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Pologne Litteraire : revue mensuelle. A. 4, 1929, nr 40 (15 janvier)

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Le numéro, 40 centimes suisses (80 groszy)

D irection :

V arsovie,

Z lota

8

, tél. 132-82;

adm inistration, pu b li­

cité: S ie n k ie w icza 1,

tél. 223-04

S u ccu rsale d 'a d m in i­

stration:

Paris, 123,

boul.

St.

G erm ain,

Librairie G e b e t h n e r

et W o l f f

A bon n em en t d'u n an:

4 francs suisses

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Nr. 4 0

Varsovie, 15 janvier 1929

Cinqième année

WL St. Reymont

1868

1925

K o m u r a s a k i

d o u l o u r e u s e h i s t o i r e d’ un c o e u r j a p o n a i s b r i s é

Prix Nobel 1924

Nuit h orrib le — nuit de décem b re à Paris.

La p lu ie tom bait sans fin.

Sur les b ou lev a rd s vides, glissants, noircis par l'ea u — à perte d e vue des ra n ­ gées d ’arbres dénudés trem blaien t de froid et gém issaient de dou leu r en s i­ lence. La p lu ie les trem pa it ju sq u 'a u x racines, le ven t gla cia l les transperçait, les lum ières dans l'a ir suspendues étaient devenues aveugles, et la nostalgie du jou r tuait. C ette nuit froid e, détrem pée se traînait lentem ent... Loin tain e était l’aube désirée...

Pauvres arbres rigides...

P itoy a b les chiens sans abri. Ils se taufilaient en silen ce sous les murs froids, ram paient a u x coin s des rues éclairées, s'arrêtaient et d'u n rega rd sanglant et las regardaient alentour, puis affam és, a ffolés de terreur, ils reprenaien t leu r cou rse et cherchaient sans fin...

Nuits d'hiver, p lein es d e l’in exp rim a ­ ble n osta lgie du soleil. Cris désespérés de l'agon isan t d'hier.

V ision s in con cev ab les du lendem ain naissant de l'a bîm e de la nuit.

Silen ce, silen ce de la crain te aux aguets, silen ce des som bres éclairs de _ l'jîspace.

U n vent aux v o ix m ystérieuses se leva soudain des antre? d e la nuit, secou a les arbres, se rou la à travers la fla sq u e p o u r­ riture de l'ob scu rité et de son énorm e corp s m ou et fro id , il heurta une vaste vitrine faiblem en t éclairée.

D errière le m ur d e verre K om urasaki ouvrait ses d ou x y eu x craintifs...

L a p lu ie fin e tom bait sans fin et, sur le verre, glissait en larm es pesantes.

L e vent dans sa dém ence tan tôt ch a n ­ tait avec suavité, tan tôt hurlait sau vage­ ment. Il attrapait les som m ets des arbres pou r en m en acer K om u rasaki ou sa n g lo­ tait et se lam entait d'u n e d ou ce plain te com m e un m endiant qui dem ande qu'on lui perm ette d'entrer. L 'h o rrib le nuit v e r­ dâtre venait à la suite du vent — de ses y eu x hum ides des larm es grises et froides cou la ien t lentem ent, tou jou rs, sans cesse...

Dans les p rofon d eu rs de la nuit, d e r ­ rière les arbres qui criaient de froid , K om urasaki a p erceva it des visions pleines d 'ép ou va n te: des bêtes énorm es se fa u fi­ laient dans l'om b re, des y e u x aveuglants d ’ éclairs y ram paient en silence, des m onstres n oirs et luisants du pas pesant de leur cou rse faisaient vib rer la large vitre. A lo r s dans l'o sc illa tio n b leuâtre de la lum ière électriq u e se m ouvait la fou le de d ieu x et d hom m es qui, de ses m arbres, de ses bron zes, de ses p orcela in es em p lis­ sait la devanture. P u is le silen ce re v e ­ nait et tou t s’assoupissait dans l'om bre.

S eu le K om u rasaki veillait.

Sur un s o cle recou vert d'un jaune tissu de Chine, b ro d é d e dragons rouges, c o m ­ me sur un trôn e de dou leu r, au m ilieu de la devan tu re se tenait K om u rasaki, telle une fleu r d 'orch id ée, suave et triste, ém ergeant de la pén om bre. A sa droite un A n tin oü s en b ron ze cla ir s'éla n ça it, soup le com m e un narcisse, à sa gauche une V énus C a llip y g e dénudait dans une divine im pudeur son corp s d ’une b la n ­ cheur rose et d orée, com m e pétri des rayon s du soleil et du parfu m des roses pou rpres. D errière eux, il y avait une agglom éra tion de corp s gardés par les dures têtes de vautours des Césars et des proconsuls...

K om u rasaki veilla it — ou p lu tôt la torture des angoisses et de la crainte brûlait en elle d'u n e flam m e in extin g-guible; tout lui faisait peu r: ces visions ténébreuses de l'autre cô té d e la vitre, ces froid es nuits sans fin, cette fo u le d e r ­ rière e lle et en core ce visage p â le aux yeux de feu. T ou s les soirs il venait s'écra ser con tre la vitre et rega rd a it en la dévoran t des yeux...

U n ch aos de ch oses inconnues et ter­ ribles l’entourait, et cette m auvaise réa li­ té avait l'em p rise exaspéran te d un rêve qui dure tou jou rs et don t elle n'avait pas la fo r c e d e se réveiller.

E lle se sentait tellem ent seule et triste q u 'e lle finissait p a r ne plus cra in ­ dre le tigre du B en ga le qui, tout près d 'elle, bom bait son dos à rayures. Il la fix a it d'u n o e il sanglant et affam é et m ontrant ses crocs pointus il guettait, il ram pait vers elle... tou jou rs plus près...

K om u rasaki p lein e d'u n e in exprim able dou leu r, de terreur et d'ennui s'en fuyait sur les ailes de la p en sée au loin, dans le passé... elle sanglotait de ses lèvres désespérées un chant d e nostalgie...

elle sanglotait d 'u n coeu r hanté par la m ort l ’hym ne d e l'espérance...

0 ma terre en soleillée...

Les cerisiers sont en fleurs, les fla m ­ mes roses des péta les ja illisen t de la verdure. En un jeu de lum ière le soleil les caresse, et l'a r c -e n -c ie l des p a p il­ lons —- am éthystes, op a les, rubis — les e ffle u re d e son to u rb illon de couleurs.. Les abeilles, dans leur v o l silen cieux, b ou rdon n en t une ch anson m ielleuse, sur le sable doré les ruisseaux murmurent...

T erre lum ineuse...

J e te vois, je te sens, je suis a vec toi... M ais v oici qu 'u n vent léger s'élèv e des m ontagnes bleuâtres. Les cerisiers secouen t leu rs b ou cles fleuries, la ga m ­ me des pap illon s se disperse. Com m e ils tom bent des arbres, les pétales roses, com m e ils hésitent sur les brins d'herbe, com m e ils cou len t a vec l ’o n d e du ruis­ seau...

A in si que mes larm es, que les larm es de ma n osta lgie inassouvie...

Sur le sapin l'om b re s'est posée. Les j oisea u x se sont tus. Les fleurs écoutent, les ru isseau x on t ca lm é leurs murmures. Les bam bous hirsutes con tem plen t l'eau et les petits poisson s rouges dans le fon d doré...

m on ennui cou le a vec l'om bre... ma nostalgie et m on ennui... O ma terre en soleillée...

O ma m aison, ô mes soeurs — les fleurs, les oisea u x — mes frères, ô la terre — ma mère...

M on âm e est l'om b re de ma n o ­ stalgie.

P a p illo n de deuil, je m 'asseoirai sur les pou tres d orées d e m a m aison.

— ne m e chassez pas...

C erise mûre — je tom berai sur le seuil b leu de ma maison.

— ne m e je te z pas aux m échants. J e fleu rirai — chrysanthèm e lim p i­ de — sous les fenêtres de ma maison.

— ne me cu eillez pas.

J e m e fan erai sous vos yeu x, en au ­ tom ne, n otre vent m e disp ersera et me jettera sur votre poitrin e pou r que je me consum e dans vos larm es...

— dans la n ostalgie...

et l'ennui. A in si sanglotait K om u rasaki le chant de la n osta lgie a vec les lèvres du déses­ poir.

D errière les vitres la nuit pleu rait plus dou cem ent à l'a p p ro ch e de l'aube. E puisé par la lutte, le vent agonisait. D e tem ps à autre d'u n e a ile lasse il fra p p a it en core u ne fenêtre, gém issait et secou a it les arbres, puis tran spercé par les flèch es de l'a u b e triom phante —• il tom bait,

K om u rasaki s'était tue, ca r la lum ière électriq u e venait de s'éteindre, et l'a u b e grise et fro id e envahissait la vitrine.

La tou rb e des barbares com m en çait à s'év eiller, et elle, e n v elop p ée d'u n e rob e v iolette sem ée de chrysanthèm es d 'o r, des sandales d orées aux p ied s cach ait des larm es et une crainte grandissante dans ses a d ora b les y eu x noirs, voilés d'un éventail, devant cette fo u le sauvage qui em plissait la devanture.

L entem ent le jo u r a pp roch a it. Dans les hum ides lueurs verdâtres, de plus en plus distinctem ent on a p erceva it tour à tou r les têtes, les épau les puissantes, les cru els y eu x de vautours des R om ains, les p ru n elles p rovoca n tes des bacchantes, les gestes violen ts et sauvages des g la ­ diateurs com battants et les étranges d iv i­ nités égyptien nes au rega rd som nam buli- que. E lle avait peu r de cette fou le, car elle se sentait en viron n ée, de haine. D e

toute la fo rce de son âme en fleurs, e lle printaniers, ni ses lèvres façon n ées par m éprisait ces barbares. E lle ne pou vait | l'aurore, ni ses robes som ptueuses, ni ses surm onter son dégoût p ou r leurs durs | noirs ch eveux ornés de perles, non, V é - visages, pour leurs gestes obscènes et nus ne v oy a it que sa p rop re n udité et sauvages, pou r leurs cruels regards, pou r ; ce lle d'A n tin oü s. K om u rasaki sou ffra it

W L . S T R E Y M O N T

pbot. Marlinie

leurs, ricanem ents, pour toute cette race de bétail blanc.

Ils s'unissaient tous dans leur haine con tre l'a d ora b le, la fleu r du J a p on : les R om ains et les G recs, les barbares et les Césars, les d ieu x et le bétail humain, les m arquises roses Louis X V et les m an da­ rins ch inois — tous ils s'unissaient en une ligue railleuse, en une fo u le haineuse con tre K om urasaki, con tre la royauté, con tre la beauté, con tre sa race.

Seul A n tin oü s ne prenait p oin t part au com p lot. E trange et nostalgique, la tête légèrem ent penchée, il s'éla n ça it, telle une fleu r épa n ou ie et pensive. Les lignes de son corp s cou leu r d'am bre clair étaient n obles et calm es.

P a rfois il fixa it sur elle son d o u x re ­ gard de plante, regard angoissant des eaux et des fleurs. K om u rasaki sentait a lors une gran de suavité dans son coeu r en p orcela in e; ses craintes disparaissaient et un sourire lum ineux, le sou rire d un m atin de printem ps fleurissait sur ses lèvres adorables, la jo ie des fleurs en­ tr o u v ra n t leurs ca lices sous les baisers du soleil p osséd a it son corp s. Il la re ­ gard ait rarem ent. Ses y eu x s'arrêtaient plu s souvent sur la V énus C a llip y g e qui de l'autre côté se dénudait d'u n divin geste d im pudeur. E lle était si belle, si puissante dans sa n udité voluptueusem ent p en ch ée que mêm e les y eu x de vautours des Césars se voila ien t de désir.

A lo r s le coeu r de K om u rasaki se n oya it de larm es de honte et e lle se sen­ tait plus seule que jam ais. V énus ne la regardait pas. P ou r elle cette figurine en p orcela in e n 'existait pas, ni son visage de J a p on a ise aux traits subtils, ni ses y eü x obliques, d ou x com m e des rayons

le plus doulou reusem en t de ce m épris silen cieu x et aveugle. P erson n e ne le sa ­ vait, si ce n'est un vieu x C hinois h orrib le qui, dans le fon d d e l'étalage, clignait ses y eu x ironiques, sans cesse secouant la tête et souriant railleusem ent.

Q uand le jou r se fut épanoui, quand le soleil se frayant une v oie à travers l épaisseur des branches dén udées in onda la vitrine -— les m arbres, les b ron zes et ; les p orcela in es s'anim èrent...

D e tous ces corp s la vie jaillissan te s ’irradiait dans les on des lum ineuses.

— Les G râces s'en la ça ien t dans l'e x ­ tase de l ’hym ne solaire.

— Les G ladiateurs dans une lutte plus â p re tordaient leurs corp s pleins de haine.

— Les D iscob oles lançaient leurs d is ­ ques a vec une fo rce telle q u ’un sifflem ent strident cou pa it l'air.

— Un quad rige en m arbre, em porté p ar des cou rsiers em ballés, v ola it sur un rayon de soleil.

— L e Satyre de Latran dansait avec tant d'ivresse que son corp s vibrait et étincelait com m e l'eau au soleil.

— Un Faune em portait une bacchante et l'em brassant d'un geste lubrique, il cou rait vers l'épaisseur du bois.

— D iane tendait une main vers ses flèches, de l'autre calm ait sa m eute in ­ dom ptée.

— Les danseurs de C h io dansaient une ron de bachique.

— M ercu re glissait sur un rai de s o ­ leil.

— Zeus d ’un oeil som bre regardait P roserp in e, ca ch ée parm i les Pans et les Faunes.

— Les M arqu ises arrêtaient leurs sua­

ves regards sur les ch evaliers cou rbés d e ­ vant elles ju sq u 'à terre.

— Et les lion s num idiens et les tigres du B en ga le ram paient et rugissaient.

...un cri secou a la tourbe, des rires, des chants, des app els, de la folie, un surplus de vie ja illisa it de ces corp s nus | et s ’élevait vers le soleil en un hym ne de fo rce ; une brum e d ’ivresse voilait les yeu x, la jo ie de vivre, la vie m enait une ron d e effrén ée.

...seul le vieu x Chinois ne cessait de secou er la tête et de sou rire a vec m alice...

...seules les têtes des Césars rega r­ daient au loin de leurs y eu x de vautours... ...seule K om u rasaki se taisait p lein e de crain te et d e lassitude...

Com m e e lle avait peu r de ces jou rn ées en soleillées.

A lo r s tous ils devenaient fou s et inventaient p ou r elle des tortures sans nom.

Ne s'a visèren t-ils pas une fois de la faire écraser par le ch a r? Et le quadrige descen da it lentem ent, des jou rn ées, des années entières la pen te de l'éta la ge g lis ­ sant... un jou r il passa sur e lle en trom be, cassa la vitre et tom ba sur le trottoir. K om u rasaki fut sauvée par m iracle; il n'v eut qu'un petit bout d'éven ta il cassé, q u 'on r e co lla tout d e suite. Ou bien ils jetaien t sur e lle des bacch an tes ivres, puant le vin, ou en core ils am eutaient con tre elle les chiens d e D iane ou e x c i­ taient les lions. C h aqu e fois e lle était sauvée par le mêm e m onstre a u x cinq têtes m inces. Il se pen ch ait d'en tre les rid eau x de soie qui séparaien t l ’étalage d u m agasin, saisissait l'enn em i et l'e n v e ­ lop p a n t tout entier, il l'em portait...

A lo rs se taisaient les v oix , la crainte entrait dans les coeu rs, car ch aqu e visite du m onstre m arquait la d isp a rition éter­ n elle d'un dieu ou d'un hom m e et ja ­ mais plus ne le con tem pla ien t les yeu x des m arbres, des b ron zes et des p o r c e ­ laines...

A lo r s ils ou bliaien t K om urasaki, ils ou bliaient leurs danses, leurs luttes, leurs chants et plein s d ’une angoisse m ortelle, ils attendaient le cou p qui devait les fra p ­ p er à leu r tour. Ils l'a tten da ien t un m o ­ ment, un m om ent bien court, car pour ces âmes m ouvantes com m e l'o n d e des ruisseaux, p ou r ces âmes des corp s d i­ vins hier d é jà n ’était plus rien et d em a in —

rien en core — ils vivaien t des reflets du sole il et s 'effa ça ien t avec eux.

M ais K om u rasaki se souvenait. A v e c une angoisse sans cesse croissante, elle épiait le bruit sec du rid eau d e soie et plein e d'un e in exprim able terreur, elle attendait que les têtes du m onstre se ten ­ dissent vers e lle p ou r l'en la cer et la j e ­ ter... O ù ? se d em a n d a it-elle en vain.

D errière le rid eau de soie un jour, une v o ix p a reille au ton n erre se fit en ­ ten dre:

— K om urasaki. C 'est un ch ef-d 'oeu v re, un joyau .

D e dou leu r e lle ferm a les yeu x. Cette v o ix résonnait en e lle du son des tam - tam funéraires. M ais ce jo u r -là le m on ­ stre à cin q têtes ne se pencha pas en core vers elle p ou r la prendre. T ou tefois le p â le visage la con tem pla plu s longuem ent que d'habitude, la dévorant, la buvant de ses yeu x étincelants...

K om urasaki voyait devant elle s'ou vrir le néant. Ses souffrances, sa nostalgie, les ou trages et les railleries des barbares, sa solitu de, ses larm es, tout cela lui parut insignifiant auprès de l'a ffreu se certitu de qu ’un jo u r le m onstre la saisirait et la p récipitera it dans le néant...

E lle ne p leu ra it plus, car le vent de la peur avait tari la sou rce de ses larm es; elle ne criait pas, sachant que le néant n 'aurait pas d 'é ch o ; e lle était un cri muet de détresse — car il ne pou va it y avoir ni secours ni m iséricorde.

C epen dan t tandis q u 'e lle se m ourait ainsi, A n tin oü s la regarda si longuem ent, avec tant d'étran ge dou ceu r q u 'elle en sentit son coeu r vibrer d 'e s p o ir naissant et d'a u b e n ou velle. Ces y eu x suaves s’in­ crustèrent dans l'âm e de K om u rasaki et

y ranim èrent un désir de vivre presque sauvage.

Q uand revint la nuit som bre et froide, quan d les bruits railleurs se furen t tus, éteints par les ténèbres et le clapotem en t m on oton e d e la plu ie, la n osta lgie s'em ­ para de tous et com m en ça de ron ger ces coeu rs d e m arbre, d e b ron ze et d e p o r ­ celain e; un ch oeur m onta — ch oeur p é ­ nétrant d e gém issem ents, de sanglots et de prières.

D iane chantait le poèm e larm oyant des b oca g es sacrés, des bruits d e l ’eau, de la G rèce, d e la liberté et du soleil.

La fo u le des d ieu x et des hommes la cco m p a g n a it d e gém issem ents et de pleurs.

A lo r s K om u rasaki pencha vers A n ti­ noüs sa d ou ce figu re et entonna un chant cou rt et d ésespéré — un chant d ’amour im ploran t la p itié — un chant d ’agonie,

— P ren d s-m oi, en lace m on corp s de la pu issan ce d e tes bras et n e me donne pas à la mort...

J e t’aim e et je v eu x vivre.

P ren d s-m oi, car j ’ai peur d e ma s o li­ tude.

La nuit ram pe, la m ort éten d ses g r if­ fes p ou r m e prendre, d é jà je sens son a f ­ freuse haleine...

J e t ’aim e et je v eu x vivre. J e veu x vivre.

D e la vie du ver ou de la pla n te — mais je veu x vivre, je v eu x vivre.

J e t ’aime.

La nuit m ’absorbe, la m ort m 'en ve­ lo p p e de ses n oires ailes, je suis perdue..

Sauve-m oi... . Je t'aim e.

A n tin oü s n 'écou ta it pas, car il rêvait à A le x a n d rie, à H adrien peu t-être.

L o rsq u 'e lle eut repris connaissance, elle se trouvait dans un tem ple rem pli de divinités égyptien nes et hindoues. A u m ilieu un énorm e B ou ddh a en un geste de b én éd iction éten dait la m ain sur le m onde. L e visage p â le la d év ora it d e r e ­ gards et de baisers.

K om u rasaki ne m ourut point, mais elle agon isait de nostalgie. A n tin oüs... La p rofon d eu r de son regret était telle, q u e sa figure dou lou reu se se ternit, ses yeu x s’éteignirent, les coins de ses lèvres s'abaissèrent pleins d ’am ertum e — elle enlaidit.

Les y eu x lum ineux du p â le visage s'en a perçuren t et pleurèrent.

— J e ne vous aim e pas, K om urasaki. A présent, je sais q u e ce n'est pas vous que j'aim ais. J e rêvais de toi, mais ce n'est pas toi, ce n 'est pas toi encore.

Il versa des larm es de d ésillu sion et de désir p ou r c e lle à qui il avait rêvé. Étant en lui, e lle n 'exista it pas — peu t-être.

Et p ou r se con soler il ra p p orta K o ­ murasaki dans son magasin.

K om u rasaki revint à la vie, car e lle a lla it le voir, lui, A n tin oüs, son bonheur, son unique salut et elle s'illum ina de la beauté de la joie.

A lo rs le visage pâ le la regarda étonné. —- C om m e vous êtes b elle. Non, n o n ,— se d é fen d a it-il, — c'est m on am our et ma n osta lgie qui vous voien t b e lle — mais vous n'êtes pas m on amour...

K om u rasaki était fo lle de bonheur, son âm e d éb ord a it, tel un torren t prin ­ tanier et chantait un hym ne d'a m ou r et de résurrection.

•—- J e viens à toi, m on bien-aim é. T e lle une fleu r de bonheur, une fleur d ’am our, une fleur de vie, je m 'épan ouirai sur ta poitrine.

Et je te chanterai un d ou x hym ne de grâce, m on sauveur.

A in si chantait K om u rasaki pendant que le m onstre à cin q têtes la rem ettait à son ancienne pla ce. E lle titubait, ivre de bonheur, et quand elle ren contra le regard d 'A n tin oü s p lein d'attente, fo lle de jo ie e lle tom ba dans ses bras avec tant d 'a rd eu r que, con tre cette poitrin e de sauveur, elle se cassa en m orceaux.

Et c ’est ainsi que se brisa le suave coeu r en p orcela in e de K om urasaki.

T rad u ction

(2)

2

P O L O G N E L I T T E R A IR E

Ni 40

Jan Kasprowicz

1860 — 1926

Je viens de recevoi r ta lettre...

J e vien s d e r e c e v o ir ta le ttr e , mon am ie,

Et suis h eu reu x , h eu reu x d ’ a p p ren d re que ta vie

A re tro u v é enfin l ’élé m en t qui rép o n d

A l’a p p el d e ton c o e u r : la sp len d eu r bleuissante

D e l’ océa n buvant à traits puissants et longs

L ’a v er se d e lum ière.

O r, j e te sais l ’am ante

D u s o le il écla ta n t — et d e c e s ea u x sans fin

Q u e ne p eu t em b ra sser n otre rega rd humain!

M ais ta le ttr e , co lo m b e a pp orta n t le m essage

D e la rive fleu rie et d es flo ts tran sparen ts,

S em ble taire un aveu , dont le m auvais p résa g e

R é v e ille ma co n s cien c e à d e n ou vea u x tourm ents,

Et d ’un re p r o c h e vague, en mon âm e fait na'tre

La q u estion : m en ta it-il? — rep o sa it-il p e u t-ê tr e

Sur un r ê v e in sen sé, sur une fo lle erreu r,

C e d ogm e d e ma foi p r é c ie u x à ton co eu r,

E t qu e j e n ’ai c e s s é d e p rê ch er en tous lie u x ? —

Tu m ’ écris que d eb o u t su r ta blanche terra sse

Q ui d om ine en su rplom b le riva ge ro c h eu x ,

Tu te plais à rê v e r, co n tem p la n t fa c e à fa c e

D u ciel in ca n d en scen t la b ea u té sou vera in e,

T andis qu e l’océa n d e sa puissante h aleine

V ien t ca r ess er soudain l ’or s o y e u x d e ton fron t,

Et qu ’il n’ est point p ou r toi d e plu s d o u x abandon

Q u e d e livrer a ux flo ts ton s e c r e t lan gou reu x,

En suivant du rega rd les éc u m eu x s :lla ges

D e s b a tea u x chem inant vers d es p a y s h eu reu x,

Et les jo y e u x éb a ts d es m o u ettes vo la g es,

D on t le blanc tourbillon en v o lé dans l’ esp a ce,

S e fo n d dans l’air lim p id e, et p eu à p eu , s ’ e ffa c e ,

N o y é dans la sp len d eu r d es lu m in eu x a ccord s,

Pâlit — e t se d ér o b e à ton oeil.

C ’ es t alors

Q u ’ il te sem b le —- d is-tu — q u ’une d éte n te m olle

V ien n e en gourd ir tes sen s et vo iler ton regard ,

Car ton âm e ra vie en un m on d e s ’ en v o le

A u x e x ta s e s d u q u el le co r p s n ’a p oin t d e part —

Q u’ une d ou leu r su bite en vah isse et co n fo n d e

Ton r ê v e la n gou reu x en une nuit p ro fo n d e ,

D rapant le clair so le il en un nuage noir,

Sur T ord re tou t-p u issa n t d ’ un tén é b r eu x vouloir.

M ais e lle a son s e c r e t, c e tte étran ge sou ffra n ce.

Si q u elq u ’ un o b jecta it, que c ’ es t par sa vertu

Q u e se livre a u x humains la plu s r é e lle esse n ce

D e tou te volu pté... dis, qu e r é p o n d r a is-tu ?...

„ E lle a p p o rte le jou r dans la nuit d e s e s flancs,

E lle e x a lte ma vie, et pourtant boit mon sang,

E lle a cca b le n otre âm e, et restrein t sa voilu re,

Et nous p rê te pourtant la plus va ste e n v e r g u r e " .

Tu sen s su rtout sa fo r c e à l’ h eu re où, d e s e s om bres,

La nuit vient, d ép lo y a n t le lourd m anteau d e deuil,

Et le so leid p en ch é sur les abîm es som b res

E m brasse l’ horizon d ’ un fulgurant cou p d ’ neil

Puis étein t d rn s les eaux, sa crin ière d e flam m e

E t p lon ge dans le g o u ffr e en entraînant ton âm e

En sa ch u te: au delà d e l’ horizon lointain,

L ’Inconnu se d ér o b e en un brouillard sanguin.

N ous aim ons c e t a sp ec t nui tous d eu x nous fascine.

H ^las! j'y reven a is plus d ’une fois prêch an t

L ’ évan gile fatal con cou ra n t à la ruine

D e ta jo ie — aujourd'hui je n’ en ten d s plus d e chant

Sur tes pas hésitant d e fra y eu rs e t d e d ou tes,

Tu t’ en vas, ép erd u e, au grand so leil d es rou tes,

A u lieu d e resp irer c e vivifiant bonheur,

Du s o u ffle de la m er l’ en ivrante sen teu r.

M ais enfin — a p rès tout — tu Tas p ro u v é toi - m êm e,

P u e c e trou ble p rofon d , que c e tourm ent cru el,

Oui nous hante a u x m om en ts d e l’ e x ta s e su p rêm e

E st d e n otre êtr e humain le fon d le plus r é e l;

C ’es t lui, qui sou levan t n otre âm e, nous incite

A r e fo u ler au loin n otre étro ite lim ite

V er s c e p a ys d e r ê v e , et pourtant si ré e l,

B ien que la raison veu ille le traiter d e tel.

J ’ eu s en toi, mon am ie, une él^ ve d o cile,

E t ma v o ix — p araît-il — n’a pas p rê ch é en vain.

M ais, sa c h e -le pourtan t — si une fo r c e h ostile

Sur l'œ u v re d e ma vie osait p o rter la main,

Tu ne m e verrais pom t défaillir sous l’ outrage,

Si q u elq u ’ un s ’avisait d e la cérer la page

Qui dit, qu e seu ls le s cœ u rs en la d ou leu r ravis

Sont d ignes d ’a p p ro ch er le seu il d es saints parvis.

A u jo u r d ’hui, m en a cé par c e bûch er ardent,

D e ren ier ma foi j e n ’ai plu s le cou rage.

J e n e puis plu s crier, d'une v o ix dont l’a ccen t

D e ma sin cérité p ortera it tém oign age,

Q u e jam ais la d ou leu r — s e ra it-e lle aussi fo lle —

N e m et à n otre fron t un r e fle t d ’a u réo le,

C e p iè tr e em pru nt du ciel, dont m ieu x vaut nous p asser

M algré qu e n otre foi n e veu t p oin t s ’ en lasser.

N on — j e ne v e u x jam ais ren ier ma cro y a n ce,

S ’il s ’ cg it d e mon so rt et d e ma vie à m oi

P " r la m ” s par la m ort — mais une angoisse intense

S ’ em p a re d e mon cœ ur, lo rsq u e j e p en se à toi;

Et j e vois à p résen t — com bien se ra is-je h eu reu x

D 'a p p ren d re que ton âm e, en un élan jo y e u x ,

P lanant sur l’ océa n tu m u ltu eu x, s’ en ivre

D e s éc h o s triom phants du grand bonheur d e vivre!

J e voudrais aujourd'hui que ton r ê v e im m ortel

Oui, grandissant, attein t d es dim ensions m ystiq u es,

En son d ésir ardent d'un refu g e étern el,

V it ém erg er d e l’eau d es cités féeriq u es,

D es jardins em baum as, d es b o sq u ets d e v ieu x arbres,

D e s j e t s d ’ eau frém issa n ts sur la blancheur d es m arbres,

D e la s^ve n o u v elle un printanier élan,

E t les d ieu x fascin és par le flû tea u d e Pan.

J o y e u x écla ts de v o ix , festin s, m usique et d a n se,

V oilà d e quoi nourrir ton âm e et ton esprit,

La vie, tôt ou tard, vien t p ren d re sa ven g ea n ce

Sur les fiers d éd a ig n eu x — et à jam ais p roscrit,

Qui ne s ’em p r es se d ’ê tr e adm is d As le matin

A u n om bre des convins — il n’aura du festin

Q u e les plats dégarnis, à l ’h eu re où la nuit tom be,

O ù d ’a u tres, en plein jou r, ont fê t é l’ h écatom b e.

M a is a dvien ne à p résen t que p ourra — il e s t bon

D ’a p p ren d re qu e ta vie, en son désir p rofon d ,

V ien t enfin d e trou ver l’ élém en t qui rép on d

A l ’a p p el d e ton cœ u r: le r e fle t bleuissant

D e l ’océa n rê v e u r buvant sans fin la blon d e

C la rté du ciel. C ’ es t d on c le clair so le il ardent

Et l’ horizon sans fin qui fascin en t ton œ il,

Q u ’ une om b re sem b le en cor, hélas v o iler d e deuil.

Traduit par F elik s K on op ka.

Juljan Ejsmond

D i e

M u t t e r

S ch ôn ist der p olessisch e U rw a ld am W in terab en d, wenn der w eisse Schnee auf den L ichtungen in tausend F a rb en glitzert und blau und g o ld e n erglânzt, bis ihn der letzte K uss der u ntergehen - den Sonne rôtet...

S till ist d er polessisch e U rw a ld w ie jen e h eiligen H aine, in den en v or J a h r- hunderten den G ôttern O p fer da rgebracht wurden, und schw eigsam , die W ip fe l der K iefern und E rlen scheinen den blauen Himm el zu erreichen , unzu gânglich ist er und geh eim n isvoll. A u fw â rts streben die schlanken Sâu len der Baum e, am B o d e n aber türm en sich die u m gestürzten .toten Baum riesen, die das L eichen tu ch d e s W in - ters um hüllt...

Im H erzen des W a ld e s aber, hinter den L âh nen toter Stâm m e, im W a ld e s - dickicht, auf Inseln, verloren in vereisten Süm pfen, ist das K ôn ig reich der w ild en Tiere... D er E lch m it breitem S ch a u felge- weih hat d ort im L a u b w ald seine S ta n d- plâtze, der in d er Früh lingsn acht verliebte A u erhahn begin nt d ort am A p rilm o rg e n sein B a lzlied , im W in te r aber m achen W ô lfe in R u d eln auf trügerischem Eise blutige J a g d auf R ehe, o d er der Fuchs schleicht auf d ie V o g e lja g d ...

D och K ôn ig und B eh errsch er dieser G ebiete war w ed er der sanfte E lch noch der H irsch, der m anchm al aus fern en R e - vieren nahrungsuchend h ierher kam, noch auch der schn ellfüssige R eh b ock o d er der kluge W o lf und auch nicht der A u erhahn mit gold grü n er Brust, son d ern der S ch rek - ken des W a ld es —• d er kühne Luchs, vor dem a iles zitterte, vom H irsch bis zur Feldm aus, vom A u erh a h n bis zum k le i- aen S in gvogel im d ich ten G ezw eig...

G ross w ar sein R evier, das er kreuz und quer auf der Suche nach B eu te durchtrabte... Er riss ailes, w as er auf seinem W e g e traf. E r vertraute auf seine K raft. B lu t b erausch te ihn. Ihn zu erle- gen, w ar d er T rau m der J â g er — ver- geblich. Er hatte ein scharfes G esich t und helles G ehôr. U n ersch rock en w ar er und h artn âckig —• jen e aber w a ren nur hart- nâckig. U m sonst m achten sie J a g d auf ihn und stellten N etze. Er b rach bei den T reib ja g d en aus und w usste ihren Listen zu entgehen. Einm al aber, als ein sehr schn eereich er W in ter über dem ganzen U rw a ld d ie H un gergeissel schwang, hauch- te der grim m e B eh errscher des W a ld es seinen G eist aus, als er in das E isen ge- raten war...

D ie L u ch skatze und zw ei Jun ge b lie - ben zurück. S ie litten H unger und K âlte, ja gten in M on d n âch ten flin k e, S ch n ee- geistern gleich en d e w eisse H asen und s ch n ellstreich en de H aselhühner...

S ch ôn e J a g d en w aren das. D er U r­ w ald w ar w ie ein silbernes M ârch enlan d... in dem k a lten M on d lich t glich en die re- gu ngslosen B aum e w eissen G espenstern...

N ach einer N a ch tja g d lagen die Luchse in einer D icku ng im M orast. U m gestürzte und in das Eis ein gefrorn e, verfa u lte

Baum e, von S chnee b ed eck t und m it M oos bew achsen, sind u nbew eglich en, sch lafen - den R ep tilie n âhnlich... A u f einem von ihnen liegt die L u ch skatze und schaut m it trâgem W oh lb eh a g en dem S p iel ihrer S p rôsslin ge zu... D ie jungen, aber schon ausgew achsenen L uchse spielen m iteinan- der w ie ausgelassene K ützchen, schnurren und fauchen. Sie tragen h om erisch e K â m p fe aus, die G ew an d th eit und sch n elle B e- w egung en tw ick eln — unum gânglich n ot- w en d ige E igen sch a ften im U rw ald.

D ie a u fgeh en d e S on ne en tzü ndet g o l- den e F eu er auf dem E ise und fàrbt den S chnee violett. Eine w u n derb a re Ruhe liegt ü ber d er N atur. A u ch nicht der le i- seste W in d h a u ch trübt das w eisse S ch w ei- gen des W a ld e s. N ur ab und zu zw it- schert ein klein es V ô g le in im dichten G e ­ zw eig und brich t p lô tz lic h ab — w ie b e- schâmt...

D ie W e lt scheint hier um tausend J a - hre jü nger zu sein. A u ch kein e K un de von den M en schen stôrt das Sch w eigen der ju n g frâ u lich en W ild n is. Nur ein fer- nes K nirschen von Sch litten , die auf einem W a ld w e g fahren, erinnert den U rw ald m anchm al an den u su rpatorisch en H errn der Sch ôpfun g... J e d o ch die vorü b erfa - h renden Sch litten versch euch en die B e- w ohner des W a ld e s nicht.

A u ch jetzt h ôren die L uchse in der Ferne, in sehr w eiter F ern e Sch litten auf einem W a ld w e g knirschen... Sie unter- brech en ihr S p iel, spitzen die scharfen L auscher und fangen v on neuem zu s p ie­ len an... U n d die a ufgeh end e S on ne ver- g o ld e t mit ihren ersten Strahlen die w ild e S ch ôn h eit dieses B ild es.

H ell leuchtet auf dem W a ld w e g der g litzern d e Schnee. D u n k elb la u hebt sich darau f die F â h rte d er Luchse ab, w ie eine Schnur von grossen, b la u en P erlen. D ie sch n ellen S ch litten gleiten auf dem W e g dahin, und in ihnen sitzen F ôrster. Sie sahen die frisch e F àhrte. L autlos spran gen sie aus den Schlitten. Sie beu- gen sich zur Erde.

Ü ber den w eich en S chnee flo g e n die S ch litten du rch das W a ld re v ie r — w ie G eister. W e d e r schnaubte das P ferd , noch sprach der M ensch ein W ort.

A ls d ie F ôrster aber das R ev ier um - fahren hatten und auf kein e aus ihm h erausfü hrende F â h rte gestossen w aren, kam H offn u n g in ihre H erzen . U n d sie keh rten zum F orsthaus zu rü ck, um die L uchse im W a ld ein zulappen .

D ie S on ne w ar in zw ischen am b la ss- blauen H im m el em p orgestiegen und ent- zü n d ete leb en d ige t e u e r auf den schn ee- b ed eck ten Bâum en...

D ie L uchse h ôrten zu spielen auf. Sie legten sich auf den b em oosten, u m ge­ stürzten B aum stâm m en hin und sch liefen faul, sich er und sorglos... U n d die W in - terson ne lieb k oste ihre brâun lich en R ü - cken...

D ie F ôrster kehrten b a ld zurück. A u f den n iedrigen B üschen begannen sie dicht über der E rd e eine Leine zu ziehen, die mit k lein en roten Fahnen geschm ückt war, ein e Leine, die m ystische F u rch t in den H erzen der Luchse, der W ô lfe und der F ü ch se erw eckte...

Leise schritten sie durch den W a ld und um gaben das R evier mit dem roten T od esk reis... A u f dem w eissen Schnee sehen die roten L appen w ie blutige B lâ t- ter m erkw ürd iger B lüten aus, sie flattern beim leisesten W in dh auch , ru binroten F a l- tern âhnlich, sie zittern w ie frische T r o p - fen p u lsieren den Blutes...

S ch on ist das R evier ein gelapp t, das W ild im F orst ein geschlossen. D ie F ô r ­ ster Isehren zum fernen Forsthaus zu ­ rü ck und senden von dort N achrichten in die W e lt hinaus. sie laden die J â ger in d er Stadt zu einer L u ch sja gd im p o - lessischen W a ld e ein... D ie froh e K un de tont lock en d w ie ein lustiges J a gd h orn - signal und sagt den J âgern : „L u ch se ein - g ek reist! S ofort k om m en !"

D ie Einen reissen sich bei diesem Z au b erw ort von ihrem schw eren T a ge- w erk los, eilen im schn ellen Eisenbahnzug dem G lü ck entgegen und trâumen von einem w u n d erv ollen Erlebnis, das sie im U rw a ld erw artet. D ie A n d eren w id er- streben der Versuchung, w ehren sich ge- gen sie und vertiefen sich erst recht in ihre m ühsam e A rb eit, um zu vergessen. D och die K u n d e aus der F ern e hat ihre S eelen schon umgarnt... Und lock t unab- lâ ssig: „L u ch se ein gekreist! S o fo rt k o m ­ m e n !'

A u ch sie m achen sich a lso auf...

D er M on d ging über dem U rw ald auf und erh ellte mit kallem S chein sein schneeiges W eiss. A u f den eisb edeck ten Sü m pfen liess er gold en e Bahnen her- vortreten . G espann t b lick te er in die D ik - kung, begrüsste jed es T ier, das um diese Z eit jagte, betrach tete neugierig je - den B lu tfleck auf dem reinen, weissen S chnee und lâch elte den Bâum en, seinen alten B ekann len , zu... Da erb lick te er p lô tzlich verw u ndert im U rw a ld ein noch nie gesehenes Ding, eine geh eim n isvolle rote Leine, die durch die Schneisen rings um das R evier lief. Er w un derte sich, stieg hôher, um besser zu sehen, und er- b leich te v or Grausen...

M it A n bruch der D âm m erung w achten die unter den überhângenden Z w eigen e i­ ner T an ne sch lafen den Luchse auf, reck - ten sich trâge und verspürten n agenden H unger, auf dessen überm âchtiges G e- heiss sie sich auf die J a g d m achten.

Sie jagten stets einzeln. Ihre w ilden J a g d en erfü llten den ganzen U rw a ld mit E ntsetzen. Sie verfolgten das W ild nicht nach A rt der W ô lf e o ffe n und hartnâckig, son d ern liefen leise w ie K atzen kreuz und

quer du rch den W a ld und schlichen g e- râu sch los du rch den Schnee, um sich mit einem jâhen, u nerw arteten Sprung auf ihr O pfen zu stürzen, sich in dasselbe zu verbeissen und es so zu tôten... Sie folg ten nicht den T ierfâ h rten im Schnee: G esicht und G eh ôr gab ihnen B eute. U nd wenn der Luchs einen F eh lspru ng tat und das T ier ihm heil entkam, verfolg te er nie die verfeh lte B eute, sond ern b e- gann seine blutige J a g d von neuem...

D ie a lte L u ch skatze spitzte aufm erksam die L au scher: da schien ein Schneehase kaum h ôrbar den W eg seiner nâchtlichen W a n d eru n g im U rw a ld durch leises K n ir­ schen des Schnees zu bezeichnen...

Sie d u ck te sich h inter einem u m ge­ stürzten Baum stam m. Das leise G erâusch kam im m er nâher, bis auf der versch n ei- ten S ch neise im k a lten M on dsch ein un- deu tlich eine blasse G estalt erschien, einem W a ld g e is t àhnlicher als einem Tier... D ie schw arzen Lauscher verrieten das O pfer. D er Luchs begann leise auf dem Bauch sich an seine B eute heran- zuschleichen... Seine A u g en w aren so starr auf sie gerichtet, dass er nichts um sich sah... A ls er sich schon auf w e- nige S ch rite genâhert hatte, nahm er sich zusam m en und m achte einen gew a l- tigen Satz, einen zw eiten, einen dritten, und p lôtzlich war der H ase w ie ein G eist verschw unden, der Luchs aber fiel im Schw ung auf eine stra ff gespannte Leine, deren rote L a p pen zu fla ttern begannen... D as T ie r ro llte sich vor Bestürzung zu ­ sammen, sein Sprung w ar nur h alb ge- glückt, es ü berschlug sich, erh ob sich dann rasch und en tfloh angstvoll in den W a ld .

D ie geh eim n isvolle N euerscheinung er- füllte ihn mit Bangen, der u n ersch rok- kene B eh errscher des W a ld es, der selbst den H irsch kühn angriff, erschrak vor dem m erkw ürdigen G espenst... Er lief daher, so schnell er konnte, davon, nur w eiter und im mer w eiter, immer tiefer in den U rw ald hinein... M eilen w eit durch den U rw ald fliegen und nie mehr zu rü ckkehren in das verflu ch te R evier mit dem flattern d en roten H interhalt!

A b e r auf dem W a ld w eg , den der Luchs kreuzte, der fernen und sicheren W a ld u n gen zustrebte, erschien im M o n d ­ schein aberm als das sch reck lich e G e s ­ penst, das die H erzen der T iere mit Entsetzen erfüllte... W ie d e r diese v er­ flu ch te Leine, in ihrer U n bew eglich keit einer R in ne geron nen en B lutes gleich,

S ch recken bem âchtigte sich d er B e- w ohn er des W a ld es, die in den Z au ber- kreis ein geschlossen w aren. Nur die als F eiglin ge versch rien en H asen setzten ohne B angen bei ihren L ieb esspielen im M on dsch ein über die Leine.

D ie Luchse aber —■ a ile drei — liefen

bestürzt hin und her w ie in einem K â fig und stiessen im m er w ieder auf den roten R iegel w ie auf ein G itter, bis sie en dlich im H erzen des von allen Seiten einge- la pp ten F orstes sich zur Ruhe legten.

A ls die M orgen dâm m eru ng den Schnee rosa fârbte und D iam anten auf den Z w e i­ gen der Bâum e entzündete, erhob sich die L u ch skatze w ie von einer p lôtzlich en E ingebung erfasst, und begann sich der Lein e zu nâhern... D ie Jun gen folgten ihr...

D as klu ge T ier b egriff, dass in dem gefâhrlichen , von a llen Seiten ein gela p - pten R ev ier zu b leib en den T o d bed eu - tete. U n d da es am L eben hing, w ie ailes im U rw a ld vom T ier bis zur k le i­ nen W a ld b lu m e — so b esch loss es, dem T o d e zu entgehen.

D ie m ystisch e F u rch t b ekâm p fen d, trabte d ie grosse K a tze kühn auf die L ein e zu, bis sie in vollem L au f war, und sprang mit einem gew altigen Satz über den roten R iegel. Sie w ar nun w ie ­ der frei im freien U rw a ld und fühlte die gren zen lose F reu d e des w ild en T ie- res, das aus dem K â fig ausgebrochen ist... N och nie w ar ihr der U rw a ld so schon erschienen. N ur sich nicht um- schauen, um nicht die sch reck lich en r o ­ ten T ü ch er zu erblicken...

P lô tz lic h aber h ôrte d ie Luchskatze hinter sich in der F ern e ein klâglich es, leises M iauen. D as w aren die jungen Luchse, die dtfrch die K ühnheit ihrer M u tter ersch reck t sie um H ilfe anriefen.

S ie lo ck te sie so w ie einst, als sie n och sehr k lein und w ehrlos w aren. Sie lock te sie so w ie ehedem , da sie sie zur frischen , n och zu cken d en B eu te geru fen hatte...

Um sonst..,

D a schw ang sich die beste der M üt- ter zu einer H elden ta t auf. Ohne zu zôgern, kehrte sie zu dem verw ünschten ein gela pp ten R ev ier zurück und sprang w ieder über die Leine, um ihren K in - dern die F reih eit w iederzugeben ...

U nd nun begann sie die jungen Luchse m it M ühe, G ed u ld und À u sd a u er der Leine nâherzubringen. Zuerst kam en sie mutig. A b e r je nâher sie der S ch reck en s- lein e kam en, desto mehr schw and ihnen der M ut... A u f den B âuchen kriech end, schoben sie sich durch den Schnee... Sie du ckten sich und zitterten v or A ngst. U n d verângstigt w ie gep rü gelte H unde verk roch en sie sich w ieder im G ebüsch...

D reim al b ra ch te die L u ch skatze sie bis hart an die Leine, beru higte sie, rieb sich schm eich elnd an ihnen, schnurrte zâ rtlich und fauchte drohen d, bis sie sch liesslich mit einem kühnen Satz den unheim lichen und angsterregen den R iegel übersprang... A b e r dann k roch en die Jungen du rch den S chnee — w ied er in den W a ld zurück...

Eine im mer sch reck lich ere Unruhe erfü llte das H erz der M utter. Sie b egriff die schm erzliche W ah rheit, dass die ju n ­ gen Luchse sich aus dem J a gd rev ier nicht herausführen lassen w ollten... Ihre

U nruhe w uchs m it jed em A u gen b lick . In ihren Sehern entzündeten sich grüne Feuer. D er h och erh ob en e Schw anz zeig le die h ôch ste N ervenanspannung an...

N ach dem sie die jungen Luchse bis an d ie gespen stisch e L ein e geführt hatte, begann sie sie a llm âh lich an sie heran- zudrângen. M it verzw eifeltem B lick ver- suchte sie ihre Jun gen mit sich zu ziehen U m sonst. Sie achteten garnicht auf sie, du rch den A n b lick der blutroten Lappen gebannt.

E n dlich sprang sie. D abei berührte sie die Leine, so dass die L ap pen flatter- ten. D a liefen die ju ngen Luchse wie gehetzt d a von und versch w anden in der w eissen D ickung.

S ie w artete. Sie gab Laut und w ar- tete w iederum . N och h egte sie H offnung, dass sie zu rü ckkeh ren würden...

A ls sie aber nicht kam en, begann sie langsam , w ied erh olt steh enbleiben d und sich v erz w eifelt um sehend, in den W a ld zu eilen.

Es herrschte eine durch nichts ge- stôrte Stille, im w eissen in der Sonne fu n k eln d en U rw ald... W e d e r p och te der Specht, n och schrie ein H abicht vom b la u en H im m el. N och nie hatte der W a ld in so w ild e r Sch ônh eit gestrahlt.

D ie L u ch skatze trabte im mer schnel- ler in den w eissen W a ld hinein und em- p fa n d im mer stârker das G lü ck der wie- dergew on n en en Freiheit...

P lô tzlich vernahm der schw eigende U rw a ld den K la n g eines J a gdh orn s. Er zerriss die h eilige S tille des w interlichen W a ld es, erfü llte die vor A n gst verstum m- ten D ickungen, drang in den blauen H im m el und verkü n d ete den Jâgern F reu d e und den T ieren im W a ld e den Tod.

D er Luchs b lieb stehen. E r begriff, dass d er A u g en b lick gekom m en war, wo er zw isch en seinen K in d ern und der F r e i­ heit zu w âh len hatte. Er liebte seine K in d er mit U rkra ft und liebte die w ilde F reiheit im W a ld e. Er w andte den s ch m erzerfü llten B lick zurück, w o er die jungen Luchse im ein gela pp ten R evier zu rü ckgelassen hatte, dann schaute er w ied er traurig auf den geliebten U rw ald. V o n einem von beiden musste er für im mer A b s ch ie d nehmen...

D a klang das H orn zum zw eitenm al, lauter und stârker schallend. D ie T rei- berw ehr begann zu schreien. D ie Jagd nahm ihren A nfang.

D ie L u ch skatze zôg erte nicht langer. Ihre B ew egu ngen verrieten jetzt, dass sie einen u n w iderru flich en B eschluss ge- fasst hatte. Sie hatte nach ihrer grôs-seren L iebe gew âhlt. Sie kehrte in den gefâ h rlich en F orst zurück, w o ihre K in ­ der auf sie w arteten — und der T od .

Ihr Lauf w urde jetzt im mer schnel- ler. In grossen S prüngen eilte sie gera- denw egs zum R evier, w o die Leine ge­ spannt war. Sie ü bersprang das G espenst und — versch w and in dem gefa h rv ollen Revier...

J u ljan E jsm ond ,

(3)

Ni 40

P O L O G N E L IT T E R A IR E

3

Un carnet de r out e p o l o n a i s

’ )

E n co re ? E n core un livre sur la g u e rre ?! Pas tout à fait — un carnet de rou te est un peu m oins et b ea u cou p plus qu'un „liv r e sur la g u e r r e E t puis, sera it-ce même „ e n c o r e ‘ un livre sur la gu erre?... B arbusse, D orgelès, R em arque, Renn, Sh erriff et tou te la p léia d e des auteurs

D c n s la région de la N ida, au printem ps 19 5. L es soldats de la I-ère B rigad e aident les laboureurs au x tra va u x des cham ps

cagna, puis, en tortilla n t sa casquette dans ses mains et en écoutant n otre cau ­ serie, il s'est adressé à W lo d e k Lencki, qui était assis au b o rd : „E t com m ent, M onsieur, qu e lle va être maintenant la P olog n e, est-ce qu elle va être en elle- m êm e ou q u o i? " Nous nous som m es re ­ gardés avec étonnem ent, étranglés de cette jo ie soudaine qui nous inondait le coeu r!

7) La I-è re B rig ad e s'est distinguée tout particu lièrem en t pendant 1 offen sive russe de 1916 au b o rd du Styr.

; R ussie ne faisait de la fa illite d e l'E m ­ p ire qu une q u estion de tem ps. Quant à l ’A llem a gn e, son arm ée pou vait rési­ ster lon gtem ps en core, mais à con d ition q u 'e lle fût alim entée régu lièrem ent de fraîch es recrues. P ilsu dski, vou lant em ­ p êch er le recrutem ent des P olon a is, donna sa dém ission et p rescrivit la dissolu tion de la I-ère B rigade.

10) P ilsu d sk i fut arrêté par les A lle ­ m ands le 20 ju illet 1917 et interné à la forteresse de M a gd ebou rg d 'o ù il ne s o r­ tit que le 9 novem bre 1918 à la suite de la d éb â cle du fron t extérieur et in térieur allem and.

Et ils sont des m illiers .qui croien t que le Seigneur les entendra. Ils y croien t d autant plus que, dès 1913, Pilsu dski, prop h ète de leur religion, p rêch e: „P o u r nos buts tant politiq u es que socia u x nous devons com battre. Et ceci non en faisant m archer nos langues, ni au m oyen de p a p ier im prim é, mais les armes en main '. Et cet autre avertissem ent, co m ­ bien éloquen t dans sa b ouche: ,,11 n ’y a rien d aussi dou lou reu x que de ne savoir p rofiter des possibilités favorables, et elles approchen t, elles sont mêm e d éjà tout près' . P ilsu dski em brasse l'h orizon p olitiq u e d un oeil vraiem ent prophétique, en disant, au printem ps de 1914, dans une con féren ce pu blique à la S ociété d e G é o ­ graphie à Paris: „L e p roblèm e de 1 in dé­ pen dan ce de la P olog n e ne sera d éfin iti­ vem ent résolu qu 'au cas où la R ussie

se-n ’y a pas à hésiter: aux maise-ns de celui qui rêvait de devenir sold a t polon a is et qui croy a it q u ’il le deviend rait un jour. A u x mains de cette p oig n ée de fous qui sont prêts à suivre leu r Com m andant partout en

...„) étant sur le bûcher D e leurs vies la d e s t in é e " 5). A u x mains des soldats de la I-ère B ri­ gade don t fait partie Lipihski. Et m ain­ tenant, lui fera s-tu en core grief, ô lecteur

plaint dans son ra pp ort P ilsu dsk i, — et il est de m on d ev oir de vous faire savoir que, si cet état de choses dure, le d éta ­ chem ent de K ielce sera anéanti, non pas par les baïonn ettes ou les b a lles d e 1 en­ nemi, mais par la m isère et les m aladies. L 'état m oral de ma troup e est excellen t, 1 état ph ysiq u e d é p lora b le à cause de la m isère de 1 équipem ent que vous co n ­ naissez, m on G én éra l".

Oui, l ’état m oral reste adm irable. E lle tient bon, cette I-ère B rigad e — co m p o - 1 site, hétérogèn e — que ces m essieurs de

W acta w Lipinski, p ein t par St. Jgn. W itkiew icz

Sur le secteu r de K o n a ry (m ai 1915). Un p o s te d’ observation

*) W a c la w L ipinski: „S zla k iem I B ry - g a d y " (,,A v e c la I-ère B r ig a d e ') . E d i­ tion: „P o ls k a Z je d n o c z o n a " à V arsovie. 2) C est le nom que les légionnaires donnent, en core a u jo u rd ’hui, à P ilsu dski.

3) L ipinski, actu ellem ent com m andant de 1 arm ée polon a ise, est né à L odz, im ­ p ortante ville in du strielle de la P olog n e. Jeun e savant, il est 1 auteur de plusieurs ouvrages h istoriqu es très appréciés.

4) „L a litanie des pèlerins ', poèm e qui term ine ,,Les livres de la n ation et du p èlerin a g e" de M ick iew icz.

de d ifféren tes nations sont loin, très loin d'a voir épuisé le sujet. Im p ossible! on fut trop n om breu x à se battre pen dan t ces années trop longues de cette guerre trop atroce.

On s entretuait, on m angeait, on b u ­ vait, on dorm ait, mais, pa rfois, on a rri­ vait à penser. On arrivait à revivre dans l'im agin ation tout l'in vraisem b la b le de cette vérité qu otid ien n e de la guerre. Et cela, sans aucun e ffo rt de lim a g in a - tion. M om ents précieu x, car, à force de fatigue, on devenait sim ple. M om ents terribles, car, à fo rce de sim plicité, on devenait sincère. ,,On ‘ c est le sold a t et surtout, un jeune soldat. C elui qui ne fait que com m en cer à con n a ître la vie et qui com m en ce à la con n a ître du côté de la m ort. S on carnet à lui m anque de tout fard littéraire — il est d une lecture pén ib le: il fait peur, il ren d lâche. Il humilie.

Ce carnet de route hum ilie bien d a ­ vantage lorsq u il est écrit par un jeune gars, un enfant presque, qui reste a d m i­ rablem ent serein après d eu x ans de tran ­ chées, car, engagé volon ta ire, il se dit: ,jC 'cst la guerre, d o n c il faut, à chaque instant, être prêt à tout. Il le faut, et tout est dit. P erson n e n 'a l'en vie de se casser la tête à form u ler ce d ev oir — à quoi bon p erd re son tem p s? Les im ­ menses roues d e la m achine q u ’on a p ­ p e lle ,,le s o rt" nous ont happés — im ­ p ossib le de les arrêter, im possib le d e les éviter. N 'a -t-o n pas rêvé ja d is de la vie de s o ld a t? Eh bien, m aintenant c'est fait, et on 1 a ccep te com m e q u elq u e ch ose de bien connu et de n écessaire. Y a u ra -t-il une P o lo g n e au bout de cette gu e rre ? — à cela person ne ne réfléch it: ce n'est pas l'a ffa iré du soldat, mais uniquem ent ce lle du C om m a n d a n t2). L 'a ffa ire du solda t c ’est de donner son sang, ses forces, sa sueur et de ne pas lâch er le fusil. Tu as rêvé de la guerre — tu l'as a u jo u r d h u i! T u as rêvé de la P o lo g n e — tu l auras p robablem en t à fo rce de faire la guerre, grâ ce à ton sang à toi et grâ ce au ce r­ veau du C om m andant. Et la m o r t? On n 'a plus pou r elle que du cynism e. Et pas du cynism e d e ca m elote —- non, il est de bon aloi. Tu te rends com pte: c'est un seul coup, un cou p de massue, et tu ne sais plus rien. La fin de tou t".

E t v oilà en quoi „ A v e c la I-ère B ri­ g a d e " d iffè re sensiblem ent des autres carnets de rou te: son auteur est h eu ­ reux de p ou voir se battre. L ecteu r p a ­ cifiste, écou te son aveu sincère avant de le con da m n er! Tu changeras, p eu t-être, d'avis.

Oui, W a cla w L ip inski — un chétif collég ien -scou t et fils d un pa isib le b o u r ­ geois de L ô d z 3) — rêve de d even ir s o l­ dat. A con d ition , tou tefois, d e devenir •un sold a t p olon ais. N on seulem ent il en rêve, mais il y croit ferm e. Il y croit au p oin t de s 'ex ercer en cachette au m an ie­ ment des armes. B ien avant août 1914. D onc, c ’est un fou. U n fou dan gereu x pour son entourage, un fou qui risque la Sibérie, des rêves pareils constituant un grave délit d Etat en R ussie tsariste. Mais Lipinski n'est pas le seul à être {o u . Ils sont des m illiers qui p rien t avec ardeu r:

La guerre des m ondes p ou r la liberté des peuples A cco r d e z -n o u s , Seigneur.

Les armes et les aigles nationales A cco r d e z -n o u s , Seigneur.

La m ort bienfaisante du cham p de b a ta ille A cco r d e z -n o u s , Seigneur.

P ou r nos corp s une tom be dans n otre terre A cco r d e z -n o u s , Seigneur.

L'unité, la liberté, la vie de n otre P atrie A cco r d e z -n o u s , S e ig n e u r4).

Un t) p e de légionnaire de la I-è r e B rigade

rait battue par l ’A llem a gn e et l ’A lle ­ m agne — par la F ran ce. 11 est de notre d ev oir d ’y prêter n otre con cours, autre­ ment nous aurons à m ener une lutte très lon gu e et très dure, presqu e d ésesp érée". Il pa rle d éjà en chef.

p a cifiste, de ce q u ’il soit heureux d ’a ller se b a ttre?

Il a du cran, ce b la n c-b e c de L ip in ­ ski qui voit la ville de L ôd z a ccu eillir a vec enthousiasm e les régim ents de C o ­ saques et qui a pp ren d qu à „V a rso v ie le ru ssophilism e pren d les prop ortion s du délire, que tout le m on de a les yeux fixés sur la Russie, que tout le m onde

l ’ éta t-m a jor autrichien ont l'h a b itu de de traiter dédaigneusem ent en ,,bande de c i­ vils '. E lle com pte des P olon a is de toutes les P olog n es, des „p lu s de 50" et des ,,moins de 16" ans, y com pris ceu x qui parlent à pein e le polon ais, y com pris des fugitifs de 1 arm ée russe, y com pris même des femm es. E lle com pte des écrivains célèbres et des paysans illettrés, des p r o

-Un typ e de légionnaire de la I-è r e B rigade

Et c'est p ou rq u oi il peut, en août 1914, p ren d re cette décision, p érem ptoire entre tou tes: „L e m onde entier entrait dans la lutte. J e ne voulais pas perm ettre que, au m om ent où l'on devait tailler a vec des glaives de nouvelles frontières sur le

L es tra n ch ées de la 1 è r e B rigad e au x en viron s de Urzçdou) p rès Lublin (ju illet 1915)

renie l ’aventure lé g ion n a ire"; il a du cran, ce petit collég ien de s'en rôler quand- m êm e dans ce qu il a p p elle ,,1 arm ée p o ­ lo n a ise", Une armée, c e la ? L ipinski et ses cop ain s prennent pou r la prem ière fois la garde du ,,quartier gén éra l" de L od z après la retraite des Russes, et il n ote dans son ca lepin : ,,N ous disp osions d 'u n seul uniform e et d'u n seul fu sil".

fesseurs réputés et de sim ples ouvriers, de la v ieille n oblesse et des étudiants juifs... Leur état m oral est bon, car — n ote L ipinski — ,,je crois que, si la guerre ne devait pas éclater et si son lou rd s ou ffle ne nous avait pas touchés, notre vie civile nous aurait paru singu­ lièrem ent vid e et stérile. T ou te notre activité de scouts et de ch a ss e u rs 6), tou

-L e lieutenant K o n iecz n y , artiste scu lp teu r, m ort au cham p d’ honneur à K ostiu ch n ou ka (ju illet 1916), tra- vai le dans un abri de la Nida à scu lp ter une sta tu ette rep résen tan t un légionnaire. C ette statu ette a été o ffe r te par l’artiste à J o z e f P u su dski

corp s vivant de n otre Patrie, seuls les P o ­ lonais y m anquassent. J e ne voulais pas adm ettre que sur les plateaux du sort, suspendus au-dessus de nos têtes, sur ces plateaux où 1 on jetait des glaives, 1 épée p olon a ise fût absente". Mais à q u e l­ les mains con fier cette épée p o lo n a is e ? Il

T ransport des b lessés dans la région de U rzçd ow (p rès Lublin, 1915)

Et q u el fu sil! Les chasseurs de P ilsu dski sont munis de lou rds „ W e r n d l" m odèle... 1879 et ce n'est q u ’au fron t qu ils les éch angeron t con tre de ,.beaux m anlichers que nous achetons aux soldats du train autrichiens qui les vendent volon tiers à raison de d eu x cigarettes le fu sil".

De téléphon es, de m itrailleuses, de cuisine de cam pagne, d'équip em en t — p oin t de trace. ,,D epuis votre visite, mon G énéral, aucun tran sport n'est a rriv é ,— se

6) L 'hym n e très pop u la ire de la ,,I-ère B rig a d e".

tes nos pensées et tous nos rêves co n ­ vergeaient vers elle, vers cette gu erre qui devait un jou r arriver sûrem ent. Et voilà pou rqu oi elle nous pa ra it maintenant aussi n aturelle que le jou r où nous q u it­ tâmes la m aison pa tern elle '.

A v eu terrib le dans la bou ch e d'un gosse, d'un ,,b le u "?... N on pas, puisque c est 1 idéal de la P atrie indépen dan te

“ ) Les m em bres de l'orga n isa tion m i­ litaire p olon a ise, form ée clandestinem ent par P ilsu dski, portaient le nom de „s t r z e lc y “ , c e s t-à -d ire de ..chasseurs".

qui a fait naître, et son activité de scout, et ses rêves de chasseur. N on pas, pu isque ,,j’ai à présen t 1 im pression de com p ren d re et de sentir b ea u cou p m ieux cette in d é­ pendance, depuis que je p eu x m e battre p ou r e lle ", con fesse Lipinski. Et voilà p ou rq u oi il a ccep te, sans trop grogner, et le poid s du sac qui fait plier ses épa u ­ les chétives, et le ra vitaillem en t d é fe c ­ tueux qui, souvent, le fo rce de ,.serrer d'un cra n ", sa ceinture, et la b ou e des tranchées qui le gra tifie d 'a ccès de rhu­ matisme aigu, et la ch aleur torrid e qui le met à deu x pas du ch oléra et de la mort. V iennent ensuite les vraies horreurs de la guerre — le carn et de rou te en porte des traces p rofon d es. C est la ca m ­ pagne, cette gaie, b e lle et op u len te ca m ­ pagn e p olon a ise, a u jo u rd ’hui brû lée, p il­ lée, dévastée, ju s q u a u cim etière don t ,,les tom bes m êm e sont ravagées par les chiens affam és qui déterrent les ca d a ­ vres et les dévorent... J e ne p eu x plus v oir cette terrible, im m ense m isère du m alheureux paysan p o lo n a is ". H élàs! il sera fo rcé d ’assister, im puissant, à d au­ tres tragédies bien plu s douleureuses pou r son coeu r de s o ld a t: il verra ses m eilleurs amis tom ber l'u n après 1 autre, fra ppés d'un e b a lle ennem ie — ce n est pas 1 am ertum e, mais une co lè re aveugle

Nous ne pou vion s com p ren d re tout d 'a ­ b o rd quoi, com m ent, pou rq u oi... P ou rq u oi ne d em a n d e-t-il- pas ses bancs et ses m a­ telas, p ou rq u oi ne les p le u re -t-il pas, p ou rq u oi ne se p la in t-il pas de son sort de chien, de son sort de prop riéta ire ri­ che la veille, maintenant ruiné et réduit à la m isère! Com m ent, p ou rq u oi cette q uestion étrange, ce souci de P o lo g n e en P o lo g n e ? '

C e gran d souci d é cid e de la m orale de tou te la I-ère B rigade. A ussi, lorsque, après des luttes sanglantes et des b a ta il­ les glorieuses, après cette lon gue et p é ­ n ible cam pagne qui a révélé les m agni­ fiques qualités du légion naire p olon ais, lorsque „la b a n d e de civ ils" est devenue une force arm ée très respecta b le et très r e s p e c t é e 8), lorsq u e les résultats p o s i­ tifs de ces sa crifices paraissent p r o b lé ­ m atiques, un ca fa rd terrible com m ence à ron ger les âm es de tous les Lipinski. Et c est p ou rq u oi le dern ier ch a pitre du carnet est intitulé: ,,L 'épée b ris é e ". ,,11 est arrivé ce à quoi nous avion s peur de penser — la dém ission du Com m andant est aceptée, la I-ère B rigad e est d is­ s o u t e 8). La fin de tout. C est a vec la plus gran de peine que j ai pu ann oncer la n ou velle à mes gars. La section s’est disp ersée — chacun m arche à m oitié fou.

T om beaux des lég'O’ naires t i é s au bord du s tyr (V o lh y n ie , 1916). A u prem ier plan, tom beau m ahom étan du serg en t de la I ère

B rigad e, A lek sa n d er S u lkiew icz, am i de J o z e f Pi.'sudski

et une rage fo lle qui déb ord en t dans son âme, lorsq u 'il s écrie: „D ieu , que je hais cette gu erre!

T ou t en haïssant la guerre, Lipinski ne la m audit pas. Il ne peut pas la m au ­ dire, car elle a pou r lui une raison d être tou te différen te de ce lle pou r la q u elle se battent les soldats des autres arm ées. Il s'en rend nettem ent com pte lors de son prem ier con g é: ,,L ôd z qui, il y a 14 mois nous con sidéra it com m e une b a n d e de fous ou m êm e de traîtres, cette L ô d z -là vit a u jo u r d h u i a vec les échos de nos ex p loits sur le S t y r " ...7). Lipinski co n ­ state avec jo ie que ses cam arades ne sont pas m orts en vain, pu isque 1 id ée de 1 in d épen da n ce se fra ie un chem in de plus en plus large dans les esprits de toute la société polon a ise — ,,quel que soit n otre sort à nous, soldats polon ais, queie que soit l ’issue de la guerre, nous avons obten u d é jà une v ictoire éclatan te: sur la m are pestilente de l ’escla va ge pousse la fleu r de la lib erté". La phrase est un peu ro n fla n te ? Pas trop, car elle est é cri­ te p a r un ga rçon de 18 ans et, circ o n ­ stance im portante, car elle lui est sug­ gérée par ce qu il voit et par ce q u ’il entend. U n exem ple entre autres: ,,Un soir, pen dan t que nous étions assis au b ord des tranchées en bavardant, de 1 au­ tre côté de la route est arrivé un paysan d ici qui dem eurait sur les cen dres de sa m isère. Il s’est traîné ju sq u ’à la tranchée bien am énagée de ses bancs et de ses arm oires, il a rega rd é cette n ou velle

Un vid e e ffro y a b le se fait sentir p a r­ tou t". Il ne reste plus que 1 honneur du s o ld a t-cito y e n et la foi in ébran lable dans le génie du Com m andant. M êm e l'ép ée brisée, Lipinski peut rester à son poste.

L 'é p o p é e de la I-è ré B rigad e est finie, m ais la geste légion n aire con tin ue jusqu'au 10 n ovem bre 1918. J u s q u a u retou r du C om m andant de la forteresse de M a g d e­ b o u r g 10), ju s q u a la p rocla m a tion solen ­ n elle de la P o lo g n e In dépen dan te, ju s­ q u ’à la con stitution de l'arm ée régulière.

1 . St. K lingsland.

8) Les L égions firent preuve d ’une attitude tellem ent e x cellen te et d'un calm e tellem ent fascinant au feu que les gén é­ raux autrichiens, voisins des divisions lé ­ gionnaires, soldats de carrière, — p r o fe s ­ sionnels dans tou te l ’a ccep tion du ter­ me, —- se soum irent de leur plein gré au com m andem ent du colo n e l S osn kow - ski, chef d éta t-m a jor de la I-è re B rigade, qui dirigeait la bataille, en l'a bsen ce du C om m andant P ilsu dski.

9) L e 29 ju illet 1916 P ilsu dsk i donne sa dém ission de C om m andant de la I-ère B rigade. Ni a b dica tion p erson n elle, ni re ­ traite id éo lo g iq u e — sim ple changem ent d armes et de m éthodes de com bat a d a p ­ tées à la m esure du nouvel adversaire, de l'A llem a n d . La G rand e G uerre se changeait en guerre d'usure. Il n 'était pas dans le p la n P ilsu d sk i d arrêter l'usure allem ande. La situation in térieu re de la

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