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Quelques problèmes urgents de la psychologie de la science

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Academic year: 2021

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Józef Pieter (Pologne)

QUELQUES PROBLÈMES URGENTS DE LA PSYCHOLOGIE DE LA SCIENCE

L A PSYC HO LO G IE D E L A SC IENCE ET SES PR O BLÈ M ES T R A D ITIO N N E L S

Le développement rapide de presque toutes les sciences et notam m ent des sciences naturelles et techniques rend nécessaire de rationaliser non seulem ent leur organisation mais également la form ation des chercheurs, donc de faire des études appropriées dans le secteur psychologique tout aussi bien. Ici particulièrem ent im portante est l’étude de la psychologie de la science, autrem ent dit — de la psychologie du trav ail de recherche. Et puisque ce travail est plus ou moins créateur — il est nécessaire d’étudier la psychologie de la création scientifique.

Ce domaine de la science n ’est, à v rai dire, qu’à ses débuts en ta n t que discipline reconnue sur le plan social. Et p o u rtan t ses problèmes font depuis quelques dizaines d ’années l’o b jet d ’enquêtes ou to u t au moins de considération intuitives et depuis plus de quinze ans — en fait depuis 1950 — la littératu re tra ita n t ce sujet s’accroît rapidem ent. Le prem ier livre intitulé «la psychologie de la science» ne p aru t q u ’en 1936. (C’était la Psychologie der W issenschaft de R. M üller - Freienfels.) Mais bien que la recherche scientifique ait connu un essor si rapide et que pendant dix ans environ on a it publié une énorme quantité de contribu­ tions et présenté plusieurs théories intéressantes de la création scienti­ fique, par exem ple de Flanagan, Stolz, Guilford, R. B. Catell, ce secteur de la psychologie hum aine ne possède, à vrai dire, ni spécialistes, ni centres de recherche. Qui plus est, il existe une disproportion entre, d ’une p art la demande du savoir spécialisé dans le domaine de la psy­ chologie de la science et de l’autre, les possibilités objectives de l’acqué­ rir.

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en. prem ier lieu sélectionner soigneusem ent les problèmes de la psycho­ logie de la science en appliquant comme critère l’urgence de leur adap­ tation aux besoins sociaux e t les possibilités objectives d’enquêtes pour­ suivies p ar les psychologues qui jusq u ’ici s’occupaient, en principe, d ’autres domaines de cette science. Il s’agit là, en prem ier lieu, de spécia­ listes de la psychologie sociale et hum aine largem ent conçue et aussi de la psychometrie, de la science de la personnalité etc. Bien que chaque fait psychologique dûm ent constaté puisse servir de point d’appui pour l’o r­ ganisation rationnelle du travail de recherche et pour la form ation adé­ quate d’hommes de science, la valeur des différents faits n ’est cepen­ dant pas égale.

Comme critère fondam ental de l’urgence des problèmes de la psy­ chologie de la science — et de recherches compétentes — il fau t donc choisir Futilité probable qu’auront les résultats de telles enquêtes et du savoir psychologique en général pour l'organisation rationnelle du tra ­ vail et pour la form ation du personnel scientifique. De ce point de vue les problèmes traditionnels de la psychologie de la science ressortant des considérations e t des recherches effectuées jusqu’ici su r la création lar­ gem ent conçue (activité créatrice, travail, créateur), p ar exemple des re­ cherches génétiques, psychopathologiques, sociopsychologiques et autres, doivent ê tre considérés comme plutôt secondaires, quoique insuffisam ­ m ent résolus jusqu’ici e t toujours objectivem ent im portants en raison du développement historique des sciences. Au groupe traditionnel on peut ranger les problèmes suivants: du génie, surto u t du génie de la création scientifique, de ses dépendances psychopathologiques, du rôle des degrés exceptionnellem ent hauts d’intelligence générale et de fantaisie dans la création scientifique originale, de la connaissance des degrés des ap ti­ tudes créatrices donc de leur graduation, et enfin — le problèm e d ’une corrélation entre différents genres d’intérêts et d ’activités scientifiques e t différents types de structures de la personnalité. Pour arriv er à une théorie cohérente et universelle de la création scientifique il fau t que tous ces problèmes im portants soient étudiés. Chacun d’eux contient encore beaucoup d’éléments inconnus et nécessite de ce fait u n grand la­ beur. Toutefois, le savoir acquis grâce à l’étude de ces problèmes de­ m eurera probablem ent en vague corrélation avec les besoins de la p ra­ tique sociale quant à l’organisation de la science et la form ation des ca­ dres de ses travailleurs. Les recherches scientifiques des psychologues

qui, en principe, s’occupent d’au tres questions, par exem ple de la psy­ chologie générale, de la psychologie du développement et de l’éducation, de la psychologie pathologique, sociale etc., devraient être orientées en prem ier lieu vers les problèmes im portants du point de vue social et pratique, d ’au tan t plus que certains problèm es traditionnels de la psy­ chologie de la science ne sem blent pas prim ordiaux du point de vue théorique.

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R EV U E DES PRO BLÈM ES U R G EN T S DE L A PSYC H O LO G IE

V DE L A SC IENC E

Le plus urgent est d ’aborder des recherches sur la création scientifique dont le but serait de faciliter la form ation des hommes de science. Utile semble ici particulièrem ent la connaissance de to u t ce qui se rapporte aux simples travailleurs scientifiques plutôt qu’aux génies de la science. Or, c’est justem en t l’intérêt qu’on porte aux génies qui fait partie de la tradition de la psychologie hum aine e t notam m ent de la psychologie de

la science. Il fau t donc en prem ier lieu arriv er à connaître les étapes

successives de préparation à la fu ture activité scientifique et aussi la

préparation actuelle des chercheurs. Il s’agit de la qualité e t de la stru c­ tu re du savoir acquis dans les universités et indirectem ent dans les écoles secondaires et même élém entaires et de sa confrontation avec les tâches qui incom bent aux chercheurs en général et en particulier aux savants de différents domaines. La connaissance de la stru ctu re du sa­ voir personnel exige des enquêtes qui o n t trait, dans une certaine m e­

sure, à la théorie et à la pratique des tests d ’examens, mais qui dé­

passent de beaucoup leurs problèm es traditionnels.

À chaque étape de préparation au travail de recherche il est néces­ saire, et il le sera à l’avenir, de faire différents tests psychologiques perm ettant u n diagnostic et une sélection. Certains problèmes devront donc être étudiés à l’aide de la psychom etrie traditionnelle. Mais le ca­ ractère des tâches qui incombent au x hommes de science impose de nou­ veaux moyens de diagnostic psychologique dépassant la graduation u su ­ elle des aptitudes pour l’activité scientifique. Or, au prem ier plan vient se ranger la connaissance non seulem ent de l’intelligence générale e t de ses caractères particuliers, mais plutôt des traits spécifiques de l’intel­ lect liés inséparablem ent à l’activité scientifique, tels le sens critique et l’ingéniosité. Evidemm ent ces traits peuvent ê tre exam inés par rapport à l ’intelligence générale des hommes de science ou p ar rap p o rt à toutes leurs facultés mais, pour des raisons pratiques, beaucoup plus im ­ portantes sem blent les recherches p ortan t e n principe su r les caractères distinctifs de l’intellect qui sont décisifs q u an t il fau t faire face à des problèmes déterminés ou à- certaines exigences du travail de recherche.

Ce dernier, comme chaque au tre travail, «entraîne» peu à peu ceux qui s’y adonnent, soit form e des intérêts et des goûts appropriés en ta n t que structures englobant des habitudes intellectuelles e t émotionnelles spécifiques. La connaissance de leur qualité peut avoir une valeur p ra­ tique pour l’efficacité du travail de recherche.

Cela fait rappeler, il est vrai, la question, certes pas nouvelle mais traitée jusqu’ici étroitem ent, des aptitudes spéciales rem arquables appe­ lées le plus souvent talents. Il s ’agit, bien entendu, de talents pour la science. Une telle approche étroite consistait à souligner trop fortem ent

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les aptitudes innées et à stru ctu rer des tests psychom étriques appro­ priés. Le véritable problème, u rg en t du point de vue psychologique et pédagogique, est celui de la longue form ation des talents pour la science — par exemple du talen t pour l'expérim entation — influencée p ar le milieu culturel et les méthodes d ’éducation scolaire. La connaissance des aptitudes probablem ent innées des fu turs talents peut constituer rien qu’une partie du problèm e psychologique e t psychopédagogique large­ m ent conçu. Cela signifie qu’au point de vue de la p ratiq u e sociale — c’est-à-dire pour la form ation rationnelle du personnel scientifique — il- -est im portant non seulem ent de savoir comment arriv er à connaître l’état actuel du talen t de tel ou au tre individu, mais su rto u t de décou­ v rir comment ce talen t se forme au cours des longues années d ’école et d’activité scientifique e t quelles conditions l’influencent? Or, pour faire des études sur le développement des talents il est indispensable de diag­ nostiquer leur état actuel.

Il n ’y a aucun doute que la création scientifique dépend dans une large m esure de tra its de caractère et de personnalité extra-intellec- tuels. Mais le savoir dans ce domaine est encore bien trop modeste. Ain­ si, le rôle des motifs dictés p ar l’ambition, des succès et des frustrations dans la carrière scientifique, des convictions morales et idéologiques, exige des recherches à l’aide de méthodes exactes adequates. On parle beaucoup de ces questions su rto u t lors de controverses idéologiques, mais en fait ce que l’on sait en cette m atière est rarem en t basé sur des faits scientifiquem ent constatés. P our form er les hommes de science et pour organiser la recherche il ne suffit pas, bien entendu, d’a­ voir recours aux simples suppositions ou discussions, même assez fré­ quentes.

Dans la psychologie de la science traditionnelle et non systém atique on ne s’intéressait presque pas au problème de la vitalité des savants; probablem ent parce qu’on attrib u ait trop d’im portance à leur génie et à leur intellect, et — indirectem ent — parce que les penseurs depuis des siècles sous-estim aient le trav ail physique. Bien que la vitalité et la santé soient en principe du domaine de la médecine et de la physio­ logie, elles nécessitent néanm oins u n savoir psychologique et des études appropriées e t cela non seulem ent p ar rapport à la santé psychique. La question touche quelque peu au problèm e d’une parenté en tre le génie et la m aladie m entale. Mais elle se rapporte essentiellem ent à d ’autres choses: à l’endurance et au stress auxquels donne lieu le travail de recherche, à la fatigue, aux dépressions m orales dues au surm enage et à l’insuccès, à la régénération de forces etc. E t sur ce plan aussi les suppositions intuitives basées seulem ent sur la pratique sont depuis long­ temps insuffisantes pour une organisation rationnelle des sciences. Es­ sayons de regarder certains problèm es de plus près.

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LES PRO BL ÈM E S DE L A P R É P A R A T IO N A U T R A V A IL DE RECHERCHE

La nécessité d ’une bonne préparation comme condition d’u n travail de recherche couronné de succès n ’éveille en principe aucun doute. L ’édu­ cation des fu tu rs chercheurs dure de nom breuses années. A près leurs études les débutants se prép aren t encore quelque tem ps à une activité scientifique indépendante. E ntre l ’introduction à l’indépendance et l’in- dépendance-même on p eu t distinguer une qu an tité quelconque de degrés interm édiaires. Chacun d ’eux constitue une étape sur la voie d ’une p rép a­ ration complète. Qui plus est, dans l’indépendance même on p o u rrait distinguer des étapes successives de préparation toujours m eilleure aux nouveaux travaux, à une activité scientifique ultérieure.

Cela veut dire que la préparation au trav ail de recherche est une faculté acquise su rto ut sous l’influence d’une form ation intentionnelle, d ’une auto-éducation et d ’accomplissements successifs. Cela v eu t dire égalem ent que la préparation est u n processus continu dans le dévelop­ pem ent personnel des travailleurs de la science.

Ici viennent se poser les questions difficiles: comment se form ent les étapes successives de préparation au trav il de recherche, de quoi ces étapes dépendent-elles — p ar exem ple des m éthodes d ’éducation, de l ’in­ telligence générale, des talents, des succès ou des frustratio ns — et enfin quelle est la qualité des résultats de la préparation, cette qualité se lais­ san t apercevoir dans le trav ail de recherche et dans ses effets. Je me li­ m iterai à présenter schém atiquem ent les problèmes liés à deux étapes de préparation précédant: 1) le com mencement d ’une carrière scienti­ fique et 2) l’époque d ’indépendance.

Q uant à la prem ière étape il faudrait se pencher sur les questions suivantes: 1) Quelle doit être la préparation personnelle prélim inaire sous form e d’éducation générale pour assurer u n départ optim al au début des études supérieures spécialisées constituant la prem ière étape de p ré­ paration au fu tu r travail de recherche? 2) Quels doivent ê tre le niveau, la portée e t le contenu d ’une préparation personnelle acquise pendant les études supérieures pour assurer u n départ optimal au début d’une carrière scientifique? 3) Quel genre de préparation personnelle acquise pendant les prem ières années d’assistanat donne lieu à des conjectures optimales quant à la fu tu re carrière scientifique? On po u rrait aussi po­ ser des questions pareilles en ce qui concerne les chargés de recherches et m êm e les «docents» qui dans un certain sens ne cessent de se prép arer à l’activité scientifique.

Q uant à la préparation qui déterm ine l’indépendance, il fau t tout d’abord savoir dans quels secteurs de travail ou d’activité scientifique l ’indépendance est particulièrem ent im portante et dans lequels elle est

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plutôt secondaire? Cela est très im portant pour bien définir les coeffi­ cients formels de préparation à un travail de recherche indépendant.

Toutes les questions que nous venons d ’énum érer, exigent qu’on trouve pour le fond du problèm e une «clef» sous la form e d ’une hypo­ thèse appliquée ou d ’hypothèses prélim inaires. J ’aimerais proposer l’hy ­ pothèse générale suivante.

Chaque progrès dans la science exige non seulement un savoir pro­ fessionnel, ou une certaine érudition, mais aussi le don de rom pre avec les notions, les méthodes e t les théories périmées. C’est dans une cer­ taine m esure une question de courage personnel, mais encore plus une question de ressources suffisantes d’un savoir de qualité adéquate p er­ m ettant de com prendre les corrélations logiques plutôt que de se servir d’une grande quantité d’inform ations plus on moins im portantes. Cela signifie que plus la stru ctu re qualitative du savoir personnel de l’indi­ vidu, constituant en principe le résultat de l’éducation scolaire, est meil­ leure et plus son étendue est large c’est-à-dire englobe beaucoup de domaines de la science ou de la réalité, plus grandes sont les chances d’avancer courageusem ent des hypothèses prélim inaires nouvelles, des idées théoriques, méthodologiques etc. Or, le savant qui était studieux au temps de ses études scolaires et universitaires a des chances plutôt médiocre sur ce plan. Cela n ’est pas une disqualification du grand nom­ bre d’inform ations que l’individu possède dans son domaine profession­ nel mais un accent sur l’im portance d’un savoir personnel rangé selon les problèm es et form ant une unité plus ou moins cohérente.

Une structure cohérente ou une masse d ’inform ations —• cela dépend évidemment dans une très large mesure du système scolaire, des pro­ grammes et des méthodes d’enseignement, de l ’éducation des instituteurs, du niveau de l’école, mais aussi de l’élève ou de l’étudiant et ensuite du chercheur lui-même, de son effort personnel et de sa méthode d’étu- dier, de ses ambitions intellectuelles etc. Il peut arriver et il arriv e en effet que parm i les anciens élèves d’une école p lutôt médiocre il y en a qui possèdent «une tête bien meublée». Mais il y en a certainem ent plus parmi ceux qui qu ittent une école parfaitem ent organisée, équipée et dirigée.

Quoi qu’il en soit, pour que l’éducation des chercheurs devienne ra ­ tionnelle, il est urgent et im portant de connaître la stru ctu re du savoir personnel — général et professionnel — des licenciés d ’écoles supérieures parm i lesquels on choisit les candidats à la recherche scientifique. Il faut adm ettre que les candidats avec un savoir bien rangé ont de m eil­ leures chances. Cela signifie que pour connaître la qualité d’une éduca­ tion basée sur l’inform ation il fau t élaborer des moyens diagnostiques en tran t dans les détails. Il ne suffit pas de se faire une opinion d’après les notes aux examens finals ou autres passés avec succès à l’école su­ périeure. La question gagne en im portance quand nous avons affaire

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avec une grande masse d’étudiants et quand, p ar la suite, le professeur qui cherche des candidats pour assistants ou stagiaires n e connaît pas bien les étudiants p ren an t p art à ses sém inaires ou trav a u x pratiques. En bref, la stru ctu re du savoir personnel constitue le fond du problèm e de la préparation prélim inaire à la carrière scientifique.

LE PROBLÈM E DE L A P R É P A R A T IO N À L ’IN D É P E N D A N C E

Essayons m aintenant de regarder d’une certaine perspective le problèm e de la préparation à une activité scientifique indépendante. «L’indépen­ dance» est une notion plurivoque. Son contenu doit être différent selon la réponse à la question: être indépendant «en faisant quoi» et «sous quel rapport»? Voici certaines parm i les réponses possibles: en étudiant sans avoir recours à l’aide des m aîtres; en p renant des décisions selon sa propre opinion et non sous l’influence d ’une impulsion, d ’une suggestion ou d’une pression; en dirigeant un groupe pen dan t le travail ou pen­

dant la récréation; en planifiant ses propres activités et celles des autres etc.

Selon les form ulations acceptées jusq u ’ici, justifiées dans une cer­ taine m esure p ar la pratique, l ’indépendance dans le trav ail de recherche semble signifier en principe une faculté acquise (une préparation) de poursuivre des recherches et, dans le cadre de celles-ci, de réaliser des travaux sensés «de A à Z» en y m e ttan t son p ro pre effort et sa propre initiative et aussi de bien diriger — égalem ent «de A à Z» — des trav aux sensés entrepris sur sa propre initiative. Evidemm ent c’est une conception norm ative supposant la possibilité d’écarts graduels et de différentes formes qualitatives. Non moins im portant est le fait que la notion de l’indépendance non seulem ent suppose une faculté d’agir soi- -m êm e à chaque étape de la m éthode scientifique largem ent conçue, mais accentue l’initiative d’u n travail scientifique e t l’initiative pendant ce travail. Car c’est ici que les travailleurs scientifiques auxiliaires de­ m eurent le plus longtemps dans la dépendance, réelle et même formelle,

des professeurs.

L’initiative consiste surtout à en trep ren dre des trav au x de recherche définis, donc indirectem ent à établir des problèm es scientifiques con­ crets comme tâches sensées et im portantes. C’est là que se fait rem a r­ quer la principale faiblesse des jeunes travailleurs de la science et ce problèm e aussi se prête à des études psychologiques. Un chercheur in­ dépendant s’intéresse à un grand nom bre de problèm es rangés selon le degré de leur im portance e t fondés sur un savoir personnel profession­ nel ordonné, répondant bien à l’état objectif et à la fois actuel de la di­ scipline en question. Mais en plus il a le courage de prend re le risque

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que comporte toujours chaque recherche, donc de consacrer son propre temps e t ses forces et aussi le temps et les forces de ses collaborateurs, sans parler des moyens financiers e t techniques, pour réaliser son p ro ­ gramme créateu r qui n ’est jam ais et ne peut être absolum ent sûr. Cela signifie que l’indépendance com prend non seulem ent u n e disposition à prendre u n risque sensé mais aussi à prendre une responsabilité, n e fût- -ce que morale, sous la form e d ’une critique négative.

O utre l’initiative du travailleur scientifique sachant tro u v er et choi­ sir lui-m êm e des problèm es qui vont faire l’objet de ses propres re­ cherches et de celles de ses collaborateurs, il fau t p ren d re en considéra­ tion son initiative dans les questions méthodologiques, dans la réalisation des recherches, dans les dém arches pour obtenir les moyens de les pour­ suivre, dans l ’élaboration des m atériaux, dans la publication des résultats, dans l ’inform ation au sujet des recherches en cours ou déjà réalisées, dans l’organisation des discussions publiques etc. Mais cette initiative joue u n rôle secondaire en comparaison de l’initiative qui crée les pro­ blèmes. Il y a ici une dépendance pareille à celle entre les méthodes et les recherches d ’une p a rt et les problèm es de l’autre. Ce qui a été dit s’accorde avec l’observation que le progrès dans l’indépendance des jeunes travailleurs scientifiques commence p ar des essais de reconstruire ou de com pléter les méthodes connues, de publier des articles d’infor­ m ation etc. Il commence évidem m ent aussi p ar essayer d ’élargir ou de différencier la problém atique dans le cadre des problèm es choisis ou planifiés p ar des chercheurs indépendants. Tout comme ailleurs, les exceptions confirm ent la règle.

L ’indépendance su r le plan de l’initiative qui crée les problèmes est u n idéal plutôt q u ’un é ta t de choses commun. Car il s’avère d’habitude que l’activité d’u n grand nombre de docents et même de professeurs a plutôt un caractère de continuation. C’est une initiative qui fait aborder indépendam m ent la recherche et l’élaboration d ’implications résidant dans les «grandes» hypothèses, opinions et théories dont vit le monde des sciences.

P ar conséquent on pourrait distinguer des degrés d ’indépendance dans la réalisation des recherches ayan t le caractère de continuation. Les résultats des essais e t des recherches sur ce plan aideraient à élaborer des coefficients pratiques de l’indépendance dans le travail scientifique.

Ajoutons que les études psychologiques s u r l’indépendance des cher­ cheurs devraient être complétées p ar des études concernant le côté éco­ nomique, sociologique et écologique. Car il s’agit de répondre de façon scientifique à la question quel milieu scientifique local (universitaire) et quelles conditions socio-politiques e t m atérielles donnent au candidat à la profession de Chercheur ou au chercheur des chances objectives de devenir indépendant et, par conséquent, quelles sont les raisons qui l’y poussent et à quel moment?

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LE PRO BLÈM E D E L A PA R T DE L ’IN TELLIG EN C E G É N ÉR A LE D A N S L ’A CTIV ITÉ SC IE N T IFIQ U E

Beaucoup de facteurs influent sur le niveau et la q u alité de chaque étape de préparation au travail ou à l’activité scientifique; il est toutefois certain que le plus im portant est celui de l’intelligence générale, c’est- -à-dire de l ’aptitude générale à penser ou, au trem ent dit, de l ’habileté spirituelle générale. Tout d ’abord pendant les longues années d ’études commençant à l’école m aternelle ou même plus tôt, l’intelligence facilite l ’acquisition du savoir transm is par le milieu social. Ensuite elle dem eure un facteur toujours présent et d ’im portance prim ordiale pour acquérir le savoir au m oyen d’un travail plus ou moins créateur de la recherche scientifique qui exige un effort de la pensée presque à chaque mom ent. Il faudrait donc savoir dans quel sens et dans quelle m esure la qualité de l ’intelligence influe su r ce travail?

E n passant o utre les form ulations et les conceptions moins im por­ tantes, qui parfois éveillent de sérieux doutes, on peu t adm ettre que l’in­

telligence générale est considérée d ’habitude comme ap titu d e à penser

clairem ent afin de s’adapter à de nouvelles situations (difficultés de la

vie, problèm es professionnels, questions théoriques etc.). A utrem ent dit:

une aptitude à penser clairem ent e t p ar conséquent à se débrouiller avec

to u t ce qui s’impose d’une telle ou a u tre m anière e t qui n e p eu t ê tre fait rien que p a r routine celle-ci étan t d ’ailleurs acquise principalem ent

grâce à la pensée. C ette aptitude est graduée et ap p araît dans différentes

variantes qualitatives.

Il est clair que dans les recherches sur la création scientifique u n e des prem ières est la question du niveau e t de la diffusion des degrés d ’intelligence des hommes de science en com paraison des au tres caté­

gories de travailleurs. On adm ettait que les difficultés auxquelles se

h eu rte la pensée des savants exigent une intelligence relativem ent grande.

Ce principe s’est confirm é en règle générale au cours de nom breuses recherches, mais les résultats de ces dernières n ’ont pas épuisé le sujet. Or, il fau t distinguer ici deux questions im portantes: 1. Que peut-on espérer en général des diagnostics à l ’aide de tests (traditionnels) d ’in tel­ ligence? 2. Quelles sont les exigences objectives que posent aux cher­ cheurs les problèmes spécifiques qu’ils ont à résoudre?

Les tâches données en ta n t qu’élém ents des tests d ’intelligence sont en quelque sorte analogues aux tâches ou aux difficultés intellectuelles ty ­ piques qui se rencontrent dans la vie quotidienne. C’est selon la m anière de se débrouiller avec celles-ci qu’on apprécie intuitivem ent le niveau d ’intelligence. On le fait souvent d’après les réponses aux questions po­ sées pendant les conversations ou pendant le trav ail scolaire, d’après la m anière de réagir au x bons mots, d’après la justesse des rem arques cri­ tiques ou réfléchies (concernant le contenu des lectures, les rapports, les

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interventions au cours des discussions), d’après le rapidité du «réflexe», l’exécution de menus calculs etc. En somme, les appréciations intuitives et ordinaires du niveau de l’intelligence s’appuient sur les observations du résultat d’efforts intellectuels de courte durée adaptés plus ou moins aux stim ulants courants ou au x situations imposées.

En principe il en est de même en ce qui concerne les appréciations professionnelles à l’aide de tests d’intelligence. Ceux-ci, il est vrai, con­ tiennent également des tâches intellectuelles rarem ent rencontrées dans la vie quotidienne mais exigent en règle générale un effort de courte durée adapté à des stim ulants imposés (question, problèmes).

La connaissance du niveau d’intelligence des hommes de science à l’aide de ce genre de tests ne donne pas d’image complète de leur habi­ leté intellectuelle générale.. C’est parce q u ’elle ne perm et pas d’appré­ cier les aptitudes à se débrouiller avec les tâches compliquées qu’offre d ’habitude chaque problème scientifique. Ce qui importe, c’est que quel­ q u ’un qui sait résoudre rapidem ent et correctem ent différents rébus con­ tenus dans les tests d ’intelligence peut ne pas se débrouiller aussi rapi­ dem ent e t habilem ent avec la structure très complexe des tâches, qui p eu t-être seraient faciles si l ’on pouvait les résoudre et les juger séparé­ ment.

Non moins im portante est l’adaptation adéquate des tests d ’intelli­ gence pour les hommes de science aux différents genres de tâches ty p i­ ques q u ’ils doivent accomplir d’habitude e t qui résultent des traits ou d’étapes caractéristiques de la méthode scientifique largem ent comprise. Or, le processus de la solution des problèm es scientifiques exige non seu­ lem ent de l’ingéniosité, mais une attitude critique envers la tradition scientifique représentée directem ent par la litté ra tu re du sujet. Les épreuves du sens critique q u ’on trouve dans les tests d ’intelligence ne reflètent pas en général les exigences objectives auxquelles doivent ré­ pondre les travailleurs de la science.

Ce qui plus est, les tests «traditionnels» d’intelligence, conformes à la conception générale de l’habileté intellectuelle en ta n t que faculté d’a­ daptation, n ’inform ent pas suffisam m ent de la qualité e t de la force de l’ingéniosité créatrice de l ’individu. Les tests usuels se rapportant à ce q u ’on appelle la fantaisie créatrice ne sont qu’une étape prélim inaire ou u n succédané des tests d’ingéniosité. Au lieu d’ingéniosité on pourrait parler ici d ’une initiative intérieure à l’opposé de l’intelligence d ’adapta­ tion, soit d’initiative suscitée rien qu’indirectem ent e t partiellem ent par les stim ulants courants et le plus souvent p ar le résultat très complexe de la m émorisation d’une énorm e quantité de stim ulants anciens et cela sous la form e d ’un savoir général et professionnel, d’une expérience ordi­

naire etc.

La connaissance des degrés d ’aptitude pour l’initiative intérieure est une tâche bien plus difficile que la connaissance des niveaux d’intelli­

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gence «d’adaptation». P our ce qui est de l ’activité scientifique, l'initiative in térieure se m anifeste su rto ut dans la création de nouveaux problèm es scientifiques et, p ar la suite, de nouvelles hypothèses ou d ’idées mé­ thodologiques et enfin dans la synthèse des fragm ents du savoir. Or, il est extrêm em ent difficile d’élaborer des tests psychologiques, c’est-à-dire un certain genre de schéma, pour connaître les aptitudes qui ne se lais­ sent pas renferm er dans un schéma et qui p erm ettent de choisir e t de m otiver avec justesse des nouveaux problèm es scientifiques dans ledit domaine de la science, des nouvelles hypotèses, méthodes, théories etc. La connaissance de l’habileté intellectuelle au moyen de simples tests d’intelligence pour adultes n ’est et ne peut être que partiellem ent utile. Cela signifie q u ’une des nécessités urgentes de la psychologie de la science dans le secteur de la théorie de la pensée scientifique et du diagnostic adéquat est d ’étudier les formes et les dépendances de l ’in itia­ tive intérieure et aussi d’élaborer des tests qui p erm ettraient, au moins dans une certaine mesure, de connaître la qualité et la force de cette initiative chez le fu tu r trav ailleu r de la science.

LE PRO BLÈM E DE L ’A PT IT U D E À A SSIM IL E R LE SA V O IR SC IEN TIFIQ U E

Chaque chercheur doit avan t tout s ’instru ire pendant ses études universi­ taires et ensuite com pléter constam m ent son éducation. Il doit, p ren ant la chose du point de vue pratique, lire beaucoup et savoir lire différents genres de livres et de périodiques scientifiques. Les entretiens scienti­ fiques, les discussions, les sém inaires etc. sont aussi nécessaires et im ­ portants mais jouent dans ]’éducation complémentaire, tout comme dans

la recherche scientifique, un rôle secondaire. Il semble apparem m ent

q u ’outre l’assiduité il s’agit là d’une facilité à lire e t à comprendre. Or, m algré les apparences, on y trouve de temps en temps des tâches intellectuelles assez justes mai., différem m ent résolues, parfois en tière­ m ent mal. On a constaté en prem ier lieu que la com préhension des mêmes textes scientifiques p ar des lecteurs ayant la même éducation est différenciée du point de vue qualitatif. Il arriv e aussi que dans la com­ préhension le contenu objectif subit différentes déform ations. Evi­ dem m ent telles déformations rendent difficile d’étab lir une liaison adé­ quate entre les recherches personnelles du trav ailleu r scientifique et l ’état actuel du savoir dans le domaine étudié.

Non moins im portant est le fait d’une soumission à la pression des contenus assimilés pendant la lecture des textes scientifiques ou éven­ tuellem ent à la pression de leurs auteurs. La lecture toujours plus ra ­ pide quand il fau t «avaler» des textes du jo u r au jo u r — affaiblit le contrôle logique du cours de la pensée de l’auteur. Elle dim inue le sens

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critique du lecteur et augm ente sa suggestibilité. Or, la question du sens critique des hommes de science offre une problém atique psychologique très vaste e t relativem ent nouvelle.

LE PRO BLÈM E D U RÔLE D U S E N S C RITIQ U E D A N S LE TR A V A IL D E RECHERCHE

Le sens critique peut être défini comme disposition à contrôler rapide­ m ent la pensée ta n t du point de vue des principes de la logique que d’après l’état actuel du savoir objectif. Un individu critique rem arque bien vite toutes contradictions ou erreu rs logiques. Il s’oriente facilement

quels théorèmes ou leurs structures —■ acceptés ou transm is à la con­

naissance — sont à la lum ière du savoir scientifique actuels: très pro­ bables, suffisam m ent probables ou peu probables, lesquels sont presque entièrem ent im probables ou dépourvus de sens, q u ’est-ce qui est possible et à quel point, q u ’est-ce qui est plutôt ou entièrem ent impossible, qu’est-ce qui est bien fondé ou sans fondement, qu’est-ce qui a du sens, q u ’est-ce qui n ’en a pas etc. En bref, il dispose d ’un savoir personnel dont la structure est bien adaptée à la stru ctu re Objective du savoir scientifique en question. Son savoir à lui est bien rangé au point de vue des critères de la vérité, du faux, de la vraisem blance e t de l’importance relative de ses différents éléments. Celui qui n ’est pas critique peut avoir, il est vrai, u n grand bagage d’inform ations e t d’experiences p er­ sonnelles mais celles-ci seront rangées en un système incohérent, res­ sem blant plutôt à un dépôt désordonné de m atériaux de construction q u ’à un bâtim ent et encore moins à un bâtim ent harm onieux du point de vue architectural.

En ce qui concerne le sens critique, l’intelligence générale s’allie non seulem ent avec le savoir personnel professionnel et général mais aussi avec la force de caractère. Car il fau t avoir une force de caractère pour s’opposer intelligem m ent — déjà en p ren ant connaissance des théorèmes, des raisonnem ents et des conclusions d ’autres savants — au x stimulants intellectuels qu’on n ’a pas le tem ps d ’analyser e n détail pendant qu’on lit ou qu’on écoute. Or, le sens critique est u n tra it plutôt déficitaire de l’intelligence générale. De ce fait beaucoup d ’échecs dans le travail de recherche et p ar la suite beaucoup de «culs de sac» dans l’histoire de la science ont leur source dans le m anque du sens critique et dans u ne suggestibilité excessive, c’est-à-d ire dans une susceptibilité à assimiler e t à reconnaître les affirm ations ou les opinions des autres sans les avoir dûm ent vérifiées, dans la soumission à la pression d ’idées des autres et par la suite, dans le dogmatisme.

Il n ’y a aucun trav ail créateur dans lequel le sens critique ou son dé­ ficit jouerait u n rôle aussi im portant que dans le travail de recherche.

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Toutefois les moyens employés ju sq u ’ici pour connaître la qualité ou l’état du sens critique d’un individu, tels que nous les trouvons dans certains systèm es de tests d’intelligence, ne se p rête n t pas à définir le niveau du sens critique des hommes de science. Et p o u rtan t il fau d rait réfléchir s u r l ’élaboration de méthodes diagnostiques appropriées. P a r conséquent il faud rait faire des recherches su r les form es qualitatives et les degrés du sens critique ou de son contraire, su r le u r dépendance de la qualité du savoir personnel et de l ’expérience, du «plafond» de la sagacité intellectuelle, de l’aptitude à préciser et à exprim er clairem ent les pensées etc. Il fau t ensuite exam iner les formes et la m anière de n aître du sens hypercritique, de l’habitude à toujours critiquer et de la négation p ar rapport aux affirm ations et aux opinion des autres. Cela signifie un véritable «stock» de problèm es intéressants et urgents mais difficiles du point de vue méthodologique.

LE PROBLÈM E D U RÔLE DE L ’IN G ÉN IO SITÉ D A N S LE T R A V A IL D E RECHERCHE

Du travail de recherche comme de chaque travail créateur nous a tte n ­ dons de nouveaux progrès dans le processus historiquem ent continu de la connaissance de la réalité, de nouvelles vérités sous la form e de nou­ velles constatations de faits, de lois, de théories scientifiques etc. Une étape indispensable pour connaître les nouvelles vérités est l’étape des idées de différent genre adaptées au savoir déjà établi et en même tem ps à la réalité. Elles constituent — pour ainsi dire — le «m atériel intellec­ tuel» qui doit ê tre élaboré au cours des recherches et surtou t confronté avec le m atériel expérim ental ou docum entaire recueilli au m oyen de méthodes adéquates de travail.

Au «matériel intellectuel» appartiennent en prem ier lieu les p rob­ lèmes scientifiques. Car il fau t tout d’abord «voir» clairem ent le sens et le but d’une entreprise scientifique. Ce but doit ê tre défini et justifié: Il fau t trouver sa place sur la «carte» des problèm es scientifiques. P o u r y arriv er il est nécessaire, bien entendu, de disposer d ’u n savoir spécialisé mais ce dern ier ne suffit pas à lui seul. Son com plément indispensable est l’ingéniosité consistant, dans ce cas là, dans une aptitude intellectuelle spécifique à rem arquer les problèm es scientifiques, à leu r tro u v er leur ju ste «place» et à apprécier de façon com pétente leu r im portance relative. Cette aptitude — comme toutes autres — se cristallise dans une certaine m esure au cours de la carrière scientifique, mais elle est différenciée indé­ pendam m ent de sa genèse et de son développement. Parm i les hommes de science existent parfois d ’énormes différences quant à la faculté de «voir» les problèm es scientifiques avec sagacité et justesse. Il n ’a aucun doute qu’un chercheur doué d ’une aptitude extraordinaire — q u ’on p o u r­

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ra it appeler une grande intelligence capable de tra ite r les problèm es — a de sérieuses chances de déployer une activité scientifique prospère.

L’intelligence d’une telle qualité s ’associe d’habitude avec la faculté de rem arquer les hypothèses sensées. Dans beaucoup d’ouvrages scienti­ fiques, su rto ut dans les ouvrages expérim entaux, les idées qui créent les problèm es conduisent, pour ainsi dire elles-mêmes, à des idées ayant la form e d ’hypothèses prélim inaires.

Ensuite vient l ’ingéniosité intellectuelle dans le secteur de la cri­ tique, du choix ou de la stru ctu ratio n des méthodes de trav ail adéquates comme moyens de vérifier le bien-fondé des problèmes e t la justesse des hypothèses prélim inaires. Parm i les savants, un «voit» une m éthode tra ­ ditionnelle établie et sanctifiée et il s’en sert sans réserves ni modifica­ tions, un au tre «voit» surto u t le problèm e avec un éventail d’hypotèses et c’est à lui q u ’il adapte d ’une façon élastique différentes éventualités quant au choix de méthodes adéquates. Il est ingénieux méthodologique- ment. Sur ce plan les différences des aptitudes en tre savants sont p ar­ fois énormes. Seule la tâche de les constater, de les graduer ou ordonner selon leur qualité offre déjà un véritable problème psychologique. En­ suite vient le problèm e non moins difficile de les connaître exactem ent à l’aide de moyens de diagnostic adéquats.

LE PRO BLÈM E DE L A F A C U L T É DE PEN SE R SA G A C EM EN T ET L A Q U ESTIO N D ES D EGRÉS D A N S LES D IFFIC U LT É S Q U E PRÉSE N TE N T

L ES PRO BLÈM ES SC IE N T IFIQ U E S

Ce que certains trav au x scientifiques exigent de l’intellect concerne moins l’ingéniosité, soit la faculté d’«apercevoir» l’éventail des possibilités, que plutôt la capacité de surm onter les obstacles en liant adroitem ent les éléments de la pensée afin de bien résoudre le problèm e en question. La fantaisie et ses dérivés sous la forme d’u n e inquiétude créatrice passe ici au deuxième plan. Au prem ier vient la faculté intellectuelle de penser «sagacement» (à la différence de l ’intelligence p ar laquelle on comprend d ’habitude la faculté d’assim iler le savoir et en général d ’apprendre en se servant de la pensée). C’est ce qu’avaient en vue les créateurs de la théorie de l’intelligence générale e t des critères appropriés lorsqu’ils stru ctu raient les «tests de force» (power test). E t c’est cela justem ent qu’envisagent les psychologues quand ils com parent le niveau d’intelli­ gence des enfants et des adultes, des enfants d’âge différent, de l’homme et des singes simiidés, d’anim aux d ’espèces, de variétés et de races différentes etc. Ce qu'ils veulent connaître, c’est la «force» intellectuelle dont la personne ou l’animal en question est ou p eut ê tre capable.

U ne «force» qui sert à quoi? — allons-nous dem ander. Evidemm ent — au sens général — à accomplir intellectuellem ent des nouvelles tâches. Les nouvelles tâches dans la science ce sont les problèmes. Il s’agit donc

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du «plafond» des difficultés inhérentes au x problèmes scientifiques que le savant est en mesure de surm onter. Cela signifie que nous présumons une différenciation des problèmes scientifiques d’après leurs difficultés: à p artir des problèmes très faciles jusqu’aux problèmes très difficiles. L’échelle des difficultés nous fait supposer q u ’il existe des problèmes présentant des difficultés d ’ordre m oyen que le savant p eu t surm onter sans grand effort s’il a suffisam m ent de sens critique et d’ingéniosité, ces deux term es ayant ici la même signification que nous leur avons attribuée dans les chapitres précédents. Evidem m ent il fau t envisager l ’existence de problèm es faciles et très faciles et aussi de problèm e» difficiles et exceptionnellem ent difficiles.

De quoi dépend le degré des difficultés d ’un problème? P our répondre il fau t commencer p ar une constatation générale que la pensée sert — plus ou moins efficacement — à connaître les liens en tre ses objets (au sens large du terme). Ainsi la quantité tout comme la qualité des objets que la pensée doit relier, peut ê tre un indicateur du degré des difficultés des problèmes, mais pas nécessairem ent l’indicateur unique. Dans leur cadre sem blent se ranger au prem ier plan les dépendances sui­ vantes: la complication, l’éventail des solutions possibles, la plurivocité. les difficultés d’une vérification des hypothèses par la pensée, les diffi­ cultés d’une vérification pratique.

Tous ces problèm es sont plus ou moins difficiles selon leu r com plica­ tion, c’est-à-dire selon la quantité de leurs éléments. Il fau t distinguer ici deux genres de complications: la complication «horizontale» et «hiérar­ chique». Avec la prem ière nous avons affaire quand — afin de résoudre une dite tâche ou régler une dite affaire — il nous fau t résoudre l’une après l’a u tre des tâches partielles qui présen ten t à peu près les mêmes difficultés intellectuelles et exigent le m êm e effort, p. ex. dresser un bilan, obtenir un passeport avec des visas. On note ici une différence dans le degré des difficultés lorsque les tâches partielles exigent un ordre approprié.

Nous avons affaire avec la complication «hiérarchique» quand les essais d ’englober intellectuellem ent ledit problèm e font ressortir des p ro ­ blèmes dérivés renferm ant, eux aussi, des tâches et des éléments qui exigent u n travail intellectuel à part. Ainsi p ar exem ple hiérarchique­ m ent compliquée est la planification économique dans le régime socialiste. Le degré des difficultés des problèmes s ’accroît proportionnellem ent avec la quantité de suppositions qui sont à élaborer intellectuellem ent,

à vérifier ou à éliminer. P our celui qui est intellectuellem ent

aux prises avec une question em barassante c’est bien différent s ’il a af­ faire avec deux ou avec plusieurs alternatives: dans le prem ier cas «il peut ê tre ainsi ou autrem ent» alors que dans le deuxième il peut être «ainsi, au trem en t ou encore autrem ent» et chaque possibilité doit être prise en considération e t convenablem ent pensée. Il est encore plus diffi­

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cile de surm onter une difficulté quand le nombre des possibilités est in­ connu et infini.

Une difficulté souvent rencontrée, concernant d ’habitude des questions intellectuelles, consiste dans la faible précision ou dans la plurivocité des notions. C’est là que semble résider l’une des raisons des controverses apparaissant dans les publications ou entre philosophes. Les discutants emploient, il est vrai, les mêmes mots mais n ’arriv e n t pas à s’entendre car le sens des mots, leur porté et leur contenu sont un peu différents.

Tout ce qui fu t d it concerne aussi les difficultés inhérentes aux pro­ blèmes scientifiques mais rev êt des formes spécifiques à cause des pro­ priétés toutes particulières de ces problèmes résultant des devoirs de la science, des propriétés de l'objet de la cognition scientifique e t aussi de la m éthode scientifique. M alheureusem ent il n ’est pas possible dans l’ou­ vrage présent d’étudier cette question à fond.

LE PROBLÈM E D ES C O N D IT IO N S M ORALES DE L A CRÉATIO N SC IEN TIFIQ U E

Il fau t tra ite r séparém ent les problèm es des conditions morales d ’un tra ­ vail prospère ou d’une carrière scientifique. Entre les conditions morales et l’intellect il fau t placer le besoin du savoir qui apparaît sous diffé­ rentes formes à p a rtir de l’intérêt q u ’on y porte ju squ ’à un profond a tta ­ chem ent non seulem ent à sa propre spécialité scientifique mais aussi au savoir scientifique e t à la vérité en général. C’est u n truism e de d ire que sans intérêt suffisant pour la science il n ’y a aucun sens de s’occuper professionnellement du travail de recherche. Cet in térêt se form e d ’ail­ leurs au cours de la carrière scientifique. On a déjà consacré beaucoup d’attention à l’in térêt porté à la science et de ce fait cette question sem­ ble ne pas être urgente bien qu’elle dem eure toujours ouverte.

P lus im portant p a ra ît le problèm e des convictions éthiques et des a t­ titudes morales du savant. Les questions à étudier pourraient être for­ mulées comme suit: quelle influence ont sur le cours des recherches et sur leurs résultats les différentes convictions et attitudes morales?

P arm i les attitudes comme la plus im portante on considère depuis des siècles celle q u ’on appelle l’objectivisme scientifique. C’est u n fait constaté que dans l ’opinion générale celui-ci est le plus apprécié tandis que son opposé est désaprouvé. Le sens réel de l’objectivisme peut être conçu comme u n penchant du savant, conscient mais aussi formé par l’habitude, à chercher la vérité telle qu’elle est, indépendam m ent des raisons d’am bition ou de prestige, des raisons matérielles, érotiques, am i­ cales, idéologiques ou politiques e t sans se soum ettre à d ’autres savants ou à la mode favorisant certains problèmes, certaines hypothèses, m étho­

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L’opposé de l’objectivisme est l’attitu d e tendancieuse, soit u n pen­ chant plus ou moins n et et conscient à „plier la v érité” selon ses désirs ou ses convictions personnelles sous l’influence d’un ressentim ent, d ’une animosité ou même d’u n e haine à l’égard de certaines personnes, de groupes sociaux, de classes, postes, attitudes morales, opinions, théories, problèmes, hypothèses, méthodes etc. Il existe certainem ent différentes formes interm édiaires en tre l’objectivisme conscient et honnête et l’a tti­ tude tendancieuse consciente, tout comme il existe différentes raisons et su rtou t différents motifs de cette dernière.

Il semble, en p arlan t généralem ent, que l’objectivisme scientifique est en proportion directe avec la qualité de l ’éducation générale et spécia­ lisée du chercheur (dans le sens: plus la q u alité de la préparation est meilleure, plus le degré d ’objectivisme est élevé); il y a cependant des facteurs qui déform ent dans une certaine m esure la dépendance citée, tels que la fertilité de l ’im agination, les am bitions excessives e x tra - -scientifiques et la faiblesse de caractère. On p eu t dire, en général, q u ’il est très facile de devenir tendancieux e t très difficile de m ontrer un m anque d ’objectivisme lorsqu’il s’agit de faire une appréciation critique d ’ouvrages scientifiques. Il est le plus difficile d’être objectif quand il fau t m otiver des problèmes scientifiques e t élaborer logiquem ent des m a­ tériaux. Voilà quelques problèmes e t hypothèses du domaine de la p sy­ chologie de la m oralité du chercheur; ils sont jusqu’ici insuffisam m ent étudiés quoique très im portants du point de vue pratique.

Comme qualité ou oomme tra it m oral — dans u n certain sens — on doit considérer la persévérance du savant dans le trav ail de recherche, c’est-à-dire le don de réaliser des entreprises scientifiques ju sq u ’à leur fin, à moins que d’im portantes raisons (concernant la structuration du problème e t la qualité des méthodes de travail, les obstacles objec­ tifs etc.) exigent d’y renoncer. Evidemm ent u n e persévérance ainsi com­ prise — ou bien son m anque — constitue une valeur ou un défaut ayant peu de commun avec la moralité, entièrem ent personnel, influant sur le succès ou l’insuccès. Mais c’est indirectem ent u n tra it m oral quand entre en jeu la collaboration avec d’autres hommes de science, ce qui a lieu de plus en plus souvent. Un professeur, u n directeur d’un groupe de recherche, u n collègue de la même profession, u n éditeur, un rédacteur d’u n périodique scientifique etc. — tous peuvent compter sur u n tra ­ vailleur persévérant ou «conséquent». Celui qui ne l’est pas p eu t m ettre

en échec le program m e d’un trav ail scientifique d ’équipe.

La persévérance est une qualité acquise ou pouvant être acquise, mais les hommes de science (les débutants) n ’o n t pas en cette m atière de chances égales ni suffisam m ent grandes pour qu’on puisse bien au­ g urer du succès dans leur carrière scientifique et indirectem ent du suc­ cès de l’entreprise scientifique d’équipe. Il fau t aussi prendre en consi­ dération la vraisemblance d ’un choix ou d ’une planification erronée des

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prem ières activités scientifiques, donc la nécessité de renoncer à cer­ tains trav au x déjà commencés ou même avancés. Cela est m eilleur (du

point de vue de l’essor des sciences et des avantages sociaux) que l’obstination, soit la continuation de travaux erronés pour n ’im porte quel prix.

Presque tous les créateurs de grande m arque étaien t connus pour leur «travail de titan». Il semble donc qu ’une aptitude extraordinaire pour l’activité créatrice, donc aussi pour l'activité scientifique consiste tout sim plem ent dans une très grande assiduité. Il n ’y a aucun doute que les créateurs ém inents étaien t en général très travailleurs. Toutefois l’assi­ duité en elle même ne suffit pas à créer de grandes oeuvres ni même à créer en général. Car il y a beaucoup de personnes qui se servent de l ’intellect avec une patience vraim ent bénédictine mais n ’arrivent pas à des résultats dignes d’attention.

Il fau t tenir compte également des motifs du travail. Le créateur ém inent est travailleur car la pression d ’idées nouvelles l’inquiète et le pousse à un effort constam ment renouvelé. Il donne une issue à ses idées créatrices dans son travail qui est le moyen assuré de les extérioriser. Mais l ’assiduité seule n ’est jam ais couronnée d ’oeuvres spectaculaires même si elle s’accompagne d’une intelligence exceptionnelle et d ’un ta ­ lent. L ’assiduité est donc une condition en plus de l’activité créatrice

mais elle n ’est pas son symptôme essentiel.

LE PRO BLÈM E D E L A D ÉPE N D A N C E D U T R A V A IL SC IEN T IFIQ U E D ES SUCC ÈS ET D ES FR U ST R A TIO N S

Le travail scientifique est plus ou moins productif. Ses résultats sont plus ou moins précieux. Chaque savant aim erait atteindre des résultats optimum, arriv e r à des valeurs maximales. «L’éclat de la valeur» éclaire toutes ses actions. «L’ombre» d’une appréciation négative les refroidit. Cela signifie que le rendem ent du travail scientifique dépend de son succès ou de son insuccès, de leurs différentes formes et d ifférents de­ grés. S ’il le veut ou non le savant réagit par ses sentim ents à ses succès ou ses insuccès. Cela est suivi de conséquences qui se m anifestent dans les nouvelles étapes du travail de recherche, dans son efficacité u lté­ rieure.

Il existe ici trois principales possibilités et hypothèses qui doivent être vérifiées: la qualité du succès correspond assez bien à l’état réel des réalisations du savant (J); le succès est excessif (2); l’insuccès est excessif

(3). Qu’est ce qui en résulte?

Le savant qui jouit d ’un succès m érité a rien que pour cette seule raison — à côté d’autres raison pareilles — u n m otif qui le pousse à continuer son travail scientifique. Il est conscient de sa place dans la so­

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ciété savante et cela lui sert de stim ulant. S’il est fru stré à la m esure de ses m anquem ents ou erreurs, il a une raison pour se critiquer lui-même et faire des corrections dans son travail au tan t q u ’il lui est possible; il a aussi une raison pour faire une auto-appréciation su r la toile de fond des activités scientifiques d’autres spécialistes, Les insuccès objectifs et les frustrations subjectives sont toujours pénibles, mais chez les p e r­ sonnes norm ales elles entxaînen des réflexions, des sentim ents et des dé­ m arches pratiques qui en principe sont favorables au chercheur lui- -même et à la science.

Le succès démesuré, en disproportion avec les résu ltats objectifs du travail (l’excès d’approbation, une carrière trop rapide, des profits m até­ riels trop faciles etc.) est dépravant dans chaque domaine de la vie. Il fait croire qu’on peut obtenir plus grâce à ses contacts e t ses qualités personnelles, telles qu’une bonne apparence, des m anières avenantes et l’habitude du monde, une m orale flexible etc., que grâce à un travail honnête. P ar la suite il fait-sous-estim er le travail, augm ente les besoins m atériels e t m ène à une attitude purem ent m atérialiste, à la poursite d’une carrière à tout prix, à différentes formes d ’orgueil, parfois à un com portem ent associai.

Tout cela se laisse observer aussi dans le monde de la science — évi­ dem m ent sous des formes propres aux intellectuels.

Les frustrations excessives, su rto u t celles qui se répètent, m ènent à des fléchissements de la morale, dim inuent la qualité du travail et — parfois — ôtent le goût e t le sens de la vie. Mais avant tout elles font naître un sentim ent d’injustice et un besoin de revanche. F aute de com­ pensations elles provoquent une attitude hypocondriaque envers la vie ou bien un comportement caustique.

Un des symptômes caractéristique des frustrations trop longues et trop fortes dans la carrière scientifique est l’habitude de critique d’une m anière m ordante les gens du même clan ou de ne pas reconnaître l’a u ­ torité et la compétence de savants honorés p ar la société.

Parm i ces causes infortunées on rencontre aussi l ’excès d’auto-ré- clame, une obstination à suivre ses propres théories m algré les faits évi­ dents et les justes argum ents critiques des opposants et enfin l’affai­ blissement du sens critique. Dans l’ensemble, les effets des frustrations excessives et trop longues sont nocifs aussi bien pour le travail du sa­ vant que pour la science en général et indirectem ent pour la société.

Le problèm e de la frustration fait depuis quelques dizaines d ’années, l ’objet des recherches des psychologues et des sociologues, mais celles-ci se rapportent d habitude aux jeunes et aux adultes troublés des psychoné­ vroses (indépendamment de leu r profession). Mais, en fait, ce problèm e concerne aussi le travail et l’activité scientifique et exige, pour cette rai­ son, des études sur une vaste échelle, compte tenu de quelques im por­ tantes grandeurs variables: les frustrations au commencement d ’une car­

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rière scientifique et dans ses étapes suivantes, les frustrations dues au m anque d’aptitudes, les frustrations des non-conformistes, des «gens in­ dépendants», des savants de caractère «difficile», les frustrations résul­ ta n t des incidents du sort etc. Chacune de ces dépendances m érite d’être étudiée pour le bien de la société.

LE PRO BLÈM E DE L A SA N T É PSY C H IQ U E D ES T R A V A IL L EU R S DE L A SCIENCE

Le succès des entreprises concrètes de recherche, d ’une longue activité et, en général, de toute la carrière scientifique dépend dans une mesure toujours plus grande de la santé et de la vitalité. Pour cette raison la «sélection naturelle» des savants modernes de différentes marques se fait pour une bonne p art en fonction de le u r santé et de leur vitalité.

Il serait évidem m ent absurde de prétendre que la m arque du savant est en proportion avec sa résistance aux stim ulants nocifs physiques ou chimiques et à la fatigue, avec ses possibilités de supporter les inconvé­ nients des déplacements, des voyages etc., mais il n ’y a aucun doute que ces facultés tellem ent «aintellectuelles» ont u ne grande im portance. Mal­ heureusem ent nous avons jusqu’à présent bien trop peu de données exactes en cette m atière; néanmoins le problèm e qui y réside demeure actuel.

Il est caractéristique que jusqu’à ces derniers temps on ne s’intéres­ sait pas spécialem ent à la santé physique des savants et à leur vitalité alors qu ’on donnait depuis longtem ps beaucoup d’attention à leur santé psychique. C’était, il est vrai, dans le cadre du problèm e de 1’«essence» du génie e t de la conviction que celui-ci a une origine m orbide ou, plus exactem ent, psychopathique. C’est donc de ce point de vue précisément q u ’il nous fau t exam iner en prem ier lieu la question de la santé psy­ chique des savants. P our des raisons historiques nous allons l’exam iner d’abord p ar rapport aux savants aussi bien q u ’aux artistes et to u t p arti­ culièrem ent aux oeuvres exceptionnellem ent originales et aux gens con­ sidérés comme génies.

Il n ’y a aucun doute que l’activité créatrice n e peut pas prendre de

plus grande envergure quand apparaissent des maladies m entale graves et surtout des défauts dans le fonctionnem ent de l’intellect. Nous n ’a­ vons pas de données historiques suffisantes pour pouvoir dire qu’il exis­ ta it des créateurs géniaux, et d ’au tan t moins des savants géniaux, qui auraien t été des paranoïaques «indécis», to u t au moins à l’époque de leur activité créatrice fructueuse. Certains créateurs éminents, ou consi­ dérés comme tels, m ouraient il est vrai dans un état d’irresponsabilité (p. ex. Verlaine, Nitzsche) mais c'est une question déférente car il s’agit

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là d’une aggravation graduelle — due à l ’emploi de stim ulants, à l ’in ­ fluence des préjudices m oraux, de divers accidents de l’existence, du stress et de la sénescence — des sym ptôm es de m aladies m entales, p a r­ fois présentés déjà au tem ps de la jeunesse, de l’action destructive, d ’un travail créateu r épuisant su r la v italité et la santé, etc.

On peut considérer aussi comme certain que parm i les créateurs ém i­ nents ou même moyens aucun n ’é tait arrié ré e t ne traduisait de fléchis­ sement poussé de ses facultés intellectuelles. Cependant, assez nom breux étaient les créateurs frappés de psychonévroses ou de psychopathie, donc se trouvant dans un état interm édiaire en tre la santé psychique et la m aladie mentale.

Il n ’en résulte pas, bien entendu, que la psychonévrose ou la psy­ chopathie soient une condition de l’activité créatrice e t notam m ent scientifique. Celui qui souffre d ’une psychonévrose se caractérise assez souvent e t dans une assez forte m esure p ar une excentricité, une irrita­ bilité, un em portement, une variabilité d’hum eur, des rêves irréels, u n penchant exagéré à la mélancolie ou à la jubilation etc. Chez le psycho­ pathe au prem ier plan viennent des passions ou des désirs maladifs, des

attitudes gauchies à l’égard des prochains, une concentration m aladive

sur sa propre personne (autisme, égotisme, etc.), mais en général sa ca­ pacité de travailler reste non altérée et il est en m esure de coexister plus ou moins norm alem ent avec ses prochains dans des lim ites d éterm i­ nées p ar le droit et p ar une m orale plus ou moins libérale.

Même si certaines biographies, su rto u t celles des hommes de science considérés comme génies, sem blent parler en faveur d’une affin ité entre l’activité créatrice extraordinaire et la tendance à un com portement psy­ chonévrotique ou psychopathique, il n ’en résulte pas que ce com porte­ m ent soit la raison principale du génie. Les formes du com portem ent qui sem blent psychopathiques à l’entourage peuvent ê tre dans certains cas l’effet de l’activité créatrice. L’homme génial tombe plus facilem ent dans une névrose que l’homme moyen car son esprit est concentré obstiné­ m ent sur certains problèmes, parfois au détrim ent de sa propre santé et des contacts sociaux. C ette concentration p eut lim iter le champ de ses préoccupations qui ne sont pas liées à son oeuvre et provoquer u n e né­ gligence et un m anque d’intérêt pour ce qui concerne les autres. Une telle attitude peu sociable, suivie d’une prédom inance intellectuelle, est accueillie d’habitude avec peu de sym pathie et de compréhension. Cela à son tour peut provoquer chez le savant des réactions défensives qui, indirectem ent, le poussent à s’éloigner des gens et à se com porter d’une m anière considérée comme tou t au moins bizarre, sinon maladive.

Ce qui se rapporte à tous les créateurs, concerne également les hom­ mes de science. Evidemm ent il fau t ten ir compte des différences décou­ lan t de l ’ensemble des exigences et des conditions du trav ail scienti­ fique.

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