POLONICI MATHEMATICI LXIX.2 (1998)
Pr´ eparation des fonctions sous-analytiques globales et lieu d’analyticit´ e
par Jean-Marie Lion (Dijon)
Abstract. We give a new proof of Kurdyka–Tamm’s theorem on the analytic locus of a subanalytic function.
0. Introduction. L’objet de ce travail est de donner une nouvelle d´ e- monstration du th´ eor` eme de Tamm–Kurdyka [Ta], [Ku] sur la sous-analyti- cit´ e du lieu d’analyticit´ e des fonctions sous-analytiques globales (voir aussi [BM] et [DM]). Nous allons d´ eduire ´ el´ ementairement ce r´ esultat d’un th´ eo- r` eme de pr´ eparation des fonctions sous-analytiques globales [Par], [LR]. Le lecteur peut tr` es facilement adapter la m´ ethode expos´ ee ici pour retrouver le r´ esultat de van den Dries et Miller [DM] sur le lieu de r´ egularit´ e des x
λ-fonctions. L’ingr´ edient ` a ajouter est le th´ eor` eme de pr´ eparation pour les x
λ-fonctions expos´ e dans [LR].
I. D´ efinitions et r´ esultats. Un sous-ensemble X de R
dest un sous- ensemble semi-analytique si pour tout point a de R
dil existe un voisinage ouvert U , un entier p et des fonctions analytiques (f
i,j)
i,j≤pet (g
i,j)
i,j≤pd´ efinies sur U tels que X ∩ U = [
i≤p
\
j≤p
{x ∈ U | f
i,j(x) = 0, g
i,j(x) > 0}.
Un sous-ensemble X d’une vari´ et´ e analytique M de dimension d est un semi-analytique dans M si pour tout plongement analytique φ de R
ddans M, l’ensemble φ
−1(X) est un semi-analytique de R
d. Nous renvoyons le lecteur aux travaux de Lojasiewicz [ Lo1,2] pour les propri´ et´ es des semi-ana- lytiques.
On munit la droite projective r´ eelle P
1de sa structure alg´ ebrique usuelle qui est donn´ ee par l’´ equivalence “[x : 1] ∼ [1 : y] ssi xy = 1”. La droite r´ eelle
1991 Mathematics Subject Classification: Primary 32B20.
Key words and phrases: density, subanalytic subsets, pfaffian subsets.
[167]
R est alg´ ebriquement plong´ ee dans P
1. Un sous-ensemble X de R
dest un sous-analytique global s’il existe un entier m et un ensemble Y inclus dans R
d+mqui est semi-analytique dans P
d+m1tel que X = π(Y ) o` u π d´ esigne la projection canonique de R
d+msur R
d.
Gabrielov [Ga] a d´ emontr´ e que les sous-analytiques globaux poss` edent la propri´ et´ e fondamentale suivante : la diff´ erence de deux sous-analytiques globaux est un sous-analytique global.
Une fonction f d´ efinie sur un sous-ensemble U de R
det ` a valeurs dans R est sous-analytique globale si son graphe est un sous-analytique global de R
d+1. On d´ eduit du th´ eor` eme du compl´ ementaire que le domaine de d´ efinition d’une fonction sous-analytique globale, son lieu de discontinuit´ e, le lieu o` u elle n’est pas C
N, N ∈ N ´etant un entier fix´e, sont des sous- analytiques globaux. Le r´ esultat de Tamm et Kurdyka dont on va proposer une d´ emonstration ´ el´ ementaire g´ en´ eralise cette derni` ere propri´ et´ e.
Th´ eor` eme de Tamm–Kurdyka [Ta], [Ku]. Soit f une fonction sous- analytique globale d´ efinie sur un sous-ensemble U de R
d. Le lieu S
ωdes points o` u f n’est pas analytique est un sous-analytique global. Il existe un entier N tel que S
ωsoit ´ egal au lieu S
Ndes points o` u f n’est pas de classe C
N.
Le th´ eor` eme de pr´ eparation des fonctions sous-analytiques globales de [Par] et de [LR] va nous permettre de prouver cet ´ enonc´ e. Dans le chapitre suivant nous en donnons une version adapt´ ee au probl` eme.
II. Quelques propri´ et´ es des objets sous-analytiques. Enon¸ cons deux cons´ equences imm´ ediates du th´ eor` eme du compl´ ementaire.
• Soient X
0, . . . , X
rdes sous-analytiques globaux de R
n+1. Il existe une partition finie P de R
n+1en cylindres sous-analytiques globaux adapt´ ee
`
a la famille X
0, . . . , X
r: si C ∈ P et si i = 0, . . . , r alors C ⊂ X
iou C ∩ X
i= ∅ et C est de la forme {y ∈ B, φ(y) < z < ψ(z)} ou de la forme {(y, φ(y)) | y ∈ B} o` u B est un sous-analytique global de R
net φ < ψ sont des fonctions sous-analytiques (´ eventuellement φ = −∞ ou ψ = +∞).
• Soient φ
0, . . . , φ
rdes fonctions sous-analytiques globales d´ efinies sur un sous-analytique global U de R
n. Quitte ` a partitionner finiment U en sous- analytiques globaux et ` a r´ eindexer la famille, on peut la supposer ordonn´ ee.
Les fonctions sous-analytiques admettent la pr´ esentation suivante.
Proposition 1 (d’apr` es [Par] et [LR]). Soient φ
0, . . . , φ
rdes fonctions
sous-analytiques globales born´ ees d´ efinies sur un sous-analytique global
Y × ]0, 1[ inclus dans ]0, 1[
n+1. Il existe une partition finie S en sous-ana-
lytiques globaux de Y telle que pour chaque sous-analytique global B de S
l’´ enonc´ e suivant est v´ erifi´ e : il existe des entiers k ∈ N, q ∈ N, et p
0, . . . , p
r∈
N, des fonctions sous-analytiques globales a, ψ
0, . . . , ψ
k, A
0, . . . , A
rd´ efinies sur B, ` a valeurs dans ]0, 1[ et avec a < ψ
0, des r´ eels M
0, . . . , M
r, des s´ eries enti` eres U
0, . . . , U
rd´ efinies au voisinage du polydisque ∆
k+1= {|t
0|, . . . , |t
k|
≤ 1} de C
k+1et ` a valeurs dans [1/2, 1] tels que
φ
i(y, z) = M
i· (z/ψ
0)
pi/q· A
i· U
i((z/ψ
0)
1/q, ψ
1, . . . , ψ
k) si i = 0, . . . , r et (y, z) appartient au cylindre {y ∈ B, z ∈ ]0, a(y)[ }.
Cette proposition est voisine de r´ esultats de [Paw] et de [ LTZ]. Elle permet de comprendre le d´ efaut d’analyticit´ e par rapport ` a une variable d’une fonction sous-analytique globale. Elle se d´ eduit du th´ eor` eme 1 de [LR] de la fa¸ con suivante.
Pr´ eparons simultan´ ement les fonctions φ
0, . . . , φ
r(th´ eor` eme 1 de [LR]
et affirmation 1.1.5 de [LR]). On obtient une partition finie T en cylindres sous-analytiques globaux de Y × ]0, 1[. On ne retient que les cylindres de T de la forme C = {(y, z) | y ∈ B, z ∈ ]0, a(y)[ }, o` u B est un sous- analytique global et a une fonction sous-analytique globale d´ efinie sur B et strictement positive. Les bases B de ces cylindres forment la partition S de Y. En restriction ` a chacun de ces cylindres les fonctions φ
iadmettent l’´ ecriture voulue : contrairement ` a la situation g´ en´ erale de [LR], ici p
i6∈ Z
−et l’unit´ e U
iest ind´ ependante d’un terme de la forme (Ψ
0/z)
1/qcar sur les cylindres C, la variable z est arbitrairement petite et les fonctions φ
isont born´ ees.
III. D´ emonstration du th´ eor` eme de Tamm–Kurdyka. D’apr` es le th´ eor` eme du compl´ ementaire, il suffit de traiter le cas d’une fonction sous-analytique globale f d´ efinie sur R
d, ` a support dans ]0, 1[
det born´ ee.
On note l
0(x, x
0) la fonction sous-analytique globale d´ efinie sur ]0, 1[
d× ]−1, 1[
dpar l
0(x, x
0) = f (x + x
0). Pour d´ emontrer le th´ eor` eme on va montrer l’existence d’un entier N et de fonctions sous-analytiques globales l
1(x, x
0), . . . , l
d(x, x
0) d´ efinies sur ]0, 1[
d×]−1, 1[
det v´ erifiant les propri´ et´ es suivantes.
Soit i = 1, . . . , d et (x, x
01, . . . , x
0d−i) ∈ ]0, 1[
d× ]−1, 1[
d−i:
• Il existe ε > 0 tel que la fonction
(x
0d−i+1, . . . , x
0d) 7→ l
i(x, x
01, . . . , x
0d−i, x
0d−i+1, . . . , x
0d) est analytique sur le polydisque ]−ε, ε[
i.
• Si la fonction (x
0d−i+1, . . . , x
0d) 7→ l
i−1(x, x
01, . . . , x
0d−i, x
0d−i+1, . . . , x
0d) est de classe C
Nen 0 ∈ R
ielle est analytique au voisinage de 0 ∈ R
iet elle co¨ıncide avec (x
0d−i+1, . . . , x
0d) 7→ l
i(x, x
01, . . . , x
0d−i, x
0d−i+1, . . . , x
0d) sur le polydisque ]−ε, ε[
i.
Supposons avoir prouv´ e l’existence de l’entier N et des fonctions l
1, . . . , l
det finissons la preuve du th´ eor` eme. Soit x
0∈ ]0, 1[
d. Etant donn´ ees les
propri´ et´ es des fonctions sous-analytiques globales l
i, les trois conditions sui- vantes sont ´ equivalentes :
(i) La fonction f est de classe C
Nen x
0.
(ii) La fonction f est analytique au voisinage de x
0.
(iii) La fonction f co¨ıncide avec la fonction l
d(x
0, x − x
0) au voisinage de x
0.
Puisque les conditions (i) et (iii) sont des conditions sous-analytiques globales, le th´ eor` eme est d´ emontr´ e.
IV. Existence des fonctions l
1, . . . , l
det de l’entier N . Pour d´ e- montrer l’existence des fonctions l
1, . . . , l
det de l’entier N il suffit d’utiliser d fois les trois lemmes qui vont suivre. On d´ eduit l
ide l
i−1en appliquant les trois lemmes avec θ = l
i−1, n = 2d − i, n
0= i − 1, y = (x, x
01, . . . , x
0d−i), z = x
0d−i+1et u = (x
0d−i+2, . . . , x
0d). La fonction l
iest la fonction l ainsi obtenue.
Cette construction est possible car la fonction l
0v´ erifie les hypoth` eses du lemme 1 et si l
i−1les v´ erifie c’est aussi le cas pour l
i. L’entier N est le plus grand des entiers Q
iobtenus dans cette construction.
L’objet des trois lemmes et d’´ etudier le lieu des points d’analyticit´ e par rapport aux n
0+ 1 derni` eres variables d’une fonction sous-analytique globale qui est analytique par rapport aux n
0derni` eres variables.
Lemme 1. Soit θ une fonction sous-analytique globale born´ ee de ]0, 1[
n× ]0, 1[ × ]0, 1[
n0. On suppose qu’il existe une partition finie P en sous-analy- tiques globaux de ]0, 1[
ntelle que sur chaque sous-analytique global Y de P, la fonction θ admet une ´ ecriture de la forme suivante : il existe des fonctions sous-analytiques globales α d´ efinie sur Y et β, φ
0, . . . , φ
rd´ efinies sur Z = {(y, z) | y ∈ Y, z ∈ ]0, α(y)[ }, toutes ` a valeurs dans ]0, 1[ et β < φ
0, et une s´ erie enti` ere g d´ efinie au voisinage du polydisque ∆
n0+r= {(t
1, . . . , t
n0+r) | |t
i| ≤ 1} tels que
θ(y, z, u) = g(u
1/φ
0, . . . , u
n0/φ
0, φ
1, . . . , φ
r) si (y, z) ∈ Z, u ∈ ]0, β(y, z)[
n0. Alors chaque Y ∈ P admet une partition sous-analytique finie P
Ytelle que pour chaque sous-analytique global B de P
Yl’´ enonc´ e suivant est v´ erifi´ e : il existe des entiers k
0∈ N, q, p ∈ N et ε ∈ {−1, 1}, des fonctions sous- analytiques globales a, A, ψ
0, . . . , ψ
k0d´ efinies sur B et ` a valeurs dans ]0, 1[
avec a < ψ
0, α et β(y, z) < 2A
εa
p/qsi 0 < z < a et une s´ erie enti` ere G d´ efinie au voisinage du polydisque ∆
n0+k0+1= {(t
0, . . . , t
n0+k0) | |t
i| ≤ 1} tel que
θ(y, z, u) = G((z/ψ
0)
1/q, u
1/(A
εz
p/q), . . . , u
n0/(A
εz
p/q), ψ
1, . . . , ψ
k0)
si (y, z) appartient au cylindre {y ∈ B, z ∈ ]0, a(y)[ } et u ∈ ]0, β(y, z)/2[
n0.
P r e u v e. Il suffit d’appliquer la proposition 1 aux fonctions φ
0, . . . , φ
r: on obtient des fonctions a, ψ
0, . . . , ψ
k, A
0, . . . , A
ret des entiers q, p
0, . . . , p
ret k. On pose p = p
0, k
0= k+r+1 et ψ
k+i+1= A
isi i = 0, . . . , r. En raffinant la partition obtenue, on obtient les in´ egalit´ es voulues. En particulier, on obtient des cylindres sous-analytiques {y ∈ B, z ∈ ]0, a(y)[ } sur lesquels φ
0admet l’´ ecriture
φ
0(y, z) = M
0· (z/ψ
0)
p/q· A
0· U
0((z/ψ
0)
1/q, ψ
1, . . . , ψ
k)
avec M
0A
0/ψ
0p/q≤ 1 ou ψ
p/q0/(M
0A
0) ≤ 1. Dans le premier cas on pose A = M
0A
0/ψ
0p/qet ε = 1. Dans le second cas on pose A = ψ
0p/q/(M
0A
0) et ε = −1. Ceci permet d’´ ecrire θ sous la forme
θ = g ◦ L ◦ ((z/ψ
0)
1/q, u
1/(A
εz
p/q), . . . , u
n0/(A
εz
p/q), ψ
1, . . . , ψ
k0) o` u les fonctions coordonn´ ees de l’application L = (L
1, . . . , L
n0+r) sont des s´ eries enti` eres d´ efinies au voisinage du polydisque ∆
n0+k0+1et les fonctions a, A, ψ
0, . . . , ψ
k0satisfont les conclusions du lemme. La s´ erie G est la com- pos´ ee g ◦ L.
Les notations sont celles du lemme 1. Soit Y ∈ P. Quitte ` a raffiner la partition P
Yon peut supposer que tout sous-analytique global B de P
Ydont l’adh´ erence rencontre ]0, 1[
n−1×{0} est un cylindre de la forme {(y
0, y
n) | y
0∈ B
0, 0 < y
n< α
0(y)}
o` u B
0est un sous-analytique global inclus dans ]0, 1[
n−1et α
0est une fonc- tion sous-analytique globale d´ efinie sur B
0et strictement positive. On note P
Y0la sous-famille de P
Yform´ ee par ces cylindres. Les bases de ces cylindres forment une partition de ]0, 1[
n−1.
Le lemme suivant reprend les notations du lemme 1. C’est un lemme de scission analogue au lemme du paragraphe 1.6 de [LR].
Lemme 2. Soit Y ∈ P et B un cylindre de P
Y0. Il existe des s´ eries enti` eres L, R
1, . . . , R
q−1d´ efinies au voisinage de ∆
n0+k0+1et W
1, . . . , W
n0d´ efinies au voisinage de ∆
2n0+k0et des fonctions sous-analytiques globales l
B, r
1, . . . , r
q−1et w ` a support le polycylindre
{y ∈ B, |z| ≤ a(y), |u
1|, . . . , |u
n0| ≤ A
εψ
p/q0} telles que si y ∈ B, z ∈ ]0, a(y)[ et u ∈ ]0, β(y, z)/2[
n0alors
θ(y, z, u) = l
B(y, z, u) +
q−1
X
j=1
r
j(y, z, u) + w(y, z, u)
avec
l
B(y, z, u) = L(z/ψ
0, u
i/(A
εψ
p/q0), ψ
1, . . . , ψ
k0) r
j(y, z, u) = (z/ψ
0)
j/qR
j(z/ψ
0, u
1/(A
εψ
0p/q),
. . . , z/ψ
0, u
n0/(A
εψ
0p/q), ψ
1, . . . , ψ
k0) w(y, z, u) =
n0
X
i=1
(u
1/pi/(A
ε/pz
1/q))w
i(y, z, u)
w
i(y, z, u) = W
i(u
1/p1/(A
ε/pz
1/q), . . . , u
1/pn0/(A
ε/pz
1/q),
u
1/p1/(A
ε/pψ
01/q), . . . , u
1/pn0/(A
ε/pψ
01/q), ψ
1, . . . , ψ
k0).
De plus ` a y fix´ e, la restriction de l
B` a {|z| ≤ a(y), |u
1|, . . . , |u
n0| ≤ A
εψ
0p/q} est analytique.
P r e u v e. Soit m = (m
0, m
1, . . . , m
n0) ∈ N
n0+1. Il suffit de regrouper les termes de la s´ erie G pour construire les nouvelles s´ eries en remarquant que le produit
(z/ψ
0)
m0/qn0
Y
i=1
(u
i/A
εz
p/q)
mipeut s’´ ecrire de plusieurs fa¸ cons. Si m
0≥ pm
1+ . . . + pm
n0, on l’´ ecrit sous la forme
(z/ψ
0)
(m0−pPi≥1mi)/qn0
Y
i=1
(u
i/A
εψ
p/q0)
mi.
Ce produit est non-ramifi´ e par rapport ` a z si et seulement si q divise m
0− P
i≥1
m
i. Ce monˆ ome contribue ` a l’une des s´ eries L, R
1, . . . , R
q−1suivant la congruence modulo q de m
0− P
i≥1
m
i. Si m
0< pm
1+ . . . + pm
n0on l’´ ecrit sous la forme
n0
Y
i=1