H I S T O I R E
D E
L’UNITÉ IT ALIENNE
O U V R A G E S D E M . Y V E S G U Y O T
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tion ), r e lié ...
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L ’org an isatio n com m erciale du tra v a il, conférence L ièg e, le 2 ) avril r g o o ...
La p rop riété, origine et évo lu tio n . R éfu tatio n do Paul L a fa rg u e . 1 vo l. in -18 , de 5o o p ages...
T rois ans au M in istère des tra v a u x publics, 1 vol.
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H I S T O I R E
D E
H I S T O I R E P O L I T I Q U E DE L ’I TALI E
DE 181 4 A. 1 8 7 1
P A R
BOL T ON K I N G , M. A.
I N T R O D U C T I O N P A R Y V E S G Ü Y O T
T R A D U I T D E l’a. N C . L A I S P A R E M I L E M A C Q U A R T
T O M E P R E M I E R
P A R I S
F É L I X A L C A N , É D I T E U R
A N C I E N N E L I B R A I R I E G E R M E R B A I L L I Ë R E & O*
I 0 8 , B O U L E V A R D S . l I S T - G E H M i l S , 1 0 8
i g O I Tous droits réservés.
UNIV S f jt ljA Û B L C RACflVlENSB
Biblioteka Jagiellortska
1001385537
INTRODUCTION
I. L ceuvro et l ’a u teu r. — II. L e rô le de l ’Histoire. — III. D e M ontana à Sedan. — I V . Le Pape et le Seize Mai. — V . L e Pape, la F ran ce et l ’Italie.
— V I. L e V atican et l ’Italie. — V II . L ’excom m un ication de la M aison de S avoie. — V III. L e cath o licism e et les con grégation s en Italie. — I X . L a T u n isie et la T rip le A llian ce. — X . L ’A n g le te rre et l ’Italie. — X I. L 'E r y th ré e. — X II. La p o litiq u e fin ancière et écon om iq u e de l ’Italie. — X III. Le socialism e et les ém eutes d u pain. — X I V . L ’in stru ctio n en Italie. — X V . L e systèm e électoral. — X V I . La co n stitu tio n et la lo i, — X V I I . D é fa u t de garan ties ju rid iq u e s . — X V I I I . Pas de partis politiqu es. — X IX . L e rim pasto et le transform ism o. — X X . C o n clu sio n . .
I
l’œ u v r e e t l’a u t e u r
L'H istoire de l'Unité italienne (18 1/ 1-18 7 1), dont nous donnons a u jo u rd ’hui la trad u ction , p aru t vers le m ilieu de 1899. Je m e la p rocurai aussitôt, espérant y trouver u n e histoire sincère et docum entée des événem ents dram atiq u es q u i se sont déroulés p en d ant cette période. N on seu lem ent m on attente ne fut pas déçue, m ais, au fu r et à m esure qu e je la lisais, je devenais de plus en plus convaincu de l ’u tilité q u ’il y avait, à la fois p ou r les Italiens et pour les F ran çais, d ’avoir à leu r disposition u n ouvrage de ce caractère. Ma conviction fu t encore fortifiée par le voyage que je fis en Italie en octobre 1899.
O n ne p eu t ju g e r l ’Italie actu elle si 011 ne la com pare à l ’état dans leq u el elle se tro u v ait avant d ’avoir réalisé son u n ité. Il ne m e m an q u a it plus q u ’u n traducteur et u n éditeur. M. E m ile M a cq u a rt v o u lu t b ien se ch arger de la lo n g u e, m in u tieu se et difficile besogne de tra
d u ire cet im p ortan t ouvrage et M . À lcan de le p u blier.
Q uan d j ’ai' parlé de ce livre, q u i, à m a grande stupéfaction, est encore presque ign oré en Italie, des am is italiens m ’ont d it: — E st-il p o u r G aribaldi ou p ou r C avou r ? Je leu r ai répondu que je ne pensais pas q u e M. B olton K in g se fût jam ais posé cette question. 11 s’est placé à u n p oin t de vue exclu sivem en t objectif. Il a cherché à dégager, des n om b reu x docum ents plus ou m oins obscurs et contradictoires q u ’il a
Bo l t o n Ki n g. L — a
II J M I I O D U C T I O N
consultés, la réalité la plus précise possible. P le in de sym pathie pour' l ’ém an cipation de l ’Italie, il constate avec une égale franchise les qualités et les défauts des Italiens des différentes provinces et des différentes couches sociales. Il ne présente point les grands acteurs de l ’indépendance italienn e éclairés sous u n seul jo u r. 11 sait que les hom m es sont com plexes, ont tous des qualités et des défauts, et il tâche de tracer le u r p o rtrait exact, q u ’il s’agisse de C h arles-A lb ert ou de y ic to r-E m n ra n u e l, de C avou r ou de G arib ald i, de R icasoli ou de M azzini.
M. P o ito u K in g est u n A n glais placé dans les m eilleures conditions d ’im p artialité. E lève de B alliot Collège à O x'orcl, il p rit u n diplôm e de prem ière classe dans l ’école d ’histoire m oderne, puis il vécut h u it années à T o yn h c c H all. O n con naît cet établissem ent, fondé en i885 dans la C om m ercial slrccL de W liitcch ap el, le qu artier le plus pauvre de Londres. C ’est à la fois u n collège et un club, où des m em bres des U niversités d ’O xford et de C am brid ge s’in spirent de la m ém oire cl’A rn o ld T o yn b cc en partageant leu r vie de la m anière suivante : une partie est consacrée à l ’étu de de la science économ ique sous des aspects sociau x; l ’autre à la propagande, à l ’éducation, aux divertissem ents populaires et à la recherche des m oyens d ’augm en ter le bien-être chez les ouvriers des grandes villes.
M . B olton K in g a, en collaboration avec sir A lfred M illier et le professeur A sh ley, rédigé Y Industrial Révolution, reproduction des conférences faites à O xford par A rn o ld T o yn b ee en 18 81-18 82 sur l ’histoire économ ique de l ’A ngleterre.
A rd em m en t dévoué à ces recherches, il essaya, il y a quinze ans, de constituer sur sa propriété u n e coopération agricole. Il échoua, p rin cipalem en t parce q u e les labou reurs ne s’y intéressèrent pas.
D epuis, il s’est occupé de l ’adm inistration locale d u com té de W a rw ick et surtout de l ’instruction technique.
E n bon A nglais q u i travaille par am our d u travail, p ou r dépenser le temps et l ’énergie qu e lu i laissent scs occupations professionnelles, il com m ença vers 1888 YHistoire de l’ Unité italienne. Il y était bien préparé : il avait écrit u n e in troduction à la traduction anglaise de q uelques essais de M azzini.
M. B olton K in g est donc com plètem ent désintéressé dans les questions de passion et do parti q u i p eu ven t altérer la vérité. II a m is plus de dix ans à écrire son ouvrage. On verra a chaque page la cri
tiq u e q u ’il a apportée dans le choix des docum ents et la conscience q u ’il a m ise dans la recherche de la vérité.
I N T R O D U C T I O N IIÏ
II
LE RÔL E DE l’ HI STO IRE
E n corrigean t les épreuves de ce livre, je m e suis, à certains m o
m ents, dem andé si, par la publication de cette trad u ction , je n ’allais pas encou rir des reproches et du côté dos Italiens et du côté des Français.
■Je Sais par expérience que si, l ’on veu t rester en bons rapports avec u n pays, il ne l’a u t pas en parler. C ’est u n proverbe de peintre q u ’il ne faut jam ais faire le p o rtrait de ses am is. L e m odèle s’est constitué u n type, une p hysionom ie q u i lu i convient. T o u t ce q u i vient déranger cette convention lu i est désagréable. S i u n pays connaît scs défauts, il m’aim e pas que les autres les connaissent. Si les hom m es q u ’il estim e ont subi des défaillances, ont com m is des actes cle m a u vaise foi, il trouve q u e to u t étranger q u i les signale et en perpétue le souvenir com m et une sorte de sacrilège.
À certains m om ents, il. faut bien le dire, les hom m es d ’É tat français et les hom m es d’É tat italiens ont jo u é les uns et les autres des rôles dépourvus de franchise. Il y a eu de part et d ’au tre de m auvais procédés.
M . Bol ton R in g les a signalés avec netteté. Nous avons traduit fidè
lem en t, sans essayer d ’estom per la force de ses jugem ents.
D ’abord c’était notre devoir de traducteurs fidèles ; de plu s, ce n ’est pas eu d issim u lant les fautes com m ises q u ’on p eu t ren d re service aux hom m es d ’É tat et aux peuples.
L ’histoire n ’est utile que si elle est envisagée com m e l ’application de la m éthode expérim entale à l ’évolution de l'h u m a n ité. La définition q u ’en a donnée T h u cyd id e reste toujours vraie : « C on naître la vérité sur le passé, afin de prévoir l ’avenir. » Non seulem ent l ’historien expose le passé, m ais il prépare l ’histoire de dem ain. Selon la m anière dont il a présenté les faits et leu r enchaînem ent, don t il a exposé l ’in flu en ce de telle ou de telle m esure ou de tel ou tel hom m e, il donne des exem ples q u i, form ant la tram e in tellectu elle des hom m es d ’action et l ’opinion sur laqu elle ils agissent, d irigeront la postérité dans u n sens ou dans un autre.
Ce serait m ain ten an t u n truism e q u e d ’insister sur l ’im portance de l ’exactitude h isto riq u e; on est reven u de 1 ’h isto irc-ro m an , q u i avait pour but de m on trer, n on ce que les hom m es avaient fait, m ais ce q u ’ils auraien t clù faire.
UH istoire de VUnité italienne n ’cst-elle pas trop récente? E lle se term ine en 18 7 1. E lle a donc le recu l de près d ’u n tiers de siècle;
je regrette q u ’elle s’arrête si tôt ; car il est bon q u e les peuples con
IV IN T R O D U C T I O N
naissent les expériences récentes q u ’ils ont subies, afin d ’en ju g e r l ’effet u tile et de savoir celles don t ils doivent red ou ter le retour et celles dont ils doivent con tin uer l ’application.
III
DE M EN TA NA A SEDAN
O n verra, par exem ple, dans les pages q u i von t suivre que la p lu p art des fautes com m ises vien nent de la tim id ité des hom m es d ’E tat et de leu r clésir d ’éviter les difficultés. La force de C avou r a été d ’avoir une p o litiq u e proportionnée à la force du P iém o n t et cl’avoir résolu m ent vo u lu l ’appliquer. Il a donné u n gran d exem ple des qualités de l ’hom m e d ’E tat q u i sait exactem ent ce q u ’il veu t et q u i sait exécuter ce q u ’il a conçu. E n tre N apoléon III et lu i, Je contraste est frap
pan t. N apoléon III avait des conceptions grandioses, mais nébuleuses ; q u an d ven ait le m om en t d’agir, il cherch ait le m oyen de se dérober aux engagem ents q u ’il avait p ris ; et cet autocrate à l ’in térieu r de la F ran ce essayait de m ettre sa responsabilité à l ’abri derrière un P a rlem en t in tern ation al, q u ’il appelait congrès ou conférence et d ont, à chaque difficulté, il proposait la réun ion pour se faire couvrir, sans m êm e paraître se rendre com pte d u rid icu le que lu i donnait u n pareil procédé. Il p ou rsu ivait des résultats contradictoires. Q uand il partait pour l ’Italie, il s’écriait : « L ’Italie libre des Alpes à l ’A d ria
tiq u e », et il s’arrêtait à Y illa fra n ca , en laissant une œ uvre com m encée q u i devait s’achever m algré lu i et, clans une certaine m esure, contre lu i.
Il avait des sym pathies pour l ’Italie et son u n ité ; m ais il resta l ’h om m e de l ’E xpédition de R om e. Il n ’osa se dégager de la pression cléricale, q u i en avait fait le protecteur du Pape. Le protégé et le protecteur se détestaient: et cependant N apoléon III fu t con duit ju sq u ’à livrer, pour la défense d u pape, cette bataille de M ontana dans laq u elle « les chassepots ont fait m erveille » : con tre q u i ? contre des Italiens q u i avaient com battu avec nous à M agenta et à Solférino.
E n 1870, la F ran ce p ouvait obtenir l ’alliance de l ’Italie et de l ’A u trich e, m ais il fallait sacrifier le pou voir tem porel d u Pape.
M . de B eu st, le m in istre de la cath oliqu e A u trich e, n ’hésitait pas :
« M ieux vau t le gou vern em ent italien à R om e que les G aribaldiens », d isait-il. E m ile O llivier, le a3 ju ille t, n e u f jo u rs après la déclaration de guerre, refusait encore cl’y consentir. L ’Im pératrice disait : « M ieux vau t les Prussiens à Paris q u e les Piém ontais à R om e ». Q uand, le 3 aoû t, l ’agent de V icto r-E m m an u el v it l ’E m p ereu r h M etz, il se
IN T R O D U C T I O N
Y
h eu rta à la m êm e obstination. Il fallu t les défaites de W qerth et de G ravelotte pour triom pher de cette absurde résistance. L e 19 aoû t, il envoya le prince Napoléon à F lo ren ce ; m ais il était trop tard . Rattazzi lu i d it: « L e sang de M entana crie vengeance », et, ajou te M. B olton R in g , « la chaîne q u i lie M entana à Sedan était forgée ».
IV
LE P A P E E T LE SE IZE MAI
A u len dem ain de la gu erre de 1870, la m ajorité réaction naire de l ’Assem blée élue le 8 février 18 71 et le clergé pen sèren t que la m eil
leu re m anière de réparer de la perte de l ’A lsace et de la L orraine était de rétab lir le P o u vo ir tem porel d u Pape. O n rép an d it la légende du prisonn ier d u V atican . L a p lu p art des évèqu cs ne cessaient de développer dans leu rs m andem ents et leu rs in structions pastorales les principes d u Syllabus. L eu rs attaques redoublèrent après le vole des lois con stitutionn elles, qu e l ’évêque de V ersailles n om m ait « le chaos actuel ». D u pan lou p en appelait tous les jo u rs, dans la Défense, à u n coup de force. L a crise, célèbre sous le nom de Seize Mai, est l ’œ uvre du Pape.
E n jan vie r 18 77, la C h am b re italien n e vota une loi sur le,s abus du clergé présentée par le m in istre de la ju stice, M. M ancini. E lle avait pour b u t d ’atténu er les excès auxquels se livrait le clergé italien à l ’abri de la ,L o i des garanties. E lle sem blait inspirée par les articles /|Oi-/(o8 du Code P én al français. E lle frappait d ’am ende et de prison les m inistres des cultes q u i, abusant de leu r m inistère p o u r offenser les in stitutions et les lois de l’E tat, tro u b la ien t la conscience p u b liq u e ou la paix des fam illes. L ’article 2 visait les discours pro
noncés ou lus en réu n io n p u b liq u e, les écrits publiés au trem en t, con ten an t des censures expresses ou des outrages aux in stitu tions, lois de l ’E tat, décret royal o u to u t autre acte de l ’autorité p u b liq u e. L a péna
lité était au m axim u m de trois mois de prison ; m ais le dernier para
graphe disait : « Sont punis des m êm es peines ceux q ui p u b lien t ou répandent les écrits susdits, de qu elqu e autorité ecclésiastique et de q u elq u e lieu q u ’ils p rovien nent. »
C et article perm ettait donc de p ou rsu ivre les jo u rn a u x q u i repro
duisaien t les outrages d u Pape adressés au gou vern em ent italien.
L e 12 m ars, le Pape faisait une ordination do cardinau x parm i lesquels M . C averot, archevêque de L y o n . Il y répéta toutes les, dé
n onciations form ulées déjà dans le Syllabus contre les g o u ve rn e-
V I IN T R O D U C T I O N
Rients en générai q u i adm ettaien t la sécularisation de l ’enseignem ent, etc., m ais il visa directem ent le gou vern em ent italien . 11 n ’adm ettait pas q u e ce lu i-ci d o n n ât toute liberté aux cultes protestant et Israélite, laissât aux professeurs italiens la liberté in te lle c tu e lle ; enfin il te r
m in a par cette provocation directe :
« N o u s ne désirons rien p lu s ardem m ent que de voir les pasteurs sacrés, q u i nous ont donné tan t de preuves de leu r adm irable con
corde, soit dans la défense des droits sacrés de l ’Église, soit dans leu r obéissance et leu r affection p ou r le Saint-Siège, s’elVorcer d ’exciter leu rs fidèles à agir dans leurs pays respectifs, pour obtenir q u ’on donne un regard à -la situation du ch ef de l ’Église cath oliqu e ou q u e l ’on p o u r
voie, d u n e laçon efficace, à écarter les obstacles qui s’opposent à sa pleine et réelle indépendance. »
L e cardinal Sim eoni, quelques jo u rs plus tard , dans u n e circulaire aux nonces, ren ou velait cet appel à l ’in terven tion des puissances, tout en disant h ypocritem en t q u ’il ne s’agissait que de l ’au torité spiri
tu elle du Pap e, et n on d ’u n intérêt politique.
L e gou vern em ent italien v o u lu t prouver sa longan im ité en laissant circu ler lib rem en t en Italie l ’allocu tion du Pape du 12 m ars. Les catholiques de tous les pays adressèrent des pétitions à leu rs gou ver
nem ents et firent des m anifestations. E n B elgiq u e, le gou vern em ent répondit q u ’il ne donnerait pas suite aux pétitions catholiques. Leurs signataires pou vaien t se m on trer d ’au tan t p lus ardents q u ’ils sa
vaient q u ’il ne ferait pas d ’ « expédition de R om e » ; m ais si la B elgiq u e, pays n eu tre, était à l ’abri de ce danger, il n ’en était pas de m êm e de la F rance. L e m in istre des affaires étrangères, Je duc Decazes, répon
dit, le 20 m ars, à u n e députation de députés et de délégués de la D roite, par des phrases vagues dans lesquelles il assurait à la fois « le P o n tife augu ste d ’une sollicitu de sym pathique et filiale » et le gou ver
n em ent italien du désir « des relations pacifiques et am icales que com m and ent les intérêts d e là F ra n ce» .
Les catholiques, ainsi écoricluits par le m in istre des affaires étrangères, s’adressèrent au Président de la R ép u b liq u e, le m aréchal de M ac-Mahon
« L e souverain Pon tife, disait cette p étition, privé de son P o u voir tem porel, voit tous les jo u rs s’élever de n ou veau x obstacles au gou vern em en t de l ’Eglise u n iverselle. » E lle se term in ait ainsi : .« Ils vous dem andent d ’em ployer tous les m oyens q u i sont en votre p ou voir pour faire respecter l ’indépendance d u S a in t-S iè g e , sauve
garder son adm inistration et assurer aux catholiques de F ran ce l ’indis
pensable jouissance d ’u n e liberté p lus chère que toutes les autres ; celle de leu r conscience et de leur foi. »
I N T R O D U C T I O N
VII
Des évêques exh alaien t leu rs lam en tations clans cles m andem ents q u ’ils avaient soin de faire p arvenir au gou vern em ent. L ’évêque de N îm es p roclam ait que « le P o u vo ir tem porel du Pape re viv ra it après quelques secousses profondes ou s’en g lo u tiraien t peut-être bien des arm ées et bien des couronnes ».
L ’évêque de Ne ver s adressa une lettre directe au m aréchal Mac- M ahon, dans laqu elle il lu i disait entre autres : « D éclarez nettem ent que vous n ’acceptez aucun e solidarité avec la révo lu tio n italienne.
Vous avez rallié autour de vous to u t ce que le m onde cath olique com pte de fidèles dispersés ; vous avez ren ou é la chaîne des traditions de notre F ran ce et repris la place de fils aîné clc l ’E glise. »
L ’archevêque de P aris affirm ait cjue « là tra n q u illité de l ’ordre, la sta
bilité des pouvoirs ne sau raient ren aître et s’afferm ir tan t q u e l ’au to
rité de la sainte religio n sera m éprisée et q u e le ch ef suprêm e de l ’E glise verra sa liberté enchaînée et son m in istère paralysé ».
L e jo u rn a l de l ’archevêque de C am b rai disai t : « Som m es-nous donc tom bés si bas, depuis que nous sommes en R ép u b liq u e, que nous recu
lions pour la prem ière fois dans notre histoire devant u n e arm ée ita
lien n e? M ieux vau d rait avoir la gu erre a u jo u rd ’h u i q u e plus tard, car la gu erre serait une gu erre religieuse entre cath oliqu es et anticath oli
ques. » U n autre jo u rn a l cath oliqu e clam ait : « A u len dem ain d u cri d ’alarm e lancé par P ie IX la gu erre est nécessaire, car sans elle il n ’y a pas de délivrance. » L e m ou vem en t devenait si grave que l'U n io n , qui pensait avant to u t aux intérêts d u com te de C h am bord, nia qu e « les catholiques vou lu ssen t déclarer la gu erre au royaum e d ’Italie pour le contraindre à restitu er au Pape sa souveraineté tem po
relle ». A lors que dem anclaient-ils ? Q uan d une n ation adresse u n e récla
m ai ion à u n e autre, elle doit envisager qu e, si elle se heurte à u n refus, elle n ’a q u ’une m anière de faire prévaloir scs réclam ations : la guerre.
Les prêtres faisaient une agitation auprès des m aires. Ils in tro d u i
saient la pétition dans les écoles et l ’y faisaient signer. M. Jules Sim on , par une circulaire adressée le 23 avril aux préfets, en in terd it la circu latio n . 11 rapporta l ’arrêté d u l\ a vril 187/1 qui autorisait à Paris la con stitution d ’une association in titu lée « C om ité ca th o liq u e» .
L e p arti rép u b licain chargea M. L cb lon d d ’in terpeller sur ces agis
sem ents. La discussion eut lieu le 3 m ai. >
M. Jules Sim on n ’eut pas de peine à m on trer « q u ’en France le clergé était aussi' libre en droit q u ’autrefois et q u ’en fait il usait d ’ une lib erté q u ’il n ’avait jam ais eue ». Il exposa la loi des garanties et con clu t : « C e lte captivité d u S ain t-P ère dont on parle clans les péti
tio n s, j ’ai le droit de dire cpie c’est une allégation m ensongère ».
V I I I I N T R O D U C T I O N
Q u an t au projet M ancini, M. Jules Sim on déclarait q u ’il ne restrei
gn ait en rien les libertés assurées par la L oi des garanties ; q u ’il ne s’appliquait q u ’aux rapports entre les évêques et l ’É tat, q u ’il était une loi d ’ordre in té rie u r. M. Jules Sim on s’efforça de rassurer l ’opinion en Italie et en F ran ce en disant que « ces m anifestations ém anaient d ’une infim e m in orité du clergé ». M. G am b ctla rép on d it que « c’était 1 u n an im ité de 1 épiscopat français q u i p arlait com m e l ’évôque, de N eveis et I évêque de N îm e s» . C e fu t dans ce discours qu e, rep re
n an t le m ot de P c yrat, il prononça le fam eux : « Le cléricalism e, vo ilà l ’enn em i ! »
C et ennem i n est pas seulem ent u n ennem i in térieu r, c ’est un ennem i extérieur, com m e le prouve l ’h istoire des rapports de la F ran ce avec le V atican . La C h am bre, par 346 voix contre 1 14, adopta un ordre du jo u r dans lequ el étaient visées « les m anifestations u ltra- m on lain es, dont la recrudescence p o u rrait com prom ettre la sécurité in térieu re et extérieure du pays ». Il était volé le 4 m ai.
Mais la veille de 1 in terp ellation, le jo u rn a l de M. D u pan lo u p, la Défense, m ettait en dem eure M. Jules S im o n « de ven ir à la poli tique de protection religieuse et sociale à laq u elle il a fait défaut ju sq u ’ici» . C ependant c était a M. D u pan lou p q u ’on avait a ttrib u é ce m ot vrai
sem blable : « M. Jules Sim on sera cardinal avant m oi ».
L e 16 m ai, la m enace était m ise à exécution.
M. Zévoi't a p u résum er ainsi les faits 1 : a P ic IX avait parlé le 12 m ars ; le 20 la droite avait fait la m anifestation auprès du duc D e - cazes ; le S avril la pétition du Pape avait été lancée ; le 2 m ai la Défense avait indiqué à quelles conditions M. Jules S im on serait to
léré au pouvoir ; le 4 m ai M. Jules Sim on avait en frein t ces condi
tions ; son sort avait été décide ce jo u r-là , et surtout celui de la m ajorité rép u blicain e» . L e 16 M ai ne fu t pas seulem ent un acte de po
litiq u e intérieu re : il eut pour o rigine u ne in jo n ctio n p artie d u V atican.
P a rto u t la c té d u 16 Mai fu t si bien considéré com m e en étant le.
résultat, que le gou vernem ent éprouva le besoin de faire p u blier une note anonym e dans 1 A gence H avas, déclarant « qu e le gou vernem ent avait la ferm e in ten tion de conserver la p o litiq u e de p aix avec toutes les puissances et de rép rim er, avec la plus gran de ferm eté, les menées u ltram on tain es ». Mais le lendem ain l ’ Univers déclara que le gou vern e
m en t en rép u d iait la responsabilité : et le gou vern em en t ne la reven diqua pas.
Chose adm irable ! la loi M ancin i, p oin t de départ de la p olitiq u e
1. Histoire de la Troisième République, t. I, p. 327.
I N T R O D U C T I O N I X
q ui ab ou tit en F ran ce au Seize M ai, fu t repousséeà u n e petite m ajorité par le Sénat italien .
Y
LE P A P E , LA F R A N C E E T l’i tA L I E
Si le Seize M ai avait réussi, il est im possible de prévoir à quelles aventures extérieures il au rait conduit la F rance.
C h aq u e fois que le parti clérical reprend en F ran ce q u elqu e influence, l ’Italie se considère com m e m enacée.
L a p o litiq u e jésu ite, antisém ite, cléricale a sa répercussion sur les rapports de la F ran ce et de l ’Italie. E lle a abou ti à deux résultats : elle a jeté l ’Italie clans la Triple, alliance et Fa fait attacher sa desti
née à celle de l ’A ngleterre.
Nous en arrivons à ce résu ltat bizarre q u e la cath oliqu e A u trich e, dont le dévot em pereur François-Joseph sert u n e rente ann u elle d ’un m illion au Pape, devient u n des garants de l ’occupation de R om e par l ’Italie, tandis que la F ran ce voltairicn ne et républicaine sem ble une m enace contre elle.
Nous entretenons auprès du S ain t-S iège un am bassadeur q u i baise respectueusem ent la m u le du P ap e. S p u ller a raconté devant m oi que M. L efebvre de B éh ain e, ayan t vo u lu se dérober à cette h u m ilian te form alité, fu t som m é de s’y soum ettre par les card in au x et les prélats présents avec de tels cris d ’in d ign atio n et de m enace q u ’il d u t s’y rési
gner. N otre am bassadeur assiste à des dîners de pèlerin s conduits par M. H arm el, q u i von t cherch er auprès du V atican des forces contre la R ép u b liq u e parlem entaire, libérale et laïque.
Ce q u e fait notre am bassadeur auprès d u S a in t-S iè g e est si m ysté
rieu x, que, q u oiq u e ayan t pris p art, p en d ant trois ans, à des conseils de m in istres, je. n ’ai jam ais pu le savoir.
Les argu m en ts que les divers m inistres on t l ’habitude de donner p o u r le m ain ten ir sont si vagues, q u ’il serait nécessaire de les. com p léter p ar la publication d ’u n L iv re Jaune.
V I
LE V A T I C A N E T l’iT A LI E
Nous nous plaignons en F rance, et avec raison, de la dom ination
IN T R O D U C T I O N
d u Pape. Q uelle est donc la situation de l ’Italie ? L e 20 septem bre (870, l ’arm ée italien n e a occupé R om e. A vec u n esprit de tolérance tout à fait rem arquable, le gou vern em ent italien a donné, en m ai 18 7 1, au Pape. « la L oi des garanties », Il a constitué le V atican, le L a Iran, la villa de G astel-G andolfo en territoires indépendants où des crim es p ou r
raien t être com m is sans que la ju stice italienn e p û t les réprim er. Les sém inaires, à R om e et dans les six sièges subürbicaires, ne dépendent que d u S a in t-S iè g e . Le Pape profite de ces avantages, sau f de la pension de 3 2a5 000 lire q u ’il, a toujours refusé de toucher, pour ne pas recon n aître le gou vern em ent italien. Il continue à se présenter au m onde com m e le prisonnier d u Vatican et L éon X III est aussi irréd u ctible que P ie IX .
A u mois d ’août 1900, après l ’assassinat du roi H u m b ert, le V atican a m ontré toutes ses bizarres, hypocrites et haineuses m anières d ’agir à l ’égard de la fam ille royale. D ’abord, il y c u l des visites de cardinau x a la reine m e ic , ,on perm it la récitation de la prière de la reine Mai g uen te dans les églises; les prélats p u ren t célébrer des messes solennelles pour le repos de l ’âm e du roi et m êm e donner l ’absoute sur son. corps; mais des ru m eu rs sourdes agitaient l ’É g lise : bientôt VOsserualore cattolico de M ilan com m ença à dénoncer la prière de la rein e M arguerite. L a Voce délia Verità, l ’organe officiel des Jésuites, insinua que 1 assassinat du roi Idum bert, la panique- m om entanée q u i se produisit pendant les fun érailles, l ’accident de chem in de fer qui eut lieu près de C astel-G iu b ileo , étaient les effets funestes « de la Jeüatara, de la m alédiction qui frappe les envahisseurs de la R om e papale.» . La presse, cléricale française obéit à ce m ot d ’ordre.
M. Charles G oyan, le factotum du Pape à Paris, dénonça « des actes p ublics de religion contraires à la discipline chrétienne » . VOsserualore romano, l ’organe officiel du V atican , p u b lia u n com m u niq u é disant que « les autorités ecclésiastiques ont autorisé les funérailles d u roi non seulem ent com m e protestation contre le crim e exécrable com m is contre lu i, m ais encore plus à cause de la situation personnelle du d éfu n t, qu i, spécialem ent pendant la dernière période de sa vie, avait donné des signes non douteux de ses sentim ents religieu x, a u 'p o in t m êm e, a-t-ôn dit, de désirer se réconcilier avec Dieu en recevant les sacrem ents pendant la sainte année ( l’année du ju b ilé). On a dit et il est présu niable que, d u ran t les derniers m om ents de sa vie, il a im ploré l ’in fin ie pitié de D ieu et que, s’il l ’avait, pu, il se serait réconcilié avec lu i. C ’est une loi de l ’E glise, souvent affirm ée par la Sacrée P én i- tencerie, que dans de tels cas l ’enterrem ent à l ’église peu t avoir lieu p ou r ceux q u i, au trem en t, n ’auraient pu en être ju gés clignes, m ais
IN T R O D U C T I O N X I
en m od érant la pom pe extérieu re, selon la catégorie des personnes en question. A l ’égard de la p rière bien connue, com posée dans u n m o
m ent de suprêm e et com préhensible angoisse, elle n ’a jam ais pu et n ’a jam ais été approuvée par l ’autorité ecclésiastique suprêm e, car elle n ’est pas conform e aux lois de la Sainte L itu rg ie ».
O r, le card in al B o n om elli, à q ui la reine l ’avait envoyée, avait répondu que « G U I » (q u i est la désignation h ab itu elle du P ap e) avait donné u n e réponse favorable. O n le désavouait ensuite. Cela n ’a rien de con
traire aux usages de la C o u r rom ain e. E n 18 87, le Pape condam na la broch ure La Conciliazione, signée du Père T o sli. dont il avait corrigé lu i-m êm e les épreuves.
VII
l’e x c o m m u n i c a t i o n d e LA MAISON DE SA VO IE
C ’est u n phénom ène bien curieu x cpie de voir u n e reine excom m u
niée com poser u n e prière cath oliqu e, dem ander l ’agrém ent du Pape, le recevoir d ’abord, et u n roi excom m u nié avoir à scs obsèques 3oo prêtres, p lusieurs Monsignori et u n archevêque !
M ais l ’excom m u nication des chefs de la M aison de Savoie est entou
rée de toutes sortes d ’atténu ations. Q uand V icto r-E m m a n u el p rit pos
session du Q u irin al, il lu i fu t défendu d ’entendre la messe dans la chapelle privée dont se servait précédem m ent P ie IX . A la suite de négociations entre le chapelain ro yal, M s'r A n zin o , et le V a tica n , une nou velle chapelle privée fu t consacrée, dans laqu elle la fam ille royale p o u rrait entendre la messe et recevoir les sacrem ents. C ette concession était due à u n b re f accordé plusieurs siècles auparavant à la M aison de Savoie, en vertu d u q u el le chapelain royal devient, cle jure, prêtre paroissial p artou t et à tou t m om ent 011 réside la fam ille royale. Les choses sont restées dans l ’état. A Pâques, le curé de S a in t-V in cen t-et- A tbanase, paroisse du Q u irin al, bénit, selon la coutum e italienn e, tous les appartem ents d u palais, sau f ceux q u i sont occupés par la fam ille royale. C eux-ci sont réservés à la bénédiction du chapelain royal. E n 1899, des jo u rn a u x ayan t dit qu e les appartem ents ro yau x avaient été bénits, P Osserualore romano dém entit im m éd iatem en t, m ais se garda bien de préciser le véritable état de choses. T elles sont les ruses em ployées par le V atican pour jo u er ce double jeu : m ain ten ir l ’excom m u nication et ne pas l ’appliquer.
Mais Léon X III n ’abandonne rien de la p o litiq u e de Pie IX . Dans une conversation avec M. S cala, le directeur de Yllalia Reale, jou rn al cath oliqu e de T u rin , il confirm ait le com m u niq u é de VOsserualore
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romano : « R om e doit être au Pape, ajou ta le Pape avec une in to n ation énergiqu e et u n regard d écid é; j'a i été obligé a u jo u rd ’h u i d ’insérer dans YOsservatore romano quelques lignes dirigées contre certaines m anifestations excessives (la récitation de la prière de la reine M arguerite dans les églises) q u i pourraient, su rtou t au dehors, faire croire que le S a in t-S iè g e adhère aux actes accom plis à son détri
m en t et renonce à ses droits sacrés. »
L e parti papal reste u n parti révolu tion naire et anticon stitutionn el.
S ’il vote dans les élections locales, il s’abstient dans les élections légis
latives, afin de ne pas reconnaître le royaum e d ’Italie. C ’est une form e de loyalism e q u i débarrasse la Ch am bre des députés d ’un parti in con stitu tio n n el, m ais m aintient dans le pays u n parti de conspirateurs.
A u x élections de 1900, u n jo u rn a l conservateur ayan t dem andé au V atican de perm ettre aux catholiques de s u n ir aux conservateurs, YOsservatore romano répondit sévèrem en t: « P o u r qjie cet appel p û t etre entendu, une considération préalable serait nécessaire : la com plète et effective reconnaissance des droits de l ’Église. »
Q uoique les Jésuites n ’aient pas encore pu faire proclam er com m e dogm e le P o u vo ir tem porel du Pape, il sert de critériu m pour d éterm i
ner le catholicism e des fidèles. M. Iroland, l ’archevêque de S a in t-P au l, s’est fait pardonner ses libertés am éricaines en le proclam an t ; et, sans doute sur la recom m andation de notre am bassadeur au V atican , com m e pour le rem ercier de ce m anifeste, le gou vern em ent français a com m is la faute de .lui donner la L égion d ’h on neu r.
Si presque tous les Italiens sont catholiques, ils ne sont p oint fana
tiques com m e les E spagnols. Ils ont vu de trop près les hom m es et les choses d ’église pour ne p o in t ju stifier le dicton : « irrévérencieux com m e u n sacristain et sceptique com m e un cardinal ». Ils aim en t la pom pe des églises, q u i est certainem ent adaptée à leu r tem péram ent, puisque ce sont eux q u i .l’ont inventée. Ils l ’aim ent encore, su rto u t à R om e, parce q u ’elle attire des pèlerins et des étrangers q u i sont pour eux ce que les alpinistes sont pour les Suisses. E n échange de quelques pièces d ’or q u ’ils jetten t dans les hôtels et chez quelques m archands, la population leu r passe dédaigneusem ent leurs m anifestations p apa- lines et anti-italiennes ; m ais elles fortifient, chez les Italiens, l ’im pres
sion qu e l ’Italie est toujours exposée, de la part de la F ran ce en p articu lier, à u n e n ou velle E xpédition de R om e, et elles redoublent le fanatism e des pèlerins.
M algré les avantages m atériels que peut fou rn ir à R om e la clientèle des pèlerins, q u i en m oyen n e, ne m onte gu ère q u ’à u n e vin gtain e de m ille par an, c’est u n m alh eu r pour le m onde et pour l ’Italie que le
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Pape n ’ait pas q u itté R om e. S u r les ooo m illio n s de francs que les étrangers im p orten t en Italie, selon B odio, elle au rait' to u t profit à ne gard er que la part q u ’ y laissent les pèlerins de ses antiquités et de ses arts.
V III
LE C AT H O L I C I SM E E T LES C ON G RÉ GA TI O NS EN I T A L I E
L ’article Ier d u S ta tu t fondam ental de 1848 porte q u e « la religion cath oliqu e, apostolique et rom ain e est la seule religion de l’E tat ». Les autres cultes existants ne sont q u e tolérés; m ais la loi d u 19 ju in 1848 spécifie que « la différence de culte n ’entraîn e aucune distinction q u a n t à la jouissance des droits civils et politiques et q u an t à F adm issibilité aux em plois civils et m ilitaires ». L e recensem ent de 18 8 1 a été laïqu e, il ne s’est pas appliqué aux cultes.
G avour avait proclam é « l ’E glise lib re dans l ’E tat lib re ». La form ule peut être bonne, à la condition q u e les « Eglises » soient au p lu riel com m e aux E tats-U n is et q u ’elles ne dem andent rien à l ’E tat. Il en est tou t au trem en t en Italie, où il n ’y a q u ’une E glise, q u i n ’est p oint u n e association religieu se, m ais q u i est un corps p olitiq u e. L ’E tat n ’in tervien t p oint dans la n om ination de ses prélats ni de ses prêtres, et tan t q u ’ils ne com m ettent pas de délits de droit com m u n , ils ont toute liberté de to u t dire et de to u t écrire, m êm e contre le gou vern e
m ent q u i leu r donne 22 m illio n s par an. C ette som m e représente l ’in térêt des propriétés ecclésiastiques confisquées par les lois de 1866 et de 1867. Les m êm es lois ont été étendues à la province de R om e en 1870 ; mais la loi des garanties, q u i accorde une im m u n ité territo
riale au Pape, fait une .réserve expresse en faveur des généralats des ordres religieu x, sau f celui des Jésuites.
Il y a suppression légale dos ordres religieu x ; les m oines ne peuvent plus posséder à titre co llectif ni constituer des biens clc m ainm orte, m ais ils peuven t encore vivre en com m u n , et on voit des capucins traîner leu rs sandales dans les rues de G ênes, faire la quête assis sui
des ânes dans les environs de Naples et des bénédictins vous m ontrer, à V en ise, S an-G iorgio-M aggiore.
E n fait, les m aisons religieuses con tin u en t à exister, surtout celles des ordres q u i d irig en t des établissem ents d ’enseignem ent, com m e les B arnabites, les Scolopi et les Jésuites eux-m êm es, q u i cependant ont été expulsés. On a éludé la loi de suppression par des déclarations inexactes cl en m ettan t les propriétés et les établissem ents au nom d’u n des m em bres de la congrégation.
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IX
LA T U N IS I E E T LA T R I P L E A LL IAN CE
L e triom phe tics républicains, en 18 77, contre la tentative d u 16 M ai d u t rassurer le gou vern em ent italien contre toute tentative de res
tauration d u P o u vo ir tem porel du Pape de là part de la F ran ce : mais u ne autre question, soulevée en 1878 à propos de la concession de l ’E n fid a, faite à un Français en T u n isie , et q u i ab ou tit au protectorat de 18 81, provoqua un fort m ou vem en t d ’opinion contre la F rance.
M.. Jules F erry vou lait donner u n d érivatif a l ’op in ion p u b liq u e en la dirigeant vers des questions extérieures sur cl’autres continents q u e l’E urope. 11 considéra que l ’annexion de la T u n isie, déjà préparée par la garan tie d ’intérêts donnée au ch em in de fer B ô n e-G u clm a , était u n e occasion m agn ifiqu e d ’au gm en ter le dom aine colonial de la France.
On prit com m e prétexte des excursions de K ro u m irs. Les opérations m ilitaires com m encèrent le 3o m ars 18 81, et le 12 m ai le gén éral B réart força le boy M oham cd -es-Sad ock à signer le traité du Bardo avec celte restrictio n : « p u isq u ’il 11c peut pas faire au trem en t ».
E n su ite 011 bom barda Sfax, 011 occupa K airo u an . L e gou vern em ent français fu t soupçonné de vou loir annexer la T rip o litain e après T u n is, ce q u i ne paraît pas exact.
Il y avait de n om breu x Italiens en T u n isie, l ’Italie considérait que la T u n isie devait lu i reven ir. T o u t en désapprouvant cet acte p olitiq u e de la F ran ce, je disais alors que l ’Italie avait bien tort de croire ses intérêts com prom is par l ’occupation française ; qu e nous assum ions toutes les difficultés et tous les risques de l ’adm inistration et de la sécurité en T u n isie, et qu e forcém ent ce. seraient les Italiens q ui auraien t la plus gran de p artie des bénéfices d u nouvel état de choses ; que ce ne serait pas à « l ’expansion de la race française » en T u n isie que le gouvernem en t travaillait, m ais à celle de la race italienn e, pour m e servir des m ots à la m ode. On y com ptait alors 26000 catholiques, presque tous Italiens ou M altais: actu ellem ent on com pte en T u n isie 6 4ooo Italiens, i3ooo M altais et, en dehors des 10000 hom m es d u corps d ’occupation, 16000 F ran çais. A u point de vu e économ ique, l ’occupation de la T u n isie par la F ran ce n ’a point été n u isible à l ’Italie ; et cependant nous ne pratiqu ons pas la politique de la porte ouverte.
Avec la p o litiq u e de la porte ouverte, il im porte peu q u ’u n pays soit occupé par tel ou tel groupe eth nique, p ou rvu q u ’il garantisse à chacun la liberté et la sécurité des personnes et des choses. C ette
IN T R O D U C T I O N X V
garantie devient une charge p ou r les possédants et un bénéfice pour ceux qui en profitent.
•La propriété im m ob ilière se transform e en propriété m obilière : de m êm e la p o litiq u e territoriale doit se transform er en p o litiq u e m obi
lière. C h aque n ation doit com pter, pour son développem ent, non sur la rigid ité de sa stru ctu re et l ’im p erm éab ilité de ses frontières, mais sur sa facilité d ’absorption et d ’expansion. L a vie n ’est q u ’u n e série de phénom ènes d ’endosm ose et d ’exosmose.
Les hom m es d ’É tat italiens, pas plus qu e les hom m es d ’É tat fran
çais, du reste, n ’en sont encore à cette conception. L a France occupa la T u n isie et donna l ’Italie à l ’A llem agn e. Restée isolée ju sq u ’au congrès de B erlin de 1878, l ’Italie entra de fait dans la T rip le alliance en 1882. L e traité d éfin itif fu t signé le i3 m ars 1887 ; le m arquis di R u d in i le renou vela en 18 91, u n an avan t q u ’il ne fût expiré, pour ju s q u ’au m ois de mai 1902.
Les vieilles rivalités de l ’A u trich e et de l ’Italie d isparurent. Les irrédentistes, q u i avaient espéré le T y ro l italien et T ricstc en échange de l ’occupation de la Bosnie et de l ’H erzégovine par l ’A u trich e, se calm èrent et ne réclam èren t plus que Nice.
X
l’a n g l e t e r r e e t l’i t a l i e
M ais ce n ’est pas seu lem ent sur la T rip le alliance qu e s’appuie l ’Italie. E lle considère que l ’A ng leterre est la m eilleu re garantie pour elle contre les entreprises du Pape. T an dis que YOsservatore romano et la Voce délia Verità ne cessent de déchaîner l ’anglophobie dans le m onde cath oliqu e, le gou vern em ent italien, reste fidèle à l ’A n g leterre.
A u mois de février 1900, le m in istre des affaires étrangères italien, M, V isco n ti-V en o sta, n ’hésita pas à exprim er tou te la sym pathie d u gou vern em ent pour l ’A n g leterre dans le conflit sud-africain et, au m ilieu des applaudissem ents, il affirm a « les relations de traditionnelle am itié » cjui unissent les deux pays. Il ne fau t pas nous faire d ’illu sion : en cas de gu erre, nous trouverions contre nous, dans la M édi
terranée, les escadres de l ’A n g leterre et de l ’Italie.
A vec une au tre p o litiq u e, nous eussions p u les trou ver avec nous.
Ce serait in u tile d ’essayer de dissim uler la faute capitale com m ise par la p o litiq u e extérieu re de la F ran ce depuis 1871 ; et m alheu reusem ent nous y persistons.
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XI
l’é r y t h r é e
L e gou vernem ent italien fu t p iq u é de la tarentule coloniale. Il devait renoncer à occuper la T u n isie. A vec un enfan tin sentim ent de revanche, il vo u lu t transform er en colonie u n petit dépôt de charbon que la com pagnie R u b attin o avait établi dans la baie cl’Assab, sur la m er R ouge, et q u ’elle avait cédé en 1870 au gou vern em ent italien.
E n 1885, il envoya des troupes occuper M assouah, peut-être afin d ’aider l ’A n gleterre dans son expédition du Soudan.
Il en tretin t des relations am icales avec Jean, le N égus d u Soudan, dans le b u t d ’attirer vers M assouah le com m erce de l ’in térieu r. Mais u n des chefsAbyssins, le Ras A lu la , su rprit près de D ogali une troupe de cin q cents Italiens q u ’il m assacra (26 jan vie r 1887).
Les Italiens s’allièrent alors à M énélik, roi du Clroa, q u i s’était révolté contre le N égus. C elui-ci m o u ru t des' suites cl’une blessure en m ars 1889. M énélik, pour triom pher de ses adversaires, fit les plus géné
reuses promesses à C rispi. C elu i-ci donna à la colonie italienn e le n om d ’E ry th réc et établit le protectorat italien sur les vastes terri
toires des Som alis. L ’Italie p u t croire q u ’elle allait fonder u n grand em pire en A friq u e.
Mais dès que M énélik fut devenu le souverain de l ’A byssin ie, il déclara q u ’il n ’avait pas le m oindre désir de subir le protectorat de l ’Italie. U n déficit d e 200 m illio n s de lire en 1889 renversa, en 18 9 1, Crispi du pouvoir. Les derviches attaquèren t le fort d ’A gord at en 189.3, m ais fu ren t repoussés. Crispi revin t au pouvoir en 1890 et le général B araticri fu t envoyé p ou r engager une action contre l ’A byssinie. E n ju ille t 1894, il expulsa les D erviches de K assala et garan tit de ce côté la sécurité de l ’E ry th réc. Mais le Ras M angascia, dans le T ig ré, ayan t une attitu d e suspecte, le général B a ra ticri cru t q u ’il devait p révenir son h o stilité par m archés forcées ; il le su rp rit à C oati t et à Senafeli, en ja n v ie r 1896, et occupa le T ig ré.
M énélik vin t au secours d u Ras M angascia et, dès que la saison fu t favorable, il déborda avec une arm ée de cent m ille hom m es, a u x quels le gou vern em ent de l ’É ryth rée ne p ouvait opposer qu e qu el
ques m illiers d ’hom m es. Les m inistres italiens, pleins d ’illusions, avaient vou lu faire une p olitiq u e d ’expansion sans en m on trer les conséquences au P arlem en t et sans lu i dem ander les ressources néces
saires pour y faire face. C ’était la négation d u gou vern em ent p arle
m entaire, q u i est u n gou vernem ent de discussion et de publicité.
I N T R O D U C T I O N -
\ \ H
L e 7 décem bre i8g5, le m ajor T o sclli avec deux m ille hom m es était écrasé et tu é à À m b a-A la gi ; le 26 ju in 1896, la v ille de M akâleh, après une héroïq u e résistance, était obligée de capituler ; B aratieri, poussé par les m inistres, q u i entendaient subordonner les opérations stratégiques aux nécessités de la tactiq u e p arlem entaire, engagea une b ataille, le 1 e1' m ars 1896, à A doua, contre les retranchem ents des A byssins. E lle coûta à l ’arm ée italienn e 7000 m orts, plus a 000 in digènes, et 1 500 Italiens allèren t, com m e prisonniers, orner, le triom p h e de M énélik. L a nouvelle de ce désastre provoqu a la chute de C rispi. Le m arquis di R u d in i, q u i lui succéda, abandonna n ettem ent cette p olitiq u e coloniale, ob tin t de M énélik la restitu tion des prisonn iers, renonça au T ig ré, fixa les lim ites d u territoire italien à la lign e M areb-B elesa-M u na, et les Italiens cédèrent K assala aux A nglais.
C et échec fut sensible aux Italiens ; m ais cependant la m ajorité n ’avait jam ais partagé les am bitions de C rispi. B eaucoup d i
saient q u ’avant d ’aller coloniser l ’A friq u e, l ’Italie avait sur son territo ire de vastes espaces où p o u vait s’em ployer l ’activité coloni
satrice de ceux q ui préconisaient la p o litiq u e d ’expansion. L.’E r y - th réc a coûté 069 m illions de lire au x Italiens ; il fau t y ajouter 17b m illions résu ltan t des pertes de m atériel m ilitaire et c!approvi
sionnem ents.
C epen dan t cette expérience n ’a pas sulli. L ’Italie a dépensé 3 m il
lions pour la C rète, à laqu elle, en plus, elle a prêté u n m illion.
E lle veu t jou er u n rôle en C h ine, où, une seule année, r8g5, ses exportations on t dépassé u n m illio n de lire !
X II
LA P O L I T I Q U E FI N A N C I È R E E T ÉCO N O M IQ UE DE l'iT A L I E
L ’Italie a pou rsu ivi l ’om bre, alors q u ’elle au rait d û com m encer par constituer solidem ent son gouvernem en t et se faire de bonnes finances.
O r, M. C a n o v a i1 estim e le to ta l des im pôts à 1 209 m illions de lire, soit 4o,64 par h ab itan t, tandis que le Français paie 7 6 ,18 francs et l ’A nglais 53,70 .
Mais si on com pare l ’im pôt à la richesse privée, q u i serait de 54 m il
liards en Italie, il s’élèverait à 2,33 pour 100, chiffre supérieur à celui de toutes les autres nations européennes. D ’après le m ôm e calcu l, les
1. T i t o C a n o v a i , L ’ I t a l i a p r é s e n te , 18 9 8 .
Bo l t o n Ki n'g. I. — b
X V I I I I N T R O D U C T I O N
dépenses m ilitaires, m on tan t à 874 m illions de lire, représen
teraient 0,70 p ou r 100 de la richesse privée, tandis q u ’elles ne repré
senteraient que 4o et quelques centim es p ou r les autres grandes nations de l ’E u rope.
L a dette p u b liq u e est de i3 m illiard s de lire ; elle représente 34,07 pour 100 de la richesse p rivée; u n in térêt de 703 m illio n s, soit i ,3o n et p ou r 100 du reven u de la richesse privée. L e pays q u i vien t après l’Italie, c’est l ’A utriche-LIongrie avec ses 1 3 9 7 a m illio n s; m ais ils ne représentent que 1 6 ,a5 de la richesse et com m e in térêt 0 ,76.
S u r les revenus nets des h ab itan ts, l ’im pôt com pterait pour 17 ,3 1 pour 100, dont 5, i4 p ou r les dépenses m ilitaires et 9 ,6 7 pour 100 p ou r le service d e là dette. Il n ’y a q u ’u n pays q u i dépasse le prem ier chiffre, c’est l ’Espagne.
L e coû t des chem ins de fer italiens, y com pris le m atériel, est de 4 6oo m illions, auxquels il y a lieu d ’ajou ter 3 m illiards p o u r les che
m ins de fer appartenant à l ’E tat. L e reven u net de tous les chem ins de fer italiens est de 1,9 9 pour 100. O r, les chem ins de fer italiens, ceux de l ’E tat et ceux des Sociétés privées, ayan t u n in térêt garan ti de 5 pour 100, l ’E tat paie la différence, soit 90 m illions. II paie en plus a3o m illions pour subventions, etc. (to tal 3a o ). C om m e le rendem ent net des chem ins de fer est de 82 m illions, c’est donc, ann u ellem ent une som m e de a4o m illions q u i vie n t peser sur le b u d g et de l ’É tat.
Les dépenses d ’exploitation sont de 6 7,8 p ou r 1 0 0 , chiffre supérieur à celui de tous les autres pays. S i les tarifs sont chers, le n om bre des billets avec réduction de tarifs a dépassé 1 3 0 0 0 0 0 pour i8g3, d ’après u n docum ent p aru en (899. O n a m ôm e préten d u q u ’ils au gm en taien t en période électorale. On va com m encer 18 nouvelles lignes q u i coûteront a 1 m illio n s et on en propose de nouvelles ; en attendant, on m anqu e con stam m ent de w agons pour desservir le port de Gènes.
L e b u d get de 1898-1899 s’est réglé par 1 y54 m illions de recettes effectives et 1 770 m illions de d épenses1 ; déficit, i583o o o o lire. S u r les chiffres d u b u d get de 1899-1900, le b u d g et clc la gu erre com pte pour 266 m illions, celui de la m arine pour 1 ao ; m ais le m in istre de la gu erre dem ande en plus 3g3 m illions à reporter sur vin gt-cin q années.
On dit q u ’u n e grande partie est destinée à p ou rvoir les m agasins m ilitaires d ’arm es, provisions, e tc ., dégarnis lors de la gu erre d ’A friq u e, et que c’est là u n e des conditions d u ren ou vellem en t de la T rip le
1. V o ir , dans le M a r c h é fin a n c ie r pu b lié par A . R affalo vich , les rem ar
quables études de M . V ilfred o P areto sur les finances de l ’Italie.
I N T R O D U C T I O N X I X
alliance. Le m inistre de la m arin e dem ande aussi u n budget extraor
dinaire; de dépenses p ou r m ettre en chantier deux cuirassés q u i coû
tero n t 4 2 m illio n s et seront construits dans les ateliers de l ’E tat, où le kilo de m em bru re revien t à o fr. 57, tandis q u ’ il ne revien t q u ’à o fr. a5 dans l ’in dustrie privée ; mais le m in istre doit donner cle l ’ouvrage aux [78 0 0 ouvriers des arsenaux, don t il prom et, du reste, la réduction grad u elle.
E n (866, en raison des besoins urgents de la gu erre, on décréta le cours forcé, d'abord des billets de la B anca N azionale, puis de ceux des d eux B anques toscanes (B anca N azionale toscana et Banca di C rcd ito ), puis des Banques de Naples et cle Sicile ; il a été m odifié et réglem en té ensuite ; m ais accorder le p rivilège d’ém ettre des billets à l ’E tat et à trois B anques en m êm e tem ps (q u i jou issen t d ’un créd it diffèren t) est une erreu r économ ique q u i ne p eu t s’excuser en p artie que par ce fait que l ’Italie fut constituée d ’u n coup par l ’agrégation de sept É tats différents ayan t des systèm es divers. C epen dan t les m inistres des finances ont fait de louables efforts pour retirer de la circulation une certaine quantité de papier. A la lin de l ’exercice 18 9 8 -18 9 9 , les ém issions garanties se m on taien t à 280 m illions sur 600.
L e change a été en 1899 de 6 à 7 pour 100 au d étrim en t de l ’Italie.
On se débat au m ilieu de difficultés fiscales dans lesquelles repa
raissent les oppositions des diverses parties de l ’Italie. D ’après M. Viclari *, l ’Italie d u N ord possède 48 pour 100 de la richesse natio
nale et elle ne paye que 4o p ou r 100 des im p ô ts; le reste du pays, q u i ne possède que 5a p ou r 100, paye 60 pour 100. L ’Italie centrale possède a,5 pour 100 de la richesse nationale et paye 28 pour 100 des im pôts ; l ’Italie m éridionale, q u i possède 27 pour 100 de la richesse n ationale, paye 3a p o u r 100 des im pôts.
L ’im pôt sur les revenus m obiliers est arrivé à ce résu ltat constaté par le m inistère des finances en 18 9 4 : il n ’y a q u e 35 m édecins, 66 avocats, 16 notaires et 11 in gén ieurs et architectes taxés p ou r un revenu excédant 10000 lire p ar an. Les m auvaises langues prétendent que les revenus des am is du gou vern em ent sont tou jou rs dim inués en apparence et sont ainsi augm entés réellem en t du dégrèvem ent de l ’im pôt au q u el ils auraien t dti être soum is. C om m e dans presque tous les pays, l’im pôt est progressif à rebours. Le sel paye 4oo fois sa valeu r : aussi des boulangers ven den t d u pain non salé avec une dif
férence de p rix !
1 . Er c o l e Vi d a r i, L a p r é s e n te V ita I t a lia n a p o L itic a e s o c ia le , 1 8 9 9 .
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E n 1898 (p o u r ne pas parler des années précédentes) la législation sur les grains a changé sept fois. E n 1897, on avait récolté en Italie 3o m illions d ’hectolitres de blé ; en 1898, on en récol te près de 47 m il
lions d ’hectolitres : le p rix du pain n 'a pas bougé.
M . G. F io rctti a donné le détail des im pôts q ui grèven t u n q u in tal m étriq u e de grain en Italie. Il suppose (pie le p rix d u blé est de 25 lire, le change de 6 pour 100. L e droit d ’entrée est de 7,60, l ’octroi sur les farines de a ,5o. Il arrive à i5 lire d ’im pôts et de frais pour 100 kilogram m es de pain.
L ’Italie ne p ro d u it que 10 hectolitres de blé par hectare, dans ces dernières années u n peu plus cl’ un hectolitre par habitan t. L ’Italien m ange du m aïs, q u i lu i donne la pellagre et souvent, dans les provinces du sud, il est réd u it, com m e l ’E spagn ol, à h u m er le soleil.
E n m ôm e tem ps, on provoque, en don nant 09 lire de prim e à la fabrication, la production d u su cre; de plus, le fabrican t ne paye q u ’au m oyen de lettres de change à six. m ois sans in térêt, et il bénéficie de réductions de tarifs de chem ins de fer pour le transport d u sucre et de la betterave.
L a protection est de 87 pour 100 de la valeu r du sucre étranger, si bien que le p rix d u sucre est trois fois plus élevé q u ’en Suisse ; et la consom m ation est de 2 kilogram m es et dem i par tète d ’habitan t, tandis q u ’en A n g leterre elle est de 42 !
Les prim es sur les constructions navales mon ten t à 19 5oo 000 lire ; on veut en changer le systèm e, m ais les m aintenir. C ependant ces prim es, com m e en F ran ce, n ’ont abouti q u ’à faire payer plus cher des constructions q u ’on au rait p u acheter à l ’étranger.
Elles ont servi à constituer le syndicat m éta llu rgiq u e de T ern i, fondé en 1896 par les producteurs de fer et cl’acier.
La gu erre de tarifs cpie se sont faite la F ran ce et l ’Italie et q u i est une honte pour d eux peuples q u i se prétendent les plus avancés en évolution, avait p ro d u it des.résultats : en 1880 la France exportait en Italie 3o5 m illions de lire ; l ’Italie en F ran ce 5o3. E n 1888, après la ru p tu re, les exportations de la France, tom bèrent à 155 et celles de l ’Italie à 170. E lles con tin u èrent de d im in u er. L e 21 novem bre 1898, u n n ou vel accord bien insuffisant a eu lieu : en 1899 les expor
tations de F ran ce en Italie sont de i5a m illions et celles de l ’Italie en france sont rem ontées à 201 ; elles n ’ont pas encore repris m êm e leu r chiffre de 1888.
M. T i to Canovai estim e que l ’Italien épargne 3,5o pour 100 par rapport à la richesse d u pays, l ’A nglais 1,52 et le F ran çais 1,8 5. Mais il se p lain t que l ’Italien , au lieu d ’em ployer ses capitaux, les laisse
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d o rm ir. E n 18 97, les caisses d ’épargne ordinaires contenaient 1 343 m illio n s de lire, les caisses postales, 53 6, les banques d ’ém ission 175 m illions de dépôt. On arrivait à u n total de dépôts de 3,024 m il
lions. C ’est la preuve q u ’il y a des ressources en Italie et q u ’il ne s’agit q u e de les m ettre en œ u v re 1.
X III
LE S O CI A LI S M E E T LE S É M E U T E S DU PAIN
Les gou vern an ts italiens sont étonnés, com m e ceux de beaucoup d ’autres peuples, du développem ent d u socialism e. C ependant ils font d u protection nism e, to u t n atu rellem en t, croyant q u ’ils servent les in térêts dits de la bourgeoisie. Ils ne réfléchissent pas q u ’ils é ta blissent artificiellem en t des foyers de socialism e, en d rain an t de la cam pagne des populations d ’hom m es et de fem m es vers la fabrique, l ’usine et la ville. Ils savent, ces salariés, que ces industries ne viven t que parce que l ’É tat protège le travail n atio n al ; ils disent, ils pro
clam en t que le travail n atio n al, c’est eu x, et que les profits doivent le u r appartenir.
U n e pareille p o litiq u e n ’est qu e l ’organisation des crises sociales ; et le jo u r où elles éclatent, ceux q u i d evraient en supporter la res
ponsabilité sont ceux q u i les on t systém atiqu em ent et aveuglém ent préparées. E n général, ce sont les m êm es hom m es d ’E ta t q u i sont chargés de les rép rim er ; et ils font expier leu rs propres erreurs à leu rs victim es.
E n m ai 1898, les ém eutes du pain éclatèrent en dix jo u rs à B ari, Eaenza, F o gg ia , M onza, Bise, Naples, T révise, G enzano près de R om e. Les autorités, avec leu r faiblesse h ab itu elle, leu r ignorance économ ique, devant les som m ations des ém eutiers p ro m iren t l ’abais
sem ent d u prix d u pain . L e d roit de 7 fr. 5o fu t aboli pen dant u n m ois ; le gou vern em ent p erm ettait aux socialistes de dire, dans leu r m anifeste du i4 m ai, q u ’ils « en avaient dem andé l ’abrogation avant l ’élévation d u p rix d u pain ».
A M ilan, dans la n u it du dim anche 8 m ai, 3oo personnes fu ren t blessées, 82 tuées.
Le général Bava avait été im p u issan t ; il fa llu t am ener la m oitié d ’un corps d ’arm ée.
1. Vo.ir, dans le D ic t io n n a ir e d u c o m m e r ce, d e l ’in d u s t r ie e t de la B a n q u e , pu b lié sous la d irection do M M . Y v e s G iiyol e t A . R affalovich, les articles I t a lie , G ên e s, M ila n , etc., par M. H en ry B lan c, secrétaire de la C h a m b re de com m erce française de M ilan,