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La généalogie du nouveau roman historique

LE NOUVEAU ROMAN HISTORIQUE EN AMERIQUE LATINE

3.1. Les prémisses

3.2.1. La généalogie du nouveau roman historique

Afin d'établir un corpus représentatif et relativement homogène, Menton devait opter pour une définition précise du roman historique. Au départ, il semble croire que tout roman est historique dans la mesure où il reflète toujours une certaine réalité sociale. Et particulièrement le roman hispano-américain, orienté davantage sur les questions politiques et

sociales que psychologiques, comme le remarque également José Emilio Pacheco par rapport au roman mexicain du 19e siècle :

La novela ha sido desde sus orígenes la privatización de la historia […], historia de la vida privada, historia de la gente que no tiene historia […]. En este sentido todas las novelas son históricas301.

Néanmoins, les nécessités de son étude obligent Menton à réserver la catégorie de "roman historique" pour les œuvres de fiction dont l'action se place dans le passé – même si, là encore, il a le choix entre plusieurs définitions. Entre Raymond de Souza, qui dans les années 80 s'intéresse à toute fiction dans laquelle le passé occupe une certaine importance302, Joseph W. Turner qui un peu plus tôt propose une distinction entre le roman historique "documenté", "déguisé", "inventé" et "comique"303, ou encore Avrom Fleishman qui dans les années 70 préconise une distance de deux générations entre l'auteur et l'époque qu'il traite dans son roman pour que celui-ci soit appelé "historique"304, Menton décide finalement d'adopter la définition la moins récente et en même temps la plus générale.

Il choisit celle d'Anderson Imbert, qui proposait en 1951 :

Llamemos "novelas históricas" a las que cuentan una acción ocurrida en una época anterior a la del novelista305.

301 J. E. Pacheco cité par S. Menton, La Nueva Novela Histórica de la América Latina 1979 – 1992, op. cit., p. 32.

302 R. Souza, La historia en la novela hispanoamericana moderna, Bogotá, Tercer Mundo Editores, 1988, 199 p. Sur une bonne base théorique contemporaine (Metahistory de H.

White ; World Hypotheses de S. Pepper ; Semioties and thematies in Hermeneuties, de T.

Seung, et Rethorical Poetics, de D. Rice & P. Schofer) de Souza analyse l'écriture de huit romans historiques hispano-américains (El siglo de las luces de Carpentier ; El mundo alucinante d'Arenas ; La guerra del fin del mundo et Historia de Mayta de Vargas Llosa ; Sobre héroes y tumbas, de Sábato ; La muerte de Artemio Cruz, de Fuentes, El guerritiero, de Rosario Aguilar, et Pepe Botellas, d'Alvárez Gardeazábal).

303 Cf. Joseph W. Turner, "The Kinds of Historical Fiction : An Essay in Definition and Methodology", in Genre, 12 (1979), p. 333-355.

304 A. Fleishman, The English historical novel : Walter Scott to Virginia Woolf, London, Johns Hopkins Press, 1972, 262 p.

305 Cité par S. Menton, ibidem, p. 33.

C'est bien pour cette raison que Menton avoue avoir exclu de son étude quelques romans très célèbres reflétant le passé "immédiat", comme nous le dirions aujourd’hui, et donc connu personnellement par l'écrivain : comme La muerte de Artemio Cruz (1962) de Carlos Fuentes, Sobre héroes y tumbas (1962) de Ernesto Sábato, Conversación en la catedral (1969) de Mario Vargas Llosa, El recurso del método (1974) d'Alejo Carpentier ou La novela de Perón (1983) de Tomás Eloy Martínez.

Et cependant, au cours de ses analyses, Menton se voit obligé d'élargir la notion du roman historique et de renoncer à ses propres exigences. En effet, il inclut dans son ouvrage l'étude de Respiración artificial de Ricardo Piglia, dont l'action concerne en partie la période entre 1976 et 1979, autrement dit l'époque de la dictature militaire en Argentine.

Etant donné que le livre est publié en 1980, il est certain qu'il s'agit d'une parcelle très récente de l'histoire argentine et que l'auteur en était le témoin direct. Menton justifie son choix, d'une part, par le fait que Respiración artificial se réfère également à un passé plus lointain (le séjour de Kafka à Prague, la montée du nazisme en Europe et les débuts du péronisme en Argentine), que Piglia ne pouvait pas connaître personnellement. D'autre part, la dimension philosophique, politique, dialogique, intertextuelle et méta-fictionnelle du récit en fait l'un des nouveaux romans historiques les plus singuliers.

Bien qu'il considère l'année 1979 comme le début de la popularité de ce qu'il appelle nueva novela histórica hispanoamericana, Menton estime néanmoins que le genre est né en 1949 avec El reino de este mundo d'Alejo Carpentier, grâce à l'introduction massive de personnages historiques au premier plan, à l'effacement des dates et à l'accent mis sur le caractère cyclique de l'histoire306. Menton souligne aussi, bien évidemment, la contribution de Borges, Fuentes et Roa Bastos à l'évolution du nouveau roman historique latino-américain, qu'il envisage aussi bien dans le cadre de l'évolution du roman que dans le cadre de l'histoire du roman historique en Amérique latine.

306 Ce caractère cyclique de l'histoire marque fortement les contes de Carpentier – par exemple "Semejante a la noche" (1952) et "El camino de Santiago" (1954), qu'on retrouve dans A. Carpentier, Guerra del tiempo : tres relatos y una novela, México, Compañía General de Ediciones, 1958, 275 p.

En 1983 dans la Revista de Bellas Artes, publiée en Mexique par Instituto Nacional de Bellas Artes, Fernando Del Paso demandait aux auteurs hispano-américains d'attaquer les versions officielles du passé, comme il le fera dans Noticias del Imperio, considéré comme l’exemple parfait des possibilités du nouveau roman historique. En 1993 Seymour Menton mentionne le même postulat de "asaltar las versiones oficiales de la historia", pour ensuite passer en revue les six caractéristiques fondamentales de la nueva novela histórica latinoamericana.