LXXXIII.4 (1998)
Sur la fermeture de l’ensemble des K-nombres de Pisot
par
Toufik Za¨ımi (Riyadh)
1. Introduction. Soient K un corps de nombres et θ un entier alg´ ebrique de module > 1 et de polynˆ ome minimal Irr(θ, K, z) sur K. Alors θ est dit K-nombre de Pisot si pour tout plongement σ de K dans C le polynˆ ome σ Irr(θ, K, z) poss` ede une unique racine de module > 1 et aucune racine de module 1. Ces nombres ont ´ et´ e d´ efinis par A. M. Berg´ e et J.
Martinet [1] et etudi´ es dans le but de d´ eterminer des polynˆ omes de petite mesure par M. J. Bertin lorsque K est un corps quadratique r´ eel [2] et par l’auteur lorsque K est ou bien un corps quadratique imaginaire ou bien un corps cubique totalement r´ eel [8].
Comme dans [1], on repr´ esente un K-nombre de Pisot θ dans l’alg` ebre A = R r1× C r2 o` u (r 1 , r 2 ) d´ esigne la signature du corps K par la suite (θ σ ) σ
o` u (r 1 , r 2 ) d´ esigne la signature du corps K par la suite (θ σ ) σ
de ses conjugu´ es de module > 1 et on note S K leur ensemble dans A. La question suivante a ´ et´ e pos´ ee dans [1] :
L’ensemble S K est-il ferm´ e dans A? Dans le cas o` u S K est ferm´ e quels sont ses ´ el´ ements de mesure minimale?
Les th´ eor` emes suivants r´ epondent a cette question.
Th´ eor` eme 1. L’ensemble S K est ferm´ e dans A si et seulement si K = Q ou bien K = Q( √
d) o` u d ∈ Z − .
Si on note S K 0 l’ensemble des points limites de S K , Inf S K (resp. Inf S K 0 ) un ´ el´ ement de S K (resp. de S K 0 ) ayant la plus petite mesure et θ l’´ el´ ement (θ σ ) σ de S K (resp. de S K 0 ) lorsque θ = θ σ pour tout plongement σ de K dans C alors on a le r´esultat suivant :
Th´ eor` eme 2. Soit K un corps quadratique imaginaire ou bien un corps totalement r´ eel ; alors Inf S K = θ 0 = 1.32 . . . o` u θ 0 3 − θ 0 − 1 = 0 et Inf S K 0 = (1 + √
5)/2.
1991 Mathematics Subject Classification: 11R06.
[363]
2. Quelques lemmes. Les preuves des th´ eor` emes 1 et 2 sont bas´ ees sur les lemmes suivants :
Lemme 0 ([5]). Soit K un corps de nombres r´ eel alors il existe un Q-nombre de Pisot θ tel que K = Q(θ).
Lemme 1. Soient θ un ´ el´ ement de S Q et K un corps de nombres. Alors θ ∈ S K si et seulement si Irr(θ, K, z) = Irr(θ, Q, z).
P r e u v e. Si Irr(θ, K, z) = Irr(θ, Q, z) alors pour tout plongement σ de K dans C on a σ Irr(θ, K, z) = Irr(θ, Q, z) et θ ∈ S K . Inversement, comme le polynˆ ome σ Irr(θ, K, z) admet une seule racine de module > 1 qui est n´ ecessairement θ on a l’´ egalit´ e [K : Q] = [K(θ) : Q(θ)] et par suite [K(θ) : K] = [Q(θ) : Q] d’o` u le r´ esultat.
Lemme 2. Soit K un corps de nombres.
(i) Si K = Q( √
d) o` u d ∈ Z − et θ ∈ S Q alors θ ∈ S K . (ii) Si K 6= Q et K 6= Q( √
d) o` u d ∈ Z − , alors il existe un ´ el´ ement θ ∈ S Q et θ 6∈ S K .
P r e u v e. (i) Si K = Q( √
d) o` u d ∈ Z − et θ ∈ S Q alors l’entier θ est r´ eel et le corps K(θ) est non r´ eel. De l’´ egalit´ e [K : Q] = 2 et de l’in´egalit´e [K(θ) : Q(θ)] ≥ 2 on d´ eduit [K(θ) : K] = [Q(θ) : Q] et Irr(θ, K, z) = Irr(θ, Q, z).
Du lemme 1 on d´ eduit θ ∈ S K .
(ii) Supposons d’abord qu’ il existe au moins un plongement σ de K dans C tel que le corps σK contienne un nombre r´ eel irrationnel α. Le lemme 0 montre alors que le corps Q(α) peut ˆetre engendr´e par un Q-nombre de Pisot θ. Soit σ −1 θ le conjugu´ e de θ dans K alors le polynˆ ome Irr(θ, K, z) divise le polynˆ ome (Irr(θ, Q, z)/(z − σ −1 θ)) qui est diff´ erent du polynˆ ome Irr(θ, Q, z). Du lemme 1 on d´eduit θ 6∈ S K .
Supposons maintenant que pour tout plongement σ de K dans C, le corps σK ne contienne pas de nombres r´ eels irrationnels, alors [K : Q] ≥ 4.
Soit α un entier alg´ ebrique tel que K = Q(α) et L le corps r´eel d´efinit par L = Q(α + α, αα), alors [L(α) : L] = 2. En effet d’une part α n’est pas r´eel donc α 6∈ L et d’autre part il est racine du polynˆ ome z 2 − (α + α)z + αα ` a coefficients dans L. On en d´ eduit L 6= Q (car sinon K serait de degr´e 2 sur Q) et le lemme 0 montre l’existence d’un Q-nombre de Pisot irrationnel θ tel que L = Q(θ). Des ´egalit´es K(θ) = Q(α)(θ) = Q(θ)(α) = L(α) on d´eduit [K(θ) : Q(θ)] = 2 d’o` u [Q(θ) : Q] = [K : Q][K(θ) : K]/2 ≥ 2[K(θ) : K] et par suite Irr(θ, K, z) 6= Irr(θ, Q, z). Du lemme 1 on d´eduit θ 6∈ S K .
Lemme 3. Soit θ un ´ el´ ement de S Q de degr´ e s sur Q. Il existe alors
r > 0 tel que pour N ∈ N ∗ et N ≥ r l’´ el´ ement θ N de S Q est limite d’une
suite (θ n ) n d’´ el´ ements de S Q o` u le degr´ e de θ n sur Q est ´egal `a n pour n ≥ s.
P r e u v e. Si α 2 , α 3 , . . . , α s d´ esignent les conjugu´ es de module < 1 du Q-nombre de Pisot θ alors Irr(θ N , Q, z) = (z − θ N )(z − α N 2 ) . . . (z − α N s ) pour N ∈ N ∗ . Soient r > 0 tel que
|θ| r > 2 s−1 + 1 et |α j | r < 1/2
pour 2 ≤ j ≤ s, et m ∈ N. Alors pour |z| = 1 et N ≥ r on a
|z m | · |Irr(θ N , Q, z)| > 1. Le th´eor`eme de Rouch´e montre alors que le poly- nˆ ome P n d´ efinit par P n (z) = z m Irr(θ N , Q, z) + 1 de degr´e n = m + s admet n − 1 racines de module < 1 et une seule racine θ n de module > 1. On en d´ eduit que θ n est un ´ el´ ement de S Q de degr´ e n sur Q.
Soit θ 0 = 1.32 . . . le plus petit Q-nombre de Pisot positif [4]; des in´egalit´es
|θ n − θ N |(θ 0 − 1) s−1 ≤ |θ n − θ N | · |θ n − α N 2 | . . . |θ n − α N s | = 1
|θ n m | ≤ 1 θ 0 m , on d´ eduit l’in´ egalit´ e
|θ n − θ N | ≤ 1
θ m 0 (θ 0 − 1) s−1 , d’o` u lim
n θ n = θ N .
Lemme 4. Soient K un corps de nombres de degr´ e d sur Q et θ un entier alg´ ebrique de degr´ e n sur Q. Si n et d sont premiers entre eux alors Irr(θ, K, z) = Irr(θ, Q, z).
P r e u v e. Comme l’entier n divise le produit d[K(θ) : K] et comme [K(θ) : K] ≤ n, de l’hypoth` ese on d´ eduit l’´ egalit´ e [K(θ) : K] = n d’o` u le r´ esultat.
Lemme 5 ([4]). Soit α n le plus petit Q-nombre de Pisot positif de degr´e n ≥ 3. Alors α n admet pour polynˆ ome minimal sur Q le polynˆome P n d´ efinit par P n (z) = z n −z n−1 −z n−2 +z 2 −1. De plus la suite (α n ) n est strictement croissante et converge vers le nombre (1 + √
5)/2.
3. Preuve des th´ eor` emes
Preuve du th´ eor` eme 1. Si K = Q( √
d) o` u d < 0 (resp. K = Q) alors l’ensemble S K est ferm´ e [3] (resp. [5]). Si K 6= Q et K 6= Q( √
d) o` u d < 0 alors le lemme 2(ii) montre l’existence d’un ´ el´ ement θ ∈ S Q et θ 6∈ S K . Comme Q(θ N ) = Q(θ) et K(θ N ) ⊂ K(θ) pour tout N ∈ N ∗ alors θ N ∈ S Q et θ N 6∈ S K . Le lemme 3 montre l’existence d’un entier N tel que θ N soit limite d’une suite (θ n ) n d’´ el´ ements de S Q o` u le degr´ e de θ n sur Q est n.
En consid´ erant la sous-suite de (θ n ) n choisie telle que le degr´ e du corps
K sur Q et l’entier n soient premiers entre eux, on obtient alors d’apr`es les
lemmes 4 et 1 une suite d’´ el´ ements de S K qui converge vers θ N 6∈ S K d’o` u
le r´ esultat.
Preuve du th´ eor` eme 2. Soient K = Q( √
d) o` u d < 0 et θ ∈ S K . Si θ est non r´ eel alors la mesure de θ qu’on note M (θ) v´ erifie M (θ) > 1.7 >
(1 + √
5)/2 [8]. Si θ est r´ eel alors θ ∈ S Q et du lemme 2(i) et du lemme 5 on d´ eduit le r´ esultat.
Soient K un corps totalement r´ eel et θ ∈ S K tel que θ 6∈ S Q et θ admet v ≥ 2 conjugu´ es sur Q de module > 1. Tout conjugu´e θ σ sur Q de mod- ule > 1 de θ est rep´ et´ e [K(θ) : Q(θ)] fois par les plongements de K(θ) dans C on d´eduit alors l’´egalit´e [K : Q] = v[K(θ) : Q(θ)] et par suite l’in´ egalit´ e
(1) [K : Q]
2[K(θ) : Q(θ)] ≥ 1.
Si Irr(θ, K, z) est non r´ eciproque, on a d’apr´ es [6] l’in´ egalit´ e : (2) (M (θ)) [K(θ):Q(θ)] = Y
σ
|θ σ | ≥ 1 + √ 5 2
[K:Q]/2
. De (1) et (2) on d´ eduit l’in´ egalit´ e M (θ) ≥ (1 + √
5)/2.
Si Irr(θ, K, z) est r´ eciproque alors il en est de mˆ eme pour Irr(θ 2 , K, z) et Irr(θ 2 , K, z) = z 2 + uz + 1 o` u u = θ 2 + 1/θ 2 > 2. Les conjugu´ es de u sur Q sont parmi les θ σ 2 + θ 12
σ