige q u ’on tran sp o rte sans cesse son atten tio n du plan du répertoire au plan du texte et vice versa. S ur l’un et l ’au tre plans apparaissent, à m on sens, de réels problèm es.

La re-création d ’un r é p e r t o i r e t o p i q u e serait chose difficile, m êm e si cela n ’a p p a ra ît pas aussi ab su rd e que le prétend R ym kie­ wicz33. Ce répertoire possède un caractère ouvert, q u o iq u ’il présente en m ême tem ps certains traits d ’un c o d e 34, qui perm et de suivre des relations d ’un type différent et une disposition de caractère para- dygm atique. Je m ’occuperai de celles-ci p ar la suite, car j ’ai p o u r but non une systém atique, mais la mise en évidence de la dynam ique intérieure du phénom ène.

i l La d istin c tio n du thèm e et du m o tif est p o ssib le seu lem en t sur le plan du tex te ; c o m m e en tité du répertoire, ch a cu n d ’eu x peut organ iser aussi bien une partie que la to ta lité de l ’oeu vre.

32 J ’u tilise le term e « to p iq u e » u n iq u em en t p ou r d ésign er un en se m b le de to p o s, su rto u t s ’il s ’agit d ’un en se m b le ord o n n é. L es réserves de R y m k i e w i c z (op. cit., p. 9) qui v o u d ra it garder le term e p ou r la « sc ien ce d es t o p o s » so n t d ’au tan t plus n o n fo n d é e s q u e de sem b la b les a m b ig u ïtés ap p a ra issen t d a n s b ea u co u p d ’a p p ella tio n s a n a lo g u es, telles que «h istoire».

33 R y m k i e w i c z , op. c it., p. 23.

34 Je rep ren d s la d istin ctio n en tre c o d e et répertoire à l ’ou vrage de U . E c o ,

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36 Janina A b r a m o w sk a

U n des principes fon dam en tau x qui rangent les to p o s dans le cadre d ’un répertoire, c'est le t h è m e , com pris sous deux aspects: aspect d ’invention, aspect de disposition. C om m e je l ’ai déjà m entionné, la place de la to p iq u e p ar ra p p o rt aux thèm es et m otifs peut être définie seulem ent fonctionnellem ent: d ’un côté, les im ages et les situ a tio n s 35 créent la m atière du to p o s; de l’au tre, un thèm e com m e l’am o u r, la m ort ou la guerre constitue le centre du paradygm e top ique, en a ttira n t et en organisant un certain nom bre de topos.

A insi donc, sans être d ’accord avec l ’appellation «topos du jard in» , je considère com m e to u t à fait fondée la distinctibn «topique du jard in » , c ’est à dire d ’un groupe de to p o s n é s d ’u n e m ê m e i m a g e , m ais u san t chacun de co n n o tatio n s différentes de cette im age et de diverses com plexités culturelles. Il y a d onc un ja rd in des délices, un ja rd in du visage, un ja rd in de l’âm e — un ja rd in en fleurs ou un ja rd in to m bé en désespoir, il y a un top os du jard in ier déçu, ou du poète-jardinier qui cultive des espaliers de p hrases et les fleurs des m étaphores. U n groupe de topo s édifiés su r une m êm e base d ’im ages est relié p a r différentes hom onym ies, antonym ies et par des interférences de signifiants q u ’on peut observer sur les plans aussi bien d iachro nique que synchronique. Les suivre peut être une tâche passionnante, com m e l’indiquent ne seraient-ce que les m agnifiques livres de Rym kiewicz et de Przybylski.

M ais com m e le topo s est un certain p ro jet de discours, et, plus précisém ent, une p artie de discours, sa signification est égalem ent définie p ar lé d o m a i n e des applications possibles. C ’est ainsi que dans le répertoire, on peut distinguer certains groupes de topos apparen tés non plus p a r l’origine, m ais p a r la fonction. A u prem ier plan apparaissent, de nouveau, les g r o u p e s t h é m a t i q u e s . Ainsi, l’am o u r en tan t que thèm e est servi, en. littératu re vieille polonaise, p ar une topique dite «plus proche» (am our-service, am our-m aladie, A m o u r aveugle, avec sa flèche, douce so u ffran ce...) et p ar une to p i­ que «plus lointaine» — ici prend place, p ar exem ple, la description

33 Le m o tif de n arration se to p ise ju stem en t c o m m e une situ a tio n , et d o n c en p o sitio n iso lé e et statiqu e. D ’un autre avis est T. M ich a ło w sk a , « R o m a n s X V II w iek u w P o ls c e » (Le R o m a n du X V IIe s. en P o lo g n e ), [dan s:] P ro b le m y lite ra tu ry

sta ro p o lsk ie j, Série 2, W ro cla w 1973, qui rap p roch e le to p o s du c o n cep t d e la

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L e T opos e t lieu x com m u n s 37 am plifiée de la beauté fém inine. O utre cela, le thèm e de l’am o u r d én o te un certain «m agnétism e», il attire et m êm e ne cesse de form er des to p o s d o n t l ’applicatio n est plus large ou différente, com m e les to p o s déjà m entionnés du jard in ier déçu, du lieu agréable, ou le to p o s platonicien des sentim ents-chevaux déchaînés que ne peut d o m p ter l’aurige de la ra is o n 36.

Il existe un groupe de topo s d o n t C urtiu s a parlé abo n d am m en t et d o n t le dom aine déterm iné des applicatio ns est un lieu de la com p o sitio n de l’oeuvre, com pris littéralem ent — ce sont, avant tou t, les top os d ’exorde et finaux. Ils rem plissent un rôle technique de délim itateu rs; cependant, to ujou rs, ils tran sm etten t aussi une certaine inform ation . M êm e dans un phénom ène aussi conventionalisé que l’ap o stro p h e initiale adressée aux muses, il y a une référence à une certain e conception de la poésie et du poète, qui étab lit le lien de l’oeuvre avec une inspiration, et donc- avec l’influence exercée p ar des facteurs irrationnels, transcend entaux . A van t to u t, p o u rta n t, cette ap o stro p h e com prend une in fo rm atio n interm édiaire: elle est le signal de la dépendance de l ’oeuvre à l’égard d ’un genre et d ’un style déterm inés (l’épique élevé). Ici, justem en t, dans ces divisions en s t y l e s et g e n r e s réside encore un principe très im p o rtan t du g ro up e­ m ent des topos dans un répertoire.

C om m e on le rem arq ue aisém ent, les ensem bles discutés se croisent en tre eux, et croisent aussi les ensem bles désignés p a r la parenté de leurs s t r u c t u r e s f o r m a l o - s i g n i f i a n t e s , qui très souvent se ram ènent à un principe défini de figure ou de trope. Il y a donc des to p o s d o n t les form es sont la sentence, l’ap o stro p h e, l’énum ération, l’antithèse, la m étaphore, l ’allégorie. C ’est ici, précisém ent, q u ’appa- raît le caractère, déjà m entionné, de «semi-fini» dan s la constru ctio n verbale du topos, caractère qui, cepend ant, ne concerne jam ais des phénom ènes com m e l’idiom e ou l’euphonie, car le top os franchit facilem ent les frontières des langues naturelles, il est to u t à fait traduisible.

A rrêtons-no us au gro up e des top os qui s’ap p u ien t sur une énu m é­ ra tio n , d o n t l’être est con stitué p ar un d énom brem ent d ’une série

3* La créa tio n d ’un p arad ygm e to p iq u e a u to u r d ’un th è m e d éterm in é est étu diée par J a r o s i ń s k a , op. cit. V oir aussi S. B a r a ń c z a k , « P io se n k a i to p ik a w o ln o ści» (La C h a n so n et la to p iq u e de la liberté), P a m ię tn ik L ite r a c k i, 1973, fasc. 3.

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38 Janina A b r a m o w sk a

d ’élém ents dans un ordre déterm iné. Ainsi donc, la description élo- gieuse d ’un pays d o it co m p o rter une in form atio n sur la situation, le clim at, les produits, les habitants, le gouvernem ent, les réalisations dans le dom aine des sciences, de la littérature, de l’architecture e tc .57 A u «lieu agréable» c o n trib u e n t: l’herbe douce, la source d ’om bre (m ontagne, arbre), l ’eau vive (ruisseau, source), le vent léger et le ch a n t des oiseaux. La description de la beauté fém inine parle des cheveux, du front, des sourcils, des yeux, des joues, de la bouche et des dents, du cou, parfois de la poitrine ou du «sein», en m unis­ sant chacun de ces élém ents d ’une épithète app rop riée ou * d ’une com paraison . U ne telle description ne sert pas à l’identification co n ­ crète d ’une femme, elle co m po rte seulem ent une inform atio n synthé­ tique: cette femm e est belle, c ’est-à-dire conform e à un m odèle déterm iné. La description qui p rend en considération des traits indi­ viduels a p p a ra ît com m e une variante à la règle, en m ême tem ps que com m e une prédilection p o u r une beauté caractéristique. Le prem ier p o rtra it polonais littéraire est sans d o u te le p o rtra it de M alw ina dans le ro m a n de M aria C zarto ry sk a-W irte m b ersk a58.

R em arq u o n s que la description topiqu e du corps évite certaines parties de celui-ci (par exem ple les pieds) et q u ’elle est menée du h au t vers le bas, conform ém ent à la hiérarchie de rigueur dans la cul­ tu re officielle (et inversée dans la culture de carnaval), qui tient com pte de la science platonicienne des parties supérieures et inférieures de l’âm e et de leurs sièges dans le corps, ainsi que de l’ordre dans lequel D ieu a dû créer l’hom m e.

Le top os d o n t nous parlo n s constitue un syntagm e plein; le nom de l’héroïne ou de la destinatrice du com plim ent est m entionné p lu tô t en dehors de cette sphère. Il y a cependant, aussi, parm i les to p o s d ’énu m ération , des syntagm es vides qui possèdent, de m anière évidente, le statu t de «lieu à occuper», p a r exemple le to p o s ubi sunt ou bien le topos du caractère non éphém ère de la poésie; ces to p o s

37 V o ir sur ce sujet C h. S. B a l d w i n , M e d ia e v a l R h eto ric a n d P o e tic , N ew Y o rk 1928. p. 27, et la c o m m e n ta ire de L e c h n e r , op. c it., p. 30.

38 A p r o p o s d es c o n v e n tio n s de rep résen ta tio n du p erso n n a g e fém in in , v o ir les in té ressa n tes c o n sid é r a tio n s c o n te n u e s d an s les articles de J. B a c h ó r z : « K a rta z d ziejó w zd r o w e g o ro zsą d k u » (La C arte d ’h isto ire d e b o n sens), cf. cet v o lu m e , p. 61 ; « A n a to m ia ro m a n so w ej h ero in y » (L ’A n a to m ie de l’h eroïn e rom a n esq u e),

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L e T opos e t lieu x com m u n s 39 exigent que l’on glisse le nom des héros et des poètes. In d é p en d am ­ m ent toutefois du degré de plénitude du top os, le principe m ême d ’u ne sélection et la suite des élém ents renferm ent une in fo rm ation déterm inée qui renvoie à un systèm e de valeurs universellem ent acceptées.

N o u s nous en souvenons: le to po s rhétoriq ue rem plit une fonction d ’argu m ent. Et cela concerne aussi le top os poétique. Celui-ci con­ tient d ’h ab itude un facteur axiologique puissant, il oppose une certaine valeur à une autre, il engage à quelque chose en m êm e tem ps q u ’il d éto u rn e de quelque chose, il crée une com m unauté d ’adeptes, m ais il co n stru it aussi l ’im age d ’un antagoniste, ne serait-ce q ue an tag o ­ niste sous-entendu. C ’est ainsi que nous observons des c o u p l e s d e t o p o s o p p o s é s e n m ê m e t e m p s q u e c o m p l é m e n t a i r e s . U n tel couple est constitué, p ar exemple, p ar les locus amoenus et

locus horridus39, construits en parallèle à l’aide d ’o p p o sitio n s: lum iè­

re — ténèbres, lieu ouvert* — lieu clos, n atu re am icale — n atu re élém ent m enaçant. D e m êm e, la d escription topisée de la b ea u té fém in­ ine a son p en d a n t dans la description de la laid eur où, au prem ier plan, apparaissent les rondeurs, les orifices du corps et m êm e dans les co m paraisons, à la place des bijoux et des fleurs ap p araissen t des anim aux « inférieu rs» 40. D ans les deux cas, les couples de topos naissent d ’un m ême système dan s lequel l ’agréable et le désagréable, le beau et le laid se com plètent, et les signes de valeur sont sans cesse partagés. Ces oppositions d énoten t en mêm e tem ps un ordre perm an en t — des styles, des genres, des types de personnages «infé­ rieurs» ou «élevés» et le corollaire de to u t cela: des cham ps d ’a p ­ plication, strictem ent séparés, des to pos particuliers.

E norm ém ent de to pos possèdent une stru ctu re à deux m em bres. Tels sont entre autres les t o p o s m é t a p h o r i q u e s , d o n t l’être est constitué p ar l’assim ilation des deux m em bres. P ar exem ple: le «m onde-théâtre» et le «m onde-livre». Et ces co n stru ctio n s sont, p ar nature, des choses réversibles, ce qui peut être la base d ’une géné­ ra tio n de topos parallèles (le «livre-m onde», le «théâtre-m onde»).

39 A p r o p o s des sou rces et d es a p p lic a tio n s du to p o s locus horridu s, voir M i c h a ł o w s k a , M ię d z y p o e z ją a w y m o w ą , pp. 201 — 204.

40 V oir l’ex em p le de la d esc rip tio n d e la fem m e de M a rch o łt, P o w a liszk a , d a n s l ’o eu v re de Jan z K o sz y czek , [dans:] S. V r t e l - W i e r c z y n s k i , W y b ó r te k s tó w

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40 Janina A b ra m o w sk a

C ependant, p articulièrem ent rem arquables sont les t o p o s c o n s t r u ­ i t s s u r d e s a n t i t h è s e s et ceux qui, très souvent, révèlent une antithèse potentielle des signes de culture • qui sont leur m atériau.

Il existe un vieux to p o s «reforger une épée en soc de charrue» d o n t l ’application fond am entale est l’éloge de la paix. Ce n ’est p o u rta n t pas to u jo u rs le cas. O bservons quelques citations.

A u début, voici le rôle classique de ce topos dan s Proporzec

{ L ’Oriflamme) de K ochanow ski (l’éloge du prince A lbrecht com m e

d ’un souverain bon et avisé):

J e g o ted y p o stęp k i m ądre u czyn iły, J eg o w iara i c n o ta , że c o srodze były P ruskie kraje stra p io n e u sta w iczn y m bojem , W rychle jęły się cieszy ć p o żą d n y m p o k o jem . M iecze na n iezro b io n e lem iesze sk o w a n o , S za b le na krzyw e k o sy i na sierpy d a n o .41

[A lors ses actes sages agiren t, / Et sa foi et sa vertu vives / F irent q u e les pays de P russe, / A ffligés cru ellem en t par les guerres in cessa n te s / P urent jo u ir de la paix d é s ir é e ./Ô n reforgea l’é p ée en so c , / Le sabre en faux co u rb ée et en fa u cille; v. 3 3 - 3 8 ]

Et voici un fragm ent d ’un poèm e des M oralia de P otocki, dans lequel a p p a ra ît le to p o s inversé: «reforger le soc en épée», mais son ap plication est sem blable à la précédente: il s’agit de réprouver les inégalités en tre les gens, considérées d ans la perspective du Siècle d ’or, ce qui est liée à la ré p ro b atio n de la guerre:

S k o ro j ę to lem iesze na m iecze przepalać, W ten cza s i lu d zie ludzi za słu g p rzyn iew alać, K u p o w a ć i przez w ojn ę sz u k a ć w nich o b ło w u 42.

[L o rsq u ’o n reforgea le so c en ép ée, / O n asservit alors les gen s aux g en s. / O n les ach eta et o n en profita par la guerre.]

M ais voilà que dans le Satyre de K ochanow ski, on se sert de ce topos, d ans son rôle fondam ental, p o u r rép ro uv er la noblesse terrienne paresseuse, égoïste, oublieuse des vertus chevaleresques de ses ancêtres:

41 Je cite, ici et par la su ite, d ’après D z ie ła p o ls k ie , éd. J. K rzy ża n o w sk i, W arszaw a 1978.

42 W. P o to c k i, « N a to ż d ru gi raz», vers 9 — 11, [dans:] M o ra lia (1688), éd. T . G rab ow sk i et J. Ł oś, v ol. 3, K r a k ó w 1918.

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L e T opos e t lieu x com m u n s 41

S k o w a liście o jco w sk ie gran aty na pługi, A z d ru g ieg o ju ż d a w n o w k u chni rożen d ługi. W p rzyłb icach k w o czk i sie d z ą a lb o o w ie s m ierzą, K ied y o b r o k w o ź n ic e na n o c k o n io m bierzą. K o tczy to n a d zieżn y k o ń , a p o czet zaś w oły, k tóre stoją i w stajni, i w tyle sto d o ły .

[L es g ren a d es de v o s pères v o u s av ez fo rg ées en ch arru es. / En lo n g u e b roche p o u r la cu isin e. / D a n s v o s visières il y a des p o u le s c o u v e u se s ou bien on y m esure l’a v o in e ca ro sse, c'est le ch ev a l et votre régim ent le b o e u f / Q ui sont l’un d ans l'écu rie, l'autre au fon d de l’é ta b le; v. 6 1 - 6 6 ]

D an s le ch an t II, 5, le souvenir des trad itio n s héroïques de l’é ta t noble sert à convaincre de la nécessité de payer des im pôts p o u r la guerre. D ans ce but, K ochanow ski s’est servi du top os in­ versé, en le sou m ettan t à un travestissem ent rem arqu able:

S kujm y .talerze na talery, skujm y, A żo łn ierzo w i p ien ią d ze g o tu jm y !

[F o r g e o n s les a ssiettes en écu s, fo r g e o n s. / Et au so ld a t fa iso n s de l’argen t; v. 3 7 - 3 8 ]

A insi donc le t o p o s , dans ces deux rôles — fond am ental ou inversé — s e r t d e u x d i r e c t i o n s o p p o s é e s d e l a p e r s u a s i o n . Il agit ainsi grâce à son au to n o m ie potentielle. O bservons les opposi­ tio n s cachées ici et leurs caractéristiques axiologiques:

épée soc

chevalier agriculteur

guerre travail

(— ) tuerie (+ ) création (m aintien) de la vie ( - ) risque (+ ) sécurité

(+ ) vaillance (— ) paresse (+ ) héroïsm e (— ) antihéroïsm e ce qui est élevé ce qui est bas

C om m e on le voit, les signes de valeur, des deux côtés, ne se disposent pas de façon conséquente, mais il ne s’agit pas non plus d' un changem ent historique de significations, m ais d 'u n e ant y­ nom ie de deux ethos qui se trouvent en eux dès le début. Les poètes de toutes les époques ont glorifié les plaisirs et les profits de

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42 Janina A b r a m o k s k a

la paix, mais ils ont aussi exhorté à la bravoure. Et souvent, c’était les m êm es poètes.

D ans tous les exemples cités ici, l ’usage du to p o s est lié à la mise en évidence de ce raiso nnem ent: l’éloge de la valeur «paix» a entraîné la ré p ro b atio n de la guerre ou vice versa.

U ne au tre relation des deux m em bres est projetée p ar un top os qui provient du précédent, c’est le topos, plus récent, de l’insu r­ rection «forger les faux en poignard». A pparem m ent, nous avons affaire au mêm e principe: l’outil de travail de l’agriculteur se change en instrum ent de tuerie. M ais le fau cheur tue dans une lutte juste, de défense ou de libération, afin de se m uer de nouveau en agricul­ teur qui fauche son blé dans une patrie libre. Il s’ensuit d onc une abolition de l’opposition, et com m e une accum ulation des valeurs positives: la consécration de la lutte et l’héroïsation du travail.

Les exem ples cités indiquent encore un au tre tra it du to p o s qui est sa p r o p e n s i o n a u x v a r i a n t e s . L ’épée peut se changer en grenade, en sabre, en casque, le soc en charrue, en faux et mêm e en broche. Parfois, la m ention d ’un seul m em bre en traîn e la m entio n de l’au tre ; si le p en d an t de l’épée est le cheval de com bat, à la place du soc ap p a ra ît le b o e u f de labour. C o nstan te est seulem ent la structure sém antico-logique qui désigne avec précision le «dom aine de variabilité». C om m e on le voit, dans son aspect de représen tatio n aussi, le to p o s constitue une co n stru ctio n “semi-fine” .

S u r le p l a n d u t e x t e , le topos constitue un élém ent relativem ent auton om e, qui se laisse isoler dans l’o rd re linéaire des m ots et des phrases. A la question co ncernant les dim ensions du topos, on peut seulem ent rép ondre q u ’il se situe d ’habitud e d an s u n s y n t a g ­ m e p l u s l a r g e q u e le m o t (et donc aussi que le m ot-clé), il est une phrase ou bien un segm ent de plusieurs phrases. La création d ’un énoncé à usage de to p o s rappelle l’a d a p ta tio n et la jo n ctio n d ’élém ents préfabriqués, ou, peut-être plus précisém ent, le m ontage d ’un tel élém ent dans un m u r de petites briques verbales. Avec cette seule réserve: au cours du m ontage, cet élém ent p ré ­ fabriqué exige encore un façonnage. Le to po s pro jette un énoncé défini en fonction de l’élévation du style. Il consent cependant, com m e je l’ai indiqué précédem m ent, à un choix limité des élém ents d ’accom ­ plissem ent et ce aussi bien sur le plan de la représentation que d an s le dom aine de l’o rg anisation verbale. D e cette dernière caractéristiq ue

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L e T opos e t lieu x com m uns 43 décide le caractère du texte dans son ensem ble, caractère qui impose, p a r exem ple, telles et non pas telles structures de versification. D é p en d an t de la nécessité, le topos peut être abrévié de façon ellipti­ que ou développé; souvent, il est m ultiplié en redondances, on place, les unes à côté des autres, des variantes, nous l’avons observé dans les citatio n s de L ’O riflam m e et du Sa tyre de K ochanow ski. La suite des m em bres du to p o s est obligatoire à des degrés divers; parfois, m em bres du to p o s est obligatoire à des degrés divers; parfois, elle p eu t être soum ise à l’inversion et m êm e à la division, à la m ulti­ p lication, à travers une tram e non to p iq u e 43. T o u t cela, ce sont des questions liées à la p roblém atique de la cohésion du texte.

F o n d am en talem en t, le to p o s organise une p artie de l’oeuvre, non sa to ta lité ; cepen dan t, exceptionnellem ent, il peut être identifié à son thèm e. Il en est ainsi d ans l ’aphorism e, dans le blason, parfois dans l’épigram m e. U n exem ple, ce peut être les épigram m es, les fr a s z k i de K ochanow sk i « N a zdrow ie», (A la Santé) ou «H anna». R appelons cette dernière fr a s z k a : T u góra d rzew y n a tk n io n a , A p o d nią łąka z ie lo n a ; T u zdrój p rzezroczystej w o d y P o d r ó żn em u dla o c h ło d y ; Tu z a c h o d n y w iatr p o w iew a , T u sło w ik p rzyjem nie śp iew a — A le to w sz y stk o za jaje, K ied y H a n n y nie d o sta je.

[Ici, une m o n ta g n e d ’arbres co u v erte, / Et à ses p ied s une verte prairie; / Ic i, une so u rc e d 'eau tra n sp a ren te / P our la fraîch eu r du v o y a g eu r; / Ici, un souffle; de vent d ’o u e st, / Ici. le ch an t ch arm an t du r o ssig n o l. / M ais to u t cela ne c o m p te pa^ / Q uand je n ’ais pas H an n a.]

N o u s discernons ici, dans sa form e pleine, classique, le topos

locus amoenus. Et la p o in te? A pparem m ent, elle est l ’inversion du

sens de la co n stru ctio n précédente: ce qui devait être une condition paten te de plaisir ne fo u rn it pas du to u t celui-ci, ou le fo u rn it à un degré insuffisant. Si, cependant, nous considérons bien que la

43 V o ic i un e x e m p le d ’une telle d isp ersio n d a n s un p o è m e de J. S m o lik . D a n s le p a y sa g e d écrit c o n fo r m é m e n t aux règles du to p o s locus am oen u s arrive un p erso n ­ n a g e h u m a in (voir p. ex. J. K r z y ż a n o w s k i , H isto r ia lite ra tu r y p o ls k ie j — L ’H isto ire

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44 Janina A b ra m ó w sk a

source de ce topos, c ’est le m ythe arcadien qui s’actualise le plus pleinem ent d an s l’églogue, si nous rap pelon s que la principale occu­ p atio n du pâtre d ans l’églogue c ’est l’am o u r, nous devons alors c o n sta ­ ter que la présence de la p artenaire constitue le com plém ent indispen­ sable du paysage idéal. L ’au teu r n ’est pas seulem ent en accord avec le sens p ro fo n d et les m odalités établies de l’usage du topos, il les accentue carrém ent. C ette fra szk a , qui est un gentil poèm e d ’am o ur, con stitu e en m êm e tem ps un genre d ’énoncé m étaverbal, elle contient une in fo rm atio n sur le thèm e du code topique.

Les poètes conceptualistes ont écrit des oeuvres qui, m ainte fois, étaient construites, dans leur to talité, à p a rtir d ’un m atériau to pique. Des poèm es de N aborow ski tels que «R óża» (La Rose), «K ur»

(Le Coq) ou «C zw artak» (Le Quatrième), ce sont de très particulières

«études d ’objets» dans lesquelles l’a u te u r réalise p o u r ainsi dire une récap itu latio n de leurs sens et de leurs com plexités traditionnelles. Les uns à côté des autres, ap paraissen t des to po s élevés et bas, de base m étap h o riq u e com m une, m ais aux diverses caractérisatio n s axio- logiques. L eur collision entraîne une n eutralisatio n spécifique, elle dém asque la vision topique du m onde en ta n t que vision alternative. De sem blables dém arches sont accom plies, a u jo u rd ’hui aussi, p a r les «poètes de culture».

La propension du topos aux variantes a ses limites, audelà des­ quelles com m encent les pratiques de travestissem ent et de parodie. Si M ickiewicz en appelle, dans l’ap o stro p h e initiale de Pan Tadeusz, non aux m uses, m ais à la «Sainte Vierge qui défend C zęstochow a», ici se placent à la fois une annonce du caractère épique de l’oeuvre et une déclaration en faveur d ’un co u ran t déterm iné de la trad itio n , co u ran t qui n ’est pas antico-héroïque, m ains chrétien et p o lo n a is 44. L ’installation du dom aine des applications du to p o s crée la po s­ sibilité de son usage inversé. Ainsi Sęp Szarzyński com m ence son

44 U n e fu n ctio n sem b la b le, q u o iq u e de fo rm e se n sib lem e n t plus arbitraire, est rem plie par l'ancien to p o s d 'ex o rd e «je n'écrirai p as à p ro p o s de v, m ais a p ro p o s de v». un to p o s qui est so u v en t in ju stem en t gén éralisé. A in si on a créé un Rej qui d éclare que ça ne l'intéresse pas. ce q u '« H élèn e c o m p lo ta it» , un Rej ad versaire de la cu ltu re an tiq u e, ta n d is q u ’o n a interprété la d écla ra tio n de K o ch a n o w sk i (« A d ie u , sa n g la n ts c o m b a ts /M e s co n trées ne v o u s aim en t p as») c o m m e l’éta b lisse m en t d'un rejet d es a m b itio n s ép iq u es.

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