• Nie Znaleziono Wyników

Les aventures d'un voyageur polonais dans l'Océan Indien et au Moyen-Orient au XVIIIe siècle : (le manuscrit des "Voyages" de Joseph Maximilien Cajetan Baron de Wiklinski conservé à l'Ile Maurice)

N/A
N/A
Protected

Academic year: 2021

Share "Les aventures d'un voyageur polonais dans l'Océan Indien et au Moyen-Orient au XVIIIe siècle : (le manuscrit des "Voyages" de Joseph Maximilien Cajetan Baron de Wiklinski conservé à l'Ile Maurice)"

Copied!
18
0
0

Pełen tekst

(1)
(2)

ORGANON 33:2004

Anne-M arie Nida (Marseille, France)

LES AVENTURES D’UN VOYAGEUR POLONAIS

DANS L’OCEAN INDIEN ET AU MOYEN-ORIENT AU XVIIIE SIECLE: (LE MANUSCRIT DES «VOYAGES» DE JOSEPH MAXIMILIEN CAJETAN BARON DE WIKLINSKI CONSERVE A L’ILE MAURICE)

La découverte du manuscrit des voyages du Baron de Wiklinski1 dans le fonds d ’Epinay à la bibliothèque Carnegie de Curepipe (île Maurice) et l’inté­ rêt de son contenu historique nous ont engagée dans une recherche obstinée à long terme. Nous avons tenté de rassembler les éléments de compréhension de cette histoire glanés au cours d ’investigations sur l’architecture coloniale au XVIIIe siècle dans les centres d’archives à Paris, Lorient, en Lorraine ou dans l’Océan Indien. Puis nous avons édité l’histoire des deux voyages de ce cheva­ lier et retranscrit ce manuscrit avec des notes explicatives, éclairant le texte au français déformé et émaillé de nombreuses expressions créoles ou du parler de l’époque2. Nous avions le désir de sa transmission et de sa préservation, et la justesse de cette intuition s’est confirmée en recherchant l’original polonais, qui aurait disparu dans un incendie pendant la dernière guerre3. Seule une copie de la première partie des voyages subsisterait encore en Pologne4. Le manuscrit de la Carnegie Library porte en marge la mention que cette pièce

traduite en français, serait digne de l ’impression à cause de l ’exactitude des détails qu ’elle renferme. Nous avons le sentiment du devoir accompli envers

la mémoire de l ’auteur de cette remarque, mais aussi envers la mémoire polonaise. Peu de récits de voyageurs polonais dans l’Océan Indien au XVIIIe siècle sont en fait répertoriés, excepté le récit des aventures du célèbre baron de Beniowski dont les archives d’Aix-en-Provence conservent, outre le récit imprimé, les diverses pièces de correspondance lors de son intrusion remar­ quée à Madagascar (peu après le passage de Maximilien) et qui se solde par sa

1 L ’orthographe de ce nom est variable et d ’après l’héraldique, il s ’agirait plutôt de l'o rth o g rap h e W ichlinski.

2 L es voyages de Joseph M axim ilien C ajetan Baron de W iklinski, m anuscrit en français retranscrit, annoté et introduit p ar A .-M . N ida, M auritius Stationery M anufacturers Ltd., P o rt-L o u is 2004.

3 Cf. W acław et T adeusz Stabczyńscy, Słow nik podróżników p olskich, W iedza P ow szechna, W arszaw a 1992.

4 Cf. I. Z atorska, A ctes du colloque «Lorraine - Pologne, h ier et a u jo u rd ’hui». U niversité de V arsovie, 9 et 10 m ai 2000. 1 Z atorska fait référence à une copie faite en 1942 conservée aux archives du PAN, V arsovie, côte III-8 4 -d o s s ie r n°168 et une copie incom plète à Kórnik (ancienne dem eure des Raczyński), mns 916.

(3)

mort au combat contre les Français en 17861. Le manuscrit de Maximilien a été acquis par Prosper d’Epinay ou transmis par sa famille installée depuis la fin du XVIIIe siècle à l ’île de France (Mauritius). Le premier d’Epinay, An­ toine Jean Caiez, né à Paris, et avocat, arrive en effet à l’île de France en

17872 où il épouse Marthe Blanc, fille de Zacharie Blanc, ancien consul de St Jean d’Acre venu prendre sa retraite à l ’île de France en 1783. C ’est au cours de son deuxième voyage que Maximilien en 1781 aurait rencontré Zacharie Blanc, lors de son séjour à Alep, et que Maximilien aurait parlé de l’île de France avec enthousiasme et les aurait poussé au départ3. Marthe Blanc de­ viendra ainsi l ’aïeule de Prosper d ’Epinay4. Maximilien a écrit le récit de son deuxième voyage après son arrivée à Marseille en mai 1782, mais sans doute celui du premier voyage aussi5. Nous ne pouvons que supposer l ’envoi du texte traduit en français à l’Ile. Prosper d’Epinay, dérogeant à la tradition fa­ miliale de la Robe en embrassant le métier de sculpteur, est, comme son père et son grand-père, passionné de bibliophilie et d’histoire de l’île Maurice. Il a su rassembler, annoter et conserver un nombre assez impressionnant d’ouv­ rages et de manuscrits concernant la géographie, l’histoire, les récits de vo­ yages (dont celui de Bényowsky), les ouvrages de naturalistes, de littéraires et de droit concernant l ’île Maurice, la Réunion ou l’Océan Indien. Ce manuscrit fait partie de cet inestimable leg.

Histoire du Chevalier Joseph Maximilien Cajetan, Baron de Wiklinski et

de ses voyages durant treize années d’aventures et d’observation dans les

pays de l’Océan Indien et au Moyen Orient

La décision de Maximilien de mener une vie d’aventurier curieux, attisée par cette fureur des voyages6 qui va le ruiner, s’est forgée à la cour de Stanis­ las, où personnages éclairés et voyageurs prestigieux se succèdent, accueillis avec entrain par le roi. Les bibliothèques des hauts courtisans qu’il fréquente abondent en ouvrages où récits de voyages ou d’aventures, littérature choisie (Robinson Crusoé, Don Quichotte), philosophie (Voltaire), côtoient les livres de piété7. Les récits d’exploits de grands soldats (de Bussy) ou de personnali­ tés illustres alimentent son imaginaire. Il est au fait de tous les récits qui

1 C entre des archives d ’O utre M er [CA O M ], B ibliothèque som B /R E S /6 3 1 : V oyages et m ém oires de M au­

rice A uguste Com te de B ényow sky, Buisson, Paris 1791 et correspondance E26.

2 Cf. Papiers d ’E pinay à la C arnegie Library, cité par A. T oussaint dans le D ictionnaire de Bibliographie

M auricienne.

3 A. Toussaint, D ictionnaire de B ibliographie M auricienne.

4 A ntoine Jean C aiez d ’Epinay, avocat à Paris, s ’installe en 1787 à l’île de F rance et épouse la fille de Z a­ charie Blanc. Il a un fils Adrien (avocat) et un petit fils Prosper (sculpteur), bibliophiles l’un et l ’autre. Seul le fonds Prosper d ’E pinay a été conservé à la C arnegie Library depuis 1921, celui de son père Adrien a été dis­ persé. A. Toussaint, D ictionnaire de Bibliographie M auricienne.

5 D ans la prem ière partie du m anuscrit il fait allusion aux oranges à St Paul de B ourbon (R éunion) qui sont aussi bonnes q u ’à M alte où il ne sera q u ’en 1782. Les a u rait-il goûtées en L orraine chez Stanislas?

6 C A O M , lettre du 23 février 1783, de la part de M adam e A délaïde, tante de Louis XVI, qui dem ande son passage gratuit aux colonies, M axim ilien est dans la m isère car il a eu la fu re u r des voyages.

7 S. G aber, L ’entourage p olonais de Stanislas Leszczyński à Lunéville 1 7 37-1766, thèse à l ’U niversité de N ancy II, 1972.

(4)

Les aventures d ’un voyageur polonais dans l ’Océan Indien e t . 95

circulent à la cour de Stanislas à Lunéville mais aussi à Versailles. Les rap­ ports de scientifiques, de chroniqueurs ou de savants avec leur souci de vérité et d ’exactitude comme l’indianiste Anquetil du Perron, lui font percevoir ce nouveau mode d’approche de l’humanité où les vertus de tolérance et de patience apparaissent comme la seule voie de succès pour ces entreprises en­ core aléatoires. Maximilien va suivre leur modèle, et nous transmet le récit de ses péripéties dans l’Océan Indien avec la précision de son temps et sa propre sensibilité. Rien ne pourrait le distinguer de ces illustres personnages qui ont sillonné l’Océan Indien, sinon son histoire particulière de jeune homme insatiable, toujours prêt à s’émerveiller, Français et Polonais, représentatif de ce mélange de culture. Il en adopte les différents comportements, et acquiert une analyse distanciée. Bien que d’origine polonaise par son père Hyacinthe de Wiklinsky, l ’opportunité de s’enrôler dans l’armée du roi de France se pré­ sente à lui par les hasards de sa naissance. Hyacinthe, fidèle à Stanislas Lesz- czynski, n’hésite pas à abandonner sa fortune en Pologne pour suivre son roi en Lorraine en 1735 dans son second exil1. Il s’y marie deux fois avec de jeunes lorraines qui ne survivront pas longtemps à leurs maternités. De sa seconde noce avec Béatrice Montaut, fille mineure du chirurgien ordinaire de Sa Majesté, deux enfants survivent, Maximilien né le 25 septembre 1750 à Lunéville, puis sa sœur Victoire Catherine un an plus tard. Aucune mention de leur mère ne figure sinon son acte de décès de 17572. Hyacinthe est gratifié par son souverain Stanislas de la charge de colonel depuis 1737 à Lunéville, où est créée la compagnie des Cadets Gentilshommes du Roi3. Le métier des armes y est enseigné à 564 jeunes nobles dont 167 sont Polonais4. Maximilien suit tout naturellement cet enseignement militaire, après avoir été page du roi Stanislas5. Cadet à douze ans6, puis volontaire de la légion de Conflans de 13 ans à 17 ans où il est sous lieutenant des dragons avec brevet au régiment de

1 C A O M , lettre du 4 octobre 1775, île de France: la France fa isa it m ille fra n c s p a r an com m e étranger

p o u r dédom m agem ent des biens que sa pa trie l ’a va it p riv é p a r un d écret du sénat et lettre du 12 m ai 1776 de

M onsieur de Sartine m inistre et secrétaire d ’état à la m arine: F ils d 'u n gentilhom m e po lo n a is qui s ’était expatrié

p o u r suivre fe u le roi de Pologne Stanislas dans ses malheurs, il avait abandonné sa fo rtu n e .

2 A rchives m unicipales de Lunéville: H yacinthe W iklinski né en 1703 et m ort le 16 ju in 1771, épouse en

p rem ière noce M arie T hérèse C om pagnot décédée en 1743 après la naissance de François M arie M axim ilien, m arraine la princesse de Talm ont (27 décem bre 1742 - 4 ju in 1754). En seconde noce avec l’obligation de se c harger du prem ier enfant le 9 septem bre 1749 il épouse Béatrice Clém entine Joséphine M ontaut née le 25 mars 1731 et m orte le 1er août 1757. Leurs enfants: M a x i m i l i e n le 25 septem bre 1750, C atherine V ictoire 11 o c ­ tobre 1751 (parrain C om te M niszech, grand cham bellan de L ithuanie), u n f i l s le 1“ novem bre 1752 décédé, u n e f i l l e baptisée le 30 septem bre 1753, e t G a b r i e l l e F r a n ç o i s e C l é m e n t i n e le 8 ju illet 1756 (parrain le h au t et puissant seigneur M r François C harles A ntoine M arquis de Lenoncourt e t de B lainville, com te du St E m pire et m arraine M ellle G abrielle M ontaut sa tante maternelle). A rchives de M eurthe et M oselle N ancy.

3 A cadém istes et cadets en Lorraine in: le Pays lorrain N°4, 1963.

4 A rchives de l ’arm ée de terre, V incennes, Paris, Ya 159 et Y a 418. La com pagnie est créée en 1737 et a en 1764 564 jeu n es nobles dont 167 Polonais et 31 au service du roi de France; état du 1" mai 1737 au 1“ avril

1766 [Service historique de l’arm ée de terre, V incennes, Paris]. 5 C A O M , troupes des colonies, D /2C/186.

6 Les C adets sont recrutés de 15 à 20 ans dans la noblesse lorraine, polonaise ou lithuanienne (4 à 5 quartiers de noblesse côté paternel), catholiques, et sans aucune infirm ité. Le com m andant des cadets est en 1754 le m arquis de Baye, G rand O fficier de la C o u r avec H. W iklinski, l’un des deux capitaines lieutenant. Cf. A ca d é­

(5)

Rohan Chabot, il est encore volontaire de l’armée du roi de France en 17681, et volontaire au bataillon de l’Inde en 1770, toujours comme sous lieutenant2. Stanislas décédé en 1766 ne pouvait plus rien pour lui ni même pour son père pour qui cette perte a signé sa ruine, l’école des cadets de Luné ville étant fer­ mée par Louis XV. Maximilien fait partie de cette trentaine de Polonais heu­ reusement passés au service de la France depuis la création de la Compagnie, et qui œuvrent dans les colonies françaises de l’Océan Indien. Il vit donc dans un milieu franco-polonais dès sa naissance, il y entend les deux langues et apprend à vivre dans les deux cultures. Il se montre profondément attaché à la Pologne, patrie perdue et mythique. Mais il a acquis la langue et les manières françaises, même s’il a parfois des difficultés à se conformer totalement à l ’es­ prit d ’ordre français. Par sa situation, Maximilien est voué à une carrière mili­ taire, mais son esprit est voyageur. Son imaginaire s’est exercé dans cet envi­ ronnement privilégié, auprès des aristocrates, ses parrains et marraines le duc et la duchesse Ossolinski ou de ce roi auréolé par la hauteur de son esprit, et qui fait fi de sa faiblesse politique. Il se montre figurant magnanime et magni­ fique, malgré les injures du destin qui l’a détrôné à deux reprises et obligé de s’enfuir de Dantzig déguisé en habits de paysan, tandis que sa fille échappe aux Saxons à Cracovie grâce à Hyacinthe Wiklinski3. Stanislas va couler en Lorraine de longs jours lumineux. Peu éloigné de cette fille bien-aimée Marie, épouse de Louis XV, cette province, qu’il gouverne sous sa tutelle, va s’enrichir de sa présence dans des entreprises dictées par une personnalité brillante. Sa présence à Lunéville, où il occupe le château dessiné par Boffrand pour son prédécesseur Leopold, va transformer cette petite patrie en un haut lieu de rencontres de philosophes, littéraires et artistes, un petit Ver­ sailles. Il se préoccupe d’accueillir les 400 nobles venus de Pologne et les visites royales, sa fille Marie avec ses enfants, dont Madame Adélaïde, fille adulée de Louis XV et future tante de Louis XVI4. Il transforme le château mais surtout conçoit un parc agrandi et plein de surprises, où exotisme et créa­ tions insolites rivalisent. Il organise l’ensemble du parc pour recevoir et festo­ yer à la mesure de son raffinement et de son désir de séduire. Il fait aménager les bords de la Vézouze, creuser un canal parallèle à la rivière bordé de nou­ velles construction: des bains et de petits pavillons inspirés du modèle turc, un kiosque à toiture à la chinoise, réservé aux musiciens, auprès desquels Stanis­ las se délasse avec sa cour, et qui aura une grande fortune en Europe. Une partie du parc est transformée en jardin de rocailles où des automates fabri­ qués par un horloger wallon multiplient les surprises et émerveillent les hôtes de ce parc. Stanislas séjourne volontiers à la Malgrange dessinée par le même architecte et ingénieur Boffrand et dans les jardins du château de Commercy

' C A O M , D /2C/186.

2 C A O M , D /EC/186: délibération du conseil le 2 novem bre 1770.

3 C A O M , lettre du 4 octobre 1775: H yacinthe a va it eu une pension (...) "H uit cents livres que la déffunte

Reine, de glorieuse m ém oire lui fa isa it de sa cassette p o u r récom penser un service que m on père avait eu le b onheur de lui rendre dans la ville de Cracovie, où elle m anqua être p rise p a r les Saxons (...)” .

(6)

Les aventures d ’un voyageur polonais dans l ’Océan Indien e t . 97

ornés de fabriques fantastiques1. Sa suite, courtisans, dames préférées et petits pages, est invitée à partager l’enchantement du kiosque chinois agrémenté de stores d’eau et celui de cascades et de bosquets savamment ordonnés. L’en­ fance de Maximilien se forge dans un environnement privilégié. Les désirs du cœur et de l ’esprit y prennent le pas sur ceux du pouvoir et du politique. Ses futures capacités d ’adaptation aux diverses situations rencontrées dans ses voyages ont l ’empreinte de ce modèle généreux, idéaliste, où le goût pour le raffinement et celui de l’exotisme incite l’esprit à s’évader et l’âme à s’élever.

Les trente et une lettres conservées aux archives d ’Aix-en-Provence et le récit de ses voyages à la bibliothèque de Curepipe (île Maurice) sont les deux principales sources directes d ’information sur l ’histoire de Maximilien. Elles ont permis de reconstituer son histoire jusqu’à l’année 1783, où il disparaît de France. Dans ces témoignages écrits se confrontent la vie sublimée dans un au-delà paradisiaque et exotique, et la réalité aride, où enthousiasme et déso­ lation alternent. Le récit que Maximilien fait parvenir de ses expériences en Inde ne laisse apparaître que le bonheur de la découverte de tous ces lieux lointains et l’honneur d’avoir participé à des événements historiques. Les lettres, elles, nous informent des embûches de cette vie militaire, des aléas de ces voyages et permettent de percevoir leur déroulement avec précision. Loin d’être une œuvre littéraire, le manuscrit de Curepipe s’apparente plus à un guide de voyage ou à une description incitative à découvrir le monde oriental et moyen oriental. Les répétitions superlatives qui en alourdissent parfois la lecture ne doivent pas masquer la richesse et la précision des renseignements géographiques, botaniques, historiques, pour la plupart exacts. Il fait preuve parfois de traits d’ironie ou use d’expressions qui amènent le lecteur à sou­ rire2. Peut-être nous transmet-il un parler familier entendu dans les troupes françaises ou qui sait même à la cour, un argot de l’époque. Maximilien a-t-il dicté la traduction de l’original polonais avec un accent particulier à un copiste qui enregistre un certain nombre de données phonétiquement. Prosper d ’Epi- nay situe aussi l’écriture de ce récit vers 1782, alors que le nabab Hyder Ali Khan décède après avoir régné des côtes de Coromandel à celles de Malabar. Maximilien aurait alors trente deux ans et déjà passé treize années qui pour­ raient valoir une vie dans l’Océan Indien depuis son départ en 1769 de Lo- rient. Les lettres écrites aux ministres successifs de la marine pendant ces treize années sur les routes des Indes et dans les îles donnent la teneur des blessures à la sensibilité romantique et à la fougue que ce jeune officier, noble de naissance et de cœur, a dû endurer. Il ne sort d’ailleurs pas indemne de cette vie mouvementée. Il s’adonne à la boisson, joue à la boule avec ses sol­ dats, dépense sa solde et d’après Guiran de La Brillane, son supérieur en 1778 au bataillon de l ’île de France, se laisse emporter par des accès de fureur. Il est contraint en 1778 de donner sa démission, excédé d ’être emprisonné sur l’île à Port-Louis, une sentinelle postée devant sa geôle, où de la Brillane lui fait

1 E. H éré, L es ch âteaux disparus de Stanislas: Exposition, château de H aroué, été 1984 et P. Boyé, C ata­

logue et les châteaux du roi Stanislas, Paris 1910.

(7)

purger ses peines de cœur1. Il est dans un tel état physique et mental pendant ces six mois qu’il y perd ses cheveux. Il est renvoyé sur l ’Iris, vaisseau mar­ seillais armé par Simon et commandé par Pinatel2 qui doit le conduire à Lo- rient. Il ne parvient pas à Lorient mais à la prison de Liverpool, car l ’Iris tom­ be aux mains de corsaires anglais. Il est délivré par son ambassadeur, et peu importe les déboires, coutumiers à cette époque, il trouve de nouvelles pro­ tections en Hollande et en Angleterre3. Il repart au Cap de Bonne-Espérance dans l’espoir de retrouver sa place aux îles ou du service en Inde. Mais les guerres entre les nations européennes et avec les Marathes lui imposent de repartir au plus vite des Indes et de rejoindre l’Europe par voie de terre, en caravanes, via Surate, Mascate, Bagdad, Alep, Alexandrie et en bateau par la Méditerranéenne, via Chypre, Malte, la Sardaigne, la Corse pour atteindre cette fois Marseille. Vingt ans de vie militaire ne l’ont apparemment pas aguerri, ni dépossédé de son engouement pour une vie aventureuse. Echoué en mai 1782 au Lazaret de Marseille où il attend la fin de sa quarantaine, il est sans le sou, a dépensé plus que sa solde. Il porte un habit de Turc, seule re­ lique qui lui reste de son voyage, mais qui, en excitant la curiosité des provin­ ciaux, est un gage suffisant pour acquitter en partie ses frais4. Il se blesse sur les berges du Rhône, en remontant la vallée pour atteindre Versailles. A la suite d ’une chute de deux cents pieds, il se couvre de blessures, et fait un séjour forcé à l ’Hôtel-Dieu de Châlons-sur-Saône espérant n’y rester que dix jours5. Il gagne Versailles, exténué, où il est accueilli à l ’infirmerie. Il doit maintenant convaincre ses supérieurs et le roi de lui accorder une nouvelle place dans son armée, soit aux Etats Unis soit en Amérique. Habitué à utiliser les recommandations, il s’adresse à Mesdames, mais surtout à Madame Marie Adélaïde, qui a déjà usé de son influence en 1772 pour les faire pensionner lui et sa sœur après le décès de leur père, chevalier de St Louis . Elle l’avait sûrement connu à Lunéville lors de ses visites à son grand-père Stanislas et lui vouait-elle une certaine affection encouragée par le souvenir des services éminents de son père à ses grands parents. Madame l’habille et pourvoit aux nécessités premières de cet homme à l ’ascendance illustre7. Elle appuie la re­ quête de Maximilien auprès du Duc de Castries alors ministre. Mais une lettre du 27 février 1783, expédiée par le Duc, l’informe que la conjoncture ne per­ met pas d’accéder à ses désirs. On peut imaginer sa désolation, lui qui était à même de repartir vers d’autres tropiques et d’autres continents. Nous perdons alors de vue ce voyageur émérite qui a dû rejoindre la Pologne où sa sœur Victoire Catherine, dame d’honneur de la Princesse Sangusko à Varsovie de­

' C A O M , E392: lettre du 1er août 1778.

2 C ham bre de com m erce et d ’industrie de M arseille - Provence: E10. 3 C A O M , E392: lettre du 2 m ars 1779 à Calais.

4 C A O M , E392: lettre du 18 Juillet 1782 à C hâlons sur Saône. 5 C A O M , E392: lettre du 18 Juillet 1782 à Châlons sur Saône. 6 C A O M , E392: lettre du 27 fevrier 1783.

(8)

Les aventures d ’un voyageur polonais dans l ’Océan Indien e t . 99

puis 1774, l’attend et lui a promis un meilleur avenir1. Mais après un destin et un parcours aussi stupéfiants, peut-il s’être assagi, comme il le prétend? Quelle vie mondaine, toute tracée et sans surprise, comme une bonne vie en famille, peut-elle retenir cet aventurier qui n’a connu de stable que celle de son enfance de fils d’exilé?

Histoire des voyages

P r e mi e r v o y a g e par voi e de m er. Ile de Fr anc e , Ma d a g a s c a r , I nde, î l e de Fr a n c e et Bo u r b o n

Maximilien a 19 ans. Il est dans l’impatience de réaliser les projets hé­ roïques que son imagination lui impose. Il a quitté Lunéville depuis cinq ans après son passage dans les cadets du roi Stanislas. Il va continuer à parfaire son métier dans la légion de Conflans comme volontaire dans le régiment de Rohan Chabot, puis en 1769, année de la grande décision, volontaire dans ce régiment avant de l ’être pour le bataillon de l’Inde en 1770. Il a rassemblé son

équipage et s’apprête à parvenir à Lorient où il doit embarquer. Ce premier

voyage est déjà une répétition des futures obstacles auxquels il devra s’affron­ ter dans des terres plus inconnues et surprenantes. La route pour Lorient ne compte pas pour Maximilien, ni même aucun des préparatifs matériels pour effectuer ce long périple. Il n’en fait aucune mention. Elle représente pourtant un apprentissage. Sa fougue et sa capacité d’émerveillement le comblent. Il monte enthousiaste sur le vaisseau la Paix qui est à quai depuis le 24 mars 1769, commandé par le sieur Chautard. Le premier pilote consigne jour pour jour l’histoire de cette traversée sur ce voilier à voiles carrées, prêt à affronter le Cap des Tempêtes dit d’Espérance, malgré les aléas des relevés des côtes et des calculs approximatifs de longitude et de latitude faites par les célèbres géographes d’Après de Manevilette et Bellin. Ils vont avoir à braver cinq mois durant les conditions atmosphériques, l’état de la mer et les rencontres parfois désastreuses de corsaires ou de pirates, sans compter l’inquiétude que soulève la méconnaissance de l’Afrique et de ses autochtones2. Maximilien montre plus tard au Cap une certaine répulsion à leur égard. Mais à bord, il trouve une âme sœur, la belle Madame Magon, son aînée de dix ans, épouse modèle de l ’ancien gouverneur de l’île de France, avec qui il a le temps de deviser en passant de longues heures d ’oisiveté sur le pont ou dans les cabines. Il a appris à apprécier la compagnie agréable et réconfortante des dames depuis son enfance auprès de son roi séducteur, il leur manifestera toujours de chauds regards, à s’en éprendre éperdument jusqu’au geste fatal. L’attente va cepen­ dant être longue, bien que leur vaisseau ait bon vent et cingle à toutes voiles. Les abords du Cap de Bonne Espérance se font enfin sentir, la mer est grosse, houleuse, il fait grand frais et le ciel est sombre. Les canons sont mis dans la cale et le vaisseau s’apprête à passer le cap le 21 juin. Après quinze jours de ce temps frais et de mer tumultueuse, les passagers sont à présent dans l ’Océ­

1 CA O M , E392: lettre du 1er ju illet 1774 à l’île Bourbon.

2 C entre de recherche des archives nationales [CA RA N ], Paris, Journal navigation du prem ier pilote du vaisseau La Paix 24 m ars 1769, 98 feuillets.

(9)

an Indien et le temps tourne à l’orage, avec un horizon bouché et un ciel bas très nuageux. Le 4 août ils atteignent l ’île Rogrigue et le 5 ils sont à deux lieux et demi de l’île Ronde, au nord de l ’île Maurice, rebaptisée par les Français île de France1. Ils repèrent la pointe aux Canonniers au sud ouest et tirent leur cinquième coup de canon pour avertir le capitaine du port de leur arrivée. Ils font connaissance avec un autre vaisseau mouillé à proximité provenant de Chine qui leur permet de se situer et de manœuvrer pour se préparer à entrer à Port-Louis. Le vaisseau la Paix va dégréer à l’île aux Tonneliers encore deux jours et mettre à terre les marchandises appartenant à la Compagnie avant de repartir vers l’île Bourbon (future île de la Réunion) où ils vont faire le plein de café. Maximilien débarque en compagnie de Madame Magon, qui va aussi­ tôt se préoccuper de son avenir sur les îles et en Inde.

Maximilien fréquente peu de temps la petite société coloniale de l’île. Bernardin de Saint Pierre y séjourne à cette époque comme ingénieur avant de trouver l’inspiration littéraire de son Voyage à l ’île de France puis de Paul et

Virginie. Mais c ’est un misanthrope et Maximilien a d’autres ambitions que de

rencontrer des Français. Recommandé auprès du gouverneur de l ’île le Cheva­ lier Desroches, il embarque pour Madagascar comme officier major. Il nourrit ses fantasmes avec l’histoire de la vie du Marquis de Bussy. Il compte bien être à la hauteur de son héros. Il ne tarde pas à s’illustrer en faisant de l ’ombrage à Monsieur de Modave, commandant à Fort Dauphin, qui, vieux militaire de carrière déjà endurci par de grandes aventures en Inde, ne se laisse pas déborder par ce jeune rêveur. Maximilien a, jeunesse aidant, des visions plus libérales sur les Malgaches que Monsieur de Modave, qui se contente de les mépriser. Bientôt des ambitions d’alliance avec un des chefs locaux germent dans son esprit. Le chef d ’une tribu lui promet sa fille dans un lointain avenir, celle-ci n’est pas encore nubile. Maximilien, avec la force de conviction de ses bons sentiments, donne sa démission à Modave pour accomplir son destin. Il revient vite à la réalité du pouvoir. Une escadre vient le cueillir à Madagascar et il est rapatrié manu militari à l ’île de France où Madame Magon l ’attend et le protège. Elle favorise son départ pour l’Inde, avec des lettres de recommandation de Monsieur Desroches, gouverneur géné­ ral des îles, pour Law de Lauriston, gouverneur de Pondichery. Desroches, par chance, n ’a aucune sympathie pour Modave. Il ne va pas tarder à l’inviter à quitter lui aussi Madagascar et à retourner en Inde où il va décéder misérable à Masulipatam. En 1772, un autre aventurier d’envergure, le comte de Beniow­ ski, convaincra à nouveau le ministre du bien-fondé d’établir cette colonie2. Sa position dans l ’Océan sur le chemin de l’Inde paraît assez intéressante pour poursuivre cet objectif de colonisation malgré les échecs successifs des commandants de Fort Dauphin. Les terres fertiles où le riz abonde et la possibilité de faire la traite sont trop alléchantes pour abandonner la partie. Ses bovins sont exportés depuis un siècle à Bourbon. Et les femmes de Madagas­

1 C f. A. Chelin, B ibliothèque indianocéanienne, CRI, 1989: Les H ollandais on t occupé l ’île de 1598 à en­ viron 1708, puis les Français d e 1721 à 1810 où elle passe aux Anglais.

2 C A O M , B /R ES/631: Voyages et m ém oires de M aurice Auguste Comte de B enyow sky, Paris 1791 et personnel colonial, correspondance E26.

(10)

Les aventures d ’un voyageur polonais dans l ’Océan Indien e t . 101

car vont constituer les prémices du peuplement de Bourbon. Mais les Mal­ gaches sont des esclaves récalcitrants et donc paresseux. Et la difficulté de communiquer et de tempérer avec les chefs des tribus qui occupent cette grande île est insurmontable. Maximilien s’aguerrit avec ses premiers faux pas et son départ pour Pondichéry lui offre une occasion honorable de se retirer.

A cette même époque, Maximilien est touché par la nouvelle du décès de son père. Cette disparition l’atterre. Il est tenté de revenir en France; mais engagé pour dix ans dans l’armée de l’Inde, on ne peut lui accorder de congé. Il se soucie de l ’avenir de Victoire Catherine sa cadette, qui n ’a plus d ’autre secours que ce frère envolé aux antipodes. Il est obligé de se contenter de demander le prélèvement d’une partie de ses appointements pour la sortir du grand dénuement qui l’accable depuis le couvent des dames bénédictines de St Nicolas de Nancy où son père l’a mise en pension. De son vivant, Hyacinthe jouit de deux apports financiers, en tant qu’étranger ayant abandonné ses biens en Pologne, mille francs de la France, et huit cent livres sur la cassette de la défunte reine. Ce père disparaît en les laissant sans un sou et seuls en Lorraine, Stanislas étant décédé. Madame Adélaïde intervient pour que soit attribuée à chacun une pension de 400 livres1. Victoire attend dans son couvent un meilleur sort. Maximilien, durant plusieurs années après le décès de leur père, se préoccupe des finances de sa sœur à qui il abandonne finalement les 100 louis de la succession de son père. Le départ pour l’Inde va faire diversion et Maximilien remonte sur un vaisseau à Port-Louis et débarque à Pondichéry auprès de Law. Il reste avec ce général quelques temps puis il est envoyé en mission à l ’ouest de l ’Inde chez le nabab Hyder-Ali-Khan, allié des Français. Il participe à la fin des combats sanglants dans le Maissour contre les Ma­ rathes, princes indous qui ne cessent d’agresser les Français et Musulmans de l’Inde, puis contre les Anglais qui se montrent de redoutables adversaires. Son supérieur Hughel commande les Européens de l’armée de Hyder depuis quinze ans. Et le combat de la bataille de Melcotta n’épargne ni Huguel, ni ses officiers. Ils sont gravement blessés2. Huguel meurt à Tranquebar, petit com­ ptoir danois proche de Pondichéry où il trouve refuge. Maximilien n’y assiste pas mais restera dans la compagnie, orphelin de cet excellent commandant qui l’appréciait. Il brigue avec d’autres le commandement de cette compagnie. Monsieur Law lui fait apparaître les difficultés d’une telle succession dont seul Hyder a pouvoir de décision, et lui conseille vivement de se soumettre quoi qu’il arrive. La fougue de Maximilien est mise à l’épreuve. Il doit patienter. Il demande alors protection à Law pour rentrer au service du nabab à titre personnel3. Il séjourne en Inde deux ans où il a le temps de parcourir la côte est de la péninsule, de Coromandel jusqu’au Bengale, et de connaître l’intérieur des terres. Il est hébergé par l’unique polonais qu’il rencontre en Inde M. Courvanosky à Tranquebar. Il donne une description détaillée de tout

' Service historique de l ’arm ée de terre, V incennes, 1 et 2e lettre du 10 ju in 1772, V ersailles.

2 C. H ugau, R elation abrégé de mon voyage et détails su r l ’intérieur de l'In d e in: F. de V alence, Le voyage

extraordinaire d 'u n capitaine de dragons chez H yder A li Khan, 1 7 69-1772, M aisonneuve et Larose, Paris 2001.

3 C A O M , lettres et certificat de J M C W iklinski le 18 ju ille t 1782 Châlons: M etz le 27 décem bre 1768 signé le C h r de V illebrune et le vicom te de C habot Rohan et lettre de Pondichéry signée Law 3 ju ille t 1772.

(11)

ce qu’il observe pendant ce séjour guerrier, mais ce qu’il admire, c ’est le nabab Hyder-Ali-Khan. Il n ’est pas seul à être fasciné par ce cruel mais brillant personnage, qui a su assujettir les petits princes indous et établir un domaine allant d’est en ouest de la péninsule indienne. Il revient aux îles fin 1772, nommé second lieutenant du régiment de l ’île Bourbon (Réunion)1. La vie s’écoule assez (ou trop) tranquillement à Saint Paul. Ses supérieurs font des rapports favorables sur lui. Dès qu’il fait une requête, il obtient satisfac­ tion. Il souhaite en particulier que le trésorier prélève sur sa solde une pension pour secourir sa sœur, ainsi qu’une pension levée sur le trésor royal, eu égards aux bons et loyaux services pour la France de leur défunt père2. A Bourbon, il a le temps de parcourir et d ’examiner les quartiers de l’île, tout comme il l’a fait auparavant à l’île de France. Ces deux îles, décrites un siècle avant comme de petits paradis où tout pousse et où abonde le gibier, portent les stigmates des abus des premiers occupants qui n’ont pas ménagé son bel ordre naturel. Il note minutieusement toutes sortes de détails, les ressources naturelles, la disposition des sites et des cultures, celle des villes où seule St Denis est digne de ce nom, avec son plan tiré au cordeau. Sensible à la qualité des relations humaines, il constate la différence de traitement des esclaves dans les deux îles. Il est notoire que les habitants de Bourbon se montrent moins brutaux. Mais à St Paul, village charmant, Maximilien, tout obéissant qu’il soit à l’ar­ mée et apprécié par ses supérieurs, n ’est pas à l’abri de l’emprise de ses pas­ sions et de la maladie d’ennui qui frappe depuis toujours les hommes venus dans ces îles. On apprend qu’il boit avec ses soldats, joue à la boule et dilapide le prêt accordé par la trésorerie. Il n’est pas indifférent au charme des femmes, il en parle souvent au cours de son récit, même s’il lui arrive de parler de leur beauté et d’enchaîner le fil de son récit sur la description de ses frayeurs devant la cruauté des tigres du Bengale. Il admire les femmes créoles plus que les autres. Econduit par la personne qui a allumé sa flamme, il est désespéré au point de vouloir se suicider. Fin 1777, il tente à St Paul de mettre fin à ses jours par un coup de pistolet à la tempe, qu’il manque par bonheur. Il est alors malmené par le gouverneur général le Chevalier de la Brillane, qui, pour le guérir de ses extravagances, l’emprisonne à l’île de France de janvier à août 1778 où il tombe malade3. Il donne alors sa démission de l’armée, sa mère

1 C A O M , D /2C / 186, 143 et 146. Archives départem entales de la R éunion: C26, C6.

2 C A O M , E392: lettre du 4 août 1776 du Baron de Baye indique que C atherine V ictoire est chez M adam e

la Palatine de Podlasie, et celle du 12 ju ille t 1777, q u ’elle est depuis deux ans et dem i au service de la princesse de Sangusko à V arsovie.

, C A O M , E392: lettre du 1er août 1778 de Port Louis. Le Chevalier De la Brillane adresse la dém ission de W iklinski à m onseigneur Sartine, m inistre de la marine: A ttendu que la tête de cet officier m e paraissait mal

organisée, et que, désirant d ’a lle r en France, j e saisissais cette occasion de le satisfaire, espérant qu 'après a vo ir quitté les chaleurs de ce p a y s et repassé la ligne, il po u rra it se remettre. Il avait avant cette époque fa it un acte de dém ence, s ’éta n t tiré un coup de pistolet, qui ne luy avoit pas fa it une blessure mortelle, p o u r une fem m e quil connaissait à peine, et que p e u t etre il n ’avoit ja m a is vue (...) D epuis lors, il s 'e st trouvé com m andant la com jiagnie d o n t il est L ieutenant à Saint Paul, p a r la m aladie de M r de B uttler qui en est le capitaine. Il a fa it toutes sortes de sottises, il s'e n iv ra it tous les jo u rs a vec les soldats de son détachem ent, jo u a it à la boule avec eux et m angea le prêt. M r le Vicom te de Souillac le renvoya icy où j e l'a i tenu a u x arrêts da n s une cham bre du quartier. Il a f a i t plusieurs extravagances s ’enivrant très souvent q u o iq u ’on le veillât avec soins. Il m ’a donné sa

(12)

Les aventures d ’un voyageur polonais dans l ’Océan Indien e t . 103

nourricière, et retourne à Lorient par le Cap, le 29 août 1778 sur le navire

l ’Iris armé à Marseille. Il ne reste sans doute pas très longtemps au Cap, il y

reviendra en 1780. Le 22 décembre 1778, chemin faisant vers l ’Europe, l ’Iris est intercepté par des corsaires de Liverpool en même temps que le navire Les

Deux Amis. Maximilien est apparemment détenu sur le navire des corsaires,

qui dépouillent les deux prises, les font aller vers l ’Angleterre où elles font naufrage lors d’une violente tempête1. A l’arrivée à Liverpool, Maximilien est envoyé en prison, dépouillé lui aussi. Délivré par son ambassadeur, il parvient à Calais fin mars 1779, et à Dantzig fin octobre 1779, où il se prépare pour un nouveau départ. Il obtient des lettres de recommandations de Mr Hope à Am­ sterdam pour repartir aux Indes, à Ceylan et Colombo, qui appartiennent à la Compagnie des Indes Hollandaises.

Se c o n d v o y a g e par voi e de me r vi a le Cap, Ce yl a n, Su r a t e et Ba s s or a , par voi e de t erre, par la P e rse , la Syr i e, et par la me r d ’Al e x a n d r i e à Ma r s e i l l e

Maximilien a trente ans. Il embarque au Texel et quitte les brumes de cette île septentrionale des Pays Bas le 1er avril 1780. Il aborde au Cap trois mois après autour du 8 juillet 1780, y est chaleureusement accueilli par l ’es­ cadre française de M. Bouvet. Pris en charge par le gouverneur, il se mêle à la bonne société du Cap où les Européens se côtoient et se lient à merveille. La seule fausse note dans ce paysage est la présence des Khoikhois, peuple autochtone d’éleveurs de bovins dont la saleté lui inspire de la répulsion. Son dessein n ’est pas de séjourner au Cap. Il espère être à nouveau admis aux îles malgré sa conduite scandaleuse. Il convient lui-même q u ’il est malheureux de

trop de sensibilité2 mais la folie est répréhensible à l’âge classique. Il apprend

qu’il est toujours interdit de séjour aux îles. Il est informé aussi que les rela­ tions entre la France et l’Angleterre se sont détériorées avec la guerre d ’in­ dépendance américaine. La Compagnie des Indes hollandaises, au Cap, lui demande d ’aller s’expliquer au gouverneur de Ceylan avant d’entreprendre quoi que ce soit. Il s’y rend. Il profite de ce séjour forcé pour se renseigner sur la vie de cette île, où perles et cannelle abondent et sont la source d ’un profit important bien convoité. Mais la situation politique contrariante qui s’offre à son entendement le laisse perplexe. Il réalise qu’il est pris au piège des conflits entre Français, Anglais et Marathes. Il n ’y a plus de chemin ouvert pour re­ tourner en Europe. Il décide donc d ’atteindre Bombay, où il pense pouvoir compter sur la protection des Anglais, en position dominante dans cette ville. Il passe par la côte Malabar, via Tallichery, Calicut, Cochin et Goa, longée par de nombreux vaisseaux de commerce entre Ceylan et Surate. Il dépeint les déboires politiques respectifs du Samorin de Calicut et de Hayder Ali. Il arrive à Bombay avec ses lettres de recommandations. Le conseil et le gouverneur de dém ission que j 'a i l'h o n n e u r de vous adresser, et il a fin i p a r des scènes si fo r te s que M r de C ossigny a été o bligé de m ettre u n e s e n t i n e l l e à s a p o r t e , c e q u e j ’a i t r è s f o r t a p p r o u v é . J e l e f a i s p a s s e r s u r l e n a v i r e l ’Iris (...).

1 C ham bre de com m erce et d ’industrie, M arseille - Provence: E10. 2 CA O M , lettre du Cap, le 15 août 1780.

(13)

Bombay le prennent pour un espion. Ils lui confisquent sa malle et l’enferment trois jours, le temps de constater que la seule issue pour ce personnage encombrant est le rapatriement sur l’Europe. A la vue de la lettre de M. Hope gardée sur lui précieusement depuis son passage à Amsterdam, les Anglais l’envoient à Surate. Maximilien, sous la puissante protection anglaise, est acheminé vers le Golfe Persique sur un vaisseau en direction de Bassora. Tout lui est alors fourni pour continuer son périple par voie de terre. Maximilien va faire connaissance avec le Moyen-Orient. Environ deux semaines de traversée jusqu’à Mascate sont vite passées, sous la clarté d ’un ciel qui permet d’observer les étoiles à loisir, le spectacle des dauphins le jour, et la nuit, celui des eaux phosphorescentes avec ses myriades de méduses. Peu d ’Européens hantent ce port. Seules quelques danseuses dans les maisons du port s’offrent pour retenir les étrangers dans ce lieu inhospitalier. Maximilien continue son voyage dans un état d’excitation et de curiosité intact. Il quitte Mascate pour Ormuz à l ’entrée du golfe et au lieu de se diriger directement vers Bassora, où il se joindrait aux caravanes pour la Perse et la Syrie, il passe par Ormuz, bravant le péril des brigands et des pirates qui grouillent dans ces parages. Il décide d’atteindre Bushere, port de Chiraz, situé à quelques encablures au milieu du golfe. Il suit la caravane qui le mène à Chiraz. Il est en admiration devant les Perses, ils sont d’ailleurs comparables aux Polonais. S’il ne va pas à Persépolis, il profite à Chiraz de la fraîcheur des jardins et contemple les cours d’eau aménagés auprès du tombeau de leur poète Hasdji Hafès et du savant Sadi. Maximilien a son temps et observe la richesse des champs de dattiers, de vignes qui produisent ce vin rouge si prisé, de rosiers cultivés pour confectionner l’eau de rose, les chevaux et les mulets exportés jusqu’en Inde. Il retrouve ce paysage à Bassora au fond du golfe, près du Tigre. Mais cette cité soumise aux Turcs, puis aux Perse et aux Arabes est un repaire de malfrats où les janissaires tiennent la population en haleine. La peste y a laissé la trace de ses ravages. De Bassora, Maximilien va affronter la traversée du désert pour atteindre Bagdad. Les six semaines de traversée de ces contrées arides lui ont été fatales. Il y souffle un vent pestilentiel et seule la peur des lions, des hyènes et des voleurs alimente l’esprit. Son état lui interdit de visiter cette ville. Remis de son affection, il retrouve sa vitalité pour remonter à Alep. Mais la description des villes et des contrées qu’il traverse reste succincte. Il compte arriver chez le consul anglais à Alep, muni d’une lettre de recomman­ dation, mais son guide le trompe et le conduit chez le consul de Hollande1. Il va séjourner chez lui. Maximilien implore l’ambassadeur de Hollande de le renvoyer en Pologne ou en Hollande. Il s’engage même à payer les frais occa­ sionnés par son voyage de retour en Pologne, grâce à la protection de sa ma­ jesté polonaise. A Alep, il découvre une communauté cosmopolite et policée.

Maximilien y apprécie la vie mondaine pendant ces trois mois, où il avoue s’amuser. La troisième ville de l’empire ottoman est richement bâtie et en­ tourée de jardins et de nombreuses communautés religieuses et ethniques, des tribus arabes et turcomanes, des Européens, avec leurs consulats, y cohabitent.

1 D ’après I. Z atorska, A ctes du colloque «Lorraine - Pologne, h ier et a u jo u rd ’hui», M axim ilien aurait dem andé à l ’am bassadeur hollandais à Constantinople de l ’aide.

(14)

Les aventures d ’un voyageur polonais dans l ’Océan Indien e t . 105

Maximilien doit songer à retourner en Europe, et ces trois mois s’écoulent trop vite avant son départ pour l’Egypte. Il fait étape à Jérusalem, visite les Lieux Saints, le sépulcre du Christ, gardé jalousement par les Franciscains, et celui de la Vierge dans la vallée de Josaphat. Du Caire, il se rend à Matarée où le mythe du passage de la Sainte Famille persiste, concrétisé par un sycomore sacré qui l ’aurait abritée, à côté d’un jardin d ’arbres de Judée au baume bien­ faisant plantés par Cléopâtre. Il passe à Damiette raviver le souvenir de St Louis débarqué là avec la Reine Blanche, pour conquérir la Terre Sainte, maintenant ville de pêcheurs mal bâtie et repaire de Turcs peu fréquentables et de redoutables janissaires. Il embarque vers Chypre, Malte, la Sardaigne et la Corse avant d ’être en quarantaine au Lazaret de Marseille. Il y constate avec amertume l’abandon de ses protecteurs français. Dans une misère noire, il est hébergé chez un aubergiste du Lazaret qui sera défrayé par le marquis de Lespinasse, marseillais voyageur qui seul a pitié de cet officier à la dérive. En dépit de ce terne dénouement, Maximilien trouve encore l’énergie pour vanter la faconde des femmes à Marseille et la beauté de la ville. Il parvient à Ver­ sailles en janvier 1783, après plus de deux ans et demi de voyages, qui sem­ blent, momentanément du moins, avoir eu raison de son appétit d ’aventures.

Maximilien est un authentique voyageur, prêt à affronter toutes les vicissi­ tudes pour découvrir ce monde oriental fascinant mais implacable et pour se forger une place dans le monde européen qui ne fait de cadeaux qu’aux riches et aux puissants. Il a la malchance de vivre à une époque proche de la révolution en France, où il n’est plus désormais nécessaire d’appartenir à la noblesse pour être encouragé dans ses entreprises. Le jeu des protections se brouille et s’inverse. Ce récit, où la sensibilité d’un individu et son humanité osent s’exprimer, porte le germe des futurs changements de relations entre les hommes. Rares sont les écrivains et même les philosophes qui abordent de front le problème de l’esclavage. Maximilien, comme Bernardin de St Pierre à la même époque à l ’île de France, soutiennent que les esclaves souffrent cruel­ lement d ’avoir été coupés de leur culture, et qu’il serait plus raisonnable que leur vie ne subisse pas cette atteinte fondamentale à leur intégrité, ajoutée à la violence justifiée des maîtres. Sans doute que la grande tendresse que Maximi­ lien voue aux femmes et son admiration irrésistible procèdent-elles du même élan. Il est un romantique avant la lettre pour la France, et son attitude à l’égard de la nature humaine et ses sentiments cosmiques devant la nature et les paysages nous font souvenir qu’une partie de sa personnalité est attachée à la mentalité nordique, où le mouvement romantique a pris racines. L’histoire de sa vie et le récit de ses aventures sont exemplaires de la richesse que savent façonner une vie mouvementée et un métissage culturel.

Cinq lettres dictées ou écrites par Maximilien ou par ses supérieurs entre 1778 et 1782 sont conservées aux archives d’outremer à Aix-en-Provence

(15)

sous la côte du fonds ministériel, personnel colonial, E392.

I

Lettre du Chevalier de la Brillanne au ministre de la marine de Sartine [IDF et Ile de Bourbon le Chevalier de la Brillanne. N°226 Duplicata.

Répond à la lettre du 27 janvier 1778, n°116,

envoit la démission du Sr Wiklinsky lieutent au regt de l’isle de France]

A u Port Louis Isle de France le 1er août 1778 Arrivé 7 février 1779 s le n°216 Monseigneur

J ’ai reçu la lettre que vous m ave ^ fa it l’honneur de m ’écrire le 25 janvier 1778, par laquelle vous me deffende^ de donner aucun congé aux officiers jusqu’à nouvel ordre, ce qui sera exécuté. J ’avais eu l’honneur de vous demander celuy de M. le Baron de Wiklinsky lieutenant au régiment de l'isle de France, Attendu que la tête de cet officier me paraissait mal organisée, et que, désirant d ’aller en France, je saisissais cette occasion de le satisfaire, espérant qu’après avoir quitté les chaleurs de ce pays et repassé la ligne, il pourrait se remettre. Il avait avant cette époque fa it un acte de démence, s’étant tiré un coup de pistolet, qui ne luy avoit pas fa it une blessure mortelle, pour une femme quil connaissait à peine, et que peut etre il n'avoitjamais vue depuis lors. Depuis lors, il s ’est trouvé commandant la compagnie dont il est Ueutenant à Saint Paul, par la maladie de M r de Buttler qui en est le capitaine. Il a fa it toutes sortes de sottises, il s ’enivrait tous Je sjours avec les soldats de son détachement, jouait à la houle avec eux et mangea le prêt. M r le Vicomte de Souillac le renvoya icy où je l ’ai tenu aux arrêts dans une chambre du quartier. Il a fa it plusieurs extravagances s ’enivrant très souvent quoiqu’on le veillât avec soins. Il m ’a donné sa démission que j ’ai l’honneur de vous adresser, et il a fin i par des scènes si fortes que M r de Cossigny a été obligé de mettre une sentinelle à sa porte, ce que j ’ai très fort approuvé. Je le fais passer sur le navire l ’Iris.

je suis avec respect, Monseigneur, votre très humble et très obéissant serviteur Le Chr Gairan de la Brillane

II

Lettre de Wiklinski à l’ambassadeur Hollandais à Constantinople

Le 10 décembre 1781 àAlep Monseigneur

Permette\ qu’un étranger qui a éprouvé tous les bienfaits de la part de votre Nation puisse encore les réclamer aujoud’hui dans la personne de votre excellence. Je suis parti, Monseigneur en octobre 1779 muni d’un passeport de sa majesté et d ’une lettre pour M r Hope directeur de la Cie des Indes, arrivée à Amsterdam le 1er nbre de la même année, j ’aye été placée au service de la comp. et destiné pour le Bengale, et mit à la voile le 1er avril 1780. Arrivée au cap M r le Bon de Platemberg m ’a fa it changer de vaisseaux de même qu’à mes soldats, disant que les disputes survenues au Bengale entre les 2 nations anglaise et française ne permettait

(16)

Les aventures d ’un voyageur polonais dans l ’Océan Indien e t . 107

point qu’on y envoya aucune espèce de milittaire qu'il était nécessaire que j ’aille m ’expliquer avec le gouverneur de Ceylan qui par raison de politique n ’a pas voulu non plus que je continuasse ma destination. Je me suis donc trouvé en arrivant aux indes sans services. Les troubles survenus dans ces climats ne m ’ont point permis d ’aller ou j ’aurau pu encore trouver des services. Les chemins étant absolument fermés partout, tant par les marattes que par les anglais, je me suis trouvé dans une position fort embarassante et comme javais été au service de France pendant dou^e ans et connaissait toutes les nations, je n ’ai point hésittée d’aller à bombay réclamer les protections du gouvernement pour mon retour en europe (les Hollandais me l ’ayant refusé), mais, M. à mon grand étonnement—c’est que le gouverneur et le conseil m ’ayant pris pour un espion, on m ’a ressérée pour troisjours on m ’a volée ma malle, croyant y trouver preuve, mais le passeport de mon roy les lettres de monsieur Hope ont fa it consentir les anglais à m ’envoyer à Snratte afin que je puisse retourner en Europe par terre. Mons. Bédour le gouverneur de cette ville m ’a fourni un vaisseau qui m ’a transporté à Bassora et générallement tout ce qui était nécessaire pour me conduire jusqu’à Alep. Mais une grande maladie survenu à Bagdad m ’a mis dans l’impuissance de pouvoir continuer ma route sans les secours et l’agrément de votre excellence et comme je suis arrivé icy de nuit, et trompée par mon guide qui m ’ayant conduit che

^

le consul anglais m ’a remis à monsieur le consul d’hollande ou je suis actuellement monseigneur et malgré que je n ’avais aucune espèce de recommandation pour luy, me rend toutes sortes de services, ce qui me fa it entrevoir, que monseigneur voudra bien m ’honnorer de la protection pour me faire repasser en Europe, j ’ay l’honneur de la demander à son excellence au nom de sa majesté polonaise. Q ui m ’honnore de sa protection, vous êtes absolument maître, monseigneur, de m ’envoyer en hollande ou en pologne. Si ces deux choix sont égals à votre excellence, je la prierais de m ’accorder les moyens de me rendre en Pologne et le plus tôt qu’il seroit possible, me flattant d’y trouver les ressources nécessaires pour acquitter les frais occa­ sionnés de ce voyage, et rendre témoignage des bontés de la grande protection de votre excellence. Vous promettant d ’avenir, Monseigneur, une entiere soumission à vos ordres etferer avec plaisir tout ce qu’il vous plaira de m ’ordonner.

[non signée]

III

Lettres de la main de Wiklinski à Monsieur de Castries ministre de la marine depuis le lazaret de Marseille en mai 1782

Monsieur

J ’ai l ’honneur de vous prévenir que je suis arrivé au Lazaret. Je suis parti d ’am- sterdam le 1er avril 1780. J ’ai passé à Célon tallichéy, goa Bombay ensuite Mascate, Bassora. J ’ai l ’honneur de vous envoyer le passeport de mon très gracieux souverain mon parent et mon amy. Je vous demande votre protection, je suis dans la plus grande nécessité. J ’ay l ’honneur de vous envoyer le passeport de mon souverain. J ’ai dépendu avec dou^e francs mais je savais que quand monseigneur de Castries ayant apprit mon arrivée ne négligera nullement de me faire passer les secours que l ’humanité indique à un pauvre malheureux. Je vous prie donc, monsieur, de me faire le plaisir de me faire passer deux louis, cette somme est suffisante pour mon auberge en attendant le secours de Pologne

j ’ay l ’honneur de vous prévenir que je suis passé par l’Iris en 1778 vaisseau de marseille commandé par le capitaine Pignatel et armateur Simon qui vous dira

(...)

que mon

(17)

ambassadeur m ’a réclamé à Londre, Je serait très honnoré d ’avoir l ’honneur de correspondre avec votre excellence si vous ave% la bonté de m ’envoyer un officier je vous apprendrai des nouvelles de l’Inde que vous ne s ave ^ p as.

j ’ai l’honneur d’(espérer latention) de votre excellence Monsieur,

Votre très humble et très ob.t le Baron de Wiklinsky

le 24 mai[1782]

Monseigneur

J ’étais volontaire dans le régiment de Rohan Chabot en 1768 vous nous ave^ ja it l ’honneur de venir nous visiter je me serais fa it malhonnête si je n ’avais pas appris votre nommination au ministère. Je me jette à vos pieds et à ceux de mon gracieux souverain si la nature vous fa it roi par la naissance éclatante, je vous assure que je vous servirez avec %èle et affection, je demande du secours, si il faut que je porte ma tête sur l’échafaut c’est égal, pou vu que la pologne se sauve

je suis avec un grand respect de votre excellence le très humble et très obst jos ca m B. de W iklinski

IV

Lettre de Wiklinski à Monsieur de Castries ministre de la marine 18 juillet 1782 à l'Hôpital de l'Hôtel Dieu à Châlons sur Saône

18 juillet 1782 à l’Hôpital de l’Hôtel Dieu à Châlons sur Saône Je suis très assuré que les deux lettres que j ’ay eu l ’honneur d ’écrire à votre excellence l ’a fort indisposées contre m oy,j’en suis d’autant plus fortifié dans mon opinion que n ’ayant rien reçu aucun secours à Marseille pour mon voyage j ’ay été traité avec dureté de divers comman­ dants de ville à q u ij’avais demandé du secours à l ’exception du marquis de l ’Espinasse qui m'a traité avec bonté et m ’a été utile et si j ’ay subsister pendant la route, cela n ’a été qu’à une providence extraordinaire et à mon habit de turc qui a intéressé tout le monde, carje n ’ai pas le moyen d ’en avoir un autre, et c’est avec cet habit orientale que j ’ose supplier votre excellence de me permettre de me jetter à ses pieds et d’y rendre compte de ma conduite. Je ne suis pas si coupable, Monseigneur, que votre excellence le croye, depuis trois ans il y a plus de folie dans mon esprit que de raison, mais j ’attend tout de la bonté de votre âme généreuse.

J ’ay servi, monseigneur, sous les ordres de mr le comte de jamac c’est pendant que nous étions en garnison à M et\ que j ’ai eu l’honneur de voir votre excellence elle nous a même fa it l ’honneur de venir nous voir et j ’avouerai à monseigneur que sa présence m ’a interdit à ne pensois nullement que votre excellence serait mon juge un jour, je me trompe, vous sere% mon protecteur. M r Eaw ancien gouverneur des indes, m ’a fa it recevoir officier ensuitte j ’ay fa it une campagne au service du nabab bader hyderalikhan. le ministre m ’ayant ensuite employé aux îles, monseigneur de Sartine a été très content de moi, j ’ay l ’honneur d’envoyer à votre excellence la copie d ’une lettre qui en atteste la vérité, quand à ces deux messieurs, il est facile à votre grâce de s ’en informer.

(18)

Les aventures d ’un voyageur polonais dans l ’Océan Indien e t . 109

Monseigneur, c’est l'amour seul qui m ’a fa it perdre l ’esprit, M r Mailliar ci devant intendant des isles a tout vus il peut en rendre compte à son excellence, il vous dira aussi mon­ seigneur que le port et la ville de st Paul était en règle e tj’en suis sorti sans plainte des habitants contre mes soldats et j ’ay rengagé plus de la moitié de la compagnie c’est un fa it véritable et je pourrai ajouter que mes soldats ont pleuré à mon départ, c’est l’exacte vérité

M r le vicomte de Souilliac ayant aprit la violence de ma passion et le refus qu’on me faisait de cette demoiselle, me rappela à S t Denis j ’obéis sur le champ. Il me traita avec bonté et douceur, me laissa libre et me permit même d ’aller à la campagne mais me défendit le quartier st Paulje l ’ai obéi. A u bout d ’un mois j ’eus l’honneur de lui écrire pour le prier de m ’envoyer à l'ID F pensant que mr de la Brillane touchée de mon état ne me refuserait nullement un congé ayant resté constamment on%e ans en service dans les colonies, d’aillieurs j ’avais une soeur qui mourrait de faim et toutes mes facultés ne pouvaient s ’étendre qu’à 300 livres par an sur mes appointements. M r le baron de Baye,jL t général avait fa it de son vivant tout ce qui était pos­

sible de faire pour nous faire partager la pension de notre père, mais toujours sans succès toutes les raisons ne touchèrent nullement mr de la Brillane il se fâcha même contre mr de Souillac et lui retira son bataillion et me laissa aux arrêts six mois malade et ayant perdu tous mes cheveux, par la force de la passion, je donnais ma démission croyant être libre et devenir citoyen, je me plaignis amèrement et on me mit en prison jusqu’à l’embarquement qui se fit le 29 août

1778. Tous mes papiers les plus intéressants tant ceux que j ’ay eu l’honneur d ’envoyer à votre excellence et ceux que j ’ay fa it passer à mr le duc de Fortia de Pilles sont dans vos bureaux. Je prie mgr de donner ses ordres afin qu’ils ne fussent point égarée car c’est toute ma fortune

je suis, Monseigneur, détenu à l ’hôpital à Châlons. J ’ay eu le malheur de faire une chutte j ’ay tombé dans le Rhône à plus de deux cents pieds de haut sur les roches, malgré cela, je en me suis cassée aucun membre, mais je suis tout couvert de blessures je ferais si je peux un effort pour me remettre en route dans dixjours, e tj’ose supplier votre excellence d ’avoir la bonté d ’ordonner qu’on me donna quelques secours. Soit icy soit à Auxcerre car monseigneur je suis dans une très grande misère, que votre excellence daigne penser aux services de mon pauvre père faites grâce au fils, Monseigneur, en faveur de l’attachement qu’il avait pour le bon roy Stanislas -de glorieuse mémoire-. Je vous promets que j ’en aurais plus de %èle pour le service de sa Majesté envoye^ moi monseigneur où il plaira à votre excellenceje n ’ai plus cette ardeur pour les isles de france. Mes longs voyages et mes malheurs ont calmé la fougue de ma passion et toute celle qui m ’anime est celle de réparer mes folies, Monsieur de Bellecombe m ’a toujors honnoré de ses bontés je serais charmé d’être sous les ordres d’un si brave homme, il est juste et certainement personne au monde ne pourra témoigner mieux que lui de ma conduite et méritte la grande protection de vote gracieuse excellence et souvenez vous monseigneur, que je suis venu avec con­ fiance du fond de l ’orient mejeter à vos pieds

je suis avec un très profond respect Monseigneur

De votre excellence

A l ’hopital de l ’hotel dieu de chalons sur Saône le 18 juilliet 1782

Cytaty

Powiązane dokumenty

While some of the proposed solutions include novel tools such as sMPCs that aim to mitigate privacy risks associated with the widening scope of collected data, it is

jednak braku świadectw źródłowych, które by potwierdzały bezpośredni udział Kazimierza Pułaskiego w  okrucieństwach, jakich prawdziwie czy rzekomo dopuścili się konfederaci

Les chants de l’"Ungaricum" dans les manuscrits polonais antétridentins. Collectanea Theologica 51/Fasciculus specialis,

Ustawodawca w przepisie art. dopuścił możliwość uczestniczenia kierowcy, jak również osoby posiadającej pozwolenie do kierowania tramwajem, wpi- sanego do ewidencji

A challenging signal processing problem is the blind joint space- time equalization of multiple digital signals transmitted over mul- tipath channels.. This problem is an abstraction

Pour expliquer le mouvement de chaque planete, on a done besoin de quatre cercles qui remplacent quatre spheres ou plutót sphśrbides; il у a 5 planetes il faut done 20 cercles

est une suite de fonctions initiales convergente vers une fonction {£}Te[0]<M>, il existe pour tout e > 0 un entier positif N tel que pour les indices i N les

C ’est là pour le rom ancier le point de depart pour une virulente satire de la fem m e et de la société contem poraines et, à partir de là, pour le développem ent