LXIV.2 (1993)
Propri´ et´ es arithm´ etiques d’une s´ erie li´ ee aux fonctions thˆ eta
par
Daniel Duverney (Lille)
1. Introduction. Soit q ∈ Z, |q| ≥ 2. Nous d´efinissons
(1) x
q=
∞
X
n=0
q
−n2.
Il est clair que x
qest un nombre irrationnel, puisque son d´ eveloppement q-adique est form´ e d’une suite non p´ eriodique de 0 et de 1.
J. Liouville a d´ emontr´ e l’irrationalit´ e de x
qen l’approximant par les sommes partielles de la s´ erie qui le d´ efinit [14].
L’´ etude des propri´ et´ es arithm´ etiques de x
qs’est poursuivie grˆ ace ` a l’in- troduction de la fonction
(2) f (z) =
∞
X
n=0
q
−n(n+1)/2z
n.
On peut citer, sur ce sujet, les travaux de L. Tschakaloff [18], de P. Bund- schuh [2], de P. Bundschuh et M. Waldschmidt [4]. Pour une bibliographie plus compl` ete sur ce sujet, on pourra consulter [3].
En particulier, P. Bundschuh dans [2] a d´ emontr´ e que x
qn’est pas un nombre de Liouville.
Tr` es r´ ecemment, P. Borwein a prouv´ e dans [1] que
∞
X
n=1
(−1)
nq
n+ r 6∈ Q si r ∈ Q , r 6= −q
n.
On en d´ eduit que x
2q− x
qest irrationnel ([12], Th. 312, p. 258).
Les nombres x
qse trouvent li´ es de mani` ere tr` es simple ` a la fonction θ
3de Jacobi, puisque l’on a ([5], p. 65)
(3) 2x
q= 1 + θ
30, log q
iπ
.
Le but de ce travail est de d´ emontrer le r´ esultat suivant :
Th´ eor` eme 1. Soit q ∈ Z, |q| ≥ 2. Alors x
q=
∞
X
n=0
q
−n2est non quadratique.
P. Erd˝ os conjecture par ailleurs dans [7] que, si n
kest une suite d’entiers v´ erifiant n
k> ck
2, alors P
∞k=1
q
−nkest non quadratique. Cette conjecture pourrait peut-ˆ etre se d´ emontrer par une m´ ethode analogue ` a celle utilis´ ee ici, bien que cela paraisse, a priori, beaucoup plus difficile.
Pour d´ emontrer le th´ eor` eme 1, nous utiliserons le crit` ere d’irrationalit´ e suivant :
Th´ eor` eme 2. Soit q ∈ Z, |q| ≥ 2. Soit (a(n))
n∈Nune suite dans Z
Nv´ erifiant les propri´ et´ es suivantes :
(a) a(n) 6= 0 pour une infinit´ e de valeurs de n.
(b) Pour n assez grand , |a(n)| ≤ r(n), avec (b
1) r(n) > 0,
(b
2) lim sup r(n + 1)/r(n) < |q|.
(c) Il existe une infinit´ e d’entiers k ∈ N, et des entiers n
k∈ N, tels que : (c
1) a(n
k+ 1) = a(n
k+ 2) = . . . = a(n
k+ k) = 0,
(c
2) lim
k→∞r(n
k+ k + 1)/|q|
k= 0.
Soit x = P
∞n=0
a(n)q
−n. Alors si x = α/β ∈ Q, on a pour k assez grand,
(4) αq
nk− β
nk
X
n=0
a(n)q
nk−n= 0 .
La d´ emonstration du th´ eor` eme 2 sera donn´ ee au paragraphe 2. Remar- quons seulement que ce crit` ere est bas´ e tout simplement sur l’approximation de x par ses sommes partielles et nous n’introduisons, par cons´ equent, aucun outil nouveau.
Il existe d’autres r´ esultats d’irrationalit´ e pour les s´ eries x= P
∞n=0
a(n)q
−ncomportant beaucoup de termes nuls. On peut citer les deux th´ eor` emes suivants :
Th´ eor` eme 3 ([10]). Si a(n) ∈ N pour tout n ≥ 1, et si a(n) est non nul pour une infinit´ e de valeurs de n, avec
(5)
n
X
k=1
a(k) = o(n) , alors P
∞n=1
a(n)q
−nest irrationnel pour tout entier q ≥ 2.
Th´ eor` eme 4 ([6]). Soit a(1) < a(2) < . . . une suite d’entiers satisfaisant lim
n→∞[a(n + 1) − a(n)] = ∞. Alors P
∞n=1
a(n)q
−a(n)est irrationnel pour
tout entier q ≥ 2.
Aucun de ces deux th´ eor` emes ne peut s’appliquer au cas qui nous occupe, mˆ eme pour q ≥ 2. Supposons, en effet, que x
qsoit quadratique, c’est-` a-dire qu’il existe A, B, C ∈ Z, A 6= 0, tels que
(6) Ax
2q+ Bx
q+ C = 0 .
Ecrivons x
q= P
∞n=0
l(n)q
−navec l(n) = 1 si n est le carr´ e d’un entier naturel, l(n) = 0 sinon. Alors
x
2q=
∞
X
n=0 n
X
k=0
l(k)l(n − k)q
−n.
Des consid´ erations bien connues ([12], p. 258 ; [8], p. 219) montrent que
(7) x
2q=
∞
X
n=0
%(n) q
no` u %(n) d´ esigne le nombre de d´ ecompositions de n en somme des carr´ es de deux entiers positifs.
Alors (6) devient (8)
∞
X
n=0
A%(n) + Bl(n)
q
n+ C = 0 . On se ram` ene donc ` a prouver l’irrationalit´ e de P
∞n=0
a(n)q
−n, avec a(n) = A%(n) + Bl(n). Puisque a(n) peut changer de signe, ni le th´ eor` eme 3 ni le th´ eor` eme 4 ne peuvent ˆ etre utilis´ es. Ils ne peuvent mˆ eme pas permettre de d´ emontrer que x
2qest irrationnel. C’est clair pour le th´ eor` eme 4; en ce qui concerne le th´ eor` eme 3, on sait que ([12], p. 270, th. 339)
(9) lim
n→∞
%(1) + %(2) + . . . + %(n)
n = π
4 . La condition (5) n’est donc pas v´ erifi´ ee.
Il nous faudra, pour appliquer le th´ eor` eme 2, un lemme assez fin sur la r´ epartition des z´ eros de la fonction %(n). Ce lemme sera ´ enonc´ e et d´ emontr´ e au paragraphe 4. Sa d´ emonstration utilise de mani` ere essentielle le r´ esultat suivant, dˆ u ` a Yu. Linnik [13] :
Th´ eor` eme 5. Soit u
n= ζn + χ, avec ζ, χ ∈ N, ζ et χ premiers entre eux , et 0 < χ < ζ. Soit p(ζ, χ) le plus petit nombre premier de la suite arithm´ etique u
n. Il existe une constante absolue L (constante de Linnik ) telle que
(10) p(ζ, χ) ≤ ζ
Lpour ζ assez grand.
La constante L est effectivement calculable. On sait par exemple que
L ≤ 20 ([11]). Mais nous n’aurons pas besoin de cette estimation.
Le plan de l’article est le suivant : dans le paragraphe 2, nous d´ emontrons le th´ eor` eme 2. Dans le paragraphe 3, nous donnons un exemple p´ edagogique d’application du th´ eor` eme 2. Cet exemple nous permettra de motiver la forme g´ en´ erale du lemme technique sur les z´ eros de %(n). L’´ enonc´ e et la longue d´ emonstration de ce lemme occuperont le paragraphe 4. Dans le paragraphe 5 enfin, nous d´ emontrerons le th´ eor` eme 1.
2. D´ emonstration du th´ eor` eme 2. Si βx − α = 0, avec α, β ∈ Z, alors
αq
nk− β
nk
X
n=0
a(n)q
nk−n= βq
nk∞
X
n=nk+1
a(n) q
n. D’o` u, en vertu de (c
1),
(11) αq
nk− β
nk
X
n=0
a(n)q
nk−n= βq
nk∞
X
n=nk+k+1
a(n) q
n. Utilisant (b), nous obtenons
αq
nk− β
nk
X
n=0
a(n)q
nk−n≤ |β| |q|
nk∞
X
n=nk+k+1
r(n)
|q|
n.
D’apr` es l’hypoth` ese (b
2), on peut trouver η ∈ ]0, |q|[ tel que r(n+1)/r(n)
≤ η pour n assez grand. Mais n
ktend vers l’infini avec k en vertu de (a), donc pour k assez grand,
αq
nk− β
nk
X
n=0
a(n)q
nk−n≤ |β| |q|
nk∞
X
n=nk+k+1
r(n
k+ k + 1)η
n−(nk+k+1)|q|
n≤ |β| |q|
nkr(n
k+ k + 1)
|q|
nk+k+1∞
X
n=0
η
|q|
n≤ |β|
|q| − η
r(n
k+ k + 1)
|q|
k.
Pour k assez grand, l’hypoth` ese (c
2) et le fait que le membre de gauche de cette in´ egalit´ e est entier entraˆınent que
αq
nk− β
nk
X
n=0
a(n)q
nk−n= 0 .
R e m a r q u e. Dans le cas o` u tous les termes de la s´ erie sont positifs,
c’est-` a-dire q ≥ 2 et a(n) ≥ 0, ∀n ∈ N, on peut conclure que x est irrationnel
(il suffit de reporter le r´ esultat obtenu dans l’´ egalit´ e (11)). Mais dans le
cas g´ en´ eral, on ne peut esp´ erer qu’une contradiction de type arithm´ etique,
faisant intervenir la notion de divisibilit´ e. C’est ce qui apparaˆıtra nettement dans l’exemple simple que nous ´ etudions maintenant.
3. Un exemple p´ edagogique
Th´ eor` eme 6. Soit (p
n)
n∈N∗la suite des nombres premiers de N. Soit q ∈ Z, |q| ≥ 2. Alors
x =
∞
X
n=1
p
nq
−pnest irrationnel.
D ´ e m o n s t r a t i o n. Avant de d´ emontrer ce th´ eor` eme, remarquons qu’il ne peut se d´ eduire du th´ eor` eme 4, puisque l’on ne connait pas lim inf(p
n+1− p
n) (voir par exemple [16], p. 191 et suivantes). Il ne peut non plus se d´ eduire du th´ eor` eme 3, mˆ eme si q > 0, car si nous posons
x =
∞
X
n=0
a(n)q
−navec a(n) = n si n est premier et a(n) = 0 si n est compos´ e, nous avons 1
n
n
X
i=1
a(i) = 1 n
X
p≤n
p ≥ 1 n
X
n/2≤p≤n
p ≥ 1 2
π(n) − π n 2
≥ 1 2 . D´ emontrons maintenant le th´ eor` eme 6. Nous prenons r(n) = n et nous utilisons le r´ esultat ´ el´ ementaire suivant [15] :
Lemme 1. Pour une infinit´ e d’entiers n, on a p
n+1− p
n≥ 1.7 log p
n.
Il r´ esulte imm´ ediatement de ce lemme qu’il existe une suite de nombres premiers n
ktelle que
a(n
k+ 1) = a(n
k+ 2) = . . . = a(n
k+ k) = 0 avec k ≥
32log n
k. On a donc n
k≤ exp(
23k), et puisque exp
23< 2, on a
k→∞
lim
r(n
k+ k + 1)
|q|
k= 0 .
Donc si x = α/β ∈ Q, on a pour k assez grand, en vertu du th´eor`eme 2, αq
nk− β
nk
X
n=0
a(n)q
nk−n= 0 . Posons β = q
γβ
0, o` u q ne divise par β
0. Alors
αq
nk−γ− β
0nk
X
n=0
a(n)q
nk−n= 0 .
On en d´ eduit que q divise β
0a(n
k) = β
0n
k. Puisque n
kest premier, q divise β
0, et cette contradiction d´ emontre le th´ eor` eme 6.
4. Un lemme sur les z´ eros de la suite %(n)
Lemme 2. Soit δ ∈ N
∗, et soit a ∈ ]0, 1[ . On d´ esigne par p
1< p
2< . . . <
p
n< . . . la suite des nombres premiers de N qui sont congrus `a 3 modulo 4, p
1´ etant choisi de fa¸ con que
(12)
∞
X
n=1
1 p
2n≤ a
2 .
Alors il existe un entier m
0= m
0(a, δ) et une constante L (constante de Linnik , voir th´ eor` eme 5 ci-dessus) tels que, pour tout k = p
1p
2. . . p
m, m ≥ m
0, il existe n
k∈ N tel que,
(a) %(n
k− δ) = . . . = %(n
k− 1) = %(n
k+ 1) = . . . = %(n
k+ k) = 0, (b) %(n
k) = 2,
(c) l(n
k− δ) = . . . = l(n
k) = . . . = l(n
k+ k) = 0, (d) n
k≤ 4
Lexp(4Lp
2[ak]).
D ´ e m o n s t r a t i o n. Pour tout x ∈ Z, et tout nombre premier p, nous notons ν
p(x) la valuation p-adique de x.
Pour h ∈ N
∗, soit P
h= {p
1, p
2, . . . , p
h}.
Pour m ∈ N
∗, notons k = k(m) = p
1p
2. . . p
m.
Premi` ere ´ etape. (a) Soit M
m= {n ∈ {1, 2, . . . , k} : ∃p ∈ P
m, ν
p(n) > 0}.
En vertu de la formule du crible ([17], p. 22; [12], th. 261, p. 234), card M
m= X
i
k p
i− X
i6=j
k p
ip
j+ . . . + (−1)
m+1k
p
1p
2. . . p
m.
Or ν
p(k) > 0, ∀p ∈ P
m, donc (13) card M
m= k − k
1 − 1
p
11 − 1 p
2. . .
1 − 1
p
m. (b) Soit H
m= {n ∈ {1, 2, . . . , k} : ∃p ∈ P
m, ν
p(n) ≥ 2}. On a
card H
m≤ k p
21+ k
p
22+ . . . +
k p
2m. En utilisant (12), on obtient
card H
m≤ k
n
X
i=1
1 p
2i≤ a
2 k .
(c) Soit I
m= {n ∈ {1, 2, . . . , k} : ∃p ∈ P
m, ν
p(n) = 1}. On a card I
m= card M
m− card H
m. Donc
card I
m≥ k
1 − a
2 −
m
Y
i=1
1 − 1
p
i. Mais le produit infini Q
∞i=1
(1 − 1/p
i) diverge vers 0 car la s´ erie P
∞ i=11/p
idiverge. Donc il existe un entier m
1= m
1(a) tel que (14) ∀m ≥ m
1, card I
m≥ k(1 − a) .
(d) Il en r´ esulte que, pour m ≥ m
1, tous les ´ el´ ements de {1, 2, . . . , k}
sont divisibles par un facteur p ∈ P
mavec un exposant 1 exactement (et ne sont donc pas des sommes de deux carr´ es, [12], p. 299, th. 366), sauf N = N (m) d’entre eux que nous noterons u
1< u
2< . . . < u
N, et on a, en vertu de (14),
(15) ∀m ≥ m
1, N ≤ ak .
Deuxi` eme ´ etape. (a) Nous construisons maintenant k = k(m) nombres entiers cons´ ecutifs e
m+ 1, e
m+ 2, . . . , e
m+ k tels que
∀m ∈ N
∗, m ≥ m
1⇒ ∀i ∈ {1, 2, . . . , k}, (16)
∃p ∈ P
m+N, ν
p(e
m+ i) = 1 . On proc` ede de la fa¸ con suivante : soit d’abord r
1∈ N tel que
(17) 0 ≤ r
1< 2p
m+1,
ν
pm+1(r
1(p
1p
2. . . p
m)
2+ u
1) = 1 . Puis soit r
h(1 ≤ h ≤ N ) d´ efini par r´ ecurrence par
0 ≤ r
h< 2p
m+h,
(18) ν
pm+h(r
h(p
1p
2. . . p
m+h−1)
2+ r
h−1(p
1p
2. . . p
m+h−2)
2+ . . . +r
1(p
1p
2. . . p
m)
2+ u
h) = 1 . Nous posons
(19) e
m= r
N(p
1p
2. . . p
m+N −1)
2+ r
N −1(p
1p
2. . . p
m+N −2)
2+ . . . +r
1(p
1p
2. . . p
m)
2. Soit i ∈ {1, 2, . . . , k}. Il est clair par construction que, si j ∈ {1, 2, . . . . . . , m}, e
m+ i ≡ i (mod p
2j). Donc si i ∈ I
m, il existe p ∈ P
mtel que ν
p(e
m+ i) = 1. Si i 6∈ I
m, il existe h ∈ {1, 2, . . . , N } tel que i = u
h; on a alors
e
m+ i ≡ r
h(p
1p
2. . . p
m+h−1)
2+ . . . + r
1(p
1p
2. . . p
m)
2+ u
h(mod p
2m+h) , donc ν
pm+h(e
m+ i) = 1 en vertu de (18).
Par cons´ equent, le nombre e
md´ efini par (19) v´ erifie bien (16).
(b) On peut majorer e
m, puisque r
h< 2p
m+h, ∀h ∈ {1, 2, . . . , N } : e
m≤ 2p
m+N(p
1p
2. . . p
m+N −1)
2+ 2p
m+N −1(p
1p
2. . . p
m+N −2)
2+ . . . + 2p
m+1(p
1p
2. . . p
m)
2, e
m≤ 2(p
1p
2. . . p
m+N)
2×
1
p
m+N+ 1
p
m+N −1p
2m+N+ . . . + 1
p
m+1p
2m+2. . . p
2m+N, e
m≤ 2(p
1p
2. . . p
m+N)
21
3 + 1
3 · 3
2+ . . . + 1 3 · 3
2N −2. Donc
(20) e
m≤ (p
1p
2. . . p
m+N)
2. Troisi` eme ´ etape. Soit maintenant
J
m= {j ∈ N : ∀i ∈ {1, 2, . . . , k}, ∃p ∈ P
m+N, ν
p(j + i) = 1} .
J
mest non vide puisqu’il contient e
m. Soit q
mle plus petit ´ el´ ement de J
m. On a alors
(21) q
m≤ (p
1p
2. . . p
m+N)
2,
∀p ∈ P
m+N, ν
p(q
m) 6= 1 .
Quatri` eme ´ etape. (a) Notons v
1< v
2< . . . < v
Mles ´ el´ ements de {1, 2, . . . , δ} tels que ∀j ∈ {1, 2, . . . , M }, ∀p ∈ P
m+N, ν
p(q
m− v
j) 6= 1.
On a donc M ≤ δ.
De mˆ eme que dans l’´ etape 2, nous construisons la suite r
i0par les relations suivantes :
(22) 0 ≤ r
01< 2p
m+N +1,
ν
pm+N +1(r
01(p
1p
2. . . p
m+N)
2+ q
m− v
1) = 1 . Puis par r´ ecurrence, pour 1 ≤ h ≤ M − 1, nous posons
0 ≤ r
h0< 2p
m+N +h,
(23) ν
pm+N +h(r
h0(p
1p
2. . . p
m+N +h−1)
2+ r
0h−1(p
1p
2. . . p
m+N +h−2)
2+ . . . + r
01(p
1p
2. . . p
m+N)
2+ q
m− v
h) = 1 . Nous imposons ` a r
M0des conditions suppl´ ementaires; pour cela, nous notons L
m+N= {p ∈ P
m+N: ν
p(q
m) = 2}.
Soit T v´ erifiant le syst` eme de congruences
(24) T (p
1p
2. . . p
m+N +M −1)
2+ r
M −10(p
1p
2. . . p
m+N +M −2)
2+ . . .
+r
10(p
1p
2. . . p
m+N)
2+ q
m− v
M≡ 0 (mod p
m+N +M) ,
(25) T (p
m+N +1p
m+N +2. . . p
m+N +M −1)
2+r
M −10(p
m+N +1. . . p
m+N +M −2)
2+ . . . + r
10≡ 0 (mod p) si p ∈ L
m+N, (26) T (p
m+N +1p
m+N +2. . . p
m+N +M −1)
2+r
M −10(p
m+N +1. . . p
m+N +M −2)
2+ . . . + r
10≡ 1 (mod p) si p ∈ P
m+N\ L
m+N. On sait ([12], th. 121, p. 95) que l’on peut prendre T solution de ce syst` eme, et v´ erifiant
0 ≤ T ≤ p
1p
2. . . p
m+Np
m+N +M.
Soit H = T (p
1p
2. . . p
m+N +M −1)
2+ r
0M −1(p
1p
2. . . p
m+N +M −2)
2+ . . . + r
10(p
1p
2. . . p
m+N)
2+ q
m− v
M(voir congruence (24)).
Nous posons r
0M= T si H n’est pas un multiple de p
2m+N +M, et r
0M= T + p
1p
2. . . p
m+Np
m+N +Msi H est un multiple de p
2m+N +M.
Il est clair alors que r
M0v´ erifie les conditions suivantes :
(27)
0 ≤ r
0M≤ 2(p
1p
2. . . p
m+Np
m+N +M), ν
pm+N +M(r
M0(p
1p
2. . . p
m+N +M −1)
2+r
M −10(p
1p
2. . . p
m+N +M −2)
2+ . . . +r
10(p
1p
2. . . p
m+N)
2+ q
m− v
M) = 1, ν
p(r
0M(p
m+N +1p
m+N +2. . . p
m+N +M −1)
2+r
M −10(p
m+N +1. . . p
m+N +M −2)
2+ . . . + r
10) ≥ 1 si p ∈ L
m+N, ν
p(r
0M(p
m+N +1p
m+N +2. . . p
m+N +M −1)
2+r
M −10(p
m+N +1. . . p
m+N +M −2)
2+ . . . + r
10) = 0 si p ∈ P
m+N\ L
m+N. (b) Posons maintenant
(28) t
m= r
M0(p
1p
2. . . p
m+N +M −1)
2+ r
M −10(p
1p
2. . . p
m+N +M −2)
2+ . . . + r
01(p
1p
2. . . p
m+N)
2+ q
m. Par construction,
(29) ∀i ∈ {−δ, −δ + 1, . . . , −1, 1, 2, . . . , k}, ∃p ∈ P
m+N +M, tel que : ν
p(t
m+ i) = 1 .
(c) Par ailleurs, en vertu de l’avant-derni` ere condition de (27) : ∀p ∈ L
m+N, ν
p(t
m) = 2, car on a alors ν
p(q
m) = 2 et ν
p(t
m− q
m) ≥ 3.
Si p ∈ P
m+N\ L
m+N, deux cas peuvent se produire car ν
p(q
m) 6= 1 grˆ ace
` a (21) :
(α) ν
p(q
m) = 0, auquel cas ν
p(t
m) = 0.
(β) ν
p(q
m) ≥ 3; alors ν
p(t
m) = 2 ` a cause de la derni` ere condition de (27)
qui implique ν
p(t
m− q
m) = 2.
On a donc ∀p ∈ P
m+N, ν
p(t
m) = 0 ou 2.
De plus, ∀m ≥ δ, ∀i ∈ {m + N + 1, . . . , m + N + M }, ν
pi(t
m) = 0 car il existe un entier j, 1 ≤ j ≤ M , tel que ν
pi(t
m− v
j) = 1.
Finalement, nous avons donc :
(30) Pour m assez grand, ∀p ∈ P
m+N +M, ν
p(t
m) = 0 ou 2 . (d) Nous majorons maintenant t
m` a partir de (21), (22), (23), (27) :
t
m≤ 2(p
1p
2. . . p
m+Np
m+N +M)(p
1p
2. . . p
m+N +M −1)
2+ 2p
m+N +M −1(p
1p
2. . . p
m+N +M −2)
2+ . . . + 2p
m+N +1(p
1p
2. . . p
m+N)
2+ (p
1p
2. . . p
m+N)
2. Donc
(31) t
m= o((p
1p
2. . . p
m+N +M)
4) .
Cinqui` eme ´ etape. (a) Soit maintenant η = η(m) ∈ {0, 1, 2, 3} tel que (32) η(p
1p
2. . . p
m+N +M)
4+ t
m≡ 1 (mod 4) .
Pour s ∈ N, consid´erons
(33) w
s= 4(p
1p
2. . . p
m+N +M)
4s + η(p
1p
2. . . p
m+N +M)
4+ t
m. On a d’abord
(34) ∀s ∈ N, w
s≡ 1 (mod 4) .
De plus, en vertu de (29),
(35) ∀s ∈ N, ∀i ∈ {−δ, −δ + 1, . . . , −1, 1, 2, . . . , k},
∃p ∈ P
m+N +M, ν
p(w
s+ i) = 1 . (b) Soit D le plus grand diviseur commun ` a 4(p
1p
2. . . p
m+N +M)
4et η(p
1p
2. . . p
m+N +M)
4+ t
m. En utilisant (30) et (32), on voit que, pour m assez grand,
(36) D =
m+N +M
Y
i=1
p
αii, avec α
i= 0 ou 2 .
(c) Posons w
s= D(ζs+χ), avec (ζ, χ) ∈ N×N. En vertu de (31), puisque η ∈ {0, 1, 2, 3}, on a χ < ζ pour m assez grand. On peut alors utiliser le th´ eor` eme 5 : il existe un nombre premier p(ζ, χ) et un entier naturel σ tels que
(37) w
σ= D · p(ζ, χ) ≤ D 4(p
1p
2. . . p
m+N +M)
4D
L. Nous posons
(38) n
k= n
k(m)= w
σ.
Nous avons donc, puisque L ≥ 1 :
(39) n
k≤ (4(p
1p
2. . . p
m+N +M)
4)
L.
Par ailleurs, D ≡ 1 (mod 4) d’apr` es (36), et n
k≡ 1 (mod 4) d’apr` es (34) et (38). Ainsi p(ζ, χ) ≡ 1 (mod 4), d’o` u l’on d´ eduit que p(ζ, χ) est une somme de deux carr´ es. De plus, puisque la d´ ecomposition de D ne contient que des facteurs premiers qui ne sont pas somme de deux carr´ es (voir (36)), on a
(40) %(n
k) = %[p(ζ, χ)] = 2
(voir [12], formule (16.9.5) et th. 278, p. 242).
Si nous regroupons (35) et (40), nous obtenons les conclusions (a), (b) et (c) du lemme 2. Il reste ` a d´ emontrer la majoration (d).
Sixi` eme (et derni` ere) ´ etape. (a) En utilisant le th´ eor` eme des nombres premiers dans les suites arithm´ etiques ([9], p. 70), on obtient
(41) m + N + M ∼ 1
2
p
m+N +Mlog p
m+N +Mlorsque m → ∞ . Donc
(42) m + N + M ≤ p
m+N +Mlog p
m+N +Mpour m ≥ m
2. Utilisant (39) et (42), nous obtenons
(43) n
k≤ 4
L(p
m+N +M)
4L(m+N +M )≤ 4
Lexp(4Lp
m+N +M) . (b) Mais on a aussi k = p
1p
2. . . p
m≥ p
m1, donc
(44) m ≤ log k
log p
1.
Et puisque M ≤ δ, utilisant (15) et (44), nous obtenons m + N + M ≤ log k
log p
1+ ak + δ , si bien que, pour m ≥ m
3,
(45) m + N + M ≤ 2[ak] .
Reportons ce r´ esultat dans (43); nous obtenons n
k≤ 4
Lexp(4Lp
2[ak]) , ce qui ach` eve la d´ emonstration du lemme 2.
5. D´ emonstration du th´ eor` eme 1. Supposons qu’il existe A, B, C ∈ Z, A 6= 0, tels que Ax
2q+ Bx
q+ C = 0.
Nous allons utiliser le th´ eor` eme 2 avec a(n) = A%(n) + Bl(n), et montrer
que nous aboutissons ` a une contradiction.
(a) Puisque A 6= 0, nous pouvons choisir δ tel que q
δne divise pas 2A.
Nous choisissons de plus a ∈ ]0, 1[ tel que
(46) 32L − log |q|
8a < 0 .
(b) Majorons maintenant |a(n)| ≤ |A|%(n) + |B|. On sait que
(47) %(n) ≤ d(n) ≤ exp
log n log log n
pour n assez grand ([12], p. 262, th. 317 et §18-7, p. 270). Nous pouvons donc ´ ecrire |a(n)| ≤ r(n), ∀n ≥ n
0avec
(48) r(n) = exp
2 log n log log n
.
(c) Nous appliquons le lemme 2, a et δ ´ etant d´ efinis ci-dessus. On a (49) n
k+ k + 1 ≤ 4
Lexp(4Lp
2[ak]) + k + 1 .
Or, en utilisant le th´ eor` eme des nombres premiers dans les suites arith- m´ etiques, on a, pour k assez grand,
(50) 1
4
p
2[ak]log p
2[ak]≤ 2ak ≤ p
2[ak]log p
2[ak]. Pour k assez grand, (49) entraˆıne donc
n
k+ k + 1 ≤ exp(8Lp
2[ak]) .
La fonction x 7→ log x/log log x ´ etant croissante pour x ≥ e
e, on obtient log r(n
k+ k + 1) = 2 log(n
k+ k + 1)
log log(n
k+ k + 1) ≤ 16Lp
2[ak]log 8L + log p
2[ak]. Donc, pour k assez grand,
(51) r(n
k+ k + 1) ≤ exp
32L p
2[ak]log p
2[ak].
(d) Posons x = p
2[ak]/log p
2[ak]. Alors x tend vers l’infini avec k. En utilisant (50) et (51), on obtient
r(n
k+ k + 1)
|q|
k≤ exp(32Lx)
|q|
x/(8a), d’o` u
r(n
k+ k + 1)
|q|
k≤ exp
32L − log |q|
8a
x
et puisque a v´ erifie (46), lim
k→∞r(n
k+ k + 1)/|q|
k= 0.
(e) Il est clair par ailleurs que lim
n→∞r(n + 1)/r(n) = 1. Comme
a(n
k+ 1) = a(n
k+ 2) = . . . = a(n
k+ k) en vertu du lemme 2, le th´ eor` eme
2 s’applique, et on obtient, pour k = k(m) assez grand, Cq
nk−
nk
X
n=0
a(n)q
nk−n= 0 . Utilisant les (a), (b) et (c) du lemme 2, on obtient
Cq
nk− 2A −
nk−δ−1
X
n=0
a(n)q
nk−n= 0 .
On en conclut que q
δ+1divise 2A, ce qui contredit le choix de δ. Le th´ eor` eme 1 est donc d´ emontr´ e.
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24 PLACE DU CONCERT F-59800 LILLE, FRANCE