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Pour une définition du roman historique

LE ROMAN DE L'HISTOIRE DANS L'HISTOIRE DU ROMAN

1.2. Pour une définition du roman historique

A la question : "Qu'est-ce qu'un roman historique ?", nombre de réponses commencent encore aujourd'hui par une introduction aussi naïve que discutable : "Le roman est une fiction, une invention d'auteur ;

234 Cf. A. de Vigny, "Réflexions sur la vérité dans l'art", in Cinq-Mars, Lausanne, Editions Rencontre, 1978, p. 35-36.

235 G. Lukács, op. cit., p. 401.

l'Histoire est la réalité du passé"236. Or, après avoir étudié et commenté l'évolution de l'histoire contemporaine, entre le narrativisme et la microhistoire, il est impossible de prétendre ignorer combien cette "réalité du passé" reste douteuse. Il y a trois décennies, il était concevable, à l'instar de Georges Molino, de résumer le roman historique à "un récit où le cadre est réel et les héros fictifs"237 ou, comme Jean Molino quinze ans plus tard, de décrire la forme canonique du roman historique moderne de la façon suivante :

Des héros moyens, hommes quelconques mais représentatifs, sont pris dans une époque de crise où se heurtent deux cultures ou deux partis et se mêlent aux grands personnages et événements, exprimant la façon dont une société vit son histoire.

L'accent peut être mis [...] tantôt sur les grands hommes, tantôt sur les moeurs, tantôt sur les héros, mais l'essentiel se trouve dans la liaison organique des trois éléments, les événements historiques, les façons de vivre et de penser d'une époque, et enfin l'aventure individuelle des héros238.

Seulement, nous le savons, cette forme canonique est loin d'être la seule possible – tout comme il n'existe pas d'essence intemporelle du roman historique, du roman ou de l'histoire.

Mais le roman historique classique reste une réalité et un point de référence obligé – et plusieurs critiques s'y réfèrent. Le schéma traditionnel du roman historique, selon Alexis Márquez Rodríguez, doit comporter une toile de fond rigoureusement historique, une anecdote fictive au premier plan, volontiers agrémentée d'un épisode amoureux :

Si examinamos el esquema estructural de cualquiera de las novelas históricas de Walter Scott [...] podremos observar los siguientes elementos definitorios : 1. Una especie de gran telón de fondo, de riguroso carácter histórico, construido a base de episodios ciertamente ocurridos en un pasado más o menos lejano del presente del novelista. En tales episodios se percibe la presencia de figuras históricas muy conocidas, que aparecen con sus propios nombres, y actúan conforme a su tiempo y a sus rasgos psicológicos y en episodios reales de su vida.

236 B. Solet, Le roman historique : invention ou vérité? Paris, Editions du Sorbier, 2003, 143 p.

237 G. Molino, "Qu'est-ce que le roman historique?" in La Revue d'Histoire Littéraire de la France, 1975, n° 2-3, p. 201.

238 J. Molino, "Histoire, roman, formes intermédiaires", in L’histoire comme genre littéraire, Mesure, n° 1, Paris, José Cortí, 1989, p. 63.

2. Sobre ese telón de fondo, el novelista sitúa una anécdota ficticia, es decir, inventada por el, con episodios y personajes que no existieron en la realidad, pero cuyo carácter y significación son tales, que bien pudieron haber existido, pues encajan a la perfección dentro del contexto histórico de fondo, y no resultan extraños a los valores y demás elementos morales e ideológicos que forman la atmósfera, por supuesto histórica, que envuelve a los hechos narrados.

3. Por la regla general, la novelas de Scott, y todas que han seguido sus lineamientos, presentan – por lo común, pero no necesariamente, dentro de la anécdota ficticia – un episodio amoroso [...].

4. La anécdota ficticia constituye el primer plano de la narración, y en ella se enfoca la atención central del novelista y del lector. El contexto histórico real es sólo eso, contexto, telón de fondo como arriba se dice. [...] De la relación entre los personajes centrales, ficticios, y los colaterales, de carácter histórico, derivan algunas de las claves fundamentales de la trama novelesca, que explican, por ello mismo, muchos de los comportamientos de los personajes, tanto reales como ficticios, así como también las soluciones que se van dando a los conflictos que a lo largo del relato se han ido presentando, hasta culminar con la solución o desenlace final239.

Voilà une description à la fois claire et détaillée. Amy Elias va dans le même sens, mais d'une manière bien plus laconique et générale, lorsqu'elle précise les quatre présupposés basiques du roman historique dans sa forme classique :

1. it assumes the ontology of history ;

2. it assumes that history, as the shaping force of culture, can be identified and assessed (particularly in economic structures) by an unmotivated, neutral human observer who can inductively extrapolate a developmental pattern in history itself ;

3. it assumes and upholds notions of cultural and personal value derived largely from Western bourgeois economies ;

4. it assumes the shape of history to be linear and the motivation of history to be Progress 240.

Laura Serrano de Santos analyse le roman historique en tant qu'imitation, expression historique et fiction, ce qui selon elle doit correspondre aux trois époques déterminantes dans son évolution :

239 A. Márquez Rodríguez, Historia y ficción en la novela venezolana, Monte Ávila Editores, 1990, p. 21-22.

240 A. J.Elias, Sublime Desire. History and Post-1960s Fiction, op. cit., p. 12.

l'époque classique, romantique et contemporaine241. André Peyronie arrive progressivement à la conclusion que la donnée fondamentale du roman historique est peut-être la non-contemporanéité de l'écrivain par rapport à son récit et la nécessité, pour lui, que l'Histoire se soit constituée comme telle. Dans la définition comme dans l'approche du genre historique, l'opposition binaire du réel et de la fiction risque d'être stérile, si l'on n'introduit pas, en troisième terme, l'écriture de l'Histoire. Le roman historique serait à la fois un dépassement prospectif de l'historiographie et une réécriture expérimentale du passé242.Toujours à propos de la définition du genre, Daniel Cowart postule une forte conscience historique :

I myself prefer to define the historical fiction simply and broadly as a fiction in which the past figures with some prominence. Such fiction does not require historical personages or events [...], nor does it have to be set at some specified remove in the time. Thus I count as historical fiction any novel in which a historical consciousness manifest itself strongly in either the characters or the action243.

L'originalité de la démarche de Kurt Spang consiste à passer d'abord en revue les genres limitrophes : mémoires, journal intime, biographie et autobiographie, chronique, légende, épopée, chanson de geste, roman de société (Gessellschaftsroman), roman d'actualité (Zeitroman), roman d'apprentissage (Bildungsroman), roman de science-fiction – voilà tout ce que le roman historique n'est pas244. Ensuite Spang

241 L. Serrano de Santos, "Novela histórica a finales del siglo XX : lectura literaria ficcional y un caso de lectura paraliteraria imitativa" in La novela histórica a finales del siglo XX, actas del V seminario internacional del instituto de semiótica literaria y teatral de la U.N.E.D (sous la direction de M. Garcia-Page, F. Gutierrez-Carbajo, J. Romera-Castillo, Madrid, Visor, 1996, p. 393-399.

242 Cf. A. Peyronie, "Note sur une définition du roman historique suivie d'une excursion dans Le nom de la rose", in Le roman historique : récit et histoire (ouvrage collectif) Nantes, Editions Pleins Feux, 2000, surtout p. 284-286.

243 D. Cowart, History and the Contemporary Novel, Carbondale & Edwardsville, Southern Illinois University Press, 1989, p. 6. (Cf. aussi A. Fleishman, The English Historical Novel : Walter Scott to Virginia Woolf, Baltimore, John Hopkins University Press, 1971, 262 p. et I. Schabert, Der historische Roman in England und Amerika, Darmstadt, Wissenschaftliche Buchgesellschaft, 1981, 238 p.)

244K. Spang, "Apuntes para una definición de la novela histórica", dans La novela histórica. Teoría y comentarios (ouvrage collectif), E.U.N.S.A., Pamplona, 1998, p. 51-87.

détache le modèle interprétatif et narratif de l'histoire du 20e siècle du modèle objectiviste et documentaliste du siècle précédent. Parallèlement, il distingue deux modèles de roman historique, illusionniste et anti-illusionniste :

o le roman historique illusionniste (19e siècle) – soit une vision d'en haut ;

o le roman historique anti-illusionniste (19e/20e siècle) – soit une vision d'en bas.

Le roman historique illusionniste naît de la volonté de l'auteur de créer une illusion d'authenticité et de véracité de son texte. Le récit permet de faire revivre le passé et de reconstruire les mentalités de l'époque, et l'écrivain partage avec ses lecteurs la conviction que l'homme est le moteur de l'histoire. Par contre, le roman historique anti-illusionniste correspond à une démarche critique dans l'histoire. Le romancier insère les éléments historiques dans un univers fictif – et non seulement il n'estompe pas leurs limites, mais au contraire, il attire l'attention du lecteur sur la discontinuité et l'hétérogénéité du récit. On pourrait dire que l'écrivain réveille son lecteur au lieu de l'hypnotiser à travers la lecture. Son récit n'est qu'une collection de puzzles : au lieu de présenter l'histoire, on ne présente qu'une histoire – ou des histoires au pluriel. Pour briser l'illusion romanesque, le récit reste souvent incomplet ou inachevé : le narrateur n'hésite pas à avouer son manque de compétence. Par ailleurs, l'écrivain partage avec ses lecteurs la conviction que le rôle de l'individu dans l'histoire est bien restreint.