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Le Cosaque dans la littérature romantique polonaise

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Academic year: 2021

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Marek Kwapiszewski

Le Cosaque dans la littérature

romantique polonaise

Literary Studies in Poland 19, 101-121

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M arek Kwapiszewski

Le C osaque

dans la littérature rom antique p olon aise

L ’U kraine — ce pays poétique aux steppes, au peuple « sauvages » — est devenue une des régions les plus créatrices de m ythes du ro ­ m antism e polonais et ce, grâce su rto u t à ces écrivains que les co n tem porain s on t rangés sous le vocable «école u k ra in ie n n e » 1. « C ’est vraim ent l’Ecosse de la P o lo g n e » 2, a écrit M aurycy M ochnacki qui insistait sur l’exotism e fascinant de ces contrées du sud-est, situées aux confins de la R épublique p ro p rem en t dite. Seweryn G oszczyński tenait le peuple cosaque d ’U k rain e p o u r « u n e nation capable de figurer p arm i les plus v aillan tes» 3 et la terre d ’U k raine — ce siège de « l ’esprit de la lib e rté » 4 — il l ’appelait — « la plus belle, p eut-être, de l’ancienne P o lo g n e » 5.

Les ro m antiques ont créé leur p ro p re image de 1’« U kraine p o lo n aise» . C ette A tlantide perdue du rom antism e incarnait en

1 C f. M . J a n i o n , M . Ż m i g r o d z k a , R o m a n ty zm i h isto ria (Le ro m a n tism e e t l ’H isto ir e ), W arszaw a 1978, p. 128.

2 M . M o c h n a c k i , « A r ty k u ł, d o k tó r eg o był p o w o d e m Z a m e k K a n io w sk i G o sz c z y ń sk ie g o » (A rticle su scité par le C h âteau de K a n ió w de G o sz czy ń sk i), [dans:] P ism a p o ra z p ie r w s z y e d y c ją k s ią ż k o w ą o b ję te , éd. A . Ś liw iń sk i, L w ó w 1910, p . 200.

3 S. G o s z c z y ń s k i , « K ilk a słó w o U k r a in ie i rzezi h u m a ń sk ie j» (Q uelques m o ts sur l ’U k ra in e et sur un m essacre de H u m a ń ), [dans:] D z ie ła zb io ro w e, vol. 3, éd. Z. W asilew sk i, L w ó w [1911], p. 382.

4 S. G o s z c z y ń s k i , « P o e z je B o h d a n a Z a lesk ieg o (Z p o w o d u w yd an ia p arysk iego z r. 1 8 4 0 )» (Les p o ésie s de B o h d a n Z alesk i. A ca u se de l ’é d itio n p arisien n e de

1840), ib id em , p. 312.

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102 M a r e k K w a p isz e w s k i

effet, de la façon la plus com plète qui soit, la quasi-totalité des tendances, rêves et représen tation s inclus dans le p rog ram m e de l’époque. C ’était un pays do té du charm e saisissant d ’une société « n a tu re lle » , libre, non soum ise aux pressions des conventions, d ’une société qui vivait dans une harm onie idéale, « m a g n é tiq u e » avec la nature. C ’était une région pou rv u e d ’une an tique cu ltu re slave bien distincte qui p o rta it en même tem ps des traces d ’influences orientales — des influences turco -tatares, mais aussi byzantines et p er­ ses. C ’était la patrie d ’une poésie populaire originale, riche, très luxuriante, qui constituait — à côté des épopées des Slaves du sud et des bylines de la Vieille Russie — un d o m aine extrêm em ent in­ téressant, extrêm em ent précieux du folklore slave. C ’était un centre de la résistance anti-féodale qui suggérait au rom an poétique ro ­ m antique des conflits tragiques. C ’était une terre de tom bes et de tertres funéraires, une terre p rofond ém ent im prégnée des souvenirs du passé, habitée p a r un peuple qui vivait d an s l ’H istoire en même tem ps q u ’il c o n trib u a it héroiquem ent à créer cette H istoire.

Les rom antiques ont particulièrem ent apprécié cette volonté, p ro p re aux C osaques d ’U kraine, de conserver une liberté tan t sociale que politique qui ne soit en rien entravée. En o utre, il faut le souligner: l’application du term e « C o s a q u e » était vaste et im précise: le C osaque, c ’est le jeu n e querrier ukrainien, c ’est le paysan qui ab a n d o n n ait son fu to r 6 p o u r entam er une pérégrination à travers la steppe ou p o u r se m ettre au service d ’un co u r no ble; le C osaque, c ’est aussi le hajdamak, brigand populaire, b an dit, m ais c ’est su rto u t le Z aporogue. Le principal m ystère du charm e p o étiq ue de 1’« Ecosse p olon aise» résidait p o u r l’écrivain rom atique polon ais dans l ’insti­ tu tio n de la C osaquerie zaporogue « d é m o c ra tiq u e » , républicaine, libre de to ute dépendance servile, de to u te corvée, dan s cette insti­ tu tio n qui com pte parm i les plus curieuses de l’histoire des sociétés7.

6 F utor (ou : chutor): un p etit v illage ou une ferm e iso lé e au m ilieu des step p es [note du traducteur],

7 A p r o p o s de l ’o rg a n isa tio n et de l ’h isto ire d e la C o sa q u er ie z a p o ro g u e cf. Z. W ó j c i k : D z ik ie P o la w ogniu. O K o z a c zy żn ie w da w n ej R z e c z y p o sp o lite j (L es C h am ps sa u va g es en fe u . A p ro p o s de la C o sa q u erie dans l'ancienne R épublique), W arszaw a 1968; In tro d u ctio n à E. L a s s o t a , W. B e a u p l a n , O p isy U k ra in y (D escrip tio n s d e l'U k ra in e), trad. d e Z. S ta siew sk a et S. M eller, W arszaw a 1972; W . W . S e r c z y k , N a d a le k ie j U krain ie. D zie je K o z a c z y z n y do 1648 roku (D a n s la loin tain e U krain e. H isto ire de la C o sa q u erie ju s q u ’en 1648), K r a k ó w 1984.

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L e C osa q u e dans la litté ra tu re ro m a n tiq u e p o lo n a ise 103

O n voit souvent s’exprim er, dans Je co u ran t dém ocratique de cette époque, cet envoûtem ent exercé p a r le m ythe de l’unité absolue de gens libres, égaux à tous égards, ig n o ran t la prop riété privée, unis p a r une fratern ité d ’arm es, alors que dans la réalité, la C osaquerie était une société hiérarchisée, de plus en plus intim em ent clivée, le tem ps aid an t, de plus en plus divisée. Le m ode de vie cosaque favorisait d ’ailleurs de to u te évidence une valorisation sém antique de certains attrib u ts (la steppe — terre de la com m un auté et d ’une terre de liberté illim itée; le m ode de vie collectif dans la S icz8, l’unifo rm isatio n du vêtem ent et de l ’aspect des Z aporogues etc.). D ans les C osaques Z aporogues, on voyait les exem plaires les plus représentatifs du peuple ukrainien, mais en même tem ps, on leur conférait égalem ent un caractère distinct, une supériorité sur le « p ay sa n v ulg aire» — du reste, les C osaques eux-mêm es, su rto u t les « e n re g is tré s » 9, se considéraient com m e une classe à p art, com m e une classe de chevaliers. C ’étaient vraim ent des «fils de la n a tu re » in carn an t le m épris des lois et des biens de la civilisation occidentale. C ’étaient des « en fan ts de la liberté», des enfants non asservis, que la poésie m o n trait le plus souvent com m e des aigles, com m e des faucons de la steppe. Ils étaient des sym boles d ’héroïsm e, de la noblesse, de la dignité, de la fierté et d ’un courage voisin de la tém érité.

U n stéréotype diam étralem ent opposé du C osaque s’est constitué dans le c o u ra n t rom an tiq u e conservateur. Le C osaque y est m ontré soit com m e un crim inel (un hajdam ak) inculte et vindicatif, soit — au c o n tra ire — com m e un serviteur dévoué de la cour, aveuglém ent attaché à son seigneur, c o m b a tta n t au besoin p o u r défendre la vie et les biens de celui-ci. En effet, l ’U k rain e — terre de grandes op positions — convenait dans différents systèmes de la m ythologie ro m an tiq u e, dès tendances radicalem ent dém ocratiques ju s q u ’aux extrêm em ent conservatrices.

D an s la poésie du rom antism e d ’avan t novem bre 1830 se dessinè­ rent trois visions distinctes et liés strictem ent à celles de l ’U kraine, trois types très suggestifs de C osaque qui en fixant un code iconique

8 La S i c z : siège des C o sa q u e s Z a p o r o g u e s [note du traducteur],

9 C o s a q u e s Z a p o ro g u es inscrits au registre au X V I e s., so u m is à un ch ef-d o y en au registre, q u i d ép en d a it d irectem en t du h etm an de la C o u r o n n e [note du traducteur].

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104 M a r e k K w a p isz e w s k i

et stylistique clair, on t influencé de m anière décisive la co nstitutio n ultérieure de ce m otif.

La M aria (1825) d ’A ntoni M alczewski qui est définie p a r son a u teu r com m e « u n e peinture s o m b r e » 10 fait revivre l’image d ’une U krain e nobiliaire, habitée p a r des chevaliers des confins, gardes des frontières de la R épublique, défenseurs de la foi chrétienne face aux T atares. Ce poèm e se fonde sur une vision du m onde tragique, exprim ant un désespoir existentiel, un sentim ent d ’im puis­ sance de l ’hom m e devant la cru au té perfide du destin et de D ieu, devant le caractère illusoire et la défaite inévitable de tou tes les v a le u rs11. Le su p p o rt sym bolique de cette philoso ph ie pessim iste de l’oeuvre, c ’est le paysage de la steppe, infinim ent m élancolique, m onotone et désert, semé seulem ent de tom bes — ces stigm ates de la m ort — im prégné de la tristesse de l ’H istoire qui passe, soum is — com m e l ’hom m e — à la co rru p tio n et à la décom position f a ta le 12. D ans la p artie initiale de son « ro m a n u k ra in ie n » , M alczewski a in tro d u it le personnage épisodique du C osaque de cour, enrichissant ainsi de façon m arq u an te la couleur local de M aria. En une ellipse poétique, il a esquissé une silhouette — inégalée sur le plan plastique et expressif — de «fils de la step p e» , une silhouette dépourvue de caractéristique extérieures individuelles : il a mis en évidence la légèreté, l ’agilité, la vivacité, la rapidité fulgurante du C osaque, ses attaches puissantes avec la culture p opulaire (sa d évotion superstitieuse, 1’« en ten te » fraternelle du cavalier et de son fidèle coursier), son lien organique avec la nature, sa sensibilité aux charm es fém inins, sa beauté prim itive, inquiétante, cet instinct de liberté hérité des an ­

10 A . M a l c z e w s k i , « D o Jaśn ie W ielm o żn eg o J u lia n a N ie m c e w ic z a » (A son E xcellen ce J. N .), [dans:] M a r ia , éd. R. P rzyb ylsk i, W ro cła w 1958, p. 4, B N I 46. 11 Cf. J. U j e j s k i , A n to n i M a lc ze w sk i, p o e ta i p o e m a t (A. M ., le p o è te e t le p o è m e ), W arszaw a 1921; R . P r z y b y l s k i , In tro d u ctio n à M a l c z e w s k i , M a r ia ; M . Ż m i g r o d z k a , « D w a o b licza w cze sn eg o ro m a n ty zm u . M ic k ie w ic z — M a lc z e w sk i» (D eu x asp ects d es d éb u ts du ro m a n tism e), P a m ię tn ik L ite r a c k i, 1970, c. 1; M . M a ­ c i e j e w s k i : N a ro d zin y p o w ie ś c i p o e ty c k ie j w P o lsc e (L a N a issa n ce du rom an p o é tiq u e en P o lo g n e), W ro cła w 1970; « Ś m ie r c i „ czarn e w p iersiach b liz n y ” . O M a r ii M a l­ c z e w sk ie g o » (Les n oires cicatrices d e la m ort d an s les p o itr in es. A p r o p o s de M a r ia de M a lczew sk i), P a m ię tn ik L ite r a c k i, 1980, c. 3.

12 C f. Ż m i g r o d z k a , op. c it., p. 77; M . J a n i o n , « R o m a n ty z m p o lsk i w śród r o m a n ty zm ó w eu r o p e jsk ic h » (Le R o m a n tism e p o lo n a is au sein d es ro m a n tism es eu ro p éen s), [dans:] G o rą c zk a ro m a n tyczn a , W arszaw a 1975, p p . 1 2 — 14.

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L e C osaqu e dans la litté ra tu re ro m a n tiq u e p o lo n a ise 105

cêtres, cette fière singularité p ar ra p p o rt à la « m eu te de gens ser­ v ile s » 13. Le C osaque de M alczewski n ’est pas seulem ent une des m anifestations les plus rem arquables de la couleur locale dans la poésie rom antiq ue polonaise à ses débuts, c ’est aussi un co nstituan t inaliénable de l ’univers sym bolico-philosophique du poèm e dans lequel « la steppe, le cheval, le C osaque et les ténèbres ne form ent q ’une seule et même âm e s a u v a g e » 14.

Z a m ek kaniow ski {Le Château de Kaniów, 1828) de Goszczyński, qui nous donne un exemple original de récit poétique de la révolte paysanno-cosaque de 1768 (qu’on a appelée la koliszczyzna), est im prégné de la vision d 'u n e U kraine pleine de périls et de cru au té bestiale, d ’une U kraine dém oniaque, flam boyante, sanglante, devorée p ar la haine réciproque des C osaques et de la noblesse {szlachta) polonaise. D ans ce poèm e, deux m anières différentes de considérer les événem ents apparaissent sim ultaném en t: la koliszczyzna, traitée com m e m anifestation d ’une vengeance p opulaire inéluctable et m éritée («le b an q u e t d ’une liberté longtem ps é to u ffé e » 15) est en même tem ps m ontrée dans une dim ension m étaphysique. L a stylisation frénétique des images de m assacre, qui fait référence à la topique infernale, n aît de la conviction selon laquelle l’ord re historique est dom iné p ar le m al tout-p uissan t, conçu de m anière fataliste, p ar un m al qui condam ne l’hom m e et le m onde à un chaos interm inable du c r im e 16.

L a conception du soulèvem ent des hajdamak qui se trouve inscrite d ans le rom an poétique de G oszczyński a pesé de façon décisive sur la représentation de ses protagonistes. L ’atam an N ebaba, « le prem ier des C osaques courtisans du S ta r o s tę » 17, s ’enrôle dans la bande de Szwaczka p o ur p rendre sa revanche sur l’injustice que lui a infligée son seigneur polonais. Il p rétend en m ême tem ps au ra n g d ’accusateur et de vengeur popu laire lorsque, dans une

13 C f. U j e j s k i , op. c it., pp. 2 9 0 — 293. 14 M a l c z e w s k i , M a ria , p. 9.

15 S. G o s z c z y ń s k i , Z a m e k k a n io w sk i, éd. M . G r a b o w sk a et M . J an ion , W ar­ szaw a 1958, p. 67.

16 C f. M . J a n i o n : In tro d u ctio n à G o s z c z y ń s k i , Z a m e k kaniow ski', « R o m a n ­ ty czn a w izja r ew o lu cji» (La V isio n r o m a n tiq u e de la r év o lu tio n ), [dans:] G o rą czk a ro m a n ty c z n a , pp. 406 — 4 1 0 ; J a n i o n , Ż m i g r o d z k a , op. c it., pp. 11 2 — 114.

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106 M a r e k K w a p isz e w s k i

célèbre tirad e d ’agitateur, il exprim e les raisons de la paysannerie opprim ée. En d o ta n t N e b ab a des traits historiq uem ent vraisem blables d ’un c h e f de rebellion populaire, G oszczyński l’a aussi stylisé en héros rom an tiq u e. Ce C osaque byronien, solitaire et hau tain , étranger, au fond de l’âm e, à la « m e u te en rag ée» des m assacreurs a une conscience déchirée et souillée p ar le stigm ate de la faute crim inelle qui l’enfonce dans un cercle enchan té infernal (la séduction et la tentative d ’assassinat de K senia la folle, la « m arie u se lu ciférien n e» ) 18. A N eb ab a qui incarne l ’idéal de l’élégance et de la beauté d ’un gaillard cosaque, a été opposé son «reflet m o n stru eu x » , ce Szw aczka qui, to u t indolent et paresseux q u ’il soit, se caractérise aussi p a r sa ruse, p ar son audace et p a r son efficacité d an s l ’action. G oszczyński a saturé son p o rtra it de Szw aczka d ’élém ents puisés dans le folklore ukrainien en m e tta n t l ’accent sur l’im pétuosité b ru tale et l ’acharnem ent tellem ent caractéristiq u es des chefs histori­ ques de la k o liszc zy zn a 19. L ’atro c ité et la sauvagerie p itto resq u e de Szw aczka et de la «vacaille le h a jd a m a k» qui lui est soum ise o n t charm é M ochnacki qui, p o stu lan t l’anoblissem ent esthétique de la laideur, a distingué dans l’im age du « b rig a n d assoupi de la Sicz» une analogie avec les toiles de R e m b ra n d t20.

U ne troisièm e version de l’ukrainism e des débu ts du ro m antism e s’est constituée dans l ’oeuvre poétiq ue de Jó z e f B oh dan Zaleski qui se co nsid érait com m e l ’héritier du légendaire Bojan, ce po ète-b ard e inspiré du D it d ’Igor en qui les ro m an tiq u es voyaient l ’O ssian slave. Zaleski fut perçu p ar ses co n tem p o rain s (G rabow ski, M ickiewicz) com m e le bard e le plus p rofon dém ent autogène et au th en tiq u e du peuple c o sa q u e 21.

18 C f. M . J a n i o n , « K o z a c y i g ó r a le » (C o sa q u es et m o n ta g n a rd s), [dans:] G o rą c zk a ro m a n ty c z n a ; R . P r z y b y l s k i , « Ś w ia t ja k o m a szy n a p iek ieln a . O Z a m k u k a n io w sk im G o sz c z y ń sk ie g o » (Le M o n d e c o n ç u c o m m e une m ach in e infernale. A p ro ­ p o s du C h â tea u de K a n ió w d e G .), [dans:] S tu d ia z te o r ii i h isto rii p o e z ji, ss la dir. d e M . G ło w iń sk i, série II, W ro cła w 1970.

19 C f. P r z y b y l s k i , « Ś w ia t ja k o m a sz y n a p ie k ie ln a » , pp. 135— 137.

20 C f. M . M o c h n a c k i : O lite ra tu rze p o ls k ie j w w ieku d zie w ię tn a sty m (A p ro p o s de la litté ra tu re p o lo n a ise du X I X e s.), éd. H . Ź y c zy ń sk i, K ra k ó w 1923, p p . 127,

130, B N I 56; « A r ty k u ł, d o k tó r eg o był p o w o d e m ...» , p. 205.

21 C f. J. T r e t i a k : Bohdan Z a le s k i d o u padku p o w s ta n ia listo p a d o w e g o 1802 — 1831. Ż y c ie i p o e zja . K a r ta z d zie jó w ro m a n ty z m u p o ls k ie g o (B . Z . avan t la d é fa ite de VInsurrection de N o v e m b re 1 8 0 2 — 1831. Vie e t p o é sie . U ne p a g e de l ’h isto ire du

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L e C o sa q u e dan s la litté ra tu re ro m a n tiq u e p o lo n a ise 107

Z a lesk i, a rg u m en ta it M ich a ł G ra b o w sk i, n ’a rien im ité, n ’a rien rép été; il était né p o è te , d e ces p o ètes qui. d ep u is trois c en ts ans, so n t nés au sein des s ic z et d es k u rze ń sa u v a g es en la p erso n n e de ch a n te u r s z a p o ro g u es n on instruits. Il lui était ven u u n e in sp iration sim p le, naturelle, libre, à lui c o m m e à to u s ces h o m m es, a to u s ces créateu rs d e p o é sie p o p u la ire d o n t p erson n e ne sait le n o m et qui o n t la issé derrière eux c e s v o ix m erveilleu ses, d estin ées à ne ja m a is périr. U n étra n g e p h é n o m è n e s ’est a cco m p li ici. Fait du sa n g étranger, d an s des c o n d itio n s to u te s d ifféren tes, d iza in es d ’an n ées p lus tard, est apparu l ’org a n e d ’u n e n a tio ­ n alité p resq u e ép a rp illée d 'u ne ex isten ce déjà fanée. C et organ e de la C osaqu erie, c ’est B o h d a n Z a le s k i22.

D ans ses rhapsodies chevaleresques cosaques ainsi que dans ses poèm es qui p a ra p h ra se n t librem ent les dum ki, ces ballades populaires ukrainiennes, Zaleski a créé une vision m ythique d ’une A rcadîe des bo rds du D niepr, d ’une A rcadie libre du mal et de la cruauté, colorée, pleine de chan ts, représentée com m e u ne réserve de poésie absolue. E v o q u an t avec prédilection les trad itio n s chevaleresques des hetm ans zaporogues «fidèles à la P ologne», de ces vaillants défenseurs des frontières du sud-est, de ces fanatiques alliés de la szlachta dans sa lu tte c o n tre les ennem is de la croix, Zaleski a tracé une vision du C o saq u e qui s’est vite transform ée en stéréotype: c ’est la vision d ’un C o saq u e gaillard, crâne, v if et plein de fantaisie (cf. D um ka hetm ana K osińskiego — L a Ballade du hetman Kosiński) et C zajki. Śpiew Z aporożców w powrocie z wyprawy m orskiej Konaszewicza {Les c z a jk i23. L e Chant des Zaporogues revenant de l ’expédition sur mer de K onaszewicz). C ette vision idéalisée de l’U k raine et de la C osaquerie, vision qui, p ar sa vocation, esquivait ou effaçait les conflits sang lan ts du passé, cette vision plongée dans un tem ps m ythique, faite d ’im pressions, déconcrétisée revient d an s la poésie

ro m a n tism e p o lo n a is), K r a k ó w 1911; In tro d u ctio n à B. Z a l e s k i , W ybór p o e z y j (C h o ix d e p o é s ie s), K ra k ó w 1925, B N I 30; B. S t e l m a s z c z y k - Ś w i o n t e k : « W o ­ k ó ł p ro g ra m u p o e ty c k ie g o B o h d a n a Z a le sk ie g o » (A u to u r du p rogram m e p o étiq u e d e B. Z .), R uch L ite r a c k i, 1979, c. 5; « O p oezji B o h d a n a Z a lesk ieg o z lat e m i­ gracji. T ra d y cja se n ty m e n ta ln a w ro m a n ty zm ie p o ls k im » (La P o é sie d e B. Z. p en d a n t ses a n n ées d ’é m ig r a tio n . La tra d itio n se n tim en ta le d a n s le ro m a n tism e p o lo n a is), P a m ię tn ik L ite r a c k i, 1981, c. 3; In tro d u ctio n à J. B. Z a l e s k i , W y b ó r p o e z y j (C h o ix de p o é s ie s), W r o c ła w 1985, B N I 30.

22 M . G r a b o w s k i , « O ele m e n c ie p oezji ukraińskiej w p oezji p o lsk iej » (L ’E lém en t de la p o é s ie u k ra in ien n e d a n s la p o é sie p o lo n a ise ), [dans:] L ite r a tu ra i k r y ty k a , 2° p artie, W iln o 1837, pp. 1 0 7 — 108.

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108 M a r e k K w a p is z e w s k i

de Zaleski crée en exil, après 1831 ; elle s’y enrichit d ’un to n de nostalgie attendrie, de regret d ’un paradis perdu sans retou r, pour l’H istoire, l ’hom m e, la n atu re (cf. son poèm e épique inachevé Z lota duma, Potrzeba zbaraska, W yprawa chocim ska, Z mogiły Sawor, Lach serdeczny na marach — L a Ballade dorée, L ’Expédition de Z b araż, L ’Expédition de Chocim, De la tombe Sawor, A la m ort d ’un brave Polonais).

Vers la fin de l ’époque qui précéda l ’insurrection de novem bre 1830, le m o tif du C osaque est soum is à une con ven tio nn alisation rapide. D ans les oeuvres des jeunes poètes, soit il ap p a raît com m e ornem ent {Żmija de Juliusz Słowacki), soit il est traité com m e l ’un des élém ents d ’un exem plum h isto riosophiqu e {Agaj-Han de Z ygm unt K rasiński).

D ans Ż m ija (1832) où l ’on décèle aisem ant des échos des C za jki de Zaleski, la reprise de la convention est liée à u ne ingéniosité de la com position de l ’arabesque narrative. C onçu com m e une synthèse féerique de la C osaquerie, Ż m ija en con stitu e un fantô m e poétique réunissant des m otifs populaires ukrainiens et des m otifs — assez lâches les uns et les au tres — em pruntés aux contes orientaux dans une m êm e im age de Z aporogues, nom ades agiles de la steppe, m en an t une existence in dépendante, bravem ent aventureuse et ro ­ m anesque. La co nstruction du héros qui do nne à l ’oeuvre son nom , de ce fabuleux hetm an de la Sicz a subi le poids d ’un byronism e et d ’un w allenrodism e24, très superficiels. L a n atu re cosaque de Ż m ija (un Turc-renégat) n ’a q u ’un caractère co nventionnel et exclusi­ vem ent d éc o ratif25.

O n verra aussi une création libre de l ’im agination p oétique dans Igor Sahajdaczny Z arucki (dont le m odèle histo riq ue est l’atam an Z arudzki), un personnage d 'Agaj-H an (1834). En créan t une vision historiosophique expressive d ’un « m o n d e en voie de d isp aritio n »

24 W a lle n ro d ism e : attitu de d ’un h o m m e qui, en co n sa c ra n t sa vie à un c o m b a t ju ste co n tre l ’en n em i de la p atrie, a recou rs — d a n s ses a ctio n s — à la ruse et à la tra h iso n , d eu x m o y e n s q u i so n t en p rin cip e m o ra lem e m t b la m a b les; c ’e s t le h éros de K o n ra d W allen rod de M ick iew icz q u i a fou rn i le m o d è le d ’une telle a ttitu d e — d ’où cette a p p ela tio n .

25 C f. J. K l e i n e r , J u liu sz S ło w a c k i. D z ie je tw ó r c z o ś c i (J . S. H isto ire de l ’o eu vre), vol. 1, L w ó w 1924, p p . 126— 147; A . C z e r m i ń s k i , U k ra in a w p o e z ji S ło w a c k ie g o (L ’U krain e dan s la p o é s ie d e 5 .), K ra k ó w 1930, p p . 19 — 26, 6 2 —63.

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L e C o sa q u e dan s la litté ra tu re ro m a n tiq u e p o lo n a ise 109

où chacun des personnages représente une fo rm ation culturelle spécifique, K rasiński a mis en relief le courage éperdu, l ’im pulsi­ vité prim itive et le m épris de la m o rt présents dans l ’attitu d e du ch e f cosaque qui, to u t com m e d ’autres héros de ce « p o èm e en p ro se» , se m o n tre h éroïquem ent grand face à la défaite inéluctable26. D ans le ro m an tism e postérieur à l’Insurrection de N ovem bre, la thém atique cosaco -u krainienne a revêtu un caractère expressém ent politico-social sans cesser de fo urnir des stim ulants esthétiques ni de fasciner p a r son exotism e. A près la défaite de l’Insurrection, le problèm e des relatio ns réciproques entre l’indépendance de la natio n et sa liberté sociale é ta it devenu particulièrem ent b rû lan t et drastique. Au cours des vives polém iques qui sévirent dans l’ém igration et en P ologne mêm e, aussi bien dans les écrits de publicistes que dans les ouvrages littéraires, on fit m ainte fois référence aux tra d i­ tions des révoltés paysano-cosaques en U kraine — su rto u t à celles de la ko liszczyzn a — et l’on y décela l’expression d ram atiq u e des conflits de classes, des conflits nationau x et religieux déchivant l’ancienne P o lo g n e 27. Selon o rien tatio n politique, soit on se chargeait d ’une co responsab ilité p o u r des « t r o f de ses p ères», en ap p uy an t ses espoirs d ’une renaissance de l ’E tat sur un changem ent d ’attitu d e de la szlachta à l’égard du peuple (les révolutionnaires d ’origine noble des G ro u p em en ts du Peuple Polonais, les m em bres de la So­ ciété D é m o c ratiq u e P olonaise), soit on traitait ces élans indépen­ dantistes u krain ien s com m e un facteur historique destru cteu r, h âtan t la d écom po sition, le déclin irrévocable et même la m o rt de la nation po lo n aise (G rabow ski, Rzew uski).

D e rem arq u ab les exemples de perception d ém ocratique de la question de la C osaquerie et de l ’U k ra in e peuvent être trouvés dans les prem ières oeuvres de Lucjan Siem ieński: ce sont des du m ki (stylisation d an s l’esprit du folklore ukrainien) im prégnées d ’un ra ­ dicalism e social acharné (cf. N arzeczony — L e fia n c é ; Czerniawa) ainsi que cette nouvelle née de « l ’école de G oszczyński», fondée

26 C f. M . J a n i o n , « A g a j-H a n ja k o r o m a n ty cz n a p o w ie ść h isto r y c z n a » (A g a j-H a n , un ro m a n h isto riq u e r o m a n tiq u e), [dans:] R o m a n ty z m . S tu d ia o ideach i sty lu , W arszaw a 1969, p . 72.

27 C f. J a n i o n , Ż m i g r o d z k a , op. c it., pp. 11 4 — 118; Z. S z w e y k o w s k i , In d ro d u ctio n à l ’é d itio n du rom an W ern yh ora d e M . C za jk o w sk i, Archiw um L i­ te ra c k ie , v o l. X V , 1972, pp. 3 9 0 — 397.

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M a r e k K w a p isz e w s k i

sur une légende p op u laire: Wieś Serby {Le village de Serby, 1835), récit poétisé des derniers m om ents d ’Iw an G o n ta, un des chefs de la koliszczyzna. Le G o n ta de Siem ieński, qui en im pose p ar sa hauteu r et p a r son courage « sau v a g e» d u ra n t son terrible ch â ti­ m ent est, to u t com m e le N eb ab a du Château de Kaniów, un cosaque rebelle sublim é sous les traits d ’un révolté ro m a n tiq u e 28.

Les écrivains dém ocrates surent aussi tran sfo rm er l ’archétype traditionnel du «serv iteu r fidèle» en exploitant ses images m orales positives p o u r une articulation n arrative de l’idée de l’alliance nobles­ s e - p a y s a n n e r ie dans la lutte p o u r l’indépendance. U ne telle dém arche fut une des versions de l ’anoblissem ent politique du héros populaire, car la «fid élité» ne lim itait pas, dans ce cas, son intégrité et son au tonom ie m orales. O n en tro u v era un exemple classique dans le personnage de K o s t’Bulij du Z a k lę ty dwór {Manoir enchanté, 1859) de W alery Ł oziński: c ’est l’exemple d ’un serviteur devenu le confident des projets révolutionnaires de son seigneur et le com plice de ses actions conspiratrices ayant p o u r but le déclenchem ent d ’une in sur­ rection de caractère n ational général. De telles tendances naqu it aussi W asyl Hołub (1858), le héros qui d onne son titre à l’oeuvre de T eo dor T om asz Jeż (le pseudonym e de Z ygm unt M iłkowski) qui est d ’ailleurs plus proche de la conditio n du paysan corvéable ukrainien que de celle du C osaque de cour.

Le m onde cosaque a occupé une place particulière dans la prose de M ichał C zajkow ski, le plus ard ent de tou s les rom antiques enthousiastes de la C osaquerie qui possédait aussi au plus hau t point, parm i les écrivains de son époque, le sens de la p articularité régionale et qui cultiva sa vie d u ran t, de façon ostentatoire, une autostylisation « à la c o s a q u e » 29. D ’ab o rd tenté p ar les dém ocrates, il devint ensuite un royaliste conséquent, un p artisan du prince C zartoryski. Il en était ferm em ent convaincu : c'était justem ent dans la trad itio n cosaque, dans cette in carnation de « la plus pu re slavitude» que se tro uvait la source vive, artistiquem ent riche, de la nationalité

28 C f. M . J a n i o n , Lucjan S ie m ie ń sk i p o e ta ro m a n ty c z n y (L. S. p o è te ro m a n ti­ que), W arszaw a 1955, pp. 101— 102, 1 3 0 — 138, 14 4 — 151; J a n i o n , Ż m i g r o d z k a , op. c it., p. 1 1 8 — 119.

29 C f. M . K w a p i s z e w s k i , « D e b iu t „ k o z a c k ie g o r o m a n isty ” » (Les d éb u ts du « r o m a n c ie r c o s a q u e » ). P a m ię tn ik L ite r a c k i, 1978, c. 2.

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L e C osaqu e dans la litté ra tu re ro m a n tiq u e p o lo n a ise 111

polonaise p ro fon de (il exprim a p o u r la prem ière fois ces convictions au congrès h istorique de P aris en 183530). En ressuscitant ces Z ap orojïe (le pays C osaque) « n o c e u r» et « s a b re u r» {Powieści k o ­ zackie — Contes cosaques, Wernyhora, H etm an U krainy — L e hetman d ’Ukraine, U krainki — Contes ukrainiens), C zajkow ski soutenait l ’idée directrice de la m ajeure p artie de son oeuvre, l ’idée qui devint plus ta rd le fondem ent réel de la politique orientale de Sadyk P ach a: celle d ’une alliance m ilitaire polono-cosaque con tre la Russie. C ette alliance salutaire des «fils d ’une m êm e m ère», cette alliance qui faisait référence à des m om ents analogues ou carrém en t com m uns dans les trad itio n s chevaleresques de la C osaquerie et de la szlachta polonaise ne po u v ait être conclue q u ’à ce seul p rix: il fallait q u ’on surm onte radicalem ent les erreurs du passé qui étaient nées p ar la faute des m agnats d ’U k rain e égoïstes et m oralem ent rabougris, p ar la faute aussi de la petite noblesse, frivole et dissolue dans ses m oeurs, dépravée en o u tre p a r des jésuites « fo u rb es» .

Son image du milieu cosaque, C zajkow ski l ’a créée en exploitant les stéréotypes de la poésie de « l ’école u k ra in ie n n e» des prem iers tem ps du rom antism e (de Zaleski surtout). S ’efforçant — lui le p re­ m ier d ans la littératu re polonaise — de créer une form ule de prose de l ’ukrainism e, il s’est basé sur des tradition s et sur des chansons populaires ainsi que sur le folklore de la szlachta, mais il a aussi plié l ’H istoire, sans tro p de cérém onies, à ses conceptions politiques p ropres. Les C osaques de C zajkow ski con stitu en t une vaillante co n ­ frérie de chevaliers solidem ent organisée, unie p ar une foi com m une, par une com m une vocation querrière; ils apprécient la liberté conçue de façon to tale et m axim ale, m ènent une vie pleine de pan ach e et d ’en train , se caractérisent p ar une vaillance à to u te épreuve, ad oren t être sans cesse en m ouvem ent, conn aître aventures et dangers, m épri­ sent la petite vie calm e, laborieuse, qui se traîne. C ependant, ils sont avant to u t des m em bres loyaux de la R épublique des Trois N atio n s (la C o uron ne, la Lituanie, l’U kraine), des m em bres conscients de leurs idéaux. En effet, dans un tel E tat de coexistence ethnique,

M. C z a j k o w s k i , « Q u e l l e a été l ’influence d es K o sa k s sur la littérature dans le N o r d et d a n s l ’O r ie n t ? » , [dans:] C o n g rès H isto riq u e E uropéen réuni à P a ris, au n om d e l ’In stitu t H isto riq u e [.. .] D isc o u rs e t C o m p te-re n d u d es S éan ces. N o ­

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l’écrivain confiait aux chevaleirs cosaques un rôle d ’im portance. Il les considérait com m e des parten aires de pleins d ro its de la noblesse polonaise et de la noblesse ukrainienne de Pologne, aussi bien dans la vie publique que dans la vie privée. Le C osaque de C zajkow ski p eu t sans crainte solliciter la m ain d ’une jeune fille noble, et m êm e celle d ’une châtelaine, il p eut m êm e représenter la R épublique auprès de m onarques étrangers. C ar C zajkow ski a bien perçu, dans les C osaques, une valeur extraord in airem ent précieuse et fertile: il y a vu une force capable de soulever m oralem ent et politiquem ent la natio n polonaise.

En situ an t volontiers la fiction de ses oeuvres à l’époq ue dite « h é ro ïq u e » du Z aporojïe, l ’écrivain n ’a pas hésité non plus à évo­ quer ces événem ents du passé dans lesquels apparaissaient d ’inquiétants antagonism es entre P olonais et U krainiens. Il a lancé une interp rétatio n de l’histoire qui était en accord avec sa tactique bien prém éditée de persuasion idéologique. La koliszczyzna, q u ’il a m on trée dans une atm osphère d ’epouvante frénétique ( Wernyhora, 1838), il l’a interprétée com m e un m assacre fratricide p ro vo qu é p ar de perfides popes-agents de la tzarine C atherine II, désireux de to rp iller la C o nfédération de B ar et d ’étouffer la liberté cosaque. Les Z aporogues, défenseurs de l’indépendance de l’E tat polonais, aident un W erny­ h o ra — avocat de la réconciliation à d o m p ter et à instruire les m asses paysanno-cosaques qui avaient été abusées. C zajkow ski considérait q u ’elles avaient to u t de m êm e protesté à ju ste titre con tre l ’arb itra ire et 1’« inhum anité» des P olonais, m ais il conférait toujours une élo­ quence m oraliste univoque à ces accents de critique sociale.

D iam étralem ent opposées sont les conceptions de la C osaquerie qui se trou ven t dans les rom ans de G rabow ski et d ’H enryk R ze­ wuski. G rabow ski, fin connaisseur de l ’histoire et du folklore de l’U kraine, collectionneur et trad u cteu r talentueux de la littératu re épique pop ulaire u k ra in ie n n e31, et en m êm e tem ps conservateur

déclaré et apologiste de la culture nobiliaire a m on tré dan s Ko­ liszczyzna i stepy {La K oliszczyzna et les steppes, 1838) cette révolte de hajdamak cosaques com m e un crim e barb are, com m e l’oeuvre

31 C f. S. K o z a k , « M ic h a ł G ra b o w sk i i u k raiń sk a p o ezja lu d o w a » (M . G . et la p o ésie p o p u la ir e u k rain ien n e), [dans:] S tu d ia p o lo n o -sla vica -o rien ta lia . A c ta litte ra r ia V II, ss la dir. d e B. B ia ło k o z o w ic z , W rocław 1981,

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L e C osa q u e dan s la litté ra tu re ro m a n tiq u e p o lo n a ise 113

d ’une « c a n a ille » som bre et fanatique, fom entée p ar de vulgaires b an d its et voleurs de la race des Z aporogues. Le C osaque exem plaire q u ’on oppose à la p opulace des brigands, c ’est le fidèle sujet qui sauve l ’enfant d ’un seigneur en rem erciem ent de la bonté patriarcale et de la ch arité que lui o n t m anifestées ses m aîtres. L ’au teu r a d ’ailleurs suggéré que la p lu p a rt des paysans ukrainiens et des C osaques de co u r « honnêtes » se co m p o rtè ren t de façon p lu tô t m éfiante ou carré­ m ent hostile à l’égard de la koliszczyzna. Sa thèse d ’une Sicz — siège d ’«essaim s de b rig an d s» et de « b a n d its étran g ers» , G rabow ski l’a répétée d an s son ro m an suivant, Stanica hulajpolska {La stanica32 de Hulajpole, 1840— 1841).

Rzew uski a englobé le problèm e de la C osaquerie dans son système de conservatism e extrêm e doublé de résignation nihiliste. « Ja c o b in de d r o ite » 33, n o u rrissan t un m épris o sten tato ire p o u r la « ra c a ille » , conservant une distance im m uablem ent reilleuse à l’égard des illusions dém ocratiques, il considérait les C osaques com m e un élém ent destru cteu r et antipolonais, p rofo ndém ent étranger à la n atu re et à la cu ltu re de la n atio n noble. C ette tendance à dépoétiser le m onde cosaq ue se m anifestait déjà dans les P a m ią tki Soplicy {Les Souvenirs de Soplica, 1839— 1841). D ans la gawęda «S icz Z a­ p o ro sk a » , l ’échanson de P arn aw a contem ple avec la m orgue d ’un dignitaire de province ce petit m onde exotique de m arginaux de la société, cet am as de rustres illettrés, de vagabonds et de coquins fa in é an ts34. L a sévérité de l’appréciation du Z aprojïe, présente dans les Souvenirs, est cependant tem pérée p ar le fait que la réalité rep ré­ sentée nous y ap p a raît à travers le prism e de la m entalité de caste, de la m entalité noble d ’un n a rra te u r — personnage qui, de surcroît, visite la Sicz à l’époque de son d éc lin 35. D ans ses rom ans ultérieurs, dans le Z a m e k kra ko w ski {Le Château de Cracovie, 1847— 1848) qui rem onte à l ’époque de B atory, et particulièrem ent dans

Za-32 S ta n ic a : p o ste de garde m ilitaire aux co n fin s du pays.

33 C f. W. K a r p i ń s k i : « J a k o b in p r a w ic y » (U n Jacob in de d roite). T w ó rc zo ść, 1973, n o 12; « W kręgu m y śli z a p rzec zn ej» (D a n s le cerc le d ’une p en sée réfutable), Z n a k , 1973, n os 2 3 3 - 2 3 4 .

34 C f. M . Ż m i g r o d z k a , « K a r m a z y n , p alestran t i wiek X I X » (Le M agn at, le p etit n o b le et le X I X e s.), E tu des litté ra ire s en P o lo g n e, X II, W rocław 1984.

35 C f. Z . S z w e y k o w s k i , P o w ie śc i h isto ry c zn e H e n ry k a R ze w u sk ie g o (L e s R o ­ m a n s h isto riq u e s d ’H . R z .), W arszaw a 1922, pp. 3 1 4 — 317.

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porożec (.Le Zaporogue, 1853— 1854) qui rem on te à l ’époque des rois saxonnes, R zew uski entreprend de briser, avec son au to rité d ’auteur, le m ythe ro m an tiq u e d ’une C osaquerie p ittoresq ue et h éroïque, de ce « ro c d u r de la lib erté» . Il s’attaq u e su rto u t à la version qui s’était constituée dans l ’oeuvre de C zajkow ski. D an s L e Zaporogue, il a peint le milieu cosaque sous des couleurs carrém en t p am p h lé­ taires: ces «chevaliers de M alte du continent, d ’un genre fo rt p a rtic u ­ lie r » 36, c ’est une po pulace dévoyée, sans m orale, barb are, cruelle, sadique, m aintenue dans une su b o rd in atio n servile, h o nteusem en t so u ­ mise à la tutelle des m eneurs despotiques de la « c o m m u n a u té » , p ra tiq u a n t « le brigandage, le m eurtre, l ’ivrognerie et la fornicatio n la plus h o n te u se » 37 — un véritable o p p ro b re de l ’U k rain e et « la terreu r des P o lo n ais» . L a seule individualité intéressante, au sein de cette racaille de brigands ne peut être que celle d ’un noble polon ais qui, après avoir payé pas un crim e, le m al que ses ennem is lui o n t fait, cherche asile dans le Z aporojïe (c’est l ’histoire — faço n­ née selon le m odèle byronien — de W ołk dans «S icz za p o ro sk a» , ou celle de Skoropacki dans L e Zaporogue).

T outefois, dans ces deux ro m ans, ap p araît en quelque sorte — très m arginalem ent — une reconnaissance de certaines valeurs de la société cosaque. D ans L e Château de Cracovie, R zew uski confère une grande im portance historique aux projets — im putés à Samuel Z borow ski — d ’union de la C osaquerie avec la R épublique, et d ’allier de « la persévérance et la docilité» de l ’une avec « l ’ard eu r et l’im ag in atio n » de l ’autre. Et dans L e Zaporogue, su r le fond d ’une analyse très sévère de la décom position de l ’o rd re politico-social traditio nnel de la Pologne, les m oeurs rigoureuses de la Sicz sauvage et son respect p rim itif de la légalité bénéficient — p a r c o n tra ste — de certains traits positifs.

Les m odèles qui o n t été dessinés ici, ces v ariantes dans la p e r­ ception du thèm e cosaque on t créé un can o n bien défini qui a été copié ou m odernisé p ar d ’innom brables poètes et prosateu rs qui succom bèrent (surtout dans les années 40 et 50) à cette m ode

36 H . R z e w u s k i , Z a p o ro że c , W arszaw a 1877, p. 94. 37 Ibidem , p. 111.

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L e C o sa q u e dans la litté ra tu re ro m a n tiq u e p o lo n a ise

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facile de l’u k rain o m an ie que Józef Ignacy K raszew ski a plaisam m ent diagnostiquée com m e l ’une des «m alad ies m orales» du siècle38.

Les rom ans p oétiques de T om asz A ugust O lizarow ski et d ’A leksan­ der G ro z a ne dépassent pas les p atro n s littéraires de 1’« école u k ra in ie n ­ n e » d ’avant N ovem bre. Zawierucha d ’O lizarow ski (que G rabow ski estim ait au-delà de to u te m esu re )39 s’efforce d ’accorder un byronism e superficiel avec une m éthode — p roche de celle de Zaleski — de tran sfo rm atio n artistiq ue de m otifs puisés dans les trad itio n s p o p u ­ laires et d an s le folklore de c zu m a k 40. L a figure conventionnelle du C osaque-serviteur « fa ro u c h e » et fidèle est in trod uite d ans le Pan starosta kaniow ski (M onsieur le starostę de Kaniów, 1836) de G ro z a qui se concentre sur le personnage fam eux du m ag nat-tyran et qui, dans sa passion accusatrice, rejoint la trad itio n de Goszczyński.

Le ro m an de Z ygm unt K aczkow ski M ą ż szalony (.L ’hom m e fo u , 1853), qui in tro d u it, com m e n a rra te u r d ’une de ses parties, le C osaque Sam ojło, reste dans le cham p des influences directes exercées p a r G rabow ski. Ce «fils de l’exubérante U k ra in e » se transform e, au prix d ’une apostasie, en brigand cosaque, en jo u e u r de th éorbe — u n courtisan si confiant, si dévoué à l ’égard de son seigneur « f o u » q u ’il est incapable de se venger de l ’injustice q u ’il en a ép ro ­ u v ée41.

U n exem ple déjà fort épigonesque de la conception d ’u n C o ­ saque — «aig le du D n ie p r» p eu t être perçu d an s le dram e des débuts de Z enon Fisz: K onaszewicz w Białogardzie (K. à Białogród, 1843). Ce d ram e accum ule des schém as sensationnalo-rom anesques et des effets m élodram atiques criards qui rep rennent les stéréotypes orien- talo-cosaques de Słowacki {Żmija) et de C zajkow ski («W ypraw a

38 C f. J. I. K r a s z e w s k i , « C h o r o b y m o ra ln e X I X w iek u , III; U k r a in o m a n ia » (L es M a la d ie s m o ra les du X I X e s. III: L ’U k r a in o m a n ie ), T y g o d n ik P e te rs b u rsk i, 1839, n o s 1 7 - 1 8 .

39 C f. M . G r a b o w s k i , « O sz k o le ukraińskiej p o e z ji» (L ’E c o le de la p o é sie u k ra in ien n e ), [dans:] L ite r a tu ra i k r y ty k a , v ol. 1, W iln o 1840, pp. 5 8 — 87.

40 C zu m a k : charretier u k rain ien q u i tran sp ortait les m arch an dises, le sel e sse n ­ tielle m en t, d an s so n char attelé de b o eu fs.

41 C f. A . J o p e k , B a rd sz la c h ty sa n o ck ie j. O p o w ia d a n ia i p o w ie ś c i h isto r y c zn e Z y g m u n ta K a c zk o w s k ie g o (Un B a rd e d e la n oblesse de S a n o k . L es ré c its e t les rom an h isto riq u es de Z . K .), K r a k ó w 1974, pp. 40 — 44.

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na C aro g ró d » — L ’E xpédition à C arogró d, « M ódlm y się a bijm y» — P rions et b atto n s nous, du recueil Powieści kozackie — Contes co­ saques); dan s son pseudo-byronism e et dans son w allenrodism e réduit à u ne convention vide, il est dépourvu de to u t fondem ent idéologique. C ependant, la prose de Fisz révèle des am bitions et des intentions littéraires plus sérieuses. U n de ses prem iers récit, Noc Tarasowa {La N u it de Taras, 1841— 1842) qui p ren d com m e axe d ’action une révolte cosaque fictive de 1624, m o n tre l’exas­ pération frénétique des parties en présence. Les hussards du hetm an K oniecpolski anéantissent avec une cru au té effrénée le « nid de l ’o r­ v et» — T aras T rojasza, colonel de la garde de K o rsu ń, ce traître à la R épublique. Possédés d ’une furie vengeresse de loup, les C o sa­ ques veulent libérer l’U k rain e du jo u g de la « ra c e m au d ite» des P olonais, persécuteurs et tyrans sanguinaires. L ’attitu d e du n arrateu r est am bivalente: il fait ressortir la brav o u re audacieuse des révoltés devant le châtim ent, leur attachem ent à la religion o rthodoxe, leur culte de la liberté, m ais il respecte aussi les raisons des pacifica­ teurs nobles, adm ire le m agnifique courage des uns et des a u tre s 42. D ans des récits publiés ultérieurem ent sous le pseudonym e de T a­ deusz P adalica, l’attitu d e vis-à-vis des trad itio n s libertaires du peuple ukrainien revêt une nuance de conservatism e m odéré, p o u r a u ta n t viser une solution sim ple et univoque. L ’écrivain a puissam m ent mis en relief la différence qui sépare les Z aporogues fidèles à la vocation chevaleresque du C osaque et les hajdamak — C osaques dégénérés. D ans N estor Pisanka (1856), le père réprouve Żeleźniak, un des chefs de la koliszczyzna p o u r être devenu, de zaporogue, un brigand. D ans Z osia Z ytkiew iczów na (1855), ce hajdamak sont une « p o p u lace im p ie » 43 qui se n o u rrit du m al fait à des innocents, qui déshonore la bonne renom m ée de la C osaquerie, qui s’oppose vivem ent aux Z aporogues. C ela vaut la peine de le souligner: le n arrateu r décrit la Sicz avec une objectivité d ’historien-ethnographe,

42 C f. Z. F is z , « N o c T a r a so w a . P o w ie ść z d ziejó w U k ra in y 1624 r o k u » (La N u it de T aras. L e c o n te de l ’h istoire de l ’U k ra in e d e 1624), A eth en aeu m , 1841, vol. VI, 1842, v o l. I — II.

43 T. P a d a l i c a [Z. F isz], « Z o s ia Ż y tk ie w ic z ó w n a » , [dans:] O p ow iadan ia i k r a j­ o b ra zy . S z k ic e z w ędrów ek p o U k ra in ie , v ol. 1, W iln o 1856. p. 224.

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L e C osaqu e dan s la litté ra tu re ro m a n tiq u e p o lo n a ise 117

sans idéaliser, m ais sans déform er non p lu s 44 — il faut voir en cela une polém ique avec C zajkow ski com m e avec R zew uski.

Le problèm e du jug em en t p o rté sur la koliszczyzna a été es­ quissé de façon intéressante dans Nestor Pisanka qui constitue une réalisation véritablem ent artistique de P adalica. Ce récit qui est fait, en grande partie, de la n a rra tio n des souvenirs du héros d o n t le nom d o n n e le titre à l’oeuvre, m o n tre le sort d ’un jeune U k rain ien ardem m ent épris d ’une P olonaise qui s’engage dans la « b an d e de Ż eleźniak» avec l’intention de tirer vengeance du père de la jeune fille, le noble M ohylski qui lui est hostile. D ans son com m entaire d ’auteur, Fisz efface les causes sociales et nationales du m ouvem ent u krain ien de 1768, en d ém o n tra n t que c ’était une « fu re u r de la racaille, fureur fom entée p a r des intrigues clandestines qui trou vaient leurs m obiles et leur source a ille u rs » 45. Fisz est fort éloigné, cependant, d ’une rép ro b atio n nette de ces événem ents lourds de m enaces. En effet, l’attitu d e réciproque extraordinairem en t san­ guinaire des co m b attan ts effaçait les frontières qui séparent la vertu du crim e, les inculpés des juges. Suivant les traces de Goszczyński, Fisz m et en évidence l ’élém ent de folie bestiale présent dans les actes de ces hajdam ak qui sont en proie à des forces infernales; néanm oins, il n ’accepte pas la philosophie de déterm inism e histo­ rique fataliste qui est celle du Château de Kaniów. P ar l’exemple de la biographie de son héros, il m o n tre les circonstances qui o n t fait que ce «p aisib le g arço n » s’est tran fo rm é en hajdam ak, qui lui o n t fait choisir com m e destin «les incendies et les m eurtres». N e sto r est conscient d ’avoir p erdu sa pureté m o rale; douloureusem ent, longuem ent, ju s q u ’à la fin d ’une existence centenaire, il est consum é du sentim ent de sa terrible faute. En esquissant un p o rtra it suggestif du beau, et fier U krainien, indom ptable défenseur de sa prop re indépendance, l’au teu r pénètre la m otivation hétérogène des actes de son héros: cette m otivation, c ’est la vengeance de son am our

44 F isz a p u isé sa c o n n a issa n c e de la S icz d an s les p réten d ues ch ro n iq u es c o sa q u e s d e H ryhorij H rab ian k a et de S am ijlo W ely czk o ainsi q u e d an s les travaux d ’eth n o g r a p h e s et d ’h istorien s russes, su rto u t d a n s ceu x d ’A p o llo n S k a lk o w sk i.

45 T. P a d a l i c a (Z. F isz], « N e s to r P is a n k a » , [dans:] O p o w ia d a n ia i k ra jo b r a zy , v ol. 2 , p. 137.

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M a r e k K w a p is z e w s k i

m éprisé, m ais c ’est aussi la revanche déchaînée de la m o rt de sa m ère qui avait été tuée sur ord re de M ohylski. De m êm e, l ’enlè­ vem ent de la jeune fille est causé p a r la volonté du héros de l ’arrach er des m ains du rival-P olonais et p ar son désir de protéger la jeune M ohylska du carnage perp étré p ar les hajdamak. L ’écrivain sait dégager les p articularités de la m entalité et des m oeurs cosaques, il est sans cesse fasciné p a r la rencontre de deux cultures, sans cacher les ressentim ents polono-ukrainiens réciproques. L ’am ou r de N estor p o u r la P olonaise, cet am o u r sauvage, passionné, caractérisé p ar le respect, p a r une q u asi-adoration, cet am o u r qui se tro uv e précisé­ m ent sous la charm e de l’au tre culture, cet am ou r fou, possible et im possible à la fois, devient, dans le récit de P adalica, une m étap h o re de la coexistence et du conflit des C osaques et des Polonais.

Il faut exam iner à p a rt les personnages cosaques des oeuvres de la m atu rité de Słow acki: M azepa, Saw a et Sem enko. A u tan t d an s le prem ier cas le poète ne renonce pas encore to u t à fait à un traitem ent o rnam ental de la cosaquerie, au ta n t dans les deux oeuvres suivantes il confère àux héros cosaques des significations sym boliques et m étaphysico-m ystiques profondes.

M azepa (1839), tragédie iron oque du destin, qui puise ab o n d a- m ents dans l ’expérience du m élodram e ro m an tiq u e français, m o ntre le fu tu r h etm an d ’U kraine dans un épisode de sa jeunesse, alors q u ’il était un page coquest et galant de Jean C asim ir. Ce descendant littéraire de Żm ija, preste et plein d ’audace, doté de noblesse et du sens de l ’h on n eu r grandit, au cours de l ’action du dram e, 'au ra n g d ’ange vengeur d ’am oureux infortunés, il devient la victim e de la m orgue et de l’arb itra ire des m agnats. C ependant, il faut définit la « cosaquerie » de M azepa com m e un attrib u t p lu tô t extérieur, com m e un costum e qui ne déterm ine p as de façon réelle le p o rtra it psychologique du h é ro s46.

46 C f. J. K l e i n e r , Ju liu sz S ło w a c k i..., v o l. 3, L w ó w 1928, pp. 8 — 34; C z e r ­ m i ń s k i , op. c it., pp. 63 — 64; Z. R a s z e w s k i , « M a z e p a » , [dans:] P ra ce o lite r a ­ tu rze i te a trz e ofiarow ane Z y g m u n to w i S zw e y k o w sk ie m u , W ro cła w 1966; M . J a n i o n , « K o stiu m o w y d reszczo w iec czy iro n iczn a traged ia m iło ści. D ia lo g z M arią Ż m ig ro d zk ą o film ow ym M a z e p ie » (U n thriller c o s tu m é ou u n e iro n iq u e tragédie d ’a m o u r . D ia lo q u e avec M . Ż. à p r o p o s du M a zep a , p erso n n a g e d e cin ém a ), [dans:] O d n a ­ wianie zwacze«, K rak ów 1980.

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L e C o sa q u e dans la litté ra tu re ro m a n tiq u e p o lo n a ise

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Słowacki a perçu autrem ent le légendaire Saw a qui, à deux reprises, a éveillé son im agination poétique. Ce «d em i-C osaque, dem i-noble» qui voulait « v en ir du seigneur à coups de glaive», est dans Beniow ski (1841) un personnage q u ’on ne peu t soum ettre à u n e appréciation c la ire 47. M êlé to u t à la fois aux événem ents de la C onfédération de B ar et à la koliszczyzna, il tom be, dans les chants ultérieurs, publiés à titre posthum e, dans le conflit o p p o ­ san t les deux loyautés, hésite à la frontière du reniem ent. U n tel m odelage du héros a pu être influencé p a r les tradition s du folklore ukrainien, où le Sawa C zały historique, le père du Sawa — chef des C osaques lors de la C onfédération, passait p o u r un traître à la cause du p e u p le 48. D ans Sen srebrny Salom ei {Le Songe d ’argent de Salom é, 1844), l ’identité am biquë de Saw a s’éclaire: il s’avère être u n « m o n sieu r C aliński», u n noble polonais cosaquisé, q ui aide à la pacification de la paysannerie révoltée (il est le «glaive du ch â tim en t» ) et qui an éan tit les rêves de W ern yhora qui voyait en lui l ’héritier au b â to n de com m andem ent de l ’U krain e, l ’interprète de la réconciliation de deux natio n s désunies. « E tre en m êm e tem ps U krain ien et P o lonais est chose im possible», disait Juliusz K le in e r49.

D ans le Songe d ’argent se cristallise le sens h istoriosophique du m ouvem ent hajdamak que Słow acki avait m ontré précédem m ent, d an s Beniowski, com m e l ’expression d ’un antagonism e natio n al et d ’un antagonism e de classe, hérissé de co n tradiction s tragiques, d ra m atiq u e et confus. Selon la conception du m onde très m ystique de Słowacki, conception qui suppose l’assonse spirituelle de toute chose, le progrès inévitable de l ’H isto ire se réalise à travers des cataclysm es et des chocs sanglants, y com pris les chocs et les ca­ taclysmes sociaux: c ’est seulem ent p ar la voie du supplice, de la souffrance et de la m ort que les esprits peuvent an éan tir l’ancienne

47 M . Ż m ig ro d zk a , « H is to r ia i r o m a n ty cz n a e p ik a » (L ’H isto ire et l ’ép o p é e r o m a n tiq u e), [dans:] P ro b le m y p o lsk ie g o ro m a n tyzm u , série I, ss la dir. de M . Ż m i­ g r o d z k a et Z. L e w in ó w n a , W rocław 1971, pp. 1 4 2 — 146.

48 C f. Ż m i g r o d z k a , « K arm azyn , p alestrant i w iek X I X » , p. 20; W. A . S e r c z y k , H a jd a m a c y , K ra k ó w 1978, pp. 9 6 — 102, 117— 120, 3 7 8 — 3 79; K . W. W ó j c i c k i , « S a w a -C e liń sk i» , T yg o d n ik Ilu strow an y, 1861, n o 115.

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fo rm e et avoir une chance de se couler d an s de nouvelles incarnations toujours plus excellentes50.

Sous la plum e de Słowacki, Sem enko est devenu le c h e f de ce « m assacre ro u g e» effrayant dans ses crim es en mêm e tem ps que sacré, im prégné de signes m iraculaux envoyés d ’une sphère d ’existence supraterrestre. Le p ro to ty p e historique de Sem enko, c ’est Tym enko, l’atam an d ’une des bandes qui sévirent d ans la dernière phase, celle de la répression du m o u v em en t51. L a co n d itio n de Sem enko revêt un caractère double. Serviteur d ’un seigneur, élevé à la cour, épris sans espoir d ’une jeu n e fille noble, il est en m êm e tem ps un révolté irrité, vindicatif, conscient des injustices endurées par son peuple et des raisons sociales de celui-ci — c ’est son « c o e u r» qui le pousse à attiser l ’incendie de la révolution. Słow acki a doté S em enko de la physionom ie attiran te d ’un brave et fier C osaque n ourrissan t des am bitions d ’hetm an. M ais su rto u t, le poète a réussi une véritable intériorisation de la cosaquerie de ce ch e f de bande. D ’une cosaquerie qui n ’est pas seulem ent une apparence im pression­ n ante m ais qui p énètre ju s q u ’au tréfonds la personn alité du héros et qui s’exprim e dans chacune de ses paroles, dan s chacun de ses gestes. L a fonction de Sem enko dans l ’o rd o n n an ce m ystique de ce d ram e est dévoilée p a r sa m o rt de m arty r: c ’est une purification salvatrice consacrée p ar une analogie avec le sacrifice du C hrist, c ’est un acte d ’expiation qui rend possible 1’« élévation » dans la hiérarchie des esprits.

Sem enko est une des créations de C o saqu e des plus intéressan­ tes, des plus p oétiquem ent réussies de to ute la littératu re de cette époque. L a conclussion de l ’histoire ro m an tiq u e de ce m otif, sa co d a pleine de bravoure, il faut les voir d ans le B ohun de H enryk Sienkiew icz52. Les fils thém atiques qui relient le héros de Ogniem

50 C f. M . J a n i o n : « D ia le k ty k a h istorii w p o le m ic e m iędzy S ło w a ck im a K ra­ s iń s k im » (La D ia le c tiq u e de l ’h isto ire d ans la p o lé m iq u e S ło w a c k i— K rasiński), [dans:] R o m a n ty zm . S tu d ia o ideach i sty lu ; « R o m a n ty c z n a wizja rew o lu cji» , p p. 4 3 0 — 439.

51 C f. S e r c z y k , H a jd a m a cy, p. 363.

52 C f. K lein er: op. c it., v o l. 4, p. 179; « O g n ie m i m ieczem H en ryk a S ien ­ k ie w ic z a » (P a r le feu e t p a r le g la iv e d ’H. S .), [dans:] T ry lo g ia H e n ry k a S ien ­ k ie w ic za . S tu d ia , szk ic e , p o le m ik i, éd. T. J o d ełk o , W arszaw a 1962, p. 4 7 3 ; L. L u -d o r o w s k i : O p o sta w ie e p ic k ie j w T ry lo g ii H e n ry k a S ie n k ie w ic z a (L 'A ttitu -d e épique dans la T rylo g ie d ’H . S .), W arszaw a 1970, pp. 13 2 — 133; S z tu k a opow iadan ia

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L e C osa q u e d a n s la litté ra tu r e ro m a n tiq u e p o lo n a ise

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i m ieczem {Par le fe u et par le glaive, 1884) à ses p ro to ty pes rom antiqu es, et surto u t à N e b ab a et à Sem enko, ainsi que le p itto ­ resque extérieur et les tr'aits de caractère q u 'il en a reçus en héritage sont faciles à saisir, évidents. C ’est « le grand épervier des steppes» chan té p ar la légende p opu laire, un gars «svelte, m agnifique, aux sourcils noirs, le plus beau de tous les C osaques d ’U k ra in e » 53, un gars courageux, tém éraire et querelleur, indépendant, fier, estim ant « p lu s que la vie» l’h o n n e u r cosaque, plein d ’une fantaisie chevale­ resque, noble, anim é d ’une passion « sau v a g e» et tendre, hésitant d ’ab o rd entre C osaques et P olo nais et devenant, à la suite d ’un « a m o u r m alheureux », c h e f héroïque de la révolte, su rp assant C hm iel­ nicki dans sa haine des P olonais, d éfendant ju s q u ’au b ou t la dignité cosaque. Sienkiewicz a dépouillé le C osaque de sa m étaphysique rom an tiq u e, il l ’a privé aussi de ses im plications historiosophiques plus profondes, m ais en mêm e tem ps, il a préservé Bohun d 'u n caractère banal et stéréotype, il a exploité de façon intéressante, p o u r construire son personnage, des élém ents d ’une poétique réaliste, to u t en in tro d u isan t une m o tiv atio n psychologique. Le recours à la trad itio n ro m an tiq u e et à ses m odèles de stylisation sublim ante a jo u é un rôle im p o rtan t dans la stratégie idéologique de cet écrivain: il lui a perm is de créer les apparences d ’une distance épique objective dans la rep résen tatio n du conflit po lono-ukrainien.

T rad. par E lisabeth D e stré e -V a n W ilder

H’ O gn iem i m ieczem H e n ry k a S ie n k ie w ic za ( L ’A r t du ré c it dans P a r le f e u e t p a r le g la iv e d ’H . S .), W a rsza w a — P o z n a ń 1977, pp. 41 — 4 3, 252.

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