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Scènes et doctrines du nationalisme

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M a u r i c e B A R R É S

D E L ’A CAD ÉM IE FRANÇAISE

SCÈNES 8 DOCTRINES

DU

NATIONALISME

2 0 e É d i t i o n

P AR I S

Société d’Edition et de Publications / "

L i b r a i r i e F é l i x J U V E N

122, rue Réaumur, 122

(2)
(3)
(4)
(5)

SCÈNES ET DOCTRINES

DU

N A T I O N A L I S M E

(6)

OEUVRES DE MAURICE BARRÉS

L E C U L T E D U M O I, trois rom ans idéologiques :

* S o u s l ’œ i l d e s B a r b a r e s . Nouvelle édition aug­

mentée d’un examen des trois idéologies 1 vol.

** U n H o m m e l ib r e . Nouvelle édition... 1 vol.

*** L e J a r d in d e B é r é n ic e . Nouvelle édition 1 vol.

L ’E n n e m i d e s L o is . Nouvelle édition 1 vol.

D u S a n g , d e l a V o l u p t é e t d e la M o r t 1 vol.

U n A m a t e u r d ’A m e s . Illustrations d e I.. D u n k i ,

gravées su r b o is 1 vol.

L E R O M A N D E L ’E N E R G I E N A T I O N A L E :

L

i v r e p r e m i e r

: L e s D é r a c i n é s 1 vol.

L

i v r e d e u x i è m e

: L ’A p p e l a u S o l d a t 1 vol.

L

i v r e t r o i s i è m e

: L e u r s F i g u r e s 1 vol.

B R O C H U R E S

H u i t j o u r s c h e z M. R e n a n . Une brochure in-32 (Epuisée).

T r o is S t a t i o n s d e P s y c h o t h é r a p i e . Une brochure in-32... • 1 fr.

T o u t e L i c e n c e s a u f c o n t r e l ’A m o u r , Une brochure in-32... 1 fr.

L e C u lt e d u M o i. T irage spécial de la préface Sous l’œ il des B arbares. Une brochure in-18 jé s u s .. 1 fr.

S t a n i s l a s d e G u a it a . Une brochure in-S. (Epuisée).

L a T e r r e e t l e s M o r t s : S u r quelles réa lités fo n d e r la conscience fr a n ç a is e . (Epuisé).

U N E J O U R N É E P A R L E M E N T A I R E , comédie de m œ urs en tro is a c t e s ... 2 fr.

P R O C H A I N E M E N T

A m o r i e t D o lo r i s a c r u m ... 1 vol.

L e s B a s t i o n s d e l ’E s t ... 1 vol.

I l a été tir é de cet oucraqe :

15 exem plaires num érotés à la presse su r papier de Hollande.

6 — — — — du Japon.

(7)

MA U R I C E B A R R É S

SCÈNES ET DOCTRINES

D U

NATIONALISME

« T e l l e e s t l a g r a v i t e d e n o t r e s i t u a t i o n i n t e l l e c t u e l l e q u e , s u r l e s n o t i o n s m ê m e l e s p l u s f o n d a m e n t a l e s e t e n a p p a r e n c e l e s p l u s f a c i l e s , l ’o r d r e a p p a r t i e n t a u x p u r s r é t r o g r a d e s , c h e z l e s q u e l s il d e ­ m e u r e s a n s e f f i c a c i t é , t a n d i s q u e l e p r o g r è s d e m e u r e e n t i è r e m e n t a n a r c h i q u e e t d è s l o r s r a d i c a l e m e n t s t é r i l e . »

Biblioteka Jagielloriska

Au g u s t e

C O M T E

1001357866

P A R I S

F é l i x J U V E N , É d i t e u r

122, ru e R é a u m u r, 122

T o u s d r o its d e tr a d u c tio n e t d e re p r o d u c tio n réservés p o u r to u s p a y s , y co m p ris la S u èd e , la N o r v è g e e t le D a n e m a rk

1001357866

(8)

U niv .

CKACÔVIENSK

5 S

ü N moo :

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L I V R E P R E M I E R

i

NATIONALISME, DÉTERMINISME

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(11)

S C È N E S E T D O C T R I N E S

DU

N A T I O N A L I S M E

L I V R E P R E M I E R

NATIONALISM E, DÉTERMINISME

1 ) p o u r q u o i j e p u b l i e CE l i v r e . — Je n ’avais jam ais soup­

çonné qu’aucun travail de lettres me donnerait la répu­

gnance que je dois surm onter pour rassem bler les feuillets de ce livre. Je crains qu’on ne la constate, car je ne me suis pas décidé à récrire, à re sse rre r et à fondre ces pages im provisées chaque jour aux feux de l’événement. Il vaut m ieux que je coure à des travaux qui m ’appellent, m ’ap­

pellent et m ’enivrent p a r avance. D’ailleurs elle est sé- chée dans tous les encriers de F rance, l’encre qui me servit à tracer quelques scènes principales de ce livre.

Avec quel enthousiasm e, comme on chante la M arseil­

laise, non pour les paroles certes, m ais pour la m asse d’ém otions qu’elle soulève dans notre 'subconscient, je détaillais san s me lasse r le terrible psaum e nationaliste!

« Doublons et redoublons! disais-je. Dreyfus, P anam a,

Dreyfus! Nous avons com battu deux fois. Nous avons

lancé la francisque ù deux tran ch an ts. » Oui, comme nos

pères de la légende, pour s ’entraîner, entonnaient le bardit

(12)

« P haram ond ! P haram ond ! » je répandais la double com­

plainte : « D reyfus et P an am a. »

Chacun des articles que réu n it ce volume fut l’expression spontanée et m inutieusem ent exacte des m ouvem ents de m on âme. J ’ai vécu, et je ne voudrais point avoir vécu autrem ent. Mais tout de môme j ’aurais été infinim ent plus calme, si j ’avais distingué que ce tum ulte se résou­

drait dans une tactique parlem entaire chétive et stérile.

Je n ’au rais pas cru utile de susciter ta n t de bons F ra n ­ çais, si j ’avais distingué qu'ils tourneraient en sim ples anti-m inistériels.

Bons F ran çais, je ne m ’en dédis pas, m ais bons à quoi?

Nous avons trouvé dans R ennes notre cham p de b a­

taille; il n ’y m anquait que des soldats. P arlons net : dés généraux. P arlons plus n et : u n général.

A ssurém ent je ne regrette point le ra n g où je m ’étais placé, à Reuilly, comme à Rennes. C’était le prem ier, le plus exposé, m ais d’où l’on voit les gestes a v an t que les obscurcisse la poussière qu’ils soulèvent. « Celle de mes

« v ertu s que vous appelez m a vertu politique et que j’ai-

« m erais mieux que vous eussiez appelée mon dévouem ent

» à m a patrie, doux nom qui me charm e toujours, ne a m ’a pas trop bien récom pensé », écrivait Milton. Q uant à moi, tout au contraire, j ’ai été comblé de bénéfices. Outre que j’ai vu des histoires passionnantes, l’histoire et les passions du passé me sont devenues plus intelligibles.

D ans son orgueil où je distingue m al si je vois un candi­

dat à la paralysie générale ou bien un rude pédant infa­

tué de s a culture supérieure (1), Nietsche a osé écrire que les hom m es politiques sont des querelleurs à qui nous fournissons leurs argum ents, des inférieurs que nous vê-

4 SC È N E S E T D O C T R IN ES DU N A TIO N A LISM E

(1) Notons toutefois que le jeune Renan, si nuancé et souple .par la suite, eut de ces manières impolies dans l’Ave­

nir de la Science.

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tons de nos livrées pour leur donner une raison d’être, des gladiateurs affamés de se battre et à qui nos doctrines qu’ils déform ent aussitôt apportent ta n t bien que m al un prétexte.

Ce n ’est pas juste (1). A m on avis, la grande objection contre les hom m es politiques se réduit à ceci qu’on n ’est point assu ré que leurs affirm ations soient loyales, c’est-à- dire qu’on doute toujours qu’elles soient l’expression com­

plète de leurs m éditations. Q uant à nier qu'ils m éditent, en vérité, ce serait excessif. Au reste, pour clore cet inu­

tile débat, tenons-nous donc à la belle image, à la gé­

néreuse solution de L am artine (2) :

Ainsi quand le navire au x épaisses m urailles, Qui po rte un peuple en tier bercé dans ses entrailles, Sillonne au point du jo u r l’océan san s chem in, L’astronom e chargé d ’orienter la voile

Monte au som m et des m âts où palpite lu toile, E t, p ro m en an t ses yeux de la vague à l’étoile,

Se dit : « Nous serons là dem ain ! »

N A TIO N A L ISM E, D É T E R M IN IS M E 5

(1) Une note plus sage m e sem ble donnée dans u n au tre pa­

rag rap h e du m êm e Nietsche :

« A p p r e n d r e l a s o l i t u d e . — Oh ! pauvres hères, vous qui habitez les grandes villes de la politique m ondiale, jeunes hom m es très doués, m arty risés p a r la vanité, vous considérez que c’est votre devoir de dire votre m o t dans tous les événe­

m ents (car il se passe toujours quelque chose !) Vous croyez que, lorsque vous avez fait ainsi de la poussière et du bruit, v o u s . êtes le carrosse de l’histoire ! Vous écoutez toujours et vous attendez sans cesse le m om ent où vous pourrez jeter votre parole au public, et vous perdez ainsi toute productivité véri­

table ! Quel que soit votre désir des grandes œ uvres, le profond silence de l’incubation ne vient pas ju sq u ’à vous ! L’événem ent du jo u r vous chasse devant lui comm e de la paille légère, tandis ''tjue vous avez l’illusion de c h a ss e r l’événem ent, — pauvres dia­

bles ! — Lorsque l’on veut être un héros s u r la scène, il ne faut p as songer à jo u er le chœ ur ; on ne doit mêm e pas savoir com­

m en t on fait chorus. »

Mais que to u t cela est donc b ru ta l !

(2) Utopie.

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6 SC È N E S E T D O C T R IN ES DÜ N A TIO N A LISM E

Puis, quand il a tracé sa route s u r la dune E t de ses com pagnons présagé la fortune, V oyant dans sa pensée u n rivage surgir, Il descend su r le po n t où l’équipage roule, M et la m ain au cordage et lutte avec la houle.

Il Saut se séparer, pour penser, de la [oule Et s’y confondre pour agir.

Agiiù c’cst bien. Mais s’agiter, ce n ’est pas agir. Quand certaines circonstances favorables ont passé, il faut se d étourner du te rra in qui ne se prête plus aux espérances de notre raison. 11 était raisonnable d’attendre quelque chose de la cam pagne dreyfusarde et de notre victoire rennaise. On s’endorm it après avoir crié « bataille ga­

gnée ». Faute d’un poing, M artin perdit son âne.

Chacun porte dans sa conscience des im ages doulou­

reuses et vénérées auprès desquelles le monde est sans couleur. Un deuil, en ne laissan t sur tes objets aucune beauté qui pût m ’a ttire r et en me disposant aux pensées graves, m ’a rappelé à m a vraie destinée.

L’Evangile est terrible pour le serviteur qui avait enfoui son talent. Ai-je un talent? Si faible qu’il soit, en inter­

p rétan t les aventures de l'Energie nationale dans ces der­

nières années, j’ai mieux servi l’esprit français que p a r les trois cents réunions où j’ai dénoncé les parlem entaires.

E t m êm e il n ’est pas besoin pour servir la cause nationale que nous m ettions dans nos livres un raisonnem ent pa­

triotique. Dès l’in sta n t que nous distribuons de l’ordre dans une œ uvre passionnée, si nous chassons tout ce qui con­

trarie la justesse française, si nous appelons à la vie des élém ents provinciaux, nous voilà utiles.

Depuis mon prem ier livre, livre d’enfant, Sous l'œil des

Barbares, je n ’ai donné au travail pour lequel je suis né

que les in stan ts que je dérobais à m a tâche politique. Déjà

je corrigeai les épreuves de Y H om m e libre p arm i les

soucis d’une cam pagne électorale. Que ne puis-je légitime­

(15)

N A TIO N A LISM E, D É T E R M IN IS M E 7

m ent espérer d’une m éditation que rien ne d istra ira plus, quand des expériences variées m 'ont désigné d’une m a­

nière certaine les objets où porter m on regard !

Toutefois, il convenait que je recueillisse ces pages.

On y trouvera l’âm e d’un p a rtisa n et l’atm osphère d’une bataille. II y a des couleurs qui d u ra n t quelques sem aines rem plissent tous les yeux, et qui bientôt s ’effacent, de­

viennent introuvables. J ’en suis sûr, l’historien des tu­

m ultes français (1) consultera plus tard ces pages fiévreuses.

En outre, je suis heureux d’affirm er m es sentim ents pour m es com pagnons dans la m inute môme où je vais sur d’au tres te rra in s poursuivre le com bat qui nous a quelques in stan ts fédérés. Enfin, il y a l’honneur, que je ne puis abandonner, d’avoir si bien délibéré et si bien lutté !

Ceux qui suivent m a pensée ont le droit de me dem ander compte des stades p a r où elle a passé. Ils trouveront, ici ses prem iers débrouillem ents; ils saisiront sa nécessité profonde dans certaines variantes où je l’essayai. Ils v er­

ro n t m a soum ission à m on innéité.

Une lorraine du xvm e. siècle disait d’un personnage quel­

conque : « Je sais bien qu’il a le m érite du naturel, m ais je ne sais pas si son naturel a du mérite. »

Si le lecteur est capable de nous opposer comme une raison cette jolie plaisanterie, qu’il se hâte d’aller plus av an t dans notre livre, car il y v e rra sous mille form es que le

(1) Il faut faire une fortune à ce m ot « tum ulte », bien supérieur à [ièvre {rançaise que j ’em ployai à plusieurs reprises d an s, le R om an de l'Energie nationale. Le latin lu m u llu s qui est de mêm e radical que lu m o r, gouvernent, rend si bien la sorte de pliéno'- m ène social que nous voulons signifier (boulangism e, affaire de P an am a, affaire Dreyfus) ! Et puis ce m ot a des titres vénérables.

Rome s ’en serv ait déjà à propos des Gaulois. « N ation née pour de vains tum ultes », dit Tile-Live. Appelez telle de nos « révolu­

tions » un tum ulte, et voilà des clartés qui s’allum ent et se

répandent le long de no tre histoire.

(16)

8 SC ÈN E S E T D O C T R IN ES DU N A TIO N A LISM E

problèm e n ’est point pour l’individu et pour la nation de se créer tels qu’ils voudraient être, (oh ! l’impossible besogne !) m ais de se conserver tels que les siècles les prédestinèrent.

2 ) LE N A TIO N A L ISM E, C’E S T L ’A CCEPTATION D ’UN D É T E R M I­

N IS M E . — Rien d’odieux comme le polygraphe qui touche à tous les sujets. Et san s reviser les éruditions d’un auteur, je le dis superficiel dès l’in sta n t que je ne sens point sous ses phrases une émotion en profondeur. Toute véritable sincérité s’accompagne d'un frém issem ent. Si l’écrivain ne m ’apparaît point en quelque m esure comme un poète, c’est qu’il ne me dit point s a vérité.

J ’avais à choisir entre quatre cents articles. Journaliste déjà vieux, je me suis souvent éparpillé; c’était pour re­

connaître m es limites et m es alentours. Les fragm ents que j ’assem ble dans ce volume, je ne les sauvai de l’im m ense ossuaire qu’a u ta n t qu'ils touchaient quelque point de m on véritable domaine. Mon domaine! comme j’ai dit ce mot! Entendez bien que je veux désigner non point un objet que je possède, m ais un objet où je m ’applique : mon cham p d’étude.

Le jour où je prouverai m a définition de l'idée de patrie, c'est à savoir la T erre et les Morts, p a r quelque m éditation s u r les provinces d’Alsace et de Lorraine, peut-être alors m ériterai-je qu’on dise : » Il est chez lui. »

Les jeunes gens qui lisent les prédications nationalistes et régionalistes m u rm u ren t : « Tiens, c’est in té ressa n t », m ais les raisons qui feraient ces questions vivantes en eux n ’existent pas. Nationalism e, régionalism e trop sou­

vent dem eurent des théories. Je les ferai sentir non point

comme des doctrines, m ais comme des biographies, nos

biographies à nous tous F rançais.

(17)

N A TIO N A LISM E, D É T E R M IN IS M E 9

Ce travail, que je crois de grande utilité, je l'ajourne (1), parce que des am is en qui je me fie m ’a ssu re n t que des vérités si constantes perdraient à être mêlées de scènes et de doctrines qui sont, les unes comme les autres, des polé­

miques. Ces am is, le dirai-je, me détournaient de réunir, comme je fais ici, les tém oignages de notre cam pagne anti­

dreyfusarde. Quand ils v iren t que je p assais outre, ils de­

m andèrent qu’au m oins ce livre ne s ’in titu lât pas La Terre et les Morts.

— Pourquoi, me disaient-ils, (en Alsace surtout), compro­

m ettre dans l’affaire Dreyfus, qui diviserait les anges eux- m êmes, une doctrine qui nous rassem ble ?

Eh! je le sais bien qu’il faudrait incorporer dreyfusism e et antidreyfusism e dans un type supérieur; qu’il faudrait sauver ce qu’il y a du chevaleresque français chez l’anti- dreyfusien de bonne foi; qu’il faudrait systém atiser cette double tendance, et puis coordonner, s ’il est possible, ces élém ents d’abord contradictoires dans un idéal commun!

Toutes ces questions que j’ai prises ici p a r leurs côtés ir r i­

tants, bientôt je les aborderai sans querelle, du sein même de m a petite patrie,- c’est-à-dire dans l’atm osphère qui les justifie le mieux, et je placerai le lecteur au centre même de m a pensée pour qu’il l’em brasse totalem ent. Ainsi ap­

p araîtra, sans que nul y puisse contredire, la vertu p er­

suasive de ces vérités. Oui, telles qu’on les trouve dans plusieurs chapitres de ce livre, je les ai indiquées et sen­

ties trop loin de leur pairie naturelle qui est un pays fron­

tière, la Lorraine. J ’étais dans une sorte d’exil, et, pour tout dire, à la guerre. Mais peut-être paraîtra-t-il utile de suivre et d’accepter toutes les oscillations d’une méthode qui se forme. Toutes les saisons d’une pensée concourent à m û rir son fruit.

(1) On p o u rra lire, en a tte n d a n t, la Vallée de la Moselle, dans

l'Appel au Soldat.

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10 SC ÈN E S E T D O CTR IN ES DU N A TIO N A LISM E

D ans ce recueil qui p o u rrait s’appeler Dix ans cl'études nationalistes, on tro u v era les prem ières constructions de la 'solide m açonnerie d’où nous prîm es toules nos vues : Un nationaliste, c'est un Français qui a pris conscience de sa form ation. Nationalisme est acceptation d'un déterm i­

nism e.

3) d e c tE L o i n i n t e r n a . — Les catholiques voient dans le patriotism e un prolongem ent de la m orale. C’est su r les com m andem ents de l’Eglise que s ’assu re leur idée de p a­

trie. Mais si je ne suis pas un cro y an t ?

P our un certain nom bre de personnes le su rn atu rel est déchu. L eur piélé qui veut un objet n ’en trouve pas dans les cieux. J ’ai ram ené m a piété du ciel sur la terre, su r la terre de m es m orts.

Mon intelligence est tentée de toutes parts, tout l’inté­

resse, l’ém eut et la divertit. Mais il y a au plus profond de nous-m êm es un point constant, point névralgique : si l’on y touche, c’est un ébranlem ent que je ne pouvais soupçon­

ner, c’est une ru m eu r de tout m on être. Ce ne sont point les sensations d’un individu éphém ère qu’on irrite, m ais à mon g rand effroi l’on fait su rg ir toute m a race.

Douce Antigone, vierge âgée de -vingt ans, lu voulais le dérober, te réserv er pour l’hym en. Mais, Antigone aussi vieille que l’illustre race des Labdacides, il fallut- bien que tu protestasses.

Créon est u n m aître venu de l’étranger. Il dit : « Je con­

nais les lois de ce pays et je les applique. » C’est qu'il juge

(19)

N A TIO N A LISM E, D É T E R M IN ISM E 11

avec son intelligence. Inintelligence, quelle petite chose à la surface de nous-m êm es !

Antigone, au contraire, dans le même cas, intéresse son hérédité profonde, elle s ’inspire de ces parties subcons­

cientes où le respect, l’am our, la crainte non encore diffé­

renciés form ent une m agnifique puissance de vénération:

Sous cette puissance de vénération qu’elle est égalem ent prédisposée à ressentir, la cité s’ébranle, se réconcilie au ­ tour d’Antigone.

Et voici qu'à son tour Créon, recevant d’un deuil plus que de ses raisonnem ents, tombe su r ses deux genoux.

Ainsi la meilleure dialectique et les plus complètes dé­

m onstrations ne sa u raien t pas me fixer. Il faut que mon cœ ur soit spontaném ent rem pli d’un g rand respect joint à de l’am our. C’est dans ces m inutes d’émolivité générale que m on cœ ur m e désigne ce que je ne laisserai pas m ettre en discussion.

Long travail de forage ! Après une analyse aiguë et pro­

fonde je trouvai dans m on petit jard in la source jaillis­

sante. Elle vient de la vaste nappe qui fournit toutes les fontaines de m a cité.

Ceux qui n ’atteignent point à ces réservoirs sous-jacents, ceux qui ne se connaissent pas avec respect, avec am our et avec crainte comme la continuité de leurs parents, com­

m ent trouveront-ils leur direction?

C’est m a filiation qui me donne l’axe autour duquel tourne m a conception totale, sphérique de la vie.

T ant que je dem eurerai,ni m es ascendants ni m es bienfai­

teurs ne seront tom bés en poussière. Et j ’ai confiance que

moi-même, quand je ne pourrai plus me protéger, je serai

abrité p a r quelques-uns de ceux que j’éveille.

(20)

12 SC ÈN E S E T D O C T R IN ES DU N A TIO N A LISM E

Ainsi je possède m es points fixes, m es repérages dans le passé et dans la postérité. Si je les relie, j'obtiens une des gran d es lignes du classicism e français. Comment ne serais-je point p rê t à tous les sacrifices pour la protection de ce classicism e qui fait m on épine dorsale ?

Je parle d'épine dorsale et ce n 'est point une m étaphore, m ais la plus puissante analogie. Une suite d’exercices m ul­

tipliés à tra v e rs les siècles antérieurs ont fait l’éducation de nos réflexes.

Il n ’y a pas m êm e de liberté de penser. Je ne puis vivre que selon m es m orts. Eux et m a terre me com m andent une certaine activité.

Epouvanté de m a dépendance, im puissant à me créer, je voulus du moins contem pler face à face les puissances qui me gouvernent. Je voulus vivre avec ces m aîtres, et en leur re n d a n t un culte réfléchi, participer pleinement de leur, force.

D’au tres se décomposent p a r l'analyse ; c’est p a r elle que je me recompose et que j ’atteins m a vérité.

4) q u ' e s t - c e q u e l a v é r i t é ? — Ce n 'e st point des choses à savoir, c’est de trouver un certain point, un point unique, celui-là, nul autre, d'où toutes choses nous apparaissent . avec des proportions vraies.

P récisons davantage. Combien j’aim e celte phrase d’un peintre qui disait : « Corot, c’est un hom m e qui sait s'a s ­ seoir. »

Il me faut m ’asseoir au point exact que réclam ent m es

yeux tels que me les firent les siècles, au point d'où toutes

(21)

N A TIO N A LISM E, D É T E R M IN IS M E 1 3

choses se disposent à la m esure d’un F rançais. L ’ensemble de ces rapports justes et v rais entre des objets donnés et un hom m e déterm iné, le Français, c’est la vérité et ta justice françaises; trouver ces rapports, c’est, la raison française.

E t le nationalism e net, ce n ’est rien autre que de savoir l’existence de ce point, de le chercher et, l’ayant atteint, de nous y tenir pour prendre de là notre art, notre politique et toutes nos activités .

5) P a s d e v e a u g r a s (1). — D ans un article de

la R evue des Deux-Mondes, M. René Doumic dresse le

« Bilan d'une génération » et voici com m ent il le résum e :

» Les beaux jours du dilettantism e sont définitivem ent pas- ci sés. Le livre que M. Séailles consacrait naguère à E rnest

» R enan témoigne assez de celle espèce de colère contre

« l’idole de la veille. Les rep résen tan ts les plus attitrés du

« pessim ism e, de l’im pressionnism e et de l’ironie ont ab-

» juré leurs erreu rs avec solennité. C’est M. P a u l Bour-

« get, de qui nous enregistrons aujourd’hui la nette et signi-

» ficative profession de foi. C’est M. Jules Lem aîlre, si h a ­ ie bile jadis à ces balancem ents d’une pensée incertaine et

» qui s ’est ressaisi avec ta n t de vigueur et de courage. C’est

« M. B arrés, si em pressé dans ses prem iers livres à jeter

<i le défi au bon sens et' qui, dans son dernier, s ’occupait à

« relever tous les autels qu’il avait brisés. »

M Doumic me perm ettra de lui présen ter m a protesta­

tion : je ne relève aucun autel que j ’aie brisé et je n ’abjure pas m es erreurs, ca r je ne les connais point. Je crois qu’avec plus de recul, Doumic trouvera dans m on œuvre, non pas des contradictions, m ais un développement;

(1) Le Journal, 8 février 1900L

(22)

1 4 SC ÈN E S E T D O C T R IN ES DU N A TIO N A LISM E

jje crois qu’elle est vivifiée, sinon p a r la sèche logique de l’école, du m oins p a r celte logique supérieure d’un arbre cherchant la lum ière et cédant à sa nécessité intérieure.

Je m ’explique là-dessus, parce que M. Doümic n ’est pas le seul à me faire une réception d'enfant prodigue.

D’au tre s me donnent des éloges dont s ’em b arrasse mon indignité. Eh ! m essieurs, m es erreurs, il s ’en faut bien que je les « abjure » solennellem ent ou non : elles dem eurent, toujours fécondes, à la racine de toutes m es vérités.

Si c’est mon illusion, elle est autorisée p a r ta n t do jeunes esprits qui m ’ont gardé leur confiance, non parce que je les am usais (j’aime à croire que je suis u n écrivain plu­

tôt ennuyeux qu’am u san t ; on est prié d’aller rire ailleurs), m ais parce que je les aidais à sé connaître ! Sans doute, m on petit monde créé p a r douze ans de propagande, p ar Simon, p a r Bérénice et p a r le chien velu, a été décimé p ar l’affaire Dreyfus. Je garde un souvenir aux am is perdus, m ais notre prem ière entente m ’apparaît comme un m alentendu ; nous n ’étions pas de môme physiologie.

Seuls les purs, après cette épreuve, sont dem eurés. C’est pour le mieux. Ils reconnaissent que je n ’ai jam ais écrit qu’un livre : Un H om m e libre, et qu’à vingt-quatre ans j'y indiquais tout ce que j’ai développé depuis, ne faisant dans les Déracinés, dans La Terre el les Morts et dans cette

» Vallée de la Moselle » ( où j'ai peut-être m is le meilleur de moi-même) que donner plus de complexité aux motifs de m es prem ières et constantes opinions. Ils peuvent té- m oigner'que dans la Cocarde, en 1894,, nous avons tracé avec une singulière vivacité, dont s’effrayaient peut-être tels am is d’aujourd’hui, tout le program m e du « nationa­

lism e » que depuis longtem ps nous appelions p a r son nom.

Ce n ’est pas nous qui avons changé, c’est 1’ » Affaire » qui a placé bien des esprits à un nouveau point de vue.

« Tiens, disent-ils, B arres a cessé de nous déplaire. » J ’en

suis profondém ent heureux, m ais je ne ils que suivre mon

(23)

n a t i o n a l i s m e ; d é t e r m i n i s m e 1 5

chemin, et chaque année je portais la m êm e couronne, les m êm es pensées su r un tombe dans l’exil (1).

S ur quoi donc me fait-on querelle? Je n ’allai point droit su r la vérité comme une flèche su r la cible. L’oiseau s’oriente, les arb res de m on pays pour s’élever étagent leurs ram ures, toute pensée procède p a r étapes. On 11 e m ’a point trouvé comme une perle parfaite quelque beau m atin entre deux écailles d’hultre. Comme j'y aspirais dans Sous l'œil des Barbares et dans Un Homme libre, je m e fis une discipline en g ard an t mon indépendance. Un Ilom m e libre, pauvre petit livre où m a jeunesse se van tait de son isole­

m ent ! J ’échappais à l’étouffement du collège, je me libé­

rais, me délivrais l’âme, je prenais conscience de m a vo­

lonté. Ceux qui connaissent la jeune littérature française déclareront que ce livre eut des suites. Je me suis étendu, m ais il dem eure m on expression centrale. Si m a vue em­

b ra sse plus de choses, c’est p o u rtan t du même point que je regarde. Et si l'H om m e libre incita bien des jeunes gens à se différencier des Barbares (c’est-à-dire des étrangers), à reconnaître leur véritable nature, à faire de leur « âm e » le meilleur emploi, c’est encore la m êm e méthode que je leur propose quand je leur dis : « Constatez que vous êtes faits pour sentir en lorrains, en alsaciens, en bretons, en belges, en juifs. »

P enser solitairem ent, c’est s ’achem iner à penser solidai­

rem ent (2). P a r nous, les déracinés se connaissent comme tels. Et c’est m ain ten an t un problèm e social, de savoir si

(1) Au cim etière d’Ixelles. — Voir la dédicace do l’/lppei au Sol­

dai à Jules Lem aître.

(2) C’est p a r je ne sais quel souvenir d’une assonance antithé­

tique de Hugo que j’emploie ici ce m o t de solidarité. On l'a gâté en y m e tta n t ce qui dans le vocabulaire chrétien est charité.

Toute relation entre ouvrier et p a tro n est une solidarité. Cette solidarité n ’im plique nécessairem ent aucune « hum anité », au­

cune « justice », et, p a r exemple, nu gros en trep ren eu r qui a tra n s­

porté m ille ouvriers s u r les chantiers de P an am a, elle ne com-

(24)

1 6 SC È N E S E T D O CTR IN ES DU N A TIO N A LISM E

l’E tat leur fera les conditions nécessaires pour qu’ils r e ­ p rennent racine et qu’ils se nourrissent selon leurs affi­

nités.

Au fond le trav ail de m es idées se ram ène à avoir reconnu que le moi individuel était tout supporté et alim enté p a r la société. Idée banale, capable cependant de féconder l’œ uvre d'un g rand a rtiste et d’un hom m e d’action. Je ne suis ni celui-ci, ni celui-là, m ais j ’ai passé p a r les diverses étapes de cet achem inem ent vers le moi social; j’ai vécu les divers in stan ts de cette conscience qui se form e. Et si vous voulez bien me suivre, vous distinguerez qu’il n'y a aucune oppo­

sition entre les diverses phases d’un développement si facile, si logique, irrésistible. Ce n ’est qu’une lum ière plus forte à m esure que le m atin cède au midi.

On juge vite à P aris. On se fait une opinion su r une œ uvre d’après quelque formule heureuse, qu’un homme d’esprit lance et que personne ne contrôle. J ’ai publié trois volumes sous ce titre : « Le culle du Moi », ou, comme je disais encore : « La culture du Moi », et qui n ’étaient au de­

m eu ran t que des petits traités d’individualisme. Je crois que M. Dounnc m ’épargnera et s’ép arg n era volontiers des plaisanteries et des indignations su r l’égoïsme, su r la contem plation de soi-même, dont j ’ai été encom bré pendant une dizaine d’années. J ’ai été un individualiste, et j ’en disais san s gêne les raisons; j’ai prêché le développement de la

m ande pas qu'il soigne le terra ssie r devenu fiévreux ; bien au

contraire, si celui-ci désencom bre rapidem ent p a r sa m o rt les

h ôpitaux de l’isthm e, c’est bénéfice p o u r celui-là. Mais il fallait

construire une m orale, et voilà pourquoi 011 a faussé, en l’édulco-

ra n t, le sens du m o t solidarité. Q uand nous voudrons m arq u er ces

sentim ents instinctifs de sym pathie p a r quoi des êtres, d ans le

tem ps aussi bien que dans l’espace, se reconnaissent, tendent à

s’associer e t à se com biner, je propose qu’on parle plutôt d’a//i-

r>itês. Le fait d’être de m êm e race, de m êm e fam ille, form e u n

déterm inism e psychologique ; c’est en ce sens que je prends

le m ot d 'affinités.

(25)

N A TIO N A L ISM E, D É T E R M IN IS M E 1 7

personnalité p a r une certaine discipline de m éditation inté­

rieure et d’analyse. A yant longuem ent creusé l’idée du

» Moi » avec la seule m éthode des poètes et des rom anciers, p a r l’observation intérieure, j’étais descendu, descendu parm i des sables sans résistance, jusqu’à trouver au fond et pour support la collectivité.

Voilà déjà qui nous ra b a t l’orgueil individuel. Le Moi s’an éan tit sous nos reg ard s d’une m anière plus terrifiante encore si nous distinguons notip autom atism e qui est tel que la conscience plus ou m oins vague que nous pouvons en prendre n ’y change rien.

Tous les m aîtres qui nous ont précédés et que j’ai tant aim és, et non seulem ent les Hugo, les Michelet, m ais ceux qui font transition, les Taine, les Renan, croyaient à une raison indépendante existant dans chacun de nous et qui nous perm et d’approcher la vérité. Voilà une notion à la­

quelle pour m a p a rt je me suis attaché passionném ent. L’in­

dividu! son intelligence, s a faculté de saisir les lois de l'univers ! Il faut en rab attre. Nous ne som m es pas les m aîtres des pensées qui naissent en nous. Elles ne viennent pas de notre intelligence ; elles sont des façons de réagir où se trad u isen t de très anciennes dispositions physio­

logiques. Selon le milieu où nous som m es plongés, nous éla- Lorons des jugem ents et des raisonnem ents. L a raison h u ­ m aine est enchaînée de telle sorte que nous repassons tous dans les pas de nos prédécesseurs. Il n ’y a pas d’idées personnelles; les idées m êm e les plus rares, les jugem ents m êm e les plus abstraits, les sophism es de la m étaphysique la plus infatuée sont des façons de sen tir générales et se retrouvent chez tous les êtres de m êm e organism e assiégés p a r les m êm es images.

D ans cet excès d’hum iliation, une magnifique douceur nous apaise, nous invite à accepter tous nos esclavages et la m ort : c’est, si l’on veut bien com prendre —- et non pas seulem ent dire du bout des lèvres, m ais se représenter

2

(26)

i 8 SC È N E S E T D O C T R IN ES DU N A TIO N A LISM E

d’une façon sensible — que nous som m es la continuité de nos parents. Cela est v ra i anatom iquem ent. Ils pensent et ils parlent en nous. Toute la suite des descendants ne fait qu’un môme être. Sans doute, sous l’action de la vie am ­ biante, une plus grande complexité y po u rra apparaître, m ais qui ne le d én a tu rera point. C’est comme un ordre a r­

chitectural que l’on perfectionne : c’est toujours le môme ordre. C’est com m e une m aison où l’on introduit d’autres dispositions; non seulem ent elle repose su r les m êm es as­

sises, .mais encore elle est faite des m êm es moellons : c’est toujours la m êm e m aison. Celui qui se laisse p én étrer de ces certitudes abandonne la prétention de penser mieux, de sen tir mieux, de vouloir mieux que ses pères et m ères, il se dit : » Je suis eux-mêmes. » Et de cette conscience, quelles conséquences il tire ra ! quelle acceptation ! Vous l’entre­

voyez. C’est tout un vertige où l’individu s’abîm e pour se retrouver dans la famille, dans la race, dans la nation.

J ’apprécie beaucoup une « lettre ouverte » que j ’ai découpée d ans le Tim es. A l’occasion d’une élection à la Cham bre des com m unes, u n M. O swald John Sim on, israélite et m em bre d’une association politique de Londres, écrit : «... Je suis tenu

« de déclarer ce qui suit pour le cas où j’en trerais dans la vie

« parlem entaire : Si un conflit venait m alheureusem ent à n aître

« entre les obligations d’un A nglais et celles d’un juif, je sui-

« v rais la ligne de conduite qui p a ra îtra it en pareil cas naturelle

« à tout au tre A nglais, c’est-à-dire que je suis ce que m es an-

« cêtres ont été p en d an t des m illiers d’années, p lu tô t que quelque

« chose qu’ils n ’ont été que depuis le tem ps d’Olivier Cromwell. » L a belle lettre ! Que la dernière phrase de ce juif est puissante ! Elle révèle u n hom m e élevé à une m agnifique conscience de son énèrgie, des secrets de sa vie. Mais quand m êm e cet Oswald John Sim on n ’a u ra it p as saisi et form ulé la loi de sa destinée, cependant il obéirait à cette loi. Et nous tous, les plus réfléchis et les plus instinctifs, n ous som m es « ce que nos an-

« cêtres ont été pendant des m illiers d’années, plu tô t que quelque

« chose qu’ils n ’o n t été que depuis le tem ps d’Olivier Cromwell. »

Quand des libertins s ’élevèrent au milieu de la F rance

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N A TIO N A L ISM E, D É T E R M IN IS M E 1 9

contre les vérités de la F rance éternelle, nous tous qui sentons bien, ne pas exister seulem ent depuis Olivier Cromwell, nous dûm es nous précipiter. Je n ’accourus pas

« soutenir des autels que j’avais ébranlés », m ais soutenir les autels qui font le piédestal de ce moi auquel j ’avais rendu un culte préalable et nécessaire.

Les lecteurs et M. Doumic m e pardonneront-ils cette ex­

plication pro domo? Je ne m érite! pas les' Reproches ni le veau g ra s de l’enfant prodigue. Je n ’ai aucun passé à re-, nier. Nous avons voulu m aintenir la m aison de nos pères que les invités ébranlaient. Quand nous aurons rem is ces d erniers à leur place (l’anticham bre, — en style plus noble, l’atriu m des catéchum ènes), nous reprendrons, chacun, selon nos aptitudes, les divertissem ents où se plurent nos aïeux.

On ne p eu t pas toujours dem eurer sous les arm es et il y a d ’au tres expressions nationales que la propagande politique, bien qu’à cette m inute je ne sache pas d’œ uvre plus utile et plus belle. Mais, après la victoire, nous ne penserons pas à nous in ­ terdire l’a rt total. « Ironie, pessim ism e, sym bolism e », (que dé­

nonce M. Doumic) sont-ce là de si gran d s crim es ? Nous serons ironistes, pessim istes, comme le furent quelques-uns des plus g ran d s génies de notre race ; nous verrons s’il n'y a p as m oyen de tire r quelque chose de ces velléités de sym bolism e que les cri­

tiques devraient aider et encourager, plu tô t que bafouer — et ce rôle d’excitateur, de conseiller, serait digne de M. Doumic, — car en vérité, com m ent pourrions-nous avoir confiance dans la des­

tinée du pays et aider à son développement, si nous perdions le sentim ent de notre propre activité et si nous nous découragions de la m anifester p a r ces spéculations littéraires do n t n o tre con­

duite présente dém ontre assez qu’on avait to rt de se m éfier?

G) NO TE S ü h L E S M OTS « RACE » E T « N A TIO N FR A N ÇA ISE ».

— Disons-le une fois pour toutes: il est inexact de parler au

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sens stric t d'une race française. Nous ne som m es point une race, m ais une nation ; elle continue chaque jour à se faire et sous peine de nous dim inuer, de nous anéantir, nous, individus qu’elle encastre, nous devons la protéger.

E ntre ta n t d’au tres analogies propres à rendre sensible ce qu’est une nation, écoutez celle-ci qui me plaît :

Je com parerais volontiers une nation à ces puddings de pierres qui se form ent le plus souvent dans les eaux vives et que l’on nom m e conglom érats. Le m ortier qui lie ces pierres est dû en partie à leur usure m êm e et à leur m ouve­

ment. Quand cet am as est entraîné, des pierres s ’y at­

tachent et s’y soudent. Les couches se superposent. Mais si chaque élém ent de la couche externe garde à l’œil sa personnalité, il est p o u rtan t solidaire, relativem ent aux actions physiques, de toutes les couches et de tous les élé­

m ents, aujourd’hui recouverts, qui se sont attachés à son prem ier noyau. E t cette solidarité crée sa résistance contre les forces naturelles. Qu’une pierre se détache du conglo­

m érat, elle roule avec rapidité, s’use et devient poussière ; m êm e si elle s ’attache à quelque autre conglomérat, ce n ’est que dim inuée et en partie usée.

Ainsi l’individu me sem ble être lié à toutes ses ascen­

dances m ortes p a r le travail des individus et des sacrifiés qui l’ont précédé, comme la pierre l’est au conglom érat p ar le m ortier qu’a form é le trav ail des couches successives.

2 0 SC È N E S E T D O C T R IN ES DU N A TIO N A LISM E

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L I V R E D E U X I È M E

L ’A F F A I R E D R E Y F U S

Voici deux points de repérage :

A. — Le général Billot a dit : « Quand nous avons été volés, nous avons regardé. Nous avons vu quelque chose de suspect qui rem uait derrière un buisson. Notis avons tiré ; nous som m es allés voir. Il y avait un iu il par terre. Les autres s ’étaient en fuis. »

B. — Sandherr disait : « S i je vous m ontrais les nom s des

gens que nous payons en Allem agne, vous entreriez à la

Trappe. »

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(31)

L I V R E D E U X I È M E

L’A FFA IR E DREYFUS

CHAPITRE PREMIER

P O SIT IO N DE LA Q U EST IO N D R EY FU S.

7) R E SP O N S A B IL IT É DU M IN IS T È R E M É L IN E . Le p e u p l e C Tie :

h Trahison » et le gouvernem ent dorl (1): — Des flots d’ignominie sont versés su r le corps des officiers. Bien plus, u n acte de trahison envers la F ran ce a ôté commis p a r un officier français; cela est certain, puisqu’on 11 e dis­

cute que le nom de l'officier.

a D e.deux choses l’une : ou il v a être établi que la jus-

» tice m ilitaire dans une si grave question a condam né un

« innocent et épargné le coupable, ou il va devenir évident a qu’une tentative pour sauver un traître a pu s ’a ssu rer h les concours les plus considérables sans trouver dans

« le gouvernem ent du pays un acte ou un m ot de protes-

11 talion un peu nette. Si encore les choses s’arrê ta ien t là!

<c Mais, tout autour, on entrevoit d’au tres figures. Des

(1) Le Journal, 20 novem bre 1807. La Foi dans l’arm ée.

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<( soupçons continuels planent su r un certain nom bre itc d'officiers... » Ainsi parle Camille Pelletan. Le Jour porte, en m anchette, ce titre : « Un P a n a m a m ilitaire ».

La Petite République publie une chanson ay a n t pour re­

fra in :

« L’horrible cri de la débâcle :

« T rahis ! Nous som m es trah is ! »

Vous connaissez notre excitabilité héréditaire. Voici que la F ran ce entière, soldats, paysans, ouvriers, bourgeois, naïfs et sceptiques, sach a n t déjà le ta rif d’un m inistre, d’un député, d’un sénateur, se dem andent m aintenant quel est le prix d’un officier.

« Nous som m es trahis! » c’est à ce cri que nos pères, en 1870-71, laissèren t la F rance céder le prem ier ran g qu’elle n ’a plus su reconquérir. Cette terrible clam eur réapparaît.

E t les m êm es hom m es, ces parlem entaires qui se van ten t d’avoir su rétab lir un tribunal révolutionnaire et une loi d’exception pour défendre leur situation personnelle, laissent s ’éterniser une question qui rapidem ent pourrirait la France.

Il fau t connaître les conditions du pays qu’on gouverne.

La guerre franco-allem ande n ’est pas seulem ent à étudier parce qu’elle in stru it su r le passé : elle conseille s u r le présent.

On peut se fier à M. Alfred Duquet : tous les p artis s ’ac­

cordent à reconnaître qu’il a m is en œ uvre des docum ents complets et sincères. Il procède pas à pas en citan t ses tém oignages. Son tem péram ent n ’intervient pas dans son érudition; et s ’il le tra h it parfois dans quelques apprécia­

tions, cela ne v a u t point pour affaiblir la thèse que nous extrairons de son histoire, puisqu’on constate su r certains qualificatifs démodés, — ainsi le mot « les rouges » pour dé­

signer les élém ents politiques avancés, — que M. Duquet est

un m odéré, un a m i de l ’ordre. E n réalité; com m e il a rriv e

24 SC È N E S E T D O C T R IN ES D U N A TIO N A LISM E

(33)

souvent chez les hom m es d’étude, M. Duquet est à la fois discipliné et indépendant. Il e st soum is au pacte social en vigueur et en m êm e tem ps audacieux à poursuivre la vérité dans le dom aine spécial où il s’est appliqué.

E h bien! M. Duquet pense qu’une p a rt principale de nos désastres en 1870-71 doit être attribuée au m anque de confiance de la nation d a n s les chefs m ilitaires; et l’on voit bien que la nation avait raison, ca r les chefs souvent ne dem andaient pas le succès aux tentatives qu’ils diri­

geaient. P lusieurs fois nous avons pu vaincre; ce qui nous em pêcha de poursuivre des journées m erveilleusem ent commencées, ce fut une attitude des chefs propre à justifier la défiance des soldats. E t le vocabulaire populaire très simpliste a dit « Trahison! »

Une nation parle toujours une adm irable langue sy n th é­

tique. Ce qu’elle crie est plein de sens. Si l’on examine de près les docum ents que nous possédons pour établir la psychologie de Judas, nous voyons que cet im m ortel infâm e n ’agit point directem ent p a r cupidité, mois pro­

bablem ent p a r jalousie, ayant été désigné comme un tra ître p a r Jésu s devant tous les apôtres et dans l’in stan t où Jean reposait su r la poitrine du m aître. E n outre, ce Ju d as était capable de sentim ents assez généreux, puisque, une fois Jésus condam né, il fut ému, jeta son a rg en t et se pendit. Je rappelle cette psychologie probable de l’Iscariote pour indiquer que le m ot trah ison sign ifie une certaine action indépendam m ent des m obiles qui déterm inèrent son auteur. La trahison est un acte qui n e com porte point de circon stan ces atténuantes et qui se m esure socialem en t non aux in ten tio n s de l ’auteur, m ais aux co n séq u en ces de l ’acte.

A côté de l’ac te co n scie n t q u ’on a lieu d ’a ttr ib u e r à D reyfus, il y a des a c te s a u s s i g ra v e s d a n s le u rs co n sé­

quences, m a is in fin im en t n u a n c é s d a n s le u rs mobiles-, ég a le m en t faits p o u r d é tru ire la foi d’u n p a y s d a n s l'a rm é e .

PO SIT IO N DE LA Q U EST IO N D R EY FU S 2 5

(34)

26 SC È N E S E T nOCTTÏTNES D U N A TIO N A L ISM E

Je laisse de côlé la cam pagne de L orraine, où, après les prem ières défaites et quand on avait résolu de se re tirer s u r Çhâlons, Bazaine n ’eut qu’un but : se faire couper la route. A Borny, à Rezonville, à Saint-Privat, il ne cherchait qu’à se laisser m ettre dans une telle situation qu’il p arû t co n train t de se réfugier dans Metz. D ans ces trois jour­

nées, où les F rossard, les Lebœuf, les Canrobert, les Lad- m irault se battiren t avec un courage héroïque, ce m aréchal ne souhaitait rien que leur échec et la réussite du plan que poursuivaient les Allemands. Il voulait se faire gagner de vitesse p a r l’ennem i et s’enferm er dans Melz pour y attendre l’heure obscure où les destinées do l<à F ran c e dé­

p endraient de son intervention politique.

Metz et Bazaine, c’est acquis à l’histoire. Exam inons avec Alfred D uquet ce qui résulte des docum ents im p ar­

tiaux su r le siège de P aris.

Quand on entre dans le m inutieux détail, on voit qu’à P aris la foi m anquait aux chefs m ilitaires, qu’ils eurent toujours un sourire de pitié su r les. lèvres ta n t pour les propositions des hom m es de science que pour les élans de la population. On entend dire parfois : « Ce qui a gêné la défense, c’est la peur de l’insurrection. » M. Duquet, peu porté à l’indulgence pour ce qu’il appelle « les rouges », répond : « Si vous aviez bien conduit la défense au point de vue m ilitaire, vous n ’auriez rien eu à redouter de pareil.

L’insurrection n ’eût trouvé ni sa raison d'être m orale ni ses élém ents num ériques. C’est votre état d’esprit et votre conduite qui faisaient son principe et sa force . »

Quel fut donc le raisonnem ent de Trocliu? Il se disait :

» P our que je sorte de la défensive et que j ’attaque les

lignes ennem ies, il faut que je form e une arm ée active,

indépendante de la garnison. Ce trav ail me dem andera

trois mois. Pendant ce tem ps, l ’ennem i établira ses lignes

d’investissem ent, et quand je pourrai so rtir de P aris, je

me trouverai im puissant à les ren v erser... » D’ailleurs, il

(35)

P O SIT IO N D E LA Q U EST IO N D R EY FU S 21 ne croyait pas que les vivres dureraient jusqu’à la fin de janvier. Des le 8 septem bre, il ne calculait pas su r plus de deux m ois d’approvisionnem ent; le 15 octobre, il déclarait qu’on ne p o u rrait plus m anger après le 15 décembre.

M. Duquet accum ule des tém oignages probants pour d ém ontrer qu’il n ’y avait pas à songer aux batailles ra n ­ gées, aux grandes opérations m ilitaires. A P aris — comme en province — la guerre de p a rtisa n s et la guerre de siège restaient seules capables de donner des résultats. M. de F reycinet se trom pa en s’obstinant à créer des arm ées im puissantes contre les vieilles troupes de Frédéric-Charles.

Le propre du v rai général est de se rendre compte de l’ins­

tru m e n t qu’il a en m ain et de ne pas prendre des cons­

crits pour des soldats. L a guerre de p a rtisa n s est à la por­

tée de tout le monde; elle n ’exige que du courage et du patriotism e; elle est venue à bout des plus belles arm ées.

Les expéditions aventureuses, les m arches de nuit, l’at­

taque des avant-postes ennemis, la rupture de la ligne de com m unication de l’arm ée assiégeante, l’enlèvem ent ou la destruction de ses convois auraient dû être journellem ent tentés p a r plus de 200,000 partisans.

Après, Sedan, le g ran d état-m ajor et les officiers de ra n g élevé m ontraient une confiance entière dans la term inaison rapide et brillante de la cam pagne, m ais le vieux roi ne partageait pas cet avis. On trouve, en effet, dans les souvenirs de Louis Schneider (dont la crédibi­

lité est incontestable puisqu’ils furent vus et annotés p a r Guillaume), les passages suivants : — Je pus lire au roi, dès le 7 septem bre, le prem ier récit circonstancié des événe­

m ents du 4 septem bre, à P aris. Sa M ajesté en eut une im ­

pression très fâcheuse, et elle s’écria aussitôt : « Eh bien !

que vous avais-je dit ? C’est seulem ent m ain ten an t que la

guerre commence. On v a prêcher la levée en massle,

comme en 1814, le soulèvem ent des paysans, qui nous a

donné assez d’em barras. » Le 1er octobre, il disait encore :

(36)

2 8 SC ÈN E S E T D O C T R IN ES DU N A TIO N A LISM E

ii Nous entendrons p arler plus souvent de ces sorties, su r­

tout quand les assiégés s ’apercevront que, notre ligne a y a n t une étendue de quatre-vingt-dix kilom ètres, nous som m es beaucoup plus faibles qu’eux su r chaque point en particulier. »

Cette tactique d’action énergique, ce harcèlem ent que redoutait le vieux roi, voilà précisém ent ce que réclam ait la population civile dont l’ardeur fut adm irable; elle ne dem andait pas qu’on fît des trouées, si c’était impossible, m ais elle eût voulu diriger contre l’ennem i des chicanes de tous les instants, opérer de petites sorties, à des heures très diverses... Ces justes réclam ations irritaien t les pro­

fessionnels. De vieux généraux dirent : « Ces blagueurs

« de gardes nationaux veulent absolum ent qu’on leur fasse

« casser la gueule; on v a les y m ener. » Des journaux im prim èrent : « L a garde nationale veut une saignée, nous

« allons la lui faire. » D ans l’historique d’un régim ent prussien de la garde, il est écrit : « R arem ent la vie hu­

it rnaine eut m oins de valeur qu’à cette époque chez les

« F rançais, car, de tem ps à autre, les généraux faisaient,

» semble-t-il, pratiquer une saignée pour se laver des ti accusations de trahison qu’on leur jetait à la face. »

Rivés à la routine, ennçm is de P aris, m écontents d’eux- mômes et d’autrui, hum iliés p a r l’avalanche de leurs dé­

faites lam entables, nos généraux ne possédaient ni la foi qui vient à bout des obstacles, ni l’expérience qui aide à les tourner. Ils n ’avaient plus qu’une tactique, qu’une stra ­ tégie : a rriv e r à faire accepter la capitulation p a r la popu­

lation civile; leur b u t n ’était pas la victoire, c’était la red­

dition. Ils songèrent à faire saigner copieusem ent la garde nationale, pour l’aném ier. Ce fut la journée de Buzenval.

Ce 19 janvier, les gardes nationaux, dans leur ensemble,

ont été d’un courage et d’un dévouem ent héroïques, et,

pourtant, la façon déplorable dont MM. Trochu, Ducrot et

Vinoy conduisaient le com bat a u ra it justifié l’abattem ent

(37)

PO SIT IO N D E LA Q U EST IO N D R EY FU S 2 9

et le découragem ent de troupes plus disciplinées et plus m anœ uvrières.

Les généraux tra h ire n t la loi de la nalion, parce q u ïls ne la p artageaient pas. Voilà dans quelle terrible vérité est en voie de se fixer l’histoire de la guerre franco-allem ande.

E h bien ! le passé doit donner des conseils au m inistère Méline. Si l’histoire ne réhabilite pas ceux qui p a r fai­

blesse, p a r insuffisance, p ar défaut de raison « tra h is­

sent » ce qu’on attend d’eux, notre gouvernem ent, inapte à faire taire les tra ître s quels qu’ils soient, ne passera-t-il point à la postérité comme un gouvernem ent de tra ître s ? Après avoir appelé nos parlem entaires des panam istes, faudra-t-il les enregistrer encore comme des Dreyfus!

8) l a f o r m u l e d e d é r o u l è d e . — La cam pagne inventée p ar un certain nom bre de personnes et qu'on appelle

« l’affaire Dreyfus » est un exemple de la dissociation et de la décérébration de la France. En même tem ps elle ajoute à notre division et au trouble de notre m entalité nationale.

Aussi la form ule de Déroulède est-elle vraim ent très puissante.

« Il n ’y a aucune probabilité, disait-il, que Dreyfus soit innocent, m ais il est absolum ent certain que la F rance est innocente. »

9) a l f r e d d r e y ï 'U S e s t u n s y m b o l e (1). — T rès peu de d reyfusards s ’associent étroitem ent à MM. M athieu Drey-

(1) Le Journal, 4 octobre 1898. L’E ta t de la question.

(38)

fus et B ernard L azare qui affirm ent savoir que Alfred Dreyfus est un innocent.

En effet su r quoi fonder l’hypothèse d’une e rre u r judi­

ciaire? Ni vous ni moi nous ne connaissons le dossier (et nous ne le connaîtrons jam ais); p a r conséquent, nous ne pouvons ém ettre aucune opinion, m ais seulem ent nous en rap p o rter à ceux qui le m anièrent.

•— Ils'so n t suspects, me répond un dreyfusard.

— Suspects de quoi?

— L’Etat-M ajor a sacrifié D reyfus pour plaire aux jé­

suites.

Cela n ’est point sérieux. Un autre dreyfusard me dit qu’au début l’Etat-M ajor s’est trom pé de bonne foi et qu’il s’entête m ain ten an t dans l’e rre u r p a r esprit de corps.

—■ Pourquoi Billot, Cavaignac, Zurlinden, etc., se se­

raient-ils solidarisés avec l’Etat-M ajor, si celui-ci avait commis le crim e d’accabler un innocent? N on,laissez cela!

vous êtes dans les hypothèses. “Vous pourriez en cons­

tru ire de pareilles tout au ssi aisém ent et m êm e plus aisé­

m ent eiî faveur du prem ier condam né venu, car Dreyfus n ’a m êm e pas pour plaider sa cause devant l ’im agination ce je ne sais quoi à la française qu’eurent d’au tres crim i­

nels tels que M andrin, Cartouche, ou plus récem m ent Mme Lafargue.

La plupart des dreyfusards, j ’en fis mille fois l’expé­

rience, si vous exam inez avec eux leurs raisons de croire à l’innocence, vous interrom pent très vite :

— Eh ! Dreyfus ! il s ’agit bien de lui ! E t quand ce se­

ra it la dernière des canailles ! C'est possible, je vous l’ac­

corde, m ais...

Ici, notre dreyfusard, avec des yeux allum és p ar la pas­

sion, révèle sa pensée profonde, son v ra i mohile, son ferm ent. T antôt il nous dit :

— C’est honteux de voir com m ent la soi-disant trahison de Dreyfus est exploitée p a r les cléricaux.

3 0 SC È N E S E T D O C T R IN ES D U N A TIO N A LISM E

(39)

PO SIT IO N D E LA Q U EST IO N D R EY FU S 3 1

T antôt :

— Je ne peux pas adm ettre qu’une forme légale soit violée, fût-ce contre le pire des criminels.

Et encore :

— Jam ais nous n ’avons eu une aussi belle occasion de démolir l’arm ée.

C’est bien dom m age qu’un m aître du pittoresque m oral, tel qu’Anatole France, qui note comme pas un l’accord de la pensée et des grim aces, ne soit pas disposé à dévelop­

per dans trois saynettes ces trois phrases essentielles.

S’il les éclairait p ar la physionom ie de ceux qui les pronon­

cent, vous classeriez assu rém en t dans l’une des catégories qu’elles éliqueltent chacune des personnes avec qui vous vous querellez su r l’affaire.

L’im m ense m ajorité des dreyfusards sont déterm inés p a r des préoccupations qui n ’ont rien à voir avec l’hypo­

thèse de l’innocence.

P our les uns, il s’agit de porter un coup à l'antisém i­

tisme. M. Joseph Reinach constate que les haines de race ont trouvé dans l’Affaire Dreyfus une raiso n puissante d’accroissem ent; il cherche à supprim er l’excitation an ti­

sémite en réhabilitant Dreyfus et bien plus en le m ontrant comme la victim e de perfides fanatiques.

P o u r d’autres, il s ’agit d’abolir Fa juridiction militaire.

Ces m essieurs in sisten t su r une version qu’ils présentent comme une certitude, d’après quoi' une pièce a u ra it été illégalem ent com m uniquée au conseil de guerre. Au nom des Droits de l'homm e et du citoyen, des protestants et des libéraux chez qui perce l’anarchiste (songez à M. F ra n ­ cis de Pressensé), nient qu’aucune considération d’ordre général autorise à com m ettre un acte d’exception (1) ou

(1) Il est assez piq u an t que cette thèse soit avancée p ar

MM. Clemenceau, T rarieux, Reinach, qui se v an ten t d’avoir

servi l’in térêt général en faisan t condam ner le général Bou-

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